ἄστυ, πόλις et leur étymologie
Quelques observations linguistiques illustrant le processus de l’urbanisation en Grèce du IIe au Ier millénaire av. J.-C.1
Parmi les nombreux domaines dont s’occupe A. Hurst, la mycénologie fait partie de ceux qui lui ont toujours tenu à cœur. Je présenterai donc ici le résultat d’une recherche étymologique qui concerne à la fois le mycénologue et le comparatiste. Il s’agira des mots ἄστυ « ville » et surtout πόλις « cité », « état », la vie urbaine étant, pour la civilisation mycénienne ainsi que pour les sociétés grecques postérieures, la condition sine qua non de toutes les manifestations artistiques et, en particulier, du développement de toute la littérature grecque. Or l’établissement d’une étymologie précise pour ἄστυ et πόλις est susceptible d’élucider le processus de l’urbanisation dans cette région. En effet, ces deux termes remontent indéniablement à une époque bien antérieure aux premiers développements urbains en Grèce.
a) ἄστυ
Les premières attestations directes du mot ἄστυ se trouvent dans les textes en linéaire B (wa-tu / wastu / 2). Mais ce terme doit être bien plus ancien ; il devait constamment être en usage depuis l’époque qui précède le processus de séparation entre les différentes tribus indo-européennes (3000 av. J.-C. environ ?), à en juger par les mots étymologiquement apparentés en sanskrit (vāstu « résidence », déjà attesté en skr. védique) et en tokharien (waṣt (tokh. A) / ost (tokh. B) « maison »)3. Au Ier millénaire, ἄστυ réapparaît chez Homère où il semble être utilisé comme synonyme de πόλις4. A partir de l’époque classique, il est clair qu’ ἄστυ, qui subsiste en grec moderne, désigne la ville ou l’agglomération urbaine par opposition à la campagne, d’une part, et à la cité (πόλις), de l’autre5. A l’origine, le mot de base désignait sans doute les habitats modestes des tribus nomades ou plus ou moins sédentaires de langue indo-européenne. Dans la Grèce de la première moitié du IIe millénaire, le terme / wastu / devait continuer à désigner l’habitat de petite taille avant de s’appliquer aux premières agglomérations urbaines, celles-ci s’étant développées petit à petit, à mesure que les palais mycéniens devenaient des centres de production importants, attirant ainsi un grand nombre de personnes qui devaient résider à proximité des palais (1400-1200 av. J.-C. environ). Il est intéressant de constater que, malgré la disparition des royaumes mycéniens et l’appauvrissement général qui s’ensuivit, le terme wastu est resté en usage durant les siècles obscurs6. Il ne me semble pas impossible d’y voir une tentative des « petits rois » (βασιλῆες) et de la noblesse de cette époque de s’identifier avec les grands wanaktes d’autrefois en appelant leurs modestes villages du nom des grands habitats de l’époque mycénienne. La présence du terme ἄστυ dans l’épopée, dont les héros servaient de modèle à la classe dirigeante postmycénienne, doit également avoir contribué au maintien du mot ἄστυ.
b) πόλις
A l’époque post-homérique, le mot πόλις a notamment le sens de « cité », « état » et se distingue d’ἄστυ en tant qu’il désigne la cité comme communauté politique et religieuse7. Il est bien connu que la cité doit être considéré comme l’organisation politique nouvelle qui, dès l’époque archaïque, se manifeste dans les parties culturellement plus avancées de la Grèce, à savoir sur la côte éolienne et ionienne de l’Asie Mineure, mais également dans les Cyclades, en Crète, en Attique, en Eubée et dans certaines parties du Péloponnèse. Dans les autres régions, les tribus traditionnelles (ἔθνη) se sont apparemment maintenues ; la répartition des πόλεις et des ἔθνη nous offre ainsi l’image d’une Grèce conservatrice des valeurs traditionnelles au nord et à l’ouest, d’une part, et innovatrice, exposée aux influences orientales, au sud et à l’est, de l’autre8.
Thucydide (2, 15) nous apprend que l’acropole d’Athènes portait anciennement le nom de πόλις. En outre, dans la mesure où skr. pūr et balt. pilìs / pils « citadelle », « forteresse » semblent étymologiquement apparentés à πόλις, on admet généralement qu’à l’origine, ce dernier mot désignait la forteresse ou la citadelle9. Cependant, l’étymologie de πόλις est restée l’objet de controverses10. Le sens premier de « forteresse », « citadelle » n’est donc pas incontestable, mais tout de même très plausible. Quoi qu’il en soit, étant donné la formation particulièrement archaïque du mot πόλις11, celui-ci doit nécessairement déjà avoir été en usage à l’âge du bronze ; en effet, une dérivation récente, c’est-à-dire durant les siècles obscurs, doit être exclue, d’autant qu’on ne voit pas de quel élément linguistique πόλις aurait alors pu être dérivé. Or, à travers les siècles obscurs, il y a continuité, non seulement de la langue, mais aussi d’un certain nombre de termes techniques spécifiquement mycéniens12 ; il est donc a priori probable que le myc. / ptolis / (forme archaïque à côté de polis, cf. infra), qui ne pouvait évidemment pas encore désigner la « cité », soit directement en relation avec πόλις, « cité », sans quoi les Grecs de l’époque alphabétique ne l’auraient pas utilisé13. Etant donné le manque absolu de textes écrits entre le XIIe siècle et le début du VIIIe siècle, nous ne saurions envisager une recherche détaillée du rapport entre le myc. / ptolis / et le grec alphabétique πόλις ; néanmoins, l’analyse étymologique de ces termes nous a, comme on le verra, révélé quelques surprises, y compris sur le plan historique.
Les premières attestations directes de πόλις se trouvent chez Homère14, où ce mot apparaît généralement sous cette forme15 ; mais, en particulier dans des expressions du type κατὰ πτόλιν, διὰ πτόλιν etc., il se présente également sous une forme élargie, avec un -t- après la labiale initiale16. Cette forme πτολ- devait être en usage à l’époque mycénienne17. Au Ier millénaire, elle ne se trouve plus qu’en Thessalie18, en Arcadie (où l’acropole de Mantinée s’appelle Πτόλις19) et à Chypre20 ce qui suggère qu’il s’agit d’un doublet archaïque dont l’époque alphabétique garde quelques traces isolées. Mais il y a toute une série d’autres exemples présentant le flottement πτ- / π- : πόρθος / πτόρθος « jeune branche » ; πελέα / πετλέα « orme » etc.21 Dans la mesure où la plupart d’entre eux n’ont pas d’étymologie, ils ont toutes les chances de provenir du substrat préhellénique. Etant donné leur champ sémantique, que l’on pourrait qualifier d’agricole, je propose de les ranger dans la catégorie du vocabulaire désignant des « objets de la culture matérielle »22, dont la provenance préhellénique est incontestée23. La population indigène devait donc connaître un son / pt- / , et les Grecs d’origine indo-européenne, lesquels ne connaissaient guère ce son à l’initiale, doivent l’avoir perçu et prononçé plus ou moins comme / p- / , ce qui expliquerait le flottement en question. Les doublets πόλις / πτόλις et πόλεμος / πτόλεμος (pour ce dernier cf. infra) sont, en revanche, les seuls de ce type à dériver du fond indo-européen. Par conséquent, leur flottement initial est probablement dû à une influence phonétique du substrat : ces deux termes sont en effet, de par leur sens, particulièrement susceptibles d’avoir été appris par les indigènes qui étaient en contact avec les Indo-européens.
Comme les tablettes mycéniennes ne contiennent que les formes en πτολ- et que les rares exemples postérieurs qui présentent πτολ- s’expliquent facilement par une influence du dialecte mycénien ou du dialecte apparenté alors en usage en Thessalie24, πτολ- semble être un trait typique des dialectes mycénien et thessalien de l’époque précédant 1200, dialectes dont on sait qu’ils ont subi des changements profonds après la chute des palais25. Dans cette hypothèse, les tribus occidentales, notamment les Doriens qui, après 1200, s’installèrent dans le territoire des anciens palais, auraient réintroduit les formes originales en pol- alors que les couches « achéenne » (= mycénienne) et « éolienne » devraient être responsables de la présence de πτόλις et de πτόλεμος chez Homère26.
Quoi qu’il en soit, et malgré Brixhe27, si l’on essaie d’établir l’étymologie du terme πόλις, il est indispensable de tenir compte de l’existence du mot πόλεμος puisque, du point de vue de la forme de la racine (πολ- / πτολ-), πόλις et πόλεμος sont identiques et qu’en outre, le couple πολ- / πτολ- n’apparaît nulle part ailleurs. Comme πόλις est d’origine indoeuropéenne (cf. plus haut), il est raisonnable de supposer une racine de base *pḷH- (degré zéro) qui explique à la fois skr. pūr et balt. pilìs, tous les deux représentant le résultat phonétique attendu d’un *pḷH- antérieur28. Comme nous l’avons vu plus haut (note 10), le vocalisme de gr. πόλις a donné matière à discussion. Mais en mycénien, ainsi qu’en éolien, l’aboutissement de *pḷH- à pol- correspond à un développement phonétique normal (alors qu’en ionien et en dorien, on s’attendrait à *pal-)29. Rien ne nous empêche donc de voir dans πόλις un terme qui, à l’origine, était spécifique du mycénien proprement dit, ainsi que du grec septentrional de l’âge du bronze (dont dépend l’éolien postérieur).
Si, pour trouver le sens originel de la racine *pḷH- (> πόλεμος, πόλις, skr. pūr etc.), nous essayons de réduire le champ sémantique des racines de πόλ-ις et de πόλ(ε)-μος à un dénominateur commun, nous en conclurons que *pḷH- (degré plein : *peḷH-) devait avoir le sens de « défense ». Comme, à l’origine du moins, πόλις, pūr et pilìs / pils devaient tous trois désigner la forteresse ou la citadelle, la relation entre ces termes et la notion de « défense » est aussi évidente que celle qui existe entre cette dernière et celle de « combat ». En outre, le rapport sémantique et étymologique entre lat. arcēre « se défendre » et arx « forteresse » illustre bien celui qui existe entre l’action de se défendre et l’idée de « forteresse »30.
Le mot πόλις ayant existé à l’âge du bronze pour désigner des forteresses, il serait intéressant de parvenir à identifier plus précisément la nature de celles-ci. En effet, c’est là le seul moyen dont nous disposions pour éclaircir les rapports qui doivent exister entre la / ptolis / du IIe millénaire et la πόλις qui devient perceptible à partir des siècles obscurs. Or, les archéologues ne distinguent pas, parmi les innombrables forteresses du IIe millénaire, de types fondamentalement différents les uns des autres31. Au contraire, il y a plusieurs indices qui font plutôt penser à une continuité, depuis le milieu du IIe millénaire au moins, du développement du pouvoir, toujours dispersé en maints endroits d’un espace très limité32. Par conséquent, la royauté mycénienne n’a sans doute pas été le phénomène éphémère que l’on le suppose d’habitude mais, semblable au pouvoir exercé en dehors des grands centres mycéniens, elle s’insérait apparemment dans la ligne générale d’une évolution culturelle et politique. Rien ne nous empêchera donc a priori d’attribuer le mot πτόλις (sous sa forme πτόλις) à toutes les citadelles de l’époque mycénienne, y compris les palais33.
Si nous acceptons l’étymologie que j’ai présentée plus haut, l’emploi du mot π(τ)όλις durant les siècles obscurs doit être considéré comme un héritage spécifiquement mycéno-éolien. Or comme, à l’époque archaïque, la πόλις dans son sens de « cité » semble d’abord se manifester chez les Eoliens des îles et de l’Asie Mineure et que, dans l’épopée, l’emploi de π(τ)όλις doit s’expliquer notamment par sa présence dans la couche « éolienne »34, il est raisonnable de localiser chez les Eoliens d’Asie Mineure le développement essentiel aboutissant à la cité grecque. Cette hypothèse peut être étayée dans la mesure où, comme on sait, les Ioniens de l’époque archaïque connaissaient encore une organisation de type « ethnique »35. Or, sur l’île éolienne de Lesbos, Sappho et Alcée nous laissent entrevoir, à la même époque, l’existence d’un centre littéraire d’importance considérable. Il ne semble donc pas impossible de mettre en rapport direct le développement de la poésie éolienne de Lesbos, d’une part, et la cité naissante, de l’autre, d’autant plus que certains aspects de cette poésie dite « personnelle », telle que la critique de valeurs traditionnelles, ne sont guère imaginables dans un système monarchique ou purement féodal.
Pour conclure, nous soulignerons que, notamment dans les régions de dialecte éolien, les roitelets des siècles obscurs devaient continuer à utiliser le vieux terme πτόλις pour désigner leurs résidences, évidemment fortifiées. Ce terme devait donner à ces rois – tout comme l’emploi de wastu – l’impression d’appartenir à une classe dirigeante détenant un pouvoir comparable à celui des grands rois antérieurs. Mais, dans la mesure où le lien avec la πόλις, en tant que symbole du pouvoir, devait être revendiqué par toute l’aristocratie, on comprend comment le mot πόλις a pu changer de sens pour désigner finalement la cité. Or, les grands propriétaires fonciers partageaient entre eux non seulement le pouvoir politique, mais également toute l’organisation militaire ; et la défense de la cité contre l’ennemi constituait pour cette dernière une condition indispensable à tout succès. Il est donc probable que, dans la genèse de la cité, l’armée ait joué un rôle décisif. Ainsi, il ne me semble pas exclu que l’identité de π(τ)όλ- dans π(τ)όλις et dans π(τ)όλεμος ne soit pas due à l’effet du hasard, mais qu’elle s’explique par la relation étroite qui existait entre la cité naissante et la défense militaire. Le terme π(τ)όλεμος aurait alors été particulièrement répandu dans le monde éolien et se serait victorieusement étendu aux autres dialectes – au détriment d’autres expressions désignant le combat36 – précisément grâce au succès de la πόλις.
Quoi qu’il en soit, les palais mycéniens, qui devaient s’appeler *p(t)oleyes, doivent être considérés comme les ancêtres directs des πόλεις du monde archaïque. La culture grecque archaïque et classique, y compris l’ensemble de sa production littéraire, en cela qu’elle est étroitement liée à l’existence de la πόλις, apparaît donc profondément enracinée dans la culture mycénienne.
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1 Je remercie vivement Michel Aberson (Genève) et Rudolf Wachter (Bâle) qui ont bien voulu relire mon manuscrit et m’ont fait part de nombreuses suggestions tant sur le fond que sur la forme.
2 PY Tn 316 et al. ; wa-tu-o-ko, wa-tu-wa-o-ko, wa-tu-ta, wa-tu-o (noms propres à Pylos, cf. A. Leukart 1994, § 88-93). Les communautés rurales étaient alors appelées da-mo.
3 Il est vrai que la relation phonétique entre wa-tu / ἄστυ et vāstu, waṣt et ost pose quelques problèmes : cf. Chantraine 1968-1980, 130, s.v. ἄστυ ; Frisk 1960, 174, s.v. ἄστυ. Mais, étant donné l’identité de leurs parties consonantiques ainsi que la similitude de leur sens, leur parenté étymologique – et, par conséquent, leur identité de base – sont généralement admises et ne sauraient guère être remises en question.
4 Cf. cependant J. Weinhartner (2000) ; l’auteur arrive à la conclusion que l’usage homérique de ces deux termes reflète partiellement l’usage mycénien, qui aurait fait la distinction entre / polis / « citadelle royale » et / wastu / « agglomération urbaine située au pied de la citadelle » ; le sens précis de / polis / et de / wastu / à l’époque mycénienne est pourtant loin d’être établi (cf. infra). D’après Lévy (1983), qui fait une recherche sur le champ sémantique de πόλις et d’ ἄστυ dans l’Iliade, « les deux termes désignent la ville. Polis, peut-être liée au départ à l’enceinte fortifiée, est la ville vue de l’extérieur (de façon hostile et objective) … Astu est la ville vue de l’intérieur par ses habitants, … » (73).
5 LSJ, s.v. ἄστυ.
6 Les tribus grecques situées au nord-ouest des empires mycéniens comme, par exemple, les Doriens, qui, au IIe millénaire, connaissaient peut-être wastu dans son sens premier d’« habitat de taille modeste », ne sont guère responsables de l’emploi de ce mot au Ier millénaire ; en effet, le sens de « ville » resterait alors inexpliqué et, en outre, la langue épique, avec maintes attestations d’ἄστυ, ne contient pas de traits doriens ou occidentaux.
7 LSJ, s.v. πόλις.
8 Gschnitzer 1981, 42-44 ; Gschnitzer 1955 = Gschnitzer 1969 = Gschnitzer 2001, 24-50.
9 Chantraine 1968-1980, 926-927, s.v. πόλις ; Frisk 1970, 576-577, s.v. πόλις ; K.-W. Welwei 2001.
10 Chantraine (1968-1980, 926-927, s.v. πόλις) : « Le radical est au vocalisme zéro en skr. et en lit., mais celui de πόλις est obscur … » ; Rix (1976, 74) : « Sollten gr. πόλις, δολιχός auf *pḷH1s (ai. pur̄ « Burg ») *dḷH1ghos (ai. dīrghás aw. daraγō…) zurück – gehen, wäre gr. / oli / als lautgesetzliche Entsprechung von / ḷH1 / anzusehen ; doch sind die Ansätze nicht zweifelsfrei » ; c’est Strunk (1969) qui pose ce * / ḷH1 / > ολι ; au contraire, d’après Ruijgh (1967, 53, note 35), πόλις peut être un emprunt préhellénique.
11 Chantraine 19612, 87-89 ; en mycénien, ce terme est probablement attesté (avec sa variante ptol-) dans les noms propres po-to-ri-jo / Ptoliōn / (KN As 1517) et po-to-ri-ka-ta / Ptolikastās / (KN Uf 983), cf. Leukart 1994, § 50.
12 Gschnitzer 1979 = Gschnitzer 2001, 106-131.
13 Opinion différente chez Welwei 2001.
14 Cf. supra et note 4.
15 204 fois πόλις ; 4 fois πολῖται ; 5 fois πολίτης.
16 32 fois πτόλις (17 fois dans l’Iliade, toujours pour Troie, 15 fois dans l’Odyssée ; jamais au pluriel) ; 31 fois πτολίεθρον ; 16 fois πτολίπορθος ; 2 fois πτολιπόρθιον.
17 Cf. la note 11.
18 Schwyzer (1923, n° 613), Phalanna, IIIe s. av. J.-C. : οἱ ττολίαρχοι (πτ- > ττ- par assimilation ; ττολίαρχος était la désignation locale du βασιλεύς).
19 Paus. 8.12.7 : καὶ ὅρος ἐστιν ἐν τῷ πεδίῳ τὰ ἐρείπια ἔτι Mαντινείας ἔχον τῆς ἀρχαίας• καλεῖται δὲ τὸ χωρίον τοῦτο ἐϕ᾿ ἡμῶν Πτόλις.
20 Masson 19832, 217, 2 etc.
21 Cf. en dernier lieu Brixhe (1996, 21-24), qui voit dans pt- un reflet de la prononciation des paysans, attribuant ainsi les deux variantes à deux couches sociales différentes.
22 Par ex. ἀσάμινθος, de nombreux noms botaniques, mais aussi un terme comme θάλασσα, etc.
23 Cf. e.g. Chantraine 1933, §§ 79 et 302-303 ; Schwyzer 1934, 58-65.
24 Le nom des ττολίαρχοι (cf. note 18) remonte probablement à une vieille tradition thessalienne dans laquelle la forme élargie, en ptol-, doit avoir survécu après 1200 grâce à son statut de « terme technique » (pour la survivance de termes techniques de l’administration palatiale, cf. Gschnitzer 1979) tandis que la forme pol- se serait répandue en Thessalie sous l’influence des Grecs occidentaux arrivés après la disparition de la culture palatiale.
25 E.g. Chantraine 1958, 503-506 ; Risch 1955 = Risch 1981, 206-221.
26 Quant au doublet πόλις, nous admettrons que, dans l’épopée, il est dû à la phase ionienne, les Ioniens prononçant la consonne initiale à leur façon.
27 Brixhe (1996, 22) : « Je laisse de côté πτόλεμος / πόλεμος, où pt pourrait être hérité… » ; (23) : « Si, dans le couple πτόλεμος / πόλεμος, pt- est originel, p pourrait représenter une hypercorrection liée à la stigmatisation de pt dans certains mots. »
28 Mayrhofer (1986, 129), pose *pḷH1- parce qu’il le rapproche du lat. plēnus, gr. πίμπλημι, etc., dont le -e- ne s’explique que par un plus ancien H1 ; cependant, cette étymologie, qui ne tient pas compte de πόλεμος, peut être contestée ; cf. Frisk (1970, 577, s.v. πόλις) : « Die wiederholten Vorschläge, dies uralte Wort für « Burg » mit Verben für « füllen » … oder für « schütten » … zu verbinden, haben als unbeweisbare Hypothesen kein grösseres Interesse. » Pour préciser de quelle laryngale il s’agit, le mot πόλεμος nous suggère peut-être d’admettre H1 qui pourrait expliquer l’existence du -e-. En effet, en grec, H1 se manifeste sous la forme d’un / e / , à moins que, pour des raisons d’entourage phonétique, la laryngale ne disparaisse entièrement. Or, le groupe *-ḷHm-, postulé comme étant l’ancêtre du groupe -λεμ- de πόλεμος, ne semble pas être représenté par ailleurs. C’est pourquoi il n’est pas exclu que le -εμο- de πόλεμος soit analogique à d’autres cas en -emo- ; on ne pourrait alors tirer aucune conclusion sur la qualité exacte de la laryngale, laquelle a peut-être disparu, comme dans le cas de πόλις, sans laisser aucune trace. Je préfère donc laisser en suspens la question de la nature exacte de la laryngale.
29 E.g. Lejeune 1972, § 201-202 ; Ruijgh 1967, § 45. Il est vrai que les exemples remontant à *-lH- suivi d’une voyelle sont très rares et semblent témoigner d’un aboutissement à -αλ- (cf. Rix 1976, 74). Mais comme nous n’avons aucun exemple sûr illustrant le résultat *-lH- + voyelle en éolien, il est bien plus simple d’admettre, en éolien, la vocalisation de -l- > -ολ- attestée par ailleurs. En revanche, la racine de πόλεμος doit être au degré plein (comme celle d’ ἄνεμος, cf. Rix 1976, 71).
30 En grec, la racine *pelH / *plH- « défendre » n’existe pas comme racine verbale. Comme on connaît de nombreuses racines exclusivement nominales, sans rapport apparent avec une racine verbale connue (par ex. βοῦς, lat bōs < *gwous), notre hypothèse *pelH / *plH- > « moyen de défense » > « la forteresse » et « le combat ») pourrait sans doute être admise même si aucune langue indo-européenne ne possède un verbe dérivant de *pelH- « se défendre ». Cependant, le comparatiste préférera voir notre théorie étayée par la présence d’un verbe approprié. Or le lat. pellere semble bien être en relation avec notre *pelH-. Il est vrai que la forme du supin (*pultus / pulsus) est inattendue (cf. Schrijver 1991, 406) et que le sens de pellere, « frapper », n’est pas un synonyme exact de « se défendre » ; néanmoins, le lat. pellere a toutes les chances de contenir la racine verbale que nous cherchons car les deux contre-arguments mentionnés sont visiblement d’une importance mineure.
31 Cf. par ex. Deger-Jalkotzy 1995 ; van Effenterre 1985, 45-95. La présence de documents écrits dans les constructions dites « palais mycéniens » ne saurait servir d’argument en faveur de l’hypothèse selon laquelle ceux-ci seraient les témoins d’un essai de politique impériale limité à eux seuls alors que les acropoles trouvées ailleurs (cf. Maran 1995 ; Deger-Jalkotzy 1995) ne feraient pas partie du monde mycénien. Il me paraît très probable que, dans certains cas, il y ait eu une documentation écrite sur des tablettes d’argile qui, en l’absence d’incendies susceptibles de les cuire, n’auraient laissé aucune trace.
32 Van Effenterre 1985, 68 sqq.
33 Comme Deger-Jalkotzy (1995) ne voit pas de liens entre la πόλις « cité » et le palais mycénien, elle pense que ce dernier s’appelait wastu.
34 Il est vrai que πτόλις faisait peut-être déjà partie d’une couche « achéenne » (= mycénienne) de l’épopée mais, durant la phase éolienne (précédant la phase ionienne), l’emploi de la forme ptolis devait être à chaque fois ressenti comme éolien.
35 E.g. Gschnitzer 1998.
36 ἀγών, ἆθλος, ἅμιλλα, μάχη.