Interprétations aspectuelles des verbes a particule en anglais
Téliques, comparatifs, résultatifs
L’auteur souhaiterait remercier le Fonds de la Recherche Scientifique – Flandre (FWO) pour son support financier.
1. Introduction
On a très souvent affirmé que les particules verbales en anglais ont pour effet de rendre systématiquement télique l’événement dénoté par le verbe : on pense souvent que lorsqu’elles sont adjointes à des verbes, les particules servent à transformer en événements pourvus d’une fin intrinsèque des activités qui en dehors de ces configurations en seraient dépourvues. On cite souvent comme exemples typiques de ce phénomène drink et eat, qui désignent, hors complémentation spécifique bien entendu1, des activités non dotées de fin intrinsèque, et qui s’opposent très nettement à drink up et eat up : l’ajout de la particule fait basculer ces verbes vers une interprétation où l’événement décrit est pourvu d’une fin, correspondant au moment où ce qui est consommé (bu, ou mangé) l’est entièrement. Certains (dont Cappelle ; 2005a, chapitre 8 ; Cappelle 2005b ; Cappelle 2007) ont cependant pu émettre des doutes sur le fait que les particules ont nécessairement cet impact : en effet, certaines particules ne sont pas télicisantes (par exemple, around, dans mess around, ‘ne rien faire de bien intéressant’). Une bipartition de ces verbes en cas « téliques » et cas « atéliques » n’épuise cependant pas non plus la complexité, et la diversité, des cas rencontrés. La question même de l’interprétation systématiquement, ou uniquement, aspectuelle des verbes à particule non-spatiaux peut d’ailleurs elle-même être mise en doute. Dans cette étude, nous souhaitons donc reprendre cette question de l’(a) télicité des verbes à particules, et discuter de l’apparition de certains effets de sens − notamment les emplois dits ici « comparatifs » des verbes à particule : ainsi brighten up ne signifie pas forcément (voire pas du tout) make something completely bright, mais peut signifier ou être glosé par make something brighter. Le but de cette étude est finalement double : d’une part, revenir sur la question de la télicité, en discutant de son rôle et de sa présence ; d’autre part, discuter de la pertinence de l’intégration des autres emplois, notamment les « comparatifs » et ce que nous appellerons plus bas les « résultatifs », où les questions de comparaison et/ou d’incrémentalité peuvent avoir un rôle à jouer.
Il convient de récapituler d’abord ce qu’on entend par télicité et d’expliciter le rapport avec la scalarité. Un événement – ainsi que le groupe verbal qui l’exprime – est télique si son développement est orienté vers une fin naturelle (c’est-à-dire, une fin intrinsèque ou envisagée) au-delà de laquelle l’événement en question ne peut plus continuer. Un événement télique, au sens strict (contrairement au sens plus large du terme de la classification de Vendler 1967), fait référence non seulement à une fin qui, une fois atteinte, fonctionne comme le moment ou un participant de l’événement subit un important changement de localisation ou d’état, mais toujours aussi à une phase durative qui précède ce changement. Un événement télique est potentiellement scalaire, mais ne l’est pas nécessairement. Ainsi, drink up your glass peut être conçu comme un événement qui se développe en passant des degrés (verre plein … verre aux trois quarts plein … vers à moitié plein/vide … vers aux trois quarts vide … verre vide), mais une telle conceptualisation scalaire n’est pas possible pour, par exemple, wrap up a present ou lull somebody to sleep, qui expriment des événements téliques sans phases internes quantifiables (par ex. ??The present is wrapped only halfway ; ?/*He was lulled to sleep three quarters). D’un autre côté, un événement peut être scalaire sans être télique. Par exemple, pile up fait référence à un événement dans lequel des choses s’accumulent l’une après l’autre (de façon alors scalaire), sans qu’il y ait une limite inhérente. Par conséquence, si on dit que « tous les verbes à particule sont téliques » (ce qui est d’ailleurs trompeur), cela ne veut pas dire qu’ils sont tous scalaires ; et si certains verbes à particule ne sont pas téliques (ce que nous montrerons), on ne peut pas forcément conclure que les événements associés ne sont pas scalaires.
2. Télicité des verbes à particule : une vérité qui n’est que partielle
Nous allons donc revenir, dans un premier temps, sur la manière dont la télicité a été fréquemment mise en avant dans la littérature linguistique portant sur les verbes à particule – avec, d’ailleurs, des problèmes de terminologie2. Nous reprendrons d’abord quelques citations représentatives de la façon dont la valeur aspectuelle de ces verbes a pu être abordée dans la littérature, en montrant comment drink up et eat up servent souvent d’exemples typiques (partie 2.1). Cette analyse, comme on le verra ensuite (partie 2.2), est parfois étendue à la plupart des verbes à particule, voire tous. Pourtant, il est impossible de maintenir une telle généralisation (partie 2.3).
2.1. Omniprésence des exemples drink/eat vs drink/eat up dans la littérature
Les verbes les plus souvent utilisés pour démontrer la valeur télicisante des particules dans les « phrasal verbs » sont, on l’a dit, drink up et eat up. Ces exemples sont répétés d’une étude à l’autre. Les sept citations suivantes, choisies parmi d’autres possibles, illustreront cette forte présence ; on y retrouve l’omniprésence de l’idée selon laquelle up construit plus ou moins systématiquement un événement télique. Les passages les plus pertinents, portant spécifiquement sur les mots ou les exemples clés, sont mis en gras.
In some languages, it is possible to derive verbs referring to specifically telic situations from verbs that do not necessarily refer to telic situations […] A similar difference exists between essen and the specifically telic aufessen, and between the English glosses thereto : eat and eat up.
(Comrie 1976 : 47)
In the telic sentence I ate it up, the activity is viewed as completed, and the transferral [of the action from the agent to the patient – BC& CC] is carried over in its entirety ; but in the atelic I am eating it, the transferral is only partially carried out.
(Hopper et Thomson 1980 : 252)
[…] the recurrent completive or effected sense of up in eat up, drink up, dry up, etc.
(Fernando et Flavell 1981 : 25)
It has been noticed that in English, up in certain phrasal verbs seems to carry some notion of completeness. This construction is often called the completive up, and is one of several kinds of up that can occur in phrasal verbs. In a verb such as drink up3 the completion of the process is implied, as opposed to the simple verb drink.
(Sawin 1999 : 4)
The particles in aspectual PV’s [= particle verbs – BC&CC] can mark completeness, such as up in drink/eat up the milk /cake […]
(Dehé 2002 : 346)
[…] particle verbs, as in eat up the sausage and drink up the beer, are telic. […] For example, the event denoted by the simplex verb eat does not have any internal boundary, while eat up denotes an event that includes the inherent goal or endpoint of total consumption of the thing to be eaten, e.g. the ice-cream.
(Jeschull 2003 : 120-122)
Together with other semantic features, telicity is responsible for dividing all predicates into the four Vendler (1967) classes : accomplishments (run a mile, run the marathon, drink up), achievements (die, realize, find), activities (run, run laps) and states (know, believe).
(Slabakova 2005 : 324)
A titre anecdotique, la prégnance de cette mise en relation entre télicité et up dans drink up ou eat up est telle qu’elle semble d’ailleurs être passée dans le discours non spécialisé sur la langue, ainsi l’extrait suivant du roman Disgrace, de J. M. Coetzee, où l’on retrouve l’exemple de drink up :
Two weeks ago he was in a classroom explaining to the bored youth of the country the distinction between drink and drink up, burned and burnt4. The perfective, signifying an action carried through to its conclusion. How far away it all seems ! I live, I have lived, I lived. (J.M. Coetzee, Disgrace, 1999, London, Secker & Warburg, p. 71).
On rappellera ici aussi les tests habituels pour juger de la télicité d’un prédicat, notamment celui de la compatibilité avec in ou for + GNexpression de temps : or il semble bien pouvoir s’appliquer pour drink vs drink up5 :
(1) a. I drank tea {for an hour/*in an hour}
b. I drank up my tea {in 30 seconds/*for 30 seconds}.
On peut utiliser également un autre test célèbre : celui de la compatibilité avec stop/finish (stop indiquant un arrêt arbitraire de l’activité quelque part dans son déroulement, finish supposant qu’on arrive à sa fin : c’est donc finish qui est normalement compatible avec les prédicats téliques) :
(2) a. I {stopped/*finished} drinking tea
b. I {stopped/finished} drinking up my tea.
Nous ne mettons pas ici en avant la définitude de l’objet, qui joue bien entendu un rôle, mais seulement, afin de simplifier le raisonnement, la différence « générale » en termes de télicité entre le verbe simple et le verbe à particule.
2.2. Omniprésence du lien entre télicité et verbes à particule dans la littérature
Cette télicité des verbes à particule a non seulement été étendue plus ou moins largement à d’autres verbes à particule que drink up et eat up, mais elle est parfois aussi considérée comme un trait sémantique commun à tous ces composés verbaux. Ainsi, pour citer Brinton (1988 : 167), « the predominant opinion seems to be that the particles in Modern English are perfective aspect markers » (c’est nous qui soulignons) ; l’idée est alors que les particules construisent généralement des valeurs de type complètement, jusqu’au bout, etc. : non seulement drink up et eat up, ni même up, mais aussi l’ensemble des verbes à particule. On se reportera par exemple à la citation de Jeschull 2003 déjà donnée ci-dessus : « les verbes à particules […] sont téliques » ; les sept citations suivantes vont dans le même sens (nous mettons encore en gras les éléments importants) :
[…] it is a well known fact that all [verb-particle constructions] have consequences for the aspectual properties of an event, typically related to telicity.
(Vinka : pas d’indication d’année)
Almost all the particles represent some variant of the intensive or the terminative – or both.
(Live 1965 : 437)
[…] the phrasal verb pictures the action as leading to a conclusion… the notion of perfectivity can be extended to cover the bulk of phrasal verbs whose meanings have deviated from the more or less literal sum of parts6.
(Bolinger 1971 : 96-97)
[…] all particles […] [appear] to require a delimited interpretation.
(Keyser et Roeper 1992 : 113)
The class of verb particles have the semantic property of imposing delimitedness on the event described by a verb phrase or sentence.
(Tenny 1994 : 148)
[…] an atelic situation can be made telic by means of […] verbal particles (in English) such as out, off, about, etc.
(Kardela 1997 : 1483)
[…] any phrasal [verb] construction implies the completeness of the action to a certain extent.
(Gorlach 2004 : 16)
Toujours selon Brinton (1988 : 167), l’idée que les particules sont perfectivisantes remonte au moins à Streitberg 1891, qui affirmait que les préfixes verbaux de l’allemand dont proviennent les particules postverbales sont des marques de parfait ; Streitberg aurait lui-même eu un prédécesseur en la personne de Jacob Grimm, qui faisait dès 1824 la comparaison suivante entre langues slaves et langues germaniques :
Es ist unmöglich die spuren eines die slavischen sprachen so durchdringenden unterschiedes auch in der deutschen aufzufinden. Composita mit ver-, be-, hin-, durch- etc. (wie im slavischen mit -po, -do, -na etc.) böten etwa perfektive dar, unzusammengestzte dagegen imperfektive7.
[Il n’est pas impossible de retrouver en allemand des traces de cette distinction si courante dans les langues slaves. Les composites en ver-, be-, hin-, durch-, etc. (comme en slave avec po-, do-, na-, etc.) pourraient avoir quelque chose de perfectif, alors que les non-composites ont quelque chose d’imperfectif.]
(Karadzić [Grimm] 1824, tel qu’il est cité dans Streitberg (1891 : 77))
Bien entendu, tous ceux qui disent que les particules ont un effet télicisant (ou « perfectivisant », etc.) ne se reportent pas explicitement à Grimm ou Streitberg ; le caractère télicisant des particules en anglais et dans les langues germaniques semble être devenu une vérité établie, au point que McIntyre 2001 en traite en termes de « mythe ».
2.3. Refus ou absence de généralisation
Il existe cependant aussi des approches plus nuancées, qui ne font pas de ce caractère télicisant ou perfectivisant une caractéristique commune à tous les verbes. Certaines des citations mentionnées plus haut, on l’a vu, ne parlent pas de « l’ensemble » des verbes à particule mais d’une majorité, ou simplement de certains verbes. Ainsi Dehé 2002, dans la citation donnée ci-dessus, écrit que les verbes à particule « can mark completeness » ; en d’autres termes, elles peuvent le faire, mais ne le font pas nécessairement. Dans la grammaire de Quirk et al. (1985 : 1162-1163), la « complétude » n’est qu’un seul des divers effets de sens mis en avant pour les verbes à particule « dont la particule a un sens qui peut être facilement isolé » – dans les autres groupes, on trouve par exemple « persistent action », (« action ininterrompue et/ou obstinée » : chatter away, fire away, work away, beaver away, etc.) ou « aimless behaviour » (« comportement n’ayant aucun but précis » : play around, mess around, fool around, wait around, etc.), qui correspondent à des cas atéliques. Par ailleurs, Brinton 1988 elle-même, malgré l’affirmation que les particules verbales en anglais sont des marqueurs de télicité (p. 163), note que ni away dans The photographer snapped merrily away, ni on dans dream on ou along dans move along8 n’ont cette fonction. Elle considère ces particules comme des marqueurs d’imperfectif (et d’ailleurs d’« aspect », ce qui est surprenant pour quelqu’un qui insiste par ailleurs sur le fait que les autres particules sont des marques d’Aktionsart et surtout pas d’aspect). Rice 1999 et Rice et Newmann 2004 discutent surtout des particules qui ont des sens qui ne sont pas liés à la télicité, comme le on de « continuation » (cf. he snored on) ou de « résomption » (par exemple : She stopped reading to look up the word and then read on, ‘… puis elle se remit à lire’), ou encore, over lorsqu’il indique la répétition (You’ll have to do it over, ‘Il va te falloir le refaire’). Toivonen 2006 s’intéresse également exclusivement au « on continuatif », qu’elle contraste cependant au passage au « up de complétude » (completive up) : ce faisant, elle semble donc cependant confirmer l’idée que up est télique, ce qui n’est pas toujours le cas, comme nous allons le voir. Jackendoff 2002, McIntyre 2004 et Cappelle 2005a, b proposent des approches plus équilibrées du rôle aspectuel des particules, et montrent que les particules de l’anglais ne sont pas toutes des marqueurs de télicité – mais qu’elles ne sont pas pour autant nécessairement atéliques non plus.
3. Autres interprétations aspectuelles des verbes à particule
3.1. Télique/atélique : une opposition de toutes façons insuffisante
Se pose alors le problème de l’existence de cas que nous souhaitons soumettre à la réflexion comme celui de warm up. Le Collins Dictionary of Phrasal Verbs propose, parmi d’autres sens possibles, les deux suivants (qui se trouvent être les deux premiers) :
(3) 1 If you warm up cold food, you put it on a cooker and heat it until it is ready to be eaten. eg Start warming up the soup now…… scooped one of the cold slices into the oven to warm it up… I keep lots of food that’s quickly thawed and easily warmed up. • Heat up means almost the same as warm up. [Si l’on warm up (chauffe, ou réchauffe) de la nourriture froide, on la met sur le feu et on la (ré)chauffe jusqu’à ce qu’elle soit prête à manger (c’est nous qui soulignons). Par ex. Commence à réchauffer/faire chauffer la soupe.… il(s) a (ont) pris une des tranches froides et l’a (ont) mise au four pour la réchauffer… J’ai toujours plein de nourriture [au congélateur] facile à dégeler et à réchauffer). Heat up signifie presque la même chose que warm up.]
2 If the weather, the day, or part of the earth warms up, the temperature rises and it gradually gets hotter. eg The weather was warming up… Scientists believe the earth is warming up as a result of gases trapping the sun’s heat into the atmosphere. [Si le temps, la journée, ou une partie de la Terre « warms up » (se réchauffe), la température monte ; ils deviennent de plus en plus chauds (c’est nous qui soulignons). Par ex. Le temps se réchauffe… Les scientifiques pensent que la terre se réchauffe en raison des gaz qui bloquent la chaleur du soleil dans l’atmosphère.].
On remarquera ici l’utilisation intéressante de until it is ready d’une part, de it gradually gets hotter, d’autre part. Selon les définitions de ce dictionnaire, warm up a un emploi potentiellement télique (voir infra), mais il est clairement atélique en (2), dans la mesure où il n’y a pas de point final. On peut considérer que warm up n’est pas marqué pour la télicité et est interprété ou bien comme télique ou bien comme atélique, selon les cas, ce qui correspond à ce que Declerck 1979 a proposé d’appeler des téliques neutres ou téliques-zéro (« zero-telic »). Pourtant ceci ne semble pas permettre de préciser quels effets de sens en particulier sont possibles (en dehors de la télicité ou atélicité de l’événement verbal). En effet, il y a cas « télique » et cas télique, et cas « atélique » et cas atélique. Même pour des cas qui peuvent, d’une façon ou d’une autre, être caractérisés à l’aide de termes ayant (au moins apparemment) à voir avec la complétude au sens large, les cas pourraient être en réalité plus différents qu’ils n’en ont l’air.
Quant aux cas atéliques, il semble qu’ils puissent avoir des caractéristiques propres (continuatif, ou justement, comparatif/graduel) : le simple traitement de ces verbes en tant qu’« atéliques » reste trop vague et ne permet pas de savoir quel type de valeur le verbe peut avoir. Ces cas dépassent potentiellement cette opposition. On pourra aussi citer d’autres cas que nous n’évoquerons que rapidement ici : cas (prétendument9) inchoatifs comme kick off (au football) ou hit off (au golf) ; un emploi de away potentiellement analysable comme « inchoatif », généralement avec un impératif (par exemple, If you want to {laugh at/kill/kiss/sue/thank, etc.} me, then by all means, {laugh/kill/kiss/sue/thank, etc. … } away : ‘Si tu veux te moquer de moi/me tuer/m’embrasser/me faire un procès/me remercier, vas-y, ne te gêne pas, moque-toi/tue-moi, etc.’, voir Cappelle 2005a : 383-384).
Un autre problème est celui de l’intégration des verbes à particule ayant une interprétation « ponctuelle » : give back, pop out, switch on, etc. Ces verbes ne sont bien évidemment pas atéliques, parce qu’ils ne peuvent durer éternellement, mais ils ne sont pas des téliques stricto sensu non plus, parce qu’ils ne font pas référence à une phase conduisant au changement d’état.
3.2. D’« autres » effets aspectuels
Nous allons ici revenir sur quelques cas qui nous intéressent pour aller vers une typologie fragmentaire, mais cependant plus complète, dans laquelle une place est particulièrement faite, en raison des préoccupations sous-jacentes à ce volume, à deux types de cas : les « comparatifs » (nous expliquons la présence des guillemets plus bas), et les « résultatifs » (dans une acception sémantique : il ne s’agit pas de la « construction résultative » évoquée aussi plus bas).
3.2.1. Comparatifs
Revenons donc sur le cas de warm up, et notamment sur la deuxième définition (l’exemple de la Terre qui se réchauffe). Ce qui semble caractériser ce deuxième emploi, c’est le fait qu’il s’agit d’un changement graduel. Ce type de gloses n’est pas isolé : on pourra citer par exemple beef something up, dans le sens de make something bigger, more interesting (et non completely big), blow up, quand il signifie make something larger, make something more important, brighten up ‘make something brighter’, buck up (un peu différent : intransitif) ‘become merrier’ et non ‘totally merry’, build up ‘become greater, stronger, or larger in number’, comme par exemple dans I could feel the anger building up in me, ‘je sentais la colère monter en moi’, etc. On note ce point commun qui est la (possible) présence d’un comparatif dans la glose et/ou la compatibilité avec des adverbes ou locutions adverbiales comme gradually ou a bit, a lot, by a huge amount, etc. Or un tel sémantisme s’accommode mal des tests classiques pour la télicité. De nouveau pour warm up :
(4) a. Planet Earth has been warming up {for some decades/*in two decades}
b. There is no evidence that the earth will soon {stop/*finish} warming up.
On a ici affaire à des événements que nous dirons « incrémentaux », dans lesquels une quantité augmente graduellement, sans qu’il y ait cependant de point final, inhérent ou d’ailleurs récupérable en contexte.
3.2.2. Résultatifs
Un ensemble de verbes semble pouvoir être classé sous l’étiquette de « résultatifs » plutôt que « téliques ». (A noter qu’il ne s’agit pas ici de la construction résultative, comme dans, par exemple, They lulled the baby to sleep, ‘Ils ont endormi le bébé en le berçant’, dont il sera question plus bas.) Un grand nombre de verbes à particule, notamment en up, ont pour effet de sens quelque chose que l’on pourra gloser par ‘atteindre un certain résultat’, et/ou ‘obtenir une certaine efficacité, un changement d’état, un changement de condition, etc.’. On donnera simplement quelques exemples (cf. aussi infra : 4.1.1 sous (v) et passim).
(i) Dans les verbes à particule où le verbe lui-même fait référence à une configuration spatiale, comme chain up, line up, pile up, etc. (former une chaîne, une ligne, un tas, etc.) ; ou à un regroupement, comme buddy up, pair up, team up (se regrouper, former un groupe, par ex. d’amis pour le premier), il s’agit d’obtenir un résultat qui est la formation de la configuration spatiale, ou la formation d’un groupe.
(ii) Dans les verbes à particule où le verbe fait allusion à un blocage quelconque, comme block up, silt up, etc., il y a atteinte d’un « résultat » où ce qui est le référent de l’objet (ou, selon le cas, du sujet) est bloqué. Il n’est pas nécessaire que le blocage soit « complet » au sens où l’on atteint un point final, mais on a atteint un point effectif où l’on peut dire « c’est bloqué ». Il y a donc plutôt efficacité, présence d’un état résultant, etc. que télicité.
On retrouve ce type d’emploi avec brighten up lorsqu’il signifie ‘make something bright’. On peut le trouver avec down dans, par exemple, dull down, ‘make something dull (er)’. Il s’agit d’arriver à un état que l’on qualifiera de bright, dull, etc. En d’autres mots, il y a une progression vers un état qui n’est pas forcément « final » – mais qui peut l’être dans certains cas (comme dans straighten something up completely). Des nuances peuvent être possibles, comme la progression vers un résultat précisé par la particule ou un résultat plus général, auquel nous faisons allusion dans le tableau suivant, nuances qui ne seront pas développées ici.
3.2.3. Récapitulatif
On peut proposer un tableau des cas abordés jusqu’ici.
Tableau 1. Une typologie possible de cas
Type | Sous-type | Exemples | Télique | Incrémental/Décrémental | Résultatif |
« Téliques » | Eat your soup up ! | + | + | + | |
« Comparatif » | Ponctuels | Buck up ! (« Be merrier ! ») ; His witty remark brightened my day right up. (« … made it instantly brighter ») | − | + | + |
Graduels | The lorry is slowing down; The Earth is warming up | + / −10 | + | + | |
« Résultatifs » | Etat résultant (co-)précisé par la particule | The sky slowly clouded over. (« Clouds gradually gathered until they were over the entire surface of the sky »); She switched the radio on | + / −11 | + / − | + |
Etat résultant sous-spécifié par la particule | She wrapped up that present very nicely ; They beat him up severely | + / −12 | − | + |
Le statut des éventuels inchoatifs (comme par ex. Fire away !) et des résomptifs (comme read on dans I looked up the word in a dictionary and then read on) est laissé de côté dans le tableau. D’autres verbes à particule que nous n’avons pas inclus font référence à des activités (par ex. I wandered around not really knowing where to look), ce qui n’est pas repris ici car la discussion n’y fait pas directement allusion, ou à des états (« states »), comme dans His chin juts out et The server is down.
3.2.4. Quelques remarques complémentaires
(i) Nature de cette typologie
Il ne s’agit pas de cas étanches. On note par exemple que certains verbes restent difficiles à classer : ainsi, dull something down pouvant être analysé comme ‘make something duller’, comparatif, ou ‘make something dull’, plutôt, donc, résultatif. Les téliques eux-mêmes, avec les verbes de consommation (cf. Cappelle 2005a : 427-428) sont peut-être susceptibles d’une analyse en termes de résultat : ainsi, eat something up n’est télique que comme effet secondaire, c’est-à-dire qu’il est télique en raison du fait que le verbe est un verbe de consommation, ce qui nous fait interpréter l’objet comme un thème incrémental dans la terminologie de Dowty 1991 (« incremental theme »), et (surtout) en raison du fait que l’adjonction de la particule up à ces verbes conduit à envisager le résultat d’une consommation totale.
C’est pour cette raison que nous utilisons les mêmes termes dans l’appellation des types d’emploi et dans la description des propriétés ; en réalité, des points communs existent entre les trois catégories, et c’est ce qu’illustrent ces croisements. Les trois types généraux (« téliques », « comparatifs », « résultatifs ») n’ont pas nettement les propriétés (+ télique, −in-/décrémental, −résultatif), (−télique, + in-/décrémental, −résultatif) et (−télique, −in-/décrémental, + résultatif), respectivement, et d’ailleurs, une certaine résultativité peut être commune à la plupart, voire tous les emplois. La différenciation entre les trois types d’emploi reste cependant justifiée, dans la mesure où on a trois grands « types » d’interprétation sémantique que l’on peut opposer. Les « téliques » semblent exprimer la télicité plus clairement que d’autres aspects sémantiques, les « comparatifs » semblent plus clairement liés à une incrémentalité ou une décrémentalité qu’à un point final ou un résultat, et les « résultatifs » sont appelés ainsi parce qu’ils expriment plus directement que les autres types l’obtention d’un certain résultat.
(ii) Effets contextuels
La différence (ou, en réalité, l’indétermination) entre les deux interprétations de cheer somebody up, ‘make somebody more cheerful’ ou ‘make somebody cheerful’ (remonter le moral de quelqu’un), ou dull something down, ‘make something duller’ ou ‘make something dull’, peut illustrer ces effets. En effet, le fait que be cheerful et be dull sont construits sur des qualités qui évoquent aussi des échelles permettrait d’hésiter entre les deux interprétations selon le contexte : selon que l’on est déjà dull ou cheerful dans le contexte-avant, on devient ou bien heureux, tout court, ou bien plus heureux. C’est là que la structure scalaire ou non d’un élément de l’événement décrit vient jouer un rôle, ainsi que des phénomènes contextuels au sens plus large.
(iii) Tous des résultatifs ?
Nous venons de le signaler : la dimension résultative semble récurrente. Il s’agit, par exemple pour cheer somebody up, dans les deux cas, d’obtenir un changement d’état ou de condition. Que ce « résultat » corresponde à un état intermédiaire ou non dépend du point de départ que l’on s’est fixé. L’interprétation comparative n’est donc qu’un effet (voir aussi conclusion) qui se rattache à la présence possible, ou non, d’une incrémentalité ou d’une décrémentalité. Une interprétation télique, en plus, dépend en partie du caractère ouvert ou fermé de l’échelle sous-jacente à l’événement verbal ; plus largement, l’absence de point pouvant être considéré comme final (d’un événement « comparatif » ou non) bloque l’interprétation télique. Une des solutions pour relier une grande partie des cas serait donc de remplacer la notion de télicité nécessaire par celle de « résultat », qui semble en effet plus englobante : finalement, tous ces emplois ont pour point commun le fait qu’un résultat est mis en exergue, même si ce résultat n’est pas forcément un point final.
(iv) Le rapport avec les constructions dites « résultatives »
On le sait, des hypothèses ont été faites sur la nature « résultative », au sens cette fois-ci de « construction résultative » des verbes à particules de l’anglais13. Des paraphrases du même type que celles des résultatifs sont en effet possibles pour au moins une partie des verbes ; ainsi pull up (directionnel), ‘pull, so that’s it’s up’, ‘cause to be up by pulling’. Les rapports entre résultatifs et verbes à particule ne semblent pas pouvoir être considérés comme systématiques ; ainsi dans mess up il est difficile de dire (directement, du moins) ‘*mess, so that it’s up’, ou dans read on, ‘*read, so that it’s on’ : il y aurait multiplicité des schémas plutôt qu’intégration à une construction unique (cf. Chauvin 2005, pour quelques exemples). Mais dans les cas où il y a un lien, l’impression de « résultativité » pourrait être potentiellement ramenée au schéma lui-même, ce qui augmente le nombre de cas analysables en termes de « résultat », mais par un biais différent. La question du degré d’intégration des verbes à particule dans les schémas résultatifs, ainsi que celle de la nature du résultat ainsi désigné, ne seront pas développées ici, faute de place, et devront être reprises par ailleurs. Elles pourraient cependant expliquer les généralisations faites parfois dans la littérature (cf. McIntyre (2007 : partie 2.1) pour quelques références bibliographiques à ce sujet).
4. A propos des conditions d’interprétation (émergence de quelques effets de sens)
Nous avons donc vu ci-dessus que les interprétations aspectuelles pouvaient être réparties sur plusieurs cas plutôt que sur un seul. Nous examinerons maintenant la question de la construction et/ou prévisibilité de la présence de tel ou tel effet de sens en contexte, en revenant sur les conditions d’apparition de ceux-ci. Nous nous pencherons plus précisément sur certains verbes en up, down et, plus secondairement, out. Le cas de up, notamment, sera examiné en détail. Ce qui nous importera sera de mettre en avant les éléments potentiellement utiles pour l’étude des différents cas, en proposant parfois d’emblée des regroupements, qui ne seront cependant pas toujours commentés en détail. Quelques observations sur d’autres éléments (rôle du verbe simplex, ainsi que sur le rôle du schéma ou de la construction résultative) sont proposés à titre de pistes d’analyse possible.
L’hypothèse générale est qu’en réalité, l’aspect est formaté ou construit par des modes d’appréhension plus particuliers à chaque verbe, et à chaque particule, malgré (ou en plus) des possibilités de regroupements. Il s’agit ici de revenir sur les caractéristiques des particules, le type de rapport verbe/particule, le type de structure événementielle sous-jacente, etc. plutôt que de procéder en termes de traitement global à partir d’une seule dimension (notamment, aspectuelle et, encore plus spécifiquement, « télique ») dont on voit qu’elle n’est pas effective.
4.1. Rôle de la particule : les verbes en up et down
4.1.1. Up
Nous commencerons par up, qui nous a, on l’a vu, occupés dans la partie précédente. Up est en effet la particule que l’on considère souvent être télique par excellence, nous l’avons déjà aussi souligné ci-dessus. Nous avons vu également comment les emplois de la particule dans ces verbes s’avèrent plus divers que ce qui a pu être souligné dans la littérature – on notera cependant que Lindner 1981 constitue à ce titre une exception notable. Les analyses faisant de up un « opérateur » de télicité poussent à faire de cette utilisation de up un emploi plus ou moins autonome, où up n’est plus qu’un marqueur aspectuel, qui n’a plus, ou du moins plus directement, de lien avec les autres emplois. Or, il semble que le rapport avec ses autres emplois n’est pas absent, et que le up des verbes à particule téliques n’est pas totalement détaché de ses autres emplois. C’est entre autres le rapport avec diverses caractéristiques de up (et des autres éléments composant le verbe à particule et le contexte de manière plus large) qui conduisent à des possibilités diverses d’interprétation, plutôt qu’à une seule.
On reprendra les classifications proposées ci-dessus, en proposant d’abord une vision d’ensemble (générale, mais non exhaustive) qui dépasse les emplois strictement aspectuels, pour revenir à la question aspectuelle ensuite. Bien entendu, nous caricaturerons en partie les types d’emploi dans ces quelques lignes, et utiliserons ces classifications à des fins descriptives ; ces grands pôles semblent cependant regrouper un grand nombre, voire la (quasi- ?) totalité, des emplois recensés dans les dictionnaires consultés. Afin de ne pas ajouter des développements dépassant les limites de cet article, nous ne nous attarderons pas sur l’analyse des « réseaux » polysémiques (qui devra éventuellement être reprise ailleurs) ; seuls quelques éléments ponctuels sont suggérés.
Nous classerons les emplois en quatre ou cinq ensembles généraux, selon le regroupement ou non souhaité des deux premiers14.
(i) « (Aller) vers le haut »
C’est l’ensemble des emplois « spatiaux »15, espace-temps, avec possibilités cependant déjà de métaphore : par ex. go up, pull up, soar up, etc. On a ici affaire à des emplois plutôt « adverbiaux », même si la distinction est notoirement complexe : up est remplaçable éventuellement par un groupe prépositionnel avec GN, mais pas forcément16. Le verbe a au moins une interprétation de verbe de mouvement. Ces cas acceptent généralement des modifications de type right, straight, et cet adverbe vient modifier directement up (vs dans d’autres cas, voir Cappelle 2008). L’adverbe y a un sens proche d’un de ses sens « isolés » (et ici, « prototypique ») ; on donnera comme exemple représentatif pull up : ‘pull, so that it’s up’17, ‘tirer vers le haut’, ‘remonter en tirant’18.
(ii) « (Aller) vers un centre saillant »
Ce type de cas peut éventuellement être considéré comme un cas particulier du précédent avec une interprétation « métaphorique » ou spécialisée de up, « aller vers un élément considéré comme saillant, soit premier dans une hiérarchie », ce qui est aussi exprimé par go up, lorsque par exemple il est employé dans l’expression go up to university (cf. Huddleston et Pullum (2002 : 653)). Il s’agit ici aussi d’exemples comme come up (venir vers le locuteur, qui est souvent par défaut le point saillant), mais aussi éventuellement de conjure up, ante up, cough up, etc. Il ne s’agit a priori donc pas d’emplois « téliques », mais certains cas peuvent (éventuellement) sembler ambigus : ainsi conjure up peut éventuellement être analysé comme ‘conjure completely’, puisque l’élément que l’on fait apparaître n’était pas du tout présent auparavant, et est donc créé ‘dans sa totalité’ (cf. aussi make up, ‘inventer’, peut-être aussi dream up). Ces verbes sont cependant plutôt susceptibles d’être analysés en liaison avec l’idée de faire apparaître quelque chose devant le locuteur (faire apparaître devant le locuteur, vers Ego). Les emplois que l’on peut plus généralement paraphraser à l’aide d’une formulation comme ‘come into existence’, créer, ont la même ambiguïté d’interprétation que conjure up entre « télicité » éventuelle, et « déicticité » (faire apparaître, soit créer, ou bien faire venir sur la scène de l’interlocution), ainsi cook up, come up (dans le sens : ‘arriver de manière inattendue’). Il semble que la solution « déictique » soit plus simple, la glose en completely étant souvent gauche.
(iii) « Télique »
On retrouve ici les cas de drink up et de eat up. On peut reprendre ici l’opposition déjà citée en (1) a-b, reprise ici avec (5) a-b :
(5) a. I drank tea {for an hour/*in an hour}
b. I drank up my tea {in 30 seconds/*for 30 seconds}.
On a déjà mentionné ces exemples dans la partie (ii) : c’est en réalité le référent du GN qui est touché par l’interprétation en termes de « complétude ». On trouve ici notamment des verbes « de consommation » (Cappelle 2005a : 427-428) : eat, drink, et variantes : chomp, guzzle, munch, sip, etc. up, breathe up (par exemple, all the air), use (ex. resources) up, smoke (ex. a cigar) up. On note la présence de ce up ailleurs qu’avec les verbes à particule, ainsi dans Your time is up (= terminé, consommé, utilisé), ce qui peut aussi, sur un autre mode, faire douter de la (totale) spécialisation de up dans ces emplois.
(iv) « Augmenter »
On retrouve la dimension d’échelle quantifiée déjà mentionnée tout comme les cas « comparatifs » : on va de « état x » à « état x + n ». La graduation peut être facilement liée au cas (i) également (via more is up) mais la dimension de quantification et de graduation est plus prégnante ici. Les gloses possibles (mais pas nécessaires) contiennent un comparatif : harden up, ‘make something harder’ (‘durcir’, ‘rendre plus dur’), sex up, ‘make something sexier’ (‘rendre plus sexy ou intéressant’)19et non ‘*make something completely sexy’. A la dureté ou à la qualité d’« être sexy ou intéressant » est associée une échelle ouverte, et par conséquent aucun point définitif ne peut facilement être construit, ce qui semble empêcher que l’événement soit télique, comme on l’a déjà mentionné ci-dessus.
Il est à noter que si l’on parle de quantification, ici comme dans d’autres domaines linguistiques, cette notion est à considérer aussi bien sur le plan strictement quantitatif que sur le plan qualitatif (degré de qualité). Up peut donc indiquer une quantité ou une qualité [x + n] sur une échelle ; on pourra penser aussi aux verbes exprimant un effort de toilette supplémentaire : to dress up (‘s’habiller mieux que d’habitude, « en dimanche »‘), doll oneself up (‘se faire (plus) beau/belle’), et aussi (même sens) glam something/oneself up, gussy up (AmE20), dude oneself up, etc. et peut-être même make (oneself) up, au sens de ‘se maquiller’21, qui se rapproche de ces autres exemples malgré un degré très fort de lexicalisation. La glose peut donc faire appel à un comparatif. Cependant, cette glose n’est pas toujours possible. L’exemple a déjà été cité : dans I need to brighten up this crappy day, il ne s’agit pas (forcément, cf. ci-dessus) de rendre le jour brighter, mais de le rendre bright, lorsque l’on part d’un état où il n’y a aucune gaîté. En d’autres termes, on passe d’une absence à une présence de gaîté.
(v) « Résultatif »
Brighten up peut signifier ‘make something brighter’ ou bien ‘make something bright ; l’une des gloses proposées pour mess up dans le dictionnaire publié par Oxford University Press est ‘make something untidy’. Il ne s’agit donc pas d’abîmer quelque chose le plus possible ni d’abîmer quelque chose plus qu’avant, mais d’atteindre un résultat où il y a eu quelque chose d’abîmé tout court. Cette valeur résultative a été mise en avant pour l’ensemble des verbes en up dans Quayle 1994 et il est clair que les emplois résultatifs recouvrent au moins un certain nombre d’emplois de up (selon que l’on prend « résultat » dans un sens plus ou moins large). On pourra ainsi penser (outre les exemples déjà cités plus haut) aux verbes en up ayant à voir avec :
– un « blocage », alors considéré comme effectif (back up, block up, clog up, silt up, etc.) ;
– une constitution de groupes ou de configurations spatiales (buddy up, pair up, team up ; chain up, cluster up, coil up, heap up, line up, pattern up, pile up, queue up, etc.) que l’on peut gloser par ‘cause an X to be formed’ ;
– une façon d’attacher quelque chose à quelque chose d’autre (bandage up, bind up, buckle up, close up, glue up, lock up, seal up, shut up, tape up, tie up, tighten up, truss up, wrap up, etc.).
On peut citer ici aussi les verbes faisant référence à :
– une constitution d’un « mélange » (mash up, mix up, mush up, scramble up, shake up, squish up, stir up, etc.) ;
– une réparation ou une préparation d’un élément (fix up, heal up, patch up, sew up, weld up, etc. ; fry up, grill up, heat up, etc.) ;
– une tâche ménagère (clean up, grease up, polish up, shine up, wash up, wipe up, etc. : ‘cleaning or treating-with-a-product’, Cappelle 2005a : 416).
Les verbes faisant référence à une destruction ou une attaque physique (bash up, beat up, bloody up, blow up, bollox up, bugger up, bust up, carve up, chop up, cut up, duff up, fuck up22, grind up, knacker up, mess up, pound up, punch up, screw up, slice up, snag up, stab up, tear up, etc.) semblent aussi susceptibles d’interprétations téliques si le contexte le permet, mais également d’interprétations résultatives (‘cause to be V-ed’, ‘cause to be harmed in some way (by V-ing)’).
Pour tous ces verbes à particule, on pourra parler de la présence d’un « effet » (état résultant, changement d’état), que Cappelle (2005a : 426) a glosé par ‘(cause to) get in a ‘V-ed’ state’. On notera que cet état résultant ne correspond pas toujours à celui qui est exprimé par le verbe (ou le participe du verbe) – cf. aussi note 22 – mais peut correspondre à un changement d’état appréhendé plus globalement ; en réalité, il semble qu’il y ait ici des considérations pragmatiques à prendre en compte, qui ne seront pas explorées ici. On pourra suggérer la glose globale suivante pour ce type d’emplois : « se retrouver modifié de manière significative, i.e. impliquant un changement, même minimal, d’état ».
Pour conclure, up est une particule « aspectuelle » relativement marquée comme telle et spécialisée dans la mesure où up semble moins contraint que down et off, par exemple, dans son marquage de l’aspect23. Mais il s’agit toujours d’une coloration spécifique de l’aspect ; autrement dit, up n’a pas un emploi totalement spécifique de type « télique », voire même « aspectuel », dans les verbes à particule. On y retrouve un air de famille entre up indiquant un mouvement vers le haut (ou vers un centre saillant), le up comparatif, et peut-être même le up télique et le up résultatif24. On peut suggérer à titre de piste l’idée que l’on obtien (drai)t toujours plus ou moins un « état x + n » : l’obtention de cet « état x + n » (« nous ne sommes plus dans l’état et/ou la localisation précédente, mais nous avons avancé au moins d’un cran ») pourrait regrouper les exemples abordés.
Le tableau suivant récapitule les divers sens de up.
Tableau 2. Une typologie possible d’emplois divers de up
Emploi | Exemples | Télique | Incrémental | Résultatif |
« Mouvement vers le haut » | Who was the first man to climb all the way up to the top of the Himalaya ? The balloon went up in the sky. | + / − | + (?) | + |
« Mouvement vers un centre saillant » | Suddenly this huge guy came up to me. | + | + (?) | + |
« Télique » | I’m afraid you’ve used up your twenty minutes. | + | + | + |
« Comparatif » (Augmentation) | She seemed to cheer up a bit. After three years of wearing braces I can see my teeth straighten up perfectly. | + / − | + | + |
« Résultatif » | The assignments are piling up one after another. Who will wash up the dishes? We’ve messed up big time. | + / − | + / − | + |
4.1.2. Down
Pour down, on retrouve des caractéristiques assez proches d’une partie des emplois de up, à condition de remplacer la plupart du temps (seulement, voir infra), « état x + n » par « état x−n ». Cependant, on a ici des effets de sens intéressants pour ce qui est du rapport entre verbes à particule et comparaison ; par ailleurs, on constate une spécialisation peut-être plus grande que celle de up, ainsi qu’un moindre éventail de possibilités, avec, par exemple, une moindre possibilité d’emplois de type « résultat » purs (voir cependant dull down) tel que nous les avons décrits supra. Pare something down est susceptible d’être analysé comme un emploi comparatif, et des exemples comme burn down ont pu être analysés comme des téliques ; il semble qu’ils sont cependant (aussi) analysables selon des critères plus propres à down.
Nous donnons ici une liste qui a, comme pour le cas précédent, une visée descriptive :
(i) On trouve, parallèlement à « (aller) vers le haut », « (aller) vers le bas » : go down, fall down, pull down, etc. Il semble que l’on puisse dire, mutadis mutandis, globalement ce qui a été dit pour le premier cas de up (avec verbe de mouvement), avec un changement d’orientation entre haut et bas.
(ii) On a aussi, face à « augmenter », « diminuer » : de nouveau, on retrouve les gloses plus ou moins possibles avec le comparatif – on atteint un état (plutôt) « état x−n » dans une série d’étapes affectant potentiellement l’événement. On est donc dans le cadre de ces emplois dits comparatifs, et on pourrait penser qu’il suffit alors de parler en termes de décrémental plutôt que d’incrémental. Mais ce n’est pas le cas. Cette distinction entre augmenter et diminuer existe bien dans certains cas : on prendra comme exemple pare (something) down, ou bien scale (something) down, qui signifie ‘faire descendre d’un – ou de plusieurs – cran(s)’, et non ‘descendre jusqu’au bout’ :
(6) Several countries have scaled down their plans for expanding nuclear powers. [Plusieurs pays ont revu à la baisse leurs projets de développement de force nucléaire] – (exemple donné dans le dictionnaire O.U.P. à scale down, p. 436)
(7) Conner Peripherals Inc. said yesterday that it would be scaling down production and reducing staffing levels by 10 %. [Conner Peripherals Inc. a fait savoir hier que la production et les effectifs seraient réduits de 10 %] – (idem., p. 436).
Il s’agit d’atteindre un état inférieur dans les degrés ou dans la quantité envisageable(s) de production. On pourra aussi penser à, par exemple, tous les verbes liés à la baisse d’un prix : bring down, come down, cut down, force down, mark down, etc. ; mais aussi, plus généralement, à cool down, dull down (‘make duller’), damp (en) down, die down, drag down, dumb down (‘become dumber’ ou ‘make something dumber’25), edit down, ice (par exemple, champagne) down, narrow down, pare down, pipe down (‘parler moins fort’), play down, quiet (en) down, ramp down, render down, scale down, simmer down, slow down, thin down, throttle down, tone down, water down, whittle down, etc.
Cependant, on note que le comparatif employé dans les gloses, s’il peut l’être, n’est pas systématiquement un comparatif d’infériorité. On pourra citer des cas où tous deux peuvent être glosés par un comparatif de supériorité (« état x + n ») : la glose pour dumb something down ne sera pas ‘make something less dumb’ (rendre moins idiot), mais ‘make something dumber’ (soit, ‘rendre plus idiot’). C’est donc un incrémental. L’hypothèse qui semble pouvoir être faite est que dans le cadre d’une qualité graduable, c’est l’évaluation de dumb qui l’emporte : quelque chose d’idiot est « en dessous de » quelque chose d’intelligent. On sait que dans les graduations de qualité l’un des pôles est négatif et l’autre positif (souvent positif-neutre), et avec dumb, on se situe du côté correspondant au pôle négatif. Rendre plus idiot passe alors par down, puisque le résultat obtenu est en dessous de la situation de départ. On trouve ainsi parfois des paires comme slow up/down : augmenter la lenteur revient à aller moins vite (cf. aussi close up/down the bar). On notera d’ailleurs que les limites du parallélisme avec le comparatif se posent encore, puisque, nous l’avons déjà dit, ce qui est dumbed down n’est pas forcément idiot au départ : la glose peut alors être make something dumb. On obtient donc les différents cas suivants :
– décrémental : atteinte d’un état [x−n]
– incrémental : atteinte d’un état [x + n], la présence de down étant alors liée à une évaluation négative (prédicat graduable dont on focalise sur le côté inférieur).
Ainsi, cool down ne signifie pas ‘become/make less cool’ mais ‘become/ make cooler’ ; slow down ne signifie pas ‘become/make less slow’ mais ‘become/make slower’ ; quiet (en) down ne signifie pas ‘become/make less quiet’ mais ‘become/make more quiet’ (si même on peut employer un comparatif, comme nous l’avons déjà noté). En d’autres termes, puisque c’est ici l’hypothèse défendue, ceci semble confirmer la prégnance du sens spécifique de down dans l’association avec un verbe donné, en le libérant d’un lien avec une dimension décrémentale, nécessairement orientée vers le « bas ».
(iii) Parmi les exemples analysés régulièrement comme « téliques », on trouve par exemple burn down. En effet, une maison qui est burnt down (ou burned down) a été entièrement détruite par le feu. Or il semble que les exemples que l’on trouve avec down sont tous liés à down par un biais autre qu’aspectuel, et que, plus systématiquement encore qu’avec up, la particule continue d’être nécessairement liée à d’autres emplois de down. En effet, dans l’exemple cité, une maison ou un bâtiment qui a burnt down… est down, c’est-à-dire, détruit(e) et tombé(e) à terre. Une quantité d’énergie qui a été dépensée entièrement n’est pas burnt/burned down, mais burnt/burned out. Il y a donc quelque chose qui est spécifique à down ; down n’est pas un marqueur ‘purement’ aspectuel. (On a ici les verbes qui, selon Sinclair (1989 : 461), « contain ideas of collapsing, cutting and destruction » (« contiennent une idée d’effondrement, de découpage, de destruction »), comme break down, chop down, tear down, etc). Si une interprétation (éventuelle) de type complètement entre en jeu, c’est parce que si la maison a brûlé et se retrouve à terre, alors, il ne reste plus rien à brûler ; la combustion a donc dû être ‘totale’. Mais ceci n’est pas ce que down, en soi, indique prioritairement ou uniquement – sa présence serait due au fait que la maison est down, et l’ensemble aura tendance à correspondre à un état où il ne reste plus rien de l’élément brûlé. D’autres particules comme out et over, qui ne seront pas toutes reprises ici, semblent poser en partie les mêmes questions.
Dans un grand nombre d’exemples pour lesquels l’on peut avoir une implication de type ‘jusqu’au bout’, il semble que l’on puisse aussi dire que down joue un rôle ‘spécifique’, et non purement télicisant ou même aspectuel. Par exemple, dans les cas où l’on peut gloser down par ‘no longer working’ (en panne), comme be down, bog down, break down, close down, run down, shut down, etc., un effet télique résulte simplement du fait que l’événement décrit par le verbe à particule ne peut pas se poursuivre : il reste difficile d’envisager que quelque chose qui cesse de fonctionner puisse être en panne encore un peu plus. Les cas où l’on peut rapprocher down de ‘not or no longer standing’, cas plutôt « spatial », donc, comme dans bash down, batter down, beat down, blow down, burn down, chop down, fall down, gun down, hack down, knock down, pull down etc. (‘faire tomber à terre’, de diverses manières) sont en réalité des cas du même type – si on a une éventuelle impression de « complétude », c’est en relation avec down, et par ce biais (quelque chose n’est plus dans sa position « debout »). En effet, une fois tombé à terre, ou au fond d’un trou, etc., on peut difficilement tomber encore un peu plus.
D’autres verbes n’ont pas été cités : la série de verbes autour de down liée à l’écriture sur un support (peut-être par défaut vers le bas, même si dans la réalité les configurations spatiales sont variées, voire, absentes) : write down, put down, lay down (a rule), scribble down, stick down (‘écrire très vite’), take down, etc., peut entrer dans les emplois « spatiaux » de down. Dans tous ces cas, l’impression éventuelle du caractère définitif, et donc éventuellement final de l’action, pourrait provenir du fait qu’une fois un document couché sur papier, il existe en tant que tel.
Par ailleurs, pour les verbes liés à l’ingestion de nourriture, qui pourraient être considérés comme potentiellement comparables à drink/eat up : belt something down, bolt something down, force something down, get something down, gobble something down, drink something down, gulp something down, scarf something down, wash something down, wolf something down, le parallélisme éventuel avec drink/eat up est trompeur : de nouveau, la présence de tous ces verbes peut être liée à la « descente » des aliments dans l’œsophage et l’estomac, et donc à la position canonique du système digestif, et toute implication de type « tout manger/ boire », qui peut exister pour au moins certains verbes de la liste, ne peut alors être lié qu’au sémantisme du verbe même (gulp : ‘en une fois’, wolf : ‘goulûment’, etc.). Il n’y a donc pas de réel parallélisme, et toute impression – éventuelle – de télicité serait liée à des considérations secondes.
Quelques autres cas sont également laissés de côté. Pour les verbes liés à « trouver » : hunt down, nail down, chase down, put down (to something), track down, de nouveau, la paraphrase en trouver peut laisser penser qu’il s’agit d’un « résultat ». Ces verbes semblent être construits sur le schéma résultatif, cf. supra. C’est peut-être également la même chose pour les emplois down avec des verbes exprimant un nettoyage ou l’application d’une substance sur quelque chose d’autre, appelés « surface treatment down », dans Cappelle (2005a : 437), reprenant la liste proposé dans McIntyre (2002 : 97) : brush down, clean down, dust down, hose down, rub down, sand down, scour down, scrub down, soap down, sponge down, spray down, swab down, wash down, wipe down, auquel on peut ajouter (cf. Cappelle 2005a : 438) : buff down, burnish down, butter down, file down, glaze down, grease down, grit-blast down, mop down, polish down, prime down, pumice down, rinse down, jetspray down, vacuum down, etc. Ces verbes ont aussi été analysés comme étant potentiellement téliques, ce qui peut sembler de toutes façons délicat. McIntyre (2002 : 117) s’oppose ainsi à Spencer et Zaretskaya (1998 : 12), qui disent que dans wipe down, down est « meaningless …, conveying at most a telic interpretation » (c’est nous qui mettons en italiques), et souligne que le fait que l’on retrouve si fréquemment down avec des verbes de « traitement appliqué à une surface » ne peut pas être accidentel. La particule indique, selon lui, que l’application a lieu sur une grande partie de ladite surface (le rapport avec down reste cependant complexe). En ce qui concerne la télicité, on voit que ces exemples sont aussi compatibles avec in qu’avec for (McIntyre 2002 : 117, note 3) :
(8) He dusted the piano down {for/in} a minute.
Même si la raison d’être de ce down reste difficile à décrire, cette double possibilité proviendrait du fait que down n’y est pas, de nouveau, un marqueur (seulement) aspectuel (pas même plus largement, puisque l’implicature aspectuelle est instable), mais a à voir avec un processus qui a trouvé à s’exprimer avec down spécifiquement.
En d’autres termes, l’emploi de down avec les verbes présentés ci-dessus n’est pas ‘purement’ aspectuel et serait lié à d’autres caractéristiques de down. Il existe des dimensions aspectuelles de l’emploi de certains de ces verbes, celles-ci étant d’ailleurs diverses, puisque nous avons mentionné la présence de cas comparatifs ; on notera pour terminer ce paragraphe que l’oscillation entre incrémental et décrémental (re) pose de façon intéressante l’opposition up/down, ainsi que les rapports entre comparatifs et verbes à particules tels qu’ils se dessinent à travers les gloses. Nous pouvons résumer les emplois divers de down dans le tableau suivant.
Tableau 3. Une typologie possible de sens divers de down
Emploi | Exemples | Télique | Incrémental/DécrémentaL | Résultatif |
« Mouvement vers le bas » | We dived all the way down to the bottom of the sea. People used to believe that the Earth was flat and that you could fall off and tumble down forever. | + / − | + (?) | + |
« Comparatif » (Augmentation/ Diminution) | Your credibility will narrow down to zero. It’s important to warm down after running rather than stopping abruptly. | + / − | + | + |
« Résultat », avec l’état résultant (co-)précisé par down | I’ve never scarfed down a burger and fries so quickly in my life ! Why does this programme shut down so slowly ? After steaming with wet paper towels, just wipe it down for a few seconds. | + / − | + / − | + |
4.2. Rôle de la particule (suite) : verbes en out
Pour les besoins de cette étude, nous ne distinguerons que trois types de cas.
(i) D’une part, on trouve des cas proches de ceux soulignés ci-dessus pour down, du moins dans leur fonctionnement général : la présence de out dans le verbe à particule y est liée à d’autres caractéristiques de out, et si une interprétation télique est envisageable, elle semble toujours être assujettie à une compatibilité de la description du procès avec un des emplois de out. On trouve ainsi ici tous les verbes où l’on décrit une « sortie » (go out, pop out, throw out), une « extinction » (die out, fade out), de manière plus ponctuelle une perte de connaissance ou de conscience (crash out, pass out, conk out). Les notions mêmes de sortie ou de disparition jouent sur un caractère « définitif » qui peut éventuellement donner une impression de « télicité » (et/ou « complétude »), mais dont le mode de construction est encore une fois spécifique. Pour certains de ces verbes (ceux qui viennent d’être cités : pass out, conk out, etc.), la question des interprétations aspectuelles semble donc assez lointaine ; il est cependant possible de trouver des effets de sens pouvant être (apparemment) paraphrasés par ‘fini, terminé’, etc., via la ‘sortie d’un domaine préalablement constitué’ ; kicked out (‘viré à coup de pieds’) est ainsi « définitif », mais parce que la personne n’est plus là : c’est là un mode d’appréhension indirect de la « complétude ». Les effets de sens sont en réalité divers (« visibilité », cf. ressortir en français : stand out, make out, etc. ou « émission d’un son » : bang out, blare out, blast out, belt (a song) out, boom out, etc.), et ne peuvent pas tous être directement rattachés à la question aspectuelle.
(ii) Il existe des emplois comme burn out qui semblent construire un type de saisie du déroulement d’un procès, où l’on ne peut pas vraiment reconstruire – littéralement – une glose de type and it’s out. On peut y voir un type d’interprétation aspectuelle, dans la mesure où une glose de type ‘completely’, ‘through and through’, ‘from beginning to end’ est de nouveau éventuellement possible. On pourra citer burn out (énergie, voiture), clean out (‘nettoyer de fond en comble’), ou encore (Lindner 1981 : 133) : argue out a plan, ‘discuter en détail de tous ses aspects avant de prendre une décision’, chart out a strategy, fill out a form, make out one’s will, map out a journey, plan/plot out the programme, schedule out (the entire year), sketch out (an idea), write out (an abbreviation), etc. Lindner dit de ces exemples que quelque chose est supposé passer « from some incomplete or potential form to its proper, full form » (op. cit. ibid.). Le terme de full montre que l’on peut encore se trouver (apparemment) dans le cadre des emplois « téliques », ou du moins, de cas où une glose est possible par ‘complètement’, ‘jusqu’au bout’, etc. La question est cependant celle de la précision des effets de sens en jeu : il semble de nouveau que le mode de saisie de la « totalité » ne serait pas la même pour out que pour up (et down, etc.). Certes, la glose peut être de type « jusqu’au bout », mais il semble que les verbes en out jouent plutôt sur un ensemble d’éléments qui pourraient être séparés, mais qui sont tous pris en considération (c’est peut-être ce que veut dire Lindner lorsqu’elle utilise l’expression « incomplete form »). Ainsi dans schedule out the entire year (‘planifier toute son année’) on retrouve l’idée que l’on a pris en compte l’ensemble des éléments composant l’année, semaine après semaine, mois après mois. De même, dans write/spell something out (‘écrire quelque chose en toutes lettres/épeler quelque chose’), on a la série complète des lettres composant le mot ou l’expression, les unes après les autres. Il s’agit donc d’une représentation qui joue sur le balayage de l’ensemble des étapes, en ne disant pas spécifiquement que la « dernière » a été (ou va être) franchie, mais que toutes ont été (ou vont être, sont en train d’être, …) balayées. On aurait donc une représentation différente de up : quelque chose est potentiellement fait d’éléments discrets, mais tous ces éléments sont pris en compte ensemble et les uns après les autres. On notera que les gloses suivantes, citées dans Cappelle (2005a : 405-406), retrouvent cette dimension (nous ajoutons ici des italiques qui ne sont pas dans l’original) :
(9) a. I averaged them all out […]
b. […] the type hierarchy is compiled out. It is entirely constructed and stored in the grammar prior to producing or interpreting a sentence […] this means that the entire set of possible m-subcategories of lexemes […] is defined in advance […].
ou encore les gloses données pour les exemples de Lindner (1981 : 133) dans Cappelle (2005a : 405) :
(10) a. I’ve got my next book noted out (glose : ‘I’ve created an outline for my next book by noting [down] the plot, the characters, etc. in considerable detail’)
b. I want to fantasize out my paper first before I do any reading on the subject (glose : ‘produce an outline by fantasizing in detail about what I want to cover’).
(iii) La présence de fade out (‘disparaître petit à petit, s’estomper’), fizzle out, peter out, etc. peut sembler militer pour l’inclusion d’emplois également « incrémentaux » (gradually) pour out. L’effet général contextuel est certes potentiellement « incrémental » (on peut introduire l’adverbe gradually), mais il s’agit cependant bien d’un out de « sortie » (into disappearance), et c’est le verbe (fade, fizzle, peter, etc.) lui-même étant un verbe de changement d’état graduel, qui conduirait ici à une interprétation de ce type.
4.3. Autres critères
Nous avons déjà mentionné directement ou indirectement que d’autres éléments que la simple particule viennent jouer un rôle : le type de verbe, notamment, les désadjectivaux, pour lesquels la nature graduable ou non de la base influe sur l’interprétation globale du verbe (cf. Hay, Kennedy & Levin 1999). En plus, en cas d’échelle ouverte, l’ensemble du verbe et de la particule ne sera pas télique, mais plutôt comparatif ou, plus généralement, résultatif, avec état résultant « quelconque » (vs haut degré ou point final). Ainsi harden up, loosen up, brighten up : ces verbes ne reçoivent pas d’interprétation de type « complètement, jusqu’au bout », parce qu’ils sont construits sur des prédicats scalaires ouverts, comme nous l’avons déjà signalé26. De même les dénominaux dont la base fait référence à une configuration spatiale semblent régulièrement résultatifs (par exemple : chain up, cluster up, coil up, heap up, line up, pattern up, pile up, queue up, etc.) ; il semble en être de même pour les dénominaux dont la base fait référence à un contenant (bag up, bottle up, box up, cage up, case up, sack up, etc., ‘mettre en bouteille, sac, cage, etc.’), certains de ces verbes n’existant que dans ces combinaisons, ce qui nous force à parler non en termes de verbe « plus » particule, mais directement au niveau de la combinaison27. Quant au GN objet, on connaît son rôle potentiel dans l’attribution d’une valeur télique à un prédicat, et la présence d’un GN lui-même susceptible d’une interprétation « incrémentale » pourrait jouer aussi sur l’interprétation finale du verbe à particule. Il s’agit ici de lignes trop rapidement esquissées, mais l’idée est que c’est l’ensemble d’une scène et de ses paramètres qui pourra influencer l’interprétation finale – ainsi que, nous l’avons suggéré, d’éventuels enrichissements pragmatiques qui permettront de visualiser une scène donnée comme télique ou non dans un contexte spécifique (cf. I’m warming up the soup vs The Earth is warming up).
Quant à la construction, il en a été question à plusieurs reprises plus tôt : il s’agit du rôle éventuellement joué par le schéma dans lequel s’insère la combinaison que forme le verbe à particule. On voit que le « résultat » peut être lié à une structure potentiellement résultative, où la nature de cet état résultant est décrit par la particule, qui vient indiquer la position ou l’état atteint selon ses modalités d’expression propres (pull up, shout out, etc.). La présence d’un état résultant peut donc être éventuellement imputée à la construction, et la nature de cet état résultant est (potentiellement) indiquée par la particule elle-même. Les particules qui jouent sur des bornes franchies comme out, through et over contribueraient à donner une impression de type changement « effectif », ou « définitif » (Chauvin 2005 et à poursuivre).
5. Ouverture et conclusion
En guise d’ouverture, nous noterons que le schéma des effets de sens « aspectuels » des verbes à particule n’est pas épuisé par les quelques remarques faites ci-dessus : en effet, les stables, les résomptifs, les inchoatifs, etc. demanderont encore à être intégrés au tableau général. Les modalités selon lesquelles les effets de sens se construisent ont été décrites sans être toutes véritablement approfondies ; elles demanderont donc, elles aussi, à être précisées. Le but de ces remarques était d’exposer quelques cas, de signaler les effets de sens « comparatifs », les difficultés d’analyse en termes téliques uniquement, et la question des « résultatifs ». Nous avons donc tenté dans cette étude de revenir à la fois sur la littérature abondante portant sur les interprétations aspectuelles des verbes à particule de l’anglais, et, en nous focalisant sur des effets très rarement (voire non) mis en avant dans les études, notamment sur les emplois que nous avons appelés « comparatifs », qui semblent poser des questions spécifiques en relation avec les problématiques soulevées dans cet ouvrage.
A propos de l’interprétation aspectuelle des verbes à particule en anglais, nous avons souligné d’une part, de manière répétée, qu’il n’est pas juste de parler en termes (uniquement) téliques. Nous avons souligné la diversité des types d’interprétation, que nous n’avons peut-être pas épuisée, et avons montré que les gloses de types « complètement » ne peuvent pas s’appliquer à l’ensemble de ces verbes à particule. Parmi les gloses, il faut au moins ajouter celle de « vers un état plus/moins x », ce qui est une glose scalaire. Cependant, les gloses ne sont pas mutuellement exclusives et recoupent des questions de spécialisation contextuelles, dont nous avons abordé certains aspects ici. Il se peut qu’un grand nombre de verbes à particules (notamment en up, peut-être aussi en down comme dans dull down, ainsi peut-être que ceux liés au schéma résultatif) ait bien pour point commun de mettre régulièrement en avant un certain « résultat », soit un changement de position ou d’état, mais ce changement n’a pas besoin de correspondre au point final d’une échelle ou d’un déroulement : il peut très bien s’agir d’un point intermédiaire, voire même d’un point quelconque. On s’affranchit ainsi du point final pour parler en termes éventuels de « points intermédiaires » ; c’est l’intérieur du procès qui peut fournir des étapes que les verbes à particule pourront venir mettre en avant. La nature du verbe peut influer sur l’interprétation (ainsi, le lien qui semble pouvoir être fait avec les désadjectivaux), selon des modes qui demanderont, donc, encore à être explorés.
Pour ce qui est des thèmes plus généraux du volume, on voit que la graduation, les échelles fermées/ouvertes, la « comparaison », pris au sens notionnel large, ou bien en tant qu’outil linguistique (présence/absence d’un comparatif – c’est-à-dire, d’infériorité ou de supériorité), peuvent fournir, de manière peut-être plus inattendue que dans d’autres domaines, des outils intéressants pour la description des effets de sens liés aux verbes à particule – même si, finalement, au moins pour la plupart des cas, c’est peut-être le résultat qui primerait.
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1 Par exemple, drink milk n’est pas borné, mais drink your milk l’est.
2 Certains aspects de cette question avaient été abordés dans Chauvin 2005. Le terme de « perfectivité », par exemple, peut être employé, plutôt que celui de « télicité ». Il n’est pas forcément évident qu’à un terme corresponde systématiquement une définition spécifique. On retrouvera certaines de ces notions dans les citations données plus bas.
3 Ici les caractères gras sont ceux de l’auteur pour drink up.
4 Burn peut en effet avoir en anglais deux formes de prétérit et de participe passé : burnt et burned. Cet exemple ne sera pas traité ici ; il n’est cependant pas évident que la différence entre les deux formes puisse s’exprimer en termes de perfectivité.
5 Mais qui déjà s’appliquent plus mal pour eat vs eat up, puisque I ate in half an hour est acceptable (en supposant la présence d’un repas). Ceci met déjà à mal l’analyse en termes atéliques – même pour ces cas-ci.
6 Cette citation peut laisser entendre que les particules ayant un sens « spatial » n’ont pas de valeur aspectuelle, mais cette opposition, à bien des égards, ne peut être maintenue : il y a bien une différence aspectuelle entre walk et walk across, walk faisant référence à une activité pouvant en droit durer éternellement, alors que walk across ne peut faire référence qu’à une activité bornée, ayant une fin. Dans la terminologie de Vendler 1967, walk est une activité (« activity »), tandis que walk across est un accomplissement (« accomplishment »). Les valeurs spatiales des particules peuvent en effet comporter une dimension bornée qui leur confère des caractéristiques aspectuelles, (selon les cas) nécessaires ou potentielles.
7 Les traits d’union, inversés dans l’original, ont été rétablis.
8 Along qui ne marque pas comme on la « continuation dans le temps » et dont le degré de grammaticalisation est donc moindre – cf. There was a loud bang but he just snored {on/*along} (« Il y eut un gros boum, mais il continua à ronfler »).
9 Il semble en effet que même si l’ensemble du verbe peut être considéré comme « inchoatif », ceci est dû au verbe lui même, ou bien à des considérations pragmatiques (on sait que le coup de pied est le coup d’envoi par ailleurs), et ne saurait être imputable à off. Off indiquerait plutôt que ce départ est effectif – d’ailleurs, combiné à finish, off deviendrait marqueur « terminatif », ce qu’il n’est pas non plus. Il s’agit ici d’un problème de combinatoire sémantique qui dépasse les limites de cette étude.
10 Selon le contexte et la nature fermée/ouverte de l’échelle sous-jacente : the slowing down of a lorry est un événement potentiellement borné – il y a une vitesse minimale (et donc éventuellement un slowing down maximal) – tandis que the warming up of the Earth est un événement non borné – il n’y a pas de degré de température maximal.
11 Selon le statut duratif/ponctuel de l’événement : si l’événement est ponctuel (par ex. switch on), il ne peut pas être télique (cf. Section 3.1).
12 Selon la présence d’un point final absolu : the wrapping up of something est un événement borné, tandis que the beating up of somebody est un événement non borné.
13 Pour les directionnels, l’hypothèse a au moins été avancée par Bolinger (1971 : 85), Visser (1963 : 597), Bame 1999 ; cité dans Villavicencio et Copestake (2003 : 362) et Toivonen (2002 : 196).
14 Ces catégories ont été en partie discutées dans Chauvin 2005.
15 Bien entendu, l’utilisation du terme de façon discriminante est discutable, ainsi que, on l’a déjà dit, l’opposition spatial/aspectuel. Par « métaphore », nous pensons ici aux métaphores du type de celles proposées par Lakoff et Johnson 1980 −better is up, more is up, par exemple. L’existence d’un lien avec les autres cas est claire.
16 Ce n’est pas le cas dans eat up, par exemple. Mais on notera que ce n’est pas non plus le cas dans The balloon went up ou dans She looked up (cf. Cappelle 2004). Il vaudrait donc mieux dire qu’il est parfois possible de le faire, alors qu’il n’est pas possible de le faire dans les autres cas. Le critère n’est en rien absolu.
17 On est donc proche des résultatifs, mais ce n’est pas toujours le cas.
18 Avec la possibilité de chassé-croisé en traduction vers le français typique des résultatifs. Voir, donc, infra.
19 Différence morphologique ignorée (harden < hard vs sex < sexy).
20 Selon le dictionnaire publié par Oxford University Press.
21 Et non ‘inventer’. La polysémie de make + up trouve une meilleure explication dans cette analyse mettant en avant plusieurs critères et plusieurs types de cas qu’une analyse unique, qui ne permet pas vraiment a posteriori de l’expliquer ou (selon le point de vue adopté) de la prévoir. (On notera par ailleurs un cas non mentionné ici : certains verbes à particule sont susceptibles de spécialisation ou lexicalisation – ainsi peut-être make up, ‘se maquiller’ – qui, malgré une certaine compositionnalité encore visible, peuvent alors devenir des combinaisons à part entière, distinctes du simplex, où la question de l’apport de up ne peut plus vraiment se poser dans les termes abordés dans cette étude. Ces cas ne sont pas abordés ici).
22 Le résultat ne correspond pas forcément au sens « littéral » du verbe utilisé, comme ici dans fuck somebody up, ‘rendre quelqu’un malade’, ‘détruire quelqu’un (plutôt moralement)’.
23 Il peut cependant y avoir des effets de pré-emption lorsque burn down/off/out permettent une description plus précise. Voir ci-dessous.
24 Toutefois, ces deux derniers emplois sont effectivement différents, parce qu’il existe des verbes à particule qui sont ambigus (et non pas vagues) entre un emploi « télique » et un emploi « résultatif ». Par exemple, chew something up peut être interprété comme ‘consume by chewing’ ou bien comme ‘cause to get in a chewed state, without swallowing it’. Dans le premier sens, chew up est un « télique » ; dans le deuxième sens, c’est un « résultatif » qui est atélique. Les deux interprétations possibles peuvent être clairement distinguées en contexte si celui-ci le permet :
(i) … like a pack of hungry lions seeing a slab of bloody meat, they will chew it up in seconds. (www)
(ii) … the beef, while cooked well, was really too tender, something I’ve never experienced before. So, how is this possible, unless the chef chewed it up for a while, then sp[a]t it back on your plate ? (www)
25 On voit que l’on a parfois des verbes intransitifs, parfois transitifs. La différence est intéressante, mais ne semble pas empêcher le regroupement sémantique à ce niveau.
26 On peut se poser la question de la comparaison avec harden, loosen, brighten, qui eux aussi sont susceptibles de recevoir une glose en « make something Adj-er ». La différence pourrait être imputée au résultat : il y a un changement d’état davantage stabilisé qu’avec le verbe simplex ; cf. up ci-dessus.
27 Cette dimension n’est pas développée ici.