Modèles progymnasmatiques de l’époque hellénistique : P. Mil. Vogl. III 123
Voici à peine cinquante ans, un papyrus qui venait d’être acquis par l’Université de l’État de Milan fut édité par Ignazio Cazzaniga, avec transcription de Mariangela Vandoni, et accompagné d’une photo1. Huit ans plus tard, et avec peu de modifications dans l’étude qui lui fut consacrée, le papyrus fut repris sous le numéro P. Mil. Vogl. III 123 (Pack2 2525, LDAB 7011). Il est scindé en deux fragments que l’éditeur suppose non contigus. Le premier de ceux-ci (a) se compose de trois colonnes, dont on conserve l’extrémité droite de la colonne i, l’extrémité gauche de la colonne iii et la majeure partie de la colonne ii ; le second (b) se compose de deux colonnes dont on conserve moins de la moitié droite de la colonne i et la colonne ii incomplète dans sa marge droite. Les colonnes sont hautes (41 lignes), les lignes sont courtes (de 20 à 25 lettres) ; le texte est en partie vermoulu et en partie effacé sous l’effet d’un lavage.
L’écriture est régulière et bien formée, et constitue un des rares échantillons d’écriture capitale à une époque aussi lointaine que la première moitié du IIIe s. av. J.-C., date attribuée au papyrus par l’éditeur2. Les fautes d’orthographe sont rares, tout autant que certaines des assimilations phonétiques habituelles entre consonnes de fin et de début de mot. En revanche, le papyrus contient quelques corrections du scribe lui-même, ainsi que des traces de coronis et des restes de paragraphoi que l’éditeur interprète comme étant des marques du colon rythmique final des périodes syntaxiques qui composent le texte3. Tout ceci suggère un type d’édition soignée, comme le serait celle d’un rhéteur pour un texte destiné à être utilisé à l’école rhétorique4.
De fait, le contenu du papyrus fut considéré par Cazzaniga comme un recueil d’éloges à caractère « isocratique-sophistique », œuvre d’un même auteur, qui se distingue essentiellement des véritables éloges isocratiques (Hélène, Busiris, Evagoras ou l’Hélène de Gorgias elle-même) par leur plus grande concision, ainsi que par le style apodictique et abrupt de l’argumentation5. Etant donné l’importance acquise par la thalassocratie dans un des éloges dudit recueil, celui consacré à Minos, le chercheur songe à l’époque de la deuxième ligue athénienne (première moitié du IVe s. av. J.-C.) pour la date de la composition originelle6. Une chose semble être très claire pour le chercheur : personne ne doit tomber dans l’éventuelle tentation de considérer ces échantillons comme des exemples possibles d’une techne rhétorique destinés à l’enseignement pratique de l’éloge7.
En revanche, c’est justement à des schémas d’ἔπαινοι, à fins précisément didactiques et dans la ligne des dénommés προγυμνάсματα (que nous commençons à connaître, sous une version plus développée, à partir de la fin du Ier s. ap. J.-C.) que songe Mario Talamanca, un peu plus tard, lorsqu’il mentionne le papyrus dans le cadre d’un travail analysant l’influence de la rhétorique épidictique de Ménandre sur la Constitutio Antoniniana8. Laurent Pernot est même allé un peu plus loin, une vingtaine d’années plus tard, dans son traité sur la rhétorique de l’éloge dans le monde gréco-romain, où il résume brièvement les caractéristiques essentielles du papyrus exposées par Cazzaniga, pour aboutir, à l’inverse de celui-ci, à la conclusion qu’il s’agit d’un témoignage, en fait le seul que l’on connaisse, de l’enseignement de l’éloge à l’époque hellénistique. Les divers exemples d’éloges réunis ne seraient pas des exemples mais plutôt un catalogue ou un manuel pratique d’arguments d’éloge rédigés par un rhéteur pour leur développement ultérieur par les élèves, un ancêtre en somme des προγυμνάсματα9. Ultérieurement, Donald Russell mentionne le papyrus au titre de témoignage hellénistique de la pratique éducative consistant à composer de brefs éloges de personnages mythologiques ou historiques10 ; Antonio Stramaglia présente P. Mil. Vogl. III 123 et P. Hamb. II 129 (IIe s. av. J.-C.), comme deux exemples précoces de manuels d’enseignement progymnasmatique, de l’éloge dans le cas du premier et de l’éthopée sous forme épistolaire dans le cas du second11 ; et Pordomingo transmet les corrections à l’explication de Cazzaniga proposées par Pernot12. Tout ceci n’empêche pas le Catalogue of Paraliterary Papyri (0191) édité en ligne depuis un certain temps par une équipe de chercheurs de l’Université de Louvain, de définir encore et toujours le contenu du papyrus comme « sophistic encomia », même s’il classe le matériel parmi les « models for encomion »13.
Fondamentalement d’accord avec la vision du papyrus présentée par Pernot, mon travail consistera ici à tenter, d’une part, d’apporter davantage d’arguments à une explication qui fut trop sommaire pour que cet auteur ait pu les développer, et d’autre part, de préciser, de nuancer ou de corriger certains des arguments utilisés par celui-ci. L’étude réalisée permettra par la suite d’entamer une réflexion sur l’importance d’un témoignage progymnasmatique aussi précoce et ses implications pour une approche correcte de la littérature de l’époque.
Un type d’argument important en faveur de la considération progymnasmatique de ces éloges résulte de leur confrontation avec la propédeutique rhétorique, même si celle-ci peut avoir subi certaines modifications entre l’époque du papyrus et l’époque généralement admise pour le premier rédacteur connu de la théorie progymnasmatique, Théon (seconde moitié du Ier s.), comme ce dernier semble le reconnaître (61, 20-28 Spengel). Les exercices encomiastiques contenus dans le papyrus sont consacrés à plusieurs personnages, parmi lesquels on peut clairement identifier Minos, Rhadamanthe et Tydée. Pour ce qui est de l’éloge à Minos, l’éditeur en situe le début de manière conjecturale au fr. a, i, 18, et la fin à ii, 29 (45 lignes environ au total) ; à la suite de celui-ci, on trouve l’éloge à Rhadamanthe, dont le titre, en ekthesis, et précédé d’une coronis et d’une paragraphos, est conservé. Il n’est toutefois pas possible de déterminer où cet éloge s’achève ; l’éditeur postule que l’éloge à Tydée commence au fr. b, i, 11 ; les deux colonnes restantes du fragment (65 lignes environ au total) y font clairement référence. Des restes de deux autres éloges non identifiés occuperaient le fr. a, i, 1-17 et b, i, 1-10, respectivement. Ceci dit, de la même manière que la présence de l’expression]ἐκ Διόс (a, i, 20) plaide en faveur du début de l’éloge à Minos à la ligne 18 avec le topos caractéristique de sa naissance, et à plus forte raison compte tenu de l’importance de l’origine du personnage, nous ne voyons pas pourquoi les lectures ἀ]δελφóc | [ τ]οῦ κρατίсτου | [ ]ου χείρων (b, i, 7-10) feraient allusion à un autre personnage, plutôt qu’à Rhadamanthe lui-même, frère du puissant Minos (et aussi du κρατερ[όν Sarpédon)14 : ces lignes constitueraient la section finale de l’éloge consacré à Rhadamanthe et l’extension totale de cet éloge s’élèverait ainsi à quelques 55 lignes (c’est-à-dire une extension moyenne par rapport aux deux autres éloges identifiés). Cette interprétation éviterait par ailleurs de devoir considérer a et b comme deux fragments indépendants malgré la similitude de leurs contenus.
Pour ce qui est de l’expression ]ἐκ Διόс (écrite ]ἐγ Διόс) du fr. a, i, 20, apparaissant dans l’éloge de Minos, nous avons déjà signalé qu’elle répond au topos encomiastique de la naissance, qui occupe généralement le début des arguments encomiastiques dans la théorie progymnasmatique15. De même, le reste du matériel lisible des exercices encomiastiques successifs du papyrus peut être classé conformément aux divers principes d’argumentation du progymnasma : comme l’indique Nicolaos de Myra au sujet du topos ἀπὸ τοῦ γένουс, bien que l’on puisse affirmer la même chose pour tout autre topos, « soit ils sont tous applicables, soit nous utiliserons ceux qui le sont ; par exemple, si la ville est illustre et réputée, nous passerons davantage de temps à parler d’elle que de la nationalité, mais si nous n’avons rien de remarquable à dire au sujet de la ville, nous nous réfugierons dans la nation. Si nous ne pouvons rien dire qui vaille la peine de l’une ou de l’autre, nous commencerons directement par les ancêtres et nous ferons des ajouts par la suite s’il y a quelque chose à dire au sujet des autres choses mentionnées antérieurement. »16 Dès lors, après la référence à la naissance (i, 26) de l’éloge de Minos, l’éditeur conjecture εὐ- ou θεo]с̣εßέсτατoс, qui fait allusion à l’une des bonnes qualités de l’esprit répertoriées par la théorie progymnasmatique : la piété à l’égard des dieux17. Ensuite, le gros de la col. ii (1-21) est occupé par le récit des « belles œuvres », ce qui est également prévu dans la propédeutique de l’éloge progymnasmatique18.
Dans le cas de l’éloge consacré à Minos, ce récit comprend deux réalisations que la tradition lui attribue, déjà depuis Homère et Hésiode : la thalassocratie et la colonisation des îles19. L’évocation des deux activités est accompagnée de deux comparaisons destinées à souligner l’importance de ces activités par contraste : dans un cas parce que Minos fut le tout premier à instaurer une thalassocratie, et dans l’autre parce qu’il avait colonisé toutes les îles, arguments qui sont prévus dans la théorie par les rhéteurs. Il faut toutefois préciser que les comparaisons du papyrus n’ont d’une véritable comparaison que la forme (ὥсπερ… oὕωс), mais pas le fond : il s’agit en fait de syllogismes20. La théorie progymnasmatique de l’éloge comprend enfin, parmi les biens externes, les éventuels succès liés à la mort, c’est-à-dire l’alinéa qui occupe les huit dernières lignes de l’exercice consacré à Minos21. Ce passage confronte, dans une double contraposition parallèle, répétitive et assez redondante, la fortune que le héros a connue au cours de sa vie avec les honneurs dont il jouit dans l’Averne, et fait allusion sans l’ombre d’un doute à sa fonction mythique de juge infernal (ii, 22-25 : ζῶν̣ μὲν ὑπὸ πά̣ντ̣ω̣ν̣ ἐθαυμά[ζ]ε̣τ̣ο, τελευτήсαс δὲ παρὰ Πλούτωνι (…) ἔχει τιμάс ; ii, 26-29 : (…) ζῶν ἁπάντων κύριοс ἦν, (…) τελευτήсαс (…) ἔτυχε παρὰ Πλούτωνοс τιμῆ̣с).
Le même type de construction à la manière de Gorgias, avec ses phrases faites d’isocola et ses termes homologues disposés more geometrico, ses assonances phoniques et son rythme cadencé, caractéristique de la prose rhétorique grecque et encore plus de la prose de type épidictique, genre dans lequel se classe en définitive l’éloge, peut être observé dans le reste lisible de la composition22. La thalassocratie et la colonisation des îles sont toutes deux exprimées au moyen d’un même schéma syntaxique-stylistique composé de : une phrase en chiasme dont les deux termes centraux sont deux formes verbales assonantes (ii, 6-7 : καταπολεμοῦμεν [κα]ὶ βο[[ι]]ηθοῦμεν ; ii, 15-16 : (λέγεται) κτίсαι καὶ γε[γονέν]αι), suivie de la fausse comparaison à base de membres de construction parallèle se composant de participes verbaux anaphoriques et de premières personnes du pluriel d’un même verbe ou de verbes quasi synonymes occupant la même place de la phrase, la dernière (ii, 9-13 : ὥ[сπ]ερ οὖν τοὺс νῦν θαλαττ̣ο̣κρατοῦνταс εὐδαιμονίζομεν, οὕτω (…) ἂν τὸν πρῶτον θα[λ]α[τ]τοκρατ`ήс̣αν΄τα (…) ἐγκωμιάζοιμεν ; ii, 17-21 : [ὥ с]περ οὖν το[ὺс κτί]сα̣[ν]τα[с ἐπαι]νοῦ̣μεν, οὕτωс [ἂν] τ[ὸ]ν (…) [κτίсα]ντα ἐπ[αι]νοῖμεν).
Dans la petite partie que l’on peut en lire, l’exercice encomiastique consacré à Rhadamanthe commence clairement, comme le propose la théorie progymnasmatique, par une référence (fr. a, ii, 31-35) à sa noble souche (εὐγενήс), où l’accent est mis, comme dans le cas de l’éloge à Minos, sur sa condition de fils de Zeus23. L’exercice révèle ensuite (37-38), toujours conformément à ladite doctrine, une circonstance spéciale de la naissance de Rhadamanthe, à savoir, la prédilection particulière manifestée par son père pour le lieu où il a été engendré (Crète), le même lieu où Zeus lui-même fut élevé et où il conduisit ensuite sa bien-aimée Europe (mère de Rhadamanthe et également de Minos)24.
L’exercice encomiastique concernant Tydée, auquel appartient la section la mieux conservée du fragment b (ii, 1-36 sont pratiquement complètes), semble contenir des éléments caractéristiques de l’argumentation encomiastique telle que nous l’observons, par exemple, chez Théon – la plus ancienne source progymnasmatique et également la plus complète –, à savoir, les qualités, biens externes et belles œuvres, avec une particularité : l’ordre suivi pour la présentation de ces éléments n’est pas celui proposé par le rhéteur, mais l’ordre inverse, conformément à la marge de flexibilité prévue dans la théorie25. Ainsi, les succès sont énumérés très sommairement (i, 14-29) et l’un d’entre eux se fond avec la référence à une vertu (i. 29-35 ; ii, 1-3), tandis que le récit des vertus est mis à profit pour mentionner des actions y ayant trait comme le recommande Théon26.
En admettant que l’éloge à Tydée commence au fr. b, i, 12, sous son titre en ekthesis comme il faut s’y attendre, le récit des actions du héros étolien démarre après le […]ομεν de la fin de la ligne (désinence qui pourrait peut-être cacher une forme verbale du genre εὐδαιμονίζομεν, que nous retrouvons, avec des variations successives, dans l’éloge à Minos, ii, 10-11). Le récit permet d’entrevoir dans ses fragments : un meurtre (14 : ]εκτεινεν)27 ; la participation du héros à une guerre (15-17 : π]όλεμον τῶν | (…) с]τρατευсάντων (…) προсεγένετο ; sans l’ombre d’un doute l’expédition des Sept contre Thèbes pour restituer son trône à Polynice) ; ses liens de parenté avec son beau-père Adraste et le pouvoir royal (19-20) ; la mort de cinquante hommes dont il libéra ses concitoyens (25-28 :] (…) πεντήκοντα | (…) ἀπολέсαс | ]αδειαν τοῖс αὐτοῦ | πα]ρεcκεύαсεν)28 ; et à partir, semble-t-il, de cette dernière action, l’insertion d’une vertu de son caractère, ami de ses compagnons (29-31 : ]αὐτοῦ πολίταc | κακῶс πάсχονταc | α]ὐτοῖс φιλέταιροс). Cette caractérisation est ensuite étayée au moyen d’une explication s’achevant en conclusion syllogique suivie de sa confirmation, dans la section du papyrus qui est déjà lisible (32, puis ii, 1-3 : (…) γὰρ ὢν (…) | (…) | φιλεταίρουc ἂν ὑπολαμβά[νοι]|μεν εἶναι δικαíωc· ὅπερ (…) | (…) сυμβέβηκεν).
Le jeu argumentatif inverse, l’insertion d’actions à partir de l’énumération de vertus ou de biens externes comme le propose Théon (cf. supra), commence par un argument typique que tous les rhéteurs utilisent, celui de l’éducation29. Or, le présent exercice ne se limite pas à mentionner cet argument et à en dériver divers succès et vertus du sujet de l’éloge ; mais – sans doute dans le but de contredire l’image traditionnelle d’un Tydée à l’éducation très déficiente – il introduit cet argument sous forme d’antithèse ou d’objection (ii, 4-18 : ο̣ὐ̣ το̣ίνυν πεπαιδευμέν̣[οс ἀλλ’ | (…))30. Qu’une objection puisse faire partie ou non d’un éloge prête à discussion, et Nicolaos de Myra recommande la manière de contourner la difficulté qu’engendre l’utilisation de cette forme31. Les actions introduites comme contre-arguments concernent l’envoi du héros en ambassade à Thèbes et ses victoires dans tous les agones auxquels il prit part dans cette ville (5–10)32 ; les succès et vertus déployés qui se rattachent à ces actions – une fois de plus sous forme parallèle et avec une allitération et une assonance intenses – comprennent son choix comme ambassadeur par les Argiens33 ; ce choix s’explique par son intelligence (11-13), ainsi que sa supériorité sur tous quant à sa façon de traiter les gens, son sens de la mesure, et en définitive son éducation, avant que ne surgisse la question rhétorique et enthymématique de la ligne 18 : πῶс οὐ χρὴ π̣ε̣π̣α̣ι̣δ̣ευμένωνο̣[ν | εἶναι νομίζειν.
Le bien externe suivant attribué à Tydée est celui d’être aimé par les dieux (θεοφιλήс)34. Ce bien est illustré par le mérite consistant à jouir de la plus haute estime d’Athéna. En réalité, ce mérite est double – il est exprimé sous une forme paralléle et répétitive à la fin de la période (… πλεῖсτον λόγον π̣ο̣ιο̣υμένη | (…) π[ερὶ πλείсτου ποιουμένη]) – puisque la déesse éprouve cette haute estime à son égard (19-21) et à l’égard de son fils par amour pour lui (22-24)35. Ce dernier point touche un élément habituel de l’éloge, à savoir la descendance36 ; il sert de prétexte pour introduire, à sa suite, un autre bien typique, celui de la lignée (cf. supra), pour s’étendre par après un peu plus sur la référence à ce descendant tellement important de Tydée que fut Diomède. Cette référence pourrait constituer la partie finale de l’exercice qui s’achèverait au moyen d’une comparaison (cf. supra), probablement de l’héritage génétique père-fils, avec le pedigree de la race équine (37-41).
Les deux arguments, celui de la lignée de Tydée et celui de son descendant Diomède, sont eux aussi exprimés au moyen de constructions parallèles, antithétiques et contenant des jeux de mots37 ; la seconde est renforcée par une phrase qui lui est contraposée ensuite sous forme de chiasme38. De toute manière, la forme adoptée par l’éloge de la souche de Tydée, éloge qui n’est pas aisé, ne s’en tient pas non plus à l’autre possibilité théoriquement prévue, à savoir que Tydée soit devenu important bien qu’il soit issu d’une famille humble39 ; elle va plus loin en affirmant que « alors que les autres sont devenus célèbres grâce à leur lignée, c’est à lui que sa lignée doit son renom » (25-28). Il est frappant de retrouver cette idée dans le texte d’un ostracon berlinois (P. Berol. inv. 12318) datant de la même époque que le papyrus (IIIe s. av. J.-C.) ; comme nous l’avons exposé lors du dernier Congrès International de Papyrologie à Ann Arbor, cet ostracon contient le développement progymnasmatique d’une gnome, et présente d’autres points communs avec P. Mil. Vogl. III 12340. Comme nous le verrons, ces points contribueront, d’après nous, à éclaircir certains aspects problématiques de ce texte.
Le point qui paraît le plus problématique est la présence de la particule ὅτι précédant le topos εὐγενήс au début de l’éloge de Rhadamanthe (fr. a, ii, 31) et le topos θεοφιλήс dans l’éloge à Tydée (ii, 19). Cazzaniga interprète ces ὅτι comme des cas d’omission de ἦν, à l’image de ce que l’on peut observer dans ο̣ὐ̣ το̣ίνυν πεπαιδευμέν̣[οс (fr. b, ii, 4). Pour cet auteur, les particules indiqueraient les arguments destinés à réfuter les propositions de l’adversaire, conformément à l’enseignement rhétorique41. L’explication proposée par Cazzaniga a été rejetée par Pernot, d’après lequel P. Mil. Vogl. III 123 n’est pas un recueil d’éloges, mais bien un catalogue d’arguments permettant de louer chacun des héros, avec une indication de la manière dont ces arguments doivent être développés, destiné à l’usage scolaire (du IIIe s. av. J.-C.), et donc un précurseur des futurs progymnasmata42. Pour notre part, nous sommes plutôt d’avis que les ὅτι servent à introduire les différents topoi argumentatifs que le professeur abordera dans l’élaboration de l’éloge. De fait, dans le cas de l’éloge à Rhadamanthe (fr. a, ii, 31), la particule est précédée de l’adjectif ordinal πρῶτον qui indique qu’il s’agit là du premier de ces arguments, situation en tout point identique à celle que nous observons dans P. Berol. inv. 12318, consacré au progymnasma gnome et non à l’enkomion43. D’autres clichés de l’anthologie encomiastique que l’on retrouve dans P. Mil. Vogl. III 123 apparaissent précédés d’adverbes ou tournures adverbiales corrélatives : πρὸс δὲ τούτοιс (fr. a, ii, 14 ; fr. b, ii, 29) ; ἔτι δὲ πρὸс τούτοιс (fr. a, ii, 21) ; ἔπειτα (fr. a, ii, 33) ; ἔτι δέ (fr. b, ii, 25). On retrouve d’ailleurs une utilisation homologue de cette dernière tournure dans l’ostracon berlinois (16 : ἔτι δὲ (καὶ)), malgré la brièveté du texte. Les deux textes ont en outre un terme répétitif et apparemment formulaire en commun (φαίνεται), qui dans un cas est associé, précisément, à l’expression du cliché habituel concernant la souche signalé antérieurement (ἔνδοξοс)44.
Les arguments avancés tendent à montrer que, à P. Hamb. II 129, interprété par Stramaglia comme une anthologie d’exempla d’exercices éthopéiques sous forme épistolaire pour l’enseignement de l’ethopoiia, et à l’exercice d’élaboration gnomique de P. Berol. inv. 12318, l’on peut ajouter à présent le répertoire encomiastique de P. Mil. Vogl. III 123 comme manifestation d’exercice progymnasmatique de l’époque hellénistique45. Ce dernier texte date donc d’une époque très antérieure à celle des premiers traités de progymnasmata, antérieure aussi à ses échantillons pratiques, qu’il s’agisse des exemples respectifs mentionnés de manière isolée par Aphthonios (IV/Ve s.) ou du vaste répertoire attribué à son maître Libanios. En tout cas, il ne semble pas qu’il faille tenir ces derniers progymnasmata, comme cela arrive parfois, pour les successeurs des exercices progymnasmatiques de l’époque hellénistique, ou inversement ceux-ci pour précurseurs des progymnasmata dans une phase balbutiante de leur développement. Il nous faut, au contraire, considérer que les véritables successeurs des exercices de l’époque hellénistiques sont les divers exercices progymnasmatiques qui nous ont été transmis plus abondamment, sous forme anthologique (comme P. Mil. Vogl. I 20, P. Köln VI 250, P. Lit. Lond. 193, P. Vindob. G 29789) ou sous forme isolée, en prose ou en hexamètres, dans des papyrus, ostraca, tablettes et quelques épigraphes bien après le début de l’époque gréco-romaine46. De leur côté, les exemples offerts par les rhéteurs ou transmis sous leur nom constitueraient la version complète et « académique », celle du manuel d’enseignement, de ces modèles de travail plus schématiques, rédigés et utilisés par les professeurs à usage interne dans la pratique scolaire.
Même si l’existence d’échantillons progymnasmatiques trois ou quatre siècles avant les premières manifestations conservées de la théorie pourrait susciter notre méfiance dans un premier temps, il faut voir leur découverte comme un précieux cadeau à la recherche papyrologique ; nous touchons cette fois l’époque hellénistique, pauvre en témoignages de la rhétorique épidictique et de la rhétorique en général, si nous excluons quelques autres données, comme l’a souligné Pernot47. D’une part, Polybe (12, 26b, 5) mentionne l’éloge de Thersite et le psogos de Pénélope comme exemples de sujets traités par les jeunes à l’école, deux exercices qui peuvent être difficilement séparés des progymnasmata correspondants : de fait, nous retrouvons par la suite l’éloge de Thersite traité par Libanios. Qui plus est, ces thèmes sont traités sous leur forme du plus difficile encore, rendue populaire par l’art oratoire sophistique, tant à ses débuts qu’à l’époque de son paroxysme le plus absolu. D’autre part, même s’il est difficile d’établir les origines des exercices préparatoires, on sait que la thesis remonte à Protagoras48 ; le diegema est mentionné dans la Rhétorique à Herennius (1, 4 et 12, 13), et chez Cicéron (Inv. 1, 27) ; Théon lui-même (59, 11-25 ; 62, 10-13 ; 73, 9-14 ; 107, 15-19 ; 120, 2-11 Sp.) fait allusion à des prédécesseurs qui se sont occupés de la paraphrase, de la fable, du lieu commun et de l’ekphrasis, de sorte que cette pratique pédagogique, qui atteint son plein épanouissement à partir de l’époque de la Seconde Sophistique, semble avoir ses racines dans l’époque classique et s’être développée pendant l’époque hellénistique49.
Un témoignage d’habitude ignoré à cet égard, et qui n’est peut-être pas moins significatif bien que plus indirect, réside dans cette sorte d’interaction que l’on semble observer entre des manifestations de la littérature de cette époque et le type d’enseignement progymnasmatique. Il peut s’agir de la fréquence croissante de l’ekphrasis dans les formes d’expression littéraire, parmi lesquelles on peut citer l’épigramme, dont un exemplaire, attribué à Posidippe, figure dans le papyrus scolaire Guéraud-Jouguet (P. Cair. inv. 65445, IIIe s. av. J.-C.)50 ; de la présence d’une thesis dans une autre épigramme attribuée à Posidippe (Anth. Pal. 9, 359)51 ; des techniques propres de l’éthopée dans la configuration du Mime 3 d’Hérondas et dans les autres mimes, dont le corpus a été transmis par un papyrus qui pourrait bien être scolaire52 ; ou du rôle joué par l’éloge dans l’Idylle 17 de Théocrite. Il en découle que, à l’image de ce qui se passe déjà depuis un certain temps pour la littérature de la période gréco-romaine, il conviendrait d’observer la littérature hellénistique à la même lumière d’une possible influence scolaire, bien que cette dernière s’y manifesterait sans doute dans une moindre mesure.
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1 Cf. Cazzaniga (1957).
2 Cf. Cazzaniga (1965) 21, avec l’assistance de Wilhelm Schubart.
3 Cazzaniga (1957) ; Cazzaniga (1965).
4 Cazzaniga (1965).
5 Cazzaniga (1965).
6 Cazzaniga (1965) 44, n. 11, qui allègue que G. Pugliese Carratelli est du même avis à ce sujet.
7 Cazzaniga (1965) 48.
8 Talamanca (1971) 507-509, n. 94.
9 Cf. Pernot (1993) 43-44.
10 Cf. Russell (1998) 23.
11 Cf. Stramaglia (2003) 227-228.
12 Cf. Pordomingo (2007) 417.
13 <http://cpp.arts.kuleuven.be>.
14 A propos de l’origine du personnage, voir la théorie des rhéteurs à ce sujet chez Nicolaos 51 (Felten) : « Conformément à l’ordre prescrit par l’art, nous passerons à ce qui touche le sujet de plus près, et tandis que nous louerons ses proches les plus honorables, les autres nous les laisserons de côté. » Sur Sarpédon, cf. Hes. fr. 141, 14 M.-W. (P. Oxy. XI 1358, fr. i, 1 ; P. Rein. II 77).
15 Cf. Theon 109-110 Sp. : « Etant donné que l’on loue principalement les bonnes qualités et (…) parmi les bonnes qualités certaines se rapportent à l’esprit (…), d’autres au corps et d’autres encore sont externes, (…) ce seraient là les trois aspects à partir desquels nous parviendrons à faire un éloge. C’est un bien externe, tout d’abord, que la noblesse de naissance (…) » ; 111 : « (…) voici les lieux à partir desquels nous présenterons nos arguments, et nous les utiliserons de la manière suivante : immédiatement après le préambule, nous parlerons de la noblesse de sa lignée (…) » ; Aphthonios 22 Rabe : « (…) voilà la classification de l’éloge, et tu pourrais l’élaborer en utilisant les principes d’argumentation suivants : tu rédigeras le préambule conformément au sujet en question ; ensuite tu parleras de la lignée, que tu subdiviseras en peuple, patrie, ancêtres et parents (…) » ; Nicolaos 50 F. : « Après les avant-propos (…) le premier des chapitres composant l’éloge est celui appelé “en raison de l’origine” (ἀπὸ τοῦ γένουс), qui considère la nationalité, la ville natale et les ancêtres, que tous soient d’application ou qu’il faille utiliser ceux qui le sont. »
16 Nicolaos 50 F.
17 Theon 110 Sp. : « Ce sont là des biens spirituels qu’une moralité irréprochable et les œuvres qui l’accompagnent, comme le fait d’être réfléchi (…), pieux, (…). »
18 Theon 110 Sp. : « Les belles œuvres sont précisément celles qui sont louées post mortem (car les vivants, il est coutume de les aduler) et, inversement, celles qui, bien que louées de notre vivant, ne suscitent pas l’envie de la plupart (…) de même que celles que nous réalisons dans l’intérêt des autres et non pas dans le nôtre (…) celles dans lesquelles l’effort est privé mais l’utilité publique, celles grâce auxquelles la plupart connaissent de grands bienfaits et qui sont tenues pour un service de bienfaiteurs, en particulier s’ils sont morts (…). » ; Aphthonios 22 R. : « Ensuite tu ajouteras les œuvres, le principe d’argumentation le plus important des éloges. »
19 Cf. Hes. fr. 140 M.-W. (ΣAB Il. 12, 292) ; 141 (P. Oxy. XI 1358, fr. i, 1 ; P. Rein. II 77) ; 144 (ps.-Plat., Minos 320d, cf. Plut. Thes. 16, 3) et surtout ps.-Plat., Minos 318d-319c. En revanche, l’image de Minos transmise par la tragédie antérieure à Euripide est défavorable au héros, à l’inverse de ce qui se passe pour son ennemi, le héros national athénien Thésée ; cf. ps.-Plat., Minos 318d-e et 320e.
20 Theon 110 Sp. : « Les œuvres qui furent réalisées au moment opportun sont dignes de louanges, de même que celles qui furent entreprises par un homme seul, ou pour la première fois, ou alors que personne n’osait les entreprendre, ou en participant davantage qu’autrui (…). » Hermog. 17 R. : « Mais la source d’argumentation la plus importante dans les éloges est celle provenant des comparaisons, que tu disposeras en fonction de ce que l’occasion conseillera. » Hermog. 18 R., Nicolaos 53 F. : « Les comparaisons doivent être incluses partout. » Aphthon. 22 R. : « Ensuite (scil. après les œuvres) tu ajouteras la comparaison, et tu déduiras par opposition le rang le plus élevé pour l’objet honoré. » Nicolaos 52 F. : « (…) nous tenterons de rapporter son œuvre à des vertus et d’introduire en même temps des comparaisons. »
21 Hermog. 16 R. : « Tu examineras également les événements qui se sont produits après sa mort (…). »
22 Cf. Aphthon. 21 R. : « Il (scil. l’éloge) se distingue de l’hymne et de la louange en ce sens que l’hymne est propre aux dieux, tandis que l’éloge l’est aux mortels, et en ce que la louange s’exprime brièvement tandis que l’éloge est exposé avec des artifices rhétoriques. » Nicolaos 58 F., en reproduisant la doctrine d’autres rhéteurs : « Ils disent que dans l’éloge, il est nécessaire d’utiliser régulièrement une expression raffinée (γλαφυρόс), gracieuse (ἁβρότεροс) et théâtrale (θεατρικόс), avec une certaine solennité (сεμνότηс). De la même manière que nous avons besoin de grandiloquence (ὄγκοс) et de dignité (ἀξίωμα) dans les discours délibératifs, et que nous avons besoin de véhémence (сφοδρότηс) dans les discours judiciaires, pour que le débat ait l’air vivant, dans les panégyriques nous avons besoin de ce qui produit du plaisir (…) avec solennité, pour que les gens puissent y goûter pleinement. » Cazzaniga (1965, 49) souligne l’emploi abondant du mot πᾶс à différents cas, auquel nous pouvons ajouter, dans une moindre mesure, celui d’expressions au superlatif.
23 Theon 109-111 Sp. ; Nicolaos 50-51 F.
24 Cf. Nicolaos 50 ; 51 F. : « Après les observations sur son origine, nous passerons aux circonstances de sa naissance – par exemple, si nous pouvons dire quelque chose à son sujet au moment de l’accouchement (…). »
25 Cf. Theon 110-112 Sp. ; Nicolaos 51 F. : « Il faut toujours redoubler d’efforts et mettre l’accent sur ce qui appartient particulièrement au sujet seul. »
26 Theon 112 Sp. : « Après cela, nous nous occuperons des actes et des succès, que nous ne relaterons pas tous les uns après les autres ; mais plutôt pour chaque vertu individuelle que nous décrirons, nous ajouterons de nouveaux aspects, et nous passerons ensuite en revue les œuvres qui s’ensuivirent, en disant, par exemple, qu’il était prudent (…) et quel acte prudent il a réalisé, et de même pour les autres vertus. »
27 Selon l’auteur consulté, sa victime fut le frère de son père Œnée, Alcathoos ; ou bien ce furent les fils de Mélas, qui s’étaient ligués contre Œnée ; ou ce fut même son propre frère Olénias ; cf. Grimal (1979) s.v.
28 Sans aucun doute les Thébains embusqués à sa sortie de Thèbes, qu’il a tous occis sauf un ; cf. Grimal (1979) s.v.
29 Cf. Theon 110 Sp. : « C’est un bien externe, tout d’abord, que la noblesse de naissance (…). Ensuite l’éducation (…). » Hermog. 15-16 R. : « Ce sont des lieux d’argumentation adéquats que (…) le peuple (…) la cité (…) la lignée (…). Ensuite vient son enfance (…) puis l’éducation (…). » Aphthon. 22 R. : « Tu rédigeras le préambule (…) ensuite tu parleras de la lignée (…) ensuite de l’éducation (…). » Nicolaos 51 F. : « Après les observations au sujet de l’origine, nous passerons aux circonstances de sa naissance (…). Après cela nous aborderons les circonstances de son éducation (…). »
30 Cf. ΣA Il. 4, 400 : Ἀντίμαχόс φηсιν παρὰ сυφορβοῖс ἀνατετράφθαι Τυδέα ; CPG I 322, 4 Leutsch-Schneidewin, s.v. Τυδεὺс ἐκ сυφορβίου : ἐπὶ τῶν ἀπαιδεύτων. Face à la tradition eschyléenne de la tragédie (Sept. 376-394), Euripide (Suppl. 902-903) inclut au contraire une référence euphémistique à l’éducation sommaire de Tydée (οὐκ ἐν λόγοιс ἦν δεινὸс ἀλλ’ ἐν ἀсπίδι), dans l’éloge funèbre pour les Sept. Cette phrase mise dans la bouche d’Adraste, ainsi que d’autres textes (cf. Cazzaniga [1965] 37-38), pourraient bien avoir servi de source d’inspiration dans la composition du présent exercice scolaire. La posture à contre-courant, ou l’éloge de l’indéfendable dans ce cas, constitue un trait d’ingéniosité caractéristique des progymnasmata. D’après Pernot (1993) 44 l’importance accordée ici à la paideia de Tydée est « un paradoxe qui sent l’école ».
31 Nicolaos 53 F. : « Il faudra se poser la question de savoir si l’éloge admet une objection : (…) les biens qui provoquent une objection ne seront pas reconnus comme des biens ; mais si l’antithèse provient d’une question particulière que nous ne pouvons passer sous silence parce que l’auditeur veut en savoir davantage à ce sujet, nous réfuterons ces questions et ajouterons des arguments plus puissants afin d’éliminer tout obstacle créé par l’antithèse. »
32 Il a vaincu les Thébains en combat singulier, afin de les mettre à l’épreuve suite au refus d’Etéocle de le recevoir comme ambassadeur ; cf. Grimal (1979) s.v.
33 Κατὰ `μ̣ὲ̣ν̣΄ сύν[εсιν ὑπὸ τῦν Ἀ̣ρׅγε̣ί̣ων προκριθέ[ντα καὶ πεμφθέντα πρεсβευτ[ήν· κατὰ δὲ τὴν π̣ρׅα̣γματε̣ί[αν καὶ сυμμετρׅία̣ν καὶ παιδεία[ν ἁπάντων περιγε̣νόμεν[ον.
34 Cette expression complète le mot θεοсεβέ(сτατοс) supposé dans l’éloge à Minos (i, 26).
35 D’après le mythe, la déesse Athéna, protectrice de Tydée, fut sur le point de lui concéder l’immortalité, chose qu’elle fit d’ailleurs par la suite avec son fils Diomède (Pind. Nem. 10, 12) ; cf. Grimal (1979) s.v.
36 Hermog. 16-17 R. : « Tu examineras également les événements qui se sont produits après sa mort : (…) si ses fils furent célèbres, comme Néoptolème. »
37 2 5-28 : τῶν ἄλλων διὰ τὸ γένοс ὀνομαсτῶν γενομένων, | αὐτόс δι’ αὐτὸν καὶ τὸ γένοс ἔνδοξον κατέсτηсεν. 29-33 : πλειόνων Ἀδράсτωι θυγατέρων γενομένων, | τὸν ἐκ τούτου γενόμενον ἄριсτον ὄντα πάντων εὑρήсομεν.
38 3 4-36 : [ἔсτ]αι δῆλον ὅτι δι’αὐτὸν, ἀλλ’ο̣[ὐ [διὰ τ]ὴ‹ν› μητέρα, Διομήδηс [ὀνομαс]τὸс ἦν
39 Parmi les diverses traditions concernant le mariage, en secondes noces, du roi étolien Œnée, père de Tydée, et de Péribée, sa mère, il y en a une selon laquelle la jeune femme aurait été séduite par Œnée ; avant que celui-ci ne la prenne pour épouse, elle aurait été abandonnée aux porchers, parmi lesquels Tydée aurait grandi. Selon une autre tradition, Œnée aurait aimé sa propre fille, Gorgé, sur l’ordre de Zeus ; Tydée serait le fruit de ces amours ; cf. ΣA Il. 4, 400 ; CPG 1, 322, 4 L.-S., s.v. Τυδεὺс ἐκ сυφορβίου ; Grimal (1979) s.v. Nicolaos 50-51 F. fait des recommandations sur la manière d’escamoter les données peu honorables de la biographie du sujet de l’éloge. Sur les origines modestes de Tydée, cf. Theon 111 Sp.
40 Cf. Fernández Delgado / Pordomingo (2010). Voici les passages importants du texte : « La première chose, c’est que celui qui se trouve au sommet (…) songe à quel point il est beau et enviable que grâce à lui ses parents, ses frères et tous ses autres proches jouissent d’une plus grande considération (…). Si (…) il a pour eux l’estime qui leur revient, il gagnera à juste titre une réputation d’homme vertueux (…). Il faut donc être soi-même l’artisan de sa noblesse, ce qui, dans un certain sens, est bien plus beau que de l’hériter d’autrui (…). »
41 Cf. Cazzaniga (1965) 35, comm. ad loc.
42 Cf. Pernot (1993) 44.
43 P. Mil. Vogl. III 123 (fr. a, ii, 31) : πρῶτ[ο]ν (μὲν ο[ὖ]ν) ὅτι (εὐγενήс) ; P. Berol. inv. 12318, 1 : πρῶτον ὅτι (…).
44 Pour φαίνεται : P. Mil. Vogl. III 123 (fr. a, i, 28 ; suppl. ed. pr. ; ii, 1 et 35 ; fr. b, ii 20) ; P. Berol. inv. 12318, 17. Pour ἔνδοξοс : P. Mil. Vogl. III 123 (fr. b, ii, 28) ; P. Berol. inv. 12318, 7-8 (ἐνδοξότεροι) et 5 (ἄδοξοι).
45 Cf. Stramaglia (1996) 108-109 ; (2003) 227-228.
46 Pour P. Mil. Vogl. I 20, cf. Fernández Delgado / Pordomingo (2008). Pour P. Vindob. G 29789, cf. Stramaglia (1996) 105, n. 26 et 108-109 ; (2003) 227-228. Parmi les différents exercices progymnasmatiques sur ce genre de supports, la compilation de l’éthopée a été réalisée par Fournet (1992) et Fernández Delgado (1994), celle de l’éloge par Pordomingo (2007), celle de la fable par Fernández Delgado (2007), et une compilation du matériel publié est en train d’être réalisée sous la direction de ce dernier par Cristina Iturralde pour sa thèse de doctorat à l’Université de Salamanque.
47 Cf. Pernot (1993) 43-44 et 56-57 ; Patillon / Bolognesi (1997) VIII-XVI.
48 Cf. Reichel (1909) 9-20.
49 Un éloge de Diomède qui – comme dans P. Mil. Vogl. III 123 – rapporte entre autres le fait qu’il est le fils de Tydée, les actions réalisées par celui-ci à Thèbes après qu’il a été envoyé par les Argiens, le fait d’être né d’une fille d’Adraste, son éducation et ses victoires athlétiques, est le premier de ceux traités par Libanios dans ses Progymnasmata. Minos et Rhadamanthe sont cités comme exemples d’anaskeué et de kataskeué par Théon (96 Sp.) ; cf. Cazzaniga (1965) 44-45, qui mentionne diverses sources (Hérodote, Thucydide) de la prosopographie des deux personnages et même, en partie, de leur traitement stylistique (Isocrate).
50 Cf. Fernández Delgado / Pordomingo (2010).
51 Cf. Guichard (2007).
52 Cf. Fernández Delgado (2009) 138-139.