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Des démons dans l’atelier

Iconographie et piété des artisans en Grèce ancienne

Anne-Catherine GILLIS

Université Lille 3, Halma-Ipel – UMR 8164

Je tiens à remercier tout particulièrement Anne-Françoise Jaccottet qui a accepté de me faire part de ses remarques et suggestions.

L’étude des croyances et des pratiques cultuelles et rituelles des artisans en Grèce ancienne – de la naissance des cités à l’époque hellénistique – dévoile peu à peu un univers religieux foisonnant dont l’iconographie est en partie caractérisée par l’infirmité, la difformité, la laideur et la bestialité. Il s’agira ici de comprendre en quoi cette imagerie participe à l’imaginaire de la production et les raisons qui ont pu mener à la constitution et au maintien d’un tel répertoire iconographique dans l’ensemble du monde grec.

I. La piété des artisans

La piété des artisans1 grecs se développe sous des formes diversifiées. Elle prend d’abord place, dans un cadre officiel, dans les lieux de culte civiques. Un nombre assez conséquent d’offrandes dédiées par des artisans a été mis au jour dans l’ensemble du monde grec et en particulier à Athènes. Ces offrandes s’adressent à des dieux et héros grecs qui n’ont pas forcément de rapport à l’artisanat : l’artisan, avant de se définir comme tel, est un individu dont les préoccupations concernent les différents aspects de son quotidien (santé, famille, etc.) ; l’activité artisanale y occupe une place majeure, mais elle n’en est finalement que l’une des composantes. Certaines offrandes font en revanche clairement référence au métier. La dédicace peut alors s’adresser à des divinités très spécifiques, comme Athéna Erganḗ, l’Athéna industrieuse qui veille sur la production artisanale ou Héphaïstos, dieu des forgerons.

La piété des artisans déborde cependant du cadre civique. La fouille des ateliers a mis au jour des aménagements à vocation cultuelle au sein des espaces de production témoignant de l’importance des pratiques religieuses dans le quotidien des artisans. Ces aménagements peuvent prendre une forme très aboutie, comme par exemple à Corinthe, dans l’atelier que l’on appelle « Tile Factory » où les fouilleurs ont découvert un petit enclos sacré dans lequel avaient été dédiées de nombreuses offrandes2. Dans la plupart des cas, les aménagements cultuels découverts dans les espaces de production, ou dans leurs environs directs, consistent en des représentations de personnages mythiques. On peut citer pour commencer les reliefs rupestres sculptés à proximité des carrières de marbre : plusieurs reliefs d’Héraclès (fig. 1) et d’Artémis ont été découverts à Thasos3 ; Cythère4 et l’Isthme5 fournissent des exemples semblables mais d’époque romaine. Un autre exemple, plus complexe cette fois, provient de la carrière d’Aghios Minas à Paros6 (fig. 2) : il met en scène, sur trois registres, un ensemble de divinités qui entretiennent un rapport étroit à la nature et à la fertilité (la Grande Mère, les Nymphes, Pan, Achéloos, Artémis Bendis, etc.) ainsi que des dieux qui leur sont plus ou moins directement associés (peut-être Dionysos, Hermès, etc.)7.

Fig. 1 : Relief rupestre d’Héraclès des carrières de Saliari, Thasos, d’après Kozelj, Muller & Sodini 1981.

Fig. 2 : Relief rupestre des carrières d’Aghios Minas, Paros, d’après Berranger 1983.

Ce sont cependant les contextes de production métallurgique et céramique qui se révèlent les plus intéressants pour mon propos. D’un atelier de métallurgiste à Héraclée de Lucanie en Italie du Sud provient une protomé en terre cuite8 représentant un personnage masculin barbu, coiffé du pîlos (fig. 3) ; il tient dans sa main gauche une pince de forgeron et dans sa main droite une phiale ; ces attributs à la fois divins et artisanaux permettent de proposer de reconnaître Héphaïstos. Un autre exemple provient d’un atelier de coroplathes d’Athènes9 : il s’agit d’une protomé représentant un personnage masculin barbu aux traits relativement grossiers (fig. 4). La facture fruste de l’objet détonne tout à fait avec le contexte artisanal et chronologique dont il est issu : la protomé provient d’un atelier coroplastique d’époque hellénistique et pourrait alors être d’une facture bien plus élaborée. Nous reviendrons plus tard sur cette question. La fouille d’un atelier de potier d’Europos, en Macédoine, fournit un témoignage similaire. Il s’agit de deux petites protomés10 à peine ébauchées (fig. 5). Celles-ci présentent la particularité d’avoir été placées dans la maçonnerie de l’alandier du four, ce qui est très suggestif quant à leur fonction – comme nous le verrons ci-dessous. Un dernier exemple provient d’un atelier de métallurgiste de Pétres, toujours en Macédoine. Il s’agit d’un skyphos à relief11 présentant sur chaque face un visage (fig. 6). L’une des faces est assez mal conservée mais l’autre est éloquente : il s’agit d’un visage masculin barbu au nez épaté, aux yeux exorbités et au sourire exagéré.

Fig. 3 : Protomé d’Héphaïstos provenant d’un atelier de métallurgiste à Héraclée de Lucanie, Italie du Sud, d’après Orlandini 1983, p. 331-554.

Fig. 4 : Protomé provenant d’un atelier de coroplathe, Athènes, d’après Watzinger 1901.

Fig. 5 : Protomés provenant d’un atelier de potier, Europos, d’après Savvopoulou & valla 1995.

Les représentations d’ateliers peintes sur les pínakes et sur les vases témoignent également de la présence de tels objets dans les ateliers. Le pínax de Locris12 découvert à Penteskouphia, représente, comme beaucoup d’autres tablettes de même provenance, un potier au travail devant son four (fig. 7) ; par analogie avec les autres pínakes de Penteskouphia, on reconnaît la voûte du four devant lequel se trouve le potier, nommé Locris par l’inscription peinte. On remarque, debout sur l’alandier un petit être aux caractères exagérés : il est nain, barbu, ventru et ithyphallique. L’hydrie de Vulci13, représentant un atelier de potier, illustre chaque étape de la fabrication des vases, du tournage à la cuisson (fig. 8 et 9). Sur le four est suspendue une « face »14 : le visage masculin, vu de profil, présente des traits marqués : l’œil est très grand et la barbe fournie. Notons que cette face est couronnée ou simplement accompagnée d’un rameau à la manière des masques dionysiaques. L’offrande de couronnes, guirlandes et autres rameaux est bien connue dans le monde grec15 et l’association de branches feuillues à une face semble alors pouvoir confirmer le caractère cultuel de l’objet. Un cratère à colonnettes conservé à Caltanissetta16, représentant un atelier de forgeron, apporte un témoignage semblable (fig. 10) : sur le four est peinte la représentation d’un petit être physiquement bien proportionné ; il n’est ni nain ni ventru, mais présente une pilosité développée et des caractères bestiaux : sa barbe et ses cheveux sont longs et fournis et il est muni d’une queue chevaline. Ce personnage fait ainsi directement pendant aux satyres qui œuvrent dans la forge ; la scène s’inscrit en effet dans un cadre mythologique par la présence de deux satyres au travail. Il est généralement proposé de reconnaître dans le personnage central le dieu forgeron Héphaïstos, à moins qu’il ne faille y voir un autre épisode mythique17. Quoi qu’il en soit, la présence du petit satyre sur le four dans un contexte mythologique témoigne de l’importance et de la récurrence d’une telle représentation au sein de l’atelier. C’est dans cet esprit que j’interprète également les faces et pínakes suspendus à côté du four sur la fameuse coupe du peintre de la fonderie18 (fig. 11). Ainsi regroupés sous une double corne, dont la valeur religieuse est bien établie, ces objets ont certainement une fonction cultuelle identique à celle des terres cuites mises au jour dans les ateliers.

Fig. 6 : Skyphos à relief provenant d’un atelier de métallurgiste, Pétres, d’après Adam-Veleni 1991.

Fig. 7 : Pínax de Locris provenant de Penteskouphia, Berlin, Antikenmuseum F683 + F757 + F822 + F829, d’après Chatzidimitriou 2005.

Fig. 8 : Hydrie de Vulci, Munich, Staatliche Antikensammlungen, Museum Antiker Kleinkunst 1717, d’après Chatzidimitriou 2005.

Fig. 9 : Détail de l’hydrie de Vulci, Munich, Staatliche Antikensammlungen, Museum Antiker Kleinkunst 1717, d’après Chatzidimitriou 2005.

II. La perception des immortels par les artisans

Ce rapide aperçu de l’iconographie des croyances dans les espaces de production suffit à mettre en évidence la récurrence de l’image du personnage grotesque aux traits que l’on pourrait qualifier de « démoniques ». C’est d’ailleurs le terme de « démons » que l’on a tendance à employer pour définir ces êtres que l’on peine à classifier, à situer dans une cosmogonie. Je ne m’étendrai pas ici sur les acceptions du mot grec daímōn ni sur les tentatives d’en appréhender les réalités cultuelles, qui sont bien plus vastes que le strict champ de la piété des artisans19. Il est cependant nécessaire d’expliquer le choix du mot « démon » pour définir ces êtres relatifs aux croyances de l’artisanat. Le terme grec daímōn est utilisé dès les récits homériques pour désigner des êtres que les anciens eux-mêmes avaient bien du mal à cerner ; ils sont de nature supérieure à celle des hommes sans toutefois pouvoir être considérés comme divins. Leur fonction est tout aussi ambiguë, bienveillante pour certains, maléfique pour d’autres. Toutefois, on considère généralement que les démons se situent quelque part entre les hommes et les dieux et constituent ainsi un intermédiaire entre la sphère divine et le monde terrestre. Par ailleurs, il semble qu’ils soient le plus souvent pourvus d’un caractère maléfique20. Il faut dès lors noter que, comme nous le verrons plus tard, la difficulté d’appréhension ainsi que l’ambiguïté de leur action caractérisent justement les petits êtres qui peuplent les ateliers. Il apparaît alors naturel d’employer le mot « démon » pour les désigner. A travers le prisme de notre culture visuelle judéo-chrétienne, leur iconographie se révèle d’ailleurs – ce qui n’est pas sans gêner notre volonté de rigueur scientifique… – tout à fait cohérente avec le vocable : ils sont généralement de petite taille, trapus, ventrus et ithyphalliques. Leur visage, grotesque, présente souvent un nez épaté, des yeux exorbités, un sourire malin et une barbe fournie. Ils peuvent également quelquefois renvoyer à une image bestiale qui rappelle Silène, Pan ou les Satyres : ils présentent alors une pilosité très développée, des oreilles pointues, une queue chevaline, parfois même des sabots.

Fig. 10 : Cratère à colonettes, Caltanissetta, musée archéologique 20371, d’après Chatzidimitriou 2005.

Fig. 11 : Coupe du peintre de la fonderie, Berlin, Staatliche Museen 2294, d’après Scholl & Platz-Horster 2007.

L’identification des démons à partir de critères iconographiques mène donc à s’interroger sur la valeur de notre jugement, forcément influencé par notre culture, mais heureusement, d’autres critères, nous venons de les évoquer, permettent d’appliquer le terme daímōn à certaines réalités cultuelles attestées dans les ateliers. De plus, le mot « démon » présente à mon sens l’avantage de rendre le flou et l’ambiguïté qui caractérisent ces personnages tout en restant neutre quant à leur fonction ; les termes baskánia ou geloîa21, par exemple, tendent à les réduire à une fonction et à une forme matérielle qui élident toute la complexité et la richesse de l’imaginaire religieux des artisans.

Par ailleurs, l’iconographie de nos petits « démons » correspond parfaitement à la description que nous ont laissé les auteurs anciens de différents personnages mythiques. L’imaginaire grec foisonne en effet de petits êtres correspondant à l’image du « démon » que l’on vient de dresser. Ils apparaissent dans des épisodes mythologiques diversifiés mais ont généralement en commun une situation périphérique dans le temps et dans l’espace ; autrement dit, ils figurent de manière plus ou moins active dans les récits grecs mais leur action se situe toujours aux origines des temps et/ou dans un espace géographique qui borde le monde hellénique. C’est par exemple le cas des Pygmées qui ont tout du physique de nos petits démons et qui, tout en faisant partie de l’imaginaire grec sont étrangers à son territoire. Le continent africain a d’ailleurs amené en Grèce des dieux au physique grotesque, comme Bès, venu d’Egypte22. Un second dieu égyptien est présent dans le monde grec sous des traits « démoniques » : il s’agit de Ptah, qui n’est autre que le dieu des artisans. La plupart des « démons » entretiennent en effet un rapport à la production artisanale. Les Cabires, par exemple, associeraient, selon certaines sources, physique grotesque et travail du métal par le biais d’Héphaïstos, le dieu des forgerons, considéré comme leur père23. Ils ne sont cependant pas réellement artisans en dehors du spectre du dieu forgeron.

Les Telchines et les Dactyles sont de tous les « démons » les plus attachés à la production métallurgique. Les premiers sont des sorciers qui maîtrisent, entre autres choses, l’art du métal et nous savons, par les textes, que l’imaginaire collectif leur donne une forme « démonique » à laquelle s’ajoutent des caractères zoomorphes ; leur physique est généralement comparé à ceux des animaux apodes tels que les poissons ou les serpents. Les Dactyles pour leur part symbolisent véritablement le travail de la forge : il s’agit de trois frères, nés de la Grande Mère Ida, la déesse montagne troyenne ou crétoise. La légende rapporte leur conflit suite à l’affront de l’un d’eux envers la déesse mère. Celui-ci finira par être emprisonné dans la terre et transformé en fer. Les noms des deux autres frères achèvent d’expliquer le mythe en attribuant à chacun une fonction précise dans le travail de la forge : Damnamenéus, le marteau (de damázein « dompter ») et Akmṓn, l’enclume.

Ce rapide tour d’horizon de la tradition littéraire grecque24 laisse apparaître des similitudes entre ces démons. Outre leur ressemblance physique, la plupart entretient un lien à la métallurgie et un rapport privilégié à une déesse mère. Ils jouent également un rôle important sur la fertilité. De plus, comme je l’ai déjà signalé, leur présence est souvent marginale et les épisodes les concernant se déroulent dans des régions périphériques : Asie Mineure, Lemnos, Rhodes, la Crète et même l’Afrique.

La laideur et la difformité, associées à la métallurgie, ne sont pas sans rappeler Héphaïstos, le dieu des forgerons. Dès les récits homériques, le personnage d’Héphaïstos est déjà parfaitement structuré autour de la métallurgie, de l’infirmité et, plus généralement, de la marginalité : sans cesse emporté dans des aventures des plus ridicules et malheureuses, « l’illustre boiteux », comme dit Homère, constitue, à toutes époques, une image singulière du divin, sinon dans l’iconographie, du moins dans la tradition mythique. Contrairement à l’imagerie archaïque, où le pied tordu d’Héphaïstos est généralement représenté, l’art classique préfère le plus souvent ignorer la difformité du dieu. Cependant, le caractère ridicule et burlesque d’Héphaïstos et de ses aventures ainsi que son handicap n’ont jamais vraiment été oubliés ; certains vases à figures rouges, tout en lui restituant son intégrité physique, ne le montrent d’ailleurs pas de manière bien glorieuse, le rapprochant visuellement davantage du satyre que de l’Olympien25. L’imaginaire collectif – pour ne pas dire la tradition populaire26 – a par ailleurs développé une image de lui tout à fait semblable aux démons, ce dont témoigne un récit d’Hérodote27 : à Memphis, Hérodote assimile sans hésitation le dieu égyptien Ptah à Héphaïstos en raison de leur ressemblance. Il précise que l’Héphaïstos de Memphis ressemble aux Patèques phéniciens qui, eux-mêmes, sont semblables aux Pygmées. Une amphore apulienne provenant d’Arpi témoigne également de l’existence d’une image « démonique » d’Héphaïstos28 (fig. 12). Ce document iconographique, tout à fait exceptionnel – c’est à ma connaissance la seule représentation de ce type qui nous soit parvenue – met en évidence sa rareté – et son absence totale de Grèce continentale.

Fig. 12 : Amphore apulienne, Foggia, Museo civico 132723, d’après Todisco 2008.

Infirme ou non, l’Héphaïstos de l’iconographie proprement grecque est toujours représenté sous les traits d’un homme « normal » et semble donc s’opposer à l’Héphaïstos « démonique » développé par l’imaginaire collectif. Mais plutôt qu’opposées, ces deux images du dieu me semblent renvoyer à un même concept qui affirme la parenté de « l’illustre boiteux » avec les « démons ». Que ses traits soient humains ou « démoniques » et son handicap mis en évidence ou dissimulé, Héphaïstos symbolise une forme de marginalité, comme l’illustre la géographie de son culte : en dehors du cas d’Athènes, qui est le seul lieu de culte d’Héphaïstos réellement établi en Grèce continentale, le dieu forgeron partage avec les différents types de « démons » une géographie périphérique ; ses aventures l’emmènent de l’Asie Mineure à la Sicile en passant par Lemnos et les îles Lipari pour ignorer l’essentiel de la Grèce propre. Héphaïstos partage également avec les « démons » un double rôle de métallurgiste-magicien29 ainsi qu’un caractère ridicule et comique manifeste.

La difformité et la laideur des dieux et démons des ateliers, signalées dans la tradition littéraire apparaissent donc dans l’iconographie cultuelle. Mais au-delà de l’image elle-même, la facture des objets semble également participer au rendu grotesque. C’est particulièrement visible dans le cas des protomés d’Europos (fig. 5), auxquelles une réalisation très fruste donne un aspect d’ébauche qui, à un point tel, ne peut être que volontaire. La protomé d’Athènes est également de facture grossière (fig. 4). Dans ce cas-ci, l’hypothèse selon laquelle le manque de modelé, les traits grossiers et la stylisation de certains détails sont volontaires trouve un écho particulièrement fort en raison du contexte artisanal dont elle est issue : l’objet a été découvert dans un atelier coroplastique d’époque hellénistique ; l’artisan avait donc largement les moyens techniques de concevoir une figurine élaborée, ce qui nous laisse supposer que l’aspect grossier est intentionnel et participe véritablement à l’image. Dans le cas de la protomé d’Héraclée de Lucanie (fig. 3), le rendu est dans l’ensemble plutôt harmonieux et soigné mais présente, dans le détail, des erreurs de proportions et un manque de soin : les mains sont beaucoup trop grandes par rapport à l’ensemble du buste ; la barbe et les mamelons apparaissent clairement comme des éléments sommairement modelés et rapportés un peu maladroitement sur la pièce ; le traitement de la peau et du vêtement laisse également un sentiment d’incohérence : le torse, censé être nu, semble conserver la trace d’un ancien drapé et le bord du manteau est maladroitement esquissé. Sur un plan technique, ces indices semblent pouvoir indiquer que notre Héphaïstos a été réalisé à partir d’un moulage de protomé féminine « bricolé » avant séchage de l’argile ; ce type de « bidouillage » à partir d’un moulage est assez courant dans l’artisanat coroplastique et permet de répondre à des besoins précis qui dépassent la standardisation habituelle de la production. Il est tout à fait envisageable que l’objet ait été fabriqué par l’un des coroplathes voisins ; plusieurs ateliers coroplastiques ont été mis au jour dans le même quartier que la forge sur l’acropole d’Héraclée30. Par ailleurs, sur un plan fonctionnel, il paraît évident que ce caractère « imparfait » de l’image ne perturbe en rien sa fonction cultuelle mais qu’il pourrait au contraire se révéler nécessaire.

III. La fonction cultuelle de l’image

La laideur et la grossièreté, voire la bestialité des démons ainsi que l’infirmité d’Héphaïstos, plutôt laid lui aussi, semblent donc bien caractériser l’univers religieux de l’artisanat. Alors que les artisans sont capables de créer des ouvrages délicats de toute beauté, qu’avec leur savoir-faire ils prêtent aux dieux les traits les plus fins et les corps les plus harmonieux, il paraît intéressant de s’interroger sur les raisons qui ont mené à l’émergence d’un ensemble de personnages liés à l’artisanat physiquement laids et diminués. Il faut tout d’abord noter qu’il ne semble pas s’agir d’une spécificité grecque mais que, bien au contraire, l’on retrouve ce phénomène dans d’autres contextes polythéistes31. Ensuite, ces personnages mythiques sont liés à des artisanats bien spécifiques, en particulier la métallurgie, mais aussi la céramique. Les données archéologiques, iconographiques et littéraires dont on dispose pour le monde grec sont en effet systématiquement associées au travail du métal et de l’argile. La piété des artisans de la pierre, du textile, du cuir ou autre ne semble pas receler une imagerie où prédomine la difformité ou toute autre forme de laideur et d’infirmité.

Cette remarque constitue le point de départ de la compréhension de l’iconographie des dieux et démons des ateliers. Une scholie de Tzetzes à Aristophane32 précise que certains « installent un Héphaïstos de terre cuite devant le foyer pour surveiller le feu ». Ce rôle protecteur du feu, et donc de la cuisson, est particulièrement explicite dans le cas des protomés d’Europos qui, comme on l’a vu, étaient directement intégrées dans la maçonnerie de l’alandier. Et sur un plan strictement iconographique, l’image des démons de l’atelier est d’ailleurs parfaitement semblable aux démons du feu figurés sur les réchauds de cuisson à usage domestique33 (fig. 13). Le feu est un élément très fort dans la réalité ainsi que dans l’imaginaire car il est à la fois civilisateur et destructeur. Dans le cadre des artisanats métallurgiques et céramiques, le feu est un élément essentiel à la production mais constitue aussi une force dont la maîtrise est périlleuse et qui peut, à la moindre inattention, détruire toute la production. Le risque qu’il implique, en conditionnant psychologiquement ceux qui en dépendent, est sans aucun doute à l’origine de la prolifération des croyances qui lui sont relatives. Et c’est bien dans le rapport au feu que se situe l’action des démons comme celle d’Héphaïstos, dieu du feu.

Si l’importance du feu permet d’expliquer la fonction des démons, cela ne nous renseigne pas sur leur action. Les textes apportent ici des informations précieuses mais contradictoires. D’une part, Phrynichos l’Arabe34 et Pollux35 témoignent du rôle apotropaïque des démons visant à éloigner le phthόnos, le mauvais œil, et emploient le terme de baskánion. Ce rôle protecteur peut être assuré par les caractères sexuels exacerbés, dans le cas de représentations ithyphalliques mais aussi par les caractères physiques de type « démonique » ; la laideur et la difformité apportent une valeur apotropaïque36, peut-être par le biais du rire qu’ils suscitent ; l’éclat sonore du rire aurait en effet la réputation de rompre le sortilège et d’anéantir le mauvais œil37.

Fig. 13 : Support de réchaud, Alexandrie, Musée gréco-romain P 11503, d’après Didelot 1997.

D’autre part, à l’inverse de ce champ d’actions positives, un autre témoignage littéraire fournit une vision beaucoup plus sombre des démons. Il s’agit d’un texte transmis par la Vie d’Homère du pseudo-Hérodote38. La « prière du potier », comme on a l’habitude de l’appeler, aurait été chantée par Homère à la demande de potiers, devant l’atelier desquels passait le poète.

Si vous me donnez, potiers, le salaire de ma chanson, alors viens, Athéna, et étends la main au-dessus du four ; que les coupes et les bols tous noircissent bien, qu’ils soient bien cuits et atteignent un bon prix, qu’on en vende en quantité, et au marché et dans les rues, qu’on fasse un gros bénéfice et je chanterai pour votre plaisir. Si au contraire vous avez des mœurs de menteurs sans vergogne, je vais rassembler les Destructeurs de fours : le Briseur aussi bien que le Fracasseur, et l’Inextinguible et l’Ebranleur, le Mal-cuit enfin, qui fait à cet art des dommages multiples. Piétine la chambre à feu et les chambres de cuisson et qu’avec cela, le four soit démoli, cependant que les potiers jettent les hauts cris. Et comme la mâchoire du cheval broie, que le four réduise tout ce qu’il contient en tessonaille fine. Viens ici, fille du soleil, Circé aux nombreux sortilèges, lance des sortilèges sauvages pour le mal de ces gens et de leurs travaux. Que Chiron amène ici une bande de Centaures à la fois ceux qui ont échappé aux mains d’Héraclès et ceux qui périrent, qu’ils concassent tous leurs travaux et que le four s’écroule. Que les potiers regardent ces méfaits en geignant, tandis que je jouirai à voir la mauvaise fortune de leur art. Et si quelqu’un se penche par-dessus [le regard du four] que les flammes lui brûlent la face entière, afin que tous apprennent à vivre selon la justice39.

C’est d’abord Athéna, en tant qu’Erganḗ, qui est appelée à étendre sa main au-dessus du four pour protéger la cuisson. On reconnaît d’emblée le moment crucial où intervient le feu. Toutefois, si les artisans ne se comportent pas de manière juste, le poète invoquera tous les maux pour la destruction de la production ainsi que du four, à commencer par les cinq « destructeurs de four » dont les noms suggèrent une action précise pour chacun d’eux : Súntrips, le briseur, Smáragos, le fracasseur, Ásbetos, l’inextinguible, Sabáktēs, l’ébranleur et Ōmódamos, le mal-cuit. La personnification mythologique de chaque danger qui peut intervenir au cours de la cuisson traduit leur omniprésence et leur importance40. D’autres personnages mythologiques sont ensuite invoqués pour parachever la destruction.

Les destructeurs de four, que l’on peut assimiler aux démons du feu, présentent donc ici un caractère néfaste qui semble bien éloigné du rôle de baskánion ou d’apotrópaion cité précédemment. Cette apparente opposition entre deux catégories de démons se révèle cependant moins antagoniste qu’il n’y paraît puisque, comme nous l’avons vu précédemment, les daímones se définissent par l’ambivalence de leur action – ce qui est d’ailleurs également caractéristique des dieux grecs, qui peuvent se montrer bienveillants puis destructeurs l’instant d’après. Semblables à des magiciens qui jettent des sortilèges aussi vite qu’ils les délient, les démons des ateliers, dont il faut craindre les colères, peuvent, s’ils sont contentés, se révéler bénéfiques. Et c’est là justement que se trouve aussi toute l’ambivalence du feu.

Nous tenons donc ici sans doute l’essentiel de la fonction des démons dont l’image grotesque, à la fois effrayante et comique, est au cœur de leur action.

A partir de là, que dire de l’infirmité d’Héphaïstos ? Comme nous l’avons vu, le dieu des forgerons est lui aussi connu sous les traits d’un nain grotesque mais son image canonique est celle d’un homme infirme. Cet Héphaïstos boiteux est cependant associé à des démons dans plusieurs épisodes (Cabires, Sintiens) et, dans l’iconographie, il est souvent accompagné d’un cortège de satyres, grotesques par définition, présentant des caractères sexuels forts. Donc, bien que les traits humains du forgeron divin soient privilégiés, du moins en Grèce propre, Héphaïstos semble renvoyer à un univers symbolique relativement proche de celui des démons. D’ailleurs, comme on l’a vu, les uns et les autres attisent le rire avec leur physique hideux et leurs aventures burlesques. De plus, la magie est au cœur de l’action du dieu comme des démons. Je ne m’étendrai pas sur les raisons de l’infirmité du forgeron divin ; de nombreuses hypothèses ont été proposées. L’approche de Marie Delcourt – entre autres –, qui met en relation le physique monstrueux avec la magie, me semble cependant la mieux fondée41. Je crois en effet que les raisons sont à rechercher aux origines des techniques, quand la transformation des matériaux sous la main de l’artisan était empreinte de mystère. Les arts du feu sont de toute évidence un terrain fertile en croyances de tout genre, car ils suscitent à la fois de la crainte, causée par les dangers du feu, et de l’incompréhension, face à des phénomènes qui, bien que généralement maîtrisés, échappent au « visible ». C’est sans doute ainsi que l’on peut expliquer la dépendance de l’artisanat à la magie.

C’est cependant sur une autre question, parallèle, que je souhaiterais pour ma part m’arrêter. Au-delà de cette conception mythique du dieu forgeron, les artisans ont entretenu l’infirmité d’Héphaïstos parallèlement à la difformité des démons de manière très concrète, sur le plan des pratiques cultuelles. A ce niveau, si on a vu en quoi la laideur et l’infirmité peuvent se révéler fonctionnelles, par le biais du rire et de la magie, il me semble qu’un élément supplémentaire doit être pris en compte. Le pínax de Locris42 (fig. 7) apporte des éléments intéressants à la réflexion. La scène est de nature artisanale, mais on y trouve plusieurs éléments religieux. Il s’agit du petit démon que l’on a déjà évoqué mais aussi de la chouette perchée sur le four, qui rappelle évidemment Athéna, qui est sans doute, comme dans la prière du potier, invoquée ici pour protéger la cuisson. Enfin, si l’on regarde attentivement le potier, on remarque que l’une de ses jambes est chétive et déformée. Comment ne pas penser alors à Héphaïstos ? Le boiteux est cependant nommé Locris par l’inscription et ne peut pas être le dieu ; il s’agit bien d’un mortel, sans doute fabricant et dédicant de la tablette. Dans un contexte iconographique tel (il faut préciser que l’autre face du pínax représente Poséidon et Amphitrite), comment comprendre l’infirmité du potier ? Une épigramme votive de l’Anthologie Grecque propose un parallèle intéressant, bien qu’il nous intéresse moins directement car il s’agit plus probablement d’un sacrificateur – mágeiros – que d’un forgeron. Après avoir listé les offrandes dédiées au dieu, elle dit ceci : « voilà, Héphaïstos au pied traînant, ce que t’a consacré Timasion, maintenant qu’il a perdu la jeune vigueur de ses jambes »43. Bien qu’il ne s’agisse sans doute pas d’un métallurgiste, le témoignage est intéressant car il met en évidence un processus d’identification du dédicant au dieu boiteux. Ces deux documents donnent en effet une troublante impression de proximité des fidèles avec le dieu.

Dès l’Antiquité, bien avant les conclusions de la médecine du travail moderne, la dureté des activités artisanales est déjà relevée, par Xénophon44 par exemple, qui souligne que les travaux manuels « ruinent le corps de ceux qui les exercent et s’y appliquent, en les contraignant à rester assis et à l’ombre, parfois même à passer toute la journée auprès du feu ». Les exemples paléopathologiques ne manquent d’ailleurs pas45. Et c’est également ce que semble suggérer l’iconographie antique dans les nombreuses représentations d’artisans fourbus par la besogne.

Dans les scènes d’atelier peintes sur les vases, il est souvent difficile de distinguer Héphaïstos des métallurgistes46 ; dans un schéma iconographique identique à celui des artisans, le dieu forgeron est parfois représenté dans des positions accroupies et frontales assez peu habituelles dans l’iconographie grecque – et qui ne mettent pas le dieu à son avantage. Héphaïstos prend d’ailleurs parfois une attitude similaire en dehors de tout contexte artisanal, comme par exemple sur un cratère en calice du Louvre47, dans une scène du retour à l’Olympe (fig. 14). Pourquoi est-il représenté ainsi ? Evidemment, il est censé être ivre et n’être donc pas en mesure de marcher. Le ridicule et surtout la frontalité paraissent cependant dépasser le simple état d’ébriété. Ne peut-on pas y voir une évocation de son infirmité et/ou une allusion à son statut de forgeron ? Un autre pínax de Penteskouphia48 entretient également une ambiguïté sur l’identité d’un personnage (fig. 15) : le petit être bossu, qui travaille durement à l’extraction de l’argile est-il mortel ou immortel ? Si Héphaïstos et les Satyres sont représentés au travail, les représentations que nous avons des démons des ateliers ne montrent, à ma connaissance, jamais ces petits individus actifs ; on pourrait alors être tenté, sans conviction toutefois, de privilégier l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’un mortel, dont le corps est déformé par la tâche quotidienne.

Fig. 14 : Cratère en calice, Paris, Louvre G 162, d’après Jacquemin & Hermary 1988.

Face à cette documentation, il me paraît légitime de relever la proximité de l’imagerie de l’artisan et des dieux et démons des ateliers. Comment comprendre cette ressemblance des schémas iconographiques, créée par les artisans eux-mêmes49 ? Outre les réalités physiologiques de l’impact du travail sur le corps, cela permet peut-être aux artisans d’exprimer leur habileté technique : comme le forgeron-magicien, ils sont maîtres de la matière et de ses transformations. De plus, la défaillance physique d’Héphaïstos ainsi que la dureté du sort auquel il est sans cesse confronté ne font-ils pas allusion à la réalité du quotidien des artisans ? Ce dieu marginal et unique semble en effet pouvoir offrir une proximité aux artisans dont la vie est marquée par les inégalités, l’imperfection et surtout la différence, qu’elle soit sociale, culturelle ou autre. Héphaïstos apparaît alors comme un dieu de la marginalité dans lequel les artisans peuvent se retrouver. C’est peut-être ce dont témoigne l’iconographie.

Fig. 15 : Pínax provenant de Penteskouphia, Berlin, Antikenmuseum F 831, d’après Chatzidimitriou 2005.

Conclusion

« Qui se sera, sans le délire des Muses, présenté aux portes de la poésie avec la conviction que la tékhnē doit en fin de compte suffire à faire de lui un poète, celui-là est lui-même un poète manqué »50. Comme le suggère Socrate, le « religieux » est en effet omniprésent dans la tékhnē. Le foisonnement, dans l’imaginaire religieux des artisans, des immortels, divins ou non, caractérisés par l’imperfection et le ridicule, semble répondre à des besoins tout à fait réels. Ceux-ci relèvent, d’une part, de l’activité artisanale : les artisans cherchent à expliquer les processus techniques qui échappent à leur compréhension et à prévenir les dangers qui peuvent s’abattre sur leur travail ; d’autre part, cela semble aussi renvoyer à une réalité socio-culturelle : en s’identifiant à Héphaïstos, les artisans trouvent peut-être un point d’appui à leur propre marginalité ainsi qu’un positionnement au sein de la société humaine, tel qu’Héphaïstos a affirmé le sien dans la société divine lors de son retour à l’Olympe. D’ailleurs, c’est bien à l’époque classique, au moment où la cité d’Athènes tire les meilleurs profits et la plus grande gloire de son artisanat et où, de ce fait, les artisans acquièrent une meilleure reconnaissance, qu’Héphaïstos, sans perdre son caractère « à part », prend petit à petit une apparence qui l’éloigne du portrait du « démon » pour le rapprocher de l’image glorifiante de l’Olympien.

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1 Le terme « artisan » défini un groupe humain hétérogène caractérisé par son intervention dans une activité de production artisanale quelle qu’elle soit : pour ma part, je considère comme artisanat toute activité qui intervient dans la production d’un produit fini ou semi-fini. Cela englobe aussi bien la poterie et la métallurgie que la cordonnerie ou la vannerie mais aussi l’extraction minière, la construction navale ou encore la transformation des produits agricoles, etc. Le groupe humain « artisan » ainsi formé par la réalité économique correspond cependant à des réalités sociales et culturelles très diversifiées : il englobe entre autres des esclaves et des ouvriers étrangers comme des citoyens indépendants ou les grands propriétaires des moyens de production. Ces individus, aussi différents soient-ils, n’en partagent pas moins un ensemble de croyances et de pratiques que chacun d’eux vient nourrir de ses particularismes sociaux, culturels ou ethniques.

2 Merker 2006, p. 6-9.

3 Kozelj, Muller & Sodini 1981 ; Kozelj, Muller & Sodini 1982. Voir également Holtzmann 1994, p. 122-125. Les reliefs doivent dater environ du ive s. av. n.è.

4 Tsaravopoulos 2000-2003.

5 Wiseman 1978, p. 48-51.

6 Berranger 1983. D’après l’inscription votive (IG XII 5, 245), le relief est daté du ive s. av. n.è.

7 L’identification des divinités représentées dans ce relief n’est pas sans poser problème, en raison à la fois de la facture elle-même et de l’état de conservation. Voir entre autres Berranger 1983 et Daumas 1998, p. 137-143.

8 Bianco & Tagliente 1983, p. 98-99. L’objet date de la seconde moitié du IVe s. av. n.è.

9 Watzinger 1901, p. 328-330. L’objet date d’environ 200 av. n.è.

10 Savvopoulou & Valla 1995, p. 439-440. La datation n’est pas précisée par les fouilleurs car aucune production n’a pu être mise en rapport avec le four. Une seule information permet d’obtenir un terminus ante quem : le four est antérieur aux tombes romaines qui le recouvrent. La fourchette chronologique que l’on peut ainsi proposer pour dater ce matériel (IVe s. av. n.è.-Ve s. de n.è.) se révèle donc inutilisable. Ces protomés constituent cependant une parfaite illustration d’un phénomène largement répandu dans le monde grec à toute époque et ont donc leur place dans cette discussion.

11 Adam-Veleni 1991, p. 73-74. Le skyphos date de la première moitié du IIIe s. av. n.è.

12 Berlin, Antikenmuseum F683 + F757 + F822 + F829 ; Chatzidimitriou 2005, p. 206. Le pínax date du VIe s. av. n.è.

13 Munich, Staatliche Antikensammlungen, Museum Antiker Kleinkunst 1717 ; ABV 362, 36 : Groupe de Léagros. Chatzidimitriou 2005, p. 209.

14 Comme l’ont justement fait remarquer Claude Bérard et Christiane Bron, il ne faut pas confondre les deux réalités du terme grec prόsōpon, d’une part, le masque, présentant des orifices au niveau des yeux et de la bouche et servant à « masquer » et, d’autre part, la face, représentation d’un visage. Berard & Bron 1991.

15 Voir entre autres Blech 1982 ; Turcan 1971. En dernier lieu, voir Lochin & Blanc 2004.

16 Caltanissetta, musée archéologique 20371 ; Paralipomena 354, 39bis : Peintre de Harrow. Chatzidimitriou 2005, p. 215.

17 Il a été proposé de reconnaître ici une scène d’un drame satyrique d’Eschyle, les Théōroi ou les Isthmiástai (TrGF III F 78 a-c). Jacquemin & Hermary 1988, p. 650-651.

18 Berlin, Staatliche Museen 2294 ; ARV2 400, 1 : Peintre de la fonderie. Chatzidimitriou 2005, p. 214.

19 Detienne 1978 ; Hild 1881 ; Motte 1989 ; Pirenne-Delforge 1989 ; Vernière 1989.

20 C’est du moins l’impression qui ressort de l’étude des occurrences du mot daímōn dans les textes. Pour les références, voir Johnston 1997. D’autre part, André Motte a montré de quelle manière la vision positive du démon a pu être déterminée par la sensibilité particulière de certains auteurs anciens ; il s’agit en l’occurrence de Platon, qui s’est opposé à une tradition du mauvais démon en voulant faire du daímōn une entité bonne. Motte 1989, en particulier p. 218.

21 Ces deux termes sont par exemple employés dans ce contexte par Phrynichos l’Arabe et Pollux (Voir infra notes 34 et 35). Les auteurs anciens semblent s’être trouvés dans un embarras sémantique similaire au notre lorsqu’ils ont voulu décrire les pratiques rituelles des artisans.

22 Tran Tam Tinh 1986. Un personnage physiquement semblable est connu sous différents noms dans les mondes chypriotes et phéniciens. Hermary 1986.

23 Selon Hérodote, les Cabires sont vénérés à Memphis sous une forme de nains grotesques et sont les fils d’Héphaistos. Hérodote III, 37. Sur l’ascendance des Cabires, voir aussi Strabon X, 3, 21. Voir également Hemberg 1950 et Daumas 1998.

24 Voir Strabon X, 3. Le géographe parle des Courètes et de tous les personnages qui peuvent leur être associés. Pour les démons et la métallurgie, voir Blakely 2006.

25 Voir par exemple : cratère en calice de l’Université du Mississipi 1977.3.89 ; ARV2 597. Péliké de Munich, Antikensammlungen Schoen 68 ; ARV2 1347, 1. Péliké de Munich, Antikensammlungen 2361 ; ARV2 1145, 36.

26 Pirenne-Delforge 2008.

27 Hérodote III, 37.

28 Amphore apulienne de Foggia, Museo civico 132723 ; RVAp II 925, 90 : Peintre d’Arpi. Todisco 2008, p. 23-24.

29 Delcourt 1957.

30 Bianco & Tagliente 1983, p. 93-102.

31 Par exemple, dans la mythologie nordique, le dieu forgeron Völund est infirme : l’Edda poétique précise que le roi Nidud de Suède lui a sectionné les tendons pour le garder prisonnier afin de garder le savoir-faire du dieu à son service. Pour l’infirmité des dieux artisans, voir Delcourt 1957, p. 120-122.

32 Tzetzes, Scholies à Aristophane, Oiseaux 436 (= éd. Koster 1962, p. 1139) : Ἰπνὸς μὲν ἡ κάμινος, καταχρηστικῶς δὲ ἡ ἐσχάρα, ἐπιστάτης δὲ χαλκοῦς τρίπους χυτρόποδος ἐκτελῶν χρείαν. Οἱ δὲ πήλινον Ἥφαιστον πρὸς ταῖς ἑστίαις ἱδρυμένον ὡς ἔφορον τοῦ πυρός ἔνιοι δὲ ξύλον ἐπίμηκες πεπασσαλωμένον, εἰς ὅπερ ἐξαρτῶσι τὰ μαγειρικὰ σκεύη.

33 Voir entre autres Didelot 1997.

34 Phrynichos l’Arabe, Préparation Sophistique, s.v. βασκάνιον (= éd. De Borries 1911, p. 53, 6-9) : ὃ οἱ ἀμαθεῖς προβασκάνιον. Ἔστι δέ τι ἀνθρωποειδὲς κατασκεύασμα, βραχὺ παρηλλαγμένον τὴν ἀνθρωπείαν φύσιν, ὃ πρὸ τῶν ἐργαστηρίων οἱ χειρώνακτες κρεμαννύουσι τοῦ μη βασκαίνεσθαι αὐτῶν τὴν ἐργασίαν.

35 Pollux, Onomastikon VII, 108 : Πρὸ δὲ τῶν καμίνων τοῖς χαλκεῦσιν ἔθος ἦν γελοῖά τινα καταρτᾶν ἢ ἐπιπλάττειν ἐπί φθόνου ἀποτροπῇ· ἐκαλεῖτο δὲ βασκάνια, ὠς καὶ Ἀριστοφάνης λέγει :

πλὴν εἴ τις πρίαιτο δεόμενος

βασκάνιον ἐπικάμινον ἀνδρὸς χαλκέως.

36 La valeur apotropaïque de la laideur et de la difformité est bien attestée comme en témoigne par exemple un épisode de la vie d’Esope (Vie d’Esope 16= Grammatiki 2001, p. 173) qui raconte qu’à la vue de ce dernier, laid et difforme, un esclave expliqua que son maître avait acheté le bossu pour les protéger du mauvais œil. Voir également Garland 1995, en particulier p. 109.

37 Cette fonction accordée au rire est souvent citée (Fluck 1931 ; Delcourt 1957, p. 113-114 ; Dasen 2006, p. 101) mais serait à nuancer selon certains chercheurs (Halliwell 2000, p. 157). Dans tous les cas, le rire entretient des liens étroits avec le rite (entre autres Halliwell 2000) et semble parfois jouer un rôle apotropaïque (Halliwell 2008, p. 200-201), ce qui pourrait en effet s’expliquer par l’éventuelle capacité du rire à « rompre l’état de stupeur » dans lequel est plongé un individu victime d’un maléfice (Delcourt 1957, p. 114). D’autres aspects du rire, souvent de nature psychologique, pourrait cependant rentrer en compte, comme par exemple son effet apaisant sur l’homme et la nature (Lopez Eire 2000, p. 41). De plus, il est intéressant de noter l’emploi du terme geloîa par Pollux (voir ci-dessus note 35) pour définir les objets déposés près du four des métallurgistes et destinés à éloigner le mauvais œil.

38 Ps. Hérodote, Vie d’Homère 32. Εἰ μέν δώσετε μισθὸν ἀοιδῆς, ὦ κεραμῆες, / δεῦρ’ ἄγ’ Ἀθηναίη καὶ ὑπέρσχεθε χεῖρα καμίνου, / εὖ δὲ μελανθεῖεν κότυλοι καὶ πάντα κάναστρα, / φρυχθῆναι τε καλῶς καὶ τιμῆς ὦνον ἀρέσθαι, / πολλὰ μὲν εἰν ἀγορῆι πωλεύμενα πολλὰ δ’ἀγυιαῖς, / πολλὰ δὲ κερδῆναι, ἡμῖν δ’ ἡδέως σφιν ἀεῖσαι. / Ἢν δ’ ἐπ’ ἀναιδείην τρεφθέντες ψεύδε’ ἄρησθε, / συγκαλέω δὴ ἔπειτα καμίνων δηλητῆρας / Σύντριβ’ ὁμῶς Σμάραγόν τε καὶ Ἄσβετον ἠδὲ Σαβάκτην / Ὠμόδαμόν θ’ ὃς τῆιδε τέχνηι κακὰ πολλὰ πορίζει· / † πεῖθε πυραίθουσαν καὶ δώματα· σὺν δὲ κάμινος / πᾶσα κυκηθείν, κεραμέων μέγα κωκυσάντων. / ῾Ως γνάθος ἱππείη βρύκει βρύκοι δὲ κάμινος / πάντ’ ἔντοσθ’ αὐτῆς κεραμήϊα λεπτὰ ποοῦσα. / Δεῦρο καὶ Ἠελίου θύγατερ, πολυφάρμακε Κίρκη, / ἄγρια φάρμακα βάλλε, κάκου δ’ αὐτούς τε καὶ ἔργα· / δεῦρο δὲ καὶ Χείρων ἀγέτω πολέας Κενταύρους, / οἵ θ’ Ἡρακλῆος χεῖρας φύγον οἵ τ’ ἀπόλοντο· / τύπτοιεν τάδε ἔργα κακῶς, πίπτοι δὲ κάμινος. / αὐτοὶ δ’ οἰμώζοντες ὁρώιατο ἔργα πονηρά. / Γηθήσω δ’ ὁρόων αὐτῶν κακοδαίμονα τέχνην. / Ὃς δέ χ’ ὑπερκύψηι, περὶ τούτου πᾶν τὸ πρόσωπον / φλεχθεῖν, ὡς πάντες ἐπιστωντ’ αἴσιμα ῥέζειν.

39 Trad. Jubier-Galinier, Laurens & Tsingarida 2003, p. 30, avec modifications de l’auteur. Le texte suivi et traduit est celui établi par Wilamowitz 1916.

40 Pour le rôle précis de chaque démon, voir Veach Noble 1965, p. 102-113.

41 Delcourt 1957, p. 110-136, surtout p. 133-136. Dans une démarche proche, Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant proposaient de voir dans la boiterie d’Héphaïstos l’expression de son caractère « polymètique » et mobile, nécessaire à la maîtrise d’un matériau dont l’aspect se transforme sous l’effet du feu pour devenir fuyant comme un liquide. (Detienne & Vernant 1974, p. 259). Wilamowitz-Moellendorf 1895 proposait une explication des plus pragmatiques, selon laquelle devenait artisan quiconque était inapte à la guerre, précisant que le travail du métal requiert de la force dans les bras mais pas dans le reste du corps ; les hommes de métier ne partagent sans doute pas cet avis… On peut encore citer l’approche qui propose de voir le handicap physique comme l’expression du mépris de la société envers les artisans, opinion que je ne peux partager, en raison de la grande mesure que l’on sait aujourd’hui devoir apporter à l’approche péjorative du statut de l’artisan en Grèce ancienne. Cf. par exemple, Burford 1972, p. 72.

42 Berlin, Antikenmuseum F683 + F757 + F822 + F829 ; Chatzidimitriou 2005, p. 206.

43 Anthologie Grecque VI, 101 : Ξίφη τὰ πολλῶν κνωδάλων λαιμητόμα / πυριτρόφους τε ῥιπίδας φυσηνέμους / ἠθμόν τε πουλύτρητον ἠδὲ τετράπουν / πυρὸς γέφυραν, ἐσχάρην κρεηδόκον / ζωμήρυσίν τε τὴν λίπους ἀφρηλόγον / ὁμοῦ κρεάγρῃ τῇ σιδηροδακτύλῳ, / βραδυσκελὴς Ἥφαιστε, σοὶ Τιμασίων / ἔθηκεν, ἀκμῆς γυῖον ὠρφανωμένος.

44 Xénophon, Economique IV, 2-3 : καταλυμαίνονται γὰρ τὰ σώματα τῶν τε ἐργαζομένων καὶ τῶν ἐπιμελομένων, ἀναγκάζουσαι καθῆσθαι καὶ σκιατραφεῖσθαι, ἔνιαι δὲ καὶ πρὸς πῦρ ἡμερεύειν.

45 La récente fouille de sauvetage de la Via Collatina à Rome fournit un parfait exemple de « nécropole d’artisans ». Les fouilleurs ont découvert une foulonnerie antique de grande ampleur à proximité directe d’une nécropole. L’étude paléoanthropologique des squelettes a mis en évidence un ensemble de pathologies qui peuvent être mises en relation avec l’activité de foulonnerie. Buccellato et al. 2008.

46 Jacquemin & Hermary 1988, p. 650-651.

47 Paris, Louvre G 162 ; ARV2 186, 47.

48 Berlin, Antikenmuseum F 831 ; Chatzidimitriou 2005, p. 207.

49 Le fait que l’iconographie des artisans relève de l’« auto-représentation » est essentiel et ne doit pas être écarté de la réflexion.

50 Platon, Phèdre 245a (trad. Vicaire 1985).