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Les lettres coptes des archives de Dioscore d’Aphrodité

Loreleï VANDERHEYDEN

En 2001, à la dixième journée d’études coptes de Lille, Jean-Luc Fournet dressait un bilan concernant les papyrus coptes des archives de Dioscore1. Il y annonçait aussi son projet de publier ces papyrus avec Anne Boud’hors, afin de parvenir à une meilleure connaissance du dossier dans son ensemble. Je me suis jointe à ce projet, dans le cadre de ma thèse de doctorat, dans le but de produire une édition commentée des lettres coptes présentes dans ces archives2.

Ce corpus copte est le pendant complémentaire des papyrus grecs déjà connus, édités et largement commentés. Sa publication apportera non seulement des informations nouvelles, mais elle éclairera aussi la compréhension globale des archives, permettant ainsi une meilleure intégration des deux composantes de ce dossier.

Je décrirai d’abord le versant copte du dossier et les raisons pour lesquelles il est resté sous-étudié pendant près d’un siècle. Je donnerai ensuite les premiers résultats de mon travail d’heuristique dans les collections, avant de présenter deux inédits, et à titre d’exemple l’édition d’un troisième papyrus.

S’il faut maintenant reprendre complètement l’édition des documents coptes des archives de Dioscore, c’est que cette partie du dossier a pâti d’un manque d’intérêt certain. Ce désintérêt peut être expliqué par deux raisons principales. Dès la découverte des archives, en 1905, les pièces documentaires grecques les plus importantes ont rapidement suscité un grand intérêt et elles ont fait l’objet des publications de Jean Maspero très peu de temps après leur découverte3. Le pan copte a donc souffert dans un premier temps de l’importance numérique des pièces grecques et de l’intérêt immédiat qu’elles représentaient.

Ensuite, la dispersion des papyrus dans différentes collections a contribué à défavoriser les documents coptes. Outre une première dispersion commune aux papyrus grecs et coptes des archives, les papyrus coptes ont souffert d’une seconde dispersion à l’intérieur des musées égyptiens. En 1905-1906, le premier dépôt des papyrus de Kûm Ishgâw fut le Musée Egyptien du Caire. En 1939, un lot de papyrus coptes a été transféré au Musée Copte, qui en a lui-même transféré une partie à d’autres musées égyptiens de province, notamment aux musées de Tanta, d’Ismailia et d’El-Arish. La dispersion des papyrus coptes du dossier dans les différentes collections peut donc aussi expliquer pourquoi ce dernier resta sous-étudié, d’autant que, à leur entrée dans les différents musées, les papyrus n’ont pas été toujours correctement identifiés.

Le versant copte des archives est dominé numériquement par les lettres. Pourtant, on y compte aussi d’autres types documentaires tels que des arbitrages, une comptabilité, un contrat de location, une liste d’objets et un lexique gréco-copte4.

Les lettres, qui font l’objet de ma thèse de doctorat, composent le genre documentaire le plus représenté au sein des archives coptes de Dioscore. Actuellement, le corpus des lettres est composé d’une cinquantaine de documents, allant du petit billet de quelques lignes à la lettre opisthographe d’une quarantaine de lignes. Une trentaine de papyrus ont été publiés par Leslie MacCoull, mais les photographies de mauvaise qualité sur lesquelles elle a travaillé ne lui ont pas permis de produire des éditions satisfaisantes5. Les documents sont parfois dans de très mauvaises conditions de conservation et un travail de reconstitution sur les originaux est le plus souvent impératif.

Le contexte de la correspondance copte du dossier éclaire le fonctionnement de réseaux peu connus dans les documents grecs. Dans les archives de Dioscore, la majeure partie de la documentation grecque concerne la vie officielle du village d’Aphrodité, ainsi que les activités agricoles de certains de ses habitants. Ce sont en revanche les documents coptes, et plus précisément les lettres, qui éclairent avant tout les milieux monastiques et celui de la famille de Dioscore. Certains personnages y apparaissent donc sous des jours différents, alors que d’autres sont totalement absents de la documentation grecque. Le travail sur cette correspondance permettra, de ce fait, une meilleure compréhension de la vie privée de la famille de Dioscore et, dans une plus large mesure, une meilleure connaissance de l’histoire sociale et religieuse du village d’Aphrodité au VIe siècle.

Une première phase de mon travail est consacrée à la réédition des pièces déjà parues dans différentes publications de Leslie MacCoull et dans une édition d’Anne Boud’hors6. Parallèlement au collationnement des originaux, je mène aussi un travail d’heuristique dans les différentes collections susceptibles d’avoir acquis des papyrus des archives de Dioscore. Certains inédits ont déjà été repérés, dans les Musées Egyptien et Copte du Caire, de même que dans les collections de la British Library et du musée de Berlin7. Au total, une vingtaine d’inédits complétera les trente papyrus de la correspondance de Dioscore connus à ce jour.

En ce qui concerne la réédition des papyrus, j’ai pu retrouver, dans les réserves du Musée Copte, les numéros d’inventaire que Leslie MacCoull n’avait pas indiqués dans sa publication de 1981, ce qui facilitera désormais la consultation des originaux8. Cette recherche dans les réserves du Musée Copte m’a aussi permis de retrouver certains des papyrus qui n’étaient plus connus que par les transcriptions de Lacau conservées au Griffith Institute d’Oxford. Celui-ci avait en effet transcrit en 1909 sept papyrus coptes conservés au Musée Egyptien et ces transcriptions avaient été envoyées à Crum, qui préparait alors son dictionnaire. Sur ces sept papyrus, au moins quatre ont été transférés en 1939 au Musée Copte, mais les registres n’indiquant pas la provenance de ces papyrus, on oublia qu’ils étaient issus des archives de Dioscore et on les considéra comme perdus. Je suis donc désormais en mesure de donner les équivalences entre la numérotation des archives de Crum et les originaux que j’ai retrouvés et photographiés9.

La consultation des originaux apporte de nouvelles informations. Par exemple, pour le P. Musée Copte. inv. 4061 (= Gr. Inst. (d) ; cf. Annexe), Lacau n’avait pas transcrit la souscription grecque, puisque Crum n’en avait pas besoin pour la rédaction de son dictionnaire copte. Or, en nous donnant le nom et la fonction du fonctionnaire ainsi que le début de la date de rédaction du papyrus, cette souscription nous permet de saisir toute l’importance de cette lettre dans le dossier dioscorien. En effet, ce document appartient à un sousdossier concernant l’affaire des bergers de Phthla. Contrairement aux autres textes ayant trait à cette affaire, qui sont pour la plupart de la main de Dioscore lui-même (pétitions, poèmes), cette lettre est un témoin documentaire plus neutre, puisqu’elle a été écrite par un fonctionnaire du bureau des comptes10 : Iôannês demande aux bergers de Phthla de se plier à ses instructions.

De la même manière, pour le P. Musée Copte inv. 4057 (= Gr. Inst. (b)), la transcription de Lacau amenait à penser qu’il y avait cinq lignes de copte sur le recto, la cinquième ligne étant constituée uniquement du nom d’Apollôs et de son titre11. On pensait, de ce fait, connaître la signature d’Apollôs et donc sa main copte et son style ; or, il n’en est rien. Sur l’original, on voit bien qu’il n’y a que quatre lignes, la cinquième se trouvant en fait sur le verso. Cette disposition modifie donc la nature des données contenues dans cette ligne. La présence de ce nom dans l’endossement indique clairement qu’il s’agit en fait du destinataire. Le manque de précision de Lacau a donc induit en erreur les spécialistes12. La correction est loin d’être anodine puisque c’est le sens global du texte qui en est modifié : l’expéditeur de la lettre, qui n’est pas nommé, demande à Apollôs d’arbitrer un litige13. Nous pouvons même aller plus loin en soulignant, ce qui n’avait pas été fait auparavant, que l’endossement de cette lettre est en grec : il nous permet donc d’ajouter une nouvelle pièce bilingue au dossier. Néanmoins, les transcriptions de Lacau restent très précieuses, car certains originaux ont parfois été endommagés et des parties de textes sont désormais perdues.

Un autre exemple concerne la partie inédite de mon corpus : les P. Cair. S.R. 3733. 5bis et 6bis, deux lettres mentionnées par Jean-Luc Fournet en annexe de sa réédition du SB Kopt. I 29014. Elles ont été retrouvées enroulées l’une dans l’autre, ce qui est un élément important du point de vue archivistique et qui suggère un lien entre les contenus des deux lettres. La lettre P. Cair. S.R. 3733, 6bis est très fragmentaire, et on n’en connaît ni l’expéditeur ni le destinataire. On y apprend qu’un sarakôte, c’est-à-dire un moine errant, a été « enfermé »15. Le mot copte cᴀᴘᴀкɷтє n’était mentionné jusqu’alors que dans un papyrus du VIIe siècle conservé à la Pierpont Morgan Library16. Notre papyrus offre ainsi une seconde occurrence de ce mot dans un texte documentaire. Elle est cependant la plus ancienne puisque datable de la première moitié du VIe siècle. La mention d’un moine errant, tout comme celle d’un stylite dans un autre papyrus inédit, se révèle du plus grand intérêt pour l’histoire du monachisme égyptien au VIe siècle17.

Quant au P. Cair. S.R. 3733. 5bis, cette lettre a été envoyée par le diacre Iôannês et par Sarapion à Termouté, archimandrite et prêtre du monastère de Zénobios. Les expéditeurs y garantissent l’alibi d’un moine appelé frère Hérakl[. Puisque la lettre n° 5bis a été retrouvée avec le 6bis, il est très vraisemblable que cet Héraklei (?) soit le moine errant de l’autre lettre. Un délit avait sans doute été commis par ce moine : il fut donc surveillé pendant cinq jours, du 14 au 18 Thoth, c’est-à-dire comme le précise le texte « le jeudi, le vendredi, le samedi, le dimanche et le lundi »18. Outre l’affaire dont elle traite, la lettre 5bis enrichit la prosopographie du village : ainsi le diacre Iôannês, déjà connu par des sources grecques, est attesté dans un contexte différent. Pour la première fois, on le voit lié au monde monastique. Enfin, cette lettre confirme les liens entre le village d’Aphrodité et le monastère de Zénobios dans le nome panopolite19. Etant donné que ces deux papyrus datent de la première moitié du VIe siècle, et que le diacre Iôannês est attesté dans le dossier entre 525 et 540, ces deux lettres pourraient donc plutôt appartenir aux archives d’Apollôs, père de Dioscore, mort en 546. On voit donc bien que, au sein des « archives de Dioscore », une désignation plus précise de chaque dossier est possible, cette appellation englobant des textes ayant appartenu à la famille de Dioscore au sens large plutôt qu’à lui seul. Un travail d’identification de ces sous-dossiers est à faire.

La réédition des lettres coptes de Dioscore aussi bien que la publication des inédits aideront à dégager certains de ces sous-dossiers. Elles apporteront surtout un nouvel éclairage, différent de celui de la composante grecque, sur certaines affaires ou certains personnages. Cet ensemble livrera enfin des renseignements de premier ordre non seulement sur le monachisme, comme on vient de le voir, mais aussi sur le dialecte copte parlé à Aphrodité, et sur le bilinguisme gréco-copte en vigueur dans ce village – sujet que je n’ai pas pu aborder ici.

Annexe : lettre de Iôannês, commis du bureau des comptes, aux bergers de Phthla20

P. Musée Copte. inv. 4061H 26,9 x L 24 cmmars / avril 566

Recto ↓

[Ք ɪωAɴɴнc пвοнɵοc мп] λ̣οгɪcтнᴘ(ɪοɴ) пєтcᴤAї ɴ̅ɴ̅ωoοc м̅пϫ̅ᴧ̅A̅

[………]

[……………] мɴ̅ пκΑї cєєпє ɴ̅ωοc : ϫє Aїєї єAɴ[т…………]

[……………]є ɴ̅ ̣ λπολλω ɴ̅ϕAᴘAҮ єᴘ¯ᴤєɴ̅[…………]

.[.]. [………………].̅ oc тAҮᴘɪɴє ппAгAᴘ̣хoc̣ ɴ̅ [……………]

5 ɴ̅тAтєтɴ̅ϫooҮ мɴ̅ κҮᴘoc пвoнөoc Aтєтɴ̅вɪ ɴєλт[……………]

тκᴡмнтɪκн cҮɴтєλєɪA м̅мAтє м̅пєтɴ̅† тcҮɴтє[λєɪA………]

Aтєтɴ̅κAAҮ єҮдɪAcтᴘєϕє м̅мoϥ ᴤAᴘoc єпєɪдн oҮɴ AϤϫ[…………]

ɴAї ᴤA пΔнмocɪoɴ ɴ̅ᴘoмпє cɴтє ᴤA пAcтɪκᴡ· †ɴoҮ AпɪλλoҮ[cтᴘɪoc…]

ϫє cᴤAї ɴнтɴ̅ ɴ̅тєтɴ̅κAAϤ ɴϤ̅oλ пєϤєɪᴡᴤє мA ɴAпA oҮA[………]

10 λAҮє ɴ̅ᴘᴡмє пAᴘєλөє м̅мoϤ ɴ Ϥ̅вᴡκ ɴϤ̅мoᴤ тcҮɴтєλєɪA ɴ[…………]

тᴘoмпє cɴтє AҮᴡ пєɴтAκҮᴘoc вɪтϤ̅ ɴ̅тooтϤ̅ ɴ̅λнммA м̣[………]

м̅пднмocɪoɴ ɴ̅дᴡдєκAтн мAᴘєϤ† ɴєϤєɴтAгɪoɴ [………]

єї єᴘнc ɴ̅тAcмɴ̅ пAλoгoc мɴ̅ κҮᴘoc AїϫooҮ гAᴘ ɴA[………]

cɴoҮϤ ɴ̅тAтєϤcᴤɪмє пᴘocєλөє ɴAї мɴ̅ пɪλλoҮcтᴘɪoc AcтAм[O………]

15 ɴ̅гєɴнмA ɴAтєɴтAгɪɴ мɴ̅ɴ̅cA тᴘєɴмoᴤϤ ɴ̅пднмocɪo[ɴ………]

ϫє † ɴєɴтAгɪɴ ɴAc ɴ̅гoпoҮ єᴘoc єтᴘɪ̣cκAɪдєκAтн oҮ мoɴ[oɴ………]

ɴAc єɴтAгɪoɴ AλλA Aтєтɴ̅oλ ɴɪAᴤoҮ м̅пєтɴ̅† пднмocɪoɴ [………]

ɴAҮ ᴤAᴘoϤ oҮωωє oҮɴ̅ ɴ̅тєтɴ̅єɪᴘє κAтA ɴɪcᴤAї мпᴘκ[ω ɴAтAAc ɴ]

19 тє пєтɴ̅ᴤнт ᴤɪcє Ք ’Ιωάννηc βοηθ(ὸc) λογι(cτηρίου) cεc̣σημ(είωμαι) Ք ἐγράφη Φαρμοῦθ̣ι [

1 λοгɪcтнᴘ̣ϟ) pap. ɴ̅ɴ̅ωooc’м̅пϫ̅λ̅A̅ pap.     5 Aтєтɴ̅вɪ[ǀтǀ]ɴ : le т a été écrit puis corrigé en ɴт, lu par Lacau     6 ɴтє lu par Lacau     8 point en haut suivi d’un espace vide     9 ο̅λ̅пєϤєɪωᴤє pap.     15 ɴAт̀єɴтAгɪɴ pap.     16 OҮмοɴ[pap.     18 мпᴘ’κ[pap.     19 ϊωαννηc pap. β̣ο̣ηθ pap. λογι⁄ pap. cεc̣ςημ⁄ pap.

[C’est Iôannês le boêthosy du logistêrion (qui) écrit aux bergers de Phthla […] | […] et à tous les autres bergers : « Je suis allé à Ant[…] | […] d’Apollô de Pharau pour faire des […] | […]Tauriné lepagarque de […] |5 que vous avez dits avec Kuros, le boêthos. Vous avez pris les […] | la contribution (cυντέλεια) du village (κωμητική) seulement. Vous n’avez pas donné la contribution (cυντέλεια) […] | vous les avez laissés lui faire obstacle (διαcτρέφω) en ce qui concerne la contribution. Comme (ἐπειδή) donc (οὖν) il a[…] | pour moi au titre de l’impôt (δημόcιον) de deux années, pour l’astikon. Maintenant, l’illoustrios […] |de vous écrire de lui laisser récolter son champ, en lieu d’Apa Oua[…] | 10 qu’aucun homme ne s’oppose (παρέρχομαι) à ce qu’il aille payer la contribution (cυντέλεια) [… pour] | les deux années. Et le profit (λῆμμα) que Kuros s’est approprié […] | (lors de la perception de) l’impôt de la douzième (δωδεκάτη) (indiction) ». Qu’il donne ses reçus (ἐντάγιον). […] | aller vers le sud, pour que je rédige mon compte (λόγοc) avec Kuros. J’ai envoyé en effet (γάρ) à […] | l’année dernière quand sa femme s’est tournée (προcέρχομαι) vers moi et vers l’illoustrios. Elle a fait savoir [… « ] | 15 les récoltes (γένημα) sans reçu (έντάγιον) après que nous l’avons payé pour l’impôt (δημόσιον) [ »…] | : Donnez-lui (fém.) les reçus (ἐντάγιον) afin de les comptabiliser pour elle pour la treizième (τρισκαιδεκάτη) (indiction). Non seulement (ου μόνον) […] | de reçu (ἐντάγιον) pour elle, mais vous avez moissonné les champs. Vous n’avez pas payé l’impôt (δημόcιον) […] | pour eux en échange de lui. Veuillez donc vous conformer à cette lettre. Ne continuez pas [à faire cela] | (de peur que) votre cœur souffre. (2e m., en grec) Iôannês, commis du bureau des comptes, j’ai signé. Ecrit en Pharmouthi […] ».

1. Concernant les bergers de Phthla et leur importance dans le dossier de Dioscore, cf. Keenan (1985).

пϫ̅λ̅A̅ = Phthla. Orthographe copte attestée dans le P. HermitageCopt. 22, 10. Notons que Timm (1865-1866) doutait de la concordance phonétique entre пϫ̅λ̅A̅ et Phthla. L’hypothèse de Jernstedt dans P. HermitageCopt. 22, 10 n., 81-82 est ici confirmée.

3. Aɴολλω ɴ̅ϕAᴘAY. On a là une mention du monastère fondé par le père de Dioscore ; cf. Fournet (2002) et Wipszycka (2008).

4. La lecture de тAYᴘɪɴ̣є semble correcte, mais aucun pagarque connu ne porte ce nom.

5. Trois autres mentions d’un Kuros boêthos sont connues dans le dossier dioscorien, et elles appartiennent toutes à l’affaire Menas : P. Cair. Masp. I 67002 (mai-juillet 567) ; P. Lond. V 1677 (566/567) ; P. Aphrod. Lit. IV 11 (printemps 568). Fournet (1999) 543 propose d’identifier un seul et même personnage dans ces quatre attestations.

6–8. Sur la différence entre kômêtikon et l’astikon, cf. Gascou (2008) 258.

7 Aтєтɴ̅κAAҮ єҮдɪAcтᴘєϕє м̅мοϤ ᴤAᴘoc. Cette construction apparaît quasiment à l’identique dans deux lettres coptes liées à un contexte fiscal. Cf. P. Lond. Copt I 1148, 9-10 : AɪдɪAcтᴘєϕє ммoc ᴤAᴘooҮ ; 1179, 6 : єκκAAҮ ɴдɪAcтᴘєϕє ɴмoϤ. On retrouve aussi διαοτρέφω dans les documents grecs, et particulièrement dans le P. Cair. Masp. I 67002, pétition liée à l’affaire Mênas, où il prend un sens technique ; cf. P. Cair. Masp. I 67002, III, 19 : διαοτρέψαι τὴν ἐμβολήν. Il est possible de traduire alors διαοτρέφω par « entraver la bonne marche, perturber (peut-être détourner ?) la perception de l’impôt ».

8 пAcтɪκω. On attendrait plutôt пAcтɪκoɴ. Il pourrait s’agir d’un automatisme intéressant si l’on suppose que le scripteur a utilisé un datif grec de manière inconsciente.

9 cᴤAї ɴнтɴ̅. Cette expression, que l’on peut traduire littéralement par « écris / écrivez-vous », n’a pas de sens ici. Il est possible que nous soyons en présence d’une confusion entre discours direct et discours indirect.

10 пAᴘєλөє. Forme du verbe παρέρχομαι « s’opposer à ». Cette forme n’est attestée que deux fois dans des textes documentaires coptes des VII/VIIIe siècles. Cf. O. Crum. 111, 6 (VIIe s.) et P. Ryl. Copt. 289, 7 (VII/VIIIe s.).

11 λнммA. Absent de Förster, WB.

14 пᴘocєλөє. Forme du verbe προcέρχομαι, qui prend le sens technique de « faire une démarche, se tourner vers une autorité pour lui demander quelque chose, pétitionner auprès de quelqu’un ».

18–19. мпᴘκ[ω ɴAтAAc ɴ]|тє пєтɴ̅ᴤнт ᴤɪcє est un cliché rhétorique récurrent dans les textes coptes, que je propose de restituer d’après P. Bal. 229, 8-9, presque identique au syntagme présent dans notre lettre. Notons pourtant que cette restitution est un peu courte étant donné les dix lettres que l’on attend.

19. La souscription est inédite : elle était absente de la transcription de Lacau, conservée au Griffith Institute, de même que de l’édition de Leslie MacCoull qui en dépend. Cette souscription en grec à la suite du texte copte peut être considérée comme une note administrative, comportant la signature du fonctionnaire et la date. Au sujet de l’utilisation du grec comme langue des notes administratives dans les documents coptes, cf. Cromwell (2010) 231, n. 45.

Le boêthos logistêriou était un commis du bureau des comptes. Iôannês boêthos logistêriou est un personnage bien connu dans les archives de Dioscore. Il est emprunteur dans un prêt à intérêt sur hypothèque signé à Antinooupolis (P. Cair. Masp. III 67309, 25 février – 26 mars 569). On apprend par ce texte qu’il est le fils d’Ak[ôr]ios et de Martha et qu’il est aussi professeur de calcul ; la correction est apportée dans Fournet (2009) 119.

Bibliographie

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1 Cf. Fournet (2003) 170-175.

2 Les papyrus que je cite dans cet article auront donc un numéro dans mon corpus, qui sera abrégé en P. Aphrod. Copt. Lett.

3 Cf. P. Cair. Masp. I, II et III.

4 Arbitrage : cf. Fournet (2010) ; P. Cair. Masp. III 67176 + P. Alex. inv. 689 + BKU III 503 + Corpus Christi College Ms. 541 et son double, P. Cair. Masp. III 67353 r° ; P. Lond. V 1709 ; P. Berol. inv. 11349. Une réédition complète de ces arbitrages, proposée par A. Boud’hors et J.-L. Fournet est en cours d’élaboration. Comptabilité : P. Cair. S.R. 3733. 4 bis ; cf. Fournet (2003) 175. Contrat de location : P. Lond. inv. 2849 ; cf. Papini (1990). Liste d’objets : P. Cair. Masp. III 67334 v° ; cf. Fournet (2003) 175. Lexique gréco-copte : cf. Bell / Crum (1925) ; Baldwin (1982) 79-81 ; MacCoull (1986) 253-257 ; Hasitzka (1990) 181-190, n° 256.

5 Concernant la qualité des photos, cf. Messiha (1983).

6 Cf. Boud’hors (2008) 67-76 ; MacCoull (1981b) 199-206 (n° 1-5) ; MacCoull (1991) 104-112 ; MacCoull (1992) 104-112 ; MacCoull (1993) 21-63.

7 Je dois le repérage des inédits de Berlin et de Londres à Jean-Luc Fournet, et de celui de certains inédits du Musée Copte à Maher Eissa. Qu’ils soient ici remerciés pour leur aide.

8 Je donne donc ici l’équivalence entre les numéros de sa publication et ceux de l’inventaire : MacCoull (1981b) n° 2 = P. Musée Copte. inv. 6583 ; n° 3 = P. Musée Copte. inv. 6584 ; n° 4 = P. Musée Copte. inv. 6585 ; n° 5 = P. Musée Copte. inv. 6586.

9 Griffith Institute (a) = MacCoull (1992) n° 2 = P. Ismailia. inv. 2240 (autrefois P. Musée Copte. inv. 4062) ; Griffith Institute (b) = MacCoull (1993) n° 1 = P. Musée Copte. inv. 4057 ; Griffith Institute (d) = MacCoull (1993) n° 11 = P. Musée Copte. inv. 4061 ; Griffith Institute (f) = MacCoull (1993) n° 6 = autrefois P. Musée Copte. inv. 4056 (transfert au musée d’El-Arish en octobre 2005, mais j’ignore encore pour l’instant quel en est le numéro d’inventaire). Je remercie Maher Eissa de m’avoir fourni cette information et son cliché du papyrus.

10 Autres textes : P. Lond. V 1677 (566/567) ; P. Cair. Masp. I 67002 et P. Aphrod. Lit. IV 3 (mai-juillet 567) ; P. Lond. V 1674 et P. Aphrod. Lit. IV 11 (printemps 568 ; cf. Fournet [1999] 324) ; P. Flor. III 296.

11 P. Musée Copte. inv. 4057, 5 : ἐ̣π̣ί̣δ̣(οc)… … αυ Ἀπολ (locus sigilli) λῶτι πρωτοκ(ωμήτῃ) Ἀφροδ(ίτηc) suivi des traces de cinq lettres.

12 Cf. MacCoull (1993) n° 1, 24 ; Boud’hors (2008) ; Papaconstantinou (2008) 79-80.

13 Sans connaître cette information supplémentaire, Anne Boud’hors avait proposé cette hypothèse ; cf. Boud’hors (2008) 73-74.

14 La cote S.R. 3733 a été attribuée à deux lots distincts : j’ajoute donc un « bis » au lot de papyrus redécouvert par Jean-Luc Fournet en 1996, au Musée Egyptien du Caire, afin de le différencier de son homonyme majoritairement publié dans MacCoull (1993). Concernant la redécouverte de ce lot, cf. Fournet (2002) 397-398 ; il y évoque déjà la lettre n° 5 à Termouté ; cf. aussi Fournet (2003) 175.

15 ᴀтєтɴᴀcϕᴀλɪⱬє мпɪcᴀᴘᴀкɷтє. Le reste de la lettre montre qu’il faut prendre ἀcφαλίζω dans son sens d’« enfermer ». Sur sarakôte, cf. Crum, Dict. 354b-355a : « wanderer », « vagrant ».

16 Cf. P. Congr. XV 23, 9 : оүтє єɴɪпοᴘɴєүє оүтє єɴɪкоɪɴɷɴєɪ мɴ̅ мoɴᴀχоc ɴ̅cᴀᴘᴀкɷтє.

17 Papyrus inédit : cf. P. Cair. S.R. 3733. 1bis.

18 P. Cair. S.R. 3733. 5bis, 8-11 : les auteurs de la lettre insistent particulièrement sur les dates de leur surveillance du sarakôte : тєɴоҮ тɴ̅ȏм̣ɴтт[ᴘє ϫє] | мпϥ̅ᴘ̂ мєɴ̂воλ євɷκ єλᴀᴀY м̅мᴀ ϫɪɴ ɴcοҮмɴ̣[т̅Aϥтє ɴ̅] | өοοYт єтє птɪοY пє ɷA cοYмɴ̅тϫмн̅ɴ єтє пєcɴᴀ̣Y пє ɴтκ[Yᴘɪ]|Aκн « A présent, nous sommes témoins qu’|il ne nous a pas échappé, pour se rendre dans quelque (autre) endroit depuis le [quatorze] | de Thoth qui est un jeudi, jusqu’au dix-huit qui est le lendemain du dimanche. » Puis un peu plus loin, 15-17 : тɴ̅ô мɴ̅ттᴘє ᴤA птɪοY мɴ [пcooY мɴ] | пcAввAтοɴ мɴ̅ тκYᴘɪAκн м̅ɴ пєcɴAY єϥοYɷм [єϥc]ɷ єϥɴ | κοтκ єϥтɷοYɴ « Nous sommes témoins pour le jeudi, [le vendredi] | le samedi, le dimanche et le lundi. » Comme on le voit, la manière de désigner les jours de la semaine dans la lettre 5bis est digne d’intérêt.

19 Le monastère de Zénobios est surtout attesté dans le registre fiscal d’Aphrodité : cf. P. Flor. III 297, 16, 158, 225, 267 et 298.

20 Texte publié à partir de la transcription de Lacau dans MacCoull (1993) n° 11, 35-36 et de la collation sur l’original.