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La sociabilité culturelle des Jésuites autrichiens avant et après la dissolution de 1773

Académies, loges maçonniques et le discours sur la liberté de l’homme1

Antonio TRAMPUS

Université Ca’ Foscari, Venise

Cette analyse a pour but de brosser le tableau des pratiques culturelles des jésuites autrichiens au XVIIIe siècle, en particulier, en ce qui concerne leurs rapports avec les différentes expressions de la sociabilité à l’époque des Lumières. Nous décrirons et analyserons donc leurs contributions et leurs participations à la vie des académies, des loges francs-maçonnes, des salons ainsi que de leurs initiatives éditoriales les plus importantes, notamment dans le milieu journalistique et encyclopédique. Enfin, nous comparerons ces manifestations à des attitudes culturelles analogues observées chez les jésuites de l’Italie du Nord à la même époque.

Notre point de vue est que les entreprises des jésuites et des ex-jésuites pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, en particulier après la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, constituent un instrument important non seulement pour comprendre les formes de sociabilité au XVIIIe siècle2, mais aussi pour étudier la crise de l’Ancien Régime dans le cadre des processus de sécularisation nés en Europe centrale entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Il s’agit de comprendre comment une partie du clergé et de la culture catholique européenne s’est rapportée avec l’héritage de la culture de l’âge des réformes et des Lumières, à travers quelles stratégies elle a essayé d’intercepter la culture des Lumières en créant la catégorie très controversée et combattue des « lumières catholiques »3, pour affronter le passage intellectuel et politique complexe du XVIIIe au début du XIXe siècle. Ces réflexions nous permettront en outre d’offrir notre contribution à un problème qui est revenu au centre de la réflexion historiographique européenne4, c’est-à-dire celui des temps et des circonstances dans lesquelles s’est formée la culture de la Restauration et du rôle, dans cette culture, d’un clergé ayant vécu l’expérience du XVIIIe siècle5.

En 1773, précisément l’année où la Compagnie de Jésus fut supprimée, le jésuite Autrichien Maximilian Hell, tentant d’éviter la dissolution de l’espace culturel que la Compagnie représentait, élabora un projet pour créer une académie Autrichienne des sciences dont le nom serait Patriotischer Plan einer kayserl. königl. zu Wienn zu errichtenden gelehrten Gesellschaft, oder Academie der Wissenschaften. La proposition, communiquée à la chancellerie aulique, prévoyait l’institution d’une académie dirigée par Hell lui-même, avec la collaboration des ex-jésuites Karl Scherffer, et Paul Mako von Kerek Gede, ainsi que de Joseph Nagel, qui deviendra par la suite directeur de la faculté philosophique de l’université de Vienne, du mathématicien Leopold Unterberger, et du chimiste Nikolaus Joseph von Jacquin. Marie-Thérèse le rejeta, alléguant la mauvaise organisation de Hell et la faiblesse de la proposition (« je ne peux pas décider de créer une académie des sciences avec trois ex-jésuites… cela ferait de nous la risée du monde »)6. Cet épisode, que l’on pourrait considérer comme une simple anecdote de l’histoire des institutions scientifiques autrichiennes, est en réalité utile pour d’autres raisons. Après 1773, sous la monarchie autrichienne, l’organisation du savoir n’est plus confiée exclusivement à des institutions publiques, mais de plus en plus souvent à des sociétés privées. C’est justement dans ce cadre que commence à se développer une activité intense de socialisation, liée dans une large mesure à la diffusion de la franc-maçonnerie, dans laquelle de nombreux exposants du clergé et de nombreux ex-jésuites y trouvent bientôt place.

C’est alors qu’Ignaz von Born, futur chef de la maçonnerie de la Stricte Observance, fonda à Prague une société pour l’étude des mathématiques, de l’histoire Autrichienne et de l’histoire naturelle (« Privatgesellschaft zur Aufnahme der Mathematik, der vaterländischen Geschichte und der Naturgeschichte »). Par la suite, il constitua la « Böhmische Gelehrte Privatgesellschaft », le germe de la future Académie bohème des sciences, grâce à la collaboration de quelques frères maçons et des jésuites Joseph Stepling et Anton Strnad. Karl Haidinger en personne, minéralogiste et l’un des collaborateurs de von Born, déclara ensuite que les nouvelles loges autrichiennes devaient se spécialiser dans leurs activités scientifiques et renouveler leurs objectifs et leurs méthodes par rapport à l’ancienne maçonnerie, pour ne pas se limiter à l’étude de la géométrie classique mais approfondir aussi l’étude des sciences dérivées, c’est-à-dire l’histoire naturelle, l’astronomie et la mécanique, matières qui jusqu’alors étaient suivies surtout par les jésuites.

En l’absence d’une Académie d’Etat, alors que le collège Thérésien était déjà en crise, l’organisation de la culture fut bien vite confiée à la maçonnerie. Von Born et Haidinger, fondateurs de la loge « Zur wahren Eintracht », étaient aussi, et ce n’est pas un hasard, directeurs du Cabinet Minéralogique Impérial. Les loges étaient ouvertes aux principaux savants ex-jésuites, qui étaient devenus collaborateurs du Journal für Freymaurer et des Physikalischen Arbeiten der Einträchtigen Freunde, lancées en 1783, c’est-à-dire des deux périodiques qui exprimaient aussi la répartition et la hiérarchie des compétences entre frères maçons. Les Physikalische Arbeiten, qui descendent de la précédente revue que von Born dirigeait, Abhandlungen einer Privatgesellschaft in Böhmen, zur Aufnahme der Mathematik, der vaterländischen Geschichte, und der Naturgeschichte (1776-1778), étaient ouvertes aussi aux non-initiés7.

On le sait, le problème de la présence du clergé et en général des catholiques au sein des maçons était bien connu et objet de débats et d’interprétations différentes dès le moment où, vers la deuxième moitié des années soixante-dix du XVIIIe siècle, de nombreuses loges européennes avaient vu croître les affiliations en provenance des rangs du clergé séculier et du clergé régulier8. Ce phénomène n’était pas circonscrit à certaines régions ; les études sur les formes de socialisation dans les villes françaises ont démontré une présence significative de religieux aussi bien dans les académies des principales villes (entre 15 et 35 %) que dans les loges (environ 17 % avec des pics de 29 %). Si l’on considère l’ensemble du territoire français, sur 18 000 maçons environ, plus de 700 étaient membres du clergé. Ce pourcentage variait en fonction du nombre et de la qualité des académies et des loges présentes dans chaque ville : en présence d’académies, le nombre d’ecclésiastiques maçons diminuait, et vice versa ; là où les académies étaient peu nombreuses, la présence du clergé dans les loges était plus forte9. A Glafenfeuil, par exemple, la loge du « Tendre Accueil » était en 1773 composée exclusivement de religieux ; au Portugal et en Espagne, il n’y avait pratiquement pas de loge sans ses membres du clergé, ses prêtres séculiers, ses dominicains, ses franciscains ou ses barnabites. Dans l’Allemagne catholique aussi de nombreuses loges comptaient des religieux parmi leurs membres et les loges « Zu den drei Disteln » de Mainz, « Friedrich zu den drei Balken » d’Erfurt et « Karl zu den drei Rädern » d’Erfurt étaient frayées surtout par des ecclésiastiques. Sur les territoires de l’Autriche historique la situation était semblable, avec une présence du clergé maçon qui avait augmenté de 3 % à 6 % entre 1781 et 1785 et avec un évêque pour fondateur de la première loge viennoise, « Aux trois canons » : Gotthard Schaffgotsch, affilié à Breslau. Bien que peut-être moins éclatants, des cas analogues eurent lieu dans les loges vénitiennes, piémontaises et napolitaines, ce qui confirme la dimension européenne de ce phénomène impliquant aussi de futurs représentants en vue du catholicisme réactionnaire comme Elie-Catherine Fréron, rédacteur de l’Année littéraire, Augustin Barruel, auteur des Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, Joseph De Maistre, entré en loge dès 1772. Il semble que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, pas moins de deux mille ecclésiastiques appartenaient à la population maçonnique continentale, composée en grande partie de catholiques : un panorama fascinant et troublé, et ce d’autant plus si l’on se souvient que deux pontifes avaient condamné clairement la maçonnerie : Clément XII en 1738 avec la constitution In eminenti apostolatus specula, et Benedetto XIV en 1751 avec la constitution Providas romanorum pontificum, qui établissait l’interdiction pour les catholiques de participer à des activités maçonnes sous peine d’excommunication, avec faculté d’absolution réservée seulement au souverain pontife.

Cette attention des ex-jésuites et en général du clergé pour le phénomène maçonnique nous montre comment dans presque tous les cas la maçonnerie présentait un intérêt surtout en tant que formule culturelle typique de l’âge des Lumières, forme de sociabilité par laquelle présenter et diffuser les études scientifiques et seulement dans un deuxième temps discuter de la nature politique de l’Aufklärung. C’est seulement dans cette perspective qu’il est possible de poser le problème des rapports entre christianisme et maçonnerie dans une nouvelle dimension et de faire une lecture du succès maçon en termes de consommation culturelle, de création d’une nouvelle pratique sociale formée de discours, de comportements, d’actions et de textes qui reportaient ces attitudes. Pour un catholique du XVIIIe siècle, se placer dans l’espace maçonnique signifiait accéder avant tout à un nouveau lieu de socialisation culturelle au-delà de l’ancienne dimension académique et y retrouver souvent une pratique philanthropique que l’on pensait en grande partie disparue. L’utilité de distinguer à l’intérieur des loges « le problème de l’adhésion du clergé et celui des rapports entre la maçonnerie et le christianisme »10 est donc évidente. Dépassant les questions idéologiques et théologiques, des membres du clergé et de nombreux catholiques étaient donc entrés dans les loges européennes, poussés par la nécessité de trouver des lieux de socialisation. Là, les ex-jésuites, en particulier, pouvaient reconstruire le réseau de relations internationales qui s’était dissous avec la suppression de la Compagnie, d’autant plus que le système d’interdictions imposé par l’Eglise Romaine était largement inopérant, souvent parce que le juridictionnalisme des monarchies européennes avait induit les organes administratifs à ne pas émaner les décrets d’application des bulles papales, suivant en cela l’exemple des parlements français. Le phénomène autrichien présente dans tous les cas une remarquable analogie avec le problème du rapport entre congrégations religieuses laïques et sociabilité maçonnique en France méridionale. Une comparaison des listes des pénitents avec celles des maçons en Provence durant les années soixante et quatre-vingt du XVIIIe siècle a démontré une continuité indiscutable des présences, tant en ce qui concerne les religieux que les laïques. Ces données ont été interprétées comme l’effet de la perpétuation et du succès d’un modèle particulier de sociabilité, basé sur la pratique philanthropique, sur la solidarité interne, sur une pratique sociale liée à une idée de religiosité profondément enracinée dans les loges des années soixante-dix et quatre-vingt du XVIIIe siècle11. Ceci peut indubitablement contribuer à expliquer le rapport entre l’augmentation de la présence catholique et l’impressionnante dilatation du phénomène maçonnique. Le succès de la formule maçonnique est dans tous les cas à rechercher aussi dans sa capacité de réorganiser et de recréer un espace public de discussion et de confrontation culturelle, en alternative au monde des académies et apprécié, comme nous le verrons, par le clergé et par les ex-jésuites autrichiens.

Comme sur le reste du continent, en Autriche aussi jusqu’à la fin des années quatre-vingt la présence du clergé catholique dans les loges était non seulement significative numériquement, mais elle était aussi généralement acceptée sans que cela scandalise grand monde. Les affiliations étaient déterminées souvent par des choix individuels et par des motivations de caractère essentiellement culturel, substantiellement détachées de tout facteur idéologique. Comme en France, où les recherches ont révélé que la présence du clergé dans les loges était plus importante dans les villes sans académies, les comportements étaient analogues sur les territoires de la monarchie des Habsbourg. A Vienne comme à Prague il n’y avait pas d’académie d’Etat, et le nombre des sociétés scientifiques et littéraires était limité. Dans ces villes, le clergé maçonnique était bien plus nombreux par rapport, par exemple, à celui de Trieste, où la loge était fréquentée exclusivement par des militaires et des fonctionnaires du gouvernement, alors que les membres du clergé et les ex-jésuites se réunissaient au sein de l’Académie arcadienne12.

Les ex-jésuites présents dans les loges autrichiennes étaient surtout des personnes nées en général dans les années quarante du dix-huitième ; c’est-à-dire celles qui à l’époque de la suppression de la Compagnie avaient entre trente et quarante ans et qui au début des années quatrevingt avaient entre quarante et cinquante ans. Il ne faut pas non plus négliger le fait que, comme ailleurs en Europe, la présence dans une loge dépendait amplement des relations immédiates, de type familial ou professionnel, comme par exemple la militance commune dans la Compagnie de Jésus. Pour les ex-jésuites devenus maçons, dont nombreux seraient ensuite réapparus comme antirévolutionnaires, le circuit des loges représentait initialement un moyen de discussion scientifique ; c’est seulement plus tard qu’il ne représentera plus le seul conformisme à une mode culturelle et deviendra plutôt l’occasion de participer avec plus de vigueur à la bataille contre les Lumières, pour affirmer non pas des orientations démocratiques, mais pour soutenir les raisons du despotisme éclairé en redéfinissant le principe d’autorité. En ce sens, le cas de Karl Michaeler est exemplaire : jésuite, ex-recteur de l’université d’Innsbruck, en 1783, peu avant l’intervention de Kant sur la nature de l’Aufklärung, Michaeler écrivit sur le Journal fuer Freimaurer un long article servant à revendiquer la matrice chrétienne de la maçonnerie et à souligner les analogies entre christianisme antique et maçonnerie, dont le titre était Uber Analogie zwischen dem Christenthume der ersten Zeiten und der Freymaurerey. La tâche du philosophe et de l’historien maçon – écrivit Michaeler –, était avant tout d’effectuer une recherche approfondie sur les principes et les valeurs originaires de la religion chrétienne. Et cette recherche était rendue encore plus nécessaire par la conscience que la maçonnerie devait être considérée comme épiphénomène d’une religion naturelle (« Religion der Natur »), finalisée à la recherche de la source de la vérité (« die Quelle der Wahrheit »), c’est à dire du but auquel en dernière instance, tendaient toutes les croyances religieuses.

Il se posait essentiellement la question de savoir s’il était possible d’être maçon et bon chrétien en même temps. Aux origines de la religion chrétienne – observait Michaeler – existait une série de concepts et de valeurs plus anciens que le christianisme, certains principes élémentaires qui en partie s’étaient perdus dans le développement excessif de l’aspect rituel (images et cérémonies), justifié par la nécessité du prosélytisme et en partie avaient été rendus méconnaissables – métaphoriquement parlant – par le bruit que faisaient les fanatiques et les athées. Pour Michaeler, le problème était d’en revenir aux valeurs originelles du christianisme, pour se rapporter à un concept élémentaire de déité, en essayant de trouver la voie la meilleure à suivre dans cette recherche. La maçonnerie, selon lui, était justement l’un des instruments auxquels recourir, surtout parce qu’elle présentait certaines analogies avec les caractéristiques les plus antiques du christianisme, dont les plus importantes étaient justement le secret et les moyens de le pratiquer dans le but de révéler ensuite les vérités chrétiennes et maçonniques aux yeux de tous les croyants13.

Durant les années où Michaeler écrivait ces pages et où les ex-jésuites autrichiens agissaient à l’intérieur des loges franc-maçonnes, un véritable projet se forma ainsi pour recourir aux différentes formules de la sociabilité culturelle, même les plus récentes comme la formule franc-maçonne, d’une part pour maintenir l’esprit de la communauté par la pratique scientifique et d’autre part pour tenter d’intercepter le projet d’émancipation des Lumières en tentant de lui opposer une lecture chrétienne. Seule la réorganisation des loges durant les années 1785-1786 fit s’éloigner les ex-jésuites mais paradoxalement, en reconduisant toutes les activités franc-maçonnes au contrôle du gouvernement, elle enterra définitivement le projet de dialogue entre l’Aufklärung et la culture catholique. La tentative de christianiser les Lumières s’enlisait donc ainsi face à la polarisation du choc entre culture catholique et culture des Lumières et d’un bout à l’autre des pays catholiques de langue allemande la communauté des ex-jésuites, avec le temps de plus en plus exiguë, s’unissait compacte sur le front conservateur, conduisant son combat sur le terrain de l’imprimé et du journalisme.

A ce propos, je citerai seulement l’une des initiatives qui me semblent les plus représentatives de cette attitude culturelle : les projets encyclopédiques. S’engager sur une œuvre encyclopédique signifiait s’accaparer l’un des instruments les plus efficaces pour transformer un programme intellectuel en comportement militant et utiliser l’encyclopédisme non plus comme pratique éditoriale mais comme forme de consommation culturelle. Dans la zone germanique, cette tendance était devenue évidente dès les années soixante du XVIIIe siècle, surtout dans le milieu théologique et scientifique, où elle servait à diffuser des façons de penser par lesquelles l’influence du piétisme se mesurait aux premières expériences du monde des Lumières.

Le Journal für Freimaurer lui-même, malgré son titre évocateur d’une conception plus moderne de journalisme, se présentait en réalité comme une encyclopédie franc-maçonne, c’est-à-dire comme un recueil de brèves lectures servant essentiellement à la formation culturelle de l’apprenti de loge. L’initiative la plus importante de la nouvelle offensive catholique devait toutefois être lancée à Augsbourg, la ville bavaroise soustraite à la surveillance directe du gouvernement de Joseph II14. Là, le groupe d’ex-jésuites allemands et autrichiens qui s’était formé autour d’Aloys Merz publiait dès 1783 la Neueste Sammlung jener Schriften, die von einigen Jahren her über verschiedene wichtigste Gegenstände zur Steuer der Wahrheit im Drucke erschienen sind, dont paraîtraient quarante volumes jusqu’en 178815. Elle était née surtout pour s’opposer à la Allgemeine Deutsche Bibliothek de Friedrich Nicolai, la voix des Lumières allemandes, et elle bénéficiait de la collaboration de nombreux ex-jésuites autrichiens, dont Franz Xaver Jann et Joseph Anton Weissenbach. Cette revue avait pour caractéristique d’héberger non seulement des textes représentant les positions de la culture catholique, mais aussi des écrits francs-maçons et éclairés, souvent accompagnés de commentaires et notes, et ceci en raison du principe selon lequel la meilleure façon de combattre un adversaire était de le connaître de la manière la plus approfondie qui soit16. La revue servait aussi en tant qu’important instrument de médiation entre culture italienne et allemande, en publiant des traductions de différents articles, parmi lesquels ceux du jésuite italien Giambattista Roberti contre la littérature de distraction qui remontaient à vingt ans avant, mais redevenus très actuels au moment où les lumières avaient compris le potentiel subversif du roman17.

Le nom de Roberti nous ramène aussi à la péninsule italienne où une fois de plus les ex-jésuites lançaient vers la fin des années soixante-dix de nouveaux programmes encyclopédiques : Andrea Rubbi et Alessandro Zorzi avaient l’intention de se poser en interlocuteurs posthumes de l’Encyclopédie à travers le projet d’une Nuova enciclopedia italiana, qui finalement ne fut pas publiée mais pour laquelle ils avaient trouvé et l’éditeur et le bailleur de fonds. Cette entreprise, selon l’intention des directeurs, prenait clairement position en défense de la tradition catholique par rapport à la culture janséniste et aux philosophes, révélant une attitude partiellement rétrospective et, en ce sens, encore étrangère à une confrontation directe avec la culture des lumières, recherchée au contraire par les confrères autrichiens. Il était évident que désormais, les ex-jésuites italiens qui concentraient leurs énergies contre la philosophie, utilisaient l’encyclopédisme dans ce but. Ceci n’était qu’un autre aspect de leur gallophobie de plus en plus ardente se concrétisant aussi dans les positions des membres de la Compagnie qui affirmaient leurs préoccupations quant à l’abâtardissement de la langue et de la culture italienne dont les défenses contre la culture française étaient trop faibles.

La figure et l’œuvre de Sebastiano d’Ayala fournissent un bon exemple du climat culturel de cette période. D’Ayala (Castrogiovanni en Sicile 1744-Vienne 1817) est l’une des figures marquantes de la franc-maçonnerie et de la vie politique du règne des Habsbourg de la fin du XVIIIe siècle. Ex-membre de la Compagnie de Jésus, relevant de la province autrichienne de l’Ordre, il avait lui aussi été victime, comme ses confrères, de la suppression de 1773, et il avait fini par vivre d’une pension versée par la maison des Habsbourg. Cependant il était devenu bientôt chargé d’affaires de la république de Raguse : et c’est justement pour cela que sa pension lui avait été ôtée en 1783 pour lui être restituée seulement en 1790 sur son recours exprès18.

L’activité de d’Ayala est surtout intéressante par son lien avec la culture des ex-jésuites, et en particulier, à la culture de ceux qui ont tenté, à la fin du XVIIIe siècle, de maintenir le dialogue avec l’Aufklärung en vue d’une christianisation des Lumières. D’Ayala était arrivé à Vienne pour travailler et étudier avec le père Maximilian Hell, l’astronome de la cour. Dès le début des années 1780, il fut membre de la loge Zur wahren Eintracht, la même loge que von Born et Sonnenfels, et il était aussi, nous l’avons mentionné, chargé d’affaires de la république de Raguse, patrie d’un autre célèbre ex-jésuite, Ruggero Boscovich. D’Ayala avait donc côtoyé de nombreux ex-confrères, tous des hommes de science : Peter Miotti, Nikolaus Poda von Neuhaus19. Le groupe comptait aussi Franz Anton Exner, né à Vienne en 1749, spécialiste d’astronomie et de sciences mathématiques20 ; Tobias Gruber (Vienne 1744-Prague 1806), devenu directeur des manufactures de l’administration camérale de Bohême (böhmische Cameral-Herrschaft)21 ; Franz de Paula Schranck (1747-1835), originaire du collège jésuite de Linz, spécialiste de sciences naturelles et de botanique22 ; Lorenz Haschka, conservateur de la bibliothèque universitaire et enseignant au collège Thérésien ; Joseph Hilarius Eckel, professeur de rhétorique et directeur du cabinet numismatique dans ce même établissement23 ; Karl Michaeler, entré dans la loge viennoise à l’époque de son transfert dans la capitale, vers 178324 ; et en outre Joseph von Maffei (Gorizia 1742-Vienne 1807), mathématicien et précepteur de mécanique et de physique du comte Joseph Colloredo25 ; Joseph Ernst Mayer (Pulkau 1751-Vienne 1822), jésuite et étudiant de philosophie jusqu’en 1773, puis professeur de logique et de métaphysique à l’université de Vienne, qui resterait dans la capitale jusqu’en 1786, avant de se transférer à Louvain26.

D’Ayala ne se contentait pas d’une participation passive à la vie maçonnique ; tout au contraire, il avait un rôle actif, celui de maintenir des contacts étroits entre la culture de Raguse et la réalité de la capitale des Habsbourg. Ce fut lui qui, en 1783, présente à Ignaz von Born le patricien Tommaso di Bassegli, apprenti à Bâle dans la loge De la parfaite amitié, et futur gendre de von Born27, dans le but de nouer un plus vaste réseau de liens entre la maçonnerie autrichienne et celle de Vénétie et de Naples en particulier. En juillet de la même année, d’Ayala se porta aussi garant de l’admission dans la loge Zur wahren Eintracht du commerçant de Trieste Domenico Piatti28, également recommandé par le Napolitain Diego Naselli, qui avait adhéré à la Stricte Observance en 177629.

En 1792, d’Ayala fit imprimer et publier par Ignazio Alberti un traité politique De la liberté et de l’égalité des hommes et des citoyens, examen critique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’un point de vue absolutiste. L’ouvrage aurait une remarquable fortune éditoriale30. Culturellement, la toile de fond du raisonnement de D’Ayala était celle de l’absolutisme éclairé. Certes, la tradition du droit naturel moderne connaissait déjà les arguments que, dans une large mesure, d’Ayala se contente de reprendre ; cependant, celui-ci semble avoir clairement compris que, au crépuscule de l’Ancien Régime, on assiste au passage d’une société basée sur les devoirs à une civilisation fondée sur les droits. Bien que reprenant largement des argumentations déjà connues de la tradition jusnaturaliste, D’Ayala semblait voir très clairement que le déclin de l’Ancien Régime était le moment-charnière entre une société basée sur des devoirs et une civilisation fondée sur des droits. Il sentait la nécessité de se mesurer une fois encore avec Rousseau car il « est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers auteurs de l’étonnante révolution », et avec l’opinion selon laquelle dans l’état de nature il n’existe pas de droits mais seulement des instincts, la formation des droits étant réservée à la phase suivante, celle de la vie en société. La question qui le plus suscitait l’intérêt d’Ayala était celle de la liberté, posée par la Révolution et associée par ses acteurs au contractualisme de Rousseau, très clairement identifié comme l’un des pères de la Révolution française :

Ainsi selon cet auteur l’homme dans l’état de la nature ne connoit que l’instinct, l’appétit, l’impulsion physique et ses penchans ; le sentiment de ses droits, celui de la justice, et les doux attraits de la moralité n’y existent pas pour Rousseau, et c’est par l’association que l’homme acquiert et des droits et des devoirs ; c’est par la force des conventions sociales, qu’il se trouve obligé de consulter sa raison avant de suivre des penchans. Voilà la doctrine de ce philosophe, qui est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers auteurs de l’étonnante révolution31.

D’Ayala examinait surtout la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la constitution de l’An III, en proposant une philosophie de l’histoire, sous la forme d’un parcours de l’idée de liberté à partir de la liberté naturelle, entendue comme instinct commun aux êtres humains comme aux animaux, jusqu’à la liberté civile, qu’il juge propre aux êtres pensants : il s’agit, d’après son explication, de la liberté de pensée, directement reliée au problème du libre arbitre. La liberté naturelle est pour lui l’absence de contraintes sociales et politiques, à l’exclusion bien entendu de celles qui sont purement naturelles, mais aussi l’absence de rapports de subordination et de hiérarchie. La liberté civile, au contraire, est un droit social qui, pour être garanti, doit obéir à une série de règles basées sur la coexistence civile.

A propos des constituants français et de leurs définitions du concept de liberté, d’Ayala soulignait la contradiction intime qui résidait, selon lui, dans la définition de la liberté donnée par la Révolution, comme liberté de droit naturel et inaliénable. Rousseau, observait-il, avait, rattaché à la condition naturelle seulement les instincts, et que par conséquent la liberté civile et politique, à partir du moment où elle était devenue un droit reconnu par les lois civiles, ne pouvait plus être considérée comme dépendant de la nature : « Ne sachant plus à quelle hauteur placer la Liberté, cette idole chérie de tous les factieux, ils (les Philosophes Législateurs) ont cru l’élever assez en la posant comme base de la Déclaration : c’est pour cela qu’on la voit à la tête des droits de l’homme »32. En particulier, cette liberté même affirmée par la Révolution, en tant que liberté absolue, était alors devenue le motif au nom duquel la France avait été amenée à déclarer la guerre aux autres Etats européens en la revendiquant au nom des peuples frères. Enfin, le thème de l’esclavage ressurgit également : comment l’idée de liberté, entendue comme droit naturel, pouvait-elle trouver une justification, sans admettre aussi l’existence d’un esclavage naturel et sa différence par rapport à l’esclavage volontaire ?33 D’Ayala complétait son raisonnement sur les caractères artificiels de la liberté civile en recourant également aux théories classiques du droit de propriété34 et aux théories du droit naturel :

Mais depuis quand la liberté est-elle devenue un droit ? Je connois les divers systèmes qui établissent, et ceux qui détruisent la liberté humaine, mais je n’en connois aucun parmi les premiers, qui, étant le fruit même d’une imagination égarée, ait tenté de la métamorphoser en droit (…). Changez cette liberté en droit et vous n’entendrez plus rien à la nature des délits et à l’origine des peines. La liberté n’est et ne peut être que la puissance d’agir, ou de ne pas agir : toutes les fois que son exercice n’est point répréhensible ; toutes les fois qu’il est légitime ; elle présuppose l’existence d’un droit, ou le manqué d’une défense ; mais par elle-même la liberté ne sauroit constituer un droit35.

En réalité, il ne parvenait pas à dissimuler son inquiétude face à la signification subversive de la constitution civile du clergé, qui prive la société d’un système de garanties bien présentes, en revanche, dans les systèmes législatifs de Marie-Thérèse et de Joseph.

Du point de vue théorique, d’Ayala s’inspirait à l’évidence non seulement de la tradition du droit naturel allemand, mais aussi des Reflections on the Revolution in France de Burke. Ce n’est pas un hasard s’il appréciait positivement l’expérience constitutionnelle anglaise, qu’il juge historiquement limitée et applicable à la seule Angleterre. La seule forme de gouvernement qu’il considérait valable sur le plan historique pour le continent européen était celle des gouvernements absolus, tempérés par les corps intermédiaires comme l’avait recommandé Montesquieu ; c’est la raison pour laquelle D’Ayala excluait la praticabilité de tout projet de démocratie représentative.

La situation décrite pour l’espace autrichien a une correspondance aussi sur le territoire italien où les ex-jésuites démontrent une attention similaire pour les formes de socialisation culturelle et pour la lutte politique36. Ceci peut être observé en particulier grâce à une série de personnages sur lesquels ont été conduits des mémoires de maîtrise que j’ai suivi à la faculté de langues et littératures étrangères de l’université Ca’ Foscari de Venise37, personnages parmi lesquels nous comptons Pedro Montengon38, Juan Andrés39, Juan Nuix y Perpiñá40. Il s’agit surtout d’exjésuites espagnols qui s’étaient réfugiés à Venise et qui y conduisirent une intense activité culturelle en écrivant en italien41.

Parmi eux Juan Andrés (Planes 1740-Rome 1817) est particulièrement remarquable ; descendant d’une famille de la vieille noblesse aragonaise, durant les années de son exil italien il fut extraordinairement célèbre. Arrivé en Italie avec les membres restants de la province jésuite d’Aragon après la promulgation par Carlos III de la Pragmática sanción (1767), Andrés y passa le reste de sa vie, finissant par la connaître profondément au cours de ses multiples changements de résidence et surtout durant les trois voyages qu’il fit entre 1785 et 1791 et qu’il narra dans son œuvre intitulée Cartas familiares. Sa nommée universelle de « sabio enciclopédico » fut consacrée définitivement par la publication de ses deux œuvres majeures, l’ambitieuse Dell’origine, progressi e stato attuale d’ogni letteratura (1782-1799) et les Cartas familiares déjà mentionnées ; mais toute la série d’essais et de recherches que l’abbé Andrés fit sur les arguments les plus disparates eut elle aussi un poids remarquable en ce sens, démontrant sa versatilité culturelle, comme les écrits sur le langage des signes pour sourds-muets. Les Cartas familiares d’Andrés sont donc un journal de voyage le long de la péninsule italienne retraçant une série d’étapes auprès des communautés d’ex-jésuites des différentes villes. Le texte toutefois se présente surtout non pas comme une véritable description du voyage, mais comme un catalogue des institutions et des formes de sociabilité culturelle dans les Etats italiens d’avant l’unité.

L’institution de l’Académie se trouve au centre de ces descriptions. Andrés en parla entre autres à propos de l’Etat pontifical (à Bologne, par exemple, puisque c’était une enclave de l’Etat de l’église). Il prêta une grande attention aux académies anciennes et modernes de la ville de Florence. Le centre du grand-duché de Toscane représentait à l’époque l’un des points de convergence du savoir humaniste et scientifique d’Italie, et Andrés, pour cette raison, rechercha dans ses institutions culturelles le reflet des nouveautés apportées par les Lumières. Ainsi, après avoir décrit l’Accademia del Cimento désormais supprimée, l’Accademia Fiorentina e l’Accademia della Crusca, Andrés entreprit une critique longue bien que diplomatique de la Reale Accademia Fiorentina. Ses notes semblent souligner particulièrement le manque de progrès et le déclin général de sa splendeur.

Trois ans plus tard, au cours du deuxième voyage qui le conduisit dans les principales villes de la République de Venise, Andrés eut l’occasion d’observer deux autres types d’instituts académiques. Le premier, l’Académie des sciences et des belles lettres de Padoue, fondée en 1779, ne laissa probablement pas un souvenir indélébile dans l’âme de l’érudit espagnol. Au contraire, un genre complètement différent de commentaires fut inspiré par la visite au deuxième institut, l’Académie des sciences de Vérone, fondée par un militaire et siège d’une fondation pour l’éducation des jeunes.

Toutefois ce fut seulement à l’occasion de son troisième voyage sur les territoires de la péninsule, en 1791, qu’Andrés visita une des institutions les plus représentatives des réformes culturelles qui se mettaient en place durant la deuxième moitié du siècle, l’Académie des Sciences de Turin, une sorte de loge maçonnique née comme institution privée et objet en 1783 d’un décret royal qui non seulement garantissait la protection du Souverain à ses activités mais l’honorait en outre du titre d’Académie Royale des Sciences42.

Curieusement, l’ex-jésuite Andrés consacra une grande attention non seulement aux académies de type traditionnel, mais aussi à une série d’institutions culturelles de type plus récent, comme les sociétés économiques et les cabinets des sciences. Nommées sociétés économiques ou d’agriculture, ou sociétés agraires et même « Patriotiques », ces formes associatives étaient porteuses de l’aspiration à mettre en pratique techniquement les nouvelles acquisitions scientifiques avec une attention particulière pour le territoire sur lequel elles agissaient. Andrés décrivit ainsi la Société Agraire Florentine, la Société Agraire ou Economique de Vicence, la Société Economique de Vérone, ville qui l’avait tant enthousiasmé après sa visite à l’Académie des Sciences, la Société Economique de Brera, but d’une excursion précédant son arrivée à Milan, et enfin la Société Royale d’Agriculture de Turin.

En ce qui concerne les cabinets de sciences naturelles, Andrés manifesta souvent la satisfaction nées des visites aux laboratoires de physiques, aux musées de l’histoire naturelle, de l’anatomie et aux observatoires astronomiques. La preuve la plus éclatante de sa prédilection pour les sciences nous est donnée par ce qu’il écrivit après sa visite au Musée Royal d’histoire naturelle et d’anatomie de Florence. Il décrivit aussi d’autres cabinets des sciences, comme celui de Pavie, proche du palais de l’Université, le cabinet d’anatomie et d’histoire naturelle de l’Université de Turin, celui du musée privé d’histoire naturelle de Gêne, mis en place par un particulier, le noble Philippe Durazzo.

Pour conclure, soulignons la sensibilité extraordinaire montrée par les ex-jésuites européens pour les formes de sociabilité culturelle et leur capacité d’intercepter les formes du renouvellement culturel des Lumières. De ce point de vue, l’histoire des ex-jésuites peut servir aussi à étudier en contre-jour l’histoire culturelle de l’époque des Lumières et des grandes transformations politiques sous la crise de l’Ancien Régime et jusqu’à la Restauration.

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1Je remercie pour la traduction ma collègue Mme Nadja Blondet (Université de Trieste).

2 Pour la situation ibérique, voir Manfred Tietz (éd.), Los jesuitas españoles expulsos. Su imagen y su contribución al saber sobre el mundo ispánico en la Europa del siglo XVIII, Madrid ; Frankfurt am Main, 2001.

3 Sur la naissance de la catégorie historiographique de la Katholische Aufklärung, voir Sebastian Merkle, Die katholische Beurteilung des Aufklärungszeitalters, Berlin, 1909 ; id., Die kirchliche Aufklärung im katholischen Deutschland. Eine Abwehr und zugleich ein Beitrag zur Charakteristik “kirchlicher” und “unkirchlicher” Geschichtswissenschaft, Berlin, 1910. Un compte-rendu critique dans Bernhard Schneider, « “Katholische Aufklärung” : zum Werden und Wert eines Forschungsbegriffs », in Revue d’histoire ecclésiastique, 1998, vol. XCIII, pp. 354-95. Pour l’Allemagne, cf. Harm Klueting (éd.), Katholische Aufklärung – Aufklärung im katholischen Deutschland, Hamburg, 1993. Voir aussi Bernard Plongeron, Théologie et politique au siècle des Lumières (1770-1820), Genève, 1973 ; id., « Was ist Katholische Aufklärung ? », in E. Kovács (éd.), Katholische Aufklärung und Josephinismus, Wien, 1979, pp. 11-56 ; id., « Les églises au défi de la modernité à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles », in Revue d’histoire ecclésiastique, 2000, vol. XCV. Pour l’espace italien, cf. Mario Rosa (éd.), Cattolicesimo e lumi nel Settecento italiano, Roma, 1981 ; id., Settecento religioso. Politica della ragione e religione del cuore, Venezia, 1999.

4 Pour la discussion dans la culture italienne, voir Franco Bolgiani (éd.), La chiesa cattolica e la modernità, Bologna, 2004.

5 Le sujet n’a pas encore été étudié pour l’espace italien. Pour quelques recherches sur le clergé catholique de la Restauration, cf. Filiberto Agostini, La riforma napoleonica della Chiesa nella repubblica e nel regno d’Italia, Vicenza, 1990. Voir aussi les articles rassemblés par Franco Motta (éd.), « Anatomia di un corpo religioso. L’identità dei gesuiti in età moderna », in Annali di storia dell’esegesi, 2002, n° 19.

6 Je me permets de renvoyer à mes recherches : Antonio Trampus, I gesuiti e l’Illuminismo. Politica e religione in Austria e nell’Europa centrale 1773-1798, Firenze, 2000 ; id., « Frontiere culturali e confini religiosi. Il dibattito sulle riforme di Giuseppe II nella Baviera del tardo Settecento », in Chiese di frontiera, Gorizia, 1999, pp. 49-76 ; id., « Naturrecht und Aufklärung. Kulturelle Praxis der Exjesuiten in Norditalien und in den habsburgischen Ländern », in Franz M. Eyble (éd.), « Strukturwandel kultureller Praxis. Beiträge zur einer kulturwissenschaftlichen Sicht der theresianischen Zeitalters », in Jahrbuch der Osterreichischen Gesellschaft zur Erforschung des 18. Jahrhunderts, 2002, n° 17, pp. 167-192 ; id., « Due opposti concetti di libertà : gli ex gesuiti e la polemica antikantiana tra Settecento e Ottocento », in Annali di storia dell’esegesi, 2002, n° 19, pp. 417-436 ; id., « I gesuiti e la riforma delle università austriache nel secondo Settecento », in Gian Paolo Brizzi, Roberto Greci (éds.), Gesuiti e università in Europa (secoli XVI-XVIII), Bologna, 2002, pp. 171-184.

7 Trampus, I gesuiti e l’Illuminismo, op. cit., pp. 167-215 ; cf, Pierre-Yves Beaurepaire, L’Europe des francs-maçons XVIIIe-XXIe siècles, Paris, 2002, pp. 135-145.

8 Charles Porset, Cécile Révauger (éds.), Franc-maçonnerie et religions dans l’Europe des Lumières, Paris, 1998. Pour un cas particulier Edoardo Tortarolo, Dalla tolleranza religiosa alla critica politica ; Franz Rudolph von Grossing traduttore di Cosimo Amidei, in Henry Méchoulan, Richard H. Popkin, Giuseppe Ricuperati et Luisa Simonutti (éds.), La formazione storica dell’alterità. Studi di storia della tolleranza nell’età moderna offerti a Antonio Rotondò, Firenze, 2001, t. 3, pp. 1085-1115.

9 Daniel Roche, Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux 1680-1780, Paris ; La Haye, 1978, t. 1, pp. 199, 257, 265 ; ibid., t. 2, pp. 282-283, 419-421.

10 Daniel Roche, op. cit. t. 2, pp. 102.

11 Maurice Agulhon, Pénitents et Francs-Maçons de l’ancienne Provence, Paris, 1984, pp. 189-211 ; Philantropies et politiques sociales en Europe (XVIIIe-XXe siècles), textes réunis par Colette Bec, Catherine Duprat, Jean Noël Luc, Jacques-Guy Petit, Paris, 1994 ; Lynn Hunt, « Philantropie », in Daniel Roche, Vincenzo Ferrone (éds.), Le monde des Lumières, Paris, 1999.

12 Pour la maçonnerie et la sociabilité à Trieste, voir Claude Michaud, « Lumières, franc-maçonnerie et politique dans les états des Habsbourg. Les correspondants du comte Fekete », in Dix-huitième siècle, 1980, n° 12, pp. 327-379 ; Antonio Trampus, « I privilegi antichi e le libertà moderne : la cultura triestina tra Settecento e Ottocento », in Maria Girardi, Paolo Da Col (éds.), Attorno al palcoscenico, Bologna, 2001, pp. 1-38.

13 Trampus, I gesuiti e l’Illuminismo, pp. 196-203 ; id., La massoneria nell’età moderna, Roma-Bari, 2001, pp. 100-101.

14 Fred Horstmann, Aloys Merz, Domund Kontroversprediger von Augsburg, Opponent der Aufklärung, Frankfurt am Main ; Wien, 1997. Pour l’histoire culturelle des Augsbourg, voir Hans Mahler, Das Geistesleben Augsburgs im 18. Jahrhundert im Spiegel der Augsburger Zeitschriften, in Zeitung und Leben, Augsburg, Tritsch, 1934, n° 11, pp. 123 et Peter Rummel, « Katholisches Leben in der Reichsstadt Augsburg (1650-1806) », in Jahrbuch des Vereins für Augsburger Bistumsgeschichte, Augsburg, 1984, n° 18, pp. 117-118. Voir aussi Winfried Müller, « Der Jesuitenorden und die Aufklärung in süddeutsch-österreichischen Raum », in Katholische Aufklärung-Aufklärung im katholischen Deutschland, pp. 225-245 ; Rudolf Erhardt, Max III. Joseph : Kurfürst zwischen Rokoko und Aufklärung, München, 1996.

15 Neueste Sammlung jener Schriften, die von einigen Jahren her über verschiedene wichtigste Gegenstände zur Steuer der Wahrheit im Drucke erschienen sind, Augsburg, 1783-1788, Munich, Bayerische Staatsbibliothek, (40 volumes), Th.u. 335 (1-40).

16 Horstmann, Aloys Merz, pp. 31 ; Wilhelm Haefs, Aufklärung in Bayern. Leben, Werk und Wirkung Lorenz Westenrieders, Neuried, 1998 ; Michael Schaich, « Religionis defensor acerrimus », in Joseph Anton Weissenbach und der Kreis der Augsburger Exjesuiten, in Christoph Weiss (éd.), Von « Obscuranten » und « Eudämonisten ». Gegenaufklärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, St. Ingbert, 1997.

17 Giambattista Roberti, Del leggere i libri di metafisica e di divertimento, Milano, 1770, traduction allemande : « Von Lesung philosophischer Bücher, und den Quellen der Verführung. in wälscher Sprache herausgegeben von dem Abbate Johann Baptist Grafen Roberti. Nun in die deutsche übersetzt », in Neueste Sammlung, 1788, n° 36, pp. 1-160 ; id., « Von Lesung der belletristischen Bücher und dergleichen, so zum Zeitvertreibe dienen sollen. Aus dem Wälschen übersetzt », in Neueste Sammlung, 1788, n° 37, pp. 1-125. Voir Patrizia Delpiano, « Per una storia della censura ecclesiastica nel Settecento. Aspetti e problemi », in Società e Storia, 2004, n° 105, pp. 27-70.

18 Wien, Hofkammerarchiv, Exjesuiten, Protocollum 1790, c.77v.

19 Wien, Stadtarchiv, Portheim Katalog, ad vocem ; Constantin von Wurzbach, Biographisches Lexikon des Kaiserthums Oesterreichs, Wien, 1872, pp. 452-453, Hermann Haberzettl, Die Stellung der Exjesuiten in Politik und Kulturleben Osterreichs zu Ende des 18. Jahrhunderts, Wien, 1973, pp. 51 ; Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart. 68 (alt 106-107), cc.469-470, sub 9.5.1783.

20 Wien, Hofkammerarchiv, Exjesuiticis, prot. 1784-1785, c.5r. ; Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart.65/1, alt 104, cc.251r-257v.

21 Carlos Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jesus, Bruxelles ; Paris, 1898, t. 3, col. 1887, Haberzettl, Die Stellung, op. cit., pp. 50.

22 Carlos Sommervogel, Bibliothèque de la compagnie de Jesus, Bruxelles ; Paris, 1898, t. 7, pp. 914-922 ; Haberzettl, Die Stellung, op. cit., pp. 51.

23 Franz Lackner, Jesuitenprofessoren an der philosophischen Fakultät der Wiener Universität (1712-1773), Wien, 1976, pp. 117-120 ; Haberzettl, Die Stellung, op. cit., pp. 50.

24 Haberzettl, Die Stellung, op. cit., pp. 22, 51 ; Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart.68 (alt 106-107), c. 39 et 42.

25 Wien, Allgemeines Verwaltungsarchiv, Studienhofkommission, Kart. 50, sub.1777, feuilles non numérotées.

26 Lackner, op. cit., pp. 88.

27 Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart. 68 (alt 106-107), cc. 463-464.

28 Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart. 68 (alt 106-107), cc. 265-266, sub 23.7.1783.

29 Wien, Haus-, Hofund Staatsarchiv, Vertrauliche Akten, Kart.70 (alt 111), c.6r., sub 3.2.1784. Sur Naselli, voir aussi V. Ferrone, La massoneria settecentesca in Piemonte e nel Regno di Napoli, in Zeffiro Ciuffoletti (éd.), « La massoneria e le forme di sociabilità nell’Europa del Settecento », in Il Viesseux, 1991, t. 4, pp. 126.

30 Sebastien D’Ayala, De la liberté et de l’égalité des hommes et des citoyens, avec des considérations sur quelques nouveaux dogmes politiques, Vienne, 1792, seconde édition revue et corrigée, Vienne. 1793, troisième édition (la première en langue italienne), Pavie, 1793, traduction allemande : Ueber Freyheit und Gleichheit der Menschen und Bürger mit Betrachtungen über einige neue politiche Lehrsätze, Wien, 1793.

31 D’Ayala, op. cit., pp. 19.

32 Ibid., pp. 24.

33 Ibid., pp. 36.

34 Ibid., pp. 51.

35 Ibid., pp. 25-26.

36 Niccolò Guasti de la Scuola Normale Superiore de Pise a étudié la culture des exjésuites espagnols dans l’Italie du XVIIIe siècle, voir Niccolò Guasti, « Sisternes entre los Georgofili de Florencia », in Annali dell’Istituto Universitario Orientale di Napoli, Sezione Romanza, 2001, vol. XLIII, pp. 473-486 ; id., « Antonio Conca traduttore di Campomanes », in Tietz (éd.), Los jesuitas españoles expulsos, pp. 359-377 ; id., « Claroscuros de la fortuna de Campomanes en la Italia de la Ilustración », in D. Mateos Dorado (éd.), Campomanes, doscientos años después, Oviedo, 2003, pp. 691-707 ; id., « Il ‘ragno di Francia’ e la ‘mosca di Spagna’ : Forbonnais e la riforma della fiscalità all’ epoca di Ensenada e Machault », in Cromohs, 2004, n° 9, pp. 1-38, <http://www.cromohs.unifi.it/9_2004/guasti_forbonnais.html> ; id., « Más que catastro, catástrofe. Il dibattito sull’imposizione diretta nel Settecento spagnolo », in Storia del pensiero economico, 2000, n° 40, pp. 77-128.

37 Veronica Vianini, El Eusebio de Pedro Montengón, mémoire de maîtrise, Venise, 2000-2001. Elisa D’Andrea, La cultura italiana del siglo XVIII a traves de las “Cartas familiares” del abate don Juan Andres, mémoire de maîtrise, Venise, 2001-2002. Martina Cerantola, Juan Nuix y Perpiñá : the Defender of Spanish Conquest against William Robertson and the Enlightenment Philosophers, mémoire de maîtrise, Venise, 2002-2003.

38 Cf. « Biografía de un novicio jesuita expulsado y arrepentid », in Pedro Montengón, Eusebio, Madrid, 1998, pp. 18-29.

39 Franco Arato, « Un comparatista : Juan Andrés », in Cromohs, 1998, n° 3, pp. 1-22.

40 Nuix est l’auteur des Riflessioni imparziali sopra l’umanità degli spagnoli nelle Indie occidentali contro I pretesi filosofi e politici per servire di lume alle storie del sign. Raynal e Robertson, Venezia, 1780, traduction espagnole : Reflexiones imparciales sobre la humanidad de los espanoles en las Indias contra los pretendidos filosofos y politicos para ilustrar la historia de MM. Raynal y Robertson, Madrid, 1782 ; traduction française Reflexions morales sur l’humanité des Espagnols dans les Indes, contre les prétendus philosophes et politiques modernes, pour servir d’éclaircissement aux histoire de NN. Raynal et Robertson, Bruxelles, 1788, 3 vol. Voir aussi Manfred Tietz, « Las “Reflexiones imparciales” de Juan Nuix y Perpiñá (1740-1783) : el ‘saber americanista’ de los jesuitas y ‘las trampas de la fe’ » in Los jesuitas españoles expulsos, pp. 611-646.

41 Vittorio Cian, L’immigrazione dei gesuiti spagnuoli letterati in Italia, Torino, 1895 ; Miguel Battlori, La cultura Hispano-italiana de los jesuitas expulsos. Españoles, hispanoamericanos, filipinos (1767-1814), Madrid, 1966.

42 Voir Vincenzo Ferrone, « The “Accademia Reale delle Scienze” : Cultural Sociability and Men of Letters in Turin of the Enlightenment under Vittorio Amedeo III », in The Journal of Modern History, 1998, n° 70, pp. 519-560.