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La répression pénale des récidivistes à Genève au XVIIIe siècle

Statistiques et étude de cas1

David GANDER

Université de Genève

Dès la fin du XIXe siècle, l’historiographie sur la récidive criminelle a confirmé l’ouvrage d’Esmein2. Perçue comme la principale des circonstances aggravantes du délit, la question de la récidive traduit cette position historiographique dénonçant la sévérité de la justice d’Ancien Régime. Les récidivistes, l’« armée du crime » selon Locard (1877-1966)3, symbolisent l’anomie sociale du crime et serviront de justificatifs à une approche pénale dure. L’« obsession de la récidive », mise en évidence par Schnapper4, naîtra conjointement avec les sciences sociales – statistique, criminologie, sociologie – et les historiens participeront de cette stigmatisation des récidivistes.

Le récidiviste, violent, incorrigible, immoral et dangereux pour l’ensemble du corps social, devient une image d’Epinal. Essentiellement fondée sur les lois et la doctrine, l’historiographie ne remettra pas en cause cette perception des récidivistes. Depuis, les études sur la pratique judiciaire – notamment les travaux de Bernard Durand5 – contestent la « réalité » de l’aggravation des peines en cas de récidive.

Doctrine pénale continentale

Durant tout l’Ancien Régime, il n’existe pas de codes pénaux, tout au plus des codifications. C’est pourquoi les juristes et les magistrats recourent à de nombreuses sources juridiques émanant de diverses époques et de différentes juridictions. Ainsi, les conceptions et les lois sur la récidive composent le ius commune ou droit européen, héritier du droit romain – écrit et savant – et du droit canon. Au milieu du XVIIIe siècle, la récidive « est punie plus rigoureusement que le délit qui est puni pour la première fois. Dans les jugements qui se rendent en matière d’injures, rixes et autres excès, on fait défense aux parties de récidiver, sous plus grande peine, ou sous telle peine qu’il appartiendra »6. Cette définition, tirée de l’Encyclopédie, reflète près de mille cinq cents ans de pensée juridique et reste encore valable de nos jours.

Nous allons esquisser brièvement un tableau des conceptions historiques et juridiques de la récidive afin de comprendre dans quelle culture juridique les magistrats genevois rendaient leurs verdicts. La procédure inquisitoire, appliquée en Europe durant l’Ancien Régime, provient du droit romain, tout comme la théorie des circonstances7 du crime, dont sera issue celle de la récidive. Cependant, le droit romain étant casuistique et très peu légiféré, les doctrinaires du XVIIIe siècle y trouveront que de rares textes explicites sur la récidive. Ils forgeront donc un système jurisprudentiel sur ces rares exemples8. Ils se référeront aussi à un grand juriste du XVIe siècle, Tiraqueau (1480-1558) et son De Poenis temperandis, publié en 1559 qui est un des ouvrages de droit les plus reconnus, comme le montre Bernard Durand9 dans son étude sur l’uniformité européenne de la doctrine juridique de la récidive. Selon Tiraqueau : « De la même façon, au cas de récidive, il y a lieu d’aggraver la peine »10. Les doctrinaires trouveront d’autres exemples, dans son ouvrage et dans la jurisprudence, sur lesquels ils justifieront l’aggravation en récidive. Mais c’est du code criminel de Charles Quint, la première codification législative de l’Ancien Régime, qu’est issue toute la sévérité de la répression de la récidive. Entre 1530 et 1532, la Caroline, composée pour toutes les juridictions affiliées au Saint Empire germanique, affirme le caractère incorrigible du récidiviste en cas de vol, et sa nécessaire élimination pour la sauvegarde de la société, au bout de trois infractions :

Mais celui qui ayant volé pour la troisième fois sera pris, ce triple vol se trouvant bien et dûment vérifié, suivant ce qui a été prescrit ci-dessus au sujet de la découverte de la vérité, sera tenu pour un voleur décrié, et n’étant pas moins coupable que celui qui aura usé de violence, il sera condamné à mort11.

Muyart de Vouglans (1713-1791), dans ses Loix criminelles (1781), reprend intégralement les trois articles de la Caroline : il indique qu’ils s’appliquent encore à son époque et que, dans leurs jugements, les magistrats de la monarchie française peuvent s’en inspirer. Pour Muyart de Vouglans, comme chez les autres doctrinaires, la Caroline, les conceptions du droit savant et la législation française fondent toute la sévérité de la répression à l’égard des récidivistes. Muyart de Vouglans s’en sert comme modèle casuistique applicable à toute la jurisprudence, en plus des cas spécifiés légalement comme le vol, le blasphème et autres délits. Pour les doctrinaires, la récidive qualifie non seulement le délit et la sentence, mais également l’inculpé. De plus, la répression des récidivistes entraîne une volonté politique d’établir des registres des condamnés qui s’ajoute à l’impression du « casier judiciaire » sur le corps même du criminel par la marque. En France, un certain nombre d’ordonnances et de déclarations, dont celle de 172412, stipulent explicitement l’aggravation drastique des peines envers les récidivistes. Ces conceptions et ces jurisprudences continentales, brièvement rapportées, démontrent l’uniformité de la perception de la récidive et la diffusion de celle-ci à d’autres juridictions, telle celle de Genève.

Genève

Selon Sartoris (1706-1780), juriste et magistrat genevois13, la République de Genève, sous le régime de la procédure inquisitoire, applique globalement l’Ordonnance criminelle française de 1670. En outre, il indique qu’à Genève, les magistrats combinent un arbitraire14 positif (arbitrage juridique éthique) à la jurisprudence15. Toutefois, quelques rares lois indiquant une peine existent et nous en donnerons des exemples pour la récidive. Selon Denisart (1712-1766), le droit savant romain est la base de la législation pénale : « on suit le droit écrit dans l’étendue de la République de Genève »16, ce que confirme également le procureur général genevois Naville17 (1752-1794). Rappelons également que la Caroline est appliquée durant cette période dans les Cantons confédérés, comme l’indique le Grand Juge des gardes suisses du roi de France, Vogel (†1749)18. Ainsi, à Genève, pour pallier les manques de législations et de codifications spécifiques, ce sont celles d’autres juridictions qui servent d’exemples. Sartoris, par ailleurs, reprend la théorie des circonstances du crime et indique que « l’habitude à mal faire est une qualité aggravante qui porte sur la personne, si ce n’est pas sur le cas actuel : un homme qui a marqué plus de disposition au mal qu’au bien, et qui est même tombé plusieurs fois dans le crime, doit être plus facilement retranché de la société »19. Les magistrats genevois ont donc la même conception de la récidive que leurs confrères continentaux. Selon eux, la récidive est une circonstance aggravant systématiquement la peine et qualifiant le récidiviste comme un danger social. Dans les rares lois genevoises, on trouve quelques mentions de l’aggravation requise en cas de récidive qui servent aux juges pour fonder leur système arbitraire jurisprudentiel. Au XVIe siècle, une ordonnance contre les blasphémateurs stipule l’aggravation de la peine en fonction du nombre de récidives20. Les délits de paillardise21, d’adultère22, de rupture de ban23 et quelques autres, impliquent des augmentations de peine en cas de récidive. C’est sur ce maigre corpus légiféré et sur la conception doctrinale de l’aggravation en récidive que repose la répression des criminels récidivistes à Genève. La justice genevoise et la jurisprudence, dans le cadre d’un système arbitraire – s’appuyant sur les textes d’autres juridictions – considèrent la récidive comme une circonstance grave et le récidiviste comme un individu dangereux de par son incorrigibilité. Nous allons pourtant voir, à travers la statistique et une étude de cas, que dans la pratique, la justice genevoise ne réprime pas sévèrement les récidivistes.

Statistiques

L’histoire quantitative et la statistique criminelle utilisées ici permettront de dépasser l’événement individuel, d’extraire des sources la cohésion d’une pratique ; l’étude de cas donnera, elle, une vision plus intérieure et directe du traitement pénal de la récidive et des récidivistes et confirmera les données chiffrées.

La période étant pré-statistique, nous avons reconstitué une base de données dépendantes des sources encore disponibles. Etablies à partir de l’index alphabétique des criminels genevois (20’000 individus environ), nos statistiques n’ont finalement retenu qu’un peu plus de deux milliers de récidivistes au cours du siècle. Nous avons dû éliminer les redondances, les erreurs, les homonymies et nous avons recherché dans d’autres registres les statuts politiques des individus pour compléter les lacunes, le cas échéant.

Comme le souligne Benoît Garnot et d’autres historiens de la justice, il faut relever quelques limites impondérables à ce type d’enquête quantitative. L’historien est dépendant de l’institution qu’il étudie et de la source qu’elle lui lègue. Ce sont les systèmes de répression pénale qui permettent la mesure de la criminalité ; sans eux, ni crimes, ni chiffres. La statistique ne se fonde alors que sur la répression effective et non sur toutes les infractions. D’une part, il existe bien un écart entre la criminalité réelle et la criminalité apparente : c’est le « chiffre noir » de la statistique criminelle ; d’autre part, pour éviter les procédures lourdes et le recours à l’intervention publique, la société règle ses différends en dehors de la justice : c’est l’infrajudiciaire.

Deux mille hommes et femmes, criminels récidivistes, plus de cinq mille infractions24, telle est la base sur laquelle nous avons voulu vérifier si la récidive aggravait de facto le crime et la sentence, comme la doctrine juridique le demandait et comme l’historiographie l’a répété depuis le XIXe siècle. En plus des informations judiciaires, nous avons aussi recueilli de nombreuses données socio-politiques afin de pouvoir retracer des profils criminologiques assez complets. Le point principal de cette étude, à savoir la détermination de l’aggravation des peines par la récidive, a été établi selon plusieurs critères pour lesquels nous avons pris principalement, comme point de repères de gravité pénale, la Caroline, l’Ordonnance criminelle française de 1670, qui contient une liste décroissante des peines et les quelques textes législatifs genevois déjà évoqués. Pour vérifier si l’aggravation des peines dépendait d’un casier judiciaire lourd il fallait un alourdissement continu et progressif de la sévérité des sentences. Celle-ci devait concorder avec les théories contemporaines des circonstances du crime et de la peine. De plus, une relative proportionnalité des peines selon la nature qualitative des délits en fonction des différentes législations et doctrines était nécessaire. Les statistiques présentées ici reflètent le résultat de ces choix.

Considérons, dans un premier temps, le profil criminologique des récidivistes répertoriés. Les deux tiers des criminels condamnés en récidive sont des hommes : 1413 sur 2126 individus. Ces chiffres attestent que le taux d’individus criminels masculins est toujours plus élevé, comme dans toutes les statistiques de la criminalité, et reflètent un clivage traditionnel.

A Genève, au XVIIIe siècle, la société est hiérarchisée juridiquement. Différents statuts existent et donnent accès à différents droits politiques et économiques. Ces statuts divisent donc la société en groupes plus ou moins privilégiées. Les citoyens bénéficient de la totalité des droits ; les bourgeois – qui ont acheté la citoyenneté –, jouissent de tous les droits économiques et de presque tous les droits politiques. Les autres catégories (natifs, habitants, sujets et domiciliés) ne bénéficient d’aucun droit politique et que de rares droits économiques. Outre ces « Genevois », de nombreux étrangers résident ou traversent la ville et ses terres : ils ne représentent que 27 % des récidivistes. Ce sont donc les « Genevois » qui sont les criminels les plus endurcis et qui composent la part la plus importante de la criminalité récidivée. Ces chiffres reflètent fidèlement les proportions de la population genevoise25, à l’exception des natifs qui y sont minoritaires. Le taux d’hommes et de femmes est, dans l’ensemble, le reflet de la population.

A partir de combien de récidives devient-on un criminel endurci, un délinquant d’habitude, un « professionnel » du crime ? Parmi les récidivistes genevois, la très grande majorité (67 %) ne commet que deux délits, et 92 % récidivent jusqu’à quatre reprises. En général, ils sont condamnés pour des délits mineurs tels que la paillardise ou la filouterie. Ils ne sont que 3 % à avoir été condamnés cinq fois et 4 % à commettre entre six et quinze délits. La justice genevoise a donc peu affaire à des grands criminels – soit qu’ils aient été éliminés physiquement, soit qu’ils aient été expulsés efficacement de la juridiction. Les récidivistes ne représentent pas une grande crainte sociale et la justice semble contenir ce type de criminels.

Selon la doctrine, la récidive entraîne automatiquement l’aggravation de la sentence, car elle affirme le caractère incorrigible du délinquant. Qu’en était-il dans la « réalité » de la pratique judiciaire genevoise tout au long du XVIIIe siècle ? Seuls 9 % des récidivistes voient leurs peines alourdies et, dans plus de neuf cas sur dix, les jugements rendus ne stigmatisent pas la récidivité par une sanction plus sévère. En outre, certaines aggravations sont davantage dues à la nature du délit qu’à la circonstance de la récidive. Prenons l’exemple du citoyen Jean-Louis Adelard26 : condamné une première fois pour un larcin, il récidive en commettant un homicide. Sa peine est, bien entendu, aggravée pour ce second délit, mais l’homicide étant un délit capitalement puni, la récidive ne joue pas de rôle dans le verdict et la peine. A l’inverse, les criminels dont les délits successifs diminuent en gravité voient leurs sentences s’infléchir. La justice genevoise ne respecte donc pas absolument l’esprit et la lettre des textes juridiques ou des commentaires des docteurs du droit de l’Ancien Régime. Remarquons aussi que les hommes et les femmes sont égaux devant leurs juges, car les deux sexes connaissent une même proportion dans l’aggravation des peines.

De même, en séparant la population criminelle en deux groupes, celui des « Genevois » et celui des « Etrangers », on ne remarque pas de grandes différences dans les sentences. Les juges ne condamnent pas plus sévèrement les récidivistes locaux relativement à ceux provenant de l’extérieur. La justice genevoise n’infléchit pas ses jugements lorsqu’elle juge les membres de la communauté genevoise.

Comme nous l’avons déjà mentionné, certains délits étaient connotés de manière législative et doctrinale par la récidive. Par extrapolation jurisprudentielle, cela impliquait une aggravation systématique et draconienne de la sévérité de tous délits en cas de récidive. A Genève, seuls certains délits aggravent sensiblement les peines des récidivistes. Notamment la rupture de ban, fortement réprimée par certaines ordonnances françaises, pénalise sensiblement plus ses auteurs (+ 10 %)27 ; en revanche des délits plus graves, comme la fausse monnaie, n’influent en rien sur le casier pénal des récidivistes. Les crimes violents tels que les homicides (+ 26 %), l’infanticide (+ 10 %) ou les excès (+ 6 %), condamnent aussi leurs auteurs à subir une plus grande sévérité de la part de la justice. Toutefois, dans les différents types d’homicides, la peine capitale s’applique rarement et la récidive ne joue qu’un rôle infime dans la sentence. Les infractions à connotation sexuelle accentuent également la rigueur du glaive judiciaire (entre 3 et 10 %). Cependant, le délit le plus représentatif et le plus courant, la paillardise, entre dans la moyenne de l’aggravation type. Une fois encore, cela atteste plus de la prise en compte de la nature du délit que de la circonstance de la récidive.

Pour terminer ce panorama, prenons le cas du vol qui, depuis la Caroline, emblématise la répression doctrinale des récidivistes, les condamnant à la mort dès leur troisième vol. Genève ne suit que partiellement cette conception. La récidive, en fait de vol, multiplie par trois le taux des sentences aggravées. Néanmoins, les voleurs sont encore six sur dix à ne pas voir leur sentence judiciaire s’alourdir. Rares sont ceux qui, à leur troisième vol, vont à l’échafaud, comme on le verra dans l’étude de cas.

Les juges genevois font donc preuve d’une grande tolérance envers les récidivistes et cela même pour certaines infractions graves comme le meurtre ou pour le vol. La pratique de la justice genevoise infirme clairement la doctrine et confirme que la compréhension historique d’un système juridique n’est pas pertinente par la seule analyse des textes normatifs. C’est dans la vie judiciaire, dans les méandres des décisions de la justice et dans la destinée personnelle des criminels (en les comparant aux normes en vigueur) que l’on peut réellement comprendre et appréhender les usages de la justice et ses interactions avec les justiciables.

Etude de cas

La destinée criminelle de Gabriel Falquet, un natif, va nous servir à mettre en évidence la pratique de la justice genevoise. Elle nous permettra de comprendre ses processus d’enquête, de percevoir la conception « criminologique » des magistrats et surtout de constater le peu d’influence de la récidivité dans leurs décisions. La récidive est, en revanche, sérieusement prise en compte dans le déroulement de la procédure inquisitoire. Le « casier judiciaire »28 de Falquet va nous permettre de traverser le XVIIIe siècle et de constater la pluralité des infractions commises par un multirécidiviste de l’époque. On peut retrouver sa trace de 1734 à 1781 dans les archives judiciaires de la République. Il n’est âgé que de dix ans, quand il comparaît pour la première fois devant ses juges et il en aura près de soixante, à son dernier procès. Il est condamné à onze reprises répertoriées – davantage en réalité – pour divers vols, filouteries, larcins et recels, mais également pour menaces et excès contre l’autorité, acte de violence conjugale et paillardise. Galérien en France pendant douze ans, les sentences rendues contre lui dans la juridiction genevoise fluctuent entre une légère aggravation due à certains délits et une grande tolérance mêlée de modération envers un criminel d’habitude, dont le « casier » est marqué dans sa chair et dont l’incorrigibilité n’est plus à démontrer. Dans son cas, comme dans bien d’autres, les juges, quoique ayant connaissance du passif des criminels, rendent des sentences arbitraires, davantage en fonction de la gravité des circonstances propres aux délits que des récidives.

Après une première condamnation à un mois de prison pour vol à la tire, alors qu’il n’est âgé que de dix ans, Gabriel Falquet se fait à nouveau arrêter pour filouterie. Son premier interrogatoire porte dans la marge exceptionnellement : « repris et envoyé à la Maison de Correction en janvier 1734 »29, démontrant la sensibilité des magistrats à la récidive ainsi que l’importance qu’elle revêt dans l’enquête inquisitoriale. Le conseiller, dans les « répétitions » (dernier interrogatoire), lui demande ainsi : « Int. S’il n’a pas été ci-devant enfermé et châtié dans la maison de Correction ? R. Que oui, mais qu’il avait été pris pour un autre »30. Ce type de questionnement est systématique, dès qu’un inculpé est suspecté d’être un repris de justice. La plupart du temps, ces questions sont posées avant d’en venir au titre même de l’inculpation et après celles concernant les « généraux » (identité, statut politique, nationalité, âge, profession). Parfois pourtant, si la procédure est grave, la récidivité est reléguée plus loin dans l’interrogatoire. Falquet subit, pour sa deuxième infraction, une peine plus sévère, donc aggravée – enfermement indéterminé et travail, trois fois le fouet de huit en huit jours et un mois de cachot au pain et à l’eau – sans doute à cause de sa récidive.

Dix ans vont s’écouler sans que Falquet n’apparaisse dans les archives pénales. On verra qu’il n’est pas resté pour autant « inactif ». Il est incarcéré une troisième fois pour le vol d’une boucle d’argent à un enfant ; l’Auditeur, dans son « verbal » (rapport d’enquête), sait que Falquet « avait été mis plusieurs fois dans la maison de Correction, et fustigé deux fois pour vol »31. Malgré l’écart qui sépare ces deux derniers délits, la justice le reconnaît bien en tant que récidiviste ; d’une part, parce que ses membres conservent et transmettent la trace des criminels, d’autre part, parce que la justice a des moyens de rechercher dans ses archives les preuves de la récidivité d’un individu. Falquet, commettant ici son troisième vol, aurait pu être condamné à mort, selon la doctrine tirée de la Caroline. Les juges, au contraire, vont lui infliger une sentence plus douce que lors de ses précédentes condamnations, réfutant ainsi toute la doctrine juridique et leurs propres conceptions pénales.

Moins d’une année s’écoulera avant que Falquet ne récidive. Inculpé du vol de deux « fausses robes d’Indiennes », il sera écroué et condamné très légèrement – censuré et enfermé à temps. Le peu d’investigation mené sur ses récidives, au cours de cette procédure, illustre ce manque de sévérité. L’Auditeur, plutôt que de l’interroger sur ses délits précédents, lui fait juste remarquer, irrité, « qu’il faut bien qu’il ait fait des friponneries puisqu’il a été enfermé dans la Maison de Correction et fouetté et aussi aux prisons il y a cinq ou six mois »32. Remarquons dans cette affaire la perception d’une prison stigmatisant le détenu et rendant sa réinsertion difficile. L’Auditeur le constate et paraît comprendre le comportement de Falquet quand ce dernier lui explique « Que Batard le renvoya après qu’il eut été mis en prison, il y a six mois »33. Il s’agit de la quatrième comparution de Falquet devant les juges et sa peine n’augmente toujours pas. La sentence qu’on lui inflige est en rapport avec son délit et non avec la récidive, bien que celle-ci lui soit reprochée.

Cela se vérifie cinq ans plus tard, quand Falquet est emprisonné pour paillardise avec Marie Servière, alors que tous deux souhaitent se marier. Il ne subira que la peine traditionnelle des paillards, sans qu’aucun interrogatoire ne porte sur ses délits antérieurs. En revanche, sa complice de débauche sera interrogée sur ses antécédents pénaux et moraux, afin de déterminer sa faute.

I. Si elle n’a pas fait précédemment un enfant ? R. Qu’oui, qu’il y a environ une année. / I. Si elle n’a pas été traitée de la maladie vénérienne ? R. Qu’oui, qu’il est vrai qu’elle a été trois semaines dans la chambre noble à l’hôpital, mais qu’elle ne croit pas avoir passé par le grand remède, quoiqu’il soit vrai que l’on lui ait fait prendre des tisanes. / I. Si elle n’a pas été enfermée à la Maison de Correction ? R. Qu’oui pendant 7 ans environ, soit enfermée, soit par la Maison34.

On constate donc que la procédure d’enquête est systématique. La récidive est toujours recherchée, afin de qualifier le criminel, même si les peines ne correspondent pas à ce que les lois ou la doctrine préconisent.

L’année suivante, Falquet, prévenu de vols, s’évade35 en compagnie de deux autres détenus multirécidivistes. Finalement repris, il sera condamné à trois mois de Maison de Correction. Cette peine est légèrement plus importante que les précédentes, mais ne tient absolument pas compte de son caractère incorrigible. L’Auditeur Naville, qui l’a déjà interpellé et interrogé à maintes reprises, ne s’informe que de sa dernière récidive. Dans un second interrogatoire, mené par un autre Auditeur, on ne remontera guère plus loin. Une fois la récidive prouvée et avouée, au moins partiellement, le criminel est tenu pour un « repris de justice », ce qui suffit pour le juger et, dans ce cas, de ne tenir compte que de la gravité du délit présent.

Douze mois après, Falquet est arrêté après avoir menacé de mort le portier de la Maison de Correction qui, selon lui, le harcelait. Il est condamné à de « grièves censures », à la prison subie et reçoit l’ordre de se retirer de la ville. C’est une peine inférieure à la précédente. D’ailleurs, il avait déjà été condamné à ne plus rentrer en ville, ce qui aurait dû lui valoir une condamnation pour rupture de ban. Cette fois, son délit est grave et l’Auditeur Sales, chargé de l’enquête, procède à une recherche des récidives de Falquet dans le « Registre des Entrants à l’Hôpital ». Il en rédige un extrait qui confirme la multiplicité des incarcérations de Falquet et illustre les lacunes des archives, car seuls cinq cas sur les onze répertoriés nous sont parvenus.

Du 27e avril 1753. Extraits du Registre des Entrants à l’Hôpital. / Du 10e Août 1733 / Gabriel fils de la veuve Falquet envoyé par M. le Syndic pour être enfermé dans un cachot au pain et à l’eau et y être fouetté étant libertin. <dans la marge> Sorti par l’ordre de M. le Syndic le 15e dit. / Du 13e. Janvier 1734 / Gabriel Falquet envoyé par le M.C. pour être enfermé dans la Discipline et y être fustigé dans la chambre pour friponnerie. Sorti le17e dit. / […] Du 28e Novembre 1751 / Gabriel Falquet, qui s’étoit évadé de la Maison de correction le 10e 8bre dernier, renfermé de nouveau d’ordre de Mr. Le Syndic Cramer. Sorti et transferé aux prisons le 2e Fevrier 1752. / Du 14e. Fevrier 1752 / Gabriel Falquet condamné par le M.C. à être enfermé dans la Maison de Correction pendant trois mois. Sorti de la Maison de correction le 14e May et de la Maison le 2e Juin 1752 avec permission36.

On remarque dès lors une des possibilités des Auditeurs pour certifier des récidives d’un criminel, même si, par manque d’un réel « casier judiciaire », ces recherches peuvent se révéler incomplètes. La justice ne se trouve donc pas dépourvue lorsqu’elle veut prouver la récidive d’un individu et la lui faire avouer. Toutefois cela n’entraîne pas automatiquement l’aggravation de la peine. Falquet disparaît des archives judiciaires pendant seize ans avant d’y faire un retour fracassant. Inculpé dans une importante affaire de vols et de recel, on apprend, durant son interrogatoire, qu’il a été condamné en France aux galères et qu’il porte sur lui les lettres G.A.L, la trace corporelle de son « casier judiciaire ».

53. Int. S’il n’a pas été aux Galères en France ? / Rép. Qu’oui. / 54. Int. Pour quel crime y a t il été condamné ? / Rép. Comme receleur parce qu’il avait eu le malheur de rencontrer un jeune homme qui avoit volé des boucles et qui les lui avait donné à garder. / 55. Int. S’il fut fouetté et marqué avant que d’être mis en Galère ? / Rép. Que non qu’il a été seulement marqué de la marque G.A.L. sur l’épaule. / 56. Int. A lui représenter que les châtiments ne lui servent de rien, puisqu’après avoir été flétri d’un fer chaud et subi douze ans de galère pour avoir rencontré un homme qui lui avait donné à garder des effets volés au sortir de ces galères il se recharge encore d’effets volés qui lui sont remis par un inconnu ? / […] 57. Int. S’il n’a pas été mis ici à la maison de Correction ? / Rép. Qu’oui, une fois pour quinze jours pour avoir donné un coup de pierre a coté de l’œil a Mr. Alexandre Sarasin le fils du Pasteur qui demeurait alors au Château royal, et que la seconde fois, ce fut le sergent Falquet qui le fit mettre dans cette maison, parce que lui répondant ne voulait pas retourner dans les troupes, et qu’il y restât trois mois37.

Cependant, sur soixante-sept questions que contient l’interrogatoire, seules cinq portent sur ses récidives. Cela démontre que cette circonstance, quoique toujours recherchée et établie, n’est pas fondamentale pour la justice, contrairement à la qualification propre du délit poursuivi. Bien que la procédure soit longue et très importante, Falquet ne sera condamné qu’aux peines habituelles (censures, réparation, prisons subies, restitution, dépens et Maison de Correction au bon plaisir de la Seigneurie). Les ordonnances françaises sur les galériens récidivistes auraient dû lui valoir la mort.

Cet enfermement sera de courte durée, car deux ans plus tard, il est dehors et récidive. Inculpé de vol38, il sera recherché par les huissiers de justice. Introuvable, il sera proclamé contumace et ne sera pas jugé, même en effigie. Lors de son délit suivant, cette contumace ne lui sera d’ailleurs pas réimputée.

Il se présente, huit ans après, face à ses juges pour une agression contre la Garde. Lors d’une arrestation, Falquet s’est interposé et a violemment pris à partie un caporal. Les huissiers le saisissent à son domicile après qu’il les a menacés avec un « gros bâton ». Le premier Auditeur, chargé de l’enquête, ne relèvera aucune information sur les récidives de Falquet, mais, au vu de la gravité des faits, le Syndic de la Garde demande un supplément d’enquête. L’Auditeur Bordier s’en charge et nous indique que :

Nous Auditeur soussigné certifions que le Seigneur Syndic de la Garde nous ayant remis de nouveau la procédure instruite contre Gabriel Falquet prisonnier prévenu de violences contre la garde nous aurait chargé de suivre à l’information, de vérifier si le dit Falquet était Citoyen et quels étaient les jugements qu’il avait précédemment subi à Genève ; puis d’additionner ses Réponses personnelles sur l’un et l’autre de ces objets ; nous, en conséquence, avons pris tous les renseignements qui ont été en nôtre pouvoir sur les personnes qui avaient été témoins du tumulte où Falquet avait eu part […] nous avons parcouru le Registre des Malvivans dont nous joignons ici l’extrait n° 22. nous avons fait relever les Extraits des livres d’Ecroux par le Sr. Plan Geolier et nous les joignons ici paraphé n° 2339.

On constate, ici et dans deux autres extraits de la même procédure40, les moyens de recherche dont dispose la justice genevoise afin d’identifier un criminel récidiviste et ses délits précédents. Toutefois, elle ne le fait pas systématiquement et rarement de manière aussi complète. De l’arbitraire des juges et des Auditeurs dépend la complexité des recherches. Cet arbitraire détermine également l’ampleur de la sentence et, une fois encore, Falquet se voit infliger une peine minime comparée à son crime et à son statut de récidiviste. Il sera emprisonné pendant un mois en chambre close, dont huit jours au pain et à l’eau. Après plus de dix condamnations, la justice ne sévit pas particulièrement à son encontre. Elle a, cependant, sous les yeux un casier judiciaire plus que chargé et ne semble pas retenir cette circonstance dans son jugement. Une remarque de Falquet sur son passé judiciaire donne peut-être une réponse. Il dit « qu’il a été aussi en galère pendant douze ans pour contrebande après avoir été marqué, mais que s’il a fait faute autrefois il a payé pour qu’il a subi la peine qu’il méritait et qu’on ne doit pas revenir dessus »41. Il est possible que les juges estiment qu’une fois la peine subie, la récidivité ne joue plus qu’un rôle mineur par rapport à la qualification du dernier délit. D’ailleurs, dans les réquisitoires concernant une prostituée multirécidiviste, Rose Narny, on retrouve cette idée42.

Falquet, quant à lui, sera une dernière fois condamné pour violences conjugales et, à aucun moment, on ne l’interrogera sur ses récidives.

Il apparaît donc, après examen d’un des plus importants récidivistes du XVIIIe siècle genevois, que la prise en compte de la récidive dans l’aggravation de la peine est inexistante. En revanche, sa recherche et sa preuve sont soumises à la rigueur de l’enquête inquisitoriale. La magistrature genevoise dispose de nombreux registres pour contrôler les récidives. L’arbitraire des juges et la qualification du délit semblent être des facteurs déterminant les sentences. Les magistrats genevois, quoique au fait des théories juridiques et des lois, ne sont pas prêts à éradiquer et réprimer sévèrement les récidivistes qui, pour la plupart, commettent des crimes de peu de gravité.

Cette étude de cas confirme les chiffres mis en avant dans nos statistiques et infirme totalement, dans le cas de Genève, les théories juridiques sur l’aggravation en récidive. On ne retrouve pas non plus la sévérité et l’exemplarité de cette circonstance que revendique l’historiographie. Il faut donc désormais repenser la perception de la récidive dans une approche de la pratique judiciaire et réévaluer les concepts établis, issus des seules sources législatives ou doctrinales.

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1 David Gander, « “Quelque récidivé que soit le délit de Rose Narny, le soussigné Procureur Général, estime devoir se borner à conclure… ” : la répression des criminels récidivistes à Genève au XVIIIe siècle », Université de Genève, Faculté des Lettres, histoire moderne, mémoire de licence dactylographié dirigé par M. Porret, Genève, 2002.

2 Adhémar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle à nos jours, Paris, 1882.

3 Edmond Locard, L’identification des récidivistes, Paris, 1909.

4 Bernard Schnapper, Voies nouvelles en histoire du droit, Paris, 1991.

5 Bernard Durand, Arbitraire du juge et consuetudo delinquendi, la doctrine pénale en Europe du XVIe au XVIIe siècle, Montpellier, 1993 ; et « Remarques sur la récidive en Roussillon au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, N° 63, 1, 1985, pp. 39-56.

6 Encyclopédie Diderot et D’Alembert, art. « Récidive », Paris, 1765 ; et Encyclopédie Méthodique, Jurisprudence, vol. VII, art. « Récidive », Paris, 1787 ; les articles sont identiques.

7 Digeste, 48,19.16.

8 Digeste, 48, 19.3-13-14. D.37, 14.1. D.48, 19. 28 §. 3.

9 Bernard Durand, Arbitraire, op. cit., 1993.

10 Tiraqeau, De poenis temperandis, C. 29,3.

11 Code criminel, art. CLX-CLXI-CLXII, 1532.

12 Déclaration concernant la punition des voleurs, Versailles, 4 mars 1724, in Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, depuis l’an 420, jusqu’à la révolution de 1789, t. 21, N° 299, Paris, 1829.

13 Jean-Pierre Sartoris, Elémens de la procédure criminelle. Suivant les ordonnances de France, les Constitutions de Savoye, et les Edits de Genève, 2 vol., Amsterdam, 1773 ; retiré de la magistrature, il rédige un commentaire comparé de ces trois législations.

14 Bernard Schnapper, « Les peines arbitraires du XIIIe au XVIIIe siècle (doctrines savantes et usages français) », Revue historique de droit français et étranger, 1974, 2, pp.143-157.

15 Sartoris, Elémens, op. cit., t. 2, p. 561.

16 Jean-Baptiste Denisart, Collection des décisions nouvelles et des notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, 1768.

17 François-André Naville, Etat Civil de Genève, Genève, 1790 ; avocat et juriste il parvient au poste de Procureur général en 1782.

18 Franz-Adam Vogel, Code criminel de l’empereur Charles V, vulgairement appelé la Caroline : contenant les loix qui sont suivies dans les juridictions de l’Empire : et à l’usage des Conseils de guerre des troupes suisses, Paris, 1734.

19 Jean-Pierre Sartoris, Elémens, op. cit., t. 2, pp. 562-563.

20 Emile Rivoire et Victor Van Berchem, Les sources du droit du canton de Genève, Aarau, 1927-35, vol. 1, N° 840, « Blasphèmes », p. 503.

21 « L’homme qui, ayant déjà été repris de justice, retournera à son délit sera puni en prison étroite […] la fille ou la femme non mariée qui sera reprise de justice pour la seconde fois sera, outre la susdite punition, bannie perpétuellement. Pour la troisième fois, l’homme sera puni au fouet public et banni perpétuellement à peine de la vie. », ibid., vol. 3, N° 1065, « Paillardise » et N° 1046, « Paillardise et adultère », pp. 167-169.

22 Ibid., p. 170.

23 « Que tous ceux et celles qui auront été bannis aient à se retirer hors la ville et terres d’icelle dans vingt quatre heures, à peine de punition corporelle et exemplaire ; et afin qu’ils soient mieux reconnus chacun, leurs noms seront affichés aux portes de la ville. », ibid., vol. 4, N° 1725, « Ordonnances somptuaires – mendicité – chasse, etc. », p. 108.

24 La justice genevoise de l’Ancien Régime instruit les procédures criminelles (dorénavant P.C.) côtées ainsi aux Archives d’Etat de Genève (AEG).

25 Voir Alfred Perrenoud, La population de Genève, XVIe-XIXe siècles, Genève, 1979.

26 J.-L. Adelard, citoyen, P.C. 8660, « larcin », P.C. 9602, « homicide », AEG.

27 Nos chiffres représentent la présence de certains délits dans le casier judiciaire reconstitué et des sentences aggravées ou non. La récidive est donc perçue ici comme générale et non spéciale.

28 Le casier judiciaire est une création de la criminologie du XIXe siècle dans sa lutte obsessionnelle contre la récidive, ainsi que de la Révolution de 1848 et de la poursuite des opposants politiques. Voici, reconstitué, celui de Falquet. P.C. 8115 (1734), 8253 (1735), 9046 (1744), 9145 (1745), 9747 (1750), 9843 (1752), 9968 (1753), 11837 (1769), 12176 (1771), 13350 (1779), 13972 (1781).

29 P.C. 8253, fol. 7-8.

30 Ibid., fol.11.

31 P.C. 9046, fol. 3.

32 P.C.9145, fol. 7-8.

33 Idem, fol. 5-6.

34 P.C. 9747, fol. 3.

35 P.C. 9843.

36 P.C. 9968, fol. 12.

37 P.C. 11837, fol. 13-20.

38 P.C. 12176.

39 P.C. 13350, fol. 51.

40 « Du 26e Juin 1753. Extrait du Registre des malvivans page 43. Gabriel fils de feu Pierre citoyen âgé de vingt-huit ans faiseur de ressorts, a été condamné pour excès et violences contre le portier de la Maison de Correction où il est renfermé pour la 12e fois outre les réparations, à se retirer de la Ville et de son Territoire sous peine de Châtiment. », idem, fol. 46. « Extraits des Livres d’Ecrou. fol. 331. Du 7 Janvier 1734. Gabriel fils de feu Pierre Falquet Natif, Prisonnier quoique bien jeune d’ordre de Monsieur l’Auditeur Gallatin, accusé de divers vols. […]. Du 21 février 1769. 260. Ledit Citoyen, amené d’ordre de Messieurs de la Justice pour soupçon de vol. Du 7 mars. Condamné a être enfermé a la maison de Correction au bon vouloir du Mag. Conseil. Paraphé Bordier Auditeur. », idem, fol. 48.

41 Idem, fol. 53.

42 « Magnifique et très honorés Seigneurs. Rose Narny sept fois expulsée de Genève après avoir subi des supplices infamants, a été arrêtée une huitième fois le vingt unième de mars, dans le Bastion Bourgeois, où il parait qu’elle était en compagnie d’un soldat. […] Ce qui reste démontré au procès ; ce qu’elle avoue, c’est que pour la septième fois elle a rompu son ban. Les délits qui tiennent au libertinage quelque graves qu’ils puissent être ne sauraient être punis par des peines très douloureuses, et l’esprit des lois que nous suivons, les jugements réitérés de V.S. sur des cas de cette nature et l’exemple qui doit être fait pour le bien de la société de ces créatures prostituées à la <crapale> de la débauche ; sont satisfaits par des supplices infamants. Partant quelque réitéré que soit le délit de Rose Narny le soussigné estime devoir se borner à conclure : à ce qu’attendue que Rose Narny se disant femme Leka, reprise déjà sept fois pour libertinage et rupture de ban est dûment atteinte et convaincue d’avoir rompue son ban pour la septième fois ; il plaise à V.S. la condamner en réparation de son délit a être amenée a leur Tribunal pour y être grièvement censurée de sa faute dont elle demandera pardon a Dieu et à la Seigneurie genoux en terre et huis ouverts ; à être fustigée au pied de l’escalier de la maison de Correction, à avoir les cheveux et les sourcils rasés, à être expulsée de la ville et des terres de la République sous peine du fouet si elle était surprise en contravention à son ban, et aux dépens de son procès. », P.C. 15129, fol. 15-16.