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Le comte de Caylus entre les antiquaires, les amateurs et les artistes

Olga MEDVEDKOVA

Institut national d’Histoire de l’Art, Paris

La personne du comte de Caylus attire de plus en plus l’attention des historiens. Sans oublier l’ouvrage classique de Rocheblave qui date de 18891, ce sont surtout les écrits de Francis Haskell2 et de Krzysztof Pomian3 qui ont replacé la figure de Caylus dans le contexte de l’histoire culturelle. Durant ces dernières années, les cours de Marc Fumaroli au Collège de France, l’exposition réalisée par la B.N.F et l’I.N.H.A, sous la direction d’Irène Aghion4, ainsi qu’une série importante d’articles parus, ont permis de mettre en valeur la richesse tout à fait remarquable du comte de Caylus et de faire, plus que jamais, saillir la nature « polymorphe » de ce personnage qui, – comme l’écrit Marc Fumaroli, – échappe de tous côtés au compartimentage de nos disciplines actuelles »5.

Issu de la haute noblesse française, Anne-Claude-Philippe de Thubières, de Grimoard, de Pestels, de Lévis, comte de Caylus (1692-1765), fils aîné de la nièce de Madame de Maintenon, est par sa naissance et son éducation, un homme de Cour et du monde destiné à l’armée. En abandonnant très vite son régiment et son milieu, il devint, grâce à ses études, ses fréquentations et ses voyages, non seulement écrivain, dessinateur et graveur, mais aussi l’ami de nombreux artistes et, à partir de 1731, membre honoraire de l’Académie royale des beaux-arts. Ses études d’Antiquité le rendent ensuite « antiquaire » et lui valent, à partir de 1743, le titre d’académicien à l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres. Le corpus de ses écrits, l’ampleur et la diversité de ses activités « culturelles » appellent, de plus en plus, à une nouvelle compréhension prenant en compte « l’homme » et son milieu.

Les journées de Caylus se partagent généralement entre les ateliers d’artistes, l’académie des beaux-arts, les études savantes, la collection des antiquités, la publication de son Recueil, la correspondance avec les antiquaires et les séances à l’Académie des Inscriptions où il prononçe, à partir de 1749, trente-sept conférences. Cette double existence n’a rien de commun pour son époque et relève de toute évidence d’un choix. En 1729, après la mort de sa mère, il écrit dans une lettre à l’abbé Conti : « … et je ne sçais quel genre de vie mener. »6 Cette appartenance délibérée à deux milieux – celui des antiquaires et celui des artistes – entraîne, à n’en juger que par les opinions de certains de ses contemporains, une confusion, aussi bien chez ses adversaires (Marmontel, Diderot, Grimm ou encore le dessinateur et graveur Cochin) que parmi ses amis, comme l’antiquaire l’abbé Barthélemy. Ainsi, dans le camp des amateurs et des artistes, on peut entendre ceci :

Cet amateur, avec une apparence de familiarité qui sembloit établir entre lui et les artistes la plus parfaite égalité, aimoit cependent qu’ils lui fissent leur cour. Il vouloit dominer dans la petite république des arts, ayant rénoncé, je n’ay pas scu pourquoy, à la considération que donne les accès à la cour, le seul empire qui lui restoit étoit celui des arts, et l’autorité qu’il tâchoit de s’y conserver…7

Dans le camp des philosophes, l’opinion n’est que plus sévère :

Il accostoit les gens instruits, – écrivait Marmontel –, se faisoit composer par eux des mémoires sur les breloques que les brocanteurs lui vendoient ; faisoit un magnifique recueil de ces fadaises, qu’il donnoit pour antiques ; proposoit des prix sur Isis et Osiris, pour avoir l’air d’être lui-même initié à leurs mystères, et, avec cette charlatanerie de l’érudition, il se fourroit dans les Académies sans savoir ni grec ni latin. Il avoit tant dit, tant fait dire par ses prôneurs, qu’en architecture il étoit le restaurateur du style simple, des formes simples, du beau simple, que les ignorants le croyoient ; et, par ses relations avec les dilettanti, il se faisoit passer en Italie et dans toute l’Europe pour l’inspirateur des beaux-arts8.

Dans le camp des antiquaires on ne le traitait, de temps à autre, pas moins durement :

Vous me demandez ce qu’il fait ? Un troisième volume de ses Antiquités ; une explication de la Table isiaque ; une édition des peintures antiques dont il a trouvé les dessins à Paris ; plusieurs dissertations pour l’Académie, etc. : tout cela se fait à la fois, sans livres, sans corrections, sans être jamais arrêté9.

Il nous paraît que l’une des manières de « percer » de façon efficace cette confusion serait d’interroger les différents réseaux dans lesquels l’homme nouait ses relations. C’est précisément par ce genre de problématiques que l’étude des réseaux nous semble particulièrement payante. Les stratégies, les méthodes, les modes de fonctionnements, les types humains, les modèles de comportements dans ces différents réseaux s’avèrent souvent conflictuels. Chacun de ces milieux fonctionne selon ses propres lois et même si les outsiders y sont parfois acceptés, ils n’y sont pas moins jugés ; plus encore par les observateurs extérieurs.

Le modèle du réseau : Crozat et Mariette

Très jeune déjà, en rentrant du régiment, Caylus fabriquait de petites toiles. Durant les deux voyages d’Italie (1714-1715) et du Levant (1716, dans la suite de l’ambassadeur de France, M. de Bonac), il adopte le rôle d’un curieux (« Pour moi, qui ne voyageais que par curiosité »10), attiré par la nature et les mœurs, mais surtout par l’art et l’Antiquité. Le texte de son Voyage de Constantinople, qui par moments, et notamment par une réaction constante contre toute manifestation de la superstition, rappelle celui de Claude Perrault à Bordeaux, fait ressentir sa foi en la supériorité de toute activité artistique, ce qu’il appelle « le privilège de l’esprit et surtout du goût »11. La musique, le dessin et la lecture étant ses distractions favorites, il parcourt les ruines, description pour lesquelles il fait preuve à la fois d’une bonne maîtrise du vocabulaire architectural et d’« attitudes » d’antiquaire : il se pose, bien que les laissant le plus souvent sans réponses, des questions sur la destination, l’usage, les techniques et les matériaux employés par les Anciens. Il prend également des mesures, ce qui fait naître en lui ses premiers sentiments d’admiration pour la supériorité des Anciens : « … je ne pus m’empêcher d’admirer les peines et les dépenses des Romains et des Grecs pour transporter des poids aussi considérables, surtout en faisant réflexion à leur ignorance pour la navigation. »12

Peu après son retour, Caylus se retrouve au centre même de la vie artistique parisienne, dans l’entourage du financier Pierre Crozat, lui-même récemment de retour d’Italie, collectionneur et protecteur des artistes, parmi lesquels on trouve Charles de la Fosse, Antoine Watteau13 et Rosalba Carriera. On retrouve à ses côtés celui qui deviendra ensuite son ami pour la vie – l’éditeur, et collectionneur Pierre Jean Mariette, un des habitués des Dimanches à l’hôtel Crozat, rue de Richelieu14. C’est sans doute là que se forment non seulement les goûts de Caylus, mais aussi ses relations avec les acteurs de la République des arts. Les richissimes collections de Crozat, notamment celle des dessins15 composée essentiellement des œuvres de l’école italienne de la Renaissance, ainsi que la société qui se réunissait autour de Crozat, lui offrent des multiples modèles à graver, et lui servent, sans doute, de « mode d’emploi » dans ses relations avec une élite intellectuelle cosmopolite au service de l’art, des amateurs étrangers (plus particulièrement italiens), descendants des humanistes. Deux stratégies intimement liées l’une à l’autre, poussent Crozat et Mariette à établir des réseaux de « collaborateurs ».

La première – la collection – fait appel aux agents. Or, Crozat étant lui-même à la fois collectionneur et agent, notamment dans l’affaire de l’achat des collections de la famille Odescalchi pour le duc d’Orléans16. Il achète non seulement en Italie, mais aussi en Hollande et en Angleterre, en recourant aux services des amis et des intermédiaires qui devinrent également amis de Mariette17. Il se lie notamment, pour ne citer que les plus célèbres, avec le Vénitien Anton Maria Zanetti, graveur, collectionneur et érudit d’envergure européenne18, ainsi qu’avec l’érudit florentin Francesco Maria Niccolo Gabburri, conservateur des collections du duc Cosimo III de Médicis, préfet de l’Accademia del Disegno, collectionneur remarquable et auteur d’un dictionnaire d’artiste qui ne fut jamais publié19. En Angleterre, il a pour correspondant le duc de Devonshire20.

La deuxième – l’entreprise éditoriale – supposait une union des artistes, dessinateurs et/ou graveurs avec les hommes de lettres et les érudits. Dans les années 1720-1730, Caylus participe très activement, en qualité d’aquafortiste, à l’une des entreprises d’édition majeures de cette époque, celle du Recueil de Crozat dont les deux volumes parurent en 1729 et en 174221. Cette entreprise allait dans le sens des grandes entreprises italiennes, notamment celles de son ami Gabburri, qui se proposa de publier des trésors artistiques dispersés dans les différentes collections, sous une forme systématique et raisonnée22. Comme Crozat le confiait lui-même à Gabburri :

Je m’occupe en ce moment à mettre en ordre le recueil des estampes de nos tableaux, en en formant différentes classes ou écoles ; je fais graver à présent l’école romaine, qui contiendra cent estampes (…) Ces cent estampes formant le premier volume, seront accompagnées d’une préface sur l’art de graver, dans laquelle on ne manquera pas de dire qu’il doit sa naissance à Florence. On y joindra aussi un abrégé de la vie des peintres d’après lesquels sont faites les gravures ; il y aura également une courte description de chaque tableau ; le catalogue de leurs ouvrages, les lieux où ils se trouvent, et ceux qui sont déjà gravés23.

Réalisé sur l’initiative de Crozat et comportant un nombre important de pièces de sa propre collection, le Recueil se caractérise en même temps par une ambition nationale qui n’était pas sans rappeler les entreprises de Colbert. Edité à l’imprimerie royale sur papier grand aigle en format plano, le Recueil parait comme un parent proche des recueils du célèbre Cabinet du roi. Cet esprit colbertien hantait toujours Caylus quand, plus tard, il s’occupait lui-même des publications qu’il jugeait indispensables.

Ces réseaux, au service de l’édition, ont un caractère cosmopolite : chaque partie a besoin des services de l’autre. Ainsi, Gabburri demande à Crozat de lui trouver des graveurs parisiens qui devenaient de plus en plus célèbres à travers le monde. Le comte de Caylus en faisait partie. Il réalise en effet une œuvre étonnante aussi bien par la quantité de planches que par leur qualité, dont une toute petite partie rentra dans le Recueil de Crozat24. Mis à part les dessins gravés de Raphaël, de Léonard de Vinci25, des frères Carrache, de Van Dyck26, de Rembrandt et de bien d’autres, il reproduit également les œuvres de ses contemporains, Gillot et Watteau, d’abord, et, à partir des années 1730, d’Edme Bouchardon, qui devient son artiste favori. Bouchardon non seulement remplaçe Watteau, mais il supplante en quelque sorte également les artistes italiens de la Renaissance en fournissant à Caylus une série importante de dessins d’antiquités rapportés de Rome27. Aussi bien pour Mariette que pour Caylus, Bouchardon devient l’artiste exemplaire, capable de faire renaître l’esprit et la lettre de l’art antique. Plus tard, Caylus participera à l’édition du Traité des pierres gravées de Mariette, en réalisant, avant que Bouchardon en prenne une entière responsabilité, trois cents gravures d’après les entailles antiques du Cabinet du roi28. Etant donné la nature de la gravure, Caylus fut souvent conduit à travailler d’après les dessins des autres. Etant donné la nature de l’eau-forte qui servait souvent de préparation aux autres techniques, Caylus, fut en même temps emmené à collaborer avec d’autres graveurs, tels que l’élève de Gillot François Joullain, Jacques-Philippe Le Bas, Nicolas Le Sueur, Paul-Ponce Antoine Robert, qui terminaient ses planches au burin ou en bois. Il fut également conduit à collaborer avec les imprimeurs, les éditeurs et les marchands d’estampes.

Ainsi, au moment où Caylus lui-même entreprend une collection d’antiquités et de publications savantes illustrées, il connaît la formule du succès. Il lui faut des agents, des représentants, des artistes, des graveurs, des éditeurs et des « conseillers scientifiques ». Les deux stratégies, celle du collectionneur et celle de l’éditeur, exigeant non seulement un réseau développé de collaborateurs, mais aussi des collaborateurs venant de milieux différents.

Le réseau des antiquaires : l’abbé Barthélemy

La pénétration de Caylus dans le réseau des antiquaires italiens se produit grâce à l’action de Mariette et, plus encore, de l’abbé Jean-Jacques Barthélemy (1716-1795) – personnage qui attend encore sa véritable « redécouverte »29. Provençal né à Aubagne, entre Marseille et Toulon, il est essentiellement connu comme l’auteur du célèbre Voyage du Jeune Anacharsis dont la publication en 1789 lui valut une place à l’Académie française. Dès son arrivée à Paris, Claude Gros de Boze, secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres (élu en 1706 à la place de l’abbé Tallemant) et garde du Cabinet des Médailles du roi (à partir de 1719) conçut tant d’estime pour l’érudition précoce du jeune abbé qu’il le choisit pour l’assister au Cabinet. Ce fut aux réunions de Gros de Boze que, en 1744, Barthélemy rencontra Caylus. « Quoique naturellement froid, il (de Boze) me reçut avec beaucoup de politesse, et m’invita à ses dîners du mardi et du mercredi. Le mardi était destiné à plusieurs de ses confrères de l’académie des belles-lettres ; le mercredi, à M. de Réaumur, et à quelques-uns de leurs amis. C’est là qu’outre M. de Réaumur, je connus M. le comte de Caylus, M. l’abbé Sallier, garde de la bibliothèque du roi ; les abbés Gèdoyn, de La Bléterie, du Resnel ; MM. De Forcemagne, Duclos, L. Racine, fils du grand Racine, etc. »30 En 1747, il a déjà de si nombreux amis à l’Académie qu’il y est élu sans avoir encore rien publié. En 1753, après la mort de de Boze, et non sans l’intervention de certains de ses amis dont Caylus, Barthélemy est nommé à sa place comme garde des médailles.

Il va devenir plus tard l’ami du duc de Choiseul (comte de Stainville), habiter chez lui à Rome, fréquenter sa maison parisienne, l’ancien hôtel Crozat, rue de Richelieu, où règne la duchesse de Choiseul, fille de Louis-Antoine de Crozat, marquis de Châtel, héritier de Pierre Crozat31, et où se trouvaient des riches collections de peintures. Il le suivit ensuite en exil à Chanteloup. Les amis de Choiseul devenaient ceux de l’abbé et inversement. C’étaient notamment, mis à part Caylus et Mariette, Jacques Laure Le Tonnelier, le bailli de Breteuil, ambassadeur de l’ordre de Malte à Rome, puis à Paris, associé honoraire libre à l’Académie de peinture et collectionneur qui n’hésitait pas à agir en agent et à revendre les œuvres accumulées32, l’abbé Jean-Claude Richard de Saint-Non, amateur honoraire de l’Académie de peinture et de sculpture, graveur amateur, ami des artistes (Fragonard, Hubert Robert, Pierre-Adrien Pâris), éditeur du Voyage Pittoresque de Naples et de Sicile, le père Paciaudi dont il sera encore question, le cosmopolite baron Charles-Henri de Gleichen, agent à Rome du margrave de Bareuth, le président de Cotte, directeur de la Monnaie. Avec le baron Gleichen et l’abbé Ferdinando Galiani, antiquaire napolitain et l’un des auteurs des Antiquités d’Herculanum, Barthélemy dînait, par exemple, chez Mme du Boccage, poète célèbre et auteur de Lettres sur l’Italie. Ils se retrouvaient aussi au salon de Mme du Deffand. La carrière académique de Barthélemy fut des plus prestigieuses : après avoir retrouvé l’alphabet palmyrénien et déchiffré le premier les inscriptions araméennes de Palmyre, il reconstitua également l’alphabet phénicien. Il publia de nombreux ouvrages. Le Cabinet des médailles du Roi qu’il dirigeait fut le lieu où se retrouvaient les antiquaires de l’Europe entière. A la fin de sa vie, il se souvenait : « … je rendis le cabinet plus accessible, mais je ne fixai pas dans la semaine de jour où tout le monde pût venir le voir. Quand un particulier se présentait, ou seul, ou accompagné d’un ou deux amis, il était admis sur-le-champ. Si un savant, un artiste, un étranger demandait plusieurs séances, je ne les ai jamais refusées. A l’égard des compagnies, j’exigeais d’être averti d’avance, et je leur assignais des jours différents ; car là j’écartais la foule et ne refusais personne. »33 Une correspondance importante fut menée par Barthélemy autour de ce fonds dont il fut conservateur. Il se croyait en effet non seulement obligé de répondre à toute question touchant à ce corpus, mais encore à l’augmenter aussi bien avec des pièces antiques que modernes34. Les propriétaires ou héritiers des importants cabinets de médailles de France étaient quasiment tous ses correspondants.

Nombre de ses relations lui venaient de son voyage en Italie en 1755-1756 dont le but fut non seulement d’enrichir le Cabinet des médailles du roi mais aussi de « connoître les savants les plus distingués »35 de l’Italie. Durant ce voyage, l’abbé Barthélemy, qui fut accueilli par le pape, les cardinaux, les académies et les savants les plus prestigieux, devint l’agent de Caylus. Non seulement il distribuait dans le milieu des antiquaires italiens les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, comportant les mémoires de Caylus, ainsi que les deux premiers volumes de son Recueil d’antiquités, ce fut lui également qui leur présenta un tableau réalisé dans la technique d’encaustique sur la recette antique redécouverte par Caylus. Barthélemy fit connaître à Caylus la plupart des antiquaires italiens de l’époque, notamment ceux de Florence, de Rome et de Naples. Dans ses lettres, il traçait les portraits du baron Stosch, du célèbre Giovanni Antonio Gori, traducteur de nombreux textes latins et éditeur des monuments étrusques ; du théatin Paciaudi, l’un des meilleurs latinistes de son époque, futur bibliothécaire et antiquaire du duc de Parme ; du professeur d’hébreu et des langues anciennes à l’Université de Naples Alexis Symmaque Mazzocchi, appelé parmi les premiers à l’Accademia Ercolanese ; d’Ottavio Antonio Baïardi, auteur des cinq volumes de Prodromo della antiquita d’Ercolano et qui se trouvait à la tête de cette académie, de Giovanni Gaetano Bottari, philosophe et théologien, préfet de la bibliothèque du Vatican, éditeur des auteurs florentins du Trecento, auteur des descriptions du Musée Capitolin et du palais du Vatican, ainsi que de la Raccolta di lettere sulla pittura, scultura e architettura, d’Archangelo Contuccio de Contucci, conservateur du Museo Kirkeriano au Collegio Romano et d’autres. Les virtuosi, aristocrates et connaisseurs, y faisaient également leur apparition : le comte de Gazola, l’un des pionniers des antiquités de Paestum et interprète des inscriptions trouvées à Héraclée, le duc de Noïa, collectionneur des médailles de la Grande Grèce, le comte de Pianura, propriétaire d’un des plus beaux cabinets de médailles. Il se lia également avec le père Eduardo Corsini, général des Ecoles pies, l’un des meilleurs spécialistes de la Grèce ancienne, avec les pères minimes Jacquier et Le Sueur, avec le célèbre jésuite, mathématicien, philosophe et poète latin Boscowich, avec le second préfet de la bibliothèque du Vatican le syrien maronite, archevêque de Tyr, l’un des plus éminents orientalistes de son temps Josef-Simon Assemani, avec le marquis Lucatelli, garde de cette bibliothèque et propriétaire d’un célèbre cabinet, avec l’abbé Ridolfino Venuti, antiquaire du pape, l’auteur de l’une des meilleures descriptions de la Rome antique et l’un des fondateurs des Mémoires de Crotone, avec le chevalier Francesco Vettori, célèbre antiquaire, nommé directeur au musée du Vatican, avec les cardinaux, savants et antiquaires, Passionei, Spinelli et Albani, avec les antiquaires de Pesaro Giovanni-Battista Passeri et son ami Annibale Olivieri. A l’Académie, Barthélemy fournissait des « associés étrangers » : après la mort de Gori, en janvier 1757, ce fut lui qui suggéra les noms de Paciaudi et de Mazzocchi. Il vantait la renommée internationale de ce dernier. Quant à Paciaudi, il était l’un des rares, qui fût « aussi poli qu’éclairé ». Le choix de Paciaudi, selon Barthélemy, « fera connoître notre académie, dont, entre nous, on ne connoît guère les Mémoires à Rome, et que plusieurs littérateurs confondent avec l’académie des sciences. »36

De ses « portraits » des antiquaires italiens, un idéal international se devine37. Cette « corporation » exigeait des compétences profondes historiques, linguistiques et techniques, jointes à la douceur des mœurs et à la modestie. Une collaboration libre entre les antiquaires était indispensable, car ensemble ils participaient à la construction du savoir. Pourtant, le grand prestige de la découverte faisait régner à Rome une sorte de compétition internationale pour la « gloire d’être le premier à faire part à l’Europe des trésors d’antiquité »38. Ainsi Barthélemy évoquait la « jalousie des nations »39, et « l’empressement de l’Europe savante »40. Ceci dit, il ne restait à Rome que peu de choses inédites : « Je m’aperçois tous les jours que, pour faire de nouvelles découvertes à Rome, il faudroit y passer bien du temps. Tous ces monuments ont été gravés, décrits, expliqués cent et cent fois ; il ne reste presque rien à faire pour quelqu’un qui est pressé… »41 Dans ces conditions, il valait mieux céder les découvertes aux plus savants.

Une autre caractéristique de l’antiquaire « strict » était sa méfiance face aux choses artistiques. Les fragments d’Antiquité n’avaient pour lui que la valeur de sources, ce qui les plaçait en dehors du jugement du goût. Ainsi, dans sa lettre du 2 février 1756, Barthélemy écrivait à Caylus de Rome : « Je sais qu’il y a, dans les cabinets de Portici, bien des morceaux médiocres aux yeux d’un artiste ; mais je pense qu’aux yeux d’un homme de lettres, ils doivent être précieux. »42 Bien qu’il fût entouré d’artistes – Robert, Greuze, Fragonard, Laurent Pécheux, les sculpteurs Yves-Eloi Boucher et l’élève de Bouchardon Laurent Guiard – que protégeaient à Rome le duc de Choiseul et le bailli de Breteuil, Barthélemy s’interdisait presque de parler de l’art. Quand il évoquait les tableaux de Greuze qui se trouvait alors à Rome, il s’interrompait lui-même : « Mais, en vérité, il est bien ridicule que je vous parle peinture ; c’est pour la première fois, et ce sera pour la dernière : je reviens à mes guenilles. »43 L’antiquaire ne se mêlait pas de la critique des arts qui était selon lui l’affaire des philosophes : « J’ai lu avec plaisir ce que vous dites sur le goût et le génie des arts ; j’ai approuvé ce que j’entendois, je n’ai pas condamné ce que je ne faisois qu’entrevoir. Je crains, par exemple, que vous ne mettiez de la métaphysique dans votre jugement sur le tombeau du Bernin. »44

Etant donné que la tâche principale d’un antiquaire se trouvait dans la publication des nouveaux documents « dans la plus grande exactitude »45, ce dernier avait besoin d’artistes, de dessinateurs et de graveurs. Mais les rapports des antiquaires avec eux devaient se limiter à cette seule exigence d’exactitude et de sagacité. Ainsi, en parlant des gravures de Piranèse, Barthélemy écrivait : « Ces quatre grands volumes in-folio viennent de paraître il y a trois jours : je les ai parcourus avec trop de rapidité pour vous en dire mon avis ; je vous en parlerai dans la suite. J’aurai du plaisir à comparer les gravures avec les monumens, et à mesurer l’exactitude de l’auteur, qui est homme de mérite et fort instruit. »46 De même, à propos des « boucliers » antiques dessinés par l’artiste Louis Joseph Le Lorrain et gravés sur la commande de Caylus, il écrivait : « Si je ne vous ai pas parlé de vos boucliers, c’est que je veux auparavant les comparer avec les originaux ; ils m’ont paru très-beaux, très-riches, respirant l’antique, dignes d’Hésiode et de Virgile : mais je vous en parlerai avec plus de plaisir quand j’aurai vu la source. »47 En effet, Barthélemy lui-même n’hésitait pas à mesurer et à remesurer, dès que l’occasion s’en présentait. Aidé par son ami, le mathématicien minime François Jacquier, il remesura notamment le Colisée et arriva, à partir de ses mesures, à calculer le prix de sa construction48. Si Barthélemy exprimait son enthousiasme pour le travail de deux jeunes architectes, Charles De Wailly et Pierre-Louis Moreau, qu’il croisa à Rome, c’était parce que leur travail se distinguait par une grande exactitude : « … vous verrez cet été deux architectes de l’académie, Moreau et Doilly, qui ont fait un travail admirable sur les thermes de Dioclétien. Ils ont quarante dessins, d’une exactitude singulière, suivant le modèle de Desgodets, c’est-à-dire dans son goût. Voilà un ouvrage qui peut faire honneur à la France. »49 Afin de vanter la valeur de leur travail, Barthélemy soulignait qu’ils « ont passé un temps considérable à cet ouvrage : ils ont consulté les auteurs qui les ont précédés ; et profitant de tous les indices qu’ils ont trouvés sur les lieux, après les plus pénibles recherches, ils se sont trouvés en état de rétablir presqu’entièrement cet immense édifice. Ils sont entrés dans les souterrains, ont grimpé sur les toits, ont fouillé dans la terre, autant que leurs facultés ont pu le leur promettre, et ils me parroissent avoir renouvelé cette méthode sage et exacte que l’on admire en Desgodets. »50 Barthélemy lui-même rêvait d’employer les artistes dans cet esprit : « Je connois à présent assez bien ma ville de Rome. Que ne suis-je riche ! j’aurois fait dessiner plusieurs monumens qui ne l’ont jamais été, et donné le plus joli recueil du monde. »51 Or cette rêverie s’arrêtait rapidement pour donner place à des considérations qui étaient de ses compétences. Encore pouvait-il se la permettre avec Caylus. Il lui arrivait même de laisser échapper quelques aveux : « Je juge de toutes ces choses-là fort mécaniquement, par un sentiment intérieur qui me cause du plaisir, même quand il me trompe. Je ne trouve pas souvent des occasions de l’exercer ; c’est un malheur. C’en est un autre, que de voir trop l’antique. Il dessèche peut-être le goût en le rendant sévère, et l’accoutumant au simple. Mais qu’importe que j’aie tort dans ces sortes de jugemens, puisque je ne me pique pas d’avoir raison ? »52 Ainsi, Barthélemy avait-il bel et bien un goût : habitué aux antiquités, il préférait le simple et le sévère, tout comme Caylus. Seulement, à la différence de ce dernier, il se tenait en dehors du débat. Quand, dans un de ses mémoires il parlait, sans doute influencé par Caylus, de l’utilité que son travail pouvait avoir pour les artistes, il ne parlait pas du « goût », mais seulement des « nouvelles connoissances sur le costume »53.

Amicaux toujours, mais surtout professionnels, furent ses rapports avec ses collègues. Ainsi, sa correspondance avec Paciaudi, qui l’introduisit par ailleurs auprès de nombre de ses amis, se limitait presque entièrement aux matières savantes, les nouvelles ecclésiastiques mises à part. Ils échangeaient des livres concernant essentiellement les recherches d’antiquaires, ainsi que des catalogues de bibliothèques et d’imprimerie, des demandes de conseils et d’éclaircissements, des références bibliographiques, des dédicaces et des services, ceux notamment, rendus par Barthélemy pour introduire Paciaudi à l’Académie, ou ceux rendus par Paciaudi pour publier les œuvres de Barthélemy en Italie. Dans ce dernier cas, il s’agissait, par exemple, du mémoire de l’abbé sur les fresques de Palestrine. Caylus publiait déjà ce mémoire dans son recueil des gravures d’après les dessins de Bartoli54. Pourtant Barthélemy qui jugeait cet ouvrage plus profitable aux artistes qu’aux antiquaires préférait le doubler par une publication dans les prestigieux Mémoires de Cortone. D’ailleurs pour achever ce mémoire, un artiste – le protégé de Choiseul et de Breteuil Laurent Guiard – pouvait bien lui rendre service en fournissant des renseignements iconographiques : « Je prierai Guiard, dans quelques temps d’ici d’aller à Palestrine, d’examiner ce tronc de statue (…). Je voudrais bien qu’il pût faire le voyage dans un temps où vous serez à Palestrine ; il verrait bien mieux et j’en profiterais. »55 Ainsi les yeux de l’artiste n’étaient jugés fiables que s’ils étaient doublés par ceux de l’antiquaire.

Quant à Caylus, il restait toujours quelque peu étranger à ce milieu : « Je ris de bon cœur toutes les fois que vous vous adressez à lui pour avoir son sentiment sur des inscriptions et autres choses semblables ; il est vrai pourtant que vous lui devez des égards pour ses attentions, et qu’après tout cela l’amuse »56. Caylus – bienfaiteur ou aristocrate dilettante – était tout sauf un savant. Ces compétences de latiniste n’étaient pas, par ailleurs, très profondes, et il ne connaissait certainement pas le grec.

Le réseau des antiquaires : le père Paciaudi

Ce fut en décembre 1756, que l’abbé Barthélemy présenta Paciaudi à Caylus. « Il mérite votre estime – écrivait Barthélemy – et d’être distingué de la foule des érudits et des simples connoisseurs. »57 Entre novembre 1762 et février 1763, Paciaudi fut à Paris. Mais dès 1758 Caylus entretenait une correspondance constante avec le savant italien, qui ne fut interrompue que par la mort du premier. Une commune passion anti-jésuite nourrissait par ailleurs leurs rapports : au moment du procès, Caylus fournissait abondamment Paciaudi en brochures anti-jésuites publiées à Paris. Ils partageaient par ailleurs un autre ennemi – Voltaire. Après l’installation de Paciaudi comme bibliothécaire du duc de Parme, Caylus pouvait l’aider en lui envoyant des livres et des informations sur les ventes de bibliothèques importantes. Il fut notamment son conseiller lors des ventes des livres et des manuscrits des jésuites. Quant à Paciaudi, ce savant remarquable interrompait quasiment ses études pour devenir son principal agent qui remplissait sa collection de pièces nouvelles et son Recueil d’antiquités de commentaires savants. Régulièrement, il envoyait au comte les « boîtes » précieuses, remplies d’objets antiques accompagnées de notes concernant chaque objet. Pour faciliter l’envoi des boîtes, un important réseau de diplomates, artistes et voyageurs était impliqué.

En qualité d’agent, Paciaudi affrontait un réseau bien particulier – celui des brocanteurs et des revendeurs de faux. Ainsi, Paciaudi remplaça l’un des brocanteurs romains (fournisseur de Caylus) Francesco Alfani, par un autre, Bellotti, à qui il pouvait davantage faire confiance. A côté des marchands d’antiquités, les faussaires et les imposteurs de toutes sortes fourmillaient. Ils prétendaient également posséder ou possédaient réellement les compétences antiquaires, notamment dans le domaine des matériaux et des techniques utilisés par les Anciens. Tel était, par exemple, le cas du prince San Severo : « A peine est-il instruit de quelque invention qu’il l’imite et en cela il a du talent ; mais ensuite il la publie et la débite comme sa propre découverte. C’est ainsi qu’il se comporta au sujet de la peinture en cire ou encaustique, et je viens d’apprendre de deux chevaliers piémontais, arrivés de Naples, qu’il se vante aussi d’avoir trouvé la manière de peindre sur le marbre. Peut-on pousser plus loin la fausseté et le ridicule ? » – écrivait Paciaudi à Caylus. Le cardinal Albani – qui tentait de retrouver les secrets du travail antique de briques en relief – fut également qualifié par Paciaudi de « brocanteur ». Quand il achetait des faux, ce qui pouvait arriver à tout le monde, il tentait par tous les moyens de prouver leur ancienneté. Or le commerce du faux prospérait à Rome. Ainsi le peintre d’origine vénitienne, l’un des meilleurs élèves de Solimena, Giuseppe Guerra installé dans le royaume de Naples, se mit à copier les peintures d’Herculanum et les vendit pour des originaux. Dénoncé, il fut obligé de se réfugier à Rome. On soupçonnait derrière cette affaire Contucci, ce qui ne pouvait que plaire aux anti-jésuites.

A la différence de l’abbé Barthélemy, qui, dans ses acquisitions des médailles pour les collections royales ne s’adressait qu’aux collectionneurs bien confirmés, la position de Caylus dans cette affaire n’était pas sans ambiguïté. Passionné et pressé, il achetait en vrac, dès que l’occasion s’en présentait. Il suggérait même parfois le vol, bien que sur le mode de dérision, notamment dans les fouilles d’Herculanum, quasi fermées au public, et en tout cas n’hésitait sans doute pas à l’occasion d’avoir affaire aux voleurs. « A Naples on falsifie plusieurs monuments, – écrivait Paciaudi à Caylus, – et on les envoie à l’étranger comme découverts à Herculanum. Nous avons encore ici deux brocanteurs génois qui, aidés par l’orfèvre Charles Gropalesi, font de grandes faussetés. Je sais qu’il a été fait un envoi en France de plusieurs pièces falcifiées, qu’on dit reçues de Naples pour tromper les Français, et on en prépare autant pour l’Angleterre. Vous êtes signalé, et comme on sait que vous achetez beaucoup, on songe à vous donner des choses postiches : tenez-vous en garde. J’ai vu un sistre d’argent et un chat sur un piédestal, travaillés et vernissés par Gropalesi, qui sont merveilleux. L’art de falsifier les choses est ici parvenu à un tel degré, qu’il faut tenir les yeux bien ouverts ; et je ne saurois presque me fier à moi-même. »58 Les faussaires étaient notamment responsables de faux bruits à propos des nouvelles découvertes qui leur permettaient d’écouler leurs stocks. « Il est très-faux qu’au cirque Flaminien on ait trouvé des peintures anciennes. C’est une imposture, et peut-être de Guerra ou d’Alfani, pour vendre quelque tableau moderne. »59 Caylus, en effet, se retrouvait parfois avec des faux, notamment avec quelques-unes des peintures de Guerra, qu’il se proposait d’écouler en Angleterre ou en Allemagne, soutenu en cela par son agent.

Expert lui-même, Paciaudi éduquait Caylus en lui envoyant parfois des collections de faux à côtés de celles des originaux pour lui faire sentir la différence. Il fallait selon lui publier les faux en les accompagnant de commentaires appropriés pour l’instruction de l’Europe entière ainsi que de la postérité. Finalement Caylus introduisit, en effet, une petite remarque sur les faux dans son quatrième volume, en la terminant par une sentence digne de Paciaudi : « L’amour du vrai m’a entraîné dans cette dissertation… »60 Quant à Barthélemy, il proposait à Caylus d’écrire une histoire des faux depuis le XVe siècle. Comme souvent, l’intuition de l’antiquaire parisien était juste. En effet, depuis la Renaissance, les amateurs, les antiquaires, les restaurateurs, les artistes et les faussaires étaient intimement liés entre eux, tous versés dans les recherches sur les techniques et les matériaux, ainsi que sur l’iconographie de l’art antique. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les expériences du duc de Médicis dans le domaine de l’ancienne technique du porphyre qui, selon Vasari, encourageait les artistes à l’utiliser dans leur travail, les « restaurations » de Michel-Ange ou les faux de Pirro Ligorios61 et de Giovanni Battista Volpato62. Les matériaux, les techniques et l’iconographie (explication des sujets) furent les domaines de prédilection des antiquaires. Caylus lui-même s’employait, comme il est bien connu, à retrouver les secrets des verres antiques, de la peinture sur marbre et de l’encaustique63. Il tenta aussi de percer le mystère de l’embaumement des Egyptiens64.

Dans ses recherches, Caylus s’assurait les conseils des savants, se créant ainsi un autre réseau parallèle à l’Académie des sciences. Comme on l’a déjà vu, chez Gros de Boze, il se lia avec Réaumur. Il travailla ensuite avec le médecin et chimiste Majault, avec le célèbre Jussieu, avec le chimiste Roux, avec l’apothicaire et chimiste Guillaume François Rouelle, auquel il porta les morceaux de momies, reçus grâce à sa correspondance avec le consul français au Caire Lironcourt. En allant chez le marbrier parisien Dropsi, il découvrait chez lui ce qui restait des expériences sur le marbre du physicien Charles François Cisternay Dufay. « Je suis charmé, – écrivait-il, – de prouver que l’examen de plusieurs objets de l’antiquité demanderoit la réunion de plusieurs hommes, dont les études & les recherches seroient différentes : les objets de Physique, & qui regardent par conséquent l’Histoire naturelle, dont l’ouvrage de Pline est rempli, rendent cette nécessité plus sensible. »65 Il n’est pas étonnant, si Jean-Jacques Dortous de Mairan, le physicien, mathématicien et connaisseur des lettres classiques, adressait au comte ses mémoires, dans lesquels ses compétences en sciences exactes et naturelles lui permettaient de percer les énigmes de l’Antiquité66.

L’antiquaire et ses artistes

Le besoin que l’antiquaire avait des artistes était plus qu’important. Le dessinateur lui fournissait de la documentation iconographique, le graveur participait à la publication de ses ouvrages. On pourrait même parler d’une sorte de dépendance. Il fallait les avoir sur place, proches des monuments. Ainsi Caylus utilisait les artistes français installés à Rome, les mêmes notamment qui se trouvaient autour de Choiseul, tels que Guiard ou Robert. « Robert s’offre à vous servir, – écrivait Paciaudi à Caylus, – s’il se trouve quelque chose à copier. J’irai avec lui observer, mesurer, dessiner ; mais il est difficile de découvrir les monumens qui ne soient déjà imprimés… »67 Il fallait donc avoir un antiquaire, qui pourrait surveiller le travail de l’artiste. Autrement, à l’occasion, il n’hésitait pas à tricher, en inventant des antiquités inédites, proche en cela d’un faussaire. Tel notamment fut le cas de Louis-Nicolas Louis, dit Louis Victor, architecte et décorateur, futur auteur du Grand Théâtre de Bordeaux, ainsi que de projets pour le roi de Pologne. « Je ne crois pas qu’il soit arrivé à aucun antiquaire une aventure plus curieuse, – mandait Paciaudi à Caylus. – Le jeune élève de l’académie, pour lequel vous avez tant d’estime (Louis), s’est moqué de vous. Il a copié du porte-feuille de l’ingénieux Robert quelques dessins de sa composition, et un assemblage d’autres morceaux de fantaisie, et il vous les a donnés pour des morceaux existans, qu’il prétend avoir vus, avoir copiés sur les lieux. (…) le grec des inscriptions est un jeu d’imagination de la part de Robert, pour remplir les vides. Quelques pièces existent, mais non pas telles que les dessins. Robert a tout changé, suivant ses goûts et ses études. Ce qui n’est point de pure invention a été imprimé mille fois, et le seul assemblage est tout ce qu’il y a de beau, mais non pas de vrai. En conséquence vous pouvez rejeter les trois planches ; et si vous en avez d’autres de la même fonderie, vous voyez le cas que vous devez en faire. Je suis fâché que vous vous soyez, pour ainsi dire, tué pour trouver les explications et concilier le roman avec l’étrusque ; mélange bizarre qui n’existe que dans la tête du peintre. Dorénavant ne vous fiez qu’aux monumens que vous avez sous les yeux, et aux dessins qui vous sont envoyés par de véridiques et honnêtes connoisseurs. »68 Ne connaissant pas le grec, Caylus fut ainsi pris au dépourvu. Les fantaisies de Robert ou de Victor lui paraissaient dignes de publication parmi les monuments d’antiquité.

Tout comme d’autres antiquaires, Caylus utilisait les artistes pour ses publications. Ainsi Louis-Joseph Le Lorrain, Eurimond Alexandre Petitot, Jérôme Charles Bellicard, à la fois dessinateurs et architectes, tous passés par un séjour romain, dessinaient et gravaient pour lui ses planches69. Par ailleurs, il n’hésitait jamais à apparaître lui-même comme graveur au service de l’antiquaire. Ainsi grava-t-il une planche pour le mémoire de l’abbé Barthélemy sur la mosaïque de Palestrine. « Nous la devons aux soins de M. le comte de Caylus ; & par les précautions qu’il a prises, on sera mieux en état de juger d’un monument qui n’intéresse pas moins les Artistes que les Antiquaires. »70 En qualité d’illustrateur de textes d’antiquaires, Caylus était une personne idéale : il pouvait réunir les deux compétences.

Mais il pratiquait également un autre type de relation avec les artistes qui, tout en découlant de la stratégie antiquaire, rompait avec elle de façon très particulière. Car, en demandant aux artistes de copier les œuvres antiques, il pensait insensiblement et quasi mécaniquement habituer leur main et leur œil au simple et au sévère et leur inspirer ainsi la création d’un style nouveau.

L’amateur et ses artistes

En grand seigneur, Caylus non seulement employait les artistes, mais encore les « protégeait » et notamment les « plaçait ». Ainsi il faisait embaucher Petitot et Guiard par le duc de Parme, grâce à ses contacts avec Paciaudi. Grâce à ses relations avec Ivan Betskoï, qui fréquentait avec lui le salon de Mme Geoffrin, Le Lorrain fut envoyé par lui en Russie, où il devait prendre la place du premier professeur d’histoire à l’Académie des beaux-arts. Etienne Fessard, qui termina au burin un grand nombre d’eaux-fortes de Caylus, fut nommé grâce à son intervention, graveur de la Bibliothèque de Roi71. Il s’occupait aussi des artistes étrangers, comme du graveur espagnol Salvador Carmona, qui étudia à Paris auprès de Charles Dupuis, fut nommé membre de l’Académie royale, et fit rêver Caylus de la future gloire de l’école espagnole, ainsi que de l’édition des trésors de ses collections, dans l’esprit de Crozat. Il procurait des ouvrages à ses sculpteurs favoris. Pour Louis-Claude Vassé, par exemple, il obtint le chantier du chœur de Saint-Germain l’Auxerrois, en attirant les colères de Cochin, concurrent de Vassé à la place du dessinateur à l’Académie des Inscriptions, après la mort de Bouchardon. Vassé, affirmait ce dernier, « faisait assidûment sa cour à M. de Caylus et même lui gravoit beaucoup de ces antiquailles sur lesquelles il a fait un si long ouvrage… »72 Il finançait aussi des ouvrages gravés, comme ceux de Jean-Baptiste Le Prince, qui venait de rentrer de Russie, et il les envoyait au duc de Parme.

Mais par-dessus tout, Caylus pensait inspirer les œuvres qui confirmeraient ses intuitions d’antiquaire, en faisant ainsi entrer les artistes dans l’univers des savants. Ainsi, Joseph-Marie Vien présenta à la séance de l’Académie des Inscriptions du 12 novembre 1754, son tableau peint à l’encaustique récemment découverte par le comte : une copie d’un buste antique de Minerve de sa collection. Un an plus tard, Vien et Alexandre Roslin exposèrent au Salon une collection de peintures réalisées selon cette technique. De même, inspiré par le comte, Le Lorrain pratiquait l’encaustique. Outre les techniques, Caylus s’occupait d’iconographie en publiant plusieurs livres de « recettes » dans ce domaine, empruntant notamment à Homère73. La collaboration des hommes de lettres avec les artistes dans le domaine de l’iconographie était habituelle durant les siècles précédents. Or, à l’époque dont il s’agit, cette collaboration devenait de plus en plus marginale, réservée presque entièrement au domaine de l’idéologie officielle, comme, par exemple, à celui des médailles74. Ainsi, en réunissant dans leurs œuvres, inspirées par Caylus, une iconographie antique et les techniques artistiques pratiquées par les Anciens, en se soumettant au « programme » qu’il leur imposait, les artistes modernes ne pouvaient pas ne pas ressentir l’incongruité et l’anachronisme de leur situation. Ne se rapprochaient-ils pas, en suivant les conseils de Caylus, des faussaires, qui eux aussi réunissaient la technique et l’iconographie des œuvres antiques ? En tout cas le mot « faux » revenait à plusieurs reprises sous la plume de Cochin, quand il évoquait les œuvres inspirées par Caylus75.

L’intervention de Caylus aristocrate dans le milieu des artistes bourgeois, décrite précisément en ces termes par Cochin, n’avait pourtant rien de nouveau en France. Le fondement de cette politique d’intégration sociale et culturelle fut développé par les théoriciens du projet colbertien. Ainsi le médecin, architecte et traducteur de Vitruve Claude Perrault affirmait :

Ce n’est point seulement l’honneur qui nourrit les arts ; la conversation avec les honnestes gens est aussi une chose dont ils ne peuvent se passer : le sens exquis dont on a besoin, pour regler les belles connoissances, se forme rarement parmy le menu peuple, & il y a mille choses que l’on n’apprend point dans la condition d’un simple artisan ny mesme dans les echoles, & qui sont neanmoins absolument necessaires pour parvenir au dernier degré d’excellence, où les beaux arts peuvent atteindre76.

Au milieu du siècle, les artistes devenaient, de plus en plus, des habitués des salons. Or, courir les salons (mis à part les lundis de Madame Geoffrin, où Caylus attirait lui-même les artistes) et s’épuiser en soupers galants n’était pas, selon lui, une occupation digne d’un artiste. Dans sa Vie d’Edme Bouchardon, il louait le sculpteur pour ses loisirs sages (musique, billard, caricature), en accusant ces hommes attachés aux lettres et aux arts qui « imitent les gens du monde ; & oublient que ceux-là sont oisifs par état, tandis qu’ils doivent être consacrés à l’étude & au travail. »77 Néanmoins, les artistes avaient bel et bien besoin du commerce avec des gens extérieurs à leur métier appartenant aux couches supérieures. Seulement ces derniers devaient être de véritables amateurs.

Dans son édition de Vitruve, que Caylus connaissait et qu’il citait78, Perrault traduisait les deux notions-clés de l’auteur romain fabrica et ratiocinatio (que le premier traducteur de Vitruve en français Jean Martin rendait par fabrique et discours) par la théorie et la pratique, en coupant le lien qui existait entre le savoir-faire de l’artiste et le savoir théorique. Pour Perrault, la théorie, indépendante de la pratique du métier, produite par un intellectuel, s’imposait à l’artiste, afin de le diriger79. Ainsi l’expression la théorie et la pratique, apparemment innocente, portait en elle sinon un germe de divorce, en tout cas un véritable conflit. Pour Caylus, le rôle de l’amateur – porteur de « réflexion », face à la « pratique » était semblable à celle prônée par Perrault. Ainsi dans sa célèbre conférence sur l’amateur dans laquelle Caylus codifia ce « statut », prononcée à l’Académie de peinture et de sculpture en septembre 1748, il déclarait notamment que « la profonde différence qui se trouve entre la pratique et la théorie est totale… ».

Le « goût » transformait, selon lui, le métier en art. A la différence de Voltaire, Caylus ne trouvait pas le goût parmi les choses naturelles. Il fallait le chercher dans la nature de la société, où il était sujet aux conventions et aux modes changeantes. Diriger le goût était l’affaire de celui qui « savait ». Trop attachés à l’apprentissage technique de leur métier, les artistes manquaient d’érudition. Les amateurs devaient donc en prendre une entière responsabilité. Il n’est pas étonnant que chez certains artistes, déjà « séduits » par les philosophes, une telle attitude provoquait la colère. « En général les gens de lettres font l’honneur aux artistes de les regarder comme des ouvriers renforcés, et s’ils nous trouvent dans le cas d’ignorer quelques-unes des choses dont le sçavoir les rend si fiers, ils en concluent étourdiment que nous ne pouvons pas avoir de génie. »80

Il n’est plus nécessaire, depuis les écrits de Krzysztof Pomian, d’insister sur le fait que ce fut précisément la recherche d’un goût artistique qui conduisait Caylus dans ses recherches d’antiquaire81. Comme il l’expliquait dans l’introduction à son Recueil, le goût, qu’il avait découvert dans les œuvres antiques, devait servir d’enseignement aux artistes d’aujourd’hui. Les mêmes aveux remplissaient les lettres de Caylus à Paciaudi : « Car nos modernes ont beau dire, ils veulent, par excès de vanité, tirer toute la couverture à eux. Plus je vais et plus je vois que les anciens ont tout connu. (…) Quoi qu’il en soit, plusieurs de ces guenilles m’ont fait trouver des opérations mécaniques très-singulières et très-utiles aux artistes pour lesquels j’avoue que j’aime plus à travailler. Je sais qu’ils sont ingrats et qu’ils n’emploieront plusieurs articles démontrés, comme l’encaustique par exemple, qu’après ma mort ; ils ne veulent pas me faire jouir de mon vivant ; mon imagination y supplée. Je n’en ai pas moins retrouvé deux ou trois opérations très-singulières, entre autres. »82 Et encore : « Je revois, j’arrange, j’explique ; c’est un amusement auquel je me suis voué. J’y joins celui d’être utile à ces jeunes gens, en leur faisant graver et dessiner des objets qui leur seront utiles toute leur vie par l’avantage des formes et du goût de l’antique. »83 A l’Académie des Inscriptions, Caylus se présentait presque uniquement comme un amateur des arts, ce que lui assurait une position à part et permettait de publier au sein même de l’Académie certains mémoires qui, ne contenant aucun propos savant, ne faisaient que rendre compte de ses lectures passionnées de Pline84. Parfois, il n’hésitait pas à y parler non seulement comme un représentant des artistes, mais comme un artiste tout court : « … je ne vais parler ici que comme un artiste, qui vous soumet les idées que la connaissance de l’art ont fait naître en lui. »85 Et il ne pouvait sans doute pas ne pas choquer ses confrères quand, pour illustrer l’un de ses mémoires, au lieu de dessiner une pièce authentique, il mettait un modèle vivant dans une attitude similaire et la faisait dessiner par un artiste moderne, ce qui représentait, selon lui « le seul moyen qui pût conduire à exprimer plus agréablement le trait de la gravure dont ce mémoire est accompagné »86.

Il s’y présentait par ailleurs comme un collectionneur, la plupart de ses sujets s’attachant aux pièces de sa collection87. Il fut aussi bienfaiteur : un prix de 500 livres, qu’il fonda à l’Académie en 1754, devait récompenser les études des « Antiquités, c’est-à-dire de ce qui a rapport aux usages religieux, civils, militaires des anciens peuples, ainsi qu’à leurs arts, à la manière dont ils les ont cultivés… »88 Enfin, personne ne pouvait faire abstraction de son rang. Or le retour d’un gentilhomme à l’érudition fut dans la France du milieu du XVIIIe siècle un événement qui fraudait un ordre des choses établi depuis Fleury.

Dans le domaine de l’architecture, il était particulièrement important, selon Caylus, que le goût savant fût entretenu par les gens extérieurs au métier, car, de tous les arts, l’architecture seule n’imitait pas directement la nature. La perfection de cet art dépendait donc entièrement d’une construction fondée sur l’autorité d’un groupe d’initiés89. Dans ce domaine, l’engagement de l’amateur-antiquaire devenait donc davantage indispensable. Ce fut précisément l’architecture qui inspira à Caylus plusieurs entreprises éditoriales d’envergure colbertienne, le nom même de Colbert y apparaissait d’ailleurs souvent. En se liant avec les architectes Julien David Le Roy, Gabriel-Martin Dumont, Jacques-Germain Soufflot et tout une équipe de dessinateurs et de graveurs, parmi lesquels on retrouve ceux qui participèrent avec lui à l’aventure du Recueil de Crozat, il stimula la publication des antiquités de la Grèce et de Paestum90. Pour celles de Paestum, il attendait une notice historique de la part de Paciaudi qui, finalement, se désista.

L’une de ses dernières entreprises éditoriales, dont hérita Mariette, portait sur les ruines antiques du sud de la France. « Je ne sais si je vous ai parlé d’un ouvrage que je fais faire, et qui, je crois, sera utile par lui-même et agréable par son exécution. Il faut reprendre les choses d’un peu haut. M. Colbert, c’est tout dire, quand on l’a nommé, pour la grandeur et la sagesse de ses projets, a fait dessiner toutes les antiquités de la France méridionale par un peintre nommé Mignard, d’Avignon, et cet homme dessinait on ne peut mieux architecture. M. Colbert est mort apparemment avant d’avoir terminé cette entreprise, et j’ai fait acheter dans Avignon ce que j’ai pu recouvrer de ces beaux dessins. Heureusement il ne m’en manque pas beaucoup, quoique l’on m’ait assuré que la veuve de Mignard s’en servait pour allumer son feu. Malgré cette barbarie, mon recueil est assez complet pour donner un deuxième volume ou plutôt une suite de Desgodets, ouvrage immortel et qui fera éternellement l’éloge de M. Colbert. Ce que je donnerais sera bon, à ce que j’en espère. Les explications sont courtes et faites par un homme du métier. L’historique sera dans le même goût, et c’est notre ami Mariette qui préside à la totalité. Quant à moi, je ne me suis réservé que la préface, dans laquelle je dédie l’ouvrage à M. Colbert. Je me flatte que la gravure de ces morceaux, qui sont presque tous finis, plaira aux gens de goût ; ils y trouverons plus d’agrément à l’œil. La précision ne peut être altérée, et l’effet de la planche sera toujours plus facile à produire. Je vous envoie deux épreuves de chaque genre de travail, pour vous mettre à portée de juger et me dire votre sentiment. »91 Une fois de plus, dans cette aventure, Caylus établissait tout un réseau de collaborateurs savants qui faisait pour lui des recherches, aussi avec des dessinateurs et des graveurs qu’il employait aussi bien sur place qu’à Paris92.

Antiquaire face aux artistes, Caylus fut amateur face aux savants et artisan parmi les aristocrates. Partout où il paraissait, il s’affirmait dans sa position extérieure aux clans, en bravant, dans chacun, l’esprit de corps. « Polymorphe », sans doute, il fut surtout, dans chacun des réseaux, un outsider. Dans sa manière de vivre d’aristocrate érudit et original et de nouer des relations dans des couches sociales diverses n’était-il pas plus proche des dilettanti britanniques ou des virtuosi italiens ? Ou encore n’était-ce pas là une parenté bien plus profonde avec les humanistes de deux siècles précédents qui ne cherchaient le sens d’une civilisation disparue que dans l’espoir de stimuler la naissance d’une modernité nouvelle ? Cette attitude humaniste, à l’époque de la « crise de la conscience européenne » et dans la France post-colbertienne, n’était-elle pas lourde de contradictions ? L’étude des réseaux de Caylus, tout en nous apportant certaines réponses à ces questions, nous conduit à approfondir cette enquête.

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1 S. Rocheblave, Essai sur le comte de Caylus, l’homme, l’artiste, l’antiquaire, Paris, 1889.

2 Francis Haskell, L’historien et les images, traduit de l’anglais, Paris, 1995, pp. 244-251.

3 Krzysztof Pomian, « Maffei et Caylus », in Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, 1987, pp. 195-211.

4 Irène Aghion, (dir.), Caylus, mécène du roi. Collectionner les antiquités au XVIIIe siècle, Paris, 2002.

5 Marc Fumaroli, Caylus, mécène du roi. Collectionner les antiquités au XVIIIe siècle, Paris, 2002, « Préface », pp. 13.

6 Lettre publiée d’abord par les Goncourt dans Portraits intimes et reprise dans Clément de Ris, Les Amateurs d’autrefois, Paris, 1877, pp. 264.

7 Mémoires inédits de Charles-Nicolas Cochin sur le comte de Caylus, Bouchardon, les Slodtz, publiés d’après le manuscrit autographe, par Charles Henry, Paris, Baur, 1880, pp. 28-29.

8 Mémoires de Marmontel, Paris, 1818, t. 1, pp. 359.

9 Lettre de l’abbé Barthélemy à Paciaudi, cité in Charles Nisard (éd.), Correspondance inédite du comte de Caylus avec le pp. Paciaudi, théatin, Paris, 1877, pp. 195-196.

10 « Voyage de Constantinople par le comte de Caylus », publié par Paul-Emile Schazmann, in Gazette des beaux-arts, 1938, mai-juin, pp. 290.

11 Ibid., pp. 280.

12 Ibid., décembre, pp. 312.

13 Emile Dacier, « Caylus graveur de Watteau », in L’amateur d’estampe, 1926, pp. 161-169 ; Marc Fumarolli, « Une amitié paradoxale. Antoine Watteau et le comte de Caylus », in La Revue de l’art, 1996, n° 114, pp. 34-47.

14 Krzysztof Pomian, « Caylus et Mariette : une amitié », in Caylus, mécène du roi, pp. 45-51.

15 Cordélia Hattori, « The Drawings collection of Pierre Crozat (1665-1740) », in Collecting Prints and Drawings in Europe, c. 1500-1750, éd. by Christopher Baker, Caroline Elam, Genevieve Warwick, Aldershot Ashgate, The Burlington Magazine, 2003, pp. 173-181.

16 Margret Stuffman, « Les tableaux de la collection de Pierre Crozat », in Gazette des Beaux-Arts, 1968, (juillet-septembre), pp. 11-144.

17 Voir les lettres de Crozat et de Mariette à Gabburri, in Raccolta di lettere sulla pittura, scultura ed architettura scritte da’più celebri personaggi che dette arti fiorirono dal secolo XV al XVII, t. 2, Roma, 1757, appresso Niccolo e Marco Pagliarini.

18 Alessandro Bettagno, « Una vicenda tra collezionisti e conoscitori : Zanetti, Mariette, Denon, Duchesne », in Mélanges en hommage à Pierre Rosenberg. Peintures et dessins en France et en Italie XVIIe-XVIIIe siècles, RMN, 2001, pp. 82-86 ; L. Maggioni, « Anton Maria Zanetti fra Venezia, Parigi e Londra. Incontri ed esperienze artistiche », in Collezionismo e ideologia, a cura di E. De Benedetti, Roma, 1991, pp. 91-110.

19 Nicholas Turner, « The Italian drawings collection of Cavaliere Francesco Maria Niccolo Gabburri (1676-1742) », in Collecting Prints and Drawings in Europe, c. 1500-1750, op. cit., pp. 183-204.

20 Francis Haskell, La difficile naissance du livre d’art, traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra, Paris, 1992.

21 Recueil d’estampes d’après les plus beaux tableaux et d’après les plus beaux des-seins qui sont en France dans le Cabinet du Roy, dans celuy de Monseigneur le duc d’Orléans, & dans d’autres cabinets ; divisé suivant les différentes écoles ; avec un abrégé de la vie des peintres, & une description historique de chaque tableau[…], Paris : Imprimerie royale, 1729-1742, t. 1-2. Voir Francis Haskell, op. cit.

22 Lettre de Crozat à Gabburri à Florence du 19. 05. 24 ; la traduction française in Recueil de lettres sur la peinture, la sculpture et l’architecture, écrites par les plus grands maîtres et les plus illustres amateurs qui aient parus dans ses trois arts depuis le XVe siècle jusqu’au XVIIIe, publiées à Roma par Bottari en 1754 ; traduites, et augmentées de beaucoup de lettres qui ne se trouvent pas dans son Recueil ; et enrichies de notes historiques et critiques par L.-J. Jay, correspondant de l’Institut royal de France, de l’Académie des Arcades à Rome […], Paris, Galerie des tableaux, rue du Gros-Chenet, 1817, pp. 502-506.

23 Ibid., pp. 504-505.

24 Voir Recueil de tout ce que j’ai gravé à l’eau-forte ou en bois de Caylus (BN Est : Ed 98 a, b I, b II, c) ; Bibliothèque Nationale. Département des estampes. Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIIe siècle, par Michel Roux, Paris, BN, 1940, t. 4, pp. 53-155. Voir également Les estampes gravées par M. le Comte de Caylus d’après les desseins du Cabinet du Roy, et d’autres cabinets des curieux, des dessains des maîtres anciens et modernes […]. Paris, Du Change, s.d., t. 1-4. (Bibliothèque de l’INHA, Collection Jacques Doucet, Fol. Est. 105). Ces volumes contiennent plusieurs estampes qui manquent dans les volumes de la BN ; Evelina Borea, « Caylus e l’arte italiana », in Mélanges en hommage à Pierre Rosenberg. Peintures et dessins en France et en Italie XVIIe-XVIIIe siècles, RMN, 2001, pp. 103-113.

25 Têtes de caractère et de charge dessinées par Léonard de Vinci Florentin et gravées par le comte de Caylus, Paris, Jean Mariette, 1730. Voir Kate T. Steinitz, Pierre-Jean Mariette and le comte de Caylus and their Concept of Leonardo da Vinci in the Eighteenth Century, Los Angeles, 1974.

26 Recueil des textes d’Antoine Van Dyck tirées du Cabinet de M. Crozat et gravées par M. le C. de C. Voir M. Eidelberg, « The comte de Caylus : “tête à tête” with Van Dyck », in Gazette des beaux-arts, CXXI, janvier 1998, pp. 1-20 ; M. Eidelberg, « Some Etchings after Van Dyck by the comte de Caylus », in On Paper, 1998, n° 4, pp. 12-17.

27 Suite de sujets dessinés d’après l’Antique par Edme Bouchardon, sculpteur du Roy et gravés à l’eau-forte par M. le comte de Caylus. Terminés au burin par J.P. Le Bas, graveur du Roy. Se vend à Paris, rue de la Harpe, 1737 ; Suite de statues antiques, dessinées à Rome par Edme Bouchardon, Paris, chez Gautrot et Joullain, 1737.

28 Recueil de trois cent têtes et sujets de composition gravés par M. le comte de Caylus d’après les pierres gravées antiques du Cabinet du Roy, Paris : Bazan, 1775 ?.

29 « Mémoires sur la vie et sur quelques-uns des ouvrages de J.J. Barthélemy, écrits par lui-même en 1792 et 1793 », in Voyage d’Anacharsis en Grèce, vers le milieu du quatrième siècle avant l’ère vulgaire, par J.J. Barthélemy, Paris, A.J. Sanson, 1827, p. 24 ; « Cérémonie en l’honneur de l’abbé J.-J. Barthélemy à Aubagne. Discours de M. Emile Male, délégué de l’Académie Française à Aubagne le 12 juin 1938 », Paris, Firmin-Didot, 1938.

30 « Mémoires sur la vie et sur quelques-uns des ouvrages de J.J. Barthélemy, écrits par lui-même en 1792 et 1793 », op. cit., pp. 5.

31 Emile Dacier, « La curiosité au XVIIIe siècle. Choiseul collectionneur », in Gazette des Beaux-Arts, 1949, juillet-septembre, pp. 47-74.

32 Sylvie Yavchitz-Koehler, « Un dessin d’Hubert Robert : Le salon du bailli de Breteuil à Rome », in Revue du Louvre, Paris, 1987, nos 5/6, pp. 369-378 ; Arnault Brejon de Lavergnée, « Les Solimène du Bailli de Breteuil », in La Revue de l’Art, n° 115, 1997, n° 1, pp. 52-58.

33 « Mémoires sur la vie et sur quelques-uns des ouvrages de J.J. Barthélemy, écrits par lui-même en 1792 et 1793 », op. cit., pp. 15.

34 Ibid, pp. 16.

35 Voyage en Italie de M. l’Abbé Barthelemy, de l’Académie française, de celle des Inscriptions et belles-lettres, et auteur du voyage d’Anacharsis ; imprimé sur ses lettres originales écrites au comte de Caylus : Avec un Appendice, où se trouvent des morceaux inédits de Winckelmann, du pp. Jacquier, de l’abbé Zarillo, Académicien d’Herculanum et Anticaire du Roi de Naples, et d’autres Savans ; publié par A. Sérieys, bibliothécaire du Prytanée […]. Paris : chez Buisson, 1801, pp. 312.

36 Ibid, pp. 223.

37 Arnaldo Mamigliano, « Ancient History and the Antiquarian », in Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1950, vol. XIII, nos 1-2, pp. 285-315 ; Martine Myrone, Lucy Peltz (éd.), Producing the Past. Aspects of Antiquarian Culture and Practice 1700-1850, Aldershot ; Brookfield Ashgate, 1999.

38 Voyage en Italie de M. l’Abbé Barthelemy, op. cit, pp. 77-78.

39 Ibid., pp. 90.

40 Ibid., pp. 122.

41 Ibid., pp. 113.

42 Ibid., pp. 77.

43 Ibid., pp. 134-135.

44 Ibid., pp. 183.

45 Ibid., pp. 124.

46 Ibid., pp. 132.

47 Ibid., pp. 136-137.

48 Ibid., pp. 188.

49 Ibid., pp. 204.

50 Ibid., pp. 206.

51 Ibid., pp. 224.

52 Ibid., pp. 174.

53 « Explication de la mosaïque de Palestrine, par M. l’abbé Barthélemy », Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres, Paris, 1764, t. 30, pp. 538.

54 Marie-Noëlle Pinot de Villechemon, « Fortune des fresques antiques de Rome au XVIIIe siècle. Pietro Santo Bartoli et le comte de Caylus », in Gazette des beaux-arts, 1990, pp. 105-115.

55 Charles Nisard, Correspondance inédite du comte de Caylus avec le pp. Paciaudi, théatin (1757-1765), Paris : imprimerie nationale, 1877, t. 2, pp. 240-241.

56 Ibid., t. II, pp. 236.

57 Ibid., t. II, pp. 199.

58 Ibid., pp. 244.

59 Ibid., pp. 256.

60 Comte de Caylus, Recueil d’antiquités égyptiennes, etrusques, grecques, romaines et gauloises, Paris, N. M. Tilliard, 1761, t. 4, pp. 219-220, description de la planche LXX.

61 Anna Schreurs, « Das antiquarische und das kunsttheoretische Konzept Pirro Ligorios », Archäologisch-antiquarische Forschung und Kulturverständnis im 16 und 17 Jarhundert, Kölner Jahrbuch, 1993, vol. 26, pp. 57-83 ; id, Pirro Ligorios, artiste and antiquarian, Firenze, 1988.

62 Elia Bordignon Favero, Giovanni Battista Volpato : critico e pittore, Treviso, 1994.

63 Irène Aghion, « Le comte de Caylus, historien des techniques » in Caylus, mécène du roi, op. cit., pp. 83-89 ; Philippe Boch, « Le noir éclat de verre », ibid., pp. 93-99.

64 Comte de Caylus, « Mémoire sur l’embaumement des Egyptiens », in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres, t. 23.

65 Comte de Caylus, « Examen d’un passage de Pline dans lequel il est question de la pierre obsidienne » (lu le 25 avril 1760), in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres, Paris, 1764, t. 30, pp. 457.

66 Voir par exemple « Lettre de M. De Mairan à M. le Comte de Caylus, sur une pierre gravée antique », in Extrait du Journal des Sçavans, 1764, (décembre) pp. 3-64. Un autre milieu « parallèle » qu’il fréquenta dans ses recherches des antiquités de la France fut celui des ingénieurs. Voir Pierre Pinon, « Caylus et les ingénieurs des Ponts et Chaussées », in Caylus, mécène du roi, op. cit., pp. 101-119.

67 Charles Nisard, Correspondance inédite du comte de Caylus avec le pp. Paciaudi, op. cit, pp. 159.

68 Ibid., pp. 158-159.

69 Voir par exemple « Dissertation sur le tombeau de Mausole », in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des Inscriptions et belles-lettres, Paris, 1759, t. 26, pp. 332-334, planches I-IV, dessinées par Petitot et gravées par Bellicard.

70 « Explication de la mosaïque de Palestrine, par M. l’abbé Barthélemy », op. cit., pp. 504.

71 Edmond Pognon, Yves Bruand, Bibliothèque Nationale, Inventaire du fond français, Graveurs du XVIIIe siècle, Paris, 1962, t. 9, pp. 22-112.

72 Mémoires inédits de Charles-Nicolas Cochin…, op. cit., pp. 34.

73 Comte de Caylus, Tableaux tirés de l’Iliade, de l’Odyssée d’Homère et de l’Eneide de Virgile ; avec des observations générales sur le costume, Paris, chez Tilliard, 1757 ; Nouveaux sujets de peinture et de sculpture, Paris, 1755.

74 Voir, par exemple, la description de la collaboration de Bouchardon avec de Boze par l’abbé Barthélemy, in « Mémoires sur la vie et sur quelques-uns des ouvrages de J.J. Barthélemy, écrits par lui-même en 1792 et 1793 », op. cit., pp. 5.

75 Voir par exemple « … un faux air de l’antique… », à propos de l’architecte Bacari. Mémoires inédits de Charles-Nicolas Cochin, op. cit., pp. 35.

76 Claude Perrault, Les dix livres d’architecture de Vitruve corrigez et traduits nouvellement en François, avec des Notes et des Figures, Paris, J.-B. Coignard, 1673, (préface non paginée).

77 Comte de Caylus, Vie d’Edme Bouchardon, sculpteur du Roy, Paris, 1762.

78 Voir par exemple Le comte de Caylus, « Mémoire sur la Diane d’Ephèse, & sur son temple » (lu le 10 juillet 1759), in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Paris, Imprimerie Royale, 1764, t. 30, pp. 435.

79 Indra Kagis Mc Ewen, « On Claude Perrault Modernising Vitruvius », in Paper Palaces. The Rise of the Renaissance Architectural Treatise, ed. by Vaughan Hart and Peter Hicks, New Haven and London, Yale University Press, 1998, pp. 324.

80 Mémoires inédits de Charles-Nicolas Cochin, op. cit., pp. 107-108.

81 Voir Pomian, op. cit.

82 Correspondance inédite du comte de Caylus avec le pp. Paciaudi, op. cit., t. 2, pp. 9-11.

83 Ibid., pp. 74

84 Voir Comte de Caylus, « De l’amour des beaux-arts et de l’extrême considération que les Grecs avoient pour ceux qui les cultivoient avec succès » (lu le 27 juin 1747), in Mémoires de littérature, tirés des régistres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Paris : Imprimerie Royale, 1754, t. 21, pp. 174-190.

85 Comte de Caylus, « Réflexions sur quelques chapitres du XXXVe livre de Pline » (lu le 17 novembre 1752), in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Paris, 1759, t. 25, pp. 151.

86 Comte de Caylus, « Mémoire sur la Venus d’Appeles dite Anadyomène » (lu le 14 août 1759), in Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Paris : Imprimerie Royale, 1764, t. 30, pp. 442.

87 Voir à titre d’exemple, Ibid., pp. 442-455.

88 Mémoires de littérature, tirés des régistres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. 25, Paris, 1759, pp. 3.

89 Comte de Caylus, « De l’Architecture ancienne » (lu le 7 janvier 1749), Mémoires de littérature, tirés des régistres de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, t. 23, Paris, 1756, pp. 286-319.

90 Julien-David Le Roy, Les ruines des plus beaux monuments de la Grèce, Paris : chez H.L.Guerin & L.F. Delatour, Jean-Luc Nyon, Amsterdam, Jean Neaulme, 1758 ; Suitte de Plans, Coupes, Profils, Elévations géometrales et perspectives de trois temples antiques, tels qu’ils existoient en mil sept cent cinquente, dans la bourgade de Paesto… Ils ont été mésurés et dessinés par J.B. Soufflot, architecte du Roi e& en 1750. Et mis au jour par les soins de G.M. Dumont, en 1764. A Paris, chez le Sr Dumont, professeur d’Architecture à l’hôtel Jabach. La veuve Chareau, rue St. Jacques, aux deux Piliers d’or.

91 Correspondance inédite du comte de Caylus avec le pp. Paciaudi, op. cit, t. 2, pp. 85-86.

92 L.-H. Labande, Notice sur les dessins des antiquités de la France méridionale exécutés par Pierre Mignard et sur leur publication projetée par le comte de Caylus, Nîmes : imprimerie générale, 1900.