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La récidive : invention médiévale ou symptôme de modernité ?

Xavier ROUSSEAUX

Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve

On sait que la récidive fut une des « obsessions créatrices » du XIXe siècle1, mais que sait-on de la genèse de l’idée même de récidive ? Pensée à partir de la formulation qu’en ont donné les juristes, la récidive apparaît dans les essais de codification de la fin du XVIIIe siècle2. Les codes napoléoniens de 1808 et 1810 en constituent la version la plus rigoureuse et rigide à la fois. La récidive entraîne une aggravation automatique et légale de la peine. Aucune prescription, aucune réhabilitation même n’est possible3.

Bientôt la mesure de la récidive devint la mesure de l’état de la société : est récidiviste le repris de justice, quel que soit l’acte commis et ses circonstances. Cette notion de récidive étendue servira d’argument au cours de la procédure et de critère d’application des mesures de défense sociale appliquées pour la seconde moitié du XIXe siècle. Toute cette période fut dominée par cette lutte pathétique, comme le dit Bernard Schnapper. Tantôt on crut la rechute empêchée par un arsenal de mesures éliminatrices ou pédagogiques : de la prison à la déportation, du casier judiciaire au patronage des condamnés libérés4. Tantôt, on dut s’apercevoir que, malgré ces mesures, le nombre de récidivistes augmentait.

Le code pénal français définit le récidiviste comme celui qui commet un autre crime, délit ou contravention après une condamnation déjà subie5. La récidive se définit par rapport à la condamnation, non à la poursuite ou à la commission. Elle est donc une notion à extension variable selon la gravité présumée du fait commis.

A cette conception légale de la récidive, s’en superposent d’autres. Dans le débat public, la récidivité d’un individu pourra se mesurer aux nombres de « poursuites » exercées contre lui. Cette version est celle de la presse, habituée à qualifier des suspects comme individus « connus des services de police ». Une version plus large encore « typifiera » le récidiviste dans le sens commun comme le « délinquant d’habitude », celui qui commet de manière répétée des actes répréhensibles même s’il échappe au contrôle social.

Aujourd’hui, politiques et journalistes en font un indicateur grossier de dangerosité et de la propension au crime ; perdant de vue l’intime liaison entre le concept et le système pénal qui l’inventa et y fut tout entier soumis.

Les juristes du XIXe siècle produisirent des introductions historiques retraçant l’histoire de la récidive depuis l’antiquité classique, en particulier la Grèce et Rome6. Ces vues cavalières reposent largement sur des textes normatifs ou des doctrinaires. L’historien d’aujourd’hui veut confronter cette histoire des idées pénales aux traces de la pratique. Celles-ci n’existent en Europe de manière significative que pour la période médiévale classique. Que nous apprennent donc les études récentes sur les pratiques de la récidive ?

Les médiévaux croyaient-ils à la récidive ?

A lire les synthèses d’histoire du crime au Moyen Age, la récidive n’est pas l’obsession des médiévaux7. Nicole Gonthier évoque toutefois les éléments constitutifs de l’aggravation du crime : elle ne cite pas la récidive en ce qui concerne la violence, mais, à l’instar de bien des auteurs, elle souligne son lien avec le vol. Il s’agit ici de la récidive de l’acte commis, qui pour les juges médiévaux peut faire la différence entre le « crime » et le délit. Si comme pour les théologiens, l’accumulation de péchés véniels constitue un péché mortel, pour les juristes l’accumulation de biens volés constituerait un vol criminel8. Néanmoins, ce n’est pas tant la répétition mesurée de l’acte délictueux, mais l’excès de désordre provoqué par cette répétition qui renforce la gravité de l’acte. Cette notion d’excès, de « coupe pleine », paraît essentielle tout au long de la période précodificatrice, quand il s’agit d’envoyer un individu à la potence.

Dès le Moyen Age, l’émergence de la notion est attestée. Dans le droit pénal flamand, la répétition du crime (herhaling) constituait une circonstance aggravant la sanction. En réalité, le principe était d’application limitée sauf pour le vol9. Cette « répétition » déjà présente dans les capitulaires carolingiens entraînait une gradation dans la peine. Le premier vol n’est pas puni, si l’auteur jure ne plus récidiver. Le deuxième entraîne le bannissement ou parfois la mort ; le troisième la mutilation ou la pendaison. La mutilation constitue un élément de stigmatisation du récidiviste. Celui que l’on prend pour vol, « et on trove s’oreille coupée […] il sera pendus »10. Comme le remarque Van Caenegem, la réitération du crime a un impact sur les peines, mais aussi sur la procédure et la preuve. De plus, il souligne que le type de procédure est fonction non seulement d’une condamnation précédente, mais également d’une accusation précédente11. En effet, le droit médiéval est largement accusatoire. Dans ce système, l’initiative de la poursuite devant un juge est réservée à la partie lésée. Une accusation antérieure forme donc une suspicion de culpabilité. A Saint Dizier, on demande si le suspect « est de bone conversation et de bone renommée ou de malvais » et « s’il a esté criez autrefois de tel blasme ». Ici, la poursuite, voire la réputation, « le cri », suffisent pour établir une suspicion plus grande. La défense contre l’accusation participe de ce système. La négation de l’accusation sous la forme d’un serment, attesté par des « proches et amis », est la technique habituelle. Pour celui qui a déjà été condamné le serment purgatoire est plus complexe. A Furnes, l’accusé de vol peut se purger par quatre cojureurs la première fois, par des coratores la deuxième fois et par une enquête comtale la troisième fois. De même l’achat de biens volés n’est pas puni à la première occurrence ; en revanche, une peine infamante frappe la réitération et la troisième fois elle est punie comme un recel12.

Van Caenegem tire de ces dispositions un petit schéma en matière d’accusation de vol :

Tableau 1 Répétition de l’infraction et mode de preuve en droit flamand au XIIe siècle (source : R. van Caenegem)

1re fois : preuve par quatre cojureurs
2e fois : preuve par huit cojureurs
3e fois : preuve par désignation de l’auteur ou preuve de victime d’une diffamation

Qu’il s’agisse d’une accusation ou d’un flagrant délit, le système est en général le même dans les autres régions. Ainsi en Brabant, la plupart des « chartes » (keures ou landcharters) du XIIIe siècle prévoient les mêmes dispositifs13.

Ce schéma tripartite (Tableau 1) semble structurer la majorité des textes conservés pour les XIe-XIVe siècles, tant en matière de procédure, qu’en matière de sanction. Il est évidemment mieux documenté par la pratique à la fin du Moyen Age. Ainsi en Avignon au XIVe siècle, ce schéma « géométrique » se retrouve pour la répression du vol14.

Tableau 2 Peines encourues par les voleurs en Avignon au XIVe siècle (source : J. Chiffoleau)

Peine normalePeine de substitution
Premier vol (inférieur à 20 sous)10 livresAmputation d’un membre
Deuxième vol25 livresAmputation selon l’avis du juge
Latro publicusLa mort

La dénomination de latro publicus vise essentiellement les voleurs professionnels, souvent des brigands agissant en bande15. L’excès a été atteint et marque de manière indélébile son auteur comme un professionnel du crime. Pour la justice médiévale, la troisième occurrence déplace la problématique du crime au criminel. Les sources laïques ne sont pas les seules à utiliser le modèle. Les statuts synodaux d’Avignon évoquent un système comparable pour le blasphème : « item nous statuons que si quelqu’un de plus de quatorze ans, de l’un ou l’autre sexe a blasphémé Dieu ou sa mère la Glorieuse Vierge Marie, et les reniant, sen se disputant soit au jeu, soit à la taverne, soit au lupanar ; […] il sera fustigé sévèrement depuis le tribunal jusqu’au lieu du délit ; et s’il récidive il sera banni de la cité et ne sera pas autorisé à rentrer sous peine de l’amputation de la langue »16.

Tableau 3 Peines encourues par les blasphémateurs dans les statuts synodaux d’Avignon au XIVe siècle (source : J. Chiffoleau)

Blasphémé Dieu et la VM à AvignonBlasphémé Dieu et la VM hors AvignonElevé contre la virginité VMBlasphémé saints et saintes
1re foisFustigé sévèrement60 sousLangue perforée10 sous
2e foisBanni100 sousLangue perforée + fustigation15 sous
3e foisAmputation langueBannissementLangue coupée25 sous

Ici encore, la « troisième fois » entraîne des conséquences durables pour l’auteur du comportement déviant par la mutilation définitive. La filiation de ce modèle nous semble clairement celle du droit canonique et des pénitentiels.

En revanche, peut-on considérer comme acquis l’existence d’une « classe criminelle » à la fin du Moyen Age ? Certes, dès le XIVe siècle, l’image des « pauvres du Christ » cède la place à la peur des marginaux, gens de « mal vie », « noiseux », gens de « mauvaise renommée », qui englobent surtout les « étrangers », les coupeurs de bourses ou les instables de toute condition17. Les marginaux parisiens, étudiés par B. Geremek, sont fréquemment qualifiés comme tels. Néanmoins, il n’est pas possible d’établir un lien mécanique entre le nombre de délits commis et le stigmate de « mauvaise renommée »18. En effet, les quelques registres évoqués, à l’appui de cette stigmatisation d’une classe dangereuse, peuvent être des sélections de cas présentés à l’appui d’une volonté politique sécuritaire à l’instar du registre criminel du Châtelet19.

Les travaux des sociologues ont appris aux historiens une double méfiance : d’une part à l’égard du lien entre une qualification normative d’une infraction et la réalité du traitement de cette infraction par la justice ; d’autre part à l’égard du discours dominant envers les catégories sociales dominées. Autrement dit, ce ne sont pas les récidivistes qui, au départ, produisent le discours dominant sur la récidive. Et quand bien même la coutume ou l’édit prévoient un traitement sévère, encore faut-il que les textes soient appliqués. Force est donc d’examiner les pratiques dans leur complexité.

Pratiques judiciaires

Les recherches menées sur la pratique judiciaire des villes médiévales confirment que la question de la récidive ou réitération est intimement liée au vol et aux profils de latrones publici.

A Fribourg, à la fin du Moyen Age (1475-1505), « la récidive […] représente l’un des facteurs primordiaux pour le jugement final et forme le point commun de la plupart des prévenus inscrits au Livre Noir [Thurnrodel] ; en effet, elle distingue souvent le criminel avéré du simple malfaiteur, qui n’apparaît pas dans le recueil »20. En réalité, si la norme théorique prévoit qu’il suffit d’un deuxième méfait pour être considéré comme récidiviste21, dans la pratique, l’accumulation de préventions vise essentiellement à prouver cette caractéristique. La même peine de mort frappera le petit voleur et le brigand à répétition. Autrement dit, s’il y a réitération, il n’y a pas encore récidive. C’est plutôt une question de fixation d’un seuil entre « délit et crime ». En Avignon, à l’époque de l’installation des Papes, les peines corporelles frappent pour 80 % des voleurs (rôle des exécutions). Les peines les plus lourdes frappent comme au Châtelet ceux qui « ont volé de nombreuses choses », ont commis de nombreux méfaits22. Néanmoins, il faut mettre en perspective cette justice expéditive avec les nombreuses amendes qui frappent petits vols, fraudes et violences. Dans la législation locale de 1240 (la keure d’Eeclo) de la petite ville flamande d’Eeklo, le vol est réprimé sévèrement selon la valeur des objets volés : mutilation, peine de mort, bannissement de 100 ans « sur sa teste » en cas de contumace23. En réalité, aux XIVe-XVe siècles, l’application de cette sévère répression reste lettre morte. Elle prend une autre forme avec de nombreuses compositions motivées par le manque de preuves ou en fonction de la « povreté », ce qui n’exclut pas que les montants soient parfois très élevés. Dans une autre ville flamande, Alost, la dureté des textes normatifs est, elle aussi, atténuée par la pratique. En 1501, le bailli compose avec Laurens Meeux, accusé de vols de récoltes, vu « son povre estat […] et que c’estoit la première fois que de ce il avoit esté accusé ». En réalité, l’analyse de comptes montre que, vingt ans auparavant, il avait été composé pour le même délit24. Dans cette étude, l’auteur évalue à 10 % le nombre de récidivistes (au sens judiciaire). L’analyse de ces cas montre que « la pratique judiciaire de la ville d’Alost tient peu ou pas compte des antécédents judiciaires du condamné ; même en cas de vol cela semble être le cas »25. Au contraire parfois, le montant de la seconde composition est inférieure à la première. Analysant en outre l’accumulation de « crimes reprochés » à des fonctionnaires urbains, l’auteur affirme, de plus, que la répétition des crimes n’est pas une raison de révoquer un fonctionnaire de ses charges. Patronage et clientélisme protègent aussi bien les fonctionnaires comtaux qu’urbains26. Il en va de même des lettres de rémission qui en dépit de l’argument invoqué par les suppliants de n’avoir aucun antécédent judiciaire, accordent sans vergogne la grâce à des auteurs de délits répétés. Ainsi, les travaux réalisés pour les villes des Pays-Bas, pour lesquelles on dispose de séries comptables, suggèrent que la variété des sanctions du XVe siècle contraste avec la sévérité des peines promulguées par les textes normatifs. On y trouve des listes de compositions financières (en recette), mais aussi des mutilations et des exécutions capitales (en dépenses). Ainsi, à Bruxelles, les auteurs de vol sur la voie publique sont en général pendus. Malheureusement, les sources (ou les auteurs de travaux) ne précisent pas toujours les motifs de la sanction et notamment la place de la récidive.

L’enquête dans la littérature existante reste décevante sur le plan de l’analyse fine de la notion de « récidive ». A ce stade, le seul lien fort établi est celui qui lie le vol et la récidive. La diversité de traitements des voleurs dans la pratique s’expliquerait par deux facteurs : le mode d’appréhension du voleur (flagrant délit ou rumeur difficile à établir) ; et le statut du voleur (intégré à la société ou marginal). Notons enfin que seule une cause d’excuse comme la jeunesse justifie un mécanisme de stigmatisation, permettant ensuite la détection d’une récidive aggravante (par exemple la mutilation du petit doigt pour les voleurs de bourses ou la mutilation de l’oreille qui remplace la pendaison).

Un autre indicateur de la pertinence d’une notion de récidive pourrait être l’exercice de la torture constitutive de la procédure criminelle médiévale et moderne.

Torture et récidive : liaison incertaine

Grâce à des travaux récents, nous pouvons explorer l’usage de la torture comme indicateur de la récidive. Au Moyen Age classique, dans la doctrine comme dans la pratique des juridictions royales, la justification de la torture porte sur l’existence d’indices « véhéments » ou de suspicion de crime. Néanmoins, rien ne permet d’indiquer que la récidive entraîne la mise à la question27. Les chartes urbaines étudiées pour le Midi mentionnent quelques élément intéressant notre propos. D’une part, la torture est souvent interdite pour les gens de « bonne fame et renommée », notamment pour les bourgeois des villes. C’est le cas dans le texte de « base », l’Ordonnance de Saint Louis pour le Languedoc de 1254, dont la disposition est répétée dans de nombreuses chartes locales. En corollaire, la diffamatio, la mauvaise renommée, les personnes de mauvaise vie et de mauvaise réputation peuvent subir la torture moyennant décision du seigneur et des consuls comme dans le statut de Condom en 1314. D’autre part, en cas de vol, la récidive influence le recours à la torture. Ainsi le statut de Bordeaux de 1252 prescrit que le seigneur peut mettre le prévenu à la question « destinée à obtenir la vérité », si celui-ci est récidiviste ou si c’est une personne vile ou mal famée et s’il n’est point clerc28. D’autres coutumes précisent qu’un voleur trouvé en possession de l’argent dérobé, sera fustigé et chassé de la ville, mais il ne sera pas soumis à la question, ni marqué d’un signe d’infamie29.

En va-t-il de même en pays de coutumes ? Ici encore les études livrent deux enseignements majeurs. Dans les principautés des Pays-Bas, on remarque que l’introduction de la torture est tardive (XIIe-XIIIe siècles). Les premiers textes de franchises nous en rapportent l’existence de manière négative, pour signaler que les bourgeois en sont exemptés. Il semble également établi que l’introduction de la question va de pair avec l’introduction de la procédure inquisitoire.

Comme on le voit, les textes n’évoquent que de manière indirecte la récidive, en cas de vol.

A partir du XVIe siècle, la torture est intégrée au droit pénal – et réglementée – par le discours des criminalistes. Dans les Pays-Bas rien n’indique que la torture est liée à la récidive30. En réalité, la pratique semble ici s’écarter de la norme.

La torture dite « d’inquisition » est prévue dans une ordonnance de Charles-Quint en 1540 qui définit son usage envers les vagabonds, les soldats débandés et les errants. Cette torture reste pratiquée jusqu’au XVIIIe siècle dans un contexte, où les indices « véhéments » de crime sont fréquemment réduits à la seule considération d’un profil criminogène, induisant une probable accumulation de crimes31. Le système des preuves légales (pleine, demie et quart de preuve), focalisé sur la certitude du délit, échoue dans la mesure où il est pensé dans un contexte juridique où le profil du crime justifie le mode de procédure, alors que les mentalités sociales considèrent que le profil du criminel justifie le choix de la procédure. Telle que nous l’avons définie plus haut, la récidive « sociale » devient clairement un enjeu à la période moderne. Une étude fouillée sur le développement de la torture en Suisse occidentale nous montre de manière détaillée les liens entre le développement de la torture et des catégories particulières de « patients » : hérétiques, « sorcières » et brigands. Dans les trois cas, la persistance dans le comportement est un élément constitutif du crime. Et la torture visera tout naturellement à confirmer ce profil. Dans cette logique, il est cohérent de torturer les suspects convaincus32. Ainsi le détour par la torture nous permet d’affiner les hypothèses de départ. Il existe bien un cadre mental qui permet de penser la récidive légale. Il s’agit de la tradition romaine de la répression du vol. La réitération du comportement n’existe comme circonstance légale qu’en matière de vol et dans un contexte où l’accumulation (l’excès) d’actes déviants, commis par un individu généralement connu (famé), est un critère de discernement pour les autorités.

En revanche, le développement canonique autour de la répression de l’hérésie introduit un autre critère de dangerosité. La persistance du comportement entre dans la définition même de l’hérétique (pertinax) et justifie, dans la ligne de la tradition ecclésiastique un traitement particulier. La procédure inquisitoire vise à détecter ce caractère persistant. Au XVIe siècle, de l’hérétique il s’étend à d’autres figures de déviants : la sorcière ou le brigand. Dans ce cadre « inquisitorial », on peut s’étonner que la récidive légale soit si peu considérée comme une condition suffisante de mise à la question. Il est vrai qu’une telle pratique supposerait un « casier judiciaire » inexistant dans les esprits et les réalités. La seule mémoire que possèdent les juges locaux est précisément celle de leurs bourgeois précédemment condamnés. En revanche, des étrangers, que savent-il de leur parcours judiciaire ?

Néanmoins, la notion actuelle de récidive semble se former au confluent de ces deux traditions à travers le déplacement du regard des juges, du crime vers le criminel. Pour vérifier cette évolution de longue durée, une étude systématique d’une communauté locale peut nous aider.

Une étude de terrain : Nivelles en Brabant

L’exemple de Nivelles permet une mesure de la « récidive » à travers la vaste palette d’environ 9000 « amendes de justice », entre 1378 et 1550. Pour la période 1550-1795, plus d’un millier de procédures judiciaires devant la cour locale complètent le panorama des sources.

Réitération sans récidive (1400-1520)

Une première mesure est l’existence d’une terminologie de la récidive ou du récidiviste dans les sources. Force est de constater qu’elle est quasi inexistante avant la fin du XVe siècle, à partir desquelles années les ordonnances prévoient davantage de sanctions aggravées en cas de réitération d’un délit.

Une autre mesure de la récidive, plus sociale celle-ci, est celle des homonymes rencontrés dans les listes d’amendes. Anthoine Le bisse est condamné à six amendes pour violences, entre 1435 et 1447. Il a tantôt tiré son épée « en venant courant sur le marchié, ses proismes se combattant » (1443), tantôt blessé des adversaires (en 1435-1436, 1440-41 et 1443) tantôt injurié des bourgeois (1438-1440)33. En aucun cas, il ne subit une peine plus lourde, malgré la réitération de ses manières violentes. Hanot le Coutel (l) ier subit également entre 1429 et 1437 sept amendes pour violences, « frappage à maison » ou enquête contre une nivelloise34. Dans les deux cas, il s’agit d’auteurs bien connus de la communauté. Entre bourgeois, la réitération de la violence n’est donc pas corrélée avec une gradation de la sanction, comme le montre le recours à des paiseurs35. La seule logique de différenciation se fait au détriment des étrangers qui risquent des peines doubles des bourgeois. Les comptes de justice des XIVe-XVe siècles ne font jamais état du terme de récidive. Ils ne mentionnent guère le vol, sinon à propos de hors-la-loi pendus pour leurs divers excès.

Il existe cependant un comportement dont la réitération entraîne une sanction aggravée et sans doute une procédure plus rigoureuse : la trêve brisée. En effet, pour lutter contre la violence incessante entre familles, les autorités peuvent proclamer une trêve et exiger une promesse de cessation temporaire de la violence entre des familles. Si les protagonistes ont « juré trèves », tout nouvel acte de violence entre eux introduit une aggravation de la sanction. En 1423-1425 un certain Gerard le Mesureur est composé par le maire de Nivelles, pour avoir brisé trêves avec Jehan de Vivier. Jugé à la volonté de Madame (l’abbesse de Nivelles) sur la halte salle comme précise le compte36, il s’accorda pour une somme importante de 150 couronnes de France37. En 1487-1488, Jacquemart Le Fèvre subit la grosse amende de 60 royaux pour avoir « efforcet triewes et desraisonnables maintiens et oultrageux envers la ville »38. Dans les deux cas, à soixante ans de distance, on observe que la somme exigée est très importante et la qualification du délit très lourde. Les auteurs sont cependant des habitants de la cité et ne font en rien l’objet d’un traitement infamant. En outre, l’infraction porte sur la rupture d’un pacte que les auteurs s’étaient engagés à respecter sous le contrôle des échevins de la commune.

L’apparition des « repris de justice » : durcissement punitif et peur des vagabonds (1520-1550)

Vers la fin du XVe et au XVIe siècles dans la cité brabançonne, crise économique, durcissement politique et recomposition sociale laissent clairement des traces dans les sources judiciaires. Les notices comptables se font plus disertes sur le profil des condamnés ou des exécutés.

On assiste à la construction d’une nouvelle sociologie criminelle. Rappelons que les sources de la pratique nivelloise n’évoquent jamais la notion de récidive. La réalité apparaît en 1530-1531, quand Jacques de Vos, déjà fustigé pour avoir été en la compagnie d’un autre voleur, est repris suite à un vol à la tire. « Préférant miséricorde à justice », les échevins nivellois le condamnent à être « de rechief foeté de verges et che fait tenu de demorer trois ans hors des pays de l’Empereur notre sire si hault que sur l’usaige du pays »39.

La notion même de repris de justice n’apparaît pour la première fois qu’en 1535-1536 dans les comptes du maire de Nivelles. Jehan de Ghion, qui « une fois a été repris de justice pour menus larchins », a été « rémissionné par madame de Nivelles parmi payant aux seigneurs 5 florins carolus »40. La résolution de ce conflit est un indice de l’hésitation de la pratique vis-à-vis de ce phénomène. La composition est une solution médiévale dans le cadre des « privés acords » avec le pouvoir seigneurial, l’intervention de l’Abbesse, sous forme de rémission, est une initiative « moderne », sous la pression de l’expansion à la même époque de la rémission des crimes par le Prince : Charles-Quint41. Ensuite, on trouve Clarisse Delporte qui a « copé des bourses » après avoir été « reprise de justice à trois fois »42. Les préventions retenues contre Jean Dufour dessinent le portrait chargé, à la limite de la caricature, de ce nouveau criminel dans le collimateur de la justice. Il est accusé de « plusieurs mourdres, de trahison contre nostre seigneur, de sacrilège, d’avoir bouté le feuz et de beaucoup de larcins ». Sa collection de crimes lui vaudra d’être « bruslé viff » par le bourreau nivellois43. Le cas n’est pas unique. Le nouveau vocabulaire employé synthétise les caractéristiques de cette nouvelle « criminalité ». Progressivement, dans la première moitié du XVIe siècle, les qualificatifs des crimes changent. Les comptes parlent moins des « desmérites, délictz, oultraiges, mesus et desraisonnables maintiens », et évoquent davantage la « mauvaise et infame vie, le mauvais règlement, le désordonné gouvernement », le caractère « mal famé et renommé de l’accusé, hantant mauvaises gens »44. La qualification, même vague et stéréotypée, est révélatrice de la mutation des préoccupations de la justice. De la qualification des « cas criminels », le vocabulaire glisse vers la définition du comportement criminel. La punition de l’individu remplace la sanction du fait.

L’émergence du vagabond, comme figure criminelle, confirme ce phénomène comme l’a montré Bernard Schnapper et que nous avons pu confirmer pour le Brabant45. Cette figure n’est qu’une version d’une nouvelle définition du criminel, que l’on retrouve dans d’autres figures de la lèse-majesté divine et humaine46. Pour l’hérésie et la sorcellerie, la nature du crime recherché explique ce changement de regard. La preuve du crime d’hérésie reposait sur la démonstration d’un comportement obstiné ; ce comportement était l’objet principal de la procédure d’enquête. Il fallait dépister des comportements et des opinions inavoués chez le suspect. L’idée d’obstination dans le crime, appliquée plus tard aux sorcières et aux vagabonds, favorisa la notion de récidive, fondement du système répressif moderne.

La notion de récidiviste se dégage du changement de regard sur le crime : la justice cherche moins des figures de crimes, que des figures de criminels endurcis : la sorcière, le vagabond et le larron. Cette figure sociale du « récidiviste » est sans doute un élément-clé de l’invention de l’homme moderne. Le parallèle entre l’inscription systématique de la torture dans la procédure criminelle47, la réorientation des prévôtés de maréchaux vers la chasse aux vagabonds48 et la systématisation des châtiments publics et corporels dans la première moitié du XVIe siècle n’est en rien hasardeux49.

Sur le plan de la réflexion pénale, le modèle médiéval de l’aggravation géométrique de la sanction sera notamment vulgarisé, au XVIe siècle, par un criminaliste flamand, Philippe Wielant.

Tableau 4 Peines encourues par le voleur chez Philipe Wielant (XVIe s.)50

1er vol : fustigation
2e vol : amputation
3e vol : exécution

Le déplacement de la vision du danger et l’importance du profil criminel entraînent un développement nouveau de la pénalité dans les années 1520-1530. Les peines sont également transformées par la philosophie qui les sous-tend. La fonction exemplative de la peine est devenue centrale au début du XVIe siècle. Ce mouvement touche tant les peines classiques, d’origine médiévale, que les peines criminelles51. La peine classique au Moyen Age était l’amende. Ces amendes ont été mises en place au cours du XIVe siècle et confirmées par une ordonnance de 1438 qui les a revalorisées et hiérarchisées. Elles sont caractérisées par un montant fixé par les autorités, l’application automatique de l’amende au prorata du nombre d’infractions constatées et l’acquittement immédiat aux échevins ou aux rewards, sur procès-verbal. Elles forment le niveau de « simple police » et concernent principalement les agressions physiques et l’ensemble des contentieux envers les autorités urbaines (contraventions aux ordonnances commerciales et aux décisions de justice).

Au XVIe siècle, les autorités urbaines étendent et développent leurs compétences en matière de police. De nouvelles ordonnances de police tentent d’organiser la protection des espaces publics (couvre-feu, entretien des jardins, ordures) et de répondre aux crises du temps (maladie, crise agricole, insécurité). Ces ordonnances reposent en général sur un dispositif pénal inspiré des ordonnances royales de l’époque. Une amende de base est doublée en cas de récidive. En cas de persévérance dans l’infraction, une peine corporelle est applicable. Le système et la perspective ont changé. L’amende de police n’est plus corrélée arithmétiquement au méfait. Elle devient géométriquement graduée en fonction de la fréquence du comportement. Mais la mutation la plus spectaculaire touche les peines criminelles. Désormais, toute peine criminelle doit être appliquée en public et comporter des rites spectaculaires52. Parmi ces peines nouvelles, certaines sont corporelles, d’autres plus spectaculaires. Les unes atteignent le criminel dans son corps, les secondes dans son honneur. Le droit urbain, dans la première moitié du XVIe siècle, perd de son autonomie et subit l’influence du droit monarchique. Comme dans de nombreuses villes à Nivelles, les ordonnances royales se multiplient et se superposent aux ordonnances urbaines53. Au pénal, le nouveau droit mis en place contre les errants, les vagabonds, puis les hérétiques, introduit la criminalisation de nouveaux comportements. C’est dans ce cadre que se développe la peinephare des temps modernes, le bannissement. Le bannissement judiciaire, c’est-à-dire l’interdiction prononcée par un tribunal de séjourner dans une juridiction, sous menace de peine criminelle, apparaît au tournant des XVe et XVIe siècles. Il n’est jamais rachetable et son extension varie dans le temps, comme dans l’espace. Il vise essentiellement les étrangers et principalement les vagabonds. Il est intimement lié à la notion de récidive et fonctionne comme une sanction graduée. Du point de vue pénal, la mesure est nouvelle. Du point de vue plus large de la « gestion des illégalismes », la mesure n’est pas neuve. Il s’agit de donner un statut pénal aux mesures d’expulsion administratives des vagabonds54. L’apparition de la notion de récidive et le caractère peu coûteux de la mesure peut expliquer l’empressement des juges à utiliser le bannissement envers les errants. C’est également dans cette logique discriminante que s’inscrivent les peines complémentaires. La fustigation et la mutilation des oreilles, puis du nez, plus tard remplacées par la marque servent à désigner, aux autorités, un individu « repris de justice ». Marque, tonte et exposition au carcan ne sont en effet jamais appliqués isolément, mais toujours en complément d’autres peines.

Ces peines n’ont leur véritable fonction qu’à l’intérieur du droit pénal moderne où la notion de récidive transfère la « dangerosité » de l’infraction sur la personne du suspect lui-même. La systématisation de la procédure secrète d’enquête en matière criminelle impose le recours aux preuves formelles55. Pour criminaliser un comportement habituel, il faut établir la notion de récidive. La fustigation, la tonte et surtout la marque serviront donc de méthode d’identification des suspects à l’intérieur de ce nouveau processus pénal56.

L’exposition publique (carcan et pilori) devient une peine complémentaire du bannissement ou du voyage. Il semble que divers systèmes aient été essayés. L’exposition au pilori précède le carcan, adopté par la suite. Les malfaiteurs étaient exposés un certain nombre d’heures sur la place du marché, généralement avant d’être conduits aux limites de la seigneurie et bannis ou envoyés en pèlerinage. Parfois l’exposition s’accompagnait d’une fustigation de verges.

L’ère des bannis (1550-1750)

Ce phénomène, qui explose littéralement de 1530 à 1550, est confirmé par les sources nivelloises pour les années 1550 à 1650. On le voit dans le profil des condamnés à mort et des bannis. Le profil des condamnés à mort est très précis. Quelques figures typiques reviennent régulièrement ; certains condamnés sont des récidivistes notoires. Laurent Paul a été battu de verges à Genappe, flétri à Bruxelles. Andrieu le Beghe a subi le fouet à Binche et porte deux marques de Mons57. Noël Barbar, Nicolas de Latte, Louis Darche ont fait leurs armes dans la troupe. Ensuite, ils ont déserté et se sont mis à piller pour leur compte.

Trois ou quatre bannis ou déserteurs s’associent pour piller des fermes, chauffer les pieds des censiers, bref pratiquer un brigandage organisé à l’instar de Michiel Bourge58. Pierre le Houwe est identifié, grâce aux confessions de ses complices saisis à Soignies59. Jacques Piccard écume la Thudinie60 ; Jean Somillon et son complice Martin Haze sont spécialisés dans le vol d’église61. Andrien le Beghe travaille en famille avec ses fils et filles62. Ces groupes sont fluctuants, mobiles et restreints. Ils n’ont rien de commun avec les grandes bandes organisées du XVIIIe siècle63.

Le bannissement, accompagné de peines corporelles infamantes, constitue dans la pratique la forme criminelle de l’expulsion. La rigueur de la justice s’abat sur les criminels endurcis. Quatorze d’entre eux subissent la marque « à la croche » de la ville. Il s’agit en général de récidivistes, déjà bannis par d’autres justices ou suspects d’une collection de crimes. Cette peine est substituée à la peine de mort, en cas de prise en compte par la justice de circonstances atténuantes (la jeunesse, la contrainte, etc.). Elle remplace la peine de mort pour les accusés qui n’ont rien avoué sous la torture.

Pour un petit nombre de sentences (5 %), la formule habituelle du bannissement est remplacée par une obligation de se retirer endéans trois ou huit jours de la cité. Ce sont des décisions de la cour, actées sans forme. Sans doute, s’agit-il simplement d’entériner une mesure administrative d’expulsion, décidée par ordonnance de l’abbesse et des trois membres.

Cette formule est également employée envers les personnes bannies ou expulsées qui reviennent dans la cité. La sentence ne doit plus être rappelée. En cas de récidive, la peine comminée dans la sentence précédente est décrétée purement et simplement64. A Nivelles, la mutilation déjà usitée dans la première moitié du XVIe siècle, disparaît rapidement dans la seconde moitié du siècle. Le seul cas rencontré, le percement de la langue pour un ivrogne « blasphémateur » est exceptionnel65. La peine issue des placards sur l’hérésie est utilisée dans un contexte institutionnel totalement nouveau. On ne coupe plus les oreilles et le nez aux voleurs. D’autres peines remplacent ces pratiques : le fouet est appliqué à de nombreux voleurs, vagabonds et déserteurs. A Nivelles de 1551 à 1650, 36 condamnés le subissent dont 14 sont également marqués66.

La marque remplace la mutilation : elle permet d’inscrire dans la chair du criminel sa condamnation et par-là même, de le signaler comme repris de justice à d’autres institutions.

A partir du XVIIe siècle, le tribunal introduit une innovation dans la sentence pénale. Il ajoute aux peines prononcées une clause d’interdiction de récidive à l’avenir. Cette clause est inscrite dans les jugements de bannissement, mais également dans d’autres sentences. Cette interdiction peut être simple ou qualifiée : en ce cas, la peine encourue en cas de récidive est par avance déclarée ; en cas d’amende, la récidive est interdite sous peine de peine arbitraire et corporelle ; en cas de bannissement temporaire, sous peine de bannissement définitif ; en cas de fustigation, sous peine de la marque et enfin, en cas de bannissement définitif, sous peine de la « hart » ou de la vie. Un récidiviste, repris par la même juridiction, pouvait encourir automatiquement la peine comminée par la précédente sentence.

Cette clause s’insinua dans d’autres décisions moins graves. En cas d’injures, de coups et blessures, de contravention aux édits urbains ou de fraude, la cour assortissait la sanction d’une interdiction. Il ne semblait cependant pas qu’en ces matières de police et de correction, l’interdiction jouât comme circonstance aggravante de la décision. Parfois enfin, l’interdiction constituait l’essentiel de la sanction. Envers cinq individus accusés d’injures et de blessures, les juges édictaient simplement une interdiction de recommencer leur agression à l’avenir67. Ces clauses étaient une application directe de la notion de récidive, qui apparaît comme circonstance aggravante dans les jugements du XVIe siècle.

A partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, la justice préfère les « pratiques molles ». Entre 1646 et 1695, seuls sept voleurs sont marqués68. Sur une centaine de sentences criminelles du XVIIIe siècle, un homicide, neuf voleurs et huit vagabonds, tous récidivistes, subissent le même traitement. La marque semble cependant disparaître dans la seconde moitié du siècle69.

L’étude de terrain nous montre comment le système pénal se transforme en intégrant progressivement, dans la procédure (la torture) et la peine (marque et bannissement), la notion de récidive. Cette transformation se fait au plan local, entre la fin du XVe siècle et la première moitié du XVIe siècle, dans un contexte de peur sociale. Elle s’inscrit dans l’évolution globale de la justice en Europe occidentale.

Vers la récidive légale : les moments des temps modernes

La période 1650-1750 est caractérisée par une justice « à deux vitesses ». Assez tolérante pour la majorité des justiciables, elle se focalise sur quelques figures dangereuses : « à avoir tous ceux qui ont violé la “paix jurée”, enter les habitants, les violents “excessifs” (c’est-à-dire dangereux pour leur communauté), les voleurs multirécidivistes, les brigands de grand chemin, les révoltés et les traîtres, auxquels s’ajoutent les hérétiques et les sorcières, au moins provisoirement, et plus durablement les vagabonds et les marginaux »70. Dans les villes, le vol constitue le comportement dont la récidive est la mieux déterminée. En France, pour Arlette Farge s’intéressant au voleur d’aliment à Paris, le cas de récidive soulève peu de problèmes ; l’article 4 de la Déclaration royale de 1724 est clair et prévoit toutes les circonstances possibles71.

Ceux et celles qui, après avoir été condamnés pour vol, ou flétris de quelqu’autre crime que ce soit, se trouveront convaincus de récidive en crime de vol, ne pourront être condamnés à moindre peine que, scavoir les hommes aux galères à temps ou à perpétuité ; les femmes à être de nouveau flétries d’un double W, si c’est pour récidive de vol, ou d’un simple V si la première flétrissure a été encourue pour autre crime, et enfermées à temps, ou pour leur vie dans les maisons de force ; le tout sans préjudice de la peine de mort, s’il y échet suivant l’exigence des cas.

En réalité le schéma ne semble pas si clair. Il impose la peine selon le sexe (galères pour les hommes, marque et enfermement en maison de force pour les femmes) mais laisse à l’arbitraire du juge le choix du quantum (à temps, à perpétuité, voire la mort). De plus, il distingue la nature du premier crime : vol ou autre crime.

Tableau 5 Peines encourues par les récidivistes dans l’Ordonnance française de 1724 (source A. Farge)

1re condamnationvolautre crime
2e condamnation Femmes Hommesmarque W + enfermement galèresmarque V + enfermement galères

On a donc affaire à l’élargissement du modèle répressif du vol à la récidive de n’importe quel crime. En 1731, une déclaration royale rend la condamnation sans appel. Dans la réalité, à en croire l’Inventaire 450, seul 15 % des voleurs d’aliments parisiens ont été précédemment condamnés par la justice. Si on retire les simples arrestations et les manquements à la discipline militaire, seuls 2 voleurs sur 145 ont un réel profil de « récidivistes »72.

Un autre angle d’attaque est celui des galères et de l’enfermement. Dans son étude sur les galériens du roi de France, André Zysberg remarque la proportion importante (63 %) de voleurs. Cependant, parmi cette catégorie, beaucoup sont des primo condamnés, des voleurs d’occasion, comme en témoignent les hausses de recrutement au moment des grandes crises économiques. Le poids des récidivistes s’accroît dans la mesure où la flétrissure antérieure entraîne immanquablement la condamnation « sans espérance de rachapt »73. Un autre enseignement ressort de l’étude de la population galérienne : la tentative avortée de criminalisation du vagabondage et de la mendicité répétée depuis 1680 en France. Les pics de condamnations évoluent au rythme des édits répressifs puis retombent aussitôt. A partir de l’Ordonnance de juillet 1724, l’augmentation est sensible, mais ici encore tous sont loin d’être des récidivistes judiciaires, mais plutôt les gibiers des prévôtés réorganisées74. Ici encore, l’Ancien Régime semble marqué par la confusion entre la récidive judiciaire et la répétition d’un comportement déviant.

La question des antécédents judiciaires n’est fondamentalement prise en compte dans la pratique qu’à la fin de l’Ancien Régime. Au début du XIXe siècle, la distorsion entre le discours du droit et les pratiques de la justice demeure. Ainsi à Neuchâtel, un arrêt d’improbation du Conseil d’Etat souligne que « toute récidive est punie avec plus de rigueur que les délits qui l’ont précédée, et cela lors même que la peine encourue pour les premiers délits à été subie ». L’arrêt ne s’applique cependant pas à un voleur endurci dans le crime, mais à une femme coupable de quatre couches illégitimes et de nouveau enceinte, que la justice des Brenets s’était refusée à qualifier de « prostituée ». Le Conseil ajoutait « que ce qui se pratique en matière de contravention aux ordres de la seigneurie, de vols récidivés et autres cas auroit du suffisamment éclairer ladite justice sur ces vrais principes de la jurisprudence »75.

En matière de vol, cette jurisprudence est attestée face aux suspects de banditisme et de vols répétés. La première condamnation est un avertissement qui laisse ouverte la porte de la clémence de la justice. En revanche, la répétition du crime est un indice de l’incorrigibilité du criminel. Seule la corde peut l’arrêter. Cependant, ce discours de « tolérance zéro » cache mal les contradictions de la justice d’Ancien Régime. Philippe Henry donne l’exemple d’un tailleur d’habits de Valangin. Banni à perpétuité de Valangin, pour vols multiples en 1789, il fut fouetté et banni du même lieu quelques mois plus tard, après de nouveaux vols après une commutation de sa peine de décapitation en bannissement sous peine de mort. A nouveau arrêté, il fut condamné à mort, mais grâce à une nouvelle commutation de la peine, il subit un emprisonnement à vie au château de Valengin. Evadé trois fois en deux ans, il finit par être décapité en 179376. Ces cas ne sont pas rares. Ils témoignent d’un souci des juridictions supérieures d’une meilleure prise de conscience des « carrières criminelles » des délinquants « endurcis dans le crime »77. La réitération des crimes ou le concours d’infractions entraîne clairement une peine criminelle lourde. Comme le montre l’analyse de nombreux dossiers, la notion d’excès sert alors, en l’absence de condamnations antérieures, à définir un profil « criminel » que l’on charge de la plupart des crimes impunis, en général des vols qualifiés, mais aussi des abus de pouvoirs, des violences physiques ou du harcèlement sexuel. L’information préparatoire mentionne une impressionnante série de « crimes » commis dans une région parfois vaste et sur une durée dépassant les prescriptions actuelles. Le recours à la torture constitue un dispositif central pour obtenir l’aveu du criminel. Ainsi à Neuchâtel, 51 criminels subirent la question au XVIIIe siècle. Il semble que ce ne soit pas la nature ou la gravité de leur crime seules, mais surtout la répétition des crimes suspects qui ait motivé leur mise à la torture78.

On sait que la seconde moitié du XVIIIe siècle est caractérisée par une nouvelle « montée du flot des errants » en France et aux Pays-Bas. Ceux-ci vont grossir le « gibier » des juridictions prévôtales qui contrôlent sinon les campagnes, du moins les voies de communication et les accès aux villes79. La croissance des jugements rendus par ces juridictions « expéditives », dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, est manifeste en Languedoc, en Normandie comme dans les Pays-Bas Autrichiens. Privilégiant la chasse aux errants, ces juridictions focalisent aussi le regard policier et judiciaire sur les atteintes aux biens, c’est-à-dire les comportements où la récidive est théoriquement un facteur aggravant depuis le Moyen Age. Le voleur urbain synthétise la peur de la société de la fin du XVIIIe siècle, surtout lorsqu’on découvre les liens entre vol urbain et banditisme rural80, à travers le phénomène de l’immigration urbaine, qui culmineront lors de la décennie troublée de la Révolution (1788-1798)81. Les données françaises sont largement confirmées pour d’autres régions. La croissance rurale s’arrête sur une crise violente qui oriente de nombreux jeunes ruraux vers les activités illégales.

La réponse pénale classique était l’identification des récidivistes par la marque et le bannissement. L’envoi au bagne dans le Royaume de France, et plus tard la pénalisation de l’enfermement forcé sont d’autres tentatives pour enrayer le phénomène de vagabondage judiciaire que le bannissement encourageait jusqu’alors. Mais ces tentatives sont essentiellement « réactives ». Apparaissent depuis la fin du XVIIe siècle, des techniques plus « proactives » comme l’infiltration des milieux « criminels » par des mouches ou la surveillance spécifique des tavernes par des agents de police. Ainsi entre Pays-Bas autrichiens, Principauté de Liège et Provinces-Unies, les grandes opérations de rafles montées contre les bandes dans les années 1770-1780 sont précédées par un repérage systématique des traces, lieux et signes de la récidive82. L’enquête préparatoire et notamment l’usage de la torture d’inquisition, servait autant à construire l’information sur les réseaux criminels qu’à punir le criminel. La récidive et la réitération des vols, mais aussi des pratiques suspectes (observation, rencontre à la taverne, location d’une chambre) devenaient des indices de « suspicion » pour les juges. Certains cependant dénoncent la faillite d’un système judiciaire qui se focalise sur les figures de la récidive sociale, sans s’attaquer aux causes de celle-ci : la pauvreté. Les nouvelles réponses combinant punition et travail forcé sont les diverses formes de confinement : confinement dans les galères en France et en Espagne, confinement dans les colonies en Angleterre, puis plus tard en France, et confinement en maison de force dans de nombreuses régions d’Allemagne, ou des Pays-Bas.

Remplaçant progressivement la marque et son système de codification de l’endurcissement au crime, la prison « crée » une nouvelle catégorie de repris de justice : l’ex-convict ou le forçat libéré. La création d’une statistique judiciaire, puis d’un casier gardant la mémoire individuelle des trajectoires judiciaires permettra de mettre en valeur (ou de créer) la notion de récidiviste légal à partir des années 185083.

Pour conclure

Résumons notre propos. La récidive est-elle une invention médiévale ou un symptôme de modernité ?

Invention médiévale ?

La notion actuelle de récidive (qu’elle soit légale ou sociale) ne peut être plaquée sur les témoignages médiévaux. Si le mot de récidive est bien connu au Moyen Age, il est limité à la matière du vol. En outre, la rigueur du droit est fréquemment tempérée par la miséricorde des juges. En témoignent le peu de documentation, mais aussi l’absence de la notion dans les sources sérielles, comme les registres de bannissements urbains ou les comptabilités de justiciers. Il est vrai que, pour la société médiévale, la violence physique est la menace dominante pour l’équilibre social. Et cette violence n’est pas concentrée en quelques individus, mais disséminée dans la culture de la communauté. Les autorités, en particulier les villes, privilégient des formes de contrôle permanent des conflits internes à la communauté locale. L’amende est la réponse la plus appropriée à la menace. Les classements sont simples. Chaque comportement précis est tarifé par une amende correspondante. La notion de récidive est peu pratiquée ; la réalité du dommage est prise en compte, plus que l’intention. L’intervention des autorités est orientée vers la sanction du comportement précis et la réparation du préjudice. Sous son double aspect de l’amende et de la composition, l’administration judiciaire privilégie la taxation. Ce système bon marché peut bénéficier aux autorités à deux conditions : la maîtrise de l’espace du contrôle social (les murs de la ville) et une activité économique prospère. Ajoutons-y la « mentalité judiciaire » qui fait des juges davantage des arbitres face à des faits peu contestés, voire reconnus par les parties. Le vol constitue pratiquement l’unique crime dans le traitement duquel la récidive intervient.

Il existe cependant un domaine où la récidive s’élargit : la procédure inquisitoriale. Développée à l’origine en droit ecclésiastique dans le cadre de la répression des crimes de lèse-majesté, en particulier les hérésies, elle reste au Moyen Age cantonnée à un secteur minoritaire de la justice. Il n’en ira plus de même à partir du XVIe siècle.

Symptôme de modernité

A partir du XVIe siècle, la récidive devient un facteur clé du système pénal ordinaire. Plus largement, le perfectionnement du système inquisitoire s’effectue par un transfert des pratiques romano-canoniques contre les hérétiques, vers les juridictions laïques, préoccupées par l’extirpation de comportements enracinés dans la société : l’hérésie, la sorcellerie, le vagabondage. Non seulement la récidive judiciaire est évaluée comme circonstance aggravante de la condamnation, à travers l’observation d’une trace physique suspecte (marque, mutilation). Mais en outre, la récidive sociale, la perception de la réitération du crime comme mode de vie, devient un élément constitutif de l’infraction criminelle. L’activité des « nouvelles justices » prévôtales est déterminante dans ce processus. Si le vagabondage n’est jamais formellement incriminé aux Pays-Bas, la suspicion d’habitude criminelle justifie, souvent pour les prévôts, la torture qui permet d’établir la récidive grâce à l’aveu du questionné. Plus tard il justifie le traitement par une juridiction spécialisée : la maréchaussée. Elément commun au Moyen Age et aux Temps Modernes : point n’est besoin d’une comptabilité précise « de la carrière délinquante », l’accumulation excessive, pêchée dans le droit romano-canonique médiéval, revisitée par les criminalistes de la Renaissance, suffit à envoyer le suspect à l’échafaud ou aux galères.

Comment expliquer l’expansion de la récidive dans le système criminel des temps modernes ? Bien des facteurs sont à l’œuvre. La peur du vagabondage liée sans conteste avec le manque d’emploi pour les jeunes ruraux et citadins entraîne l’assimilation du vagabond et du criminel d’habitude. Le durcissement pénal, lui-même produit d’un « réveil éthique » entraîne la mutation de peines médiévales peu stigmatisantes au profit de peines laissant leur marque sur le corps des condamnés84. En corollaire, la marque devient l’indice de la récidive, la trace de la dangerosité85.

Dans un petit état, tout le monde est surveillé ; personne ne peut se soustraire à l’œil vigilant de ses concitoyens. Dans un empire immense, il est nécessaire qu’une institution sage et active remplace cette surveillance respective86.

L’évolution de la récidive est en phase avec la mutation des formes de pouvoir territorial. L’extension de l’espace – de la ville à la principauté territoriale, ou du centre monarchique vers les périphéries – comme les crises fragilisent ce système et conduisent à d’autres menaces. Entre 1450 et 1550, ce phénomène se développe partout en Europe. A la croissance démographique et au blocage des subsistances qui créent des classes jeunes paupérisées, s’ajoute la rupture du consensus social fondamental des guerres de Religion. Le changement de mentalité de la justice, consacré par l’évolution du droit moderne vers l’individualisation des responsabilités et la recherche de l’intention, renverse la logique médiévale de la justice. Au lieu d’accorder des parties en conflit ouvert, il s’agit pour le juge de détecter des menaces cachées. La montée en puissance des atteintes aux biens, mais aussi la hantise de la sorcellerie dirigent alors le regard des autorités vers le comportement plus que vers le crime. La récidive pénale devient alors un critère social, un indice de la menace, un signe de la dangerosité, puis un témoin de l’incorrigibilité, surtout quand l’expansion des métropoles détruit les réseaux d’interconnaissance des communautés locales. Les stigmates de la condamnation remplacent la connaissance personnelle de la carrière dans l’identification du criminel « endurci ».

La généralisation des pratiques de confinement obligera les sociétés du XIXe siècle à reposer la question de la récidive, non plus à partir de la commission du crime, mais du statut pénal d’un suspect. « La théorie de la Récidive se lie étroitement à la théorie de l’emprisonnement »87. La fin de l’utopie de l’éradication du crime par son traitement collectif dans les années 1870 aboutit à la montée du récidivisme, comme plaie sociale, en entraînant l’illusion que la mesure de la récidive est une mesure sociale, alors qu’elle renvoie essentiellement à une mesure produite par le système pénal. Et c’est bien à l’époque moderne que s’est jouée l’insertion de la récidive dans le droit pénal en Europe.

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1 Bernard Schnapper, « La récidive, une obsession créatrice au XIXe siècle », Colloque du XXIe Congrès de l’Association française de Criminologie : le récidivisme, Paris, 1983, pp. 25-64.

2 Yves Cartuyvels, D’où vient le code pénal ? Une approche généalogique des premiers codes pénaux absolutistes au XVIIIe siècle, Paris-Bruxelles, 1996.

3 Bernard Schnapper, « La récidive », op. cit., p. 31.

4 Ibid., p. 63.

5 Jean-Claude Farcy, Guide des archives judiciaires et pénitentiaires 1800-1958, Paris, p. 212.

6 Un exemple nous est fourni par Emile van Hoorebeke, De la récidive dans ses rapports avec la Réforme pénitentiaire. (Etudes de législation comparée), Gand, 1846.

7 Trevor Dean, Crime in medieval Europe, Harlow-London, 2001 ; Nicole Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Age, XIIe-XVIe siècles. Rennes, 1998 ; Le règlement des conflits au Moyen Age, Paris, 2001.

8 Nicole Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Age, op. cit., pp. 27-28.

9 Raoul van Caenegem, Geschiedenis van het strafrecht in Vlaanderen van de XIe tot de XIVe eeuw, Bruxelles, 1954, p. 71, (Histoire du droit pénal en Flandre du XIe au XIVe siècles) ; il cite une sentence des échevins d’Ypres (de Pelsmaeker, Coutumes des pays et comté de Flandre, quartier d’Ypres. Registre aux sentences des échevins d’Ypres, Bruxelles, 1914, p. 204).

10 Ordonnance de Calais, 1253, 7 (édition dans Georges Espinas, Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal, I, Artois, 3 vol., Paris, 1934) citée in Raoul van Caenegem, Strafrecht, op. cit., p. 73.

11 Raoul van Caenegem, Geschiedenis van het strafprocesrecht in Vlaanderen van de XIe eeuw tot de XIVe eeuw, Bruxelles, 1956, pp. 244-245, (Histoire de la procédure pénale en Flandre du XIe au XIVe siècles).

12 Raoul Van Caenegem, Strafrecht, op. cit., pp. 73-74.

13 Fernand Vanhemelryck, « Het Brabantse strafrecht en zijn toepassing in enkele Brabantse steden in de XVe eeuw », in de Brabantse Stad. Tweede colloquium 23-24 november 1968, Bois-le-Duc, 1969, pp. 104-105 (« Le droit pénal brabançon et son application dans quelques villes brabançonnes au XVe siècle ») ; Philippe Cullus, « La délinquance dans les villes du comté de Hainaut à la fin du Moyen Age », in Autour de la ville en Hainaut. Mélanges d’archéologie et d’histoire urbaines offerts à Jean Dugnoille et à René Sansen, ath, 1986, p. 269.

14 Jacques Chiffoleau, Les justices du pape. Délinquance et criminalité dans la région d’Avignon, Paris, 1984, p. 215.

15 Ibid., p. 168.

16 Ibid., pp. 266-267.

17 Nicole Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Age, op. cit., pp. 109-110.

18 Bronislaw Geremek, Les marginaux parisiens aux XIVe-XVe siècles, Paris, 1976.

19 Nous renvoyons à la critique du registre attribuable à Aleaume Cachemarée par Claude Gauvard, « De grace especial ». Crime, Etat et Société en France à la fin du Moyen Age, Paris, 1991, vol. I, pp. 33 et s.

20 Patrick Gyger, L’épée et la corde. Criminalité et justice à Fribourg (1475-1505), Cahiers lausannois d’histoire médiévale, N° 22, Lausanne, 1998, p. 186.

21 H. Lehr, La Handfeste de Fribourg dans l’Uechtland, Lausanne, 1880, XXXIV, p. 74 ; « si secundo deprehensus fuerit […] » cité par Patrick Gyger, L’épée et la corde, op. cit., p. 187.

22 Jacques Chiffoleau, Les justices du pape, op. cit., p. 168.

23 Peter Stabel, « Misdaad en misdadiger in een kleine vlaamse stad gedurende de late middeleeuwen, (Eeklo 14de-15de eeuw) », in Appeltjes van het Meetjesland, 1989, p. 159, (« Délit et délinquant dans une petite ville flamande au bas Moyen Age »).

24 Bruxelles, Archives générales du Royaume (AGR), Chambre des comtes (CC) 13555 Compte du bailli d’Alost, 1er janvier-30 avril 1501, fol. 2 r° et 13454, Compte du bailli d’Alost, 1er janvier-30 avril 1501, f° 2 r°, cité par Lieve de Mecheleer, De criminaliteit te Aalst in de Late Middeleeuwen III, in het Land van Aalst, XLVII, 1995, p. 52, (La criminalité à Alost au bas Moyen Age).

25 Lieve de Mecheleer, De criminaliteit te Aalst, op. cit., pp. 52-53.

26 Ibid., p. 56 ; Barbara Hanawalt, « Fur-collar crime : The Pattern of Crime among the Fourteenth-Century English Nobility », in Journal of Social History, 1976, VIII, pp. 1-17.

27 Jean-Marie Carbasse, « Les origines de la torture judiciaire en France du XIIe au début du XIVe siècle », in Bernard Durand, Leah Otis-Cour (éd.), La torture judiciaire. Approches historiques et juridiques, Lille, 2 vol., 2002, vol. 1, pp. 381-419.

28 Maïté Lesne-Ferret et Leah Otis-Cour, « La torture dans le Midi de la France au Moyen-Age », ibid., vol. 1, p. 434.

29 Coutume de Pont-de-Beauvoisin, 1288 confirmée en 1336, citée par Maïté Lesne-Ferret et Leah Otis-Cour, ibid., p. 435.

30 Ce qui ressort de l’étude de Serge Dauchy, « La torture judiciaire dans les anciens Pays-Bas », ibid., vol. 2, pp. 507-538.

31 Tanguy le March’Adour, « La question préparatoire dans les Pays-Bas français : législation française et usages flamands (1679-1790) », ibid., vol. 2, pp. 743-800.

32 Olivier F. Dubuis et Marine Ostorero, « La torture en Suisse occidentale (XIVe-XVIIIe siècles) », ibid., vol. 2, pp. 539-598.

33 AGR, CC 12878, 1435-1436, Recette d’amendes fourfaites, 1438-1440, Recette de parolles injurieuses, 1440-1441, 1443 et 1447, Recettes d’amendes à mailles, Anthoine Le Bisse. On trouve encore un Anthonneth le Bisse en 1433-1434 pour fait mandeit, mais qui pourrait être son fils.

34 AGR, CC 12878, 1429-30, Recette d’amende fourfaites, 1430-143, Recette esqueues par justice. Recette de voyages, 1431-1432, Recette d’amendes fourfaites et 1437, Recette d’amendes fourfaites et recettes esqueues par justice.

35 Xavier Rousseaux, « Le prix du sang versé. La cour des “Appaisiteurs” à Nivelles (1430-1655) », Bulletin Trimestriel du Crédit Communal, N° 175, 1991, 1, pp. 45-56.

36 C’est-à-dire par le seigneur haut justicier, pour cas de crime entraînant une peine capitale.

37 AGR, CC 12878, 1er compte 1423-1425, Recette des privés accords.

38 AGR, CC 12880, 1487-1488.

39 Jacques de Vos, CC 12881, 1530-1531.

40 AGR, CC 12881, Compte du maire de Nivelles 1535-1536, Jehan de Ghion.

41 Voir à propos de la rémission en Brabant, Xavier Rousseaux, E. Mertens de Wilmars, « Concurrence du pardon et politiques de la répression dans les Pays-Bas espagnols au XVIe siècle. Autour de l’affaire Charlet, 1541 » in Jacqueline Hoareau-Dodineau, Xavier Rousseaux, Pascal Texier (éd.), Le Pardon, Limoges, 1999, pp. 385-410.

42 Clarisse Delporte, CC 12881, 1536-1537, Jacques De Vos, supra.

43 Jan Dufour, CC 12883, 1541-1548.

44 Agathe Jehanneau ; Janin Le Brulé ; Le Hamart, CC 12883, 1541-1548. Claude de Marbaix.

45 Bernard Schnapper, « La répression du vagabondage et sa signification historique du XIVe au XVIIIe siècles », Revue historique de droit français et étranger, 63, 1985, pp. 143-157 ; Xavier Rousseaux, « L’incrimination du vagabondage en Brabant (XIVe-XVIIIe siècles). Langages du droit et réalités de la pratique », Langage et Droit à travers l’histoire. Réalités et fictions, Louvain-Paris, 1989, pp. 147-183.

46 Mario Sbriccoli, Crimen laesae maiestatis. Il problemo del reato politico alle soglie della scienza penalistica moderna, Milan, 1974.

47 John. H. Langbein, Torture and The Law of Proof. Europe and England in the Ancien Regime, Chicago-Londres, 1977 ; Bernard Durand, Leah Otis-Cour, La torture judiciaire, op. cit.

48 Sur le développement des juridictions prévôtales, Xavier Rousseaux, « L’incrimination du vagabondage », op. cit., pp. 147-183.

49 Sur la criminalisation de la procédure pénale voir John. H. Langbein, Prosecuting Crime in The Renaissance : England, Germany, France, Cambridge (Mass.), 1974 ; et Robert Muchembled, L’invention de l’homme moderne. Sensibilités, mœurs et comportements collectifs sous l’Ancien Régime, Paris, 1988, pp. 135-202 ; Idem, Le temps des supplices. De l’obéissance sous les rois absolus XVe-XVIIIe siècle, Paris, 1992.

50 Philippe Wielant, Practijke criminele, éditée par Auguste Orts, Gand, 1872, p. 149.

51 Nous développons cette mutation pénale : Xavier Rousseaux, « Politiques judiciaires et résolution des conflits dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Age. Quelques hypothèses de recherche », Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Age, Rome, Ecole Française de Rome (à paraître).

52 Robert Muchembled, Le temps des supplices, op. cit. ; Richard van Dülmen, Theatre of Horror. Crime and Punishment in Early Modern Germany, Cambridge, 1990 ; Pieter Spierenburg, The spectacle of suffering. Executions and the evolution of repression : from a preindustrial metropolis to the European experience, Cambridge, 1984.

53 Myriam Herbecq, Les ordonnances comme source du droit urbain : Nivelles jusqu’en 1531, Louvain, 1968, (UCL, mémoire de licence en histoire, inédit), p. 100. Sur la Policey les travaux de K. Harter, les travaux de Michael Stolleis, Karl Harter (eds), Policey im Europa der Frühen Neuzeit, Francfort s/Main, 1996 ; Karl Härter 1998-2005 (ed.), Policey und frühneuzeitliche Gesellschaft, Francfort s/Main, 6 vol., 2000.

54 Bronislaw Geremek, La potence ou la pitié. L’Europe et les pauvres du Moyen Age à nos jours, Paris, 1987, pp. 160 et ss. ; Xavier Rousseaux, « L’incrimination du vagabondage », op. cit., pp. 154 et ss.

55 John Langbein, Prosecuting Crime in the Renaissance, op. cit.

56 Louis Théo Maes, Vijf eeuwen stedelijk strafrecht. Bijdrage tot de rechtsen cultuur-geschiedenis der Nederlanden, Anvers, 1947, 351, N° 4, p. 418.

57 AGR, Archives de la ville de Nivelles (AVN), rôle aux causes criminelles (RCC) 3078, Laurent Paul, 19 janvier 1608. AVN RCC 3079, andrieu le Beghe, 24 septembre 1622.

58 AVN RCC 3079, Michiel Bourge, 19 mai 1631.

59 AVN RCC 3079, Pierre le Houwe, 18 mars 1634.

60 AVN RCC 3080, Jacques Piccard, séance du 17 mai 1638.

61 AVN RCC 3080, Jean Somillon, 11 février 1640.

62 AVN RCC 3079, Andrien le Beghe, 24 septembre 1622.

63 Xavier Rousseaux, « Tensions locales et menaces extérieures. Criminalité et répression dans la région nivelloise durant la seconde moitié du XVIIe siècle », in Marie-Sylvie Dupont-Bouchat, Xavier Rousseaux (éd.), Crimes, pouvoirs et sociétés (1400-1800). Anciens Pays-Bas et Principauté de Liège, Heule, 2001, pp. 131-134 ; Florike Egmond, Banditisme in de Franse Tijd. Profiel van de Grote Nederlandse Bende 1790-1799, Soest, 1986, p. 69 ; Richard Cobb, Paris and its Provinces 1792-1802, Londres, 1975.

64 AVN 3079 RCC, Royne Dumont, 2 avril 1621. Déjà bannie de la cité, elle est revenue « affin de pouvoir assister sa mère ». Les juges la condamnent à être « fustigée de verges en public ». Le bannissement ne figure pas dans la nouvelle sanction, puisqu’il a déjà été prononcé auparavant.

65 D’autres « blasphémateurs » échappent à la mutilation comme Anthoine Philippe. Ce dernier est-il protégé par les dispositions des placards sur les « Egyptiens » ? Le bannissement des Pays-Bas est explicitement ordonné. Joris de Beul, De zigeuners in Brabant (1419-1753). Een bijdrage tot de studie van mentaliteit en marginaliteit, Louvain, 1983. (Katholieke Universiteit Leuven, mémoire de licence en histoire, inédit), pp. 100 et ss.

66 Parmi ces condamnés, deux sentences ne mentionnent pas le bannissement. Cependant, il semble qu’après la fustigation, ces deux voleurs, dont un est natif de Cambrai, aient été expulsés de la ville, AGR, Archives Ecclésiastiques (AE) 34875, fragment de rôle aux causes ordinaires, Martin Desmaretz, 10 septembre 1555 et AVN 2896, Rôle aux causes ordinaires (RCO), Franchois Gille, 25 avril 1586.

67 AVN 3080 RCC, La servante Joseph Stiene et consorts, 20 octobre 1634.

68 Xavier Rousseaux, Criminalité en temps de guerre et société de violence (16461695), Louvain-la-Neuve, 2 vol., 1982, p. 254. (université catholique de Louvain, mémoire de licence en histoire, inédit)

69 Un seul cas est attesté après 1750 pour vol de grains. Marie-Sylvie Dupont-Bouchat, « Criminalité et mentalités à Nivelles au XVIIIe siècle », in Louis d’arras d’Haudrecy (et al.), La criminalité en Wallonie sous l’Ancien Régime. Trois essais, Louvain, 1976, p. 150.

70 Benoît Garnot, Justice et société en France aux XVIe-XVIIe et XVIIIe siècles, Paris-Gap, 2000, p. 179.

71 Arlette Farge, Le vol d’aliments à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1974, p. 35.

72 Ibid., pp. 127-128.

73 André Zysberg, Les galériens. Vies et destins de 60.000 forçats sur les galères de France, 1680-1748, Paris, 1987, pp. 78-79.

74 Ibid., pp. 81-82.

75 Philippe Henry, Crime, justice et société dans la Principauté de Neuchâtel au XVIIIe siècle (1706-1806), Neuchâtel, 1984, p. 390.

76 Ibid, p. 392.

77 Xavier Rousseaux, « “Lassés de voir un homme accumulans crimes sur crimes impunis…”. Déviance, délinquance et crime dans une communauté villageoise au XVIIIe siècle », in Benoît Garnot (éd.), De la déviance à la délinquance XVe-XXe siècle, Dijon, 1999, pp. 55-92.

78 Philippe Henry, Crime, justice et société, op. cit., pp. 270-286 ; Michel Porret, Le crime et ses circonstances. De l’Esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des Procureurs généraux de Genève, Genève, 1995, pp. 142-147.

79 Véronique Boucheron, « La montée du flot des errants de 1760 à 1789 dans la généralité d’Alençon », Annales de Normandie, 21, 1971, pp. 55-86 ; Nicole Castan, Justice et répression en Languedoc à l’époque des Lumières, Paris, 1980 ; Idem, Les criminels en Languedoc. Les exigences d’ordre et les voies du ressentiment dans une société prérévolutionnaire (1750-1790), Toulouse, 1977 ; Yves Castan, Honnêteté et relations sociales en Languedoc, 1715-1780, Paris, 1974 ; Florike Egmond, Banditisme, op. cit.

80 Tomás Antonio Mantecón Movellán, Conflictividad y disciplinamiento social en la Cantabria rural del antiguo réguimen, Santander, Santander, 1997, pp. 400-451.

81 Nicole Castan, Les criminels, op. cit., pp. 287-299.

82 Armand Deroisy, La répression du vagabondage, de la mendicité et de la prostitution dans les Pays-Bas autrichiens durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Bruxelles, 1965 (ULB, Thèse de doctorat en histoire, inédite) ; Florike Egmond, Banditisme, op. cit.

83 Jacques-Guy Petit, Ces peines obscures. La prison pénale en France 1780-1875, Paris, 1990 ; Robert Badinter, La Prison républicaine, Paris, 1992.

84 Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, 1975.

85 Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’art paradigme indiciaire », Mythes, Emblèmes, Traces. Morphologie et histoire, Paris, 1989, pp. 139-180.

86 Code pénal de 1810, exposé des motifs.

87 Emile van Hoorebeke, De la récidive, op. cit., p. 21.