Le Catalogue des femmes pseudo-hésiodique et les rares amants héroïques des déesses
1. Problème
L’une des énigmes classiques que nous posent les légendes grecques réside dans le rapport érotique entre les mortels et les immortels. Car ce rapport se caractérise par un certain déséquilibre. Si les amours des divinités masculines Zeus, Poséidon, Hermès, Apollon ou Dionysos avec des femmes mortelles sont difficiles à énumérer dans leur totalité, une seule main suffit pour compter les relations entre déesses et héros masculins. Calypso, tombée amoureuse d’Ulysse, s’exprime (Od.5.118s.) :
σχέτλιοί ἐστε, θεοί, ζηλήμονες ἔξοχον ἄλλων,
oἵ τε θεαῖσ’ ἀγάασθε παρ’ ἀνδράσιν εὐνάζεσθαι
Quand une déesse veut vivre avec un mortel,
vous êtes cruels, vous les dieux masculins, plus jaloux que d’autres.
On a donné une explication féministe de ce déséquilibre et une interprétation généalogique1, mais je crois qu’il y a une explication plus simple, politique et esthétique, c’est-à-dire inhérente aux règles d’un genre littéraire. Si cette tendance est moins nette dans le catalogue qu’on trouve à la fin de la Théogonie d’Hésiode, elle saute aux yeux dans un texte qui nous parle plus que les autres des amours entre mortels et immortels, le Catalogue des femmes pseudo-hésiodique2.
2. Forme
Pour comprendre la fascination qu’éprouvaient les Grecs pour les catalogues, on peut comparer les catalogues à un autre genre, le récit3. Dans la poésie grecque, un catalogue de femmes énumère surtout des naissances ou des accouchements héroïques. La phrase récurrente est donc :
X engendra Y
Quand, en effet, on produit un catalogue en disant
A engendra B
B engendra C
C engendra D
comme dans l’Ancien Testament, l’attention du public ne se concentre plus sur le verbe « engendrer », mais sur les compléments A, B, C, D, etc. Les acteurs et les actrices sont au centre de l’intérêt, au détriment de l’activité, qui devient vite inintéressante. Par contre, dans un récit épique comme l’Iliade, la situation est quasiment inversée. C’est-à-dire que dans un récit on trouve un héros principal ou une héroïne principale qui change sans cesse d’activité.
A rassembla
A se fâcha
A se calma
A se retira
A tua etc.
Dans ce cas, le public s’intéresse moins au nom du sujet, qu’on peut d’ailleurs remplacer par un pronom, qu’aux activités de ce sujet4. Comme le catalogue naît d’une inversion des règles de la narration, il ne peut donc pas construire lui-même un récit ; en revanche, il peut raconter comment des sujets différents ont fait la même chose à différentes époques. Autrement dit : les catalogues ressemblent un peu à notre historiographie5. Il s’ensuit que le catalogue s’oppose aussi au récit par le type de discours dont il devient porteur.
3. Discours
Si l’épopée, en l’occurrence l’Odyssée, se désigne elle-même comme un mensonge qu’on peut facilement confondre avec la réalité, le mot « catalogue »6, katálogos, fait appel à la vérité. Katalégein, le verbe qui correspond au mot katálogos, signifie entre autres « énumérer de haut en bas », c’est-à-dire « être complet » ou « tout dire ». Comme le philologue allemand Luther l’a montré dans les années ’30, le concept archaïque grec de vérité est un concept de plénitude. Pour dire la vérité, il suffit de ne rien occulter, de ne rien oublier, c’est l’une des explications du mot grec signifiant la vérité, a-létheia7. Dans la langue très formalisée de l’épopée grecque, on peut exprimer le fait de dire la vérité par a-léthea katalégein, « dire tous les éléments dans un catalogue sans oublier quoi que ce soit ». Le catalogue est donc le frère de l’épopée, mais un frère plus sérieux8.
La forme du catalogue n’empêche donc pas de raconter ; seulement on y raconte plutôt de « l’histoire » que « des histoires ». De plus le catalogue permet de lier une représentation du temps à une représentation de l’espace. Ainsi le catalogue des vaisseaux dans l’Iliade ne fait pas seulement le recensement de toutes les nefs et de tous les soldats que chaque général a menés à Troie, mais aussi celui des villes d’origine des contingents. Et l’ordre dans lequel les villes sont mentionnées correspond bien à la route que suivait un voyageur en allant du centre au sud de la Grèce, puis de nouveau en direction du nord, mais en passant par un autre chemin9. Lier l’histoire de Troie à une géographie du VIIe siècle, cela signifie donner de l’importance à certaines villes et en exclure d’autres, établir des liens entre les villes, autrement dit : cela correspond à faire de la politique. Le catalogue n’est donc pas moins mensonger que l’épopée, mais il a un parfum de vérité. C’est pourquoi les Athéniens se seraient arrangés pour modifier le catalogue iliadique des vaisseaux afin de justifier les nouvelles frontières d’Athènes en les faisant remonter à l’époque héroïque10.
Le Catalogue des femmes pseudo-hésiodique joue le même rôle de cadastre historico-politique de la Grèce. Non seulement l’ordre des villes d’origine des héroïnes mentionnées correspond à des lignes que l’on peut tracer sur la carte de la Grèce, mais ces villes sont aussi liées par des relations généalogiques, ce qui est très précieux au domaine politique. D’où l’importance d’une charte des liens entre les villes et entre les grandes familles. A ces dernières un catalogue des femmes peut notamment décerner des titres de noblesse très anciens. Pour le dire plus clairement, un catalogue c’est de la manipulation.
4. Contenu
Après ces considérations sur la forme, passons à l’examen du contenu : les héroïnes. Nous sommes en présence d’un champ temporel bien défini : l’époque des héros et des héroïnes a précédé, dans l’imaginaire des Grecs, l’époque des générations humaines à laquelle ils pensaient appartenir eux-mêmes. Dans leur conception, les hommes et les femmes de ces temps anciens non seulement conversaient encore avec les dieux et les déesses, mais étaient eux-mêmes des demi-dieux, fils et filles de dieux. C’est pourquoi le catalogue des femmes ne relate que peu d’amours entre héros et héroïnes. En général, il s’agit de relations érotiques entre héroïnes et dieux, les autres combinaisons étant rares et de connotation négative.
Or, ce qui saute aux yeux quand on examine de plus près ces unions entre dieux et femmes, c’est le statut social des mortelles : normalement, les dieux couchent avec des jeunes filles et non avec des femmes mariées. Sur les 40 unions pour lesquelles le texte donne un renseignement à ce sujet, on trouve 33 ou 34 cas de femmes non mariées. Cela n’est pas vraiment surprenant, étant donné que l’époque héroïque était d’emblée considérée comme l’adolescence de l’humanité, le stade des célibataires. Le mariage comme lien familial n’est cependant pas absent. Les Grecs ne pouvaient sans doute pas imaginer un stade social exempt de mariage. Dans ce Catalogue des femmes, il y a donc aussi des épouses. Or quand l’épouse d’un héros doit ou veut coucher avec un dieu, le résultat est bien différent d’une union entre une jeune fille et un dieu. Car tous les jumeaux mentionnés dans le Catalogue sont le fruit d’une union entre un dieu et une héroïne mariée. A une exception près, problématique de surcroît, toutes les femmes mariées qui couchent avec des dieux mettent au monde des jumeaux, un reflet assez évident de la nature hétérogène de leurs pères respectifs. En effet ces jumeaux sont souvent différenciés, l’un étant fort ou immortel, l’autre faible ou mortel. En revanche les jeunes filles ont avec leur partenaire divin un, deux ou trois enfants selon les cas, qui ne sont jamais caractérisés comme des jumeaux.
Il y a un cas limite qui illustre très bien ce rapport. Il s’agit de l’histoire de Molioné, qu’un fragment du Catalogue (fr. 17a Merkelbach / West) raconte en la faisant précéder de celle de son père Molos. Celui-ci avait cédé aux charmes d’une nymphe, donc d’une mortelle dont l’espérance de vie était de mille ans. Les nymphes sont en quelque sorte des quasi-immortelles. Elles élèvent seules leurs enfants jusqu’à ce que ceux-ci aient atteint un certain âge. Et comme de l’amour entre Molos et la nymphe était née Molioné, une fille, sa mère l’envoie chez son père dès qu’elle a atteint l’âge nubile. Le père l’accueille dans son palais, mais se rend vite compte que sa fille n’est pas tout à fait humaine. Non seulement elle est capable de se rendre invisible, mais surtout elle a un appétit surhumain ; elle avale des moutons entiers et boit leur lait11. Beaucoup de prétendants s’intéressent à elle, et elle finit par céder à l’un d’entre eux qui porte le nom très parlant d’Aktor, « l’Epoux, le Mari ». Or le dieu Poséidon couche aussi avec elle, après son mariage, et le fruit de cette union est bien, selon la règle, une paire de jumeaux qui, par leur noms, font référence à leurs deux pères respectifs. Le nom de l’un, Eurytos, se traduit par « qui a un beau courant » et fait donc référence à Poséidon, le dieu aquatique. L’autre jumeau s’appelle Kteatos, nom dérivé du verbe grec signifiant non seulement « acquérir », mais aussi « épouser ». Kteatos fait donc bien référence à son père mortel, Aktor ou « le Mari ». Jusque-là, la règle que nous avons observée est respectée : deux pères – donc des jumeaux. Mais un autre facteur entre ici en ligne de compte, l’origine quasi divine de la mère. C’est pourquoi les deux fils ne sont pas de simples jumeaux qui reflètent la nature de leurs pères respectifs, mais des « hyper-jumeaux » qui reflètent de surcroît la force de la mère. Non seulement ils portent le nom de la mère en s’appelant « les Molionides », mais sont ce qu’on appellerait aujourd’hui des jumeaux siamois. Ils ont un torse commun avec deux têtes : ainsi, grâce aux deux paires d’yeux, cet individu unique qu’ils constituent ensemble a l’avantage de voir autour de soi deux fois mieux que les autres ; avec ses quatre bras, il lance deux fois autant de javelots, et avec ses quatre jambes, il court plus vite. Dans les légendes grecques et sur les vases archaïques, les Molionides sont des guerriers invincibles. Ainsi les Molionides confirment-ils la règle à leur façon.
Cette règle est observée aussi dans d’autres textes, comme l’Odyssée ou le Critias de Platon qui relate l’histoire de l’Atlantide, mais jamais avec une telle conséquence. Ce n’est que dans le Catalogue des femmes qu’on peut vraiment parler d’une règle des jumeaux. Or, une conséquence de la marque de la duplicité de l’origine chez les jumeaux est bien aussi l’exclusion. A l’évidence, Héraclès n’est le fils d’Amphitryon que d’un point de vue social : son père biologique est Zeus. C’est son frère Iphiclès qui est le véritable fils biologique d’Amphitryon. La règle sert donc aussi à éviter tout mélange entre la lignée masculine et les divinités ; ce n’est qu’une façon de confirmer jusqu’au moindre détail du système ce que nous avons évoqué comme tendance générale : la séparation des dieux et des hommes est finalement maintenue de manière rigoureuse, sans qu’aucun mélange véritable ne puisse jamais s’instaurer entre eux.
5. Public
Pour saisir la manière dont on comprenait ce principe au VIIe ou au VIe siècles avant notre ère, il faut d’abord tenter d’appréhender quel était le public qui commandait le catalogue, l’entendait et y prenait plaisir. C’est André Hurst qui nous livre une clé avec son interprétation des récits d’Ulysse chez les Phéaciens12. Ulysse expose précisément un catalogue de femmes, ou mieux, un catalogue d’héroïnes, et s’exprime par des vers que nous retrouvons en partie tels quels dans le catalogue des femmes chez Hésiode. C’est donc bien la même tradition de catalogues de femmes à laquelle Homère et, dans le texte, son personnage Ulysse font référence. Quel est alors le public ? On le voit au moment où Ulysse interrompt son récit après le catalogue des femmes pour évaluer son succès auprès des auditeurs en espérant que ceux-ci, gagnés par l’enthousiasme, le récompenseront convenablement pour son exploit de chanteur.
Le public d’Ulysse est mixte, comme c’est toujours le cas lors de la présentation d’un texte épique13. C’est seulement le catalogue des femmes qui introduit un motif de division. Les femmes, représentées par la reine, prennent les premières la parole et réagissent positivement, par des louanges et avec la promesse d’une récompense généreuse. Les hommes par contre, particulièrement le roi, commencent par se taire, un peu vexés : un autre homme devrait d’abord affirmer ses droits (346 Ἀλκινόου δ’ ἐκ τοῦδ’ ἔχεται ἔργον τε ἔπος τε), et le roi souligne ce point de vue (352s. πομπὴ δ’ ἄνδρεσσι μελήσει πᾶσι, μάλιστα δ’ ἐμοί) ; finalement, ils acceptent de payer Ulysse, eux aussi, mais posent une condition : entendre un catalogue d’hommes. Ulysse se met bien sûr aussitôt à chanter un catalogue de héros, où il n’énumère plus des accouchements, mais des morts.
Ce que nous pouvons apprendre de cette scène à propos de l’exécution d’un catalogue de femmes devant un public mixte, c’est en premier lieu qu’un catalogue de femmes vise principalement les femmes, et en deuxième lieu qu’il suscite irrémédiablement des jalousies chez les auditeurs masculins. Ce n’est pas uniquement dans l’Odyssée, qu’un catalogue de femmes semble viser un public de femmes : cette observation se confirme si nous examinons le début du catalogue pseudo-hésiodique, attribué à un auteur anonyme du VIe siècle mais remontant à la tradition d’Hésiode du VIIe siècle : car ce début dit clairement qu’il s’agit d’une louange de gunaîkes, c’est-à-dire de femmes ayant accouché.
Si le catalogue des femmes est chanté devant un public féminin, s’il fait partie de la littérature féminine comme les chansons de Sappho, de Corinne, de la poésie liée aux Thesmophories, cette fête quasi exclusivement féminine, on s’attendrait à ce que l’exécutant soit aussi de sexe féminin. Car genre littéraire et genre biologique voire social coïncident parfois étrangement chez les Grecs : il y a des publics célibataires ou mariés, masculins, féminins, séparés ou mixtes et chacune de ces combinaisons semble correspondre à un ou deux types de textes14. Or l’énonciateur du catalogue des femmes pseudo-hésiodique ne laisse planer aucun doute : il chante devant un public composé principalement de personnes mariées. Car tel un aède épique il invoque les Muses et leur voix (fr. 1.1-3 West) :
Νῦν δὲ γυναικῶν ʟϕῦλον ἀείσατε, ἡδυέπειαι
Μοῦσαι Ὀλυμπιάδεʟς, κοῦραι Διὸς αἰγιόχοιο,
α̣ἳ τότ’ ἄρισται ἔσαν̣[
Maintenant chantez la tribu des femmes, vous qui avez la voix douce, vous les Muses de l’Olympe, filles de Zeus qui tient l’égide, chantez les meilleures femmes qui (…)
Bien qu’il n’y ait que de rares exemples de femmes aèdes – notamment à Erétrie, ou peut-être la poétesse Erinna du IVe siècle –, les chanteurs épiques sont en général des hommes, et celui du catalogue pseudo-hésiodique prouve qu’il en est un par l’invocation aux Muses. Comme pour le confirmer, la tradition grecque a toujours attribué ce texte à un homme marié, Hésiode.
Dès lors, une autre question se pose : est-il concevable qu’un homme puisse avoir accès auprès de cette tribu féminine dont les hommes grecs sont d’habitude catégoriquement tenus à l’écart, sauf le mari lui-même ? Ou, en d’autres mots, est-il possible qu’un aède masculin ne chante pas seulement devant un public mixte, mais aussi devant un public exclusivement féminin ?
Un texte de la même époque, qui se moque des hommes et qui, à mon avis, a été exécuté par une femme pour des femmes, le Margitès, mentionne en tout cas le fait qu’un aède a pu chanter devant des femmes15. De même dans les 1001 Nuits, un sultan qui part en guerre, mais qui est aussi un mari méfiant, laisse à sa femme un perroquet. Cet animal raconte chaque nuit une histoire, et le suspense créé par ses récits détourne l’épouse de rejoindre d’éventuels amants et évidemment aussi d’éventuels prétendants au trône. Les circonstances sont les mêmes quand le roi Agamemnon part pour la guerre de Troie. Il craint que son épouse ne s’intéresse trop à de jeunes hommes qui, eux, ne s’intéressent qu’au trône. Ainsi, comme l’Odyssée le raconte au IIIe chant, Agamemnon laisse un aoidós anér, un « aède masculin » chez Clytemnestre (Od.3.267). Grâce aux charmes poétiques de cet homme, la reine arrive à résister aux tentatives de séduction à la fois érotiques et, comme une scène peinte sur un vase le suggère16, aussi poétiques du jeune Egisthe (thélgeske Od.3.264). Egisthe doit d’abord éliminer l’aède pour gagner l’amour de Clytemnestre. On peut en déduire que les chanteurs ont accès au monde féminin, normalement interdit aux hommes.
6. Conclusion
Nous avons vu que le catalogue des femmes devait être un genre apprécié à cause de son discours à la fois réaliste et manipulateur, qui en faisait un instrument politique très efficace. Nous avons aussi vu qu’il visait un public féminin et n’exposait donc que ce qui pouvait plaire aux femmes, c’est-à-dire la gloire féminine – cette alternative à la gloire masculine – qui créait des liens entre les villes de la Grèce archaïque par le truchement de biographies d’héroïnes, par les amitiés, les mariages et les enfants de ces « dames du temps jadis ». Ces textes devaient être exécutés par des chanteurs de sexe masculin, cela est vrai, mais auxquels on reconnaissait la faculté de chanter pour un public exclusivement féminin. Or ces chanteurs étaient habitués à ne chanter que ce qui plaisait à leur public. Ainsi on ne s’étonnera pas si dans le catalogue des femmes de l’Odyssée, la décadence féminine semble responsable de la fin de l’âge héroïque, alors que dans le catalogue pseudo-hésiodique ce sont les hommes qui en portent la responsabilité. Dans ce dernier catalogue, la tendance générale à exclure les hommes du commerce érotique avec les déesses se voit doublée d’une suppression systématique de traces de descendance masculine humaine lors d’unions de dieux avec des femmes mariées. La filière de la descendance divine dans les généalogies, qui a un impact politique si important au VIIe et au VIe siècles avant notre ère17, est ainsi monopolisée par les héroïnes. A cette époque, caractérisée par un système social plus proche des pratiques de la mafia traditionnelle que d’un véritable Etat, toutes les familles riches cherchent à justifier leur pouvoir en faisant remonter leur généalogie à l’époque héroïque, et donc à un dieu. Parallèlement, les catalogues de femmes disent aux femmes que les hommes n’ont qu’un rôle secondaire dans cette justification, s’ils n’en sont pas complètement exclus !
Bibliographie
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1 Loraux (1981, 75-117) y voit un contrôle de la sexualité féminine par les dieux masculins ; lors d’une conférence à Grenoble en 2002, David Bouvier a avancé l’hypothèse que les dieux servent à « boucher les trous » de stérilité dans la filiation masculine, ce que les déesses ne peuvent pas faire.
2 Texte et discussion chez Merkelbach / West 1966 ; West 1985.
3 Sur le catalogue comme forme, cf. Kühlmann 1973, 23-28, Perceau 2002, Krischer 1971, et Minchin 1996, 3-20.
4 Pour la façon dont les formes verbales changent selon la forme du texte cf. Steinrück 2003.
5 Cf. Marcozzi / Sinatra / Vannicelli 1994, 145-174.
6 Cf. Od. 19.203 (ἴσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιη ὁμοῖα) et Hes.Th.27s. (ἴδμεν ψεύδεα πολλὰ λέγειν ἐτύμοισιν ὁμοῖα, ἴδμεν δ’ εὖτ’ ἐθέλωμεν ἀληθέα γηρύσασθαι).
7 Cf. Luther 1933.
8 On pourrait aussi penser à une interprétation moins nette au niveau linguistique, mais toutefois possible : un logos « selon » (kata) un sujet, c’est du moins ce que suggèrent les listes des papyrus documentaires. D’autres interprétations chez Perceau 2002, Krischer 1971.
9 Cf. Anderson 1995, 181-192, et maintenant Visser 1997.
10 Cf. Ar.Rhet.1375b30 ; Schol. Dem.19.478b ; Str.9.1.10 ; Quint. 5,11,40 ; D.L. Solon 48, Plut.Sol. 10.2-3.
11 Ce qui lui vaut vite un sobriquet, probablement celui d’Arné, à traduire par « celle qui aime les moutons ». Cf. Steinrück 1999, 389-400.
12 Hurst 1988, 5-19.
13 Cf. Doherty 1991, 145-176.
14 C’est-à-dire que les épouses et les maris écoutent ensemble l’épopée, alors que les maris écoutent entre eux l’élégie chantée par l’un d’entre eux ; les célibataires adultes écoutent l’iambe que prononce un célibataire, et les femmes, souvent, des chansons lyriques chantées par des femmes. Dans le cas de l’épopée, les aèdes sont probablement souvent trop pauvres pour se marier, mais, au moins symboliquement, ils se présentent volontiers, au début de leur chant, à leur public marié comme les maris des Muses. Car parler avec la voix d’une jeune fille, dit Plutarque dans ses Préceptes de mariage, veut bien dire l’épouser, et les aèdes font comme si c’était la Muse qui parlait par leur bouche. C’est ainsi que la voix d’un narrateur épique se constitue en général. Or quand, dans l’Odyssée, le chanteur Phémios chante devant les prétendants de la reine Pénélope, donc devant des célibataires, il souligne bien qu’il chante sans la voix de la Muse, qu’il est un « autodidacte » pour reprendre ses mots. C’est le même mot, « autodidacte », qu’utilise Archiloque l’auteur d’iambes quand il se produit devant un public célibataire.
15 Margites fr. 1 W= Atilius Fortunatianus 286 Keil VI (ἠλθε τις εἰς Κολοϕῶνα γέρων καὶ θεῖος ἀοιδὸς μουσάων θεράπων καὶ ἑκηβόλου Ἀπόλλωνος ϕίλην ἔχων ἐν χερσὶν εὔϕθογγον λύρήν).
16 Cf. le cratère du peintre de la docimasie, Boston MFA 63.1246 (LIMC s.v. 10).
17 Redfield 2003, 263ss., montre que l’exclusion des hommes de la filiation de l’honneur (endoxa) est typique d’un type de société « froid » et uniquement basé sur le système familial aristocratique (comme à Locres).