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Un traité pseudo-hippocratique inédit sur les quatre humeurs

Sur le pouls et sur le tempérament humain

Jacques JOUANNA

Paris

Quand André Hurst nous a accueilli, en tant que Recteur de l’Université de Genève, lors du Colloque international sur les « Mélanges, crases et tempéraments », le 8 mai 2004, j’avais présenté une communication sur un inédit pseudo-hippocratique1 dont j’ai donné ensuite l’édition critique princeps au colloque international sur l’ecdotique de Naples, la même année2. Il s’agissait d’un assez long traité intitulé Sur la formation de l’homme qui rentrait dans une série d’écrits médicaux sur la théorie hippocratique des quatre humeurs et des quatre tempéraments postérieure à Galien3. Ce traité était indiqué dans la tradition manuscrite comme étant de l’enseignement d’Hippocrate à Galien. Je voudrais présenter ici un autre traité inédit, moins long, mais aussi intéressant, sinon plus, qui concerne encore les quatre humeurs et qui est également attribué à Hippocrate s’adressant à Galien4. Du reste, ces deux traités ne sont pas sans rapport entre eux, comme on le verra, notamment sur le lieu des humeurs, sur la pathologie liée à chaque humeur et surtout sur la caractérisation des quatre tempéraments. Dans le cadre de cette présentation, je n’ai pas l’intention d’en faire une édition critique qui nécessiterait la collation de manuscrits assez nombreux, mais de présenter le contenu en prenant pour base le seul manuscrit de Paris qui en donne le texte, à savoir le Parisinus Suppl. grec 1254 du XVIe s. (sigle A), et en contrôlant avec l’Ambrosianus gr. 331 (F 23 sup.) de la deuxième moitié du XVe s., manuscrit non signalé par Diels, dans lequel je viens de retrouver le même texte lors d’un séjour à Milan5.

Voici d’abord le texte grec et la traduction :

῾Ιπποκράτους πρὸς Γαληνὸν Περὶ σϕυγμῶν καὶ κράσεως ἀνθρωπίνης (scripsi : κρᾶσιν ἀνθρωπίνην P).

1. Tὸ ἀνθρώπινον σῶμα ἐκ δ´ χυμῶν (P : στοιχείων A) συνίσταται, ἐπειδὴ ἔχει ἐν αὑτῷ (αὑτῷ scripsi : αὐτῷ P A) αἶμα, ϕλέγμα, χολὴν, ξανθὴν καὶ μέλαιναν.

2. ῞Eκαστον τούτων εἰς τὸν ἴδιον τόπον δημιουργεῖ (A : γεῖται P) καὶ τὸ μὲν αἶμα εἰς τὸ δεξιὸν μέρος (post μέρος add. ἦν P τοῦ σώματος A) ἐπάνω τοῦ ἥπατος• ἡξανθὴ χολὴ δέ εἰς τὸ ἀρίστερον μέρος ἐπάνω τοῦ σπληνός• ἡ μέλαινα δὲ χολὴ εἱς τὰς ψύας ἐπάνω τῶν νεϕρῶν• τὸ δὲ ϕλέγμα εἰς τὸ στῆθος ἐπάνω τοῦ πνεύμονος•

3. ῎Eστι μὲν οὖν τὸ αἶμα θερμὸν καὶ ὑγρὸν καὶ γλυκύ• ἡ ξανθὴ χολὴ θερμὴ καὶ ξηρὰ καὶ πικρά• ἡ μέλαινα χολὴ ψυχρὰ καὶ ξηρὰ καὶ ὀξύνη• τὸ ϕλέγμα ψυχρὸν καὶ ὑγρὸν καὶ ἁλμυρόν.

4. Tαῦτα δὲ πάντα εἰς τὸν ἴδιον τόπον καὶ καιρὸν αὐξάνουσι καὶ πληθύνονται•τὸ αἶμα εἰς τὸ ἔαρ• ἡ ξανθὴ χολὴ εἰς τὸ θέρος• ἡ μέλαινα χολὴ εἰς τὸ μετὸπωρον• καὶ τὸ ϕλέγμα εἰς τὸν χειμῶνα.

5. Kαὶ τὸ μὲν αἶμα κυριεύει ἀπὸ ὥρας θ´ τῆς νυκτὸς ἕως ὥρας γ´ τῆς ἡμέρας, κατὰ τὴν σύλληψιν τοῦ ἀνθρώπου (κατὰ – ἀνθρώπου P : om. A)• ἡ ξανθὴ χολὴ κυριεύει ἀπὸ ιβ´ ὥρας τῆς νυκτὸς ἕως ὥρας γ´ (γ´ V P : ἕκτης A) τῆς ἡμέρας• ἡ μέλαινα χολὴ κυριεύει ἀπὸ θ´ ὥρας (post ὥρας add. τῆς νυκτὸς A) ἕως στ´ (στ´ P : τρίτης A) τῆς ἡμέρας• καὶ τὸ ϕλέγμα κυριεύει ἀπὸ στ´ ὥρας τῆς νυκτὸς ἕως ὥρας θ´ τῆς ἡμέρας.

6. Ἔχουσι δὲ τόπον δι᾿ οὗ (οὗ scripsi : ὧν P) ἕκαστον αὐτῶν πνεῖ (A : ποιεῖ P)• τὸ αἷμα διὰ τῶν ῥινῶν, ἡ ξανθὴ χολὴ διὰ τῶν ὤτων, ἡ μέλαινα χολὴ διὰ τῶν ὀϕθαλμῶν• κοὶ τὸ ϕλέγμα διὰ τοῦ στόματος.

7. Mερίζονται δὲ οἰ χυμοὶ διὰ δ´ ἡλικιῶν• < εἰς τὴν α´ ἡλικίαν κυριεύει τὸ αἷμα ἕως ἐτῶν ιδ´ > (εἰς – ιδ´ scripsi : ἐν τῇ πρώτῃ ἡλικίᾳ κυριεύει τὸ αἷμα ἕως τῶν ι´ κατεσσάρων A om. P) • καὶ εἰς τὴν β´ ἡλικίαν κυριεύει ἡ ξανθὴ χολὴ ἕως ἐτῶν κη´• εἰς δὲ τὴν γ´ ἡλικίαν κυριεύει ἡ μέλαινα χολὴ ἕως ἐτῶν μβ´ (μβ´ A : ν´ P) • καὶ εἰς τὴν δ´ κυριεύει τὸ ϕλέγμα ἕως τῶν π´ (ἕως τῶν π´ A : om. P), ἕως γήρως (scripsi : γῆρας P γήρους A).

8. Ἔχουσι δὲ κατά τε θυμὸν καὶ γνώμην (κατά τε θυμὸν καὶ P : ἰδίαν A) • καὶ τὸ μὲν αἷμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον ὅλον καλὸν τῷ εἴδει αὐτοῦ, ἁπλοῦν, ἱλαρόν, χαριεντικόν (A : χαρίεντα P), παίζοντα, γελῶντα• ἡ δὲ ξανθὴ χολὴ ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον ὅλον πικρόν, ὀργίλον, κρατοῦντα μῆνιν (κρατοῦντα μῆνιν P : κακόχροον, μνησίκακον A) • ἡ μέλαινα χολὴ ποιεῖ τὸν ἄθρωτον ὅλον ἐπίβουλον, ϕθονερόν, πολυμέριμνον, θλιβόμενον, καὶ πολλὸν κοιμώμενον• τὸ ϕλέγμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωτον καλὸν (P : κακὸν A) τῷ εἴδει αὐτοῦ, ἐγρήγορον (A : γρήγορον P) καὶ ἀνυπερήϕανον (A : ἀπερίϕανον P), καὶ ταχέως πολιοῦντα.

9. Οἱ σϕυγμοὶ δὲ τῶν δ´ χυμῶν• τοῦ αἵματος ὁ σϕυγμὸς μὲγας, πυκνὸς καὶ γέμων καὶ κάθυγρος• συμπτώματα δὲ αὐτοῦ• κεϕαλαλγίαι, ὀδύναι σϕοδρόταται, καὶ ὅλου τοῦ σώματος πύρωσις• τῆς ξανθῆς χολῆς ὁ σϕυγμὸς λεπτός, ξηρός, πίπτων• συμπτώματα δὲ αὐτῆς κένωσις καὶ στρόϕος περὶ τὴν κοιλίαν• τῆς δὲ μελαίνης χολῆς ὁ σϕυγμὸς πλέως, λεπτότερος καὶ ξηρότερος καὶ ἀραιός• τοῦ δὲ ϕλέγματος ὁ δὲ αὐτῆς γονάτων βάρος, πόνοι περὶ τὴν ψύαν• τοῦ δὲ ϕλέγματος ὁ σϕυγμὸς μέγας καὶ <σ>παραγόμενος (scripsi : παραγόμενος P ; an <σ>παραττόμενος ? cf. σπαραγμώδης Ps. Gal. De Pulsibus ad Antonium ; vide infra, n. 22), ὑγρός, ἰσόσταθμος• συμπτώματα δὲ αὐτοῦ• πόνοι πλευρῶν, στένωσις περὶ τὸ στῆθος.

D’Hippocrate à Galien, Sur le pouls et sur le tempérament humain.

1. Le corps de l’homme est composé de quatre humeurs, puisqu’il possède en lui sang, phlegme, bile jaune et bile noire.

2. Chacune de ces humeurs agit en un lieu propre : le sang dans la partie droite au-dessus du foie, la bile jaune dans la partie gauche au-dessus de la rate, la bile noire aux flancs au-dessus des reins, le phlegme à la poitrine au-dessus du poumon.

3. Le sang est chaud, humide et doux ; la bile jaune, chaude, sèche et amère ; la bile noire froide, sèche et aigre ; le phlegme froid, humide et salé.

4. Tous ces éléments, suivant leur lieu et leur moment propres, augmentent et s’accroissent : le sang au printemps, la bile jaune en été, la bile noire en automne et le phlegme en hiver.

5. Et le sang domine depuis la neuvième heure de la nuit jusqu’à la troisième heure du jour, pour la conception de l’homme ; la bile jaune domine depuis la douzième heure de la nuit jusqu’à la troisième heure du jour ; la bile noire domine depuis la neuvième heure jusqu’à la sixième heure du jour ; et le phlegme domine depuis la sixième heure de la nuit jusqu’à la neuvième heure du jour.

6. Elles ont un lieu par lequel chacune d’entre elles s’exhale : le sang par les narines, la bile jaune par les oreilles, la bile noire par les yeux, et le phlegme par la bouche.

7. Les humeurs se divisent suivant quatre âges : pour le premier âge, c’est le sang qui domine jusqu’à quatorze ans ; pour le second âge, c’est la bile jaune qui prédomine jusqu’à vingt-huit ans ; pour le troisième âge, c’est la bile noire qui prédomine jusqu’à quarante-deux ans (ou cinquante selon P) ; pour le quatrième, c’est le phlegme qui prédomine jusqu’à quatre-vingts ans, jusqu’à la vieillesse.

8. Elles ont une action sur le moral et l’intelligence. Le sang rend l’homme beau de corps, franc, gai, gracieux, plaisantant et souriant. La bile jaune rend l’homme tout entier amer, irascible, l’emportant par la colère ; la bile noire rend l’homme tout entier insidieux, envieux, fort soucieux, accablé et gros dormeur. Le phlegme rend l’homme tout entier beau (ou laid selon A) de corps, éveillé, modeste et blanchissant rapidement.

9. Le pouls des quatre humeurs. Le pouls du sang est grand, fréquent, plein et très humide. Les symptômes du sang : maux de tête ; douleurs très vives, et inflammation du corps tout entier. Le pouls de la bile jaune : mince, sec, tombant. Les symptômes de la bile jaune : vacuité et coliques dans le ventre. Le pouls de la bile noire plein, plus mince et plus sec, et lâche. Les symptômes de la bile noire : lourdeur des genoux, souffrances dans la région des lombes. Le pouls du phlegme : grand, palpitant, humide, égal. Les symptômes du phlegme : souffrances des côtés, oppression dans la région de la poitrine. »

Ce traité est d’un contenu très clair et très ordonné, comme on peut le voir d’après les différentes sections que j’ai distinguées. Mais le titre ne donne pas une idée exacte du contenu, car il privilégie la sphygmologie, alors qu’elle ne constitue qu’une partie de la dernière section (section 9)6. Le sujet est, en fait, la nature de l’homme. Par sa théorie des quatre humeurs, sang, phlegme, bile jaune et bile noire, ce traité se rattache à son lointain ancêtre : la Nature de l’homme d’Hippocrate. C’est en effet dans ce traité hippocratique que l’on rencontre pour la première fois la théorie des quatre humeurs. Et il est notable que la première énumération des humeurs (section 1 : αἶμα, ϕλέγμα, χολὴν ξανθὴν καὶ μέλαιναν) est comparable à celle que l’on avait déjà dans le traité hippocratique (αἶμα καὶ ϕλέγμα καὶ χολὴν ξανθὴν καὶ μέλαιναν)7.

Un second élément permet de rattacher assez directement le présent traité à la Nature de l’homme – sans que l’on puisse dire, toutefois, si l’auteur connaissait directement ou non l’écrit hippocratique –, c’est la relation entre les humeurs et les saisons (section 4). La prédominance de chacune des quatre humeurs dans chacune des quatre saisons en fonction des qualités élémentaires qui les définissent est restée une constante de la théorie depuis Hippocrate jusqu’à ses manifestations les plus tardives. Il n’y a pas eu de variantes dans la correspondance : le sang, humeur chaude et humide, prédomine au printemps, saison chaude et humide ; la bile jaune, chaude et sèche, l’emporte en été, saison chaude et sèche ; la bile noire, froide et sèche, est à son summun en automne, saison froide et sèche, tandis que le phlegme, humeur froide et humide, est à son maximum en hiver, qui est la saison froide et humide8.

Un autre aspect de la théorie qui est déjà présent dans le traité de la Nature de l’homme, mais n’est pas totalement explicité, est que les humeurs varient avec l’âge. Ici dans la section 7, il est dit que les quatre humeurs prédominent suivant les quatre âges de la vie : le sang pendant l’enfance, la bile jaune lors de la jeunesse, la bile noire à l’âge mûr et le phlegme durant la vieillesse. Dans la Nature de l’homme, il est dit, en passant, que la bile noire prédomine dans l’âge situé entre vingt-cinq et quarante-deux ans9. Il faudra attendre Galien (IIe siècle après J.-C.) pour que la correspondance entre les quatre humeurs et les quatre âges soit explicitement formulée. Galien dit, en effet, dans son traité sur les Opinions d’Hippocrate et de Platon, après avoir rappelé la correspondance entre les humeurs et les saisons : « Pour les âges, l’enfant (παῖς) correspond au printemps pour les saisons, le jeune homme (νεανίσκος) à l’été, l’homme mûr (παρακμάζων) à l’automne, et le vieillard (γέρων) à l’hiver10 ». Il y a donc chez Galien une triple correspondance entre les humeurs, les saisons et les âges.

Cependant, dans le présent traité, certains aspects de la théorie sont totalement nouveaux par rapport à Hippocrate ou partiellement nouveaux par rapport à Galien. C’est notamment le cas de la théorie des quatre tempéraments. De fait, dans le traité hippocratique de la Nature de l’homme, il n’est nullement question des quatre tempéraments physiques ou moraux résultant de la prédominance d’une des quatre humeurs. Galien, en revanche, note l’influence des humeurs non seulement sur le physique, mais aussi sur le caractère des individus. Commentant, en effet, le traité de la Nature de l’homme d’Hippocrate dont il attribue la partie essentielle, à savoir la théorie des quatre humeurs, à Hippocrate lui-même – alors que la critique moderne l’attribue à son disciple Polybe –, voici ce qu’il dit : « La pénétration et l’intelligence (ὀξὺ καὶ συνετόν) seront dans l’âme à cause de la bile jaune, la persévérance et la constance (ἑδραῖον καὶ βέβαιον) à cause de l’humeur mélancolique et la franchise et la naïveté (ἁπλοῦν καὶ ἠλιώτερον) à cause du sang. » Trois humeurs sur quatre ont donc chez Galien une influence sur l’intelligence et le caractère. On notera même un point de contact entre Galien et le présent traité. L’adjectif ἁπλοῦν (« franc ») est employé dans les deux textes pour caractériser l’influence du sang sur le caractère. Toutefois Galien ajoute : « Mais la nature du phlegme est inutile pour le caractère de l’âme »11. C’est donc la preuve que la théorie des quatre tempéraments n’est pas encore totalement formée à l’époque de Galien.

En revanche, cette théorie postgalénique des tempéraments, énoncée dans le présent traité, se rencontre dans d’autres traités en langue grecque édités ou inédits attribués ou non à Hippocrate. Parmi les traités édités, les deux plus connus sont la lettre d’Hippocrate à Ptolémée (version longue, publiée par Ermerins en 1840) et un petit traité anonyme Sur la constitution de l’univers et de l’homme publié par Ideler en 184112. Un troisième texte édité présente aussi de grandes ressemblances, bien qu’il soit attribué à Jean Damascène : c’est la lettre intitulée Quid est homo ?13 Parmi les inédits, le traité Sur la formation de l’homme dont j’ai présenté au colloque de Lausanne-Genève la partie sur les tempéraments offre, pour caractériser l’action des quatre humeurs sur l’homme, des phrases tout à fait comparables à celles du présent traité. A titre d’exemple, je donne l’action du sang et du phlegme. Pour le tempérament sanguin, on comparera ici la section 8 τὸ μὲν αἶμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον ὅλον τῷ εἴδει αὐτοῦ, ἁπλοῦν, ἱλαρόν, χαριεντικόν, παίζοντα, γελῶντα et Formation de l’homme, c. 6, 1 τὸ δὲ αἶμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον ὅλον κάλλιστον, καλόν, καλλίϕωνον, ἁπλοῦν, ἱλαρόν, χαριεντικόν, παίζοντα καὶ γελῶντα. Pour le tempérament phlegmatique, on comparera ici la section 8 τὸ ϕλέγμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον καλὸν (καλὸν P : κακὸν A) τῷ εἴδει αὐτοῦ, ἐγρήγορον (A : γρήγορον P) καὶ ἀνυπερήϕανον, καὶ ταχέως πολιοῦντα et Formation de l’homme, c. 9, 2 τὸ δὲ ϕλέγμα ποιεῖ τὸν ἄνθρωπον ὅλον καλὸν τῷ εἴδει, γρήγορον, ἀνυπερήϕανον, ταχέως πολιοῦντα καὶ ἀεὶ αὐτὸν θλιβόμενον καὶ μεριμνοῦντα. La correspondance entre ces phrases est si étroite qu’elle ne peut pas être fortuite. La seule différence est que ces phrases, qui constituent dans le présent traité la totalité de l’exposé sur chaque tempérament, sont insérées à l’intérieur d’un développement beaucoup plus long dans le traité sur la Formation de l’homme. C’est vraisemblablement le signe que le traité sur la Formation de l’homme est le résultat d’une réécriture à partir d’un modèle comparable au traité présenté ici.

On ne peut entrer ici dans le détail de la comparaison de tous ces textes grecs, auxquels il faudrait ajouter en latin la Lettre de Vindicien à son petit-fils Pentadius, dont on verra qu’elle est très proche du présent traité, par les thèmes comme par la structure, si bien que le présent traité pourrait servir à faire une rétroversion en grec de la Lettre de Vindicien14. On se contentera d’observer, relativement aux textes grecs, que la publication du présent traité éclaire partiellement la formation de la Lettre du Pseudo-Jean Damascène, car la dernière partie de cette lettre (formée de trois développements hétérogènes) est, en réalité, le début tronqué du présent traité (sections 1 à 3 jusqu’à θερμή)15. Le présent traité me paraît éclairer aussi la formation du petit traité anonyme Sur la constitution de l’univers et de l’homme tel qu’il est publié par Ideler. La fin du dernier chapitre de ce traité (c. 4, 2 Ideler) forme un doublet avec le c. 1, 6, dans la mesure où la variation des humeurs selon les âges est exposée deux fois. Avant même la connaissance du présent traité, il me paraissait donc que cette fin du dernier chapitre du traité publié par Ideler était un élément hétérogène Or si l’on compare avec le présent traité, on constatera que le chapitre final du traité Sur la constitution de l’univers et de l’homme divisé en deux paragraphes par Ideler (c. 4, 1 et c. 4, 2) correspond exactement à deux sections de notre présent traité (sections 6 et 7) : la première est consacrée à l’endroit par où les humeurs s’évacuent et la seconde à la division des humeurs selon les âges. Les deux développements sont littéralement identiques16. Ainsi, on comprend comment s’explique le doublet dans le traité édité par Ideler : la fin provient d’éléments hétérogènes issus également du présent traité. La publication du petit traité Sur le pouls et le tempérament humain éclaire donc la formation d’autres traités donnant une théorie postgalénique des quatre humeurs.

Mais par rapport aux autres traités grecs édités illustrant cette théorie postgalénique, le présent traité comporte des variantes ou des innovations.

La variante porte sur les endroits du corps où sont localisées les humeurs. Le présent traité donne une localisation des humeurs qui ne correspond pas à la théorie traditionnelle. Cette théorie traditionnelle est représentée par le traité anonyme Sur la constitution de l’univers et de l’homme et par la Lettre d’Hippocrate à Ptolémée : le sang est dans le cœur, la bile jaune dans le foie, la bile noire dans la rate et le phlegme dans le cerveau17. En revanche, à la section 7 du présent traité, le phlegme ne se situe pas dans la tête, mais dans la poitrine Il y avait donc des variantes dans la localisation des humeurs. Il est significatif que la même variante se trouve dans le traité pseudo-hippocratique Sur la formation de l’homme : « Le lieu du phlegme est dans le poumon ; mais son pouvoir se manifeste dans la poitrine18. » De telles divergences sur le lieu des humeurs ne sont pas sans incidence sur la pathologie. Dans une théorie où le lieu du phlegme est la tête, on aura des affections de la tête, tandis que dans une théorie où le lieu du phlegme est la poitrine on aura des affections de la poitrine : ici les manifestations pathologiques de la prédominance du phlegme sont les douleurs des côtés et l’oppression dans la région de la poitrine ; de même dans le traité pseudo-hippocratique Sur la formation de l’homme « les maladies proviendront de la poitrine19 ». Cette pathologie est en parfait accord avec la localisation de l’humeur.

Les innovations du présent traité, par rapport aux autres traités grecs édités, sont au nombre de deux.

D’abord, ce qui n’est pas attesté, à ma connaissance, dans les textes grecs édités sur la théorie des quatre humeurs, c’est que les humeurs varient dans le temps, non pas seulement suivant les saisons, mais aussi selon les heures du jour et de la nuit (section 5). Le texte édité le plus connu qui donne des éléments comparables est un texte latin, il est vrai, issu du grec, la Lettre de Vindicien à son petit-fils Pentadius. Dans cette Lettre, le développement vient à la même place que dans le présent traité, entre la variation sur les saisons (ici section 4) et le lieu par où les humeurs s’exhalent (ici section 6). Voici le passage de la Lettre correspondant à notre section 5 :

Hi quattuor umores partiuntur sibi diem et noctem. Sanguis dominatur horis sex, id est ab hora noctis nona usque in horam diei tertiam. Exinde dominatur cholera rubea ab hora diei tertia usque in horam diei nonam. Cholera autem nigra dominatur ab hora diei nona usque in horam noctis tertiam. Flegma autem dominatur ex hora noctis tertia usque in horam noctis nonam.

« Ces quatre humeurs se partagent le jour et la nuit. Le sang domine pendant six heures, c’est-à-dire depuis la neuvième heure de la nuit jusqu’à la troisième heure du jour ; ensuite c’est la bile jaune qui domine depuis la troisième heure du jour jusqu’à la neuvième heure du jour. La bile noire domine depuis la neuvième heure du jour jusqu’à la troisième heure de la nuit. Le phlegme domine depuis la troisième heure de la nuit jusqu’à la neuvième heure de la nuit20. »

Dans le texte grec, le développement commence de la même façon. Au texte latin « Sanguis dominatur… ab hora noctis nona usque in hora diei tertia », correspond exactement le texte grec « τὸ μὲν αἶμα κυριεύει ἀπὸ ὥρας θ΄ τῆς νυκτὸς ἕως ὥρας γ΄ τῆς ἡμέρας ». On s’attendrait donc à ce que la suite soit comparable, car les quatre humeurs se succèdent dans un cycle diurne et nocturne de vingt-quatre heures divisées par quatre, c’est-à-dire de six heures pour chaque humeur. Or, la suite dans le présent traité est tout-à-fait corrompue dans le texte grec (aussi bien dans P que dans A). Cela vient d’erreurs dans les chiffres et même de confusions du jour et de la nuit. La Lettre de Vindicien et le présent traité Sur le pouls et le tempérament humain remontent, certes, à un même modèle grec perdu pour cette section 5, comme pour toutes les autres, mais, alors que le modèle grec direct de la Lettre de Vindicien était correct, l’exemplaire grec conservé dans les manuscrits P et A est fautif pour cette section.

Cette variation des humeurs dans la journée est mise en relation dans la version grecque avec la conception (cf. section 5 κατὰ τὴν σύλληψιν τοῦ ἀνθρώπου). Une telle indication, peut paraître obscure, mais elle est éclairée par une comparaison avec le Pseudo-Hippocrate, Sur la formation de l’homme, c. 6-9, où le cycle quotidien des humeurs a pour fonction de donner une explication génétique de l’existence des quatre tempéraments. Le tempérament est déterminé par le moment de la journée ou de la nuit où a lieu la conception. Il dépend de l’humeur qui prédomine au moment de sa conception. Toutefois, le système de l’alternance des humeurs dans le traité pseudo-hippocratique Sur la formation de l’homme n’est pas le même. La prédominance des humeurs ne se fait pas selon un cycle de vingt-quatre heures, comme dans le présent traité ou dans la Lettre de Vindicien, mais suivant un cycle de douze heures : chaque humeur prédomine pendant trois heures le jour, et pendant trois heures la nuit. Cette différence mise à part, les relations sont donc étroites entre ces deux traités.

La dernière innovation est le diagnostic de la prédominance des humeurs par le pouls. On sait que la sphygmologie en tant que méthode de diagnostic n’était pas connue d’Hippocrate, et qu’elle ne commence qu’à la période hellénistique. Galien a consacré plusieurs traités au pouls. Mais il ne mettait pas en rapport les variations du pouls avec les quatre humeurs. C’est par les qualités élémentaires du cœur, plus ou moins chaud, froid, sec ou humide, qu’il expliquait de telles variations21. Il s’agit donc là encore dans le présent traité d’une systématisation postgalénique de la théorie des quatre humeurs. Cette innovation dans la tradition grecque, exactement comme la variation des humeurs suivant les heures, trouve son correspondant dans la Lettre de Vindicien à Pentadius. Et là encore le développement arrive à la même place, après le développement sur les tempéraments. Voici le texte latin :

Pulsus autem suos habent hi quattuor umores. Sanguis facit pulsum plenum, umidum, aequalem. Cholera rubea facit pulsum tenuem et citatum. Cholera nigra facit pulsum plus tenuem, sed habentem veluti percussum et asperitatem. Flegma facit pulsum minus plenum, umectum, aequalem pondere22.

Bien que tout ne soit pas comparable, il y a de grandes ressemblances dans la présentation et dans le contenu. Le pouls relatif au sang est plein et humide (Vind. plenum, humidum ; sect. 9 : γέμων καὶ κάθυγρος) ; celui de la bile jaune est ténu (Vind. : tenuem ; sect. 9 : γεπτός) ; celui de la bile noire est plus ténu (Vind. : plus tenuem ; sect. 9 : λεπτότερος) ; celui du phlegme est humide et égal (Vind. : umectum, aequalem pondere ; sect. 9 : ὑγρός, ἰσόσταθμος). Un tel rapprochement me paraît indiquer que la Lettre de Vindicien à son petit-fils Pentadius, loin d’être authentique, est une traduction de cette médecine tardive qui se réclame d’Hippocrate.

Enfin l’ensemble du développement de la section 9 trouve son exact correspondant, cette fois en grec, à la fin du traité du Pseudo-Galien Sur le pouls à Antonius23. Les deux textes sont si proches aussi bien pour la sphygmologie que pour la pathologie que leur collation permet de supprimer des erreurs d’un côté comme de l’autre24. On peut se demander comment ce développement sur la sphygmologie des quatre humeurs est venu s’insérer à la fin du traité Pseudo-galénique.

Je ne reviens pas sur la pathologie finale dont on a vu qu’elle découlait de la localisation des humeurs et qu’elle était comparable à celle du traité pseudo-hippocratique Sur la formation de l’homme. Mais, comme pour l’exposé des tempéraments, l’exposé sur les maladies propres à chacune des quatre humeurs est beaucoup plus développé dans le Sur la formation de l’homme que dans le Sur le pouls et le tempérament humain.

Il y a toutefois un aspect de la théorie tardive des quatre humeurs qui est absent de ce petit traité : c’est la correspondance entre les humeurs et les éléments de l’univers.

On s’étonnera, pour terminer, que le vingtième siècle n’ait pas poursuivi, à quelques exceptions près, l’œuvre entreprise par le XIXe siècle pour publier les textes inédits sur la médecine grecque tardive, comme l’avaient fait par exemple Boissonade, Ermerins, ou encore Ideler profitant des collations de Dietz, l’un des grands pionniers en ce domaine. Cela est d’autant plus regrettable qu’il s’agit de traités qui étaient lus, notamment ceux qui étaient attribués à Hippocrate. En présentant cet inédit, après celui qui avait été présenté partiellement au colloque de Lausanne-Genève, sans rappeler la présentation plus ancienne d’un troisième inédit, les Problemata hippocratiques25, on espère contribuer à combler une lacune sur la littérature médicale tardive de langue grecque qui se réclame d’Hippocrate26.

Bibliographie

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J. Jouanna (20043), « Le fragment du Pseudo-Jean Damascène : Quid est homo ? », dans Médecine et théologie chez les Pères de l’Eglise, Troisième colloque d’études patristiques, Paris-Tours, 9-11 septembre 2004 (à paraître dans les Actes).

J. Jouanna (20044) « Un traité inédit attribué à Hippocrate, Sur la formation de l’homme : editio princeps », dans V Colloquio Internazionale sulla Ecdotica dei testi medici greci, Napoli (1-2 octobre 2004) (à paraître dans les Actes).

C. G. Kühn, Claudii Galeni Opera omnia, Leipzig 1821-1833 (réimp. Olms, 1965).

Ph. De Lacy (1980), Galeni De Placitis Hippocratis et Platonis, Libri VI-IX, CMG V 4, 1, 2, Berlin.

Ps.-Jean Damascène, Quid est homo ? éd. dans J.-P. Migne, Patrologiae cursus completus (series Graeca), t. 95, col. 243-246.

I. Mewaldt (1914), Galeni In Hippocratis De natura hominis, CMG V 9, l, Berlin.

I. Mueller (1891), Claudii Galeni Pergameni Scripta Minora, II, Lipsiae.

V. Rose (1894), Theodori Prisciani euporiston libri III, Lipsiae.

E. Schöner (1964), Das Viererschema in der antiken Humoralpathologie, Wiesbaden.

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1 J. Jouanna (20041) ; cf. aussi Jouanna-Mahé (2004) et J. Jouanna (20042).

2 J. Jouanna (20044).

3 Dans le catalogue de Diels (1905, 43), il s’agit du traité intitulé Hippocratis et Galeni philosophia de natura hominis. Je l’ai intitulé d’après le manuscrit de Paris gr. 985 : Hippocrate, Sur la formation de l’homme.

4 Dans le catalogue de Diels (1905, 47), le traité est intitulé Hippocratis ad Galenum discipulum liber de pulsibus et de temperamentis corporis humani.

5 Parisinus Suppl. grec 1254, XVIe s., fol. 135r-135v (sigle P). Ce manuscrit provient d’Orient et a été rapporté par Minoïde Mynas. Je corrige les nombreuses fautes d’orthographe sans les mentionner. L’Ambrosianus gr. 331 (F 23 sup.) (sigle A) du XVe s. (année 1468) permet en particulier de combler une lacune. Il n’est pas étonnant que ce manuscrit ne soit pas mentionné dans le catalogue de Diels. Car le titre dans l’Ambrosianus est différent (Sur les quatre éléments et sur les lieux où ils se trouvent dans le corps) et surtout le traité se trouve scindé en deux endroits différents du manuscrit (pour le début fol. 212r, l.7-212v, l. 13 = sect. 1, 2, 5 et 6 ; et pour la fin fol. 136v, l. 4-137v, l. 2 = sect. 6, 7 et 8). Par ailleurs, l’Ambrosianus ne donne pas les sections 3, 1 et 9 ; de plus, il mêle dans l’exposé de la première partie les sections 2, 5 et 6. Pour les autres manuscrits où se trouve le traité, voir Diels (1905, 47). Cependant, les renseignements de Diels doivent être systématiquement contrôlés. Par exemple, il mentionne trois codices Suppl. grecs de Paris (728, 754 et 1254) ; or, seul le dernier donne le texte. Quant au manuscrit du Vatican grec 285, il donne un autre texte, justement le Pseudo-Hippocrate, Sur la formation de l’homme que j’ai évoqué au début ; voir J. Jouanna (20044). Depuis la rédaction de l’article, j’ai retrouvé un autre manuscrit de Paris, non signalé par Diels, le Parisinus gr. 2494, XVe s., fol. 258v-259v, offrant des variantes assez importantes par rapport à A et P.

6 La section 9 est en réalité composée d’un bref développement sur la détection par le pouls de la prédominance anormale d’une humeur et sur la pathologie qui résulte de la prédominance de chacune des humeurs.

7 Hippocrate, Nature de l’homme, c. 4, éd. Jouanna (1975 / 2002), 172, 13 : τὸ δὲ σῶμα τοῦ ἀνθρώπου ἔχει ἐν ἐαυτῷ αἶμα καὶ ϕλέγμα καὶ χολὴν ξανθὴν καὶ μέλαιναν ; cf. aussi c. 5, ibid., 174, 11-176, 1.

8 Comparer Hippocrate, Nature de l’homme, c. 7, éd. Jouanna (1975 / 2002) 182, 4-186, 12.

9 Hippocrate, Nature de l’homme, c. 15, éd. Jouanna (1975 / 2002) 204, 16-18.

10 Galien, De placitis Hippocratis et Platonis, VIII, 6, 17, éd. De Lacy (1980) 516, 11-14.

11 Voir Commentaire à la Nature de l’homme I, 40, éd. Mewaldt 51, 9-17. Galien rappelle dans ce passage qu’il a écrit sur le fait que les mœurs de l’âme suivent les tempéraments du corps. De fait, il a rédigé un traité intitulé Que les mœurs de l’âme suivent les tempéraments du corps (éd. Kühn IV, 767-822 = éd. Mueller (1891), 32-79. Entre ces deux traités, la position de Galien semble avoir varié à propos des incidences du phlegme sur le caractère. Alors qu’ici le phlegme n’a aucune incidence sur le caractère, Galien, dans son traité antérieur (Que les mœurs de l’âme, c. 3, éd. Kühn IV, 776, 17-777, 4 = éd. Müller 39, 12-17), mettait en rapport l’abondance du phlegme dans le cerveau avec l’absence de mémoire et d’intelligence, comme ce sera le cas dans la théorie postérieure des quatre tempéraments.

12 Ces deux textes sont mentionnés dans l’ouvrage classique sur la théorie des quatre humeurs de E. Schöner (1964) 96-98 (chapitre VII. « Ausgehendes Altertum »). Voir aussi H. Flashar (1966), 105-117.

13 Jean Damascène, Quid est homo ? éd. Migne 95, 244 sq.

14 V. Rose (1894), 482-492. Vindicien date de la seconde moitié du IVe siècle. Si la lettre était authentique, on aurait une date haute pour la théorie postgalénique des quatre humeurs et des quatre tempéraments. Mais rien ne prouve que la lettre soit authentique ; bien au contraire (voir infra, p. 11). Pour ne parler ici que de la structure, on observera que les 9 sections du présent traité se retrouvent dans le même ordre dans la Lettre de Vindicien depuis corpus igitur hominis ex quattuor, éd. Rose (1894), 486, l. 5 jusqu’à aequalem tempore, éd. Rose (1894), 489. Mais la fin de la Lettre de Vindicien offre un développement sur la pathologie qui ne correspond plus à notre présent traité. Voir aussi le développement parallèle du Pseudo-Soranos, Isagoge (Medici Antiqui latini, Venetiis 1547, fol 160r).

15 Pour plus de détails sur cette lettre du Pseudo-Jean Damascène, voir J. Jouanna (20043).

16 Cette comparaison permet de corriger une faute de Ideler (1841) en c. 4, 1 où il faut lire ἴδιον et non ὅδιον.

17 Sur la constitution de l’univers et de l’homme c. 1, 7, éd. Ideler (1841), I, 303, 21-25 ; Lettre d’Hippocrate à Ptolémée, éd. Ermerins (1840) 279, 10-281, 3. Pseudo-Jean Damascène, Quid est homo ? (début), éd. Migne PG 95, 244, 8-12. Je laisse de côté les lieux secondaires mentionnés par le traité Sur la constitution de l’Univers et de l’homme et par le Pseudo-Jean Damascène, Quid est homo ? (pour la bile jaune, l’estomac ; pour la bile noire, les lombes – il faut restituer ἐν τῇ <ψόᾳ> dans Sur la constitution de l’univers et de l’homme – ; pour le phlegme, la vessie – il faut lire κύστει à la place de κοίτῃ dans le Quid est homo ?).

18 Pseudo-Hippocrate, Sur la formation de l’homme, c. 4, 5 éd. Jouanna (20044).

19 Comparer le Pseudo-Hippocrate, Sur la formation de l’homme, c. 9, 3 éd. Jouanna (20044) : « Toutes les maladies chez lui (sc. chez celui où prédomine le phlegme) proviendront de la poitrine. »

20 Ed. Rose (1894) 487.

21 Voir la présentation commode dans Galien, Art médical, c. 10, 2-9, éd. Boudon-Millot (2000) 301-305, avec l’indication des traités qu’il a rédigés sur le pouls c. 37, 11, ibid., 390-391.

22 Ed. Rose (1894), 489.

23 Pseudo-Galien, De pulsibus ad Antonium disciplinae studiosum ac philosophum, éd. Kühn XIX, 641, 9-642, 1.

24 Dans l’éd. de Kühn XIX, 641, 16 sq. il faut lire non pas πόνοι περὶ τὴν ψυχήν (traduit par Kühn « animi defectus », mais πόνοι περὶ τὴν ψυχήν « douleurs dans les lombes ». En revanche dans le présent traité, il faut lire à la place de παραγόμενος donné par P, un terme de la famille de σπαραγμώδης Ps. Gal. Le terme le plus proche est σπαραγόμενος. Certes, le verbe σπαράγω, doublet de σπαράττω, n’est pas attesté ailleurs ; mais cf. σϕαραγέομαι. Si l’on n’accepte pas cette forme, on restituera σπαράττομενος. Le sens, en tout cas, ne fait aucun doute : c’est un pouls caractérisé par des palpitations.

25 J. Jouanna (1997) 511-527. L’édition doit paraître en 2005.

26 Ce texte n’est pas mentionné par E. Schöner (1964). On ajoutera à son étude sur la période de l’Antiquité tardive non seulement les deux inédits Sur la formation de l’homme et Sur le pouls et le tempérament humain, mais aussi la Lettre du Pseudo-Jean Damascène quid est Homo ?