Book Title

Introduction

Philippe BORGEAUD

Université de Genève, Swiss Center for Affective Sciences

Doralice FABIANO

Université de Genève, Swiss Center for Affective Sciences

A Olympie, la statue de Jupiter, qu’il avait donné l’ordre de desceller et de transporter à Rome, poussa tout à coup un si formidable éclat de rire, que les échafaudages s’écroulèrent, ce qui mit les ouvriers en fuite.

Suétone, Caligula LVII

Homère et Hésiode (dont les Grecs connaissent les œuvres par cœur) ont imposé des représentations plus ou moins conventionnelles, disposant les dieux de manière très anthropomorphe, en familles et systèmes généalogiques, et en proposant d’eux des représentations iconiques autant que mythologiques, aptes à être transposées en images et statues de culte. Mais les dieux sont des êtres de métamorphose, en métamorphose. S’ils ont un corps, ils ne sont pas limités à ce corps. Ils ne sont pas liés à un (seul) corps, à une seule représentation conventionnelle ou conjoncturelle. Ils prennent des apparences multiples. Eléments cosmiques (soleil, lune, ciel, mer, fleuves), entités lumineuses ou rayonnantes, visibles ou invisibles, ils peuvent revêtir des formes animales, ou prendre aussi l’allure de concepts ou de valeurs abstraites (la Paix est une déesse, comme le sont la Peur et la Justice) ; les métamorphoses divines sont donc innombrables, elles vont de l’absence totale de représentation iconique à l’anthropomorphisme, en passant par diverses combinaisons incluant parfois des aspects purement symboliques. A partir de là, la question qui se pose est celle du rapport de l’image au corps, de l’image cultuelle (conventionnelle ou conjoncturelle) au corps (« réel » et métamorphique) des dieux. Peut-on identifier le corps du dieu à sa statue, à son effigie ?

A cet égard l’histoire de l’Hermès Perpheraîos d’Ainos en Thrace, qui remonte à Callimaque, est très instructive. Il s’agit d’un Hermès fabriqué par Epeios, l’artisan du cheval de Troie. On peut donc s’attendre à un objet de bois qui cache quelque chose. Le Scamandre en crue emporta cet Hermès jusqu’à la mer, qui le conduisit au large de la ville Thrace d’Ainos. L’Hermès fut pris dans un filet de pêche. Dépités de leur prise (ils cherchaient du poisson), les pêcheurs veulent utiliser l’Hermès comme bois pour se chauffer. Ils entreprennent de le couper mais n’y parviennent pas, quels que soient leurs efforts. Tout au plus font-ils une blessure à l’épaule d’Hermès. Ils décident alors de le brûler tout entier, mais le feu court autour de la statue, sans la consumer. « Ils renoncèrent et la jetèrent à la mer. Mais, lorsqu’ils la prirent de nouveau dans leurs filets, ils pensèrent que c’était un dieu, ou qu’elle avait un rapport quelconque avec un dieu (theòn nomísantes eînai ḕ theôi prosḗkonta), et lui bâtirent un sanctuaire sur le rivage. Ils lui offrirent les prémisses de leur pêche en la portant tout autour, de l’un à l’autre. Lorsqu’Apollon eut donné une réponse, ils la reçurent dans leur cité et l’honorèrent tout semblablement aux dieux ([p]araplēsíōs t[oîs theoîs] etímōn)1. Les pêcheurs ne pratiquent pas un véritable sacrifice à l’adresse de leur Hermès, auquel pourtant ils ont offert un espace consacré. Ils se contentent de faire circuler autour de sa statue, en guise de prémisse, les prises de leur pêche.

Pas de truquage cependant dans l’histoire de l’Hermès d’Epéios. Mais le sentiment qu’on a affaire à une approximation : dieu et (ou) représentation du dieu, un quasi dieu, un dieu peut-être, dont le corps résiste à toute atteinte, ou presque (une balafre, c’est tout ce qu’obtiennent les pêcheurs qui veulent le débiter en petits morceaux). Un quasi sacrifice, pour ce quasi dieu. Ce sentiment d’approximation, de quasi adéquation du signe au signifié, on le retrouverait dans le discours sur les animations mécaniques des statues de culte, dans des contextes de truquage diabolique selon certains observateurs hostiles, de grande vénération selon certains fidèles d’une piété aussi forte que naïve.

Le rapport entre le corps du dieu et son image ne fait pas seulement l’objet d’une critique ancienne (dès les présocratiques). Il fait aussi l’objet d’une crainte potentielle. Découvrir qu’il ne s’agit que d’un bout de bois peut représenter un immense soulagement, pour les Chrétiens par exemple. Parlant de lui-même tel qu’il était avant sa conversion au christianisme, Arnobe est assez clair sur ce point : « Je vénérais naguère – quel aveuglement ! des statues qui sortaient tout juste des fours, des dieux fabriqués sur des enclumes à coup de marteaux, des os d’éléphants, des images, des bandelettes suspendues à des arbres séculaires ; si jamais j’apercevais une pierre lubrifiée et souillée d’huile d’olive, je l’adulais, je lui parlais, comme si une puissance eût été présente en elle, et je demandais des bienfaits à une souche insensible ; ces dieux mêmes, de l’existence desquels je m’étais convaincu, je les outrageais gravement, en croyant que c’étaient des morceaux de bois, des pierres et de l’os, ou qu’ils habitaient dans des matières de cette sorte »2.

Dans son discours Sur les sacrifices (ch. 11), Lucien insistait sur le fait que ceux qui entrent dans les temples et se trouvent face à la statue du dieu « ne se figurent plus qu’ils ont devant eux de l’ivoire indien, de l’or extrait des mines de Thessalie, mais [ils ont le sentiment de voir] le fils même de Saturne et de Rhéa, que Phidias a fait descendre du ciel… ». Il ressort de ces remarques croisées, entre Lucien et les auteurs chrétiens, que l’image cultuelle est trompeuse certes, mais indéniablement efficace3. Son pouvoir de présentification du dieu est analogue à celui des noms divins qui sont arbitraires ou conventionnels, mais néanmoins « énergiques ». C’est précisément cette ambiguïté plus forte que toute interprétation critique ou pieuse, qui assure le succès des machines et des automates, si important dans le cadre des cultes à partir de l’époque alexandrine.

Le colloque « Perception des dieux, émotions, maîtrise rituelle : corps divins, corps humains » a eu lieu du 24 au 26 mars 2011 à l’Université de Genève4. Cette rencontre s’inscrivait dans la série de colloques organisés par le programme GDRE « FIGVRA : La représentation du divin dans les mondes grec et romain » coordonnée par Nicole Belayche (EPHE, Paris)5, ainsi que dans le programme « Myth and Rite as a cultural Expression of Emotions » dirigé par Philippe Borgeaud auprès du Swiss Center for Affective Sciences de Genève (CISA).

A l’intérieur d’un cadre académique si favorable, la réflexion proposée aux intervenants s’est portée sur l’aspect le plus « corporel » du contact entre hommes et dieux, sur la perception sensible de la présence divine et sur les émotions qu’elle dégage. Il ne s’agissait donc pas seulement du « corps des dieux », selon la piste de recherche ouverte il y a plus de vingt ans par Jean-Pierre Vernant et Charles Malamoud6, mais plutôt d’aborder un discours qui concerne le corps à la fois des hommes et des dieux, en se focalisant plus particulièrement sur les modalités de la perception, et les réactions émotives qui représentent à nos yeux la substance de ce contact.

En premier lieu nous avons choisi de nous pencher sur deux aspects différents et complémentaires de la « corporéité », c’est-à-dire celui de la représentation et celui de la perception. D’abord en fait, c’est le corps des dieux qui demande nécessairement à être construit, façonné dans le contact rituel, non seulement comme statue anthropomorphe, mais aussi sous la forme d’espace sacré, d’endroit aménagé pour accueillir les divinités, théâtre nécessaire à la matérialisation de leurs corps : les textes ici réunis mettent l’accent sur la pluralité des modalités de représentation des dieux qui constituent autant d’ouvertures sur la multiplicité des épiphanies divines, sur la nécessité de les construire selon des procédures complexes, qui sollicitent une pluralité d’aspects sensoriels.

Le deuxième pôle – c’est évident – se place du côté des humains : le corps mortel est altéré par le contact avec le divin, bouleversé par la perception d’une altérité si profonde qu’elle a besoin d’être maitrisée à travers le rituel. Les contributions accueillies dans le colloque genevois abordent ce sujet en mettant en évidence des états émotionnels spécifiques, qui requièrent des processus rituels spécifiques pour être maîtrisés et montrent l’importance de la perception physique dans la construction rituelle du contact avec la divinité.

Toutefois, entre ces deux pôles de réflexion – perception et représentation – un troisième s’impose à notre attention et constitue pour ainsi dire leur trait d’union : il s’agit des sensations dégagées par la manifestation épiphanique, solidaires de l’effet recherché à travers les représentations, par le biais de l’anthropomorphisme aussi bien que par la mise en scène rituelle. Reconstruire les liens complexes entre perception et représentation, constituait donc le défi principal de ce colloque genevois : les travaux ici réunis montrent à quel point ces deux dimensions sont deux faces d’une même monnaie. D’un côté l’acte de représenter les dieux semble souvent avoir pour but de susciter l’atmosphère « sacralisante » des épiphanies à travers une série de dispositifs artistiques, architecturaux, sensoriels, qui construisent la présence en cherchant à susciter la stupeur, la peur, la révérence ; de l’autre côté, la perception de la présence des dieux est induite par la création de conditions (lieux, parfums, sons etc.) susceptibles de générer des émotions, et donc de construire – elles aussi – la présence divine. Les émotions apparaissent donc comme l’élément essentiel où se désigne et se travaille le contact entre hommes et dieux : elles sont à la fois indice sûr d’une présence, et matière à partir de laquelle mettre en scène cette présence.

Voyons de plus près comment les auteurs de ce volume ont répondu aux sollicitations du colloque. Un premier groupe de travaux a réfléchi plus particulièrement sur le discours et les pratiques de représentation, en particulier autour de la statue de culte.

Une introduction aux problématiques de la perception et de la représentation des dieux nous est offerte par la contribution d’Anne Dubourdieu (Paris IV – Sorbonne), focalisée sur le dossier romain. A travers les outils de l’analyse lexicale, l’auteure met l’accent sur la partialité de la perception humaine ainsi que sur le caractère double et paradoxal de l’image des dieux, qui renvoie à leur absence dans le moment même où elle est nécessaire pour les rendre visibles. La conception romaine de la statue de culte reflète cette nature ambigüe de la présence divine : d’un côté elle peut être carrément identifiée avec le dieu, et participe de son numen et de sa vis ; de l’autre elle dévoile sa nature de « double », de « signe » qui remplace l’absent.

Dans la même démarche, Corinne Bonnet et Adeline Grand-Clément (Université de Toulouse 4 – Le Mirail) montrent que l’attachement émotionnel aux statues peut constituer un élément essentiel pour construire l’identité de la divinité et, à travers elle, de la communauté qui la vénère : les godnapping de l’Apollon de Géla et de l’Artémis de Ségeste véhiculent des modèles de comportement envers les effigies divines, en marquant la distinction entre Grecs et Barbares et entre piété et impiété. Par ailleurs, les réactions que l’enlèvement de ces statues provoque, contribuent à renforcer le sentiment que la divinité est « enracinée » dans la communauté civique, soulignant ainsi son emprise sur le territoire.

L’analyse d’Hélène Collard (Université de Liège) prend en considération un corpus de vases où la divinité paraît à côté de sa statue, afin de mieux comprendre le statut de l’image divine et les différents modes de « présentification » d’un dieu : ce redoublement, qu’on retrouve aussi bien sur des vases attiques que sur des vases italiotes, renvoie à différentes formes de présence du dieu dans la scène représentée. Plus particulièrement il vise à traduire la participation active des dieux aux actions humaines, ou encore à suggérer leur présence cachée derrière les statues de culte.

Aux marges de la représentation anthropomorphique de la statuaire grecque, Anne-Catherine Gillis (Université de Lille 3, Halma-Ipel – UMR 8164) porte son attention sur des figures que l’on pourrait qualifier de « démoniques », qui peuplent l’univers des artisans : marqués par la laideur et la difformité, ces êtres président à des actions spécifiques du travail artisanal (métallurgie et poterie), plus particulièrement au processus de production, et sont étroitement liés au four et au feu. A travers une fine analyse des vases qui représentent des scènes d’atelier, l’auteure relève la proximité de l’imagerie qui caractérise la figure de l’artisan en Grèce ancienne, celle du dieu boiteux Héphaïstos, et celle des petites divinités démoniques dont elle dresse une liste très originale.

Dans cette vaste thématique de la représentation divine, le deuxième pôle de ce colloque se focalise autour de la complexité de la mise en scène de l’apparition divine, soit sous forme de statue soit sous une forme plus directe, celle de l’épiphanie. Ce thème constitue le cœur de l’essai de Sophie Montel (Université de Franche-Comté, Besançon), qui interroge les contextes architecturaux des groupes sculptés en Grèce ancienne. Son analyse détaillée prend en considération, entre autres, les cas de Déméter et Despoina à Lycosoura, celui du Tychéion d’Aigeira, du temple de Dionysos à Thasos, ainsi que du sanctuaire de Zeus Labraundos en Carie, montrant combien les dispositifs d’installation des statues peuvent être considérés essentiels à une mise en scène de l’apparition divine. L’auteure suggère que ces dispositifs constituent un des moyens utilisés par les Anciens afin d’intensifier, voire de créer la présence divine à travers certaines modalités d’éclairage, des conditions spécifiques de visibilité, ou différents partages de l’espace entre divinités et groupes cultuels.

Lorenz Baumer (Université de Genève) souligne pour sa part, à travers l’analyse du culte d’Asclépios, l’importance de la structure architecturale dans la recherche d’une rencontre avec le dieu. La pratique de l’incubation et l’apparition d’Asclépios en rêve sont les éléments centraux du culte, mais la guérison elle-même peut prendre place ailleurs, comme les sources épigraphiques et littéraires le montrent à l’évidence. D’ailleurs, la structure et l’emplacement des ábata prouvent que l’exigence principale est celle de permettre à la plupart des pèlerins une vue optimale sur l’autel, dans le but de créer un lien visuel avec le dieu ainsi que les meilleures conditions pour l’épiphanie.

L’importance du lien entre épiphanie divine et certains espaces privilégiés apparaît clairement quand on considère le phénomène de la nympholepsie. Doralice Fabiano (Université de Genève) reprend le dossier de la possession par les Nymphes, en mettant en lumière les spécificités de cette possession par rapport à d’autres, et notamment le fait qu’elle est suscitée par le contact avec des lieux hantés par ces divinités féminines. Une comparaison entre les sources littéraires et les traces archéologiques laissées par les cultes fondés par des nympholeptes « réels », permet à l’auteure de proposer une définition des Nymphes comme « divinités localisées », ou « en paysage ».

Mais la présence des dieux ne présuppose pas toujours l’anthropomorphisme : d’autres formes de perceptions sont bien attestées dans le monde ancien. Anne-Caroline Rendu Loisel (Université de Genève) nous conduit à explorer la vie religieuse de l’ancienne Mésopotamie, où les dieux se manifestent volontiers sous une forme sonore. L’auteure focalise son attention sur trois dossiers d’épiphanies acoustiques : les listes de prodiges montrent la construction d’une voix divine polymorphe, celle du dieu Adad, qui se fait entendre à travers le tonnerre ; la musique produite par le « cuivre puissant », un instrument à percussion utilisé dans l’exorcisme des démons, est représentée comme une voix effrayante capable de chasser ces méchantes créatures ; enfin le murmure utilisé par le personnel de culte lors du rituel du mīs pî, contribue à construire une présence à l’intérieure de la statue, en lui conférant un pouvoir de communication spécial, qui situe son destinataire au-delà de la dimension humaine.

Revenant en Grèce, Athanassia Zografou (Université d’Ioannina) analyse les pratiques décrites dans les papyrus magiques, pour mettre en lumière le caractère complexe de l’élaboration sensorielle de l’apparition en rêve. La préparation d’un sommeil propice au rêve épiphanique demande l’utilisation de plantes précises, mais aussi de parfums et de conditions de lumière particulières, afin de conditionner l’état de conscience du magicien, et le prédisposer à percevoir la présence des dieux, dans le cadre d’une religiosité « privée ». Grâce aux arômes, aux jeux d’ombres et de lumière, à tout un ensemble d’éléments symboliques, les magiciens cherchent à recréer la nature insaisissable des rêves, tout en révélant différentes sortes de perceptions qu’on peut avoir du corps divin.

L’épiphanie peut toutefois demander une maîtrise non seulement rituelle, mais aussi politique des émotions dégagées par l’apparition divine. Dans ce cas ce sont la cité et ses institutions qui témoignent de sa vérité, decident le « traitement » rituel approprié pour apporter un bénéfice à la communauté. Un cas exemplaire de ces méchanismes politiques est présenté par Stéphanie Paul (Université de Liège, EHESS, Paris). En travaillant attentivement le corpus épigraphique hellénistique relatif à l’Artémis Kinduás, l’auteure peut montrer l’importance des épiphanies dans la construction d’une divinité tutélaire : la divinité qui protège la cité, qui se prend soin de la communauté, qui la sauve, est censée apparaître fréquemment, notamment dans des moments de péril. Les décrets avec lesquels le dêmos augmente les honneurs de la divinité en raison de ses fréquentes manifestations représentent ainsi un moyen de reconfigurer le panthéon pour la situer en position de prééminence, sans pour autant jamais préciser l’occasion et la modalité de ces apparitions.

L’aspect politique demeure essentiel dans la contribution de Marie-Christine Villanueva Puig (Anhima, CNRS, Paris) qui reprend le dossier de la possession dionysiaque, littéraire et iconographique, afin de mettre en lumière soit les formes spécifiques et diversifiées de la possession, soit l’existence d’une maîtrise rituelle des émotions induite par le culte dionysiaque au niveau publique. Après avoir rappelé la nature épidémique et bouleversante des épiphanies de Dionysos, l’auteure montre que le cas des Thyiades d’Athènes, qui rejoignent Delphes pour célébrer des rites extatiques sur le mont Parnasse, constitue une forme de contrôle spatial et temporel du rite au bénéfice de la cité.

Pour revenir à Rome, la consecratio de l’empereur, le thème choisi par Anne-Françoise Jaccottet (Université de Genève), montre comment le processus de naissance d’un dieu à l’occasion des funérailles est centré sur la problématique de la corporéité et sur la dimension publique de la maîtrise rituelle. Contrairement aux récits mythiques qui concernent l’apothéose d’Héraclès et de Romulus, où la question du corps est, pour ainsi dire, escamotée dans les funérailles impériales la séparation entre corps humain et corps divin est fondamentale. Ce corps divin qui constitue le centre de l’apothéose coexiste en fait avec les ossa et est à la fois le protagoniste d’un événement public et l’objet d’une décision politique, soumise à la nécessité d’un témoin et à l’approbation du sénat. D’ailleurs on remarquera que dans les témoignages figuratifs relatifs à la consecratio, le nouveau corps divin de l’empereur se superpose à ses effigies, sous forme de simulacrum.

Il nous reste à remercier les institutions qui ont rendu possibles ce colloque et sa publication : le CNRS, l’Université de Genève, le Fonds National Suisse de la recherche scientifique, et l’indéfectible et généreux enthousiasme de Nicole Belayche (maître d’œuvre de FIGURA).

Références bibliographiques

Barasch 1992 : Moshe Barasch, Icon : Studies in the history of an idea, New York-London, 1992.

Belayche 2011 : Nicole Belayche, « Le ‘possible’ corps des dieux : retour à Sérapis », dans Francesca Prescendi, Youri Volokhine (éds), Dans le laboratoire d’un historien des religions : Mélanges offerts à Philippe Borgeaud, Genève, 2011, p. 227-250.

Durbec 2006 : Yannick Durbec, Callimaque. Fragments poétiques, Paris, 2006.

Le Bonniec 2010 : Henri Le Bonniec, Arnobe. Contre les Gentils, t. 1, Paris, 2010.

Malamoud & Vernant 1986 : Charles Malamoud, Jean-Pierre Vernant (éds), Le corps des dieux, (= Le temps de la réflexion, 7), 1986 [reimprimé Paris, 2003].

Petrovic 2010 : Ivana Petrovic, « The Life Story of a Cult Statue as an Allegory : Kallimachos’ Hermes Perpheraios », dans Johannis Mylonopoulos (éd.), Divine Images and Human Imaginations in Ancient Greece and Rome, Leiden, 2010, p. 205-224.

Schubert et al. 2010 : Paul Schubert et al. (éds), Les papyrus de Genève, vol. IV, Nos 147-205 : textes littéraires, semi-littéraires et documentaires, Genève, 2010.

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1 Le culte d’Hermès Perpheraîos faisait l’objet du Jambe VII de Callimaque (fr 197 Pfeiffer), où c’était la statue même du dieu qui racontait son histoire. Malgré les lacunes de la tradition directe, le contenu est connu grâce à une diégesis détaillée conservée par le papyrus de Milan I 18 (VII, 32-VII, 51). Cf. la trad. de Paul Schubert dans Schubert et al. 2010, p. 67 ; une autre traduction dans Durbec 2006, p. 168. Pour une lecture différente, riche en ce qui concerne le contexte littéraire, cf. Petrovic 2010.

2 Arnobe, Contre les nations I, 39, 1 (trad. Le Bonniec 2010) ; cf. VI, 14. Avant Arnobe, Clément d’Alexandrie s’était déjà donné la peine, comme d’autres pères de l’Eglise et à l’instar de Lucien, de préciser que les statues divines les plus vénérées ne sont jamais que l’œuvre des hommes (Protreptique IV, 46).

3 Cf. à ce propos Barasch 1992, p. 30 : « To feel close to the god when you are near to its image brings home, however vaguely and dimly, the perception that in some way they are one ».

4 Il fut préparé sous la direction de Philippe Borgeaud, avec la collaboration d’Anne-Caroline Rendu Loisel et de Doralice Fabiano.

5 La contribution présentée par Nicole Belayche dans le cadre du colloque genevois, a été publié séparément dans le volume des mélanges offerts à Philippe Borgeaud à l’occasion de sa retraite (Belayche 2011).

6 Malamoud & Vernant 1986.