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Paroles de Cobra

Bernand, Inscr. métr. 1021

Antje KOLDE

Genève

Aujourd’hui, ce sont les visiteurs du musée de Berlin que le cobra sacré, l’ὁσίη ἀσπίς, invite à pleurer sur son sort : c’est là, dans la section des Antiquités égyptiennes que se trouve la pierre portant l’épigramme funéraire de cet animal, achetée en 1879 au Caire par le consul d’Allemagne. La stèle est rectangulaire ; son sommet, légèrement arrondi, est orné d’acrotères aux angles et au centre. L’inscription occupe la moitié inférieure de la stèle ; au-dessus est représenté un serpent dressé, dont la tête est surmontée d’une grande corne double et d’un disque2. L’édition la plus récente, à ma connaissance, est celle qu’en a donnée Etienne Bernand dans son volume des Inscriptions métriques de l’Egypte gréco-romaine3. C’est son texte que je reproduis ici, de même que sa traduction. Dans la suite de l’article, j’analyserai le contexte et le style de cette inscription, de même que le genre de document qu’elle illustre. Nous verrons alors que nous avons affaire à un document bien grec d’esprit, revêtu d’un costume égyptisant.

1. Στῆθι λάον κατενῶπα τελώριον I ἐν πριόδοισι,

ξεῖνε, καὶ εὑρήσεις γρΙάμματι ῥηγνύμενον·

ἠὺ δ’ ὄπα προχέΙων στεvάχιζέ με τὴν προμολοῦσαν I

4. εἰς ἐνέρους ὁσίην ἀσπίδα τηλέβιον I

δυσμενέων ὑπὸ χερσί· τί σοι πλέον, αἰνόΙτατ’ ἀνδρῶν,

ἐστίν, ὅτι ζωῆς τῆσδέ με I ἀπεστέρεσας ;

σοὶ γὰρ ὁμοῦ καὶ ἔρεσσι I κέλωρ’ ἐμὰ θεσπέσι’ ἔσται·

8. οὐκ οἴημ ἐπὶ I γῆς ἔκτανες οὖσαν ἐμέ,

ἀλλ’ ὅσα περ I ψάμαθος παρὰ θῖν’ ἁλὸς ἔσχεν ἀριθμά, I

τόσσον ἐπιχθόνι θῆρες ἔχουσι γένος I

ἦ σὲ μὲν οὐχ ὕπατον, πύματον δ’ Ἀίδην̣ I πελάσουσι,

12. ὄμμασι δερκόμενον σῶν ἐΙρέων θάνατον.

« Arrête-toi devant la pierre imposante qui se dresse au carrefour, étranger, et tu découvriras qu’elle s’exprime à l’aide d’une inscription. Epanche-toi à voix haute et gémis sur moi, le cobra sacré à la longue vie, qui m’en suis allé chez les morts sous des coups criminels. Qu’as-tu gagné, homme affreux entre tous, à me priver de cette existence ? Pour toi, en effet, et aussi pour tes descendants, ma postérité sera fatale. Je ne suis pas seul sur terre, moi que tu as tué, mais autant le sable compte de grains sur la grève marine, autant les animaux qui rampent sur la terre comptent de rejetons. Non, ils ne t’enverront pas le premier, mais le dernier chez Hadès, et de tes yeux tu verras la mort de tes descendants. »

O. Puchstein, à qui l’on doit l’editio princeps du texte, supposa que la stèle provenait de Memphis ; les éditeurs ultérieurs reprirent cette provenance, précisant généralement qu’il ne s’agissait que d’une supposition4. Or, cette indication semble être fortement sujette à caution : à la fin du XIXe siècle, lorsque les objets étaient achetés au Caire, on en déduisait aisément une provenance memphite, voire fayoumique. L’origine memphite de notre stèle est d’autant plus douteuse que le culte du serpent sacré n’est pas attesté dans cette région. L’origine fayoumique semble, quant à elle, plus probable. De fait, si de nombreuses déesses étaient représentées sous la forme d’un cobra – à l’époque tardive, c’est l’hiéroglyphe du cobra qui sert à écrire le mot « déesse »5 – c’était surtout le cas d’Isis-Thermoutis, dont le culte est bien attesté entre autres dans le Fayoum et à Alexandrie. Le rôle important que dans notre texte le cobra confie à sa descendance pour le venger pourrait constituer un lien entre le texte et la déesse représentée, Isis-Thermoutis, une divinité protectrice en relation avec la fertilité. Il faut toutefois noter qu’aucune stèle représentant une déesse, quelle qu’elle soit, sous la forme d’un cobra, ne porte une inscription comparable à la nôtre.

Le fait qu’il s’agit d’un serpent mort peut aussi faire songer à une origine thébaine de la stèle. En effet, si des momies de serpents ont été trouvées un peu partout en Egypte, ce fut surtout le cas dans la nécropole thébaine, ce qui confirme les dires d’Hérodote : εἰσὶ δὲ περὶ Θήβας ἱροὶ ὄϕιες, ἀνθρώπων οὐδαμῶς δηλήμονες, oἳ μεγάθεϊ ἐόντες σμικροὶ δύο κέρεα ϕορέουσι πεϕυκότα ἐξ ἄκρης τῆς κεϕαλῆς, τοὺς θάπτουσι ἀποθανόντας ἐν τῷ ἱ ρῷ τοῦ Διός· τούτου γάρ σϕεας τοῦ θεοῦ ϕασι εἶναι6. Cette hypothèse semble cependant également sujette à caution. En effet, alors que dans notre texte, il s’agit d’un cobra7, les serpents décrits par Hérodote sont probablement des vipères à cornes8. Il s’ensuit que la double corne surmontée du disque que porte la tête de notre serpent ne représente sans doute pas les deux cornes de la vipère, bien plus petites, mais, comme il a déjà été dit, qu’elle fait partie du basileion isiaque.

La datation de la stèle soulève moins de questions que l’origine : on la situe généralement à la fin de l’époque ptolémaïque ou au début de l’époque impériale sur la base de l’écriture9 ; nous verrons que la métrique et la langue tendraient plutôt vers la période impériale.

Dans son commentaire, Bernand souligne l’unicité de cette épigramme, qui « ne s’explique que par les croyances locales qui interdisaient la destruction des animaux sacrés »10. Cet enracinement dans le contexte égyptien, que l’absence complète de documents parallèles égyptiens permet néanmoins de relativiser, place notre inscription en marge des inscriptions funéraires métriques qu’étudie ce savant, un dossier où « l’analyse cherche en vain à isoler les croyances proprement égyptiennes. (…) Les rites et les croyances qui transparaissent (…) sont essentiellement grecs »11. Mais si le contexte semble inclure des éléments égyptiens, la métrique, la langue et la poétique portent nettement la signature d’un poète rompu à la tradition grecque.

Ainsi, l’épitaphe est rédigée en six distiques élégiaques, le mètre habituellement utilisé pour les épigrammes12. Le rythme des hexamètres dactyliques est monotone et soutenu : à l’exception d’un seul pied, ils sont composés uniquement de dactyles. Le ralentissement provoqué par le seul spondée, le quatrième pied du vers 11, n’est certainement pas fortuit : Ἀίδην. La moitié des césures est féminine13. La quantité des deux dernières syllabes avant la césure est naturellement – υ, ce qui est typique de la métrique tardive14. Les pentamètres sont également construits avec une grande régularité. La syllabe située à la césure contient une voyelle ou une diphtongue longue par nature15, sauf au vers 12, où elle est allongée par le mot qui suit la césure16. Un seul des six pentamètres se termine par un mot accentué17. Les hiatus sont rares18. Ces quelques remarques sur la métrique confirment l’hypothèse selon laquelle l’inscription daterait plutôt de l’époque impériale.

La structure de l’épigramme s’accorde presque parfaitement avec sa division en distiques. En effet, l’unité métrique formée par le distique correspond presque toujours à une unité de sens : seulement au deuxième, l’unité de sens déborde sur le distique suivant. Le premier distique invite le passant à s’arrêter et à lire l’inscription. Dès le deuxième et la première moitié du premier vers du troisième, le texte de cette « stèle parlante »19 cite les paroles du cobra, qui invite le passant à pleurer sur lui ; dans la suite du troisième distique, le cobra change d’interlocuteur et s’adresse à son meurtrier ; dans le quatrième, il annonce ainsi à son assassin qu’il n’est pas seul sur terre et qu’en conséquence, sa descendance le détruira ; dans le cinquième, le cobra rappelle à son meurtrier sa descendance innombrable ; dans le sixième, enfin, il l’avertit qu’il mourra en dernier, après avoir vu la mort de tous les siens. Selon une analyse moins détaillée, l’épitaphe se divise en deux parties : les trois premiers distiques constituent l’adresse à l’étranger, puis au meurtrier ; les trois derniers l’imprécation prononcée contre le meurtrier.

L’épitaphe s’organise ainsi autour des deux vers centraux, les vers 6 et 7, qui résument le poème : le meurtrier a tué le cobra, dont la descendance sera fatale au meurtrier et aux siens. Comme il a été dit, le vers 7 introduit la seconde partie du texte, dont la structure est élaborée. On peut en effet y dégager deux chiasmes. Le premier est formé par le fait que le premier vers, le vers 7, est développé par les deux derniers, les vers 11 et 12, alors que le deuxième vers, le vers 8, est développé par les deux vers qui le suivent, les vers 9 et 10. Le second touche les personnes verbales : alors que le premier hémistiche du vers 7 est relatif au tu – le meurtrier – et le second au je – le cobra, les vers 8 à 10 parlent du je – la descendance nombreuse des serpents – et les vers 11 et 12 reviennent au tu – le sort du meurtrier et des siens.

Le soin que le poète a apporté à la structure se retrouve au niveau de l’emplacement des mots. De fait, si le passant est interpellé au début d’un vers20, le meurtrier l’est à la fin d’un autre vers21 ; au vers 7, l’agencement des mots forme un chiasme, puisque les deux mots relatifs au tu et au je encadrent deux substantifs désignant les descendants22. Les vers 9 et 10, finalement, sont construits de façon parallèle23.

Davantage que la métrique et la structure, la langue a retenu l’attention de Bernand et des éditeurs qui l’ont précédé. Elle est riche en termes épiques, comme ξεῖνε (v. 2)24, στενάχιζε et προμολοῦσαν (v. 3), αἰνότατ(ε) (v. 4), ὁμοῦ καί (v. 7), περ (v. 9), ἐπιχθόνιοι (v. 10) et ὄμμασι (v. 12). Le texte contient par ailleurs aussi plusieurs expressions homériques, telles que δυσμενέων ὑπὸ χερσί (v. 5)25, ὅσα ψάμαθος26 et παρὰ θῖν’ ἁλός (v. 9)27. Ces formes homériques côtoient des termes rares comme τελώριον (v. 1)28, τηλέβιον (v. 4)29 et ἔρεσσι (v. 7) / ἐρέων (v. 12)30 ou à l’emploi peu courant, comme ῥηγνύμενον (v. 2)31. Si les échos homériques et les termes rares semblent caractériser notre poète comme un auteur cultivé et soucieux de soigner son expression, sa langue comporte également quelques irrégularités. Ainsi, κατενῶπα (v. 1) est construit avec l’accusatif au lieu du génitif et l’on attendrait le datif Αἴδῃ au lieu de l’accusatif Ἀίδην (v. 11) après le verbe πελάζω. L’on peut se demander si le fait que par deux fois, l’accusatif l’a remporté sur l’autre cas n’est pas à imputer à l’évolution de la langue. En effet, dans la langue parlée, dès la constitution de la koiné, l’accusatif remplace de plus en plus les autres cas32.

Signalons encore deux étonnants changements de genre, κέλωρ(α) (v. 7) et ἀριθμά (v. 9). Ils ne peuvent s’expliquer tous deux à mon avis que par la contrainte métrique : κέλωρες eût été inscandable, de même que ὅσους… ἀριθμούς. L’explication metri causa peut sembler facile ; je m’y vois toutefois encouragée par les formes ἀπεστέρεσας (v. 6) pour ἀπεστέρησας et ὅσα (v. 9) pour ὅσσα.

L’attention portée par notre poète à la langue se reflète finalement aussi dans les jeux sonores, illustrés par l’expression ὕπατον, πύματον (v. 11) ou la grande fréquence de la voyelle α33.

L’impression de mélange de traits traditionnels et nouveaux, érudits et courants, ne se ressent pas seulement au niveau de la langue, mais également à celui du texte en son entier.

L’épigramme fait partie des épitaphes pour des animaux. Nous en possédons une quantité assez importante34, transmises tant par les voies épigraphique et papyrologique à travers tout le monde gréco-romain que par les copistes byzantins, notamment dans l’Anthologie grecque.

Ces épitaphes livrent les mêmes renseignements sur les animaux que celles sur les êtres humains : leur nom et leur patrie, données souvent remplacées par l’espèce ou la race de l’animal, leur âge, leur mérites particuliers, le genre et les circonstances de leur mort ; souvent le mort ou la pierre s’adresse à un passant et parfois l’épitaphe se clôt par une maxime de portée générale. La plupart de ces éléments sont présents dans la première partie de notre inscription : l’animal mort interpelle le passant pour l’exhorter à s’arrêter et à pleurer sur son malheur, et il l’informe de son identité ainsi que du fait qu’il fut la victime d’un meurtre35. On peut même lire une sorte de maxime générale dans la question adressée au meurtrier, relative au profit que son acte lui a apporté. Ces données usuelles sont pour la majorité exprimées par des termes et des tournures courants36 ; le verbe employé pour l’une d’elles cependant, pour lequel je n’ai pas trouvé de parallèle, corrobore encore une fois le grand souci apporté par le poète à la langue37.

C’est ici cependant que s’arrêtent les parallèles avec les épitaphes animalières connues. De fait, aucune autre ne pleure le décès d’un serpent38. On peut se demander si cette particularité, certes due au contexte égyptien, où le serpent est un animal sacré, ne relève pas de l’intention de l’auteur de jouer avec le genre gréco-romain bien établi de l’épitaphe animalière en y introduisant des éléments que l’on pourrait qualifier sinon d’exotiques, du moins de nouveaux. Il en va de même pour la double interpellation, celle du passant et celle du meurtrier, et, surtout, de la seconde partie de l’épitaphe, une imprécation proférée à l’adresse du meurtrier.

Les imprécations, partie constitutive des tabulae defixionis, sont rares sur les stèles funéraires, à l’exception d’une catégorie que l’on pourrait qualifier de préventive39, celle des imprécations proférées à l’encontre des profanateurs de sépulture. Il est toutefois à noter qu’à quelques exceptions près, ces imprécations ne se trouvent dans le monde grec qu’en Asie Mineure. Cela s’explique par la différence des conceptions religieuses relatives à la vie après la mort. De fait, selon la tradition anatolienne, le mort a besoin d’une maison pour y vivre et celle-ci doit donc être protégée contre d’éventuels profanateurs. La tradition grecque par contre attache davantage d’importance à l’enterrement lui-même, aux rites funéraires et à la mémoire du défunt40.

La catégorie à laquelle appartient l’imprécation lancée par le cobra est celle des imprécations de vengeance, qui réclament une réparation pour un mal subi41. De par leur motif, elles s’apparentent aux prières que Versnel propose d’appeler prayers for justice42. Dans les nombreux exemples que nous en possédons43, l’injustice pour laquelle l’auteur de l’imprécation demande réparation relève de domaines très divers, comme le vol d’un objet, le non-remboursement d’un prêt ou le non-respect d’un serment. Il n’existe que très peu d’imprécations qui demandent la vengeance d’un meurtre commis. Les deux seuls exemples que j’ai trouvés ont ceci de particulier qu’ils demandent la punition des coupables en vertu de la loi du talion44. Tel n’est pas le cas du cobra : alors qu’il est mort avant sa nombreuse descendance, il annonce à son meurtrier que celui-ci mourra justement en dernier, après avoir vu la mort de tous les siens. De plus, ce n’est que dans notre texte que le mort nomme ses vengeurs, à savoir son innombrable descendance45. Le fait que le coupable soit le témoin de la mort de ses proches, et que la malédiction touche également son γένος, même si celui-ci est innocent46, sont deux malheurs fréquemment invoqués dans les imprécation de vengeance47.

L’efficacité de l’imprécation tient à la puissance accordée au mot, d’autant plus grande qu’il est prononcé par une personne influente, un roi, un prêtre, un mourant ou un mort48. Cette puissance peut être augmentée par divers procédés rhétoriques49, auxquels notre auteur recourt partiellement. Ainsi, il menace le meurtrier par trois fois50, il utilise des mots presque identiques51 et trois éléments de la malédiction sont très proches les uns des autres52. Par ailleurs, l’emploi du futur apparaissant à deux reprises dans notre texte53, au lieu de l’optatif ou de l’impératif, fréquents dans les imprécations54, exprime l’inéluctabilité de l’imprécation une fois qu’elle a été prononcée, un acte qui se répète dans le cas des malédictions gravées sur une stèle funéraire à chaque lecture par un passant, encore bien après la mort de son auteur55.

Au terme de mon analyse, je souhaite moins avoir secondé le cobra dans la prononciation de son imprécation qu’avoir montré la richesse de ce petit texte bien grec, auquel la figuration et le protagoniste confèrent un masque égyptien. C’est dans cet esprit que je désire offrir cet article à André Hurst, pour le remercier de son enseignement si riche, si stimulant et au carrefour de tant de disciplines.

Bibliographie

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West, M. L. (1982) – Greek Metre, Oxford.

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1 Je remercie Alex Sens, qui m’a signalé cette épitaphe. Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance également à Alessandra Lukinovich, Paul Schubert et Ghislaine Widmer, qui ont lu une version préliminaire de cet article et m’ont fait part de leurs remarques précieuses.

2 Bernand 1969, 393 parle de « disque solaire entre des cornes » ; il s’agit plus précisément du basileion isiaque, à savoir de la coiffure habituelle de la déesse Isis-Hathor ; cf. notamment Dunand 1967, 9 et infra, p. 145. La stèle mesure 52 cm sur 32 cm ; les lettres entre 6 et 8 mm ; l’interligne entre les deux premières lignes est plus grand qu’entre les dernières. Cf. Bernand 1969, 393 ; pl. XXXIV pour un fac-similé repris d’O. Puchstein et pl. XXXV pour une photo.

3 Bernand 1969, 393-397. Bernand y indique aussi les éditions antérieures.

4 Bernand 1969, 393 et n. 1.

5 Cf. Erman / Grapow 1928, 2,362.

6 Hdt.2.74 : « On trouve autour de Thèbes des serpents sacrés inoffensifs pour l’homme, qui sont de petite taille et portent deux cornes sur le sommet de la tête ; à leur mort, on les ensevelit dans le temple de Zeus, à qui, dit-on, ils sont consacrés ». (trad. Barguet, A. (1964), Hérodote et Thucydide d’Athènes, Paris, p. 171). Pour le rapport entre Zeus-Amon et le serpent, cf. Störk 1984. Dans son pcommentaire à ce paragraphe d’Hérodote, Loyd (1989, 294-295) insiste sur le manque de documentation sûre à l’appui du culte du serpent, qu’il ne considère toutefois pas comme improbable à la période tardive

7 Dans notre inscription, le serpent se désigne lui-même comme ἀσπίς ; Hdt.4.191 et Arist.HA8.29.607a22-24 mentionnent ce serpent surtout en relation avec la Libye ; selon Störk, il était fréquent dans toute l’Afrique.

8 La vipère à cornes, cerastes cornutus, est très fréquente en Egypte ; sa morsure, contrairement à ce qu’affirme Hérodote, est redoutable pour l’homme.

9 Bernand 1969, 394.

10 Bernand 1969, 395 ; il renvoie à Hdt.2.65 et à D.S.1.83, deux passages relatifs aux peines encourues par ceux qui tuaient un animal sacré. Curieusement, il ne cite nulle part Hdt.2.74.

11 Bernand 1969, 29-30 ; cf. aussi 40 : « En définitive, la grande absente des inscriptions métriques d’Egypte est paradoxalement l’Egypte elle-même ».

12 En gravant le texte, le lapicide n’a pas respecté la division métrique.

13 Aux vers 1, 5 et 7, la césure se situe au troisième trochée ; aux autres vers, elle est penthémimère.

14 Cf. West 1982, 157-159 et 181-182.

15 V. 2 εὑρήσεις ; v. 4 ὁσίην ; v. 6 ζωῆς ; v. 8 γῆς.

16 V. 10 ἐπιχθόνιοι θῆρες ; v. 12 δερκόμενον σῶν.

17 V. 8 ἐμέ.

18 Je n’en compte que trois : v. 2 καὶ εὑρήσεις, v. 7 καὶ ἔρεσσι et θεσπέσί’ ἔσται. Un hiatus est évité par une élision, laissée au soin du lecteur : v. 6 μ(ε) ἀπεστέρεσας. Il est à noter que les trois hiatus – dont deux avec la conjonction καί – se situent à des endroits-clé pour le sens.

19 Cf. infra, n. 31.

20 V. 2 ξεῖνε.

21 V. 5 αἰνότατ’ ἀνδρῶν.

22 σοί… ἔρεσσι – κέλωρ’ ἐμά.

23 Si l’on excepte le ἀλλ(ά) introducteur, les deux vers sont encadrés par un adjectif de quantité et son substantif. De plus, ils commencent tous deux par l’adjectif de quantité à l’accusatif, suivi par le nominatif et le verbe ἔχω pour se terminer par le substantif à l’accusatif.

24 Cette forme ionienne ne se trouve pas dans l’Iliade, mais de nombreuses fois dans l’Odyssée, où elle apparaît souvent également en début de vers.

25 Cf. Il.19.62. Bernand (1969, 396) souligne que δυσμενέων « est un pluriel poétique… un seul individu est en effet responsable de la mort du serpent ». Le pluriel peut s’expliquer, outre par le souci poétique, par la reprise d’une formule qui n’a pas été adaptée à son nouveau contexte, un procédé fréquent dans les imprécations funéraires ; cf. Strubbe 1991, 43-44 et infra.

26 Cf. Il.9.385.

27 Cf. Il.1.316 et 327 ; 11.622 ; 24.12 ; Od.6.94 ; 8.49 ; 10.179, toujours à la même place dans le vers, que notre poète a reprise.

28 Ce terme est connu seulement par Hesychius, τ 452 : τελώριος : μέγας, πελώριον. Comme le fait remarquer Bernand, l’expression λάον… τελώριον est proche de l’expression homérique λᾶαν… πελώριον (Od.11.594), où l’adjectif occupe la même place dans le vers. On peut se demander s’il ne s’agit pas ici d’une faute du lapicide, qui aurait confondu le τ avec le π.

29 Selon Bernand (1969, 396), τηλέβιος « s’explique par ὁσίην. Le serpent a vécu longtemps parce qu’il était sacré et épargné de tous ». Il me semble plus intéressant de donner à cette épithète une valeur d’épiclèse au lieu d’une signification simplement anecdotique. Cette interprétation est étayée par la position du mot dans le vers : ἀσπίδα serait alors entouré de ses deux épiclèses, ὁσίην et τηλέβιον. Par ailleurs, on peut se demander si cet hapax legomenon ne serait pas une adaptation grecque de Paneb-ânkh, un nom de serpent que l’on trouve sur un sarcophage découvert à Thèbes, contenant une momie de serpent et décoré de petites scènes peintes montrant le dédicataire du sarcophage en train d’offrir un oiseau à un serpent dressé ; une inscription en démotique, répétée quatre fois, reproduit la prière de cet homme, qui demande au serpent de donner à son fils vie, santé et un grand âge. Or, Pa-neb-ânkh signifie « le maître de vie ». Le rapprochement entre Pa-neb-ânkh et τηλέβιος est tentant, même s’il est peut-être fortuit. Pour l’inscription et le nom du serpent, cf. Spiegelberg 1927, pour qui le sarcophage est antérieur à la période ptolémaïque ; pour une description détaillée du sarcophage, cf. Schäfer 1927, qui date l’objet plutôt de la période impériale. Quelle que soit la date de ce sarcophage, il ne faut pas oublier que durant la période impériale, les éléments cultuels de la tradition égyptienne ont été maintenus avec une grande continuité : cf. Frankfurter 1998, 106-111.

30 Le nominatif de ce terme n’est pas attesté ; Hesychius ε 5681 et 5692 le donne comme synonyme de τἑκνα et indique son origine thessalienne.

31 Bernand (1969, 395) souligne que le verbe ῥήγνυμι est ici employé à la voix moyenne et dans le sens métaphorique qu’il peut revêtir lorsqu’il est accompagné de mots désignant la parole, comme chez Hdt.1.85 ou Ar.Nu.960. L’emploi absolu n’est attesté qu’à l’actif, LXXΙs.54.1. Cet emploi du verbe reprend le thème fréquent dans les épigrammes de la pierre qui parle.

32 Cf. Humbert 1972, 122-126.

33 Selon D.H. comp. 14.10, l’α est la voyelle la plus belle. On peut se demander si le souci d’en augmenter la fréquence n’a pas contribué aux changements de genre signalés ci-dessus.

34 Cf. Herrlinger 1930, qui a étudié toutes les épitaphes pour animaux alors connues ; depuis la parution de son livre, on ne cesse de découvrir de nouvelles inscriptions pleurant la mort d’un animal.

35 Si l’on interprète τηλέβιος (v. 4) comme Bernand (1969, 396), selon qui l’épithète indique que « le serpent a vécu longtemps, parce qu’il était sacré et épargné de tous », le passant est également informé sur l’âge de l’animal mort.

36 Comme exemples, on peut citer στῆθι, souvent le premier mot d’une épigramme : cf. Bernand 1969, n° 81 ; Peek 1955, n° 1224 ; 1314 (στᾶθι) ; 1323 ; 1322,2 ; ξεῖνε (v. 2) : cf. Bernand 1969, n° 5, 1 et 19 ; 38, 5 ; Peek 1955, n° 1238, 2 ; 1274, 1 ; 1359, 1 – on trouve aussi fréquemment les termes ὁδίτης (Bernand 1969, n° 27, 7 ; 33, 1 ; 34, 3 ; Peek 1955, n° 1288, 1 ; 1298, 1 ; 1315, 1 ; 1335, 1 ; 1345, 1), παροδίτης (Bernand 1969, n° 19, 12 ; 50, 4 ; 70, 3 ; Peek 1955, n° 1220, 1 ; 1241, 1 ; 1267, 1 ; 1301, 1 ; 1346, 1) ou ὁδοιπόρος (Bernand 1969, n° 30, 1 ; 42, 1 ; 45, 1 ; 68, 1 ; Peek 1955, n° 1245, 1 ; 1262, 1 ; 1300, 1 ; 1304, 1 ; 1321, 1), qui sont des mots moins poétiques.

37 Il s’agit de στεηάχιζε (v. 3). Les verbes plus répandus pas lesquels le défunt invite le passant à le pleurer sont κλαίω et ses composés (cf. Bernand 1969, n° 14, 5 ; 15, 5 ; 19, 12-13 ; 44, 1-2 ; 83, 16 ; 96, 2 ; Peek 1955, n° 1241, 1 ; 1243, 1 ; 1270, 1) et δακρύω (Bernand 1969, n° 82, 1 ; 84, 2 ; 95, 10 ; Peek 1955, n° 1238, 2 ; 1242, 1 ; 1248, 1 ; 1299, 3).

38 Les animaux généralement honorés par des épitaphes transmises par voie épigraphique ou papyrologique sont des animaux familiers de l’homme, à savoir le chien (cf. p. ex. IG 12, 2, 458 ; 12, 2, 459 ; 14, 1360 ; 14, 1647 ; 14, 2128 ; CIG 2, 3559 ; P. Cair. Zen. IV 59532 = Lloyd-Jones H. / Parsons P. J. (1983) Supplementum Hellenisticum Berlin / New York n° 977 ; CIL 10, 659 – en latin ; 13, 488 – en latin ; cf. aussi SEG XL 1990, n° 1599 et XLIV 1994, n° 1692) et le cheval (cf. p. ex. IG 14, 1603 ; CIL 5, 45, 12 – en latin ; 6, 2, 10082 – en latin ; 12, 1122 – en latin). Les épitaphes littéraires par contre, si elles pleurent aussi parfois ces animaux-là (chien : Anyt. et Simias de Rhodes chez Poll.5.48 ; Antip. Thess. AP9.417 ; Tymn. AP7.211 ; cheval : Anyt. AP7.208 et Mnasalc. AP7.212), traitent plus fréquemment de la mort d’animaux sauvages, tels que la cigale (p. ex. Anyt. AP7.190 et 202 ; Nic. AP7.200 ; Pamphil. AP7.201 ; Arch. AP7.213) ou la sauterelle (Leon. AP7.198 ; Mnasalc. AP7.192 et 194 ; Phaënn. AP7.197), le dauphin (Anyt. AP7.215 ; Arch. AP7.214 ; Antiphil. AP9.222 ; Antip. Thess. AP7.216) ou divers oiseaux (Sim. Rhod. AP7.203 ; Tymn. AP7.199 ; Arch. AP7.191). Cette différence entre les sujets des épitaphes épigraphiques et livresques est à l’origine d’une abondante discussion sur la question de savoir si les épitaphes livresques étaient des jeux littéraires ou si elles représentaient des épitaphes réelles. Cf. à ce sujet Herrlinger 1930, 57-120.

39 Cf. Watson 1991, 7 ; Watson emploi le qualificatif provisional.

40 Cf. Strubbe 1991, 40.

41 Cf. Watson 1991, 6-7.

42 Cf. Versnel 1991, 68.

43 Cf. Watson 1991, Versnel 1991 et 1998.

44 Peek 1955, n° 1362 et Bernand 1969, n° 46 ; sur la loi du talion, cf. Watson 1991, 42-45.

45 Comme me l’a fait remarquer Paul Schubert, c’est peut-être parce que le cobra est féminin en grec (ἡ ἀσπίς) qu’il sera vengé par sa descendance.

46 V. 11-12.

47 Pour une liste des malheurs invoqués dans les imprécations, cf. Watson 1991, 32-37 ; pour une liste basée sur les imprécations contre les profanateurs de sépulture en Asie Mineure, cf. Strubbe 1991, 43-44.

48 Cf. Strubbe 1991, 41 et Watson 1991, 4 et 27. Cf. aussi Aubriot-Sévin 1992, 350-374 pour le fonctionnement des imprécations et 159-164 pour l’efficacité de la parole prononcée.

49 Cf. Strubbe 1991, 41-44.

50 V. 7, 8-10 et 11-12.

51 V. 11 : ὕπατον – πύματον.

52 V. 11 : οὐχ ὕπατον ; πύματον ; v. 12 : δερκόμενον.

53 V. 7 ἔσται ; v. 11 πελάσουσι.

54 Cf. Robert 1978, 255.

55 Cf. Watson 1991, 23-25 et 27-29.