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Mais qui était donc « Olympiosthénès », sculpteur des Muses de l’Hélicon ?

Denis KNOEPFLER

Neuchâtel et Paris

Aucune montagne au monde – le Salève, peut-être, mis à part ! – n’est plus chère au cœur d’André Hurst que le mont Hélicon. C’est l’intérêt passionné pour cette région encore sauvage de la Béotie, d’où la vue s’étend jusqu’au massif du Parnasse (autre « montagne magique »), qui lui a inspiré naguère, on le sait, l’idée de consacrer tout un colloque aux Muses Héliconiades dans leur environnement naturel. Il me fit alors l’amitié et l’honneur de m’y convier : ce fut pour moi l’occasion d’esquisser et surtout de tester une nouvelle hypothèse sur le délicat problème de la réorganisation des Mouseia à la fin du IIIe siècle avant notre ère, question essentiellement épigraphique1. Si mes pas, aujourd’hui, me conduisent à nouveau vers la « Montagne des Muses », c’est pour offrir à notre ami une relecture qui pourrait l’intéresser, par la méthode autant que par le résultat, d’un passage de Pausanias relatif au Mouseion de l’Hélicon.

Dans ce sanctuaire logé au creux d’un vallon montagneux, le Périégète a vu certainement plusieurs groupes de statues des Muses, remontant à diverses époques. S’il dédaigne, comme à son habitude, de mentionner ce qui paraît avoir été, de son temps, le monument le plus récent (dont l’existence est attestée par l’archéologie2), il décrit – ou plutôt évoque – les deux plus prestigieux ensembles de la manière suivante : « Pour ce qui est des Muses, les premières statues qui se présentent au visiteur forment un groupe où toutes les Muses sont dues à l’art de Képhisodote ; il suffit ensuite de s’avancer un peu pour en trouver trois qui sont derechef l’œuvre de Képhisodote et trois autres de la main de Strongylion, artiste qui excella à sculpter des taureaux et des chevaux ; les trois restantes, c’est Olympiosthénès qui les a faites (9.30.1 : Ταῖς Μούσαις δὲ ἀγάλματα <τὰ> μὲν πρῶτά ἐστι Κηϕισοδότου τέχνη πάσαις, προελθόντι δὲ οὐ πολὺ τρεῖς μέν εἰσιν αὖθις Kηϕισοδότου, Στρογγυλίωνος δὲ ἕτερα τοσαῦτα, ἀνδρὸς βοῦς καὶ ἵππους ἄριστα εἰργασμένου• τὰς δὲ ὐπολοίπους τρεῖς ἐποίησεν ᾿Ολυμπιοσθένς)3. Il y avait donc, sur l’Hélicon, au moins deux groupes statuaires de « bonne époque » (aux yeux de Pausanias) représentant les neuf Muses : le premier était un monument homogène dont l’exécution avait été confiée à un seul sculpteur, tandis que le second avait été réalisé par trois artistes distincts – chose remarquable, mais non sans exemple4 – réalisant chacun le tiers du nombre total des agalmata, soit trois Muses5.

Les trois sculpteurs qui collaborèrent à l’érection de ce groupe composite sont (du moins à première vue) inégalement réputés. L’Athénien Képhisodote – en qui l’on voit d’ordinaire le premier du nom, père (ou frère aîné ?) du grand Praxitèle, et non pas son fils, bien connu lui aussi6 – est une figure marquante du début du IVe siècle : les Thespiens auraient été, pense-t-on le plus souvent7, si attachés à ce sculpteur que, non contents de lui avoir donné la possibilité de sculpter les neuf Muses, ils lui demandèrent de prêter son concours à la confection d’une seconde œuvre monumentale de même type (à moins, bien sûr, que les choses ne se soient faites dans l’ordre inverse !). Strongylion non plus n’est pas, tant s’en faut, un inconnu : sans doute Athénien comme Képhisodote, il reçut diverses commandes publiques aux alentours de 400, faisant notamment deux statues de culte en Mégaride8, créant surtout – mais pour un très riche particulier, non pour la cité d’Athènes – le Dourios Hippos, ce colossal Cheval de Troie en bronze dont la base a été retrouvée en divers points de l’Acropole et que Pausanias signale dans sa description de l’Attique9 tout en omettant curieusement de fournir le nom de l’artiste, alors que, dans notre passage, il vante précisément les talents de Strongylion comme sculpteur animalier.

Olympiosthénès, en revanche, est un artiste parfaitement inconnu par ailleurs. Aussi les auteurs de tous les instruments de travail relatifs à la sculpture grecque – du vénérable recueil des Antiken Schriftquellen d’Overbeck10 (aujourd’hui complété et traduit en français pour le plus grand soulagement de nos étudiants11) aux notices les plus récentes12, en passant par bien des commentaires de Pausanias (ou de Pline l’Ancien) et des manuels d’archéologie13 – ont-ils dû se contenter de relever que ce bronzier d’origine et d’époque indéterminées avait vraisemblablement vécu à l’extrême fin du Ve siècle et qu’il devait être, de son temps, un sculpteur jouissant d’une bonne, voire très bonne réputation, puisque les Thespiens avaient fait appel à lui en même temps qu’à des artistes aussi fameux que Képhisodote et Strongylion.

Faut-il continuer à se satisfaire de cette constatation minimale, fort peu éclairante et dépourvue de toute séduction, ou doit-on essayer de retrouver derrière Olympiosthénès une figure moins énigmatique ? Certes, nombreux sont les artistes de l’Antiquité gréco-romaine à n’apparaître qu’une fois, en tout et pour tout, dans l’ensemble des sources disponibles. Mais la grande majorité des cas de ce type, reconnaissons-le, vient de la documentation épigraphique, telle signature ou telle mention dans un compte de construction (ceux de l’Erechthéion, d’Epidaure ou de Delphes par exemple) s’avérant être l’unique témoignage sur un sculpteur ou sur un peintre ignoré par les sources littéraires. Il est déjà plus rare de voir Pline l’Ancien (tout de même assez sélectif, en dépit de son goût bien connu des catalogues, dans ses listes de non ignobiles artifices) et surtout Pausanias (sensible à la plus ou moins grande notoriété des artistes dont il signale les œuvres chemin faisant14) mentionner un sculpteur que l’on ne connaisse d’aucune autre façon. Ce qui, dans notre passage même, frappe le plus, c’est le contraste entre la célébrité des deux premiers personnages nommés par le Périégète et l’obscurité complète qui enveloppe le troisième, censé pourtant être leur égal dans la confection de cette œuvre commune.

Mais une autre chose encore aurait pu et dû retenir l’attention des critiques : c’est que le nom ᾿Ολυμπιοσθένης est ce que l’on appelle un hapax15. Il est vrai que, pour l’affirmer, on est aujourd’hui infiniment mieux équipé que dans un passé encore récent. La consultation du vieux dictionnaire de Pape et Benseler (1870) eût cependant déjà permis de conclure à l’extrême rareté de cet anthroponyme, puisque les auteurs n’en pouvaient citer que ce seul exemple16. Au début du XXe siècle, le répertoire systématique des noms propres grecs de Bechtel laissait transparaître une certaine perplexité chez cet excellent helléniste, qui, certes, admettait le composé ᾿Ολυμπιο-σθένης en traitant des noms formés sur ᾿Ολύμπιος mais – chose remarquable – l’omettait sans doute volontairement (peut-être parce qu’insuffisamment attesté à ses yeux) dans la longue liste des Vollnamen en -σθένης17. Les innombrables inscriptions publiées depuis lors n’ont en rien modifié la situation, comme on peut désormais s’en convaincre grâce aux quatre volumes parus du si précieux Lexicon of Greek Personal Names (I-IIIA et B,1987-2000) : aucun personnage de ce nom ne se rencontre dans le monde insulaire ou en Attique, rien non plus dans le Péloponnèse ou en Occident, pas davantage en Grèce centrale, y compris la Thessalie. Serait-ce alors l’indice que notre Olympiosthénès était originaire d’une des régions dont l’onomastique doit faire l’objet d’un des volumes à paraître, ainsi la Macédoine ou la Thrace, l’Asie Mineure, la Syrie ou l’Egypte ? J’ai tenu à m’en enquérir auprès de nos collègues et amis d’Oxford, Peter Fraser et Elaine Matthews. Cette dernière, en porte-parole autorisé de toute l’équipe, a bien voulu me faire savoir18 qu’aucun ᾿Ολυμπιοσθένης ne devait être attendu – sauf découverte imprévisible – dans la suite de la publication du LGPN. S’étant en quelque sorte prise au jeu, elle m’a fait parvenir en outre deux listes fort instructives, celles de tous les composés en -σθένης (pas loin de soixante-dix19 !) et en ᾿Ολυμπιο- ou ᾿Ολυμπο- (bien moins nombreux).

Voilà donc qui donne à réfléchir. En fait, j’ai acquis la conviction que cet anthroponyme, malgré son allure parfaitement hellénique, est un faux nom. Car on peut observer facilement – même si cela ne paraît guère avoir été mis en évidence jusqu’ici – que les épiclèses divines, si elles ont produit bien des noms par dérivation (ainsi, en l’occurrence, Olympias, Olympiadès / -das, Olympinès, Olympichos, Olympikos, Oympiôn20), n’entrent normalement pas, ou seulement très rarement, en composition21. On trouve certes Olympiodôros mais pratiquement aucun autre composé, pas même Olympiodotos22 ; chose notable également, l’adjectif ὀλυμπιόνικος (ni non plus, d’ailleurs, l’appellatif ὀλυμπιονίκης) ne semble avoir servi de nom propre, en dépit de l’existence de très nombreux anthroponymes à second élément en -νικος. On pourrait faire exactement les mêmes constations avec des épiclèses locales – par exemple béotiennes comme Hypatos, Homolôios, Ptoieus, etc. : alors qu’il y a bien des exemples de Hypatodôros, Homolôiodôros ou Ptoiodôros, il n’existe pratiquement aucun autre composé ayant l’une de ces épiclèses comme premier élément23. Même le nom qui serait le plus proche de Olympiosthénès tant au point de vue de sa formation que de sa signification, à savoir Pyth(i)osthénès, n’est attesté nulle part, que je sache.

La conclusion paraît donc inéluctable : le texte transmis n’est pas exactement celui que Pausanias avait écrit, car on doit admettre par principe que cet auteur ne saurait avoir reproduit sans sourciller un nom de personne qui ne fût pas conforme aux usages de l’anthroponymie grecque. Or, dès le moment où l’on se persuade qu’il y a corruption textuelle – chose au demeurant fort commune dans les manuscrits de la Périégèse, en particulier pour les anthroponymes24 –, on ne peut pas hésiter bien longtemps, me semble-t-il, sur la seule manière d’éliminer ce beau monstre : de toute évidence, il faut lire ici ᾿Ολύνθιος Σθέννις, puisqu’il est très facile d’expliquer (l’itacisme aidant) le passage de ΟΛϒΝΘΙΟΣΣΘΕΝΝΙΣ à ΟΛϒΜΠΙΟΣΘΕΝΗΣ25, notamment à partir d’un texte en onciale.

Mais, objectera-t-on peut-être, si c’est vraiment le nom de Sthennis d’Olynthe – sculpteur aussi illustre, on va le voir, qu’Olympiosthénès était obscur – qu’il s’agit de rétablir en ce passage, n’est-il pas étrange que Pausanias ait mis l’ethnique avant le nom, puisque l’ordre inverse, dans les signatures d’artistes, ne souffre pratiquement pas d’exception ? En fait, cette manière de faire est loin d’être rare chez notre auteur. Dans la description du sanctuaire d’Olympie, en particulier, les exemples sont nombreux où l’ethnique précède le nom des athlètes26. Les cas les plus intéressants pour nous, toutefois, sont évidemment ceux qui, comme ici, concernent des sculpteurs : c’est ainsi qu’au livre 5 on trouve cette tournure dès le début pour une œuvre du portraitiste Cléon de Sicyone, Σικυωνίου δὲ Κλέωνός ἐστιν εἰκών (1.5) ; plus loin pour la célèbre Nikè de Paionios de Mendè, la phrase τοῦτό ἐστι ἔργον μὲν Μενδαίου Παιωνίου (26.1) ou, pour le taureau des Erétriens, œuvre de leur compatriote Philèsios, τέχνη δὲ ᾿Ερετριέως ἐστι Φιλησίου (27.9) ; même chose au livre 6, où, à propos de deux athlètes de Messène, Gorgos et Damarètos, Pausanias précise qu’il y eut deux artistes pour exécuter leur statue, τὸν μὲν αὐτῶν Βοιώτιος Θήρων, Δαμαρέτου δὲ τὴν εἰκόνα Ἀθηναῖος Σιλανίων ἐποίησεν (14.11). Mieux : dans ce même livre 6, le Périégète trouve deux fois l’occasion de mentionner Sthennis d’Olynthe lui-même. Or, si dans un cas (pour la statue du jeune Choirilos), il met l’ethnique après le nom – comme, très probablement, dans l’inscription qu’il eut sous les yeux – en écrivant ὁ μὲν Σθέννιδος ἔρυον τοῦ ᾿Ολυνθίου Χοιρίλος (17.5), dans l’autre cas (pour celle de Pyttalos), en revanche, il permute les deux termes : ὁ δὲ οἱ ἀνδριάς ἔργον ἐστιν ᾿Ολυνθίου Σθέννιδος (16.8). Le moins que l’on puisse dire, par conséquent, c’est que le libellé que je propose de rétablir en 9.30.1 n’est pas étranger au style de Pausanias27.

L’encombrant « Olympiosthénès » se trouve ainsi éliminé, ce qui est un gain à la fois pour l’onomastique et pour l’histoire de la sculpture. Du même coup, en effet, on obtient un nouveau et important témoignage – aussi nouveau que le serait celui d’une inscription inédite – sur Sthennis, sculpteur de la deuxième moitié du IVe siècle, à la carrière et surtout à la famille duquel Christian Habicht vient justement de consacrer une mise au point très bienvenue28. Cet artiste au nom très rare (donc sujet à mélecture par les copistes) était un citoyen d’Olynthe en Chalcidique, mais il avait dû quitter sa patrie au plus tard en 348, quand cette ville fut prise et détruite par Philippe de Macédoine. Avec nombre de ses concitoyens, il se réfugia à Athènes, et c’est là qu’il exerça son activité de sculpteur. Pline l’Ancien en a fait un contemporain exact de Lysippe, puisqu’il situe l’akmè des deux artistes dans la même 133e olympiade29, soit en 328-325 ; mais, comme toujours chez cet auteur, il faut prendre une telle indication avec prudence, Lysippe, né vers 390, étant en réalité de deux décennies au moins plus âgé que Sthennis, qui – au témoignage d’une belle signature gravée (vers 285) sur la base de la statue élevée par le roi Lysimaque à sa belle-sœur dans l’Amphiaraion d’Oropos30 – prolongea sa carrière jusqu’au début du IIIe siècle. A une date inconnue, Sthennis obtint l’honneur de la citoyenneté athénienne31. On peut donc admettre que les œuvres qu’il a signées avec l’ethnique Olynthios appartiennent à la première phase de son activité. De fait, les deux bronzes d’Olympie mentionnés ci-dessus – dont les bases non retrouvées portaient certainement la signature Σθέννις ᾿Ολύνθιος ἑποίησεν – peuvent être placées, avec de bonnes raisons, vers 320-31632. Tout semble indiquer par ailleurs qu’à partir du moment où sa notoriété devint suffisante, il se contenta souvent, du moins à Athènes33, de signer par son nom seul, sans patronyme ni ethnique : ainsi déjà sur le monument familial qu’il confectionna sur l’Acropole en collaboration avec le grand Léocharès, où l’inscription complète se réduit (deux fois) à Σθέννις ἐποίησεν34. Or, ce monument ne saurait être beaucoup postérieur à 325, Léocharès n’ayant pu survivre longtemps à Alexandre le Grand, lui qui collabora dans les années 350 à la construction du célèbre Mausolée d’Halicarnasse35. Il est donc de bonne méthode de situer aux alentours de 320 au plus tard – mais sans exclure du tout une date plus ancienne, vers 340-330 déjà – l’activité de Sthennis au Mouseion du territoire de Thespies.

Au vu des signatures conservées directement ou indirectement, Sthennis fut avant tout – comme la plupart des grands artistes contemporains d’ailleurs – un portraitiste travaillant pour de riches bourgeois, pour des athlètes et parfois pour des princes et princesses. On notera aussi que, selon Pline, il excellait à représenter des femmes en diverses attitudes religieuses, « pleurant, priant et sacrifiant »36. D’autre part, il ressortait déjà assez clairement du reste de la documentation qu’il avait pu, à l’occasion, travailler pour des collectivités publiques. C’est ainsi qu’il fit pour Sinope, sur la rive sud du Pont-Euxin, une statue du fondateur mythique de cette colonie milésienne, Autolykos (compagnon d’Héraklès), statue que Lucullus, après le sac de la ville par des pirates ciliciens en 70 avant J.-C., aurait trouvée déjà arrachée de sa base et qu’il n’eut donc pas trop de scrupules à emporter à Rome : « c’était, écrit Plutarque37, un chef-d’œuvre de Sthennis ». Tel fut le sort également, au dire de Pline38, de trois statues représentant Zeus, Athéna et Déméter, que cet auteur pouvait contempler encore dans le temple de Concordia au pied du Capitole : sans doute ces agalmata avaient-ils été pris tous trois à quelque sanctuaire de la Grèce. Les deux groupes de Muses vus par Pausanias sur l’Hélicon furent longtemps épargnés par les Romains, à la différence des Thespiades, ces statues de Muses (selon toute apparence) qui devaient se trouver à Thespies même quand, en 146 déjà, L. Mummius vainqueur des Achéens et des Béotiens les emporta à Rome – comme Cicéron est bien obligé de le reconnaître39 – pour les déposer dans le temple de Felicitas. Mais vint un jour où Constantin osa emporter l’un des deux groupes – sinon les deux – pour orner sa nouvelle capitale : c’est donc à Constantinople, plus exactement en façade du splendide bâtiment du Sénat, que prirent place les Muses Héliconiades, dont celles, peut-être, dues à Sthennis d’Olynthe, et c’est là, en 404 de notre ère, qu’elles furent victimes d’un incendie criminel, pour le plus grand désespoir de l’historien païen Zosime40.

Ce sont donc trois statues divines et féminines supplémentaires que l’on peut aujourd’hui attribuer à l’agalmatopoios Sthennis d’Olynthe. Mais cette attribution même pourrait entraîner, aux yeux de certains, une difficulté – sinon une objection – sur le plan chronologique41. N’est-il pas singulier, en effet, que le monument de l’Hélicon, commencé aux alentours de 400-380 par Strongylion et Képhisodote, n’ait été achevé qu’un demi-siècle plus tard par un sculpteur appartenant manifestement à une tout autre génération ? Quoique important, cet écart ne me paraît guère malaisé à expliquer, puisque, dans l’intervalle, les Thespiens connurent de cruelles vicissitudes : dès avant Leuctres (371), ils furent en butte aux attaques de Thèbes, et leur cité cessa d’exister en tant que polis jusqu’en 33842, quand la Béotie fut libérée de la tutelle thébaine par Philippe de Macédoine. On comprend donc très bien que, vers 335 – au lendemain de la destruction de Thèbes, qui marqua pour eux comme pour beaucoup d’autres Béotiens le début d’une époque plus prospère –, ils aient été très désireux d’achever sans plus tarder le monument laissé inachevé dans leur sanctuaire de l’Hélicon, et cela en faisant appel à un artiste encore assez jeune comme l’était le sculpteur olynthien, mais déjà fort réputé à l’époque d’Alexandre si l’on en croit le synchronisme établi par Pline entre Sthennis et le grand Lysippe.

Y eut-il un seul des trois sculpteurs à l’œuvre dans cette phase finale de l’entreprise ? En fait, je croirais volontiers que l’Olynthien – qui, on l’a vu, ne répugnait pas à travailler en collaboration – fit la chose avec Képhisodote le Jeune, fils de Praxitèle. On sait en effet que cet artiste, dont l’activité est attestée dès l’année 344 / 343 par une base athénienne que date, à l’année près, la mention d’un prêtre d’Asklépios43, eut une carrière tout à fait parallèle à celle de Sthennis. Cette hypothèse aurait l’avantage de rendre compte au mieux de la présence dans l’Hélicon de deux monuments représentant les neuf Muses et censés être de la main du même Képhisodote. Contrairement à ce que plusieurs archéologues ont été tentés d’admettre pour distinguer les deux artistes homonymes44, le premier des deux groupes vus par Pausanias aurait été un monument érigé aux frais d’un particulier (comme le cheval de Strongylion sur l’Acropole), et ce riche Thespien en aurait confié l’exécution à Képhisodote l’Ancien. Commencé vers la même époque ou un peu plus tard par les soins de Strongylion, le second, au contraire, a toutes chances d’avoir été financé par la cité elle-même, puisqu’on voit maintenant qu’il fallut plusieurs décennies pour l’achever. La probabilité est donc grande que les autorités de Thespies voulurent, après 335, confier cette tâche assez pressante non pas à un seul mais à deux artistes45, soit Képhisodote le Jeune et Sthennis, l’un et l’autre alors actifs à Athènes. Si l’espoir de retrouver leurs deux signatures associées sur une base du Mouseion est très faible46, on peut, en revanche, espérer raisonnablement qu’un autre site archéologique, à Athènes ou en Attique, livrera un jour un document prouvant leur collaboration effective. Mais dès à présent, il me paraît clair que c’est l’Olynthien Sthennis – et non pas le mystérieux « Olympiosthénès » – qui fit, en début de carrière, trois des neuf Muses du sanctuaire de l’Hélicon47.

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Vollkommer, R. (2004) – « Olympiosthenes », dans Vollkommer, R., Künstlerlexikon der Antike II, München / Leipzig, 551.

Weber, M. (2002) – « Kephisodotos (I) », dans Vollkommer, R., Künstlerlexikon der Antike I, München / Leipzig, 408-410.

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1 Knoepfler 1996. Je suis heureux de signaler aux éditeurs de La Montagne des Muses, A. Hurst et A. Schachter, que cette étude parue sous leur patronage a reçu un bon accueil de la critique : cf. notamment Gauthier 1997 ; Le Guen 2001, I, 144-145 et passim ; Azeviri 2003, 412.

2 Il s’agit du monument dédié aux Muses Héliconiades par les Thespiens, constitué de neuf bases inscrites portant chacune le nom d’une Muse et une épigramme d’Honestus, poète de l’époque augustéenne connu par l’Anthologie Grecque : voir Jamot 1902 (il n’y a pas lieu d’indiquer ici la bibliographie postérieure). Pour le groupe des Thespiades, emporté à Rome par Mummius, voir ci-après p. 666 et n. 39.

3 C’est le texte de toutes les éditions, en particulier celui de la Teubneriana, III (1981, 19892) dû à Maria Helena Rocha-Pereira. L’article indispensable devant μὲν πρῶτα a été rétabli par Schubart, puis entériné par Spiro.

4 On peut citer l’exemple contemporain du Monument de Lysandre à Delphes, où il y eut près de dix bronziers à l’œuvre pour plus de trente statues (Paus.10.9.7 sqq. ; cf. Bommelaer 1991, 108).

5 Bien que cela ne soit pas dit explicitement, il semble clair que chaque groupe formait un tout à la fois distinct et solidaire des deux autres. Comme le suggère Marcadé 1982, 232 sqq. n. 10 (= 1993, 463 n. 10), le fait que le monument ait été constitué de trois triades pourrait être un souvenir du temps où ces divinités n’étaient justement encore que trois (Paus.9.29.3).

6 L’existence de deux artistes homonymes à peu d’intervalle l’un de l’autre est garantie par Plin. nat. 34,87. Pour le plus ancien, auteur de la fameuse Eirénè, voir la récente mise au point de Weber 2002, qui, dans le sillage de ses devanciers, lui attribue les deux groupes de Muses attestés sur l’Hélicon, mais avec une certaine réserve en raison de la perte de ces œuvres.

7 Mais voir ci-après p. 666 pour une opinion partiellement divergente, et aujourd’hui bien plus probable (encore qu’il faille, selon moi, en inverser les termes).

8 Statue d’Artémis Sôteira à Mégare même, avec une réplique très probable à Pagai (Paus.1.40.2-3 et 44.4).

9 Paus.1.23.8. La base porte la mention du dédicant, Chairédèmos fils d’Euangélos, du dème de Koilè, et celle du sculpteur, Strongylion (sans ethnique) : cf. IG II2, 535 (= I3 895, avec la bibliographie récente ; cette référence obligée n’est pas encore connue de Kreikenbom 2004, qui juge toujours l’artiste comme étant « unbekannter Herkunft », alors que Osborne / Byrne (1994, 408) le tiennent avec décision pour un Athénien). Sur l’emplacement et l’aspect de cette peu commune offrande, voir maintenant Holtzmann 2003, 187.

10 Overbeck 1868, n° 878.

11 Muller-Dufeu 2002, 376-377 et 459 n° 1087 (cf. Baumer 2004, 174).

12 La dernière en date est celle de Vollkommer 2004. Voir précédemment Thieme / Becker 1932 ; Lippold 1939 ; Bermond Montanari 1963 ; Queyrel 1986, 662 n° 24 (pour l’article « Musae » du Daremberg / Saglio, cf. infra n. 15). Pas de notice dans Der Kleine Pauly ni dans Der Neue Pauly.

13 Ainsi Brunn 1857, 268 ; Collignon 1897, 185 ; Picard 1939, 643 et 1948, 79 et 167 : Raubitschek 1949, 524, à propos de Strongylion ; Marcadé (1953, 52) à propos de Képhisodote I : « l’un de ses premiers travaux dut être, sur l’Hélikon, trois statues de Muses, car Strongylion et Olympiosthénès, maîtres de la fin du Ve siècle, s’étaient partagés le reste du groupe » (pour l’opinion de ce savant concernant l’autre groupe de Muses, cf. infra n. 44) ; Gallet de Santerre / Le Bonniec 1953, 205-206 n. 14 ; Todisco 1993, 42 et 63, etc.– Dans son récent manuel, Rolley (1999, 214) fait état du monument composite de l’Hélicon, mais sans mentionner Olympiosthénès.

14 Comme le rappelle Habicht 1985 (19982), 131, Pausanias « mentions no fewer than 179 different sculptors, some only once, others several times, a good many repeatedly ». Si j’ai raison dans ma tentative pour faire disparaître « Olympiosthenes », il conviendra de réduire ce nombre d’une unité.

15 C’est peut-être la raison – s’il ne s’agit pas d’un simple lapsus – qui a conduit Navarre (ca. 1910, 2064) à substituer Olympiodôros à Olympiosthénès en évoquant le monument de l’Hélicon.

16 Pape / Benseler 18703, 1054 (le hasard a voulu que le nom ᾿Ολυμπιοσθένης figure comme titre courant à côté de ᾿Ολύμπιος).

17 Contrairement à son habitude, en effet, Bechtel (1917, 347) ne mentionne ce nom qu’à propos du premier élément en ᾿Ολυμπιο- (« Bildhauer unbekannter Herkunft, Paus. IX 30, 1 » ; le nom érétrien ᾿Ολυμπίαρος, autre hapax enregistré là, doit également disparaître, comme je l’ai montré ; cf. Knoepfler dans Fraser-Matthews 1987 I s.v. « ᾿Ολυμπιάρατος n° 1 »).

18 Par lettre du 18 septembre 2003, pour laquelle je les remercie encore, elle et Peter Fraser, très cordialement.

19 En excluant, bien sûr, les variantes et formes dialectales d’un même anthroponyme.

20 Pour ces noms à Olympie même dans le milieu sacerdotal, voir Robert 1969, 244-245 (= 1989, 400-401), avec aussi le nom Olympos, qui n’apparaît guère, là et ailleurs, avant l’époque impériale.

21 Cela ressort fort bien des listes établies par Sittig 1911, 12 sqq. (épiclèses de Zeus, à commencer par Olympios, dont Sittig note que les dérivés sont loin d’être attestés partout), mais il ne semble pas que cet auteur ait explicité la chose. Rien non plus là-dessus chez Masson (1988) à propos de l’épiclèse Oulios.

22 On connaît en revanche – d’après le Lexicon of Greek Personmal Names I-III A-B – un exemple de Olympogénès et un autre de Olympoklès, formés cette fois sur le toponyme Olympos.

23 Voir le premier des articles sous presse cités dans la note suivante.

24 Dans la plupart des cas, certes, ces noms corrompus sont aujourd’hui éliminés de nos éditions. Mais il en reste néanmoins encore un nombre appréciable à détecter : pour une série dans ce même livre 9, voir ma contribution « Anthroponymes béotiens à corriger dans le livre IX de Pausanias » pour les Mélanges Catherine Dobias, Université de Dijon, et ma communication « Un dieu-fleuve thébain méconnu chez Pausanias (IX 10) : cultes et cours d’eau aux abords de la Cadmée », pour les Actes du colloque de Thèbes (décembre 2002), Musée de Thèbes (les deux articles sont à l’impression).

25 On notera au surplus que, dans les deux passages où Pausanias mentionne à coup sûr ce sculpteur, un bon nombre de mss. – voire la totalité – donne le nom Sthennis avec un seul nu. En 6.16.8, un des principaux témoins le Laurentianus F, donnerait même Σθέριδος (sic) selon M.H. Rocha-Pereira (si cette leçon ne figure pas dans l’apparat de la C.U.F., c’est, comme M. Casevitz veut bien me l’apprendre, qu’elle n’a pas de réalité).

26 Ils sont si nombreux qu’il n’y aurait guère de sens à y renvoyer.

27 Ce goût de la variatio en est, comme on sait, une des caractéristiques : voir Strid 1957, 99 ; cf. Habicht 1985 (19982), 137, à propos du livre 6 précisément.

28 Habicht 1992-1998 et 2000-2003 pour toute la lignée d’artistes issus de Sthennis fils d’Hérodôros. Cf. aussi, maintenant, Villig 2004. – Informé dans l’été 2003 de ma conjecture, le professeur Chr. Habicht me faisait part aussitôt (lettre du 11 août 2003) de son adhésion « zu der evidenten Entdeckung in Pausanias IX 30, 1, denn es gibt für mich keinen Zweifel, dass Sie Recht haben und es sich bei dem vermeintlichen Olympiosthenes tatsächtlich um den Olynthier Sthennis handelt ». Dès le 25 juin 2003, un autre parfait connaisseur de Pausanias, Mr. François Chamoux, m’écrivait dans le même sens, jugeant la conjecture « extrêmement séduisante ». C’était du reste aussi l’avis de E. Matthews et de Peter Fraser dans la lettre mentionnée supra n. 18 : « Both Peter and I were very struck by your suggested re-interpretation of Pausanias IX 30, 1, and feel that you must be right ». Je remercie ces collègues et amis de longue date pour cet encouragement si précieux à faire connaître l’hypothèse à un plus large public.

29 Plin. nat. 34,51. Cette indication est discutée par tous les commentateurs.

30 IG VII 279 ; Syll.3 373 ; Pétrakos 1997, 383 et fig. 3 (dessin) + pl. 50. Pour la date – après les observations de Habicht 1992-1998, 23 – cf. Knoepfler 2002, 135 avec la fig. 5 et la n. 94 : la fourchette 287-281 reste la plus probable pour ce monument.

31 Mais on ne possède pas le décret qui la lui octroyait : cf. Osborne 1983, 64-65 T 62 (cf. IV 218). On sait seulement qu’il fut inscrit dans le dème de Diomeia grâce à la consécration qu’il fit dans le théâtre de Dionysos à une date également indéterminée (IG II2 4902). Rien n’oblige à admettre, me semble-t-il, que l’octroi de la politeia remonte aussi haut que ca. 348 (ainsi Osborne).

32 Pour celle de Pyttalos, voir Piccirilli 1972, 479-484, et les récents commentateurs du livre 6 de Pausanias. Jacquemin 2002, 218-219, ad loc., a évidemment raison d’écrire à propos de Sthennis qu’« on ne peut déduire de ce que Pausanias le dise Olynthien que les deux statues d’athlètes sont antérieures à 348 » ; mais il eût été peut-être plus utile de dire que cela invite à ne pas les placer trop tard dans la carrière de l’artiste. D’autre part, la mention d’un Sthennis dans un nouveau fragment de l’inventaire de l’Asklépieion IG II2 1534 ne se rapporte pas au sculpteur attesté à Olympie, comme elle le laisse entendre, mais concerne à l’évidence son petit-fils (SEG XLI 665 ; cf. Habicht 1992-1998, 2000-2003 et Villig 2004).

33 Mais à Oropos (supra n. 30) – qui n’était plus une possession athénienne à l’époque de la consécration de Lysimaque – il indique aussi bien son patronyme (Hérodôros) que son nouvel ethnique (Athènaios).

34 IG II2 3829, avec une double signature de Sthennis. Pour l’emplacement de ce groupe de cinq statues dit de Pandaitès et Pasiklès, cf. Holtzmann 2003, 186.

35 Cf. en dernier lieu Moreno 2004, en particulier 7 pour le groupe en question. Sa mort est placée là ca. 325.

36 Plin. nat. 34,90 : Idem (sc. Stennis) flentes matronas et adorantes sacrificantesque. Cette phrase suit immédiatement celle qui se rapporte aux statues divines exécutées par Sthennis (infra n. 38), de sorte qu’ici encore Pline pourrait avoir en vue des œuvres de caractère sacré tout aussi bien que des statues – ou des reliefs – funéraires et honorifiques.

37 Plu. Luc.23.4 : τò δ’ ἔργοη ἦν Σθέηηιδος τῶη καλῶη. Voir aussi Str.12.3.11C546 (Σθέν(ν)ιδος ἔργοη), qui insiste sur la vénération dont Autolykos était l’objet dans cette ville, et App. Mith.83.371-372 ; dans son récent et très riche commentaire à cette œuvre Goukowsky (2001, 214 n. 772) voudrait qu’il y ait eu « sans doute » deux statues d’Autolykos, « l’une probablement très ancienne », l’autre due à Sthennis (dont le nom n’apparaît pas chez Appien) : cela ne me semble guère séduisant, puisque la vieille statue était, elle aussi, sur le point d’être emportée quand on l’apporta à Lucullus ; (en tout cas ni Habicht (1992-1998 et 2000-2003) ni Villig (2004) ne paraissent faire cette trop subtile distinction). Chose curieuse, Touchefeu (1986) ne connaît que le témoignage de Plutarque.

38 Plin. nat. 34,90 : « Sthennis Cererem, Jovem, Minervam fecit, qui sunt Romae in Concordiae templo » (cf. supra n. 36). Pour cet aspect de l’activité de Sthennis et de ses contemporains, cf. Steward 1979, 5 (+ 159 et n. 19).

39 Cic. Verr. 2,1, 4 ; cf. Varro ling. 7,20 et Plin. nat. 36,39. Ces Thespiades (ne pas traduire par « Thespiennes », comme si c’étaient de simples femmes de Thespies, ainsi que le fait maintenant Muller-Dufeu (2002, 487), qui a tort, surtout, de suivre aveuglément Overbeck en attribuant ce groupe de marbre à Praxitèle, au prix d’un amalgame très couramment fait avec des statues en bronze de Praxitèle placées devant le même temple de Felicitas, selon Plin. nat. 34,69 : sur cette confusion, cf. Knoepfler 1997a, 28 n. 51, avec la bibliographie). – On a retrouvé à Rome une base d’époque impériale qui portait une statue du philosophe Dion d’Ephèse (inconnu), avec la signature de Sthennis (IG XIV 1149 = Moretti, Inscr. Gr. Urbis Romae. 1491) ; cf. Habicht 1992-1998, 23.

40 Zos.5.24, avec le commentaire approfondi de Paschoud 1986, 184-186, qui donne d’autres références à cet épisode (cf. déjà Hitzig / Blümner 1907, 482), et fait mention des deux monuments de l’Hélicon, dont celui de « Céphisodote, Strongylion et Olympiosthène ».

41 Ce problème a été soulevé d’emblée par M. Fr. Chamoux dans la lettre mentionnée supra n. 28, sans qu’il lui paraisse constituer un obstacle sérieux à la correction proposée ici.

42 En tout cas, les Thespiens se disent apolides en 371 (X.HG6.3.1). Pour cette question, voir Roesch 1965, 45-46, et surtout Tuplin 1986, 321-341 ; cf. Knoepfler 1997b, 352-353.

43 IG II2 4390 (cf. Rolley 1999, 243, pour l’attribution à cet artiste). Une nouvelle signature de Képhisodote le Jeune (SEG XLIV 136) est venue s’ajouter récemment à la série déjà connue : encore ignorée de Andreae 2002, elle est dûment enregistrée par Muller-Dufeux 2002, 543 n° 1588 ; cf. aussi Knoepfler dans Habicht 2000, 414 n. 88.

44 Voir notamment Marcadé 1953, 55 verso (dans le sillage de Lippold 1922, 234 et de Picard (1948), 79) : « Le premier des deux groupes de Muses (…) pourrait être de lui [sc. Képhisodote le Jeune] ».

45 Tout récemment Kreikenbom (2004) a émis en quelque sorte la même hypothèse, mais en attribuant bien sûr à Kephisodotos I et à « Olympiosthenes » l’achèvement du monument commencé par Strongylion vers la fin de sa carrière.

46 On sait en effet qu’il ne reste plus grand chose à fouiller sur le site du sanctuaire exploré à la fin du XIXe siècle : voir essentiellement Roux 1954, en particulier 38 : « Sans être exhaustives, les fouilles de P. Jamot furent cependant assez complètes pour qu’il soit improbable qu’un monument important leur ait échappé ». Les groupes statuaires pouvaient se trouver à proximité du portique ionique construit à l’époque hellénistique (p. 27 sqq.) ; en tout cas, ils étaient à l’air libre à l’époque de Pausanias, comme il résulte de sa description (rien n’assure au surplus qu’il y ait eu un naos). Pour ce sanctuaire, cf. aussi Müller 1996, 171 sqq. (l’éventualité que Pausanias n’ait pas visité personnellement les lieux ne paraît pas pouvoir être retenue pour ce site-là de Béotie).

47 Outre les savants dont l’approbation m’a encouragé à présenter cette relecture (cf. supra n. 28), je voudrais remercier, pour des observations faites sur le texte même de mon article, mes confrères de l’Institut Jean Irigoin et Jean Marcadé, de même que mes camarades d’Athènes Bernard Holtzmann et Alain Pasquier.