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Scénographies sculptées et présence divine

Sophie MONTEL

Université de Franche-Comté, Besançon

L’image est une modalité parmi d’autres de la possibilité de présentifier un dieu.

V. Pirenne-Delforge1

Dans cet article, j’entends montrer comment, en disposant les statues des dieux dans un environnement architectural et sur des supports adéquats, les Grecs ont su rendre « visibles » leurs divinités dans les sanctuaires ou les espaces publics. Je retrace d’abord brièvement l’histoire des modes de présentation des statues divines à partir de quelques cas bien documentés par les fouilles ; j’ai ensuite choisi de présenter quelques dispositifs architecturaux particuliers qui rendaient plus présentes aux yeux des Anciens certaines statues de culte ; je m’arrête pour terminer sur la manière dont les statues de divinités présentes dans quelques groupes votifs, commémoratifs ou honorifiques, étaient mises en valeur au sein d’ensembles sculptés qui se distinguaient du commun des statues isolées par une architecture que je qualifierai de « sacralisante ». Il est donc ici question de la perception visuelle des statues divines, de quelques moyens de créer des émotions, des sensations et de rendre visibles les dieux.

I. Brève histoire des modes d’installation des statues divines

Je choisis de commencer cette histoire en Crète, territoire qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches2, et constitue un laboratoire d’excellence pour observer les pratiques religieuses des Anciens et le problème de continuité ou de rupture entre les périodes protohistorique (minoenne) et historique3.

a) Anémospilia

La fouille du sanctuaire minoen d’Anémospilia4, situé non loin d’Héraklion, a révélé les restes de l’installation5 d’une statue divine, presque entièrement perdue, dans la pièce centrale d’un édifice dans lequel pratiques rituelles et sacrificielles ont par ailleurs été mises en évidence6. Le bâtiment mis au jour à Anémospilia est constitué de trois pièces d’orientation nord-sud ouvertes sur une sorte de couloir ou porche d’entrée. Des vases, la plupart brisés, et des objets ont été trouvés dans toutes les zones de l’édifice. Des vases et des objets jonchaient également le sol de la pièce centrale, sauf dans le fond de la pièce, au sud. Là, le long du mur de fond, près du rocher naturel laissé apparent au moment de la construction du bâtiment, le rocher arasé constituait une plate-forme haute de 0,25 m ; deux vases rituels y ont été retrouvés. Un pied en terre cuite plus grand que nature (L. : 0,24 m ; H. : 0,17 m) se trouvait encore au moment de sa découverte sur la banquette ; un second pied gisait à terre, dessous. Ces pieds, les morceaux de bois brûlés et les cendres mises au jour, attestent la présence d’une statue de bois dans la pièce centrale du sanctuaire7. Cette statue rudimentaire, parée et vêtue, devait être installée sur la banquette, qui constitue un témoignage clair de la volonté des hommes de créer des structures qui permettent de distinguer l’effigie divine du reste des offrandes.

b) Kommos

Fig. 1 : Kommos, temple B (800-600 av. n.è.) : banquettes le long des murs et « tripillar shrine » au centre (© Shaw & Shaw 2000, pl. 1.31).

Plusieurs édifices à banquettes ont été fouillés dans le site grec de Kommos, sur la côte sud de la Crète, dans la Messara, sanctuaire crétois ouvert aux Levantins8. Au temple A (qui fonctionne entre 1020 et 800 av. n.è.) a succédé vers 800 le temple B (fig. 1) ; tous deux semblent avoir servi de lieu de dépôt et de présentoir pour les nombreux objets mis au jour durant les fouilles : figurines d’argile, de bronze, de faïence, petites et grandes, animales ou humaines. Une banquette en pierre le long du mur nord du temple B a dû constituer l’un des lieux d’exposition pour ces offrandes9. Au centre de cet édifice rectangulaire ouvert en façade10, un autre type d’installation permettait d’exposer les images du culte et / ou les offrandes : il s’agit d’une base rectangulaire munie de trois cavités qui accueillaient trois petits piliers, des bétyles aniconiques venus du Levant11. Deux statuettes de faïence et un petit cheval de bronze ont été découverts in situ entre les bétyles et d’autres figurines gisaient sur le sol alentour, ce qui montre que cette base était utilisée pour disposer des ex-voto particulièrement significatifs, mis au contact des bétyles, comme l’a récemment rappelé Daniela Lefèvre-Novaro12. Un bouclier de bronze, disposé en arrière de cette installation, créait un reflet et des effets métalliques : une véritable mise en scène13.

Dans le temple C, construit vers 350 av. n.è. une base de statue rectangulaire est disposée en position centrale, contre le mur de fond (ouest) du bâtiment. D’après l’histoire du site et les noms des divinités connues à Kommos, il est probable que cette base portait les statues de Zeus et Athéna14. Une plate-forme légèrement plus petite se trouve au nord de cette base, tandis que des banquettes pour des repas rituels sont restituées, non seulement le long des murs latéraux (nord et sud), mais aussi au sud de la base, le long du mur de fond15. Dans un second temps, à la fin du IVe ou au début du IIIe siècle, une plate-forme fut ajoutée au sud de la base en position axiale, à la place de la banquette des premiers temps. Elle a pu porter des offrandes ou bien un autre groupe de statues : il semble que, dans cet édifice, le lieu d’exposition de la statue de culte, mise en valeur dans l’axe du bâtiment, se distingue désormais des lieux d’exposition des figurines votives. Il faut noter que, contrairement aux temples A et B qui étaient largement ouverts en façade, à l’est, le temple C est muni d’un mur de façade percé d’une porte à deux battants. La présence de la porte indique également que statues de culte et offrandes votives n’étaient plus visibles en permanence. Des temples antérieurs A et B, le temple C a retenu les banquettes le long des murs, mais il demeure proche, par d’autres aspects – ainsi le foyer central –, du temple de Dréros, daté du VIIIe siècle av. n.è.

c) Dréros

Le bâtiment mis au jour à Dréros, site du nord-est de la Crète, a été identifié comme le temple d’Apollon Delphinios. L’édifice est orienté nord-est ; il est daté de la seconde moitié du VIIIe s. av. n.è.16. Le centre de ce petit édifice rectangulaire bien connu est occupé par un foyer rectangulaire encadré de deux colonnes17. Les trois sphurḗlata de bronze, qui représentent très probablement la triade apollinienne18 et qui ont été retrouvés quasiment in situ, sont habituellement replacés sur le keratṓn19, contre le mur de fond du bâtiment, non pas en position axiale, mais légèrement décalé vers l’ouest. A l’ouest de cette première plate-forme, une banquette en moellons portait encore, au moment de la découverte, des restes de sacrifice (os et cendres), quelques morceaux de vases brisés, un gorgόneion de bronze et des fragments de terres cuites20. Enfin, une table en pierre, circulaire, était installée devant le keratṓn. Les trois structures se ressemblent, tant dans leurs dimensions que dans leur simplicité de construction, d’agencement et dans leur emplacement. Aucun aménagement particulier n’a été prévu pour le groupe statuaire apollinien, d’ordinaire replacé au-dessus de l’autel, probablement surmonté d’un couvercle de bois faisant office de support pour les statuettes de bronze. Il est cependant possible que la triade ait été disposée non pas sur le keratṓn, mais sur la base de l’angle sud-ouest du bâtiment qui portait déjà d’autres offrandes21. L’installation de ce groupe sculpté ne semble donc différer en rien de la présentation des offrandes de petite taille très nombreuses dans les sanctuaires22.

Ce type de temple n’est pas uniquement représenté dans les périodes hautes ; nous avons vu que le temple C de Kommos lui ressemblait beaucoup. C’est également le cas du temple d’Asclépios à Lissos23, sur la côte sud de la Crète, daté du début de la période hellénistique. Les murs latéraux, comme à Kommos, sont munis de banquettes tandis que, contre le mur de fond, ont été installés une base à degrés pour la statue de culte, ainsi qu’un curieux bassin d’interprétation difficile24. La partie ouest du bâtiment était séparée du reste par une bordure, une balustrade basse, qui permettait d’isoler la statue cultuelle des fidèles, mais aussi des offrandes communes disposées sur les banquettes le long des murs25. Ce type de séparation entre deux parties de l’édifice se retrouve également dans un autre sanctuaire d’Asclépios de la côte sud de l’île, à Lebena : la plate-forme qui servait de base pour la statue ou les statues de culte est précédée de deux colonnes qui, au-delà de leur utilité technique – elles servent de support au toit – rythment l’espace intérieur et créent un espace préservé pour les images divines26.

Cette évocation rapide des temples crétois permet de relever une tendance à la recherche de mise en valeur, de mise en scène de l’effigie divine : sur un même site, Kommos, on remarque que les temples A et B ne présentaient pas de dispositif particulier pour une statue de culte tandis que, au milieu du IVe siècle, on a isolé un groupe sculpté (probablement Zeus et Athéna) à l’intérieur du temple C, sur une base en position axiale dans le fond du bâtiment. Apparaît alors, en Crète aussi, le net souci de distinguer la statue de culte du commun des offrandes. J’aurais pu aborder cette évolution en utilisant les exemples du continent ou de Grèce de l’Est – par exemple les temples bien connus de l’Héraion de Samos –, mais j’ai volontairement choisi dans cet article de mêler des aires géographiques et des ères chronologiques distinctes27.

d) Volonté de créer un espace propre pour donner à voir les statues divines

Les recherches sur les temples grecs, demeures de la statue de la divinité, ont montré que, dès l’époque archaïque, les Anciens ont imaginé des solutions pour exposer les statues des divinités. Avec le temps, les édifices de culte adoptèrent des formes plus développées et les architectes fixèrent vers 600 av. n.è. les deux ordres qui furent employés majoritairement pendant le reste de l’Antiquité : l’ordre dorique en Grèce centrale et d’Occident, l’ordre ionique à l’Est.

La colonnade périptère qui entoure l’édifice semble être la norme, mais l’on rencontre souvent, dans ces débuts de l’architecture grecque, une autre colonnade, axiale cette fois, à l’intérieur : elle sépare la cella en deux nefs égales. Le rôle exact de cette colonnade, mais surtout son abandon, n’ont cessé d’intriguer les historiens de l’architecture. Très vite, en effet, la colonnade n’est plus axiale, mais déportée sur les côtés, elle se dédouble, donnant naissance à des cellae à trois nefs. Le plus logique serait de reconnaître dans cette colonnade un élément porteur28. Mais la colonnade axiale empêchait de disposer la statue de la divinité en position centrale afin d’être parfaitement visible pour les visiteurs et les pèlerins qui restaient le plus souvent, mais pas toujours, à l’entrée du temple29. Lorsque les architectes repoussèrent la colonnade vers les murs, en créant un espace libre au centre de la cella, ils créèrent une place de choix pour installer la statue de la divinité30.

Il faut attendre la seconde moitié du Ve siècle pour voir apparaître de véritables « écrins architecturaux » pour les effigies divines, cultuelles ou votives. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient l’Athéna Parthénos de Phidias, offrande monumentale pour laquelle Périclès fit bâtir le Parthénon entre 447 et 438 av. n.è. Plusieurs des caractéristiques architecturales de ce bâtiment montrent qu’il a été conçu pour mettre en valeur la statue chryséléphantine colossale de Phidias31. La colonnade intérieure a été adoptée par les architectes de la plus grande majorité des temples des VIe et Ve siècles : dans la cella, les deux colonnades latérales dégagent une allée centrale qui laisse libre le regard vers la statue de culte. Ainsi dans le temple d’Artémis à Corfou (vers 580 av. n.è.), dans le temple d’Apollon à Corinthe (vers 540 av. n.è.), dans le temple d’Aphaia à Egine où apparaît pour la première fois une colonnade à deux niveaux (vers 500-480 av. n.è.), dans les temples d’Héra et de Zeus à Olympie ; les exemples sont nombreux en Grèce de l’Est et en Grande-Grèce également. Le Parthénon est le premier exemple de bâtiment dans lequel la double colonnade intérieure fait le tour de la base de la statue au fond de la cella.

Comme le disait si bien Georges Roux à propos du Parthénon :

« (…) le péristyle32 enclot l’espace intérieur, détermine un cadre architectural autour de la statue qui ne paraît plus, comme avec le plan précédent, être posée au milieu d’un corridor. Les architectes du Parthénon l’ont bien compris et la forme enveloppante donnée à la colonnade intérieure confirmerait, s’il en était besoin, que le temple fut conçu en fonction de la statue qu’il devait abriter »33. La colonnade intérieure du Parthénon eut d’ailleurs des échos immédiats, à Athènes même, à l’ouest de l’agora, dans le temple d’Héphaïstos et Athéna Erganḗ34.

Pour installer d’autres statues de culte, dans d’autres édifices, dans d’autres régions, les maîtres d’œuvre ont eu recours à d’autres dispositifs sur lesquels je propose de m’arrêter à présent.

II. Des dispositifs architecturaux qui permettent la présentification des dieux35

Les groupes de divinités qui sont plus complexes, tant dans leur élaboration que dans leur installation et dans la manière dont ils se donnent à voir, seront à présent l’objet de notre attention. Les statues des divinités de Lycosoura en Arcadie et d’Aigeira en Achaïe, sur lesquelles j’ai choisi de m’arrêter, étaient disposées sur des supports de forme peu commune36 : en forme de T et de Π. Ces groupes, datés du IIe siècle av. n.è., s’inscrivent dans le goût du colossal37 pour les groupes cultuels à l’époque hellénistique, goût que nous pourrions illustrer en évoquant également par exemple la triade apollinienne de Claros ou l’Asclépiéion de Phénéos.

a) Lycosoura

Le temple prostyle hexastyle de Lycosoura, daté de la fin du IIIe ou du début du IIe siècle av. n.è., est bien connu et a fait l’objet de commentaires multiples, tant après les fouilles grecques qu’après les sondages de l’Ecole française d’Athènes38. Le temple est plus large en façade, où l’on avait aménagé un prostôon, qu’à l’arrière39. L’absence de colonnade périphérique a certainement permis aux architectes du temple d’élargir la cella, dans l’espace disponible entre le portique au nord et les gradins de la pente au sud, et ainsi de disposer d’un espace plus large pour le groupe sculpté colossal qui occupe toute la partie ouest de la cella (fig. 2).

Fig. 2 : Lycosoura, temple de Despoina (tournant des IIIe et IIe siècles av. n.è.) vu depuis le haut du versant (© J. Montel, état été 2006).

Les statues de Déméter, Despoina, Artémis et Anytos – qui mesuraient autour de 4 m de hauteur – ont été installées sur une base en forme de T, conçue pour disposer en avant les deux divinités principales trônantes et, en arrière, sur leurs côtés, les deux parèdres secondaires, debout40. Un double système de fermeture entre prόnaos et cella isolait le groupe cultuel tout en laissant les fidèles le voir à travers les six colonnes de la façade. Les cavités et les traces sur le seuil conservé entre les deux parties du bâtiment invitent en effet à restituer une grille côté prόnaos, et une porte côté cella. Même lorsque l’édifice n’était pas accessible, les pèlerins du sanctuaire pouvaient voir le groupe cultuel à travers la grille fermée qui assurait la protection des lieux et des effigies divines. Lorsque le temple était ouvert, on ne circulait pas de part et d’autre et derrière les statues, précédées d’une barrière qui créait une séparation nette et isolait les statues dans la partie du temple qui leur était réservée. Il faut noter que le temple était muni d’une porte latérale percée dans le mur sud à quelques centimètres de la barrière, installée 1,40 m en avant de la base du groupe statuaire. Pausanias (VIII, 37, 7) mentionne un miroir dans lequel les visiteurs ne voyaient que très mal leur propre reflet, mais très bien les statues et leur trône : un ultime moyen de rendre les dieux encore plus visibles.

Comme la triade apollinienne de Claros41, le groupe de Lycosoura occupait quasiment tout l’espace de la cella et devait paraître massif. Mais la conception du groupe de Lycosoura apparaît plus nettement : la base en forme de T a été choisie, car elle était adaptée au type de groupe mêlant deux personnages assis trônant au centre (Déméter et Despoina) et deux personnages debout, sur les côtés (Artémis et Anytos). On ne pouvait certainement trouver meilleure configuration pour disposer ces quatre effigies. Il faut probablement mettre cette réussite en rapport avec l’auteur des statues, Damophon de Messène, qui avait dû expérimenter ailleurs plusieurs types de dispositifs42 et, lorsqu’il s’est vu confier par les Arcadiens la réalisation du groupe cultuel de Lycosoura, a réfléchi à la meilleure manière d’unir les quatre divinités.

Comme le suggèrent le texte de Pausanias et les vestiges conservés – ceux des statues et ceux de la base –, Damophon avait véritablement composé le groupe, il ne s’est pas contenté d’aligner les quatre divinités côte à côte. La base est le premier élément unificateur43, mais la position et les gestes des personnages, et notamment des figures centrales, avaient également un rôle important dans la présentation générale du groupe cultuel. D’une part, figures assises et figures debout avaient la même hauteur, par respect du principe de l’isocéphalie ; d’autre part, un certain nombre de traits participent à l’unité du groupe : ainsi, les jambes de Déméter et Artémis étaient sans doute inversement disposées44, tandis que Déméter passait certainement la main gauche sur l’épaule de Despoina45.

Je mentionne en parallèle le groupe sculpté de l’Asclépiéion de Phénéos, daté lui aussi du IIe siècle, dont ne sont conservés que des fragments qui rendent impossible toute restitution assurée46. La base, signée par Attalos, fils de Lacharès, d’Athènes, mesure 4,91 m de largeur et parait bien massive par rapport à la taille de la pièce qui l’abrite, large de seulement 6,10 m. Les effigies des divinités secourables devaient sembler coincées dans le fond de la pièce. La comparaison avec Lycosoura est instructive : dans les deux édifices, la base occupe toute la largeur de la partie du bâtiment qui lui est dévolue, mais à Lycosoura les dimensions du temple permettait de prendre plus de recul et le groupe, pourtant colossal, devait sembler bien moins à l’étroit que celui de Phénéos.

b) Aigeira

Le groupe du Tychéion d’Aigeira en Achaïe fournit un autre exemple47. Il est disposé sur une base en forme de Π qui semble résulter d’un aménagement lié à la fois au nombre de figures à agencer, mais aussi à la forme du bâtiment qui les abrite : en effet, le corps central comme les avancées latérales du Π sont parfaitement adaptés aux murs de la pièce (fig. 3). En façade, la porte d’entrée était encadrée de deux parapets bas, sans doute surmontés d’une fenêtre : lorsque la porte était fermée, les visiteurs pouvaient tout de même voir le groupe par dessus les parapets qui l’encadraient. Il n’est d’ailleurs pas certain que les visiteurs entraient dans le Tychéion : la profondeur de la pièce semble indiquer le contraire48. Il est plus probable que le Tychéion ait été justement conçu comme une structure ouverte en façade, afin que le groupe sculpté soit visible depuis l’extérieur de la pièce, pour quelqu’un se trouvant dans le portique sur lequel donne le Tychéion.

Fig. 3 : Aigeira, Tychéion (deuxième moitié du IIe siècle av. n.è.), vue prise du nord vers le sud. Au premier plan le seuil (non en place) flanqué des deux bases des colonnes qui encadraient l’entrée de la pièce (© S. Montel, état sept. 1997).

Il est hélas impossible de restituer la disposition et l’allure exactes de ce groupe cultuel colossal entouré de sept figures humaines de taille plus modeste liées à l’histoire locale, comme nous l’apprend Pausanias (VII, 26, 8-9). Pourtant, les dimensions de la pièce ne semblent pas faites pour accueillir autant d’effigies sculptées ; l’analyse des cavités d’encastrement a permis de montrer que certains des personnages évoqués par le Périégète devaient être de petite taille : leur ancrage n’a pas laissé de traces nettes au lit d’attente. La base en forme de Π présente l’avantage de pouvoir associer une file de statues sur le massif rectangulaire principal et d’autres statues sur les ailes latérales : il n’est donc pas étonnant que ce type de base ait été choisi pour le Tychéion d’Aigeira dont la largeur seule ne permettait pas le regroupement de toutes les statues du groupe tel qu’il est décrit par le Périégète.

D’après les fragments sculptés mis au jour, les statues de Tyché et d’Eros étaient colossales. Elles devaient être disposées au centre, sur le corps principal de la base : c’est en effet par ces deux divinités principales que commence la description du Périégète et l’on comprend que ces deux statues, plus grandes, retenaient l’attention du spectateur plus que les autres. Le vieillard, les trois jeunes hommes et les trois jeunes filles se répartissaient sur le reste de la surface disponible, plus de 10 m au total, ce qui convient bien pour un groupe réunissant neuf statues. Il est difficile de pousser plus loin le commentaire de ce groupe sculpté, mais il paraît clair que le sculpteur responsable de cette création hellénistique a su adapter la forme de la base à la fois au bâtiment peu soigné dont il disposait, mais aussi au nombre de statues qui devaient figurer dans cette pièce dédiée au « panthéon » local et à l’histoire de la cité49.

Ce détour par les effigies divines colossales et les espaces qui les accueillaient m’a permis d’illustrer plusieurs manières de mettre en scène les dieux : échelle particulière, support adapté et architecture enveloppante qui permettait aux effigies d’être vues même lorsque l’édifice était – temporairement ou habituellement – inaccessible.

III. Des structures architecturales sacralisantes

Dans cette dernière partie, je quitte les statues de culte pour m’intéresser à la mise en scène d’autres images des dieux : celles qui étaient abritées, à Thasos, dans le sanctuaire de Dionysos sur le chemin menant au théâtre de la cité et celles qui, à Labraunda en Carie, présidaient au banquet donné par les dynastes régnants.

a) Les dieux conduisent au théâtre

Deux groupes votifs ont été disposés, dans le sanctuaire de Dionysos à Thasos, sur des bases en arc de cercle dans un espace rectangulaire : dans le premier exemple, une pièce ouvrant derrière une colonnade, dans le second, une simple plate-forme, précédée elle aussi d’une colonnade50. Le monument principal, daté du 3e quart du IVe siècle av. n.è., abritait vraisemblablement neuf statues dont cinq sont connues par les inscriptions, des fragments sculptés et les cuvettes d’encastrement conservées sur le lit d’attente des blocs de la base (fig. 4). Un Dionysos colossal51 au centre était entouré des genres théâtraux et musicaux (sur la gauche du dieu) et de figures qui, perdues ou jamais réalisées, restent anonymes pour nous (sur sa droite)52. La Tragédie était une statue de taille humaine ou un peu plus grande, figure féminine portant probablement un péplos et tenant un masque de vieillard dans une main53. La Comédie, figure féminine vêtue d’un chiton et d’un himation54, était elle aussi une statue de taille naturelle. En revanche, les deux dernières figures à droite, dont aucun fragment sculpté n’est conservé, le Dithyrambe et le Nyktérinos, étaient des statues plus petites que la taille naturelle, comme l’indiquent les dimensions des cuvettes d’encastrement qui accueillaient leur plinthe.

Fig. 4 : Thasos, premier monument du Dionysion (troisième quart du IVe siècle av. n.è.). Vue générale des vestiges, prise depuis le sud (© S. Montel, automne 2002).

Les monuments du Dionysion thasien illustrent parfaitement les avantages, pour la présentation d’un groupe sculpté, d’un bâtiment muni d’une colonnade en façade. La construction, dans un laps de temps relativement rapproché55, de deux de ces « écrins architecturaux » pour groupe sculpté nous dit beaucoup de l’effet de mode que pouvait susciter l’érection de ce type d’offrandes monumentales dans un sanctuaire situé au centre de la cité, dans une zone de passage probablement largement fréquentée, et constituant l’un des accès au théâtre56.

La mise en place des statues constitue l’une des originalités du groupe du monument votif du Dionysion qui doit être soulignée : en effet, aucun parallèle exact n’est connu. La forme de la base, insérée dans une pièce en arrière des colonnes du porche, la composition tympanale du groupe, qui réunit des figures de taille décroissante, et les sujets représentés font de ce monument un cas unique qui s’inscrit cependant parfaitement dans les expériences de la seconde moitié du IVe siècle av. n.è. en matière de présentation des statues. Le monument du sanctuaire de Dionysos à Thasos est le seul qui réunisse tous ces traits. La base courbe qui porte le groupe est bien à l’abri dans le fond de la pièce qui constituait la partie principale du bâtiment : les statues, en marbre, étaient donc protégées des dégradations dues aux intempéries et au temps qui passe, tout en étant en permanence exposées au regard des pèlerins-visiteurs derrière les quatre colonnes en façade57. Enfin, la situation en hauteur du groupe sculpté, surélevé par le podium qui constitue le soubassement du monument, permettait de les élever au-dessus des autres structures et des autres statues généralement exposées sur des supports bas. Dans le sanctuaire, le bâtiment et les statues qu’il abritait dominaient les lieux consacrés à Dionysos.

La singularité de ce groupe, attribué à Praxias, fils de Praxias d’Athènes par B. Holtzmann58, a sans doute conduit d’autres dédicants à renouveler l’expérience quelques années plus tard, avec la construction du second monument du Dionysion. Dans cette construction, il est tentant de replacer la figure masculine, sans doute Dionysos59, au centre du groupe, tandis que la péplophore60 venait sur sa droite. Nous ne pouvons rien dire des autres statues qui complétaient le groupe. Comme sur le premier monument votif, Dionysos devait être entouré de figures liées à l’activité théâtrale, des allégories ou des Muses. Les offrandes monumentales du Dionysion thasien constituent un exemple supplémentaire de l’esprit d’émulation que l’on saisit si bien dans les sanctuaires panhelléniques tels Delphes ou Olympie.

b) Les dieux s’invitent au banquet

Mon dernier exemple nous emmène en Carie, dans le sanctuaire de Zeus Labraundos, dans lequel les statues des souverains dirigeants étaient mises en scène aux côtés de la divinité locale dans des espaces ménagés à cet effet au fond de deux salles de banquet.

Les andrônes de Labraunda ont la forme architecturale d’un petit temple ou d’un trésor : leur plan distyle in antis et leur façade monumentale, qui mêlait des éléments doriques et ioniques, en font des bâtiments raffinés, caractéristiques de l’architecture de ce grand sanctuaire carien dédié à Zeus Labraundos (fig. 5). Si l’on suit P. Hellström61, la statue de Zeus Labraundos aurait été entourée du couple de dynastes régnants au moment de la construction de ces deux bâtiments : Mausole et Artémise dans l’andrṓn B, Idrieus et Ada dans l’andrṓn A. Un relief du British Museum (inv. 1914.7-14.1) fournit un parallèle possible pour ce type de groupe sculpté mêlant la statue de la divinité, plus grande que nature, au centre, et les effigies du couple régnant de part et d’autre.

Fig. 5 : Labraunda, plan de la partie centrale du sanctuaire. L’andrṓn A correspond au numéro 1, l’andrṓn B au numéro 4 (© Hellström 1997, fig. 194).

Les niches des deux andrônes, certainement prévues dès le départ – le mode de construction des murs semble indiquer une contemporanéité de construction62 –, sont similaires. Leurs dimensions sont proches63 ; toutes deux se projettent en deçà du mur de fond de l’édifice, à peu près au centre de ce dernier64. Le mur de fond s’interrompt pour laisser place à la niche à un peu plus de 2 m de hauteur65, si bien que les statues exposées là devaient légèrement dominer les convives installés sur les lits disposés le long des murs. Aucun vestige de l’assise porte-statues n’est conservé, mais la découverte de fragments sculptés dans l’andrṓn B assure la restitution d’un groupe sculpté. C’est ensuite par resemblance des deux structures que l’on replace également un groupe dans l’andrṓn A. Je ne discute pas du type de groupe ici, mais souhaite insister sur leur mise en espace.

Une attention particulière a été portée par les bâtisseurs de ces andrônes sur l’éclairage : les deux bâtiments sont munis de quatre fenêtres dans leurs murs latéraux, à l’exception du mur nord de l’andrṓn B66. Deux grandes fenêtres67 encadraient d’autre part la porte de communication entre vestibule et pièce principale, ce qui permettait à l’espace intérieur d’être bien éclairé, comme il est logique que soit une salle de banquet. En outre, P. Hellström reconstitue une fenêtre haute au-dessus de la niche de l’andrṓn B, installée spécifiquement en haut du mur de fond de la pièce principale pour apporter un éclairage zénithal sur les statues disposées dans la niche.

Trois traits principaux sont responsables de l’originalité de la présentation de ces deux groupes. Le premier est leur position axiale : le groupe occupait une place centrale et était visible depuis l’entrée du bâtiment, entre les deux colonnes in antis ; il faut souligner que la position des deux andrônes dans le sanctuaire de Zeus permettait à tous les fidèles d’apercevoir le groupe en passant devant les entrées des deux bâtiments68 ; il était cependant plus facile de prendre du recul depuis l’esplanade libre à l’est de l’andrṓn B, alors que les édifices sacrés de la terrasse à l’est de l’andrṓn A l’empêchaient. Cependant, le groupe sculpté était surtout visible depuis l’intérieur du bâtiment. Le deuxième est la situation en hauteur de la niche, et donc des statues qui dominaient les convives. Le troisième est dû à la construction même d’une niche, espace réservé, protégé, pour des statues encadrées par les murs latéraux, mais aussi par le fond et le plafond de la niche rectangulaire. Au sein de la salle de banquet, les statues avaient leur propre espace clos et c’est ce qui fait toute l’efficacité de cette présentation.

Avec ces deux groupes paratactiques mêlant dynastes régnants et divinité locale, nous sommes à la limite entre le groupe honorifique et le groupe cultuel, puisque les souverains hellénistiques pouvaient recevoir un culte, surtout lorsque leurs statues étaient, comme c’est le cas à Labraunda, exposées aux côtés des dieux. L’espace rectangulaire ménagé au fond de la salle de banquet et la base que l’on restitue ne sont pas particulièrement originales du point de vue formel, mais la présence d’un groupe honorifique synchronique dans un tel édifice en dit long sur la mentalité des gouverneurs de Carie. Il s’agissait de se mettre en scène, sous la protection de Zeus Labraundos, dans un espace confiné visible par les fidèles qui partageaient leur repas dans les andrônes du sanctuaire (fig. 6).

Fig. 6 : Labraunda, restitution de l’intérieur de l’andrṓn B avec le groupe sculpté disposé dans la niche du mur de fond (© R. Holmgren, dans Hellström 1997, fig. 209).

Conclusion

Les procédés d’installation des statues divines étaient aussi importants que les statues elles-mêmes ; une effigie peut être cultuelle ou votive, c’est le contexte et la manière dans lesquels elle est exposée qui nous renseignent. Il reste encore beaucoup à faire pour écrire l’histoire des modes de présentation des effigies cultuelles, telle que je l’ai esquissée dans la première partie de cet article69. Cette histoire nous informe sur les modalités de perception des dieux dans la cité. J’ai analysé des exemples qui permettaient d’envisager les différentes formes de supports, adaptés au nombre et au type de statues, mais aussi au bâtiment et à l’espace disponible : ainsi à Lycosoura, Aigeira ou Thasos ; j’ai également souligné des aspects pratiques de la perception des dieux, en évoquant la visibilité, l’accès ou encore l’éclairage : ainsi, en particulier à Aigeira, Thasos ou Labraunda. J’ai montré ailleurs70 combien les constructions destinées à abriter les statues, en particulier les statues de marbre, étaient la condition de leur bonne conservation71. En mettant en scène les statues des hommes au sein de structures architecturales conçues à cet effet, qui isolaient certaines images des autres, si nombreuses dans les sanctuaires, les Anciens ont su, dans quelques cas, placer les hommes au niveau des dieux : ainsi dans l’exemple bien connu du Philippeion d’Olympie ou du trésor des Thessaliens à Delphes. Mais il s’agit d’un autre sujet…

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____________

1 Pirenne-Delforge 2008, p. 110.

2 Par exemple ANR DIKIDA : « De la chaîne du DIKtè au mont IDA : territoire et formes d’organisations communautaires en Crète du XIVe au VIe siècle av. J.-C. » (Daniela Lefèvre-Novaro, UMR 7044, Strasbourg).

3 Sur ce sujet, voir Prent 2005.

4 Le sanctuaire a été détruit au début du XVIIe siècle av. n.è.

5 Par installation, nous entendons ici le(s) dispositif(s) conçu(s) pour accueillir une effigie divine : un support ; parfois, devant la statue, une barrière ou une table à offrandes ; d’éventuels objets enfin, notamment des récipients. Cette installation au sens le plus pratique du terme était accompagnée d’actions rituelles documentées par quelques textes (voir par exemple Pirenne-Delforge 2008).

6 Sakellarakis & Sapouna-Sakellarakis 1997, p. 268-311.

7 Ibid., p. 281-287 sur la pièce centrale et p. 530-539 sur la statue appelée xόanon. Les pieds datent du MM IIB-IIIA. Les pieds d’Anémospilia sont les plus grands et les plus anciens pieds de statues découverts en Crète.

8 Les résultats sont publiés dans le très beau volume de Shaw & Shaw 2000.

9 Il n’est cependant pas exclu que la même banquette ait servi de siège pour les fidèles qui participaient aux banquets rituels (Shaw & Shaw 2000, p. 164). Une banquette symétrique courait peut-être le long du mur sud du temple B, mais les vestiges sont moins clairs de ce côté-là. Le temple A, remplacé par B, présentait le même type de dispositif. M.-Ch. Hellmann (Hellmann 2006, p. 63) a proposé une distinction entre les banquettes servant de socles à offrandes et les banquettes pour prendre des repas assis ou couchés. Le double usage paraît en effet difficile à concevoir…

10 Un pilier se trouvait au centre de cette façade, dans une disposition également connue au temple A de Prinias.

11 Cette structure est connue sous l’appellation de « tripillar shrine » ; elle se situe en arrière du foyer, lui-même en arrière du pilier central marquant le milieu de la façade du bâtiment.

12 D. Lefèvre-Novaro, Université de Strasbourg, « Recherches récentes sur la Crète géométrique et archaïque » (communication à la Société française d’archéologie classique, 15/01/2011).

13 Par ailleurs, les fouilleurs évoquent l’existence de possibles étagères en bois ou tables à offrandes car les figurines et autres offrandes découvertes dans les fouilles sont trop nombreuses pour avoir tenu sur les banquettes et la base aux trois piliers ; Shaw & Shaw 2000, p. 164. Des fouilles récentes ont montré que, dans l’áduton de l’un des temples de Kythnos, daté du VIIe siècle, les offrandes devaient être accrochées aux murs, rangées sur des étagères, ou encore suspendues au toit (voir Whitley 2003, p. 76 et Mazarakis-Ainian 2009, p. 308-311, par exemple).

14 Les cavités préservées sur les blocs de l’assise supérieure de cette structure permettent aux archéologues d’y replacer deux statues de marbre de taille naturelle. Voir Shaw & Shaw 2000, p. 713-714. Les auteurs précisent même que les deux effigies pouvaient être disposées de part et d’autre de l’axe longitudinal du temple, marqué par le foyer encadré de deux colonnes ; ils proposent de rattacher la cavité dans l’angle S.-E. de la base à un attribut de l’une des statues, une grille en avant des statues, ou bien un baldaquin encadrant les statues, ou encore à l’emplacement d’un relief votif indépendant (dont le tenon s’insérait dans ladite cavité).

15 Selon les périodes (l’édifice a connu six phases entre le IVe s. av. et le IIe s. de n.è.), ces banquettes étaient en pierre ou en bois, les bancs de bois doublant parfois ceux de pierre.

16 Sur Dréros, voir Marinatos 1936, p. 214-285 ; Beyer, 1976 ; D’Acunto 2002-2003, p. 9-62.

17 Le temple-oîkos de Dréros mesure 10,90 m de longueur sur 7,20 m de largeur à l’extérieur des murs (9,30 par 5,70 m à l’intérieur) ; il est construit en calcaire local bleuâtre. Le foyer rectangulaire ou eskhára mesure 1,47 par 0,94 m.

18 Musée d’Héraklion inv. 2445 (Apollon), 2446 et 2447 (deux figures féminines interprétées comme Artémis et Létô).

19 Le keratṓn est une plate-forme constituée de plaques dressées de chant au centre desquelles le fouilleur a découvert de nombreuses cornes de chevreaux, ce qui semble indiquer que cette structure a pu servir d’autel.

20 L’autel keratṓn mesure 1,37 m de longueur par 0,71 m de largeur, tandis que la plate-forme dans l’angle mesure 1,34 m de longueur par 0,76 m de largeur. C’est en hauteur que les deux massifs varient : 0,95 m pour la plate-forme dans l’angle, préexistante, et 0,35-0,40 m pour l’autel-base des statues qui est venu s’appuyer contre elle.

21 C’est l’opinion de D’Acunto 2002-2003, p. 9-62.

22 Sur ce sujet, on consultera avec beaucoup d’intérêt Alroth 1988, p. 195-203 et Brulotte 1994.

23 Sanders 1982, p. 84-87.

24 Pour des libations ou pour le serpent d’Asclépios.

25 La base mesure 2,65 m de longueur (pour 1,30 m de largeur et 0,90 m de hauteur), si bien qu’il devait y avoir là non pas une statue de culte, mais plusieurs. On pense à un groupe représentant la famille d’Asclépios, peut-être comme dans l’Epidôtéion d’Epidaure.

26 La longueur de la base, ca 6 m, permet de restituer ici aussi un groupe sculpté réunissant jusqu’à six statues (largeur : 1,35 m ; hauteur : 0,65 m). Voir Chatzi-Vallianou 1989. Le sanctuaire date du début de l’époque hellénistique et a été remanié à plusieurs reprises à la fin de l’époque hellénistique et au IIe-IIIe siècle de n.è.

27 Nous avons bien sûr conscience que l’exercice, qui s’applique à ce bref article, peut être périlleux et que les pratiques locales empêchent une histoire linéaire et uniforme de l’installation des statues de culte.

28 Les colonnes permettent de soutenir la poutre faîtière, et donc la charpente et le toit du bâtiment.

29 Il est cependant raisonnable de considérer que la question du libre accès à l’intérieur du temple variait d’un édifice à l’autre. Seules quelques sources anciennes indiquent une restriction de l’accès à l’intérieur du temple, réservé au personnel religieux. Voir Corbett 1970.

30 Cette évolution est sans doute illustrée, dans le sanctuaire d’Héra à Samos, par le premier hekatόmpedon dans lequel l’évolution colonnade axiale / colonnade repoussée sur les côtés semble être lue par les archéologues. En revanche, l’hekatόmpedon n’a pas connu, comme on l’a longtemps pensé, de perístasis. Pour un résumé, voir Hellmann 2006, p. 43-44 et Kyrieleis 1981, p. 80, fig. 56.

31 La Parthénos devait mesurer ca 11 m de hauteur.

32 G. Roux désigne ainsi la colonnade intérieure qui, lorsqu’elle n’est pas tangente aux murs, forme un péristyle à l’intérieur de la cella.

33 Roux 1961, p. 396.

34 Dinsmoor 1968.

35 J’emploie ce terme après J.-P. Vernant et d’autres, en ayant bien conscience qu’il pourrait heurter certains lecteurs qui voudront bien comprendre qu’il s’agit de dispositifs architecturaux qui permettaient d’intensifier la présence divine.

36 Les formes de base les plus répandues sont les bases quadrangulaires (rectangulaires, rectilignes, carrées) et leurs variantes en forme de G, P, T ; les bases courbes (en arc de cercle, en arc outrepassé ou en forme de fer à cheval) sont plus rares ; les bases rondes encore plus. Aux observations sur la forme du support s’ajoutent celle de ses dimensions, en particulier de sa hauteur (de l’assise unique au pilier monumental), et de son décor.

37 Sur cette notion, voir par exemple Hermary 2006, p. 115-131.

38 Le temple est pourtant mal publié. Une journée d’étude à Nanterre à l’automne 2006 a fait le point sur les connaissances sur le sanctuaire (Maison René Ginouvès, Nanterre, 20 nov. 2006). Les actes ont paru dans la revue Ktèma 33, 2008.

39 Il mesure 12,31 / 11,15 m de largeur par 21,34 m de longueur au stylobate.

40 La base de Lycosoura n’est pas accolée aux murs du temple : fondations de la base et fondations du mur de cella se touchent sans être liaisonnées, mais je ne crois pas, comme l’ont proposé Kourouniotis 1911 ou Lévy 1967, qu’il faille en tirer argument pour la non contemporanéité des deux structures. Les petits côtés du corps rectangulaire principal de la base sont eux aussi très proches des murs latéraux, ce qui devait donner l’impression que la base emplissait tout l’espace disponible.

41 Moretti 2009 sur l’édifice ; Marcadé 2001 et Marcadé 2008 sur le groupe sculpté, avec la bibliographie antérieure.

42 Par exemple, le groupe d’Apollon et les Muses dans l’oîkos X de l’Asclépiéion de Messène (Themelis 1996, p. 154-185 sur les statues et Chlepa 2001, p. 82-84 sur la pièce qui les abritait).

43 La base du groupe de Damophon à Lycosoura était ornée de reliefs, mais leur restitution est loin d’être assurée ; les blocs du corps principal sont encadrés par des moulures qui conféraient une unité au massif en forme de T.

44 Jambe droite avancée pour la première, jambe gauche pour la seconde.

45 La couleur des statues et de leur enveloppe architecturale jouait également un rôle majeur dans la perception des statues divines, comme l’a suggéré I. Manfrini dans une intervention récente (atelier Chromo, Anhima, séance du 6/6/2011).

46 Jost 1985, p. 31-32. La tête d’Hygie mesure 0,80 m de hauteur.

47 Hagn 2001.

48 En effet, il y a moins de 3,50 m entre le seuil et le massif porte-statues, distance insuffisante pour prendre le recul nécessaire pour apprécier le groupe dans son ensemble.

49 Nous ne pouvons exclure la possibilité que le groupe ait été constitué en plusieurs phases : d’abord les divinités, puis les hommes et les femmes liés à l’histoire locale. Les cavités conservées sur le lit d’attente ne sont en effet pas régulières et peuvent trahir un travail en plusieurs étapes. Cependant, le corps de la base a, semble-t-il, été conçu en une seule fois, ce qui rend l’hypothèse d’un groupe « par ajout » peu plausible.

50 Granjean & Salviat 2000, p. 92-94.

51 Tête, MArch Thasos, inv. 16.

52 Différentes propositions ont été faites pour les statues perdues qui devaient venir sur la droite de Dionysos : représentation du drame satyrique ou du mime, héros local Pontos ou dieu Pan, il n’est pas possible d’aller au-delà de ces hypothèses.

53 Masque, MArch Thasos, inv. 17.

54 MArch Thasos, inv. 652.

55 Si le premier monument peut être daté du troisième quart du IVe siècle, le second doit dater de la première moitié du IIIe siècle, si bien qu’environ un demi-siècle sépare les deux constructions.

56 Ce même succès du monument du Dionysion peut certainement expliquer la forme choisie pour la base installée dans le fond de la cella du temple édifié à la fin du IVe siècle au nord-est du passage des Théores (voir Granjean & Salviat 2000, p. 88-89).

57 Les colonnes sont suffisamment distantes les unes des autres pour ne pas trop gêner la perception des statues, comme en témoigne la restitution graphique proposée par les architectes de l’EfA, M. Wurch-Kozelj et T. Kozelj (Grandjean & Salviat 2000, fig. 47, p. 93).

58 Holtzmann 2005, avec la bibliographie antérieure. Il s’agirait donc de Praxias III.

59 MArch Thasos, inv. 1473.

60 MArch Thasos, inv. 1473 bis.

61 Hellström 1994, p. 41 ; Hellström 1996, p. 133-138 ; Hellström 1997, p. 109-113.

62 On ne peut toutefois passer sous silence la possibilité d’un repentir des architectes, qui expliquerait pourquoi la niche se projette en dehors du mur de fond du bâtiment, formant une excroissance inhabituelle. Cependant, nul ne devait passer derrière, à l’ouest des deux andrônes, pour s’en rendre compte : le plan du sanctuaire montre bien qu’on ne circulait pas derrière les bâtiments, sauf peut-être (mais à une époque tardive) pour accéder à l’entrée ouest de l’annexe au nord de l’andrṓn B.

63 ca 4,80 m de largeur par 1,40 m de profondeur, et une hauteur restituée de plus de 3 m.

64 La niche du fond de l’andrṓn B est décalée de 0,07 m vers le sud, tandis que celle de l’andrṓn A est décalée de 0,05 m vers le sud. P. Hellström n’a pas commenté ces mesures, mais l’on peut sans doute y voir des calculs liés à la bonne visibilité du contenu de la niche ; cependant, il est probable qu’un tel décalage n’était pas sensible pour les yeux d’un visiteur qui se tenait en façade, à 19 m de là.

65 P. Hellström a d’abord donné 2,80 m (cinq assises) au-dessus du stylobate, soit 2,50 m au-dessus du seuil auquel devait correspondre le sol de la pièce (Hellström & Thieme 1981, p. 58-74) ; mais, après les travaux de 1990, ces mesures ont été corrigées en quatre assises, soit environ 2 m. Nous nous en tiendrons là. Pour l’andrṓn A, il donnait 2,27 m de hauteur.

66 C’est contre ce côté qu’a été construit le bâtiment nommé « annexe », qui n’est probablement pas contemporain de la construction de l’andrṓn ; les murs nord de l’andrṓn et sud de l’annexe ne sont pas liaisonnés.

67 Ces fenêtres sont hautes d’environ 1,60 m et larges de 1,10 m.

68 La porte de l’andrṓn B mesure 2,93 m de large, celle de l’andrṓn A 3,66 m. Les deux portes sont très légèrement décentrées : la porte de l’andrṓn B est décalée de 0,23 m vers le sud (on voit sur le plan que la partie nord du mur transversal est plus longue de 0,46 m), tandis que la porte de l’andrṓn A est décalée de 0,09 m vers le nord (on voit sur le plan que la partie sud du mur transversal est plus longue de 0,18 m). Voir Hellström & Thieme 1981, p. 58-74. Ces portes décentrées sont caractéristiques des salles de banquet : l’espace ainsi gagné pouvait être utilisé pour installer un lit de plus.

69 Je remercie vivement Francis Prost (Professeur à l’Université de Paris 1) qui m’a invité à poursuivre mes recherches en ce sens ; mes propres réflexions doivent beaucoup à son travail de redéfinition des statues en Grèce ancienne.

70 Montel 2008 ; Montel 2009 ; Montel [inédit].

71 Par comparaison avec la majorité des statues d’ordinaire exposées sur des bases en plein air.