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Poesis et mores

Florent Chrestien, Joseph-Juste Scaliger et les Psaumes en vers grecs du Bernensis A 69

Patrick ANDRIST

Genève

Alessandra LUKINOVICH

Genève

Humaniste amoureux de poésie grecque, fin connaisseur d’Apollonios de Rhodes, enseignant, traducteur des comiques grecs, pasticheur, Florent Chrestien, qui fit partie des premiers étudiants de l’Académie de Genève, n’est guère connu pour ses Psaumes1 en vers grecs. Pourtant, l’identification à Berne d’un manuscrit contenant quatre de ses compositions, publiées une première fois en 1566 par Henri et Robert Estienne, nous donne l’occasion de revenir sur cet excellentissimus poeta Graecus, Latinus, Gallicus2 et d’offrir au destinataire de ce volume à la fois quelques notes d’humanisme, de codicologie, de philologie et d’analyse poétique3.

Florent Chrestien et les Psaumes en vers grecs

Fils d’un médecin du roi, aux intérêts humanistes, Florent Chrestien naît à Orléans en 15424. Il se tourne très tôt vers le protestantisme et, à l’âge de 16 ans, fréquente l’Académie de Lausanne. En 1559, il rejoint celle de Calvin5, nouvellement fondée où, selon Scaliger, il « avoit appris à escrire en Grec d’Henry Estienne, & escrivoit fort bien tout comme son Maistre en Grec, en Latin & en François »6. Celui-ci ne gardera apparemment pas, du moins à une certaine époque, une très bonne opinion de cet élève praeter alia ad docendum ineptum7, mais, comme nous le verrons, il n’hésitera pas non plus à publier ses poèmes à côté des siens. Une année plus tard environ, Florent Chrestien quitte Genève. En 1561, sa première publication, imprimée sur un placard, consiste en un poème de 14 distiques élégiaques, en grec, en l’honneur de l’imprimerie8. Apparemment chassé de Paris en 1562 lors de l’expulsion des protestants, il retourne à Orléans, où il met bouillamment sa plume au service de ses convictions religieuses ; ses réponses à Ronsard deviennent vite célèbres9. Dans ces années, il se consacre aussi, semble-t-il, à diverses traductions en français d’ouvrages engagés de George Buchanan et à la préparation de poèmes dans ses trois langues de composition. En 1566, bien qu’il n’ait que 24 ans, sa réputation est suffisamment établie pour que Jeanne d’Albret l’engage comme précepteur du jeune Henri, futur roi de France.

1566 est également l’année où paraissent, chez Henri Estienne (1531-1598), en l’occurrence associé à son frère Robert (1530-1571), dix Psaumes en vers grecs attribués à Florent Chrestien, en appendice à un volume contenant les célèbres paraphrases des Psaumes en vers latins, composées par Georges Buchanan (1506-1582 ; sur ce volume, cf. infra). Au XVIe siècle, la préparation de versions poétiques ou de paraphrases des Psaumes n’est de loin pas une nouveauté. Dans les milieux chrétiens grecs, ce genre remonte au moins au IVe siècle. Et ce n’est pas par les pièces traditionnellement publiées sous le nom d’Apollinaire de Laodicée que ce genre est attesté sûrement au IVe siècle (elles pourraient dater du Ve siècle10), mais – comment ne pas le mentionner ici ? – par les paraphrases (ou récritures) contenues dans le Codex des Visions11.

Dans les années qui précèdent la publication de 1566, l’intérêt pour les Psaumes est très vif, particulièrement dans les milieux protestants ; on ne compte plus les versions ou les paraphrases en latin ou en langues « vulgaires » ; pour n’en mentionner qu’une seule, rappelons les travaux de Clément Marot (1496-1544), de Théodore de Bèze (1519-1605) et de leurs amis, qui aboutissent, en 1562, à ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler le Psautier de Genève12. Dans les milieux hellénisants, on s’intéresse depuis peu aux paraphrases d’Apollinaire, dont l’édition princeps paraît à Paris en 155213. Mais on en prépare aussi de nouvelles : parmi les publications contemporaines ou de peu antérieures à celle de nos auteurs, nous trouvons, à plusieurs reprises, les Psaumes de Paul Döltsch (Dolscius ; 1526-1589), notamment en 155214, en 1555 (avec quelques pièces de Joachim Camerarius, 1500-1574)15 et en 1556 (avec des pièces d’Henri Estienne)16 ou ceux de Martin Crusius (1526-1607), également en 156617.

Dans les années qui suivent, l’intérêt pour les Psaumes en vers grecs ne tarit pas. Comme nous le verrons, l’édition de 1566 sera republiée plusieurs fois ; les paraphrases attribuées à Apollinaire connaîtront deux autres éditions avant la fin du siècle18 ; d’autres plumes enfin continueront de servir les Muses dans ce domaine, par exemple celle de Jean de Serrès (Serranus ; 1540-1598) en 157519 ou, en 1581, celle d’Æmilius Portus (1550-1614), le fils de François (1511-1581)20.

Jusqu’à récemment, il n’y avait aucune raison de douter que les pièces contenues dans le Bernensis et publiées par les Estienne sous le nom de Florent Chrestien étaient vraiment toutes de lui. Cependant, en errant dans les papiers du fonds Dupuy de la Bibliothèque nationale de France, nous y avons trouvé une note troublante. En effet, les folios 161r-164v du volume 39521, qui réunit des papiers en rapport avec Joseph-Juste Scaliger (1540-1609, professeur de « philosophie » à l’Académie de Genève de 1572 à 1574), contiennent cinq Psaumes en vers grecs. Du premier (Psaume 6) ne sont écrites que quatre lignes, qui correspondent aux quatre premières lignes du Psaume 6 attribué à Florent Chrestien dans l’édition des Estienne de 1566, et sont suivies par cette note :

Reliqua, post paraphrasin Psalmorum Geor. Buchanani. et editus hic psal. sub nom. Flor. Christiani.

Iste Psalmus. editus sub nomine Fl. Christiani Aurelian. adeone tanti nostra sunt, ut quae ipsa vix se tueri possunt, etiam aliis famam quaerere debeant ? qui ne tanto ingenio adscribantur. J. Scal.

Le reste [se trouve] après la paraphrase des Psaumes de Georges Buchanan. Et ce Psaume [a été] publié sous le nom de Florent Chrestien.

Ce Psaume [a été] publié sous le nom de Florent Chrestien d’Orléans. Nos œuvres ont-elles tellement de valeur que même celles qui peuvent à peine se défendre doivent chercher la gloire aussi pour d’autres ?… à qui l’on ne devrait pas attribuer tant de génie. Joseph Scaliger.

Le Psaume 45, qui se limite aussi à quatre lignes correspondant aux quatre premières lignes du Psaume 45 attribué à Florent Chrestien dans l’édition des Estienne, est suivi d’une mention équivalente. Si l’on en croit donc ces notes, Chrestien aurait publié sous son nom deux poèmes composés par Scaliger.

Une analyse stylistique serrée des quatre pièces contenues dans le Bernensis tendrait-elle à confirmer l’accusation de Scaliger ? C’est l’un des objets de la seconde partie du présent travail. Mais faisons d’abord connaissance avec les témoins.

L’editio princeps de 1566 et les éditions postérieures

Psalmorum Dauidis paraphrasis poetica, nunc primùm edita, Authore Georgio Buchanano, Scoto, poetarum nostri saeculi facilè principe. Eiusdem Dauidis Psalmi aliquot à Th. B. V versi. Psalmi aliquot in versus ite (m) Graecos nuper à diuersis translati. Apud Henricum Stephanum, & eius fratrem Robertu (m) Stephanum, typographum Regium. Ex privilegio Regis. Tel est le contenu de la page de titre de ce volume in 8° (= Buchanan et al. 1566). L’exemplaire de la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève (BPU)22 est composé de 4 parties (sans les gardes) :

1) partie initiale, 8 pages non numérotées : p. de titre avec la marque de l’olivier (type 9 Schreiber23) ; p. vide ; sur 6 pages, petites pièces initiales : dédicace à Marie reine d’Ecosse et 21 « épigrammes » en l’honneur de Buchanan, en latin et grec ; parmi elles, on remarque celle de François Portus ;

2) partie principale, 280 pages, numérotées de 1 à 277 : p. 1-264, paraphrases en vers latins des 150 Psaumes, par Georges Buchanan ; p. 265266, deux autres pièces de lui ; p. 267-277, six Psaumes en vers latins de Théodore de Bèze ; puis 3 p. vides, non numérotées ;

3) troisième partie, 48 pages : p. 1, p. de titre sans décoration ; p. 2, non numérotée, vide ; p. 3-45, 29 Psaumes en vers grecs : 4 pièces anonymes, 8 pièces de Frédéric Jamot (1550-1600), 7 pièces d’Henri Estienne (qui sont une reprise, légèrement modifiée, de compositions déjà publiées à diverses reprises) et 10 pièces attribuées à Florent Chrestien ; p. 46, postface d’Henri Estienne ; puis 2 p. vides, non numérotées.

4) dernière partie, 56 pages, non numérotées : édition du Franciscanus de Buchanan, 1566. La page de titre et le contenu correspondent à la description de Durkan24.

Le volume conservé à l’Institut d’Histoire de la Réforme (IHR ; Genève)25, comme ceux qui sont décrits dans la littérature spécialisée, ne contient que les trois premières parties26. En outre, il y a, entre les deux volumes, des différences typographiques significatives. Voici, par exemple, le début du v. 33 du Ps.2 (p. 7 l.19 dans les deux volumes) :

– volume de l’IHR

– volume de la BPU

Parmi plusieurs autres différences, les plus fréquentes concernent les lettres θ, τ et les ligatures ην, αρ et δι27.

Une rapide comparaison de la troisième partie des deux volumes suggère également que :

– ces différences sont limitées au premier cahier, et ne concernent apparemment pas toutes les pages ; nous n’avons pas comparé les autres parties ;

– dans tout ce cahier, le volume de la BPU évite l’abréviation de, telle qu’on la voit dans l’illustration ci-dessus, alors que ce n’est pas le cas dans les autres cahiers. Nous en déduisons que, selon toute probabilité, la composition la plus ancienne est celle de l’IHR, plus homogène de bout en bout.

L’année de publication ne figure pas sur la page de titre et, comme nous venons de le voir, on ne peut pas tirer parti de la date se trouvant au début de la quatrième partie du volume de la BPU. Les spécialistes placent la publication de ce volume généralement à la fin 1565 ou en 156628. Dans l’édition, le manque de précision sur la date est apparemment à mettre en rapport avec le fait que la parution du volume fut retardée par quelques péripéties familiales29.

Le lieu de publication ne figure pas non plus sur la page de titre. L’édition, d’abord située à Paris, est aujourd’hui attribuée à Genève, sur la base de la présence, sur la page de titre, de la marque de l’olivier de type 9 (Schreiber30). Cependant, les différences typographiques que nous avons vues impliquent qu’il y a eu au moins deux tirages de cette publication, du moins de certains cahiers. Ont-elles eu lieu au même endroit ? La réponse est difficile, et nous engagerait dans une recherche qui n’est pas l’objet de la présente publication31.

Les Psaumes de Buchanan connurent un vif succès et le nombre de leurs rééditions dépasse la centaine32. En 1566 déjà, il y en eut plusieurs, en diverses villes d’Europe :

– à Strasbourg, chez J. Rihel, avec les Psaumes grecs33 ;

– à Anvers, chez C. Plantin, sans les Psaumes grecs, mais avec le Jephtes de Buchanan34 ;

– une réédition, en format in 16°, par les frères Estienne, avec le Jephtes de Buchanan, mais sans les Psaumes grecs35. Or, le volume signalé par Renouard porterait la mention de Paris sur la page de titre, avant le nom des éditeurs, et la date après celui-ci36, alors que le volume conservé à la BPU, comme celui qui est décrit par Durkan37, n’indique pas de lieu sur la page de titre et place les éditeurs entre l’année, située au-dessus, et la mention Ex privilegio regis.

Les Psaumes grecs ont encore été édités, avec les Psaumes de Buchanan, en 1568, 1572 et 1575, par J. Rihel38. Pour la partie grecque du moins, l’édition de 157539, basée sur celle de 1572, en aggrave les erreurs et les maladresses, souvent typographiques, plus fréquemment qu’elle ne les corrige. Ces particularités sont sans rapport avec celles du manuscrit de Berne.

Le Bernensis A 69

L’une des nombreuses activités scientifiques d’André Hurst, peu connue, est d’avoir patronné, avec Martin Steinmann, le projet du catalogue scientifique des manuscrits grecs conservés en Suisse, qui a débuté avec le fonds « Bongarsiana » de la Burgerbibliothek de Berne. C’est au cours de ces travaux que le codex A 69 a attiré notre attention.

Composé de deux bifolios de parchemin seulement, le Bernensis A 69 est de loin le plus petit manuscrit grec du fonds40. Le parchemin est à la fois translucide et de mauvaise qualité. Outre quelques défauts, il présente de nombreuses et grossières traces de raclures. Sur le folio 2r se trouvent trois traits rouges et minces, parallèles au pli et interrompus par la tranche de tête ; ils mesurent 14 mm et sont situés, respectivement, à 7, 10 et 12 mm du pli. Sur le verso du même folio, le reste de ce qui devait être une lettre, de couleur brunâtre, est visible vers la tranche de queue. Au f. 4r, en partie sur la dernière ligne de texte mais surtout dans la marge inférieure, une série de petits points rouges, apparemment disposés en ovale, rappelle la couleur des traits du f. 2r. L’ensemble de ces traces montre que ces feuillets, avant de servir de support d’écriture, ont eu un autre usage. Par ailleurs, on remarque également plusieurs taches.

Les bifolios ont été maladroitement découpés de sorte que les feuillets, de dimension inégale et de forme irrégulière, mesurent entre 166 et 173 mm de hauteur sur 122 à 125 mm de largeur. L’alternance poil-chair est respectée ; le cahier débute par le côté poil.

Ce cahier est encarté dans un bifolio de papier, constituant les gardes, et dans une simple couverture de carton souple, elle-même recouverte de papier. Le cahier est tenu à la couverture par une ficelle circulant, par trois trous, directement du centre du cahier au dos du manuscrit, et inversement ; à la fin du parcours, elle est nouée sur elle-même au centre du cahier. Le bifolio de garde, de papier assez épais et grossier, n’a pas de filigrane ; la distance entre les fils de chaînette est de 25 à 28 mm. Il est taché en divers endroits. La couverture mesure environ 174 sur 129 mm. Elle est tachée et abîmée. En particulier, la couvrure de papier, partiellement déchirée, laisse apparaître la ficelle sur le dos. A cheval sur le dos, une étiquette, qui porte la cote du manuscrit, recouvre partiellement une ancienne étiquette, qui porte la même cote.

Le manuscrit contient quatre Psaumes en vers grecs, publiés une première fois par Henri et Robert Estienne en 1566 sous le nom de Florent Chrestien (cf. supra) : (f. 1r) Ps. 1. – (f. 1v-2v sup.) Ps.2. – (2v inf.) vide, sans notes. – (f. 3r-v sup.) Ps.8. – (3v inf.-4v) Ps.6.

Chaque pièce commence par une ligne de titre indiquant le numéro du Psaume ; elle est centrée et se trouve généralement dans la marge supérieure, près de la tranche (exception, f. 3v). Puis l’organisation varie suivant la pièce : Ps. 1 : 23 vers, une ligne par vers, non numérotés. Les v. 8, 13 et 17 sont mis en retrait très légèrement. – Ps.2 : 13 strophes, quatre lignes par strophe ; strophes 7-10 et 13 numérotées, probablement par le copiste. La dernière ligne de chaque strophe est justifiée à droite ; aux deux changements de page, les strophes ne sont pas coupées. – Ps. 8 : 10 strophes, trois lignes par strophe, non numérotées (cf. planche 1 infra). La première ligne de chaque strophe débute en vignette. La fin des vers est deux fois rejetée à la ligne suivante, vers la marge de droite. Au changement de page, la strophe n’est pas coupée. – Ps.6 : séparé du précédent par un trait horizontal ; 12 strophes non numérotées, disposées comme celles du Ps.2 (cf. planche ci-dessous).

Sauf peut-être pour la numérotation des deux derniers folios (sur le recto, vers le coin supérieur extérieur), le copiste n’a pas marqué les feuillets. De même, il ne les a pas réglés et il en occupe la surface de façon très libre, écrivant parfois jusqu’au bord de la page. Par exemple, sur le f. 1r, les marges supérieure, inférieure et intérieure, assez régulières, mesurent respectivement 15, 14-17 et 17 mm ; par contre, la marge extérieure varie entre 35 et 2 mm (29 et 9 mm en ne tenant pas compte des cas extrêmes) ; la surface d’écriture mesure donc 141 sur 73-106 mm (80-100 mm hors cas extrêmes).

Les deux corrections du copiste seront discutées plus loin (cf. p. 698), dans l’édition commentée des Psaumes : la première se trouve au f. 2r, où il a biffé une apostrophe (ad Ps.2.27) ; par la seconde, dans la marge du f. 2v, il propose de remplacer le ϕαίνητε du Ps.2.50 par γένοιτε. Une autre note manuscrite est le fait du bibliothécaire qui a inscrit la cote du manuscrit sur le f. 1r, dans la marge extérieure, près du coin supérieur extérieur du folio, en dessous du tampon de la Burgerbibliothek. Le copiste n’a ni signé ni daté son travail.

L’encre du copiste est fondamentalement grise, parfois très pâle. On trouve, au f. 3r, quelques taches d’une autre encre, peut-être plus récente, aux reflets bleus, notamment après μέγιστον (Ps.8.1) ; de même, dans la marge supérieure du f. 3v, on trouve, au-dessus de πάντα (Ps.8.22), de petits traits bruns qui, malgré leur position, ne semblent pas liés au texte (cf. planche ci-dessous).

L’écriture très libre et très souple, est légèrement inclinée. Les lignes sont assez rapprochées les unes des autres. Malgré quelques éléments de verticalité (principalement les barres des β, particulièrement allongées, des γ majuscules, des ϕ, toutes courtes qu’elles soient, de certains τ, des ι agrandis, notamment en ligature avec ε), les traits sont fondamentalement courbes. La palette des signes utilisés est très riche et présente un jeu de contrastes entre des lettres agrandies (ϕ, σ lunaire, parfois θ, β…) et des lettres normales, parfois légèrement plus petites (o, α, ε…). Les ligatures sont abondantes. Les esprits et les accents sont très présents, parfois liés l’un à l’autre. Si ce n’est pour la conjonction καί et la finale -ων, le copiste utilise peu d’abréviations tachygraphiques : on en trouve deux pour -ται, une pour -σθαι et une pour -ας (f. 3v l. 12, = Ps.6.2, cf. planche ci-dessous).

Bernensis A 69, f. 3v (réd. ca 90 %) – Ps. 8, 22-30 et Ps. 6, 1-12 - main attribuée à <Florent Chrestien> – photo P. Andrist.

Parmi les autres particularités, nous relevons que :

– à deux endroits, la syllabe finale d’un propérispomène est écrite à la suite de l’accent circonflexe, au-dessus de la syllabe accentuée, en caractères plus petits (f. 3r l. 14 = Ps.8.14 : ὁπποῖος, et f. 4v l. 6 = Ps. 6.38 : παλαμναῖοι) ;

– cinq majuscules clairement « typographiques » apparaissent au Psaume 8, au début de quatre strophes non consécutives, et au Psaume 6, en début de poème ;

– comme souvent dans l’édition de 1566, l’espace entre les mots, généralement bien marqué, diminue très nettement avant les enclitiques ;

– le copiste n’utilise pas une écriture agrandie ou différente pour mettre les titres en évidence, et n’ajoute pas de décorations.

Un premier trait frappant de cette écriture est sa ressemblance générale avec la forme des fameux « grecs du roy » utilisés par les Estienne. Au v. 7 du Psaume 8, le rapport est flagrant :

– manuscrit (f. 3r.8)

– volume de la BPU (p. 15.1)

– volume de l’IHR (p. 15.1)

Si la correspondance entre les lettres minuscules du manuscrit et celles des deux exemplaires pourrait, à la rigueur, s’expliquer par un très heureux hasard (même ligature des deux π et de υσ, mêmes formes et mêmes points de contact entre les lettres isolées), tel n’est pas le cas de l’usage et de la forme de la majuscule initiale, totalement inhabituels dans ce manuscrit (cf. ci-dessus). La seule explication que nous puissions retenir est que le copiste avait sous les yeux, à cet endroit, un exemplaire du tirage correspondant à celui de la BPU.

Cependant, le rapport graphique entre la main du copiste et la forme des lettres dans l’édition de 1566 est loin d’être absolu, et l’on trouve, des deux côtés, des tracés sans correspondance.

Peut-on identifier le copiste ? D’un côté, cette écriture appartient à une « famille » graphique bien connue : l’écriture de toute une série d’humanistes, au premier rang desquels se trouve Henri Estienne, ressemble aux « grecs du roy », taillés par Claude Garamond pour Robert Estienne I (1503-1559), sur le modèle de l’écriture d’Ange Vergèce (1505 ca - 1554 ca)41. Dans ce contexte, la prudence est nécessaire dans toute tentative d’identification.

D’un autre côté pourtant, après avoir comparé cette écriture à divers documents réputés autographes, conservés à la Burgerbibliothek et à la Bibliothèque nationale de France, nous avons acquis la conviction qu’il s’agit bien de la main de Florent Chrestien. En voici un spécimen, extrait de la correspondance de Pierre Daniel (1531-1604), conservée à la Burgerbibliothek dans les papiers de Jacques Bongars (1554-1612). Il s’agit d’une lettre de Chrestien à Daniel, sans lieu ni date42.

On est naturellement tenté de voir une chaîne de causes à effets : le jeune Henri, fortement influencé par les caractères typographiques grecs utilisés par son père puis par lui-même, les reproduit plus ou moins consciemment et les transmet à ses élèves.

Cette identification cependant soulève d’emblée plusieurs questions :

Pourquoi l’auteur des Psaumes les aurait-il copiés, tous ou en partie, à partir de l’édition de 1566, suivant l’hypothèse présentée ci-dessus, et ne les aurait-il pas cités de tête, ou sur la base de ses propres papiers ? Cependant, s’il voulait en offrir une copie à un ami, suivant la possibilité que nous développons plus bas, peut-on le blâmer de se servir, commodément, de la reproduction nette d’une édition ? 43

Pour anticiper sur la dernière partie de ce travail, si tel est le cas, pourquoi s’écarte-t-il parfois du texte imprimé et le ponctue-t-il souvent de façon moins satisfaisante ? La liberté face au texte est plutôt un argument en faveur d’une attribution de la copie à l’auteur. De plus, la sensibilité des anciens par rapport à l’usage des virgules pouvait être différente de la nôtre. Du reste, quel que soit le copiste envisagé, cette question se pose de la même manière. Pourquoi alors exclure la possibilité qu’il s’agisse de Chrestien lui-même ?

Si l’identification de la main de Florent Chrestien ne va pas sans poser quelques problèmes, elle présente aussi, nous semble-t-il, l’avantage de faciliter la réponse à d’autres questions.

Elle permet tout d’abord de rendre compte, de façon plausible, de l’ordre curieux des pièces ; pourquoi un simple copiste aurait-il permuté les deux dernières pièces ? S’il s’agit de l’auteur et si, comme nous le verrons, il est très probable que le Psaume 6 n’est pas de lui, nous pouvons alors raisonnablement imaginer qu’il ait eu quelques scrupules avant d’ajouter ce Psaume au manuscrit. Sinon, il faudrait invoquer le pur hasard de quelqu’un qui, par exemple, aurait copié par erreur le Psaume 8 avant le 6 et n’aurait pas voulu biffer le texte ou gratter le parchemin.

Cette identification suggère ensuite le chemin par lequel l’autographe partiel serait arrivé à Berne. D’une part, on trouve, dans les dossiers de Scaliger conservés à Leyde, deux folios de papier contenant deux autres Psaumes attribués à Florent Chrestien dans l’édition de 1566 et signés par l’auteur44 : c’est un indice que Chrestien envoyait à ses amis des copies de ses Psaumes, ou les échangeait avec eux. Or, la facture du manuscrit bernois convient bien à un cahier sur lequel on communique un texte à un ami. D’autre part, on sait qu’il a été, notamment dans sa jeunesse, en contact étroit avec Pierre Daniel45. Il se trouve qu’une grande partie de la bibliothèque et des papiers de Pierre Daniel devinrent, après sa mort en 1603, propriété de Jacques Bongars, qui légua ensuite sa bibliothèque à son filleul Jakob Graviseth (1598-1658). En 1632, ce dernier en fit présent à la cité de Berne, en reconnaissance pour l’octroi de la citoyenneté ; cette collection devint ainsi le noyau historique principal du fonds de la Bibliothèque46. Il est raisonnable de penser que le Bernensis A 69 a suivi ce chemin, même si son absence dans les premiers catalogues de la Bibliothèque, jusqu’à celui d’Engel en 1740, incite à la prudence. Toutefois, étant donné le format du manuscrit, nous faisons l’hypothèse que celui-ci était mêlé aux papiers de Daniel ou de Bongars, et ne trouva sa place dans le fonds qu’au début du XVIIIe siècle, lorsqu’y furent intégrés la plupart des volumes dont la cote commence aujourd’hui par A ou B.

Troisièmement, dans ce contexte, on comprend aussi pourquoi le nom de l’auteur n’est pas mentionné dans le manuscrit.

Pour compléter notre dossier, il faut maintenant lire et examiner de plus près les quatre poèmes du Bernensis.

Le Bernensis A 69 : transcription, traduction et commentaire

Notre transcription des Psaumes du Bernensis garde l’ordre de succession proposé par le manuscrit. De façon à mettre en évidence les différences entre le manuscrit et l’édition Estienne de 1566, le texte grec de chaque Psaume est transcrit tel quel, sans corrections47, et accompagné d’un apparat critique qui signale les variantes textuelles et orthographiques de l’édition imprimée48. Une traduction proche du texte précède un commentaire stylistique succinct, dont un point fort sera l’analyse comparative entre l’ensemble des Psaumes 1, 2 (surtout) et 8, apparemment composés par Florent Chrestien, et le Psaume 6, que Joseph-Juste Scaliger s’attribue dans la note parisienne.

Dans l’envoi des Psalmi aliquot in versus Graecos nuper a diversis translati49, s’adressant aux Musarum Graecarum studiosi, Henri Estienne explique pourquoi il a publié le petit choix de poèmes : il aimerait qu’il soit reçu davantage comme un encouragement à traduire le Psautier que comme un échantillonnage de modèles normatifs (non tanquam exemplar… sed tanquam exemplum…). Son admiration pour certains des textes proposés est grande : Sunt enim ex his Psalmis aliquot in quibus tam felicem elegantiam mihi visus sum perspexisse, ut quid ad eam accedere possit non videam. Il dit à propos du reste : Quibus et caeteros, etsi non tanquam παραλλήλους cum illis componendos, apponendos tamen certis de causis existimaui. On aimerait savoir quels étaient précisément les Psaumes qu’il jugeait si élégants, et s’il y avait un ou deux auteurs qu’il considérait comme meilleurs : Chrestien ? Jamot ? l’anonyme ? Admirait-il peut-être tout particulièrement les Psaumes signés par Chrestien que Scaliger revendique ? le Psaume 6 ? Que savait-il au juste des Psaumes qui portent le nom de Chrestien ? Et quelles sont ces certae causae qui l’ont poussé à publier également les Psaumes jugés moins heureux ? Sa formulation reste vague. Il est en revanche explicite lorsqu’il déclare trouver dans ces compositions contemporaines (y compris dans les siennes !) une qualité non seulement poétique, mais aussi de traduction, incomparablement supérieure à celle des paraphrases en hexamètres d’Apollinaire de Laodicée, persiflé avec une ironie mordante50.

Psaume 1 (Ψαλμὸς ᾱ)

ὄλβιος ἐστὶν ἐκεῖνος ὃς οὐ σκολιοῖο κελεύθου

ἴχνια μαστεύει, καὶ οὐκ ἄδικα ϕρονεόντων

μίμνει ἐν ἀτραπιτῷ ποτ’ ἀλήμονι, ὄλβιος αὖθις

ὃς μὴ ἐϕεδρήσσων ὀλοῶν χλευώδεος ἕδρης

5 ἄρχει, οὐτιδανοῖς παρέχων ἀριήκοον οὖας.

ἀλλ’ ὅστις θεϊκούς τε νόμους καὶ θέσκελον ὄμϕην

ᾗ κραδὶῃ νυκτάς τε καὶ ἤματα μερμηρίζει.

οὗτος καλλικόμω μὲν ἀνὴρ εἰδήνατο δένδρω,

καλὰ ϕυτευομένῳ πυκινὰς ποταμοῖο πὰρ ὄχθας

10 ὅῤῥα πεπαινομένῃ καὶ ὡρίῳ αἰὲν ὀπωρῃ

βρίθεται, οὐδ’ ἀπὸ ϕύλλα χέει θαλερῶν ὀροδάμνων,

τῷ δὲ γὰρ ἀνδρὶ θεὸς κρήηνεν ἀεὶ τέλος ἔργων.

oὐ τάδ’ ἀθεσμoßίoισν ἐτoίμασται μερόπεσσιν.

τoῖoι δ’ ἔσσoνται, οἵη βoρενήλατoς ἄχνη

15 ὑψοῦ ἀειροένη σὺν κυκλϕερεῖ κoνιoρτῷ,

τόν ῥα ϕερουσιν παίγνιον ἐψιόωντες ἀῆται

τῷ, ὅπoταν δεινὴ ἥξει κρίσις ἀνθρώποισι,

ὑψιμέδων τε θεὸς ϕθισήνορα μῦθον ἐνίψῃ,

οὐ μὰν δυσσεβέες στυγεράς κεν ἄροιεν ὀπωπὰς,

20 oὐδὲ δικαιοτέρων πoτ’ ἐνικρίνοιντo ὁμίλῳ.

oὕνεκεν ἀθάνατoς ὅς παντ’ ἐϕoρᾶ κ’ ἐπακούει

ἰθυνόων oἶμoν καὶ στήθεα καὶ νόoν ἔγνζ,

τῶν δ’ ἀλιτρῶν ὀλέσει σκολιὰ ϕιλέoυσαν ἀταρπόν.

Bern. A 69

1 ὃς. macula ut vid. 17 ȏποταν

Edition de 1566

Variantes textuelles : 3 μίμνεν 14 oἷoι pro οἵη 19 μὲν

Ponctuation : 3 ἀλήμoνι 5 oὖας 9 ὄχθας 11 ὀροδάμνων. 13 μερόπεσσιν, 14 ἔσσoνται – ἄχνη, 16 ἀῆται. 17 τῷ 21 ἐπακούει,

Accents, esprits, clitiques : 1 ὄλβιός ἐστιν 6 ὀμϕὴν 7 νύκτας 9 παρ’ 11 ἄπo 12 τῷδε 16 ϕέρoυσιν – ἑψιόωντες 17 ὁπόταν 21 πάντ’

Tréma : 5 oὐτϊδανοῖς 6 ὅστϊς

Iôta souscrit : 8 δένδρῳ 21 ἐϕoρᾷ

Heureux est celui qui d’un chemin tortueux / ne recherche pas les traces, et sur le sentier vagabond / de ceux qui méditent des injustices ne s’attarde pas ; heureux à son tour / celui qui ne s’assied pas sur le trône des perdus, trône aux maintes moqueries, / (5) pour gouverner en offrant aux vauriens une oreille trop facile. / Mais celui qui médite dans son cœur nuit et jour / les lois divines et la voix qui vient de Dieu. / 

Cet homme ressemble à un arbre à la belle frondaison, / bien planté près des berges verdoyantes (solides) d’une rivière, / (10) qui, en sa saison, de fruits mûrs / est chargé, et ne perd pas les feuilles de sa luxuriante ramure, / les œuvres de cet homme, Dieu les mène toujours à bien. / 

Tel n’est pas le sort qui attend les mortels vivant sans règles ni lois. / Ils seront comme la balle emportée par le vent de Borée, / (15) soulevée dans les airs au milieu d’un tourbillon de poussière, / jouet que les vents emportent dans leurs amusements. / 

Ainsi, lorsque l’effroyable jugement viendra pour les hommes, / et que le Dieu aux hautes pensées proférera sa parole fatale, / les impies n’oseront pas lever leur regard détestable, / (20) ni ne seront jamais admis dans le rassemblement des justes. / Car l’immortel qui tout voit et tout entend / connaît le chemin, le cœur et les pensées des esprits droits, / mais ruinera le sentier retors des coupables.

Le choix de paraphraser ou traduire51 le Psaume 1 en hexamètres dactyliques s’explique sans doute par le prestige de cette forme métrique, mais probablement aussi par le contenu sapiential de ce texte biblique qui fait penser à la poésie didactique d’Hésiode, pour ne mentionner que le grand modèle du genre52. Les deux comparaisons centrales (le juste est comme un bel arbre chargé de fruits, et les impies, comme la balle emportée par le vent) rappellent par ailleurs les très nombreuses comparaisons qui caractérisent les poèmes homériques. Hésiode et Homère ne sont néanmoins pas les seules sources d’inspiration du poète. Le vocabulaire et les formules sont empruntés également à la poésie hexamétrique plus tardive53. L’auteur respecte généralement le style du genre54, auquel se conforment aussi les deux hapax χλευώδης (v. 4) et βορεήλατος (v. 14).

Le troisième μακαρισμός de l’homme juste (v. 3-5) est interprété de manière particulière. Une traduction proche de l’hébreu donnerait : « Heureux l’homme qui ne… ni au siège des railleurs ne s’assied »55. Or Florent Chrestien donne clairement au « siège » la valeur d’un « siège de pouvoir », d’un « trône ». L’ajout original du verbe ἄρχει au v. 4 oriente le sens de manière univoque. Dès lors, ce siège n’est plus celui des railleurs, même s’il continue à être en rapport avec la moquerie56, et celui qui l’occupe se laisse en premier lieu mystifier par d’autres. L’auteur semble comprendre le texte comme une critique adressée à un souverain ou à un autre homme de pouvoir qui serait plus à l’écoute des hommes que de Dieu. Pour aboutir à cette interprétation, Florent Chrestien s’est appuyé de toute évidence sur la paraphrase latine du Psaume par Georges Buchanan (v. 3-4) : sessorve cathedrae / Pestiferae, facilem dedit irrisoribus aurem57. Le terme cathedra58 peut aisément être compris comme « trône, siège de pouvoir », une signification du mot qui apparaît à l’époque impériale et qui passe dans le langage chrétien pour désigner le siège de l’évêque ou le Saint-Siège de Rome. On imagine quel réconfort devait être pour Chrestien, au milieu des conflits et des persécutions de l’époque, que de lire, à l’orée du Psautier, une parole contre la cathedra pestilentiae ou cathedra pestifera : à ses yeux, elle devient tout naturellement celle de la détestable autorité catholique, religieuse et séculière.

Métrique – Sur les vingt-trois vers, seize présentent une césure penthémimère (masculine), quatre (v. 1, 8, 11, 13) une césure trochaïque (féminine)59, un vers (v. 6) une césure hephtémimère, un vers (v. 3) une diérèse bucolique associée à une penthémimère, et un vers n’a pas de césure (v. 16). La nette prédominance de la césure masculine sur la féminine ne correspond pas à l’esthétique grecque, mais plutôt à la latine60. La prosodie est plutôt correcte, souvent même adroite dans le maniement des règles de l’hexamètre, notamment celles qui concernent l’abrègement ou l’allongement de syllabes61. La règle vocalis ante vocalem corripitur est appliquée d’une manière qui n’est point mécanique62, sur le modèle de la pratique homérique et hésiodique63. Le premier alpha de καλά (v. 9) est long en conformité avec la langue épique (et contrairement à l’usage attique). Les mots formés de trois syllabes longues et ceux formés de quatre syllabes longues sont correctement placés de façon à ne contenir qu’une seule biceps contractée64. Il y a des infractions isolées à d’autres règles de l’hexamètre, mais cela correspond bien à la souplesse de cette forme métrique qui admet toujours des exceptions65.

Le Bern. A 69 et l’édition de 1566 – L’édition propose au v. 3 un imparfait qui rompt la série des présents (v. 2, 5 et 7) mais sert peut-être à éliminer l’hiatus, et, au v. 14, un oἶoι qui ne s’impose pas de manière évidente. Le μέν au v. 19 est banal si on le compare au μάν du Bernensis, plus recherché mais aussi légèrement problématique66.

Dans l’édition, la ponctuation est en revanche sensiblement meilleure et les accents, plus corrects (v. 1, 6, 7, 9, 16 ϕέρουσιν, 17, 21)67. On pourrait imputer certaines fautes d’accentuation du Bernensis à l’influence d’une lecture des vers marquée par l’ictus (6, 7, 17). Cette caractéristique du manuscrit et l’absence de quelques signes sont peut-être les indices d’une rédaction rapide et quelque peu négligée du petit cahier.

Une variante d’accent et une autre d’esprit présentent un intérêt particulier. Au v. 11, la forme ἄπο de l’édition relève d’un certain pédantisme et s’avère en fin de compte incorrecte68. Au v. 16, la variante à l’esprit doux ἐψιόωντες du Bernensis est en quelque sorte une lectio difficilior : elle correspond à l’explication d’une scholie qui fait dériver le verbe ἐψιόω de ἔπος69.

Avec toute la prudence requise, on pourrait tirer un premier bilan : si le manuscrit semble avoir été rédigé quelque peu hâtivement, sa qualité textuelle semble plus élevée que celle de l’édition, malgré, ou plutôt à cause de sa plus grande hardiesse philologique et poétique, frisant par moments la témérité.

Psaume 2 (Ψαλμὸς β)

τίπτ’ ἀολλίσθη τόσος ὄχλος ἀνδρῶνStr. I
ἀθρόως καί πασσυδίη ἀγερθεὶς,
τίπτε συμϕράζονται ἀνήνυθ’ αὕτως
μήδea λαοί ;
5 ἄμμιγ’ οἱ γαίας βασιλῆες ἦνθονII
καὶ ὅσοι ἀνδρῶν κρaτεροὶ ἄνακτες,
κατθεῶ βουλὰς καὶ ἑοῖο χριστῶ
μητιόωντες.
εἴ δ’ ἄγε ζεύγλαν κρατερῶν λεπάδνων,III
10 ϕαντὶ, ῥήξαντες γ’ ἀποθῶες αὐτῶν,
καὶ λίην δεσμοὺς βαρυνεῦντας ἐξώ-
θωμες ἀϕ’ ἁμέων.
αὐτὰρ ὁ ναίων βασλὺς ὄλυμπόν,IV
τοῖς δ’ ἔπι πρῶτον θεὸς ἐγγελάσσει,
15 μειδιάσας ἀθανάτῳ προσώπῳ,
ἐς δὲ τελευτὰν
χώσεται, ϕρικτῷ κρατερῷ τε μύθῳV
σϕᾶς ἐλέγχων, σὺν τρόμος αἰνὸς αὐτοὺς
γυῖα αἱρήσει, ὁπόταν βαρεῖαν
20 μῆνιν ἐϕήσει
ᾧ δέ πως˙ τῷ ’μῷ βασιλῆι δῶκαVI
κῦδος ἀῤῥήκτω βασίλήιον ἀρχᾶς˙
καὶ τόδ’ ἐξaύδασσεν ἄναξ ἔπος μοι
ἐσσί μοι υἱός
25 σοί τ’ ἐγὼ πὰτηρ, σε μὲν εἶδεν ἀὼςVII
ἅδε γενναθέντα, τὺ δ’ ὦ ϕίλος, με
πάντα˙ αἴτει ὅσσ’ ἐθέλεις καὶ ὦν σε
ἳμερος αἱρεῖ.
τοί γὰρ ἀνδρῶν ἄκριτα ϕῦλα δώσω,VIII
30 ἀντὶ δὲ κλὴρω δύο πείρατ’ αἴας,
ὄϕρα κοιρανήϊον ἔχων γε κάρτος
ἁγεμονεύῃς.
ἤνδε τεῦ ἀρχᾶ τινὲς εἰσ’ ἀπειθεῖςIX
τούς δ’ ἄπο ῥαβδω ῥέα κεν σιδηρᾶ
35 ηὔτε θραύσειας κραμήϊον ἄγγος,
τέκτονος ἔργoν.
νῦν δέ σκαπτοῦχοι βασιλῆες, ἠδὲX
ἀρχοὶ ἀνθρώπων καὶ ὅσοι δικασταὶ
ταῦτ ἐνὶ στέρνοις σϕετέρoισι πάντες
40 ἐγκατάθεσθε.
δέχθε παιδείαν πινυτὰν, θεόνδεXI
ἔξοχ’ αἰδεῖσθε, κραδίαν δ’ ἐπ’ αὐτῷ
τέρπετε ϕρίσσοντες, ὁμοῦ τρομεῖτε
καγχαλόωντες.
45 παῖδα δὲ προσπτύξατε ϕιλέοντες,XII
μή γ’ ἀποστάντας ὀσίω κελεύθω
τὰς ϕρένας κείνω βαρύμηνις ἔκποτ’
ὔμμε ταράσσῃ˙
κάδδε τεθνᾶναι ὀλίγον δέοντεςXIII
50 ἄπνοοι ϕαίνητε, σαϕῶς δὲ τῆμος
γνώσετ’ ὡς πέλει μάκαρ ὃς πεποίθει
αἱὲν ἐκείνῳ.

Bern. A 69

27 πάντ’ a.c., ut vid. 31 κοιρανήϊον tetrasyllabum ! 45 δὲ vel δέ 50 γένοισθε in marg. s. pro ϕαίνητε – δὲ vel δέ

Edition de 1566

Variantes textuelles : 6 κρατερῶν 15 μειδιάων 26 ὦ με τέκνον pro ὦ ϕίλος, με 33 τινὲς ὦσ’ 37 γε pro δέ 42 κραδίην 50 πέλοιτε pro ϕαίνητε 51 γνώσεθ’ ὡς μάκαρ τελέθει πεποιπὼς

Variante prosodique : 47 ἔκπο-48 τ’ ὔμμε

Ponctuation : 1 ἀνδρῶν, 2 ἀγερθείς ; 5 ἦνθον, 13 ὄλυμπον 15 προσώπῳ˙ 18 ἐλέγχων. 22 ἀρχᾶς. 23 μοι, 24 υἱὸς, 25 πατήρ˙ 26 γενναθέντα. τὺ δ’ ὦ με τέκνον 27 πάντα – ἐθέλεις, 33 ἀπειθεῖς, 38 ἀνθρώπων, – δικασταί, 42 αἰδεῖσθε˙ 49 δέοντες, 50 πέλοιτε. pro ϕαίνητε,

Accents, esprits, clitiques : 2 καὶ – ἀγερθείς 9 εἰ 10 ῥήξαντές 18 τρομὸς IHR 21 Ωδέ 25 πατήρ 27 σὲ BPU 29 τοὶ γὰρ 33 Ην δὲ 34 ἀπὸ 35 ηὖτε 40 ἐγκα-ταθέσθε 41 θεὸν δὲ 49 καδ δὲ vel καδδὲ

Tréma : 18 σῢν IHR 21 βασιλῆϊ 22 βασιλήϊον IHR 35 κεραμήιον BPU

Autres signes : 7 χρῑστῷ BPU 30 αἴᾱς̄ BPU 33 ἀρχᾷ 34 ῥάβδῳ – σιδηρᾷ 39 ταῦτ’

I. Pourquoi une si grande foule d’hommes s’est-elle rassemblée, / réunie en force, en rangs serrés, / pourquoi les peuples méditent-ils ensemble, comme cela, / de vains desseins ? // 

II. (5) Pêle-mêle les rois de la terre / et tous les chefs vigoureux des hommes / contre les volontés de Dieu et de son Christ / sont venus comploter. // 

III. « Allons, leur joug aux solides courroies, / (10) disent-ils, brisons-le et débarrassons-nous-en ! / Et ces liens qui nous accablent tant, / rejetons-les loin de nous ! » // 

IV. Alors le Roi habitant l’Olympe, / Dieu, commence par se rire d’eux, / (15) le sourire sur son immortel visage ; / mais pour finir // 

V. il se mettra en colère, de sa parole effrayante et forte / les blâmant ; un frisson terrible / saisira leurs membres, lorsqu’à sa lourde fureur / (20) il donnera libre cours // 

VI. à peu près en ces termes : « J’ai donné à mon roi / l’éclat royal d’un pouvoir infrangible. » / Le Seigneur m’a adressé aussi cette parole : / « Tu es mon fils, // 

VII. (25) et moi, je suis ton père ; cette aurore t’a vu / naître, mais toi, mon cher, (tu m’as vu) tout entier (??) ; / demande-moi ce que tu veux, et ce dont / le désir te saisit. // 

VIII. Car à toi je donnerai les innombrables tribus des hommes, / (30) et pour héritage les deux extrémités de la terre, / afin que, maître au pouvoir souverain, / tu gouvernes. // 

IX. Si certains sont récalcitrants à ton pouvoir, / tu pourras de ton sceptre de fer / (35) aisément les briser comme un vase de potier, / œuvre d’artisan. » // 

X. Maintenant, rois détenteurs de sceptre et / chefs d’hommes, et vous tous, juges, / déposez, tous, ces paroles / (40) dans votre poitrine. // 

XI. Recevez une sage correction : respectez / Dieu au plus haut point ; réjouissez-vous à son sujet / en vos cœurs tout en frissonnant, tremblez / tout en riant de joie. // 

XII. (45) Adressez-vous avec amour à mon enfant, / de peur que, si vous vous éloignez du saint chemin, / un jour il ne vous confonde, / la lourde colère en son cœur. // 

XIII. Craignez de vous montrer (variante marginale : d’être) privés de souffle, / (50) à un pas de la mort. Clairement, alors, / vous comprendrez que bienheureux est celui qui se confie / sans cesse à lui. »

Comme le Psaume 1, le Psaume 2 est une version assez fidèle à son modèle biblique. Elle reflète même, à plusieurs endroits, les choix lexicaux de la Bible grecque, dont l’auteur s’est sans doute servi comme base de travail70. Le choix de la forme semble avoir été déterminé par quelques éléments thématiques que le Psaume a en commun avec les cinq strophes saphiques de l’hymne à Rome de la poétesse Mélinno (ou Mélino), conservées dans le Florilège de Stobée et datables au plus tôt au IIe siècle avant notre ère. L’auteur en a repris textuellement des vers entiers et en a adopté la langue71, qui est celle de la poésie chorale72. Chez Mélinno comme chez Florent Chrestien, quelques éolismes clairsemés dans le texte sont la seule trace évocatrice du dialecte dans lequel Sappho a composé ses poèmes73. Le vocabulaire et le style du Psaume 2 rappellent surtout les chants du chœur et d’autres parties lyriques de la tragédie attique, plus que les odes de Pindare. Le vocabulaire s’inspire en fait essentiellement de la tradition épique, tout en comportant des expressions attiques courantes74 et, bien sûr, des dorismes75, mais ces derniers ne suffisent pas à donner à la composition la coloration dorienne bien marquée d’un Pindare. Le style est d’ailleurs monocorde et ne sort pas des limites d’une élégance modérée : s’il n’a rien de la sublime simplicité de la poésie de Sappho, il n’évoque pas non plus la complexité d’un Eschyle.

Métrique – En adoptant la strophe saphique, le poète du Psaume 2 s’insère dans une tradition qui est autant romaine que grecque. Les poètes latins, notamment Catulle, Horace et Sénèque qui ont adopté cette forme éolienne, utilisée par Sappho et par Alcée à la fin du VIIe et dans la première moitié du VIe siècle av. J.-C., lui ont donné une interprétation spécifique. C’est surtout Horace qui a fait évoluer la strophe saphique de manière décisive, en la dotant de nouvelles règles en rupture avec la tradition archaïque grecque76.

Le Psaume 2 manifeste une conception plutôt horatienne de cette forme poétique. Le schéma de la strophe saphique appliqué dans cette composition comporte quatre vers distincts, trois hendécasyllabes et un adonique : – U – U – U U – U – (3 fois), – U U – (1 fois). La coupe typiquement horatienne après la 5e syllabe des hendécasyllabes y est fortement majoritaire : 29 cas sur 39, c’est-à-dire environ trois quarts des cas77. La moitié des dix vers restants ont une coupe après la 6e syllabe78, l’alternative horatienne minoritaire à la coupe principale79. Une autre préférence bien caractérisée comme horatienne est celle pour une syllabe longue dans la position anceps (IVe position) des hendécasyllabes (35 sur 39 !)80. Le 3e hendécasyllabe et l’adonique sont traités dans l’ensemble comme indépendants l’un de l’autre, à la manière des poètes romains81, mais deux cas de synaphie verbale entre ces deux vers82 signalent peut-être une certaine volonté d’imiter néanmoins Sappho83. Le 3e hendécasyllabe présente sept fois (sur treize cas) une fin de mot après la 9e syllabe, « à la grecque »84, ce qui semble aller dans le même sens85.

Le Bern. A 69 et l’édition de 1566 – Les différences entre le Bernensis et l’édition de 1566 sont nombreuses, mais la plus importante est celle qui concerne la ponctuation du v. 27. Le manuscrit présente à cet endroit à la fois une petite correction – le copiste a élidé πάντα pour immédiatement s’en repentir – et un point-en-haut. Notre interprétation est que, surpris par un hiatus qui le gênait, le copiste a cherché à améliorer le texte sur-le-champ. Pour des raisons de métrique, il a dû renoncer à sa première idée de procéder à une élision, et a opté pour un point-en-haut entre les deux alpha contigus. Cette nouvelle ponctuation entraîne toutefois une compréhension du texte qui s’éloigne du modèle biblique, auquel l’édition de 1566 est fidèle86. Le copiste n’a sans doute pas assez réfléchi avant d’introduire dans son texte une modification de dernière minute : des traces d’une préparation hâtive du manuscrit étaient déjà apparues dans le Psaume 1. Il n’est reste pas moins que c’est plutôt la démarche d’un auteur que celle d’un simple copiste. Par malchance, le copiste-auteur, qui n’a visiblement pas eu le temps de reprendre son œuvre, ne reviendra pas sur cette solution malheureuse qui, de fait, déprécie son texte.

L’optatif πέλοιτε de l’édition (v. 50) est proche de la variante marginale γένοισθε du Bernensis. Il se peut que la formulation différente du v. 51 dans l’édition vise à éviter la répétition du verbe πέλω et / ou, éventuellement, la proximité malheureuse de ὡς et ὅς dans le vers du manuscrit. Quant aux autres variantes textuelles de l’édition, elles ne différent pas sensiblement, sur le plan qualitatif, des leçons du Bernensis, sauf le subjonctif indispensable avec ἤν au v. 3387.

L’édition propose des accents plus corrects88, à deux exceptions près (au v. 18 du tirage IHR et au v. 40 des deux tirages), et des iôtas souscrits supplémentaires, dont trois sont indispensables (v. 33 et 34), et un, fautif (v. 7 du tirage BPU). Les problèmes posés par les clitiques y sont mieux résolus, y compris le traitement de la particule δέ89. Surprenant, au v. 7, le κατθεῶ qui fait l’unanimité : s’agit-il d’une solution réfléchie et partagée concernant l’insertion textuelle des prépositions éoliennes avec apocope90, ou, tout simplement, d’une faute recopiée ?

Psaume 8 (Ψαλμὸς η̄)

Ἄϕθιτ’ ἄναξ καὶ ἀγητὲ, σεῦ οὔνομα ὡς πέλει μέγιστονStr. I
θαῦμα βροτοῖσιν, οὗ τὸ μυρίον κλέος
διῆκε κἀπὶ νύκτα καὶ πρὸς ἀώ.
σὸν δὲ μετάρσιον εὖχος ἀθέσϕατον, ἵκετ’ οὐρανόνδε,II
5 αἴγλην ἐρήμας αἰθέρος διῆκον
τὸ σὸν δὲ κάρτος καὶ τεὴν σοϕίην
Παππάζουσι βρέϕη νεοθηλέα νήπια ϕρονέονταIII
τιμωρὸς ὥς κεν καὶ τέων ἀμύντωρ
δίκας παρ’ ἐχθρῶν ποινὶμους ἀροίης.
10 ἀλλὰ θεοδμήτοιο σελασϕόρον ἄντυγ’ οὐρανοῖοIV
ἱρᾶς τε μήνης ποικίλον μέτωπον
καὶ τέκνα νυκτὸς ἄστρα νυκτιλαμπῆ
ὁππόταν ηὐγaσάμην σϕετέρων πάτερ ἔργα πάντα χειρῶνV
ὁπποῖος ἐστὶ, θαμβέων ἔειπα,
15 ἄνθρώπος, ὃς δή σοι μέμηλέ τόσσον ;
Ἦ ρά γε τηλίκοι εἰσὶν ἐϕάμεροι, οὓς ἴσον σὺ τίειςVI
σχεδὸν τεοῖσιν ἀγγέλοις πτερωτοῖς,
οὓς καὶ γεραίρεις κύδεϊ πυκάζων ;
σῶν γὰρ οἱ ἔργα χερῶν ὑποχείρια ἀμϕέπειν ἔδωκαςVII
20 ὑπαὶ πόδεσσιν δοῦλα πάντα παρθεὶς
ἐπὶ μελαίνας ὅσσα βόσκετ’ αἴας
Κνώδαλα, θηρία πὰντα καὶ ἑρπετὰ, κτηνέων τε ϕῦλα,VIII
καὶ ϕιλοκρήμνων ὀρνέων ϕάλαγγας,
τεκνῶν τε τυτθῶν μυρίους γενέθλας
25 ἠερίους ἐρέτας, νεπόδων θ’ ὅσα νήχετ’ οἰκέονταIX
πολυσπερῆ ῎θνη ποντίας ἀταρποὺς
ἔκπαγλα κήτεα ἴχθυάς τε μυκκοὺς.
ἄϕθιτ’ ἄναξ καὶ ἀγητὲ, σεῦ οὔνομα ὡς πέλει μέγιστονX
θαῦμα βροτοῖσιν οὗ τὸ μυρίον κλέος
30 διῆκε κἀπὶ νύκτα καὶ πρὸς ἀώ.

Bern. A 69

I μέγιστον macula posterior, ut uid. 15 δή vel δή 16 σὺ vel σὺ

Edition de 1566

Ponctuation : 4 ἀθέσϕατον 5 διῆκον. 7 νεοθηλέα, – ϕρονέοντα, 10 οὐρανοῖο, 11 μέτωπον, 13 ηὐγασάμην, – χειρῶν, 17 πτερωτοῖς ; 19 ἔδωκας, 22 πάντα, 24 γενέθλας, BPU 26 ἀταρποὺς, 27 κήτεα, 29 βροτοῖσιν,

Accents, esprits, clitiques : 3 ἀῶ 8 τεῶν 14 ὁπποῖός ἐστι 16 ῥά 19 γάρ 24 τέκνων 27 ἰχθύας τε μικκούς 30 ἀῶ

Tréma : 8 ἀμΰντωρ

Iôta souscrit : 3 κᾀπὶ 30 κᾀπὶ

I. Seigneur immortel et admirable, quelle immense merveille / que ton nom pour les mortels, sa célébrité sans limite / s’est répandue vers la nuit comme du côté de l’aurore. // 

II. Ta gloire élevée, indicible, est arrivée jusqu’au ciel, / (5) traversant la splendeur et les solitudes de l’éther, / tandis que ta force et ta sagesse, // 

III. des nourrissons l’invoquent dans leurs balbutiements, enfants sensés, / en tant que vengeur et défenseur (ou : défenseur des tiens) / tu saurais faire subir de justes châtiments à tes ennemis (ou : aux ennemis). // 

IV. (10) Mais le disque qui porte la lumière dans le ciel bâti par Dieu / et le visage variable de la lune sacrée / et les étoiles, filles de la nuit, qui brillent dans la nuit, // 

V. quand je fixe mon regard sur eux, sur toutes ces œuvres, Père, de tes mains, / qu’est-ce bien que l’homme, me dis-je stupéfait, / (15), pour que tu l’aies tant à cœur ? // 

VI. Ont-ils vraiment tant de valeur, ces êtres d’un jour que tu estimes à l’égal, / ou presque, de tes anges ailés, / que tu honores en les couvrant de gloire ? // 

VII. Tu lui as soumis (à l’homme) les œuvres de tes mains pour qu’il s’en occupe, / (20) tu as placé comme esclave à ses pieds / tout animal qui trouve sa nourriture sur la terre noire, // 

VIII. les monstres, toutes les bêtes sauvages et qui rampent, les races des troupeaux, / et les phalanges des oiseaux amis des cimes, / les innombrables générations de leurs petits, // 

IX. (25) rameurs aériens, les populations à nageoires qui habitent / les sentiers marins, où elles nagent en foules disséminées, / grosses bêtes effrayantes et petits poissons. // 

X. Seigneur immortel et admirable, quelle immense merveille / que ton nom pour les mortels, sa célébrité sans limite / (30) s’est répandue vers la nuit comme du côté de l’aurore.

Comme le Psaume 2 (et le Psaume 6, cf. infra), le Psaume 8 contient une citation clé d’un texte antique auquel l’auteur a emprunté la forme91 après l’avoir choisi en fonction d’une certaine correspondance thématique avec le Psaume. Si les strophes saphiques du Psaume 2 (et du Psaume 6) renouent avec le programme métrique des Odes d’Horace, le Psaume 8 l’enrichit d’une innovation92. En effet, le type de tercets dans lesquels il est composé ne se trouve pas chez le poète latin mais est emprunté à une épigramme de Théocrite qui se donne comme l’épitaphe d’Archiloque93. La première strophe du Psaume 8, répétée à la fin du poème à la manière d’un refrain, est bâtie sur la citation textuelle d’un vers et demi de ce petit chef-d’œuvre94.

Le mètre de l’épigramme de Théocrite est déjà un emprunt. Au lieu de se servir, comme attendu, du distique élégiaque, le poète rend hommage à Archiloque en jouant sur une forme de distique typique de ce dernier, qu’il transforme en tercet pour surprendre ses lecteurs. Quelques maigres fragments du poète de Paros nous illustrent l’usage archaïque de ce distique95, qui associe un vers long composé d’une série de 4 dactyles suivie d’un ithyphallique (– U U – U U – U U – U U ǀ – U – U – -), et un vers plus court, mais composé aussi de deux côla, à savoir d’un penthémimère suivi d’un ithyphallique (U – U – U ǀ – U – U –)96. De prime abord, l’auditeur pourrait croire qu’il va entendre un poème sérieux et d’un style élevé, en hexamètres dactyliques, mais ce premier rythme s’interrompt brusquement pour laisser la place à un second rythme qui relève d’un domaine tout autre : celui de la beuverie, de l’amusement, de la moquerie. De tels vers brisés s’appellent asynartètes et trouvent leur emploi dans des poèmes lyriques symposiaques dits épodes97.

Le choix d’une forme épodique pour un Psaume aurait de quoi surprendre si elle ne venait pas d’un lecteur d’Horace. En effet, le poète romain a utilisé le distique archiloquien en question pour un poème tout à fait sérieux (en dépit de sa composante symposiaque), dans le premier livre de ses Odes98 : il s’agit du célèbre Solvitur acris hiems99, où, comme dans le Psaume 8, l’auteur passe de la contemplation émerveillée de la nature (chez Horace, il s’agit de la beauté du printemps), à une réflexion sur l’insignifiance de la vie humaine (l’épicurien Horace évoque surtout, avec mélancolie, le destin éphémère des hommes)100.

La langue composite du Psaume 8 rappelle une fois de plus celle de la lyrique chorale, notamment celle des parties lyriques de la tragédie, puisqu’elle présente des caractéristiques similaires à la langue du Psaume 2. L’épigramme de Théocrite, où se mêlent des formes doriennes et des formes ioniennes101, a certainement influencé le choix du poète102.

Métrique – Pour le schéma métrique, cf. supra103. Dans les côla dactyliques, la seule contraction se trouve à la 2e biceps du v. 10, selon le modèle de l’épigramme de Théocrite qui présente une contraction à la même place dans les deux tercets104. Les positions anceps (Ire et Ve) des vers courts sont occupées chacune treize fois par une syllabe longue et sept fois par une brève : ce parallélisme est frappant105. Il y a plusieurs hiatus à la césure du vers long, qui soulignent sans doute le changement de rythme du vers asynartète106.

Au v. 18, la longueur du iôta dans l’expression : κύδεϊ πυκάζων est fautive.

Le Bern. A 69 et l’édition de 1566 – Pour ce Psaume 8, nous n’avons relevé aucune variante textuelle entre le Bernensis et l’édition de 1566107. La ponctuation de l’édition est, encore une fois, plus abondante et meilleure. Elle n’implique pas ici des différences d’importance majeure dans l’interprétation108. Les variantes d’accentuation de l’édition sont correctes, celles du Bernensis, fautives109.

Psaume 6 (Ψαλμὸς ς̄)

Μὴ λυγρᾶς μοι, δέσποτα, λίσσομαι σε,Str. I
μὴ λυγρᾶς μοι ἀμπλακίας χάλεπτε
μὴ μ’ ἄχεί, μηδ’ ἀργαλέαισι δάμνα
θυμὸν ἀνάγκαις.
5 ἀλλ’ ἄγος δυσαλθὲς ἄναξ ἀλαλκεῖν,II
τοὶ γὰρ ἄταις νουσαλέαις ἐγώνη
κάππεσον δείνω πελάτας ὀλέθρω
ἀΐδι νεύων.
ἐξ ἐμᾶς δ’ ἀλιτροσύνας ἄκικιςIII
10 ἐπλόμην, παράορος ἰσόνειρα
γυῖα, βυκτάων τε ποταῖς †ματαύροις†
εἴκελος ὁρμάν.
αἰθέρος κίνυγμα πλάναις ἀϕάντοιςIV
ψυχὰ ἔῤῥει˙ ἄψε’ ἐπεμβατῆρες
15 ἔστρεϕον πότμοι, τὺ δὲ προστροπαίῳ
μέχρι χαλέπτεις ;
δεῦρο, καί ψυχὰν ἀΐδι προνωπῆV
ῥῦσον, ἐλπίδων προπετές τε πτῶμα,
καὶ χαμαιζήλω ϕρενὸς ὑπτίασμα
20 στᾶσον ἐγείρας.
τίς κεν αὐδάξειε τεὸν μέγιστεVI
ὤνυμ’ ἐξαμευσάμενος κελεύθω
τέρμα νεκροδέγμονος, ἁλίῳ τε
ἀστιβὲς οὖδας ;
25 ψεδνὸς ἔῤῥει μναμοσύνας ἄωτοςVII
καὶ σέο μνάμας τύπος ἐξίτηλος
ὡς ἅπαξ ὀλέθρῳ ἀνήγρετόν τις
ὕπνον ἰαύει.
οὐκ ἐλιννῦσαι πάρα τυτθὸν ἄμμιVIII
30 καὶ ῤ’ ἐπισσύτοις †ῥοάδών† ἐρωαῖς
δεμνίων ἐρημολεχὴς χλιαίνω
κοιτάδα κλίναν.
πᾶς σταγὼν πικρᾶν λιβάων δ’ ἀπέσβηIX
ἠγριώθην δ’ ὄμμασιν ὀψικοίτοις,
35 πενθάδας κυλοιδιόων παρέδροις
κλαύμασιν αὐγάς.
αἰδοῖ ἀντίων ἀπὸ μεῦ μυσαχθεῖς,X
καὶ παλαμναῖοι ὕβρεως ἄατος
ἐσμὸς, ἠδ’ ἁμαρτινόοις μεμηλὼς
40 ἀϕροσύναισιν
ὅττι μεῦ θεὸς κλύ’, ἀπ’ ὠρανῶδεXI
τῆλε κραιπνοῖς ἐσσυμένων ἰαχαῖς
ϕθεγμάτων, διαπρισίω τε πόῤῥω
ἄϊεν αὐδᾶς˙
45 πάντας ἄψοῤῥον παλίνορσος ὁρμὰXII
πλάζοι ἐχθρὼς, πασσυδίη θ’ ἁλεντας
αἰσχύναις παλιντροπάδην ϕέβεσθαι
πρηνέας εἴη.

Bern. A 69

1 μὴ vel μή 2 μὴ vel μή 3 μὴ vel μή 8 νεύων. vel νεύων 9 ἐξ’ 14 ἐπεμ-βατῆρες – macula ut vid.

B.n. F., Dupuy 395 (v. 1-4) :

Variante textuelle : 3 ἀργαλέῃσι

Ponctuation : 1 μοι – σε

Accents, clitique : 1 λὶσσομαί

Edition de 1566

Variantes textuelles : 33 λιβάδων ἀπέσβη 34 ὀψικοίτης IHR 37 μισαχθεῖς IHR 43 διαπρυσίω 46 πασσυδία

Ponctuation : 1 μοι 2 χάλεπτε˙ 3 ἄχει 5 ἀλαλκῖν. 7 κάππεσoν, – ὀλέθρω, 14 ἔῤῥει, 15 πότμοι. 22 ὤνυμ’, 25 ἄωτος, 26 ἐξίτηλoς, 29 ἄμμι, 33 ἀπέσβη, 36 αὐγὰς, 37 ἀντίων. – μυσαχθεῖς BPU / μισαχθεῖς IHR 38 παλαμναῖοι, 40 ἀϕροσΰναισιν. 41 κλύ’ 44 αὐδᾶς.

Accents, esprits, clitiques : 3 μή 6 τοιγὰρ 7 δεινῶ 14 ἅψε’ 17 καὶ 30 καί ῥ’ 36 αὐγὰς

Tréma : 8 Αιδι 27 τϊς 40 ἀϕροσΰναισιν

I. Ne m’accable pas, Maître, je te supplie, pour ma lourde, / si lourde faute ; / ne soumets pas mon cœur à l’affliction / et à de pénibles épreuves. // 

II. (5) Mais écarte, Seigneur, la mortelle souillure, / car je suis tombé, moi, dans les affres de la maladie, / j’ai approché la mort terrible, / j’ai pris le chemin qui descend dans l’Hadès. // 

III. A cause de ma scélératesse j’étais sans forces, / (10) corps affalé aux membres inconsistants comme en rêve, / et semblable dans mon agitation / aux vols aériens des rafales. // 

IV. L’âme se perdait, proie des vagabondages / invisibles de l’air ; montés sur son char, / (15) les hasards du sort faisaient tourner ses jantes (articulations) ; mais toi, jusqu’à quand vas-tu accabler / un suppliant en quête de purification ? // 

V. Viens, et sauve une âme qui s’enfonce dans l’Hadès, / arrête la chute abrupte des espoirs, / mets debout, redresse un esprit trop terrestre / (20) qui est tombé. // 

VI. Qui pourrait prononcer ton nom, / Très-Grand, après avoir atteint le terme / du chemin qui accueille les morts, et la contrée / que le soleil ne foule jamais ? // 

VII. (25) Fanée (chauve), la fleur de la mémoire y dépérit, / et l’empreinte de ton souvenir s’efface / une fois que l’on dort du sommeil / sans réveil de la mort (auquel la mort ôte le réveil). // 

VIII. Il nous est impossible de rester un seul instant en repos, / (30) et dans des mouvements violents […], / solitaire, je réchauffe / ma couche. // 

IX. Le flux des larmes amères s’était tari, / je veillais, mes yeux restaient ouverts tard dans la nuit, / (35) les paupières sur mes deux lumières endeuillées étaient enflées / par des pleurs assidus. // 

X. Par crainte face aux adversaires, loin de moi, exécrables / et scélérats, essaim insatiable / de violence, tout adonné à de coupables / (40) folies ! // 

XI. Car mon Dieu a prêté l’oreille, du ciel, / aux cris rapides de mes plaintes / lancées au loin, il a entendu à distance / ma voix perçante. // 

XII. (45) Que la déroute disperse tous / mes ennemis, que dans leur retraite précipitée, / de honte ils déguerpissent, pleins de terreur, / débandés.

La liberté créatrice avec laquelle le Psaume 6 a été composé en fait une véritable paraphrase, plutôt qu’une version110. Le choix de la strophe saphique n’est sans doute pas étranger au contenu : une plainte sur des malheurs personnels s’y associe à une demande pressante de secours adressée à la divinité. Au début du poème (v. 3-5), l’allusion ou récriture des v. 3-5 de la célèbre prière à Aphrodite de la poétesse de Lesbos111 est révélatrice. L’imitation de Sappho ne va pourtant pas beaucoup plus loin. L’auteur n’a pas adopté le dialecte éolien112, même si un petit nombre de génitifs en -ω colorent la composition113. Il ne s’est pas non plus inspiré de la simplicité lexicale et syntaxique de la poétesse, mais lui a préféré les difficultés du style de la tradition lyrique chorale. Il semble donc suivre, comme Florent Chrestien dans le Psaume 2, l’exemple antique de la poétesse Mélinno ou, simplement, se conformer au classement des poèmes saphiques, courant à son époque, dans le genre de la lyrique chorale (cf. n. 112). Et en effet, comme le Psaume 2, le Psaume 6 est écrit dans une langue composite artificielle, où des dorismes114 et des éolismes se côtoient, et des expressions de la langue épique ancienne ou tardive se mêlent à des formes empruntées entre autres à Pindare et aux tragiques115. Toutefois, d’un Psaume à l’autre, la différence de proportion entre les composantes est grande : les formes épiques ont pris le dessus dans le Psaume 2, alors que dans le Psaume 6, c’est le vocabulaire tragique qui est clairement dominant. Ici, la source privilégiée d’inspiration est Eschyle, le plus archaïque et le plus ardu des trois grands tragiques du Ve siècle116.

La thématique de la faute, de la souillure, du malheur qui s’abat sur le coupable, la confrontation avec le divin légitiment certainement l’option en faveur de cette intertextualité117. Mais la motivation première d’une telle performance réside certainement dans un penchant esthétique personnel du poète du Psaume 6 pour une ars difficilior118. L’auteur partage avec Eschyle le goût pour une expressivité forte et exigeante, pour un lexique recherché119 et des jeux de sonorités120, pour les mots composés121 ; il imite également les images audacieuses122 et la redondance123 propres aux textes du grand tragique124.

Métrique – Une analyse comparative des caractéristiques métriques du Psaume 6 et du Psaume 2, composés l’un comme l’autre en strophes saphiques, laisse pressentir de manière sensible une différence d’auteur125. Joseph-Juste Scaliger, s’il est bien l’auteur du Psaume 6, s’avère bien moins horatien que Florent Chrestien, l’auteur non contesté du Psaume 2. Tout d’abord, contrairement à Chrestien, l’auteur du Psaume 6 traite de manière très conséquente la IVe position des hendécasyllabes comme anceps, même s’il manifeste aussi une préférence, peut-être instinctive, mais très légère, pour la syllabe longue dans cette position. On trouve en effet chez lui 17 syllabes brèves contre 19 longues à la IVe position126. Cette proportion de syllabes brèves à la IVe position (presque la moitié des anceps) dépasse même, et de loin, celle de la tradition grecque127. Deuxièmement, un tiers seulement des hendécasyllabes du Psaume 6 présente la coupe horatienne après la 5e syllabe128, une proportion encore plus basse que celle des fins de mot à cet endroit chez Sappho (une petite moitié des vers concernés)129. Dans le Psaume 2, trois hendécasyllabes sur quatre ont en revanche la coupe horatienne.

D’autre part, la synaphie verbale entre le troisième vers et l’adonique, si typique de Sappho, est totalement absente du Psaume 6, et il n’y a que deux cas de fin de mot « à la grecque » après la 9e syllabe du troisième vers (v. 3 et 43)130.

Pour conclure, Scaliger, l’auteur probable du Psaume 6, semble vouloir prendre ses distances avec le modèle horatien, mais ce faisant, finit par s’écarter également du modèle grec131, alors que Florent Chrestien, tout horatien qu’il est, sait introduire dans son texte des éléments rythmiques rappelant le modèle grec132.

Le Bern. A 69 et l’édition de 1566 – Le manuscrit du Psaume 6 a certaines faiblesses que l’on trouve en partie également dans l’édition. Les mots ματαύροις (v. 11) et ῥοάδων (v. 30), présents aussi dans l’édition, sont sûrement des fautes133. Si ῥοάδων résiste pour l’heure à toute explication ou correction, ματαύροις pourrait être corrigé en μεταόροις, dorisme pour μετηόροις134. L’édition propose les formes correctes λιβάδων (v. 33) et διαπρυσίω (v. 43), même si elle a, comme le manuscrit, ἄκικις au lieu de ἄκικυς (v. 9)135. Le tirage IHR (le premier en date) contient deux fautes qui relèvent du souci de conjecturer la forme et le sens de deux termes inconnus136. La ponctuation des v. 36-41 est clairement fautive dans le manuscrit, alors que l’édition en a une meilleure137. Le Psaume 6 est une pièce difficile, qu’il est aisé de mal comprendre, donc de mal ponctuer, surtout si l’on est pas son auteur.

On peut donc trouver, même dans les particularités orthographiques, quelques indices du fait que l’auteur des vers n’a ni écrit le Bernensis ni établi le texte imprimé en 1566138 : cela va dans le sens de l’attribution du Bernensis à la main de Florent Chrestien, et du Psaume 6 à Joseph-Juste Scaliger qui le revendique comme sien.

Au terme de l’analyse de détail à laquelle nous avons soumis les quatre poèmes du Bernensis, nous pouvons conclure que rien ne semble infirmer les résultats, partiellement hypothétiques, présentés dans la première partie de notre étude : que le manuscrit de Berne est postérieur au deuxième tirage de l’édition des frères Estienne de 1566, qu’il a de fortes probabilités d’être de la main de Florent Chrestien, mais que ce dernier n’est très vraisemblablement pas l’auteur du Psaume 6.

Le 3 octobre 1596, Chrestien s’en fut à jamais sur l’Hélicon. Scaliger, dans une lettre à Casaubon, s’exclamera à propos de lui et de deux autres contemporains : veteres amici abeunt… flemus flemus eos, mi Casaubone, neque dolori moderari possumus…139. C’est que, malgré l’« emprunt » du Psaume 6, malgré la pointe dans la note du manuscrit Dupuy et malgré une remarque désobligeante sur la vie de Florent – « un folastre » aurait dit de lui Joseph-Juste140 – la tradition a surtout retenu, avec raison, que les deux hommes, non seulement entretinrent des relations cordiales, mais éprouvèrent surtout, l’un pour l’autre, une réelle amitié141.

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Weber, K. F. (1854) – Vita Æmilii Porti, Marburg.

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Des recherches ont été accomplies au moyen du CD ROM Thesaurus Linguae Graecae™ (TLG), version E, University of California, Irvine, 1999.

____________

1 « Psaume » en caractères romains, lorsque nous nous référons aux modèles bibliques ; « Psaume » en italiques (suivi le cas échéant du numéro du Psaume concerné), lorsque nous nous référons aux versions ou aux paraphrases.

2 Selon Scaliger (Scaligerana 1690, 90), aussi cité par Jacobsen (1973, 141 et 25) ; pour la biographie de Fl. Chrestien, ibidem, 16-45 ; Haag 18842, 362-375.

3 Pour l’aide précieuse dans la réunion des documents nécessaires à cette étude, ou la pertinence des remarques dont elle a bénéficié, les auteurs remercient vivement Marie-Elisabeth Boutroue, Alain Dufour, Johan Peter Gumbert, Romain Jurot, Béatrice Nicolier, Viviane Siffert, Marc Vial et la Burgerbibliothek de Berne, en particulier Martin Germann. – Les auteurs ont discuté l’ensemble de cette étude à toutes les phases de sa rédaction et en assument ensemble les conclusions. Précisons toutefois que Patrick Andrist s’est plus particulièrement concentré sur les questions historiques et codicologiques, alors qu’Alessandra Lukinovich a développé le commentaire littéraire et poétique, y compris les observations grammaticales ; la transcription du Bernensis A 69 et les apparats critiques sont le résultat d’un travail commun.

4 Plutôt qu’en 1541, cf. Jacobsen 1973, 10.

5 Stelling-Michaud 1959, 83 n° 78.

6 Scaligerana 1690, 91 ; aussi cité par Jacobsen 1973, 19 ; voir aussi Vian 1972, 471. A cette époque, semble-t-il, Henri Estienne, qui espérait être nommé à l’Académie, enseignait le grec en privé. Ses cours publics au Collège ne commencèrent qu’en 1562 et, contrairement à ce que certains biographes ont pensé, il ne semble pas qu’il ait jamais enseigné le grec dans le cadre de l’Académie. Cf. Borgeaud 1900, 74, en particulier n. 2 ; Geisendorf 1959, 32.

7 Paroles rapportées par Charles Utenhove (cité par Jacobsen, 1973, 22 n. 34) ; il faut probablement faire la part de la médisance.

8 Eὶϛ χαλκοτυπίαν ὕμνος. Sur l’année et l’imprimeur, divergence entre Jacobsen 1973, 21, 167, pour qui le placard a paru chez Robert Estienne en 1561, et Pinvert 1898, 248-250, qui le situe « en 1556, ou peu de temps après », et le refuse « à l’imprimerie des Estienne ». Nous ne l’avons trouvé ni chez Renouard 1843, ni chez Schreiber 1982, ni chez Reverdin 2000, ni dans nos bibliothèques.

9 Chrestien 1563 (parfois aussi attribué à Jacques Grévin) et 1564.

10 Golega 1960, 169-177.

11 Cf. Hurst / Rudhardt 1999, 150-196 ; Hurst 2002 ; Norelli 2002.

12 Présentation générale, Candaux 1986, <3-11> ; voir aussi Pidoux 1993, 2-3 ; pour une appréhension plus large de cette pratique au XVIe siècle, Jeanneret 1969.

13 Apolinarii 1552.

14 14 Mentionné par Hieronymus 2003, n° GG 59.

15 Döltsch 1555 ; cf. Hieronymus 2003, n° GG 59.

16 Estienne 1556 ; sur ce volume, qui contient surtout des Psaumes en vers latins de plusieurs auteurs, dont George Buchanan, cf. McFarlane 1981, 250-251.

17 Crusius 1566, t. 2 ; cf. Hieronymus 2003, n° GG 64.

18 Ludwich 1912, xxxv.

19 Serrès 1575.

20 Cf. Weber 1854, 4-7.

21 Cf. Dorez 1928, 356-358.

22 Cote Su 1866.

23 Schreiber 1982, 148, 254.

24 Durkan 1994, 165 n° 183 ; cf. McFarlane 1981, 507 n° 165. Selon Chaix / Dufour / Moeckli (1966, 63), « pourrait être une impression genevoise ». Plutôt à Paris, chez les Estienne (!), selon McFarlane (1981, 295) ; sur ce texte et sa publication, ibidem, 51-66, 290-301.

25 Cote MHR O6d (566).

26 Reverdin 2000, 45 et 236 ; Durkan 1994, 73 n° 77, qui a apparemment vérifié 34 exemplaires ; Schreiber 1982, 147-148 n°165 ; McFarlane 1981, 255, 500 n° 55 ; (Gardy / Dufour 1960, 130 n° 228, mais il s’agit de l’exemplaire de l’IHR) ; Renouard 1893, 467. Les descriptions ne donnent généralement pas le nombre de Psaumes grecs, sauf Renouard et Reverdin, qui n’en signalent que 20.

27 Olivier Reverdin possédait un tirage correspondant a priori à celui de la BPU, comme le montre une comparaison de la 1re page des Psaumes grecs reproduite dans Reverdin 2000, 44, avec la même page dans les volumes utilisés pour le présent travail.

28 A la fin 1565 pour McFarlane (1981, 255, 500 n° 55) et Reverdin (1988, 29) ; en 1566 pour Renouard (1893, 384, et, avec plus d’hésitation, 467), Schreiber (1982, 147-148 n°165) et Gardy / Dufour (1960, 130 n° 228) ; sans date pour Chaix / Dufour / Moeckli (1966, 63).

29 Reverdin 1988, 29-30.

30 Schreiber 1982, 148, 254. Ingénieuse tentative de réconciliation par Olivier Reverdin (2000, 45, en particulier n. 12) : « éditée à Paris, en 1566, mais imprimée à Genève » ; dans ce volume, cf. aussi p. 236 n° A7.

31 En particulier sur le contenu exact des exemplaires, notamment le nombre des Psaumes grecs, et sur l’emplacement des divergences typographiques ; sur le sens de l’association exceptionnelle entre Henri et Robert Estienne, notamment à la lumière de l’autre édition des Psaumes, produites la même année, et signalée parfois à Paris et parfois à Genève (cf. infra) ; sur l’utilisation, dans les deux volumes, de la même marque typographique ; sur la publication du Franciscanus et sa présence dans l’exemplaire de la BPU ; sur la nature du papier utilisé.

32 32 McFarlane 1981, 500-506.

33 33 McFarlane 1981, 257.

34 L’exemplaire de la BPU a été consulté ; McFarlane 1981, 259.

35 Aucune des éditions contenant à la fois les paraphrases de Buchanan et son Jephtes n’ajoute les Psaumes grecs ; cf. McFarlane 1981, 504-506 ; Durkan 1994, 127-156.

36 Renouard 1843, 167 n°3 pour l’année 1566.

37 Durkan 1994, 127 n° 135 ; cette édition est considérée comme genevoise par Chaix / Dufour / Moeckli 1966, 63.

38 38 McFarlane 1981, 257 ; Durkan 1994, 75 n° 79, 76 n° 80, 78 n° 82, 83 n° 87 : les Psaumes grecs ne sont pas signalées dans l’édition de 1578.

39 Etudiée sur microfilm seulement. Nous n’avons pas vu les éditions de 1568 et de 1578 (à propos de cette dernière édition, cf. n. 38).

40 Hagen 1875, 92 ; Omont 1886, 421, n° 95 ; nouveau catalogue en préparation, cf. Andrist 2003.

41 Sur l’écriture d’Henri Estienne, Bernardinello 1979, 74-75 n° 90 et pl. 90 ; spécimen aussi chez Andrist 2003, 75-76, pl. 8-9. Sur Ange Vergèce, abondante littérature ; cf. Gamillscheg / Harlfinger 1981 n° 3, 1989 n° 3, 1997 n° 3. Sur les « grecs du roy », Vervliet 2000. Le rapport entre l’écriture d’Henri Estienne et celle d’Ange Vergèce avait déjà frappé Renouard, qui se demandait si Vergèce ne l’avait pas personnellement enseignée au jeune Henri (Renouard 1893, 368 et 371).

42 Cod. 141, f. 131r ; cf. Hagen 1875, 195 (dans la reproduction, la mise en page est modifiée).

43 Le fils de Fl. Chrestien possédait un volume de cette édition, qu’il tenait selon toute probabilité de son père ; cf. Schreiber 1982, 148 n° 165.

44 44 Manuscrit B. P. G. 77, Fasc. VIII ; cf. catalogue de Meyier / Hulshoff 1965, 157 (Florent Chrestien y est donné comme l’auteur).

45 Jacobsen 1973, 17-23 passim, 121 ; Jarry 1876, 18-20, tirage à part.

46 Germann 2003, 95-98, 108-110 ; Müller 1953, 89.

47 Nous avons aussi noté les cinq majuscules du Bernensis visiblement influencées par l’édition imprimée. Comme notre apparat le signale, nous avons renoncé à trancher lorsqu’il était malaisé de différencier les points et les points-en-haut du manuscrit ; de même, certains accents y ont un tracé si vertical, peut-être intentionnellement (cela arrive aussi, ci et là, dans l’édition de 1566), que nous hésitons à les interpréter comme aigus ou graves. Nous avons cependant normalisé la position des esprits et des accents décalés et unifié la forme des titres des Psaumes.

48 Pour l’édition de 1566, nous ne signalerons dans notre apparat l’usage des majuscules en début de vers, privées d’accents, d’esprits et d’iôtas souscrits, que dans les cas où cela s’avère utile. Sauf indication contraire, les variantes de l’édition de 1566 sont communes à ses deux tirages.

49 Buchanan et al. 1566, Psalmi in versus Graecos translati, 46.

50 (…) eum qui sibi imitandum Apollinarium proponat, perinde facere iudicarim ac siquis relicto Homero ad Chœrili imitationem totum se conferat. Quid dico ? Imo Chœrilus, malus quidem et ineptus poeta erat, sed poeta tamen : at Apollinarii versus ne umbram quidem ullam vel poeseως (sic !), vel fidae interpretationis prae seferunt. (…)

Même si l’on ne saurait en aucun cas qualifier les quatre Psaumes du Bernensis d’imitations des paraphrases attribuées à Apollinaire, chacune de ces compositions contient pourtant un petit nombre d’expressions reprises de la paraphrase correspondante chez le modèle qu’Henri Estienne condamne. Plus que de simples emprunts, il semble s’agir d’un jeu allusif, dont la raison d’être serait de mieux souligner une prise de distance. C’est l’interprétation la plus plausible du fait que l’incipit (le premier mot) de chacun des quatre Psaumes est identique à celui de la paraphrase correspondante attribuée à Apollinaire.

Voici la liste des reprises les plus manifestes (à l’exclusion des incipit). L’édition utilisée est celle de Ludwich (1912).

[Apoll.]Met. Ps. 1 : 1 ἀλιτρῶν (Ps. 1.23), 2 ἲχνος (Ps. 1.2 : ἲχνια), 2 ἀταρπῷ (Ps. 1.23 : ἀταρπόν), 3 ὀλοαῖς ἕδρῃσιν (Ps.1.4 : ὀλοῶν… ἕδρης), 5 νύκτάς τε καὶ ἤματα (Ps. 1.7) ;

[Apoll.]Met. Ps.2 : 2 ἀολλίσθησαν (Ps.2.1 : ἀολλὶσθη), 23 χιώσεται (Ps.2.17) ;

[Apoll.]Met. Ps.8 : 4 βρεϕέων (Ps.8.7 : βρέϕη), 12 καὶ κύδεϊ καὶ γεράεσσιν (Ps.2.18 : γεραίρεις κύδεϊ) ;

[Apoll.]Met. Ps.6 : 1 βαρύμηνις (Ps.2.47 !), 13 δὲμνια (Ps.6.31 : δεμνίων), 17 ἔκλυεν (Ps.6.41 : κλύ’), 18 αὐδῆς (Ps.6.44 : αὐδᾶς).

51 L’édition de 1566 utilise trois participes différents pour introduire les noms des poètes après les titres des Psaumes : ὐπὸ τοῦ δεῖνα μεθερμηνευθείς (Ps.2 et 6, etc.), μεταϕρασθείς (Ps. 1 et 8, etc.), έρμηυευθείς (Ps. 12 de Chrestien, par exemple). En réalité, ces termes ne semblent pas distinguer les versions des paraphrases. Leur alternance doit avoir une autre motivation.

52 George Buchanan utilise des formes métriques variées pour ses paraphrases latines des Psaumes. Son Psaume 1 est aussi composé en hexamètres dactyliques. Ses Psaumes 2, 6 et 8 sont en revanche en d’autres formes que leurs correspondants signés par Chrestien. Henri Estienne et Frédéric Jamot optent aussi pour l’hexamètre dans le cas du Ps.1 (Buchanan et al. 1566, Psalmi in versus graecos translati, 3-6).

53 Le verbe μαστεύω (v. 2) est attesté 18 fois avec ἴχνια pour objet, mais chez des auteurs comme Apollonios de Rhodes (3.1289), Oppien (Cyn. 1.490 et 492 ; 4,358 avec scholie) ou Nonnos (D. passim) ; Homère n’utilise que ματεύω. Au v. 8, εἰδήνατο ne se trouve que chez Nicandre, et dans la même position métrique (Al.76 et 600, expliqué dans les deux cas par une scholie) ; v. 11 : ὀρόδαμνος, mot hellénistique souvent expliqué par les lexicographes, se trouve notamment chez Nicandre (Al.603), en proximité d’une des deux occurrences de εἰδήνατο ! Au v. 13, ἀθεσμόβιος n’est attesté que dans le Corpus Hippocraticum (Ep. 17.154) et chez Nonnos (Par. Joh. 19.133). Le mot ὀπώρη (ὀπώρα), cf. v. 10, n’est pas attesté dans le sens de « fruit » avant l’époque classique. Nous avons évoqué des parallèles dans les Dionysiaques de Nonnos, même si Florent Chrestien n’a peut-être pas eu accès à ce texte : l’editio princeps des Dionysiaques n’a paru qu’en 1569 chez Plantin à Anvers. Nous pouvons en revanche rappeler dans ce contexte la parution à Genève en 1566 du magnifique Poetae Graeci principes heroici carminis sortant des presses d’Henri Estienne (Estienne 1566), « un des chefs-d’œuvre de la typographie de tous les temps » (Reverdin 2000, 58) qui mettait à l’honneur, entre autres, les poèmes de Nicandre, Collouthos et Triphiodore.

Au v. 4, l’emploi de la construction ἐϕεδρήσσων ἕδρης est curieux : normalement, le verbe ἐϕεδρήσσω (tardif ; 18 occurrences : Gr. Naz., Nonn., lexicographes, etc.) régit un datif. On lit néanmoins dans L’Enlèvement d’Hélène de Collouthos (v. 258) : καί μιη ἐϕεδρήσσειν νεοπηγέος ὑψόθεν ἕδρης κτλ. Le génitif dépend de ὑψόθεν, et non du verbe. Pourtant dans le dictionnaire LSJ, s.v. ἐϕεδρήσσω, il y a une référence à ce passage qui fait de ἕδρης le complément du verbe. Est-ce là une pure coïncidence, ou Fl. Chrestien et LSJ sont-ils passés par une même source lexicographique responsable de la méprise ? Il est par ailleurs difficile d’évaluer dans quelle mesure Fl. Chrestien s’inspire, en plus de la lecture directe des textes, de la consultation d’ouvrages lexicographiques. On peut en dire de même pour Joseph-Juste Scaliger, l’auteur probable du Ps.6 du manuscrit de Berne (cf. infra).

54 Il est vrai que le mot κρίσις (v. 11) n’appartient pas au fonds épique traditionnel, mais on le trouve employé dans le style élevé, notamment chez Pindare.

55 Cette traduction de Gelineau (19983, 869) maintient la figura etymologica de l’hébreu. Meschonnic (2001, 53) traduit : « Bonheur à l’homme qui… dans la demeure des moqueurs n’a pas demeuré ». Une note de la TOB (19956, 1543) à Proverbes 1.22 explique que dans plusieurs textes vétérotestamentaires, les moqueurs seraient un groupe bien défini : des « hommes rebelles aux enseignements,… des esprits forts, des ricaneurs sceptiques ». Dans le Ps.1, leur mise en contraste avec « celui qui se plaît à la loi du Seigneur et la murmure jour et nuit » va dans le sens de cette explication.

56 L’adjectif χλευώδης (littéralement : « riche en moqueries ») est apparemment un hapax et pourrait bien être une invention de Fl. Chrestien. Que signifie au juste ce mot ? « cible de maintes moqueries », ou bien : « où l’on pratique abondamment la moquerie » ? L’expression est ambiguë. Chez Chrestien, le siège continue en réalité à appartenir à un groupe, mais ses membres sont définis de manière plutôt générique : les « perdus » (ὀλοῶν) remplacent les railleurs. Le terme ὀλοῶν est une reprise de [Apoll.]Met. Ps.1.3, cf. n. 50 ; la forme au génitif pourrait avoir été choisie en écho au λοιμῶν de la Bible grecque (v. n. 58). La notion de raillerie devient ainsi disponible pour être remployée différemment.

57 Avant l’édition de 1566 (première du Psautier complet de Buchanan), H. Estienne avait déjà publié en 1556 une petite vingtaine de paraphrases de Psaumes de l’illustre Ecossais, dont celle du Ps.1 (Estienne 1556, 6). Parmi les trois autres auteurs de Psaumes latins mis en parallèle avec ceux de Buchanan dans ce livre, Helius Eobanus Hessus est le seul à donner une interprétation qui ressemble quelque peu au troisième μακαρισμός de Chrestien : Qui neque conscendit damnosae fulcra cathedrae, / Quam derisorum turba maligna tenet (Estienne 1556, 1). Ni le Psaume 1 en vers grecs d’Henri Estienne, que l’on pouvait déjà lire dans le volume de 1556, ni celui de Fr. Jamot dans l’édition de 1566 ne font écho à la paraphrase de Buchanan sur ce point (Buchanan et al. 1566, Psalmi in versus Graecos translati, 3 et 5). On peut en dire de même de la version latine de Théodore de Bèze (Buchanan et al. 1566) et de celle « en rime Françoise » du Psautier de Genève par Clément Marot et Th. de Bèze, paru pour la première fois sous sa forme complète en 1562. Sur le Psautier de Buchanan et sur sa fortune, cf. McFarlane 1981, 247-286 (en part. 250) et 500.

58 Buchanan l’a repris de la version latine iuxta LXX de Jérôme (Vulgate) : Beatus vir quiin cathedra pestilentiae non sedit (Bible grecque, éd. Rahlfs : ἐπὶ καθέδραν λοιμῶν οὐκ ἐκάθισεν). La Bible grecque ne fait aucune mention des moqueurs, en quoi elle est suivie par la Vulgate. Buchanan a réintroduit « les moqueurs » dans son texte (facilem dedit irrisoribus aurem), sans doute après avoir consulté soit le texte hébreu directement soit la version iuxta Hebraeos de Jérôme (Beatus vir quiin cathedra derisorum non sedit) soit encore en se laissant guider par des hébraïsants contemporains (cf. McFarlane 1981, 281-285). Quant à Florent Chrestien, il semble avoir consulté, en plus de la paraphrase latine de Buchanan, en tout cas la Bible grecque (cf. n. 56).

59 Les v. 1, 8 et 13 sont les vers initiaux des trois premières sections du poème (il y en a quatre en tout). Dans le Bern. A 69 et dans l’édition de 1566, les sections sont marquées, à l’exception de la première, par la mise en retrait de leur vers initial.

60 Cf. West 1982, 36 et 153 (les pages 35-39 et 152-157 de ce manuel ont orienté l’ensemble de la présente analyse métrique) et Nougaret 19864, 28. La césure est néanmoins placée en suivant quelques règles spécifiquement grecques, comme la possibilité de l’insérer devant un enclitique, cf. par ex. v. 7 (devant τε) ou v. 3 et 20 (devant ποτ’).

61 Une seule anomalie embarrassante : au v. 23, l’alpha de σκολίά est traité comme long devant ϕιλέoυσαν.

62 Exemples d’abrègement : v. 3, 4 (peut-être aphérèse implicite), 7, 10, 11, 15, etc. ; règle pas appliquée : v. 2, 5, 14, 17. Aux v. 5 et 14, l’abrègement n’a pas lieu devant virgule ; au v. 14, on est en plus à la césure et devant aspiration ; au v. 17, on est à la césure et devant aspiration.

63 Il serait évidemment anachronique de prétendre de Florent Chrestien tout un savoir sur le digamma et autres consonnes initiales tombées qui ont laissé des traces dans la prosodie homérique, comme on a pu le découvrir à une époque ultérieure.

64 Cf. v. 2, 7, 14, 17.

65 Une infraction nette au pont d’Hermann au v. 19, et une, moins évidente, au v. 12 (tout dépend de l’analyse prosodique : l’anomalie disparaît s’il y a synizèse dans ἀεί) ; au v. 16, une fin de mot après une biceps contractée au deuxième pied et, de plus, il s’agit d’une longue par position !

66 La particule μάν (alpha long) est un éolisme homérique trois fois plus fréquent dans l’Iliade que μήν. Elle est normalement utilisée devant voyelle, ce qui n’est pas le cas dans le Bernensis. Cf. Chantraine 1958, 15 et 21.

67 Pour l’ensemble des Psaumes, le manuscrit et l’édition présentent de petites différences dans le traitement des clitiques ou de la particule δέ, écrits séparément ou soudés en un bloc de proclise ou d’enclise (v. 12). Les deux trémas de l’édition (v. 5 : οὐτϊδανοῖς, v. 6 : ὅστϊς), absents du manuscrit, n’ont pas de fonction claire, du moins à première vue. Dans le Bernensis comme dans l’édition de 1566, les oxytons portent un accent grave devant virgule (ou devant toute autre ponctuation considérée comme « légère »), selon la pratique byzantine.

68 68 Même dans la langue épique, un ἄπο orthotonique n’est justifié que par l’anastrophe ou lorsque le verbe est sous-entendu (Bally 1945, 116).

69 Sch. A.R.3.118.

70 Particulièrement frappantes sont les reprises de ἐν ῥάβδῳ σιδηρᾷ (Ps.2.9) au v. 34, et de πέρατα τῆς γῆς (Ps.2.8) au v. 30. Les parallélismes hébraïques sont aussi généralement maintenus. Les treize strophes du Ps. 2 correspondent d’assez près aux douze versets du modèle biblique, dont elles reproduisent le contenu de manière linéaire.

71 Cf. Stob.3.7.12 (Suppl. Hell. fr. 541). A notre connaissance, c’est la seule ode saphique conservée de l’Antiquité grecque qui soit postérieure à l’époque archaïque. Fl. Chrestien s’est inspiré des trois premières strophes (les éléments soulignés se retrouvent, tels quels ou récrits, dans le Ps. 2) :

χαῖρέ μοι, Ῥώμα, θυγάτηρ Ἄρηος, / χρυσεομίτρα δαΐϕρωη ἄνασσα, / σέμηὸη ναίεις ἐπὶ γᾶς ’Όλυμπον / αἰὲη ἄθραυστοη. // 

σοὶ μόνᾳ, πρέσβιστα, δέδωκε Μοῖρα / κῦδος˙ ἀρρήκτω βασιλῇον ἀρχᾶς, / ὄϕρα κοι-ρανῇον ἔχοισα κάρτος / ἀγέμονεύης. // 

σᾷ δ’ ὐπὰ σδεύγλᾳ κρατερῶη λεπάδηων / στέρνα γαίας καί πολίᾶς θαλασσας / σϕίγγέται• σὺ δ’ ἀσϕαλέως κυβέρνᾷς / ἄστεα λαῶη.

72 Ce mélange entre strophes saphiques et langue dorisante de la poésie chorale est un hybride bien tardif. Même si la poésie chorale de l’époque archaïque et classique (y compris la poésie chorale dramatique) utilise des côla éoliens, elle n’a jamais adopté et n’aurait jamais pu adopter la strophe saphique, qui relève du style monodique. Cf. West 1982, 115-120.

73 Il s’agit de mots au génitif singulier en -ω (au lieu de l’attique -oυ) : cf. v. 7, 22, 30, 46, 47. Cette graphie de la terminaison apparaît dans les poèmes de Sappho comme dans l’hymne de Mélinno. Le pronom ὔμμε (v. 48) est une forme éolienne présente aussi dans la langue épique.

74 Le terme δικασταί (v. 38) est attique. Les mots ἀπειθής (v. 33) et παιδεία (v. 41), ce dernier repris de la Bible grecque (Ps.2.12) et sémantiquement modifié par l’ajout de l’adjectif, sont utilisés dans le sens qu’ils ont en attique. L’adjectif ἄπυοος (v. 50) est attesté, depuis le Ve siècle avant J.-C., plutôt dans la prose attique, mais aussi chez Hp. Epid.3.2. L’emploi du verbe δέω avec ὀλίγου (au lieu de l’habituel ὀλίγου) est attesté chez Plut. Pyrrh. 17.30.

75 Cf. v. 5 : ἦνθον, v. 10 : ϕαυτί, ἀποθῶμες, v. 11-12 : ἐξώθωμες, v. 33 : τεῦ. Un exemple d’alpha long (au lieu du η ionien-attique) est donné par le mot τελευτάυ (v. 16).

76 Lenchantin de Gubernatis 1966, 43-54, 64-68, 72 ; Nougaret 19864, 103-104, 106-107.

77 Cette coupe ne touche qu’une petite moitié des hendécasyllabes conservés de Sappho. Alcée semble pratiquer plus volontiers la fin de mot après la Ve position (26 cas sur 43 vers). Cf. Page 1955, 318 et 324.

78 Coupe après la 6e syllabe : v. 23, 26, 31, 43, 50. Le v. 15 est le seul avec une coupe « hellénisante » après la 4e syllabe. Les vers 2, 3, 29 (coupe peu marquée après la 4e syllabe) et 45 ne présentent aucune coupe significative pour cette analyse.

79 Lenchantin de Gubernatis 1966, 68 ; Nougaret 19864, 103.

80 Chez Sappho et chez Alcée, la syllabe longue à la IVe position était déjà deux fois plus fréquente que la brève (Page 1955, 318 et 324). Alors que Catulle maintient encore cette position anceps, Horace finit par la transformer en position longue.

Les 4 syllabes brèves en position anceps se trouvent aux v. 25, 26, 31 et 51. Les deux premières concernent des mots clé de la proclamation divine, et la dernière se trouve dans le dernier hendécasyllabe du Psaume, ce qui permettrait de supposer que le poète utilise la brève en position anceps comme marqueur pour souligner le sens. La faute d’accent πάτηρ au v. 25 en correspondance de la brève en position anceps pourrait être motivée par cette conception rythmique et constituer donc un indice en faveur de notre interprétation. Ou s’agirait-il plutôt d’un cas isolé de barytonèse éolienne ? Cela est peu probable (cf. n. 135 à propos de δείνω, Ps.6.7). Quant au v. 31, il est une reprise textuelle de Mélinno.

Les brèves en position anceps des v. 31 et 51 sont « ambiguës » : elles se trouvent respectivement devant une nasale et devant une liquide, des sons consonantiques qui, dans ces Psaumes, peuvent fermer et allonger la syllabe précédente d’après le modèle de la poésie épique (West 1982, 15-18) ; parmi les syllabes longues en position anceps, 5 sont « ambiguës » (v. 5, 13, 27, 35, 41) : en hiatus, les syllabes longues peuvent être abrégées.

81 La présence de breves in longo bien nettes à la fin des v. 43 et 47 et l’hiatus entre les v. 27 et 28 prouvent que le 3e hendécasyllabe et l’adonique sont perçus comme deux vers séparés.

82 Cf. v. 11-12 (mot divisé) et v. 47-48 (élision dans le Bernensis et, solution plus intéressante, mot divisé dans l’édition de 1566).

83 Il ne s’agit que d’une hypothèse, vu qu’Horace aussi présente des cas de synaphie verbale (élision, mot divisé, etc.) à cet endroit, cf., par exemple (élision), saec.47-48 : prolemque / et decus (Lenchantin de Gubernatis 1966, 72).

84 Cf. v. 3, 7, 11, 31, 35, 39, 47. Une fin de mot se trouve fréquemment à cette place dans la strophe saphique archaïque, cf. West 1982, 32.

85 Les v. 49-50 sont d’ailleurs une récriture des v. 15-16 du célèbre frg. 31 Voigt de Sappho, cité par le Traité du sublime (10.2) : τεθνάκην δ’ ὀλίγω ’πιδεύης / ϕαίνομαι (la leçon ϕαίνομαι est celle de la tradition manuscrite du Traité du sublime). Le ϕαίνητε fait écho au ϕαίνομαι du modèle. Il est probable que c’est la forme choisie par Chrestien à l’origine. Les variantes du manuscrit et de l’édition témoignent toutefois de l’insatisfaction de l’auteur et de l’éditeur sur ce point.

86 LXX, Ps.2.7-8 Rahlfs : έγὼ σήμερον γεγέννηκά σε˙ / αἴτησαι παρ’ ἐμοῦ, καὶ δώσω κτλ. Dans son ensemble, la ponctuation de l’édition de 1566 est plus soignée et plus abondante que celle du Bernensis.

87 Le dorien κραδὶαν du Bernensis (v. 42) est préférable, dans ce contexte, à la forme ionienne de l’édition. Au v. 49, l’édition écrit aussi ὀλίγον δέοντες, alors que cette expression attique est bien plus fréquente avec le génitif ὀλίγου (cf. n. 74), et τεθνᾶναι (normalement τεθνάναι).

88 Cf. surtout v. 25, 35, 40. A propos de πάτηρ (v. 25), cf. n. 80.

89 Cette fois-ci, l’édition opte pour ἀπὸ (v. 34), préférable à l’ἄπο du Bernensis : les rôles sont intervertis par rapport à la même variante dans Ps. 1.11.

90 Cf. le κάδδε (Bern.) du v. 49 (dans l’éd. 1566 : καδδὲ ou καδ δὲ).

91 Dans l’ancien catalogue de la Burgerbibliothek de Berne, la forme métrique du Ps.8 n’était pas identifiée.

92 Aucun autre Psaume grec de l’édition de 1566 n’est composé dans cette forme métrique.

93 AP7.664, ici d’après Page (1975, 130 : Th.ep. 14) :

Ἀρχίλοχον καὶ στᾶθι καὶ εἴσιδε τὸν πάλαι ποιητάν

τὸν τῶν ἰάμβων, οὗ τὸ μυρίοη κλέος

διῆλθε κἠπὶ νύκτα καὶ ποτ’ ἀῶ.

ἦ ῥά νιν αἰ Μοῖσαι καὶ o Δάλιος ἠγάπευν Ἀπόλλωη,

ὡς ἐμμελής τ’ ἐγένετο κἠπιδέξιος

ἔπεά τε ποιεῖν πρὸς λύpαν τ’ ἀείδειν

En choisissant Mélinno et Théocrite pour modèles, Fl. Chrestien montre un goût prononcé pour la poésie hellénistique. De même, dans son Ps. 1, il a emprunté à l’épopée hellénistique plusieurs mots et expressions, cf. n. 53.

94 Cf. v. 1-3, 28-30 (la répétition est conforme au modèle biblique). Aux v. 3 et 30 du Ps.8 on lit διῆκε au lieu de διῆλθε, et πρὸς ἀῶ (qui correspond au texte de la tradition des bucoliques) au lieu de ποτ’ ἀῶ (texte transmis par l’Anthologie). Cf. aussi Gow / Page 1965, 532. A une lecture de l’Anthologie par Fl. Chrestien pourrait néanmoins renvoyer le mot ϕιλοκρήμνων (v. 23), repris de AP6.221.4 (Leon.). La reprise textuelle (v. 10) de l’expression σελασϕόρoν ἄντυγα de Paul le Silentiaire (Descr. S.Soph. 836) se laisse éventuellement aussi interpréter comme un signe d’intérêt pour les poètes de l’Anthologie. C’est par ailleurs toujours en 1566 que paraît à Genève l’Anthologie (Florilegium diversorum epigrammatum veterum), imprimée par H. Estienne (Reverdin 2000, 54).

95 Cf. frg. 188-192 West.

96 Cf. West 1982, 43.

97 En transformant le distique en tercet, Théocrite renchérit donc sur les effets de surprise déjà créés par ce rythme archiloquien. Mais son jeu ne réside pas dans un simple ajout de vers. Les deux vers courts du tercet ne sont pas tout à fait identiques : dans chacun des deux tercets de l’épigramme, le premier vers court se termine par deux voyelles brèves contiguës, interprétables soit comme deux syllabes soit comme une seule (par synizèse), tandis que le second se termine sur deux syllabes longues. L’ambiguïté prosodique à la fin du premier vers bref laisse l’auditeur dans le doute, car la nature du vers entier change du tout au tout en fonction du nombre de ses syllabes (12 ou 11) : il s’agira soit d’un trimètre iambique classique soit d’un vers identique au suivant, fidèle à la forme archaïque employée par Archiloque. Après l’instant d’incertitude, le troisième vers du tercet assure le happy end : le poète réintègre le modèle attendu !

98 Et non pas, notons-le bien, dans le livre des Epodes !

99 Carm. I 4. Horace n’utilise pas ailleurs ce distique, que les manuels de métrique latine classent tantôt comme troisième tantôt comme quatrième système (ou mètre) archiloquien. Quant à Buchanan, il ne reprend pas cette forme horatienne dans son psautier, où, a fortiori et de manière tout à fait prévisible, nous ne trouvons pas non plus la forme théocritéenne en tercets.

100 Sans doute, à la lumière de l’emploi sérieux chez Horace, Fl. Chrestien n’a pas perçu l’ἧθος originel de ce système archiloquien, d’autant plus que l’épigramme de Théocrite se donne comme funéraire. Dans la tradition grecque, il existe aussi une reprise de cette forme de distique dans un but sérieux : il s’agit de l’épitaphe de Xanthippé, arrière-petite-fille de Périandre, tyran de Corinthe. Cette épigramme est attribuée à Simonide (AP13.26 ou ’Sim.’ep.36 Page). D’après Page / Dawe / Diggle (1981, 251252), il s’agirait d’une inscription authentique.

101 Mélange allusif à l’origine des deux poètes en question, l’ionien Archiloque et le dorien Théocrite.

102 La langue du Ps.8 a une forte composante épique et ionienne, mais présente aussi quelques dorismes, cf. v. 5 : ἐρήμας, v. 16 : ἐϕάμεροι v. 27 : μικκούς (aussi béotien).

103 Dans ce schéma métrique, les vers courts se distinguent des trimètres iambiques par le fait qu’ils ont onze positions (et non douze) et que la IXe position est toujours longue (et non anceps).

Les dix strophes de ce Psaume correspondent de très près aux dix versets du modèle biblique, dont elles reproduisent le contenu de manière linéaire selon la technique de composition déjà relevée dans le Ps. 2.

104 Chez Archiloque et chez Horace, les trois premières positions biceps présentent des contractions.

105 Brèves ambiguës (pour cette notion, cf. n. 80) devant ν : v. 2, 3, 17, 29, 30 ; devant σ : v. 6, 12 ; devant λ : v. 26. Une seule syllabe est brève sans ambiguïté à la Ve position (v. 14), alors qu’à la Ire position, cinq syllabes brèves sur sept ne sont pas ambiguës. Le seul cas de syllabe longue en position anceps qui se trouve en hiatus (la synizèse du v. 27) n’est pas ambigu, car l’on est à la césure.

106 Cf. v. 1, 16, 19, 28. Signalons aussi quatre hiatus entre les vers (entre un vers long et un court : v. 4-5, 10-11 ; entre un vers court et un long : v. 12-13 ; entre vers courts : v. 14-15). Le seul hiatus à la césure d’un vers bref (v. 27) ne suffit pas à montrer que Fl. Chrestien tenait aussi le vers court pour un composé de deux côla bien distincts.

107 On ne saurait considérer comme variante textuelle l’absence (correcte) du iôta souscrit dans le Bernensis aux v. 3 et 30.

108 Les différences de ponctuation ont malgré cela un certain impact syntaxique aux v. 12, 4 et 19-20. A cause de sa bipartition, que marque la virgule supplémentaire, le v. 4 du Bernensis donne un texte moins bon : il ne correspond plus de près à la syntaxe du modèle biblique (hébreu, grec, latin), cf., par exemple, LXX, Ps.8.2 Rahlfs : ὅτι ἐπήρθη ἡ μεγαλοπρέπειά σου ὑπεράηω τῶν οὐραηῶη. Il se peut toutefois que cette virgule concerne davantage la métrique que la syntaxe : elle marque la césure du vers (et le changement de rythme). Dans ses deux versions, le texte de ce Psaume reste ici plus proche de la Bible grecque et de la Vulgate que de l’hébreu.

109 Une lecture en scansion est probablement responsable des fautes d’accent aux v. 24 et 27.

110 Il y a pourtant ci et là, peu nombreux, des échos précis de la version grecque du Psaume : cf., par exemple, ῥῦσαι τὴν ψυχήν μου (LXX, Ps.6.5 Rahlfs) et ψυχὰη… ῥῦσον (Ps.6.17-18) ; κλίνην (LXX, Ps.6.7) et κλίναν (Ps.6.32) ; αἰσχυνθείησαν (LXX, Ps.6.11) et αἰσχύηαις (Ps.6.47). Selon la technique de transposition déjà relevée dans les Ps.2 et 8, les douze strophes de ce Psaume correspondent aussi, d’assez près, aux onze versets du modèle biblique, dont elles reproduisent le contenu de manière linéaire.

111 Sapph.1 Voigt, 3-5 : μή μ’ ἄσαισι μηδ’ ὀνίαισι. δάμνα, / πότνια, θῦμοη, / ἀλλὰ κτλ.

112 A vrai dire, la dialectologie et l’histoire des formes métriques grecques n’étaient pas très avancées au XVIe siècle. H. Estienne publie en 1560 (Estienne 1560), puis en 1566, un recueil de « fragments » de poètes lyriques qui réunit les différents genres : côte à côte y figurent (ordre de la page de titre) Alcée, Sappho, Stésichore, Ibycos, Anacréon, Bacchylide, Simonide, Alcman, Pindare. Les fragments d’Alcée et de Sappho n’y sont pas édités selon des critères dialectologiques rigoureux, comme dans les éditions modernes : en particulier, la psilose et la barytonèse ne sont point respectées. Cela s’explique aisément, étant donné que, dans la tradition manuscrite, la notation des esprits et des accents n’a été systématisée qu’à une époque très tardive. Le texte transmis des παιδικὰ αἰολικά de Théocrite (Th.29 et 30) ne respecte pas non plus la psilose et la barytonèse.

113 Cf. v. 7, 19, 22, év. 27 (le iôta souscrit est-il vraiment nécessaire ? cf. n. 135), 41, 43 (διαπρισίω, pour διαπρυσίω). Pour ces génitifs en -ω, voir n. 73. Ce n’est qu’au v. 12 qu’apparaît le premier mot à initiale aspirée. S’agirait-il d’une tentative de créer, au début du poème, un « effet de psilose » ? Pour un cas de barytonèse, isolé et extrêmement incertain, cf. δείηω (v. 7) et la n. 135.

114 Cf. v. 33 : πικρᾶη (gén. pl.), v. 46 : ἐχθρώς (acc. pl.). La terminaison du mot άλιτρο-σύνας (v. 9), qui est un emprunt lexical à la langue poétique tardive (16 occurrences en tout, entre autres A.R.4.699) est un exemple d’alpha long (au lieu du η ionienattique).

115 Par leur lien avec la grande tradition dorienne de la poésie chorale, les parties lyriques de la tragédie ont beaucoup d’affinités avec les odes de Pindare, mais ce poète emploie de manière plus systématique des formes doriennes, tant au niveau morphologique que lexical, là où les Attiques se limitent à quelques dorismes conventionnels. Quant à la langue de l’épopée, à laquelle la tradition lyrique est fortement redevable, elle comporte un fonds éolien et un fonds ionien (ce dernier, en particulier, revient en force chez les lyriques du théâtre attique). Cf. Meillet 19758, 157-186, 195-222, Hoffmann / Debrunner / Scherer 19694, 84-113, Thumb / Kieckers 193 22 217-221, Thumb / Scherer 19592, 11-14.

116 Les parties lyriques et les dialogues eschyléens fournissent indifféremment du matériel au poète du Ps. 6.

117 Sept mots au moins de notre Psaume appartiennent au vocabulaire eschyléen du Prométhée : v. 2 : ἀμπλακία (Pr.564) ; v. 9 : ἄκικυς (v. 548, lyr.) ; v. 10 : ἰσόνειρος (v. 549, lyr.) ; v. 13 : κίνυγμα (v. 157, anap.) ; v. 19 : ὑπτίασμα (v. 1005, et A. 1235) ; v. 23 : νεκροδέγμωη (v. 152, anap.) ; v. 29 : ἐλιννύω (v. 53, mais aussi attesté ailleurs, chez Eschyle et chez Pindare). Autres exemples de mots eschyléens (même s’ils ne le sont pas exclusivement) : v. 7 : πελάτας (Pers.49), v. 15 : προστρόπαιος (Supp.362, Ch.286), v. 17 : προνωπής (A.234 lyr.), v. 33 : σταγώη (A. 1122, Ch. 186 et 400 anap., Supp.81 lyr.), v. 38 : παλαμναῖος (Eu.448). Le lexique du Psaume n’est pas seulement tiré d’Eschyle, même s’il s’aligne sur le registre stylistique de ce tragique. A côté de mots plus typiquement tragiques et / ou lyriques (cf. v. 5 : ἄγος), il y a un vocabulaire plus spécifiquement épique (v. 5 : ἀλαλκεῖν, v. 45 : παλίνορσος, v. 47 : ϕέβεσθαι). Le mot τύπος (v. 26) est attesté à partir du Ve s. av. J.-C. en attique et chez Hdt., tandis que πόρρω (v. 43) est un mot attique courant, et κυλοιδιάω (v. 35), un verbe utilisé par Aristophane (Lys.472). Il faut aussi laisser ouverte, comme pour le Ps. 1 (cf. n. 53), la possibilité que l’auteur n’ait pas uniquement puisé dans sa connaissance directe de textes et de scholies, mais qu’il se soit aidé d’ouvrages lexicographiques. Il est néanmoins significatif qu’en 1557, H. Estienne avait publié « un somptueux in-quarto, comprenant les sept tragédies conservées d’Eschyle. Cette première production des presses d’Henri Estienne à Genève marque une date importante dans la résurrection moderne d’Eschyle. Le volume contient, en édition princeps, son Agamemnon, que les éditions antérieures n’avaient publié qu’en partie. Elle est ainsi la première édition comportant les textes, distincts l’un de l’autre, de l’Agamemnon et des Choéphores » (Reverdin 2000, 65). Pietro Vettori (1499-1585) a établi le texte de cette édition genevoise d’Eschyle.

118 Une des passions de jeunesse de J.-J. Scaliger a été le latin archaïque, dont il s’est servi pour traduire les Hymnes orphiques et l’Alexandra de Lycophron (cf. Wilamowitz-Moellendorff 1921, 24). La première édition de sa version de l’Alexandra en sénaires iambiques parut à Bâle, associée à l’édition du texte grec de l’Alexandra par Guillaume Canter, en 1566, la même année où nos Psalmi in versus Graecos translati sortaient à Genève. Nous avons cherché des emprunts précis à l’Alexandra dans le Ps.6, mais la moisson a été maigre : Lycophron affectionne l’adjectif λυγρός, qu’il emploie 6 fois ; l’adj. δυσαλθής se trouve une fois dans l’Alexandra, au v. 796 ; le mot βύκτη y est utilisé aux v. 184, 738, 756.

Le Ps.45, attribué à Chrestien dans l’éd. 1566, mais revendiqué par Scaliger dans les papiers de Paris (cf. supra), présente une similitude de style avec le Ps. 6, comme (à un premier examen) les trois autres Psaumes contenus en entier dans les papiers de Paris, mais absents de l’éd. 1566 (nous envisageons de les étudier de manière plus approfondie en vue d’une publication).

119 Les hapax, par exemple, sont nombreux : v. 14 : ἐπεμβατῆρες (il existe un autre hapax, chez A. Ch. 280 : ἐπαμβατῆρας, de ἐπ-ανα-βα-. Le 2e epsilon de ce mot dans le Ps.6 est peut-être une erreur de copie), v. 22 : ὤνυμα (à côté de ὄνυμα, éol. et dor., il existe la variante épique οὔνομα ; s’agit-il d’un éolisme forgé par Scaliger à partir de cette dernière forme ou d’une erreur de copie dans le Bernensis ?), v. 22 : ἐξαμευ-σάμενος (le verbe simple ἀμεύομαι. est seul attesté : Pindare, Euphorion, lexicographes), v. 31 : ἐρημολεχής, v. 32 : κοιτάδα, v. 47 : παλιντροπάδην. Au v. 34, l’expression : ὄμμασιν ὀψικοίτοις est une citation de A.A.889 ; l’épithète est un hapax eschyléen expliqué par une scholie.

120 Par exemple : v. 5 ; v. 37-40 (allitération : μ, ν).

121 Quelques exemples significatifs : v. 10 : ἰσόνειρα (A.Pr.549) ; v. 23 νεκροδέγμονος (A.Pr. 152) ; v. 19 : χαμαιζήλω (mot attesté à partir du IVe s. av. J.-C.) ; certains composés sont cités à la n. 119 sur les hapax.

122 Comme chez Eschyle, il s’agit souvent de personnifications, ou de métaphores animalières, cf. v. 14-15 : ἐπεμβατῆρες (…) πότμοι ; v. 25 : ψεδνὸς ἔῤῥει μναμοσύνας ἄωτος ; v. 35-36 : παρέδροις κλαύμασι ; v. 39 : έσμος (cf. A.Supp.31 ; avec esprit doux fautif dans le Bernensis, cf. n. 135).

123 Cf. surtout v. 31-32 (quatre mots différents pour « couche, lit ») et 45-48. Dans certains cas, comme aux v. 25-26, on retrouve plutôt un parallélisme du Psaume biblique, conforme à la poétique hébraïque.

124 Les Grenouilles d’Aristophane restent toujours une des meilleures introductions critiques au style d’Eschyle !

125 Pour les informations générales sur la strophe saphique, cf. le commentaire du Ps. 2.

126 Toutefois, dans douze syllabes brèves en position anceps (v. 5, 9, 10, 15, 22, 27, 31, 33, 35, 39, 43, 47), la voyelle précède des sons consonantiques (λ, μ, ρ, σ, κρ, πρ, τμ) qui, dans ces Psaumes, peuvent fermer et allonger la syllabe précédente d’après le modèle de la poésie épique (cf. n. 80). Trois syllabes longues en position anceps (v. 2, 14, 38) sont d’autre part ambiguës car elles se trouvent en hiatus (cf. encore n. 80). Le nombre nettement plus important de syllabes ambiguës à la position anceps des hendécasyllabes est un élément supplémentaire qui distingue le Ps.6 (15 sur 36 vers) du Ps.2 (7 sur 39 vers).

127 Cf. n. 80.

128 Il s’agit des v. 7, (11), 15, 17, 18, 19, 26, 29, 30, 33, 37, 38, (41), 45.

129 Cf. n. 77.

130 Sur les treize vers concernés du Ps.2, on trouve sept occurrences de cette coupe.

131 Tout en s’adonnant à toutes sortes d’écarts sur le plan rythmique, l’auteur du Psaume 6 sait apprécier de petits jeux prosodiques érudits, cf. entre autres ἀΐδι au v. 8 avec alpha long (comme chez les tragiques, non homérique) et au v. 17 avec alpha bref (homérique).

N’oublions pas qu’il s’agirait ici d’une œuvre de jeunesse de Scaliger. Bentley écrira de lui en 1710 dans son Menander : Nemo in arte metrica Scaligero peritior (cité d’après Sandys 1908, 203). En revanche, Gilles Ménage d’Angers (1613-1692), auteur d’imitations réussies et admirées d’Ovide et de Tibulle, avait osé le critiquer (Sandys 1908, 290 : « He confesses that he cannot read a Greek author easily without the aid of a translation, but he is quite capable of finding flaws of prosody in the Greek verses of Scaliger. » Wilamowitz-Moellendorff (1921, 23) a dit aussi la sienne sur Scaliger poète : « (…) und auch hier zeigt Scaliger seine Überlegenheit ; dagegen nicht als Dichter, wenn man Poesie von dem Dichter verlangt ; Kunststücke bringt er freilich hervor, die ihm keiner nachmacht ».

132 Pendant toute sa vie, Chrestien s’est occupé de poésie grecque et latine, en lecteur et en poète. Il a traduit les poètes grecs en vers latins (pièces des tragiques et d’Aristophane ; épigrammes de l’Anthologie ; Héro et Léandre). Il s’est distrait à traduire Catulle en grec. A sa mort, il a laissé des traductions inédites en vers latins de Théocrite, des Poèmes figurés et d’Apollonios de Rhodes. Cf. Vian 1972, 472-473.

133 Il pourrait s’agir de leçons de manuscrits acceptées au XVIe siècle comme hapax, mais il est très malaisé de vérifier une telle hypothèse.

134 La conjecture ματαὶαις est moins économique. Dans un fragment des Ὁμηρικαὶ γλῶσσαι d’Apion (75.98.20), on trouve παρήορος et μετήορος juxtaposés : si notre conjecture est correcte, ces mêmes mots figureraient dans le Psaume dans deux vers consécutifs…

135 L’édition de 1566 propose un dorisme (πασσυδία, v. 46) au lieu de la forme ionienne du Bernensis. Le iôta souscrit de ὀλέθρῳ (v. 27), présent aussi dans l’édition, est peut être dû à une méprise relative à une forme de génitif éolien, d’autant plus que nous sommes en présence d’une reprise de Nonn. Par. Ev. Jo. 11.45 : ἀνήγρετον ὕπνον ὀλέθρου. On pourrait voir un éolisme (barytonèse) dans le δείνω du Bernensis (v. 7), donc une lectio difficilior par rapport au δεινῶ de l’édition. Les nombreuses fautes d’accent du manuscrit rendent toutefois cette interprétation hasardeuse (cf. n. 80, à propos de πάτηρ dans le Ps.2). Au v. 39 du Ps.6, on trouve du reste ἑσμός écrit avec un esprit doux (dans l’éd. 1566, la majuscule initiale ne porte pas d’esprit, comme d’habitude). Des variantes explicables par iotacisme peuvent avoir été empruntées à des sources manuscrites ou à des éditions imprimées, mais, sur ce point, v. la note suivante.

136 La forme μισαχθεῖς (au lieu de la forme correcte μυσαχθεῖς) a été probablement rattachée au radical de μισεῖν (« haïr ») à cause du contexte. Le composé m. sg. ὀψικοίτης (non attesté, au lieu de la forme correcte ὀψικοίτοις, cf. n. 119) est sans doute influencé par l’ ἠρεμολεχής du v. 31 et élimine une hypallage visiblement non acceptée (elle est pourtant eschyléenne). Ces deux variantes semblent relever de l’iotacisme, comme le διαπρισίω du Bernensis (v. 43) et la forme ἄκικις (v. 9, au lieu de ἄκικυς), commune au Bernensis et à l’édition. Vu que les Psaumes 1, 2 et 8 ne présentent aucune variante attribuable à l’iotacisme, l’accumulation des cas dans le Psaume 6 a certainement un rapport avec la difficulté de ce texte.

137 D’autres différences de ponctuation sont anodines, même si, d’une manière générale, la ponctuation de l’édition est plus abondante et appropriée aussi pour le Ps. 6.

La première strophe dans les papiers parisiens du fonds Dupuy en rapport avec Scaliger (B.n. F., Dupuy 395 ; v. supra) présente une ponctuation qui se rapproche tantôt de l’édition de 1566, tantôt du Bernensis, mais se distingue par l’accent d’enclise sur λίσσομαί σε et par l’absence de la virgule après ces mots. On y lit la forme ionienne ἀργαλέῃσι et non l’ ἀργαλέαισι du Bern. et de l’éd. 1566.

138 Une leçon particulièrement absurde, et donc significative, est le λιβάων δ’ du Bernensis (v. 33).

139 Burden 1627, 158.

140 Scaligerana 1695, 90.

141 Jacobsen 1973, 122-128.

Après tout, l’insertion de Psaumes de Joseph-Juste Scaliger, sous la signature de Florent Chrestien, dans l’édition Estienne de 1566 a peut-être été, à l’origine, un coup monté des deux jeunes hommes aux frais d’Henri Estienne, avec lequel Scaliger n’avait pas toujours eu les meilleurs rapports. Si ce scénario correspond aux faits, Scaliger aurait eu un regret tardif de s’être dépossédé de son poème en faveur de son ami. Ironie du sort ! Une quinzaine d’années plus tard, Scaliger sera piégé par Marc-Antoine de Muret (1526-1581), qui parvint à lui faire publier, sous le nom du poète latin Trabea, des vers de sa composition ; lorsqu’il l’apprit, Chrestien s’enflamma et composa des vers latins contre Muret… qui les crut de Scaliger et s’en plaignit. Et Chrestien de s’exclamer : « Il me fait trop bon Poëte à ses despens. » (Cf. Jacobsen, 1973, 124-125). O tempora, o mores…