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Polyphème lyrique et argus éloquent

La poésie à la recherche de son pouvoir, de Guillaume de Machaut à la Renaissance

Estelle DOUDET

« Poetrie, affirme Jacques Legrand dans son Archiloge Sophie, est science qui apprend a faindre »1.

Au XIVe siècle, à l’heure où le statut du poète connaît de profonds bouleversements, les écrivains lyriques puisent dans les ressources mythologiques pour élaborer des doubles prestigieux soutenant leur propre figuration : Orphée, Apollon, Minerve. Ces images ne sont pas de simples faire-valoir. Elles expriment également les difficultés et les contradictions d’une écriture en renouvellement, engagée dans une réflexion sur sa puissance et les limites du statut social qui lui est généralement lié. Guillaume de Machaut choisit dans son œuvre majeure, le Voir Dit, des personnages controversés ou complexes, comme Pygmalion ou Polyphème, pour élaborer des exempla qui exposent la complexité de sa pratique poétique.

A son exemple, les écrivains de la fin du moyen âge choisiront pour se figurer des sources mythologiques magnifiant la puissance de la voix et celle du regard : regard ébloui de désir face à la dame aimée ; regard distancié, soutenant une position non plus d’implication, mais de jugement face à la réalité2. Deux figures sont privilégiées pour dire ces bouleversements : deux Titans caractérisés par leurs yeux étranges et finalement aveuglés, Argus et Polyphème. Bergers nés de la terre sauvage, les deux personnages sont liés par un même instrument de musique. La syrinx ou « flageol », inventée par Pan pour recueillir le souffle de sa plainte érotique, est le truchement par lequel Polyphème exhale son désespoir d’amoureux éconduit. Il est aussi le piège auquel succombe la vigilance d’Argus, séduit et mis à mort par ce chant du désir. Deux figures à la fois opposées et étrangement complémentaires, qui hésitent entre le caractère négatif issu du mythe originel et le traitement souvent complexe auquel les soumettront les écrivains vernaculaires. Or ces doubles mythologiques de l’auteur nous semblent illustrer à leur manière les questionnements du lyrisme au croisement du moyen âge et de la Renaissance. Comment le dialogue avec la dame, sur le mode du voir (sens visuel et vérité de la parole) peut-il se muer en un jugement sur le monde ? Par quels moyens et avec quelles conséquences le désir amoureux, devenu politique au XVe siècle, reprend-il un siècle plus tard sa place ?

Du Polyphème lyrique, illustré par Guillaume de Machaut, à l’Argus éloquent, magnifié ou discuté par ses successeurs, deux voies se dessinent, qui seront empruntées par une littérature en quête de sa définition et de ses pouvoirs : chant amoureux ou engagement moral. Le poète du XVe siècle se rêve par eux musicien ou orateur, avant que la Renaissance ne découvre dans ces figures l’affirmation d’une dignité des lettres définitivement acquise. Il s’agit donc ici de tenter, par les sentiers détournés de la mythologie, de comprendre les crises et les tensions qui ont fait évoluer le pouvoir de la poésie, du XIVe au XVIe siècle, en suivant les traces ouvertes par Jacqueline Cerquiglini-Toulet.

Les Métamorphoses d’Ovide, connues au XIVe siècle par la vaste diffusion de l’Ovide Moralisé, proposent parallèlement et sans liens apparents les deux histoires du pasteur Polyphème, soupirant malheureux de la nymphe Galatée qu’il tente de séduire par le son de sa flûte, et du pasteur Argus que Mercure endort et tue par la fable musicale de la syrinx. Le Voir Dit de Guillaume de Machaut, comme Jacqueline Cerquiglini-Toulet l’a montré, est l’un des premiers textes qui lie de façon explicite ces deux fables. Argus et Polyphème y sont tous deux des victimes de l’habileté d’Ulysse ou de Mercure ; tous deux ont une relation privilégiée à l’activité littéraire, l’un poète malheureux, l’autre gardien de la nymphe Io, qui porte dans son nom la naissance de l’écriture3. Argus, qui n’apparaît chez Machaut que dans le Voir Dit, n’y jouit pas de la longue présentation de Polyphème. Pourtant mentionné à plusieurs reprises dans l’entourage de la fable du Cyclope, des vers 5400 à 65344, il synthétise les adversaires de l’amant et accompagne Malebouche, Paour et Mauvaise Fortune. Argus incarne l’Opinion publique malfaisante, le regard suspicieux du monde. Figure du losengier, il appartient aux opposants courtois traditionnels, tentant de saisir par son œil multiple les gestes et les paroles que Malebouche, sa compagne, ira « chanter à note par tous les quarrefours de la ville » (Lettre 35, p. 570). Son attention est heureusement mise à mal par l’habileté de la dame, nouveau Mercure, qui affirme dans la lettre 36 :

Je ne doubte riens Argus, car s’il avoit encore autant de yeulz que il ha, n’i verra il ja chose de quoi Male Bouche doie mesdire (p. 576)

ou encore dans la lettre 39, qui s’ouvre sur cette affirmation satisfaite :

Si ay endormi Argus (p. 604)

Le narrateur lui-même est admiratif devant la ruse subtile de sa maîtresse :

Qu’elle avoit fait tele ordonnance

Que Argus estoit bien endormis

Et Dangiers mes fors ennemis (v. 6521-23, p. 602).

« Endormir Argus » est bien l’une des principales préoccupations de la jeune fille. Soumise aux pressions de son entourage, elle sait transformer la lucidité en aveuglement, grâce à sa voix sage et trompeuse, autre flûte enchantée comme celle de Polyphème. A la réussite de l’une s’oppose d’ailleurs, grâce à la proximité des épisodes, l’échec de l’autre : la volonté de chanter de « cuer fin » qu’a le Cyclope est anéantie par la discordance de sa voix, semblable à la « chanson au dÿable »5. Même discordance que celle qu’Argus et Malebouche souhaitaient répandre dans le monde contre la dame.

Guillaume de Machaut opère donc un traitement complémentaire des deux figures au regard aveuglé. En Polyphème, il privilégie son alter ego, poète musicien soumis, comme Guillaume, aux contradictions de sa nature et de son statut. A cette plainte intime s’oppose la voix publique d’Argus, toutes deux porteuses de discordance, toutes deux liées par la puissance ambiguë de la flûte. Argus et Polyphème, pour ou contre l’amour, sont aussi l’occasion d’approfondir la question centrale du texte : vérité ou facticité du discours. Car si l’œil unique de Polyphème s’embrume de désir, son chant est-il véridique ou aveuglé ? Si les cent yeux s’éteignent à la voix de la dame, la parole de celle-ci est-elle voir ou mensonge ?

Guillaume de Machaut est l’un des premiers poètes à élaborer de façon théorique les fables d’Argus et de Polyphème, jusqu’ici assez peu illustrées par les écrivains médiévaux de langue française, en dehors de comparaisons ponctuelles. Ses successeurs vont explorer séparément les deux figures. Ils délaissent rapidement Polyphème, que le maître a marqué de son empreinte, pour s’intéresser au mythe polysémique d’Argus. De simples allusions topiques à de véritables exempla, les textes du XVe siècle réunissent au moins une trentaine d’occurrences significatives du thème6. Le pasteur de Junon y quitte en général le triangle amoureux où Machaut avait choisi de le placer pour illustrer un autre domaine que la poésie de la fin du moyen âge va élire pour sien : le jugement moraliste, satirique ou grave, sur le monde. Désormais la contemplation amoureuse est concurrencée par une autre attitude, celle de l’entrée de la poésie dans le champ politique, à l’heure où la situation du pays semble exiger l’engagement de l’écrivain. La légitimité du chant lyrique se trouve désormais dans une conscience nationale nouvelle et s’ancre résolument dans la réalité historique.

Cette évolution idéologique est en germe chez Eustache Deschamps, qui abandonne la musique de Polyphème au profit de la clairvoyance d’Argus. Dans sa déploration sur la mort du sire de Sempy, Deschamps use apparemment des comparants mythologiques qu’il avait utilisés pour le décès de Guillaume de Machaut. Mais si Alpheus et Arethusa demeurent, Orphée, symbole de la voix enchanteresse du poète, est désormais remplacé par Argus, figure de l’opinion pleurant le chevalier disparu7. Grâce à un jeu étymologique fréquent chez les successeurs de Deschamps, « Argus » forme un distique de rimes très diffusé avec « les argus », discours subtils qui caractérisaient dans le mythe originel le dieu Mercure.

L’utilisation moraliste du Titan apparaît également comme un topos des sermons religieux au tournant du XVe siècle, en particulier dans le milieu augustin8. Jacques Legrand choisit Argus pour allégoriser les tentations qui guettent l’homme chrétien, dans son Livre des bonnes meurs :

De tele condicion est le pechié, car il fait l’omme dormir par negligence (…). A ce propos faint Ovide, en son premier livre Methamorphoseos, comment Argus avoit cent yeulx et neantmoins Mercure l’endormy au son de sa fleuste (…). Et pour cause de ceste negligence fu Aurgus dessus dit occis et perduz. Semblablement pluseurs sont qui ont cent yeulx car ils voient tres cler, et ont bon sens et bon entendement ; et neantmoins Mercure, c’est assavoir le monde, tres souvant les endort ; et lors leur vache, c’est assavoir leur char, est perdue et par pechié gastee. Par quoi finablement l’omme est souvant dampné et muert mauvaisement. (Chapitre XV, « La vertu de diligence qui est contre le péchié e négligence », édition E. Beltran, Paris, Champion, 1986, p. 333).

Argus, peut-être sous l’influence de Guillaume de Machaut qui l’avait introduit, non seulement dans le domaine érotique, mais dans les problèmes éthiques du discours, se détache au fil du siècle de la littérature religieuse et de l’allégorie moraliste pour devenir l’image de l’homme politique et du bon conseiller9. Fausse fiction amoureuse et vrai pamphlet politique, le Pastoralet fait vers 1422 de Léonet, image du duc de Bourgogne et conseiller du roi Florentin (Charles VI), un « Argus aux yeux agus ». Incarnation bienveillante de la vigilance, il éloigne du monde en paix le danger que représente le vicieux Tristifer (Louis d’Orléans) :

…Je feray [dit Léonet à Florentin]

Vostre voloir et gaiteray

Tant que je voie plus a plain

Les amours en puy ou en plain.

Je vorroie, si com Argus,

Avoir cent yex rons et agus

Affin que par clere veance

Feïsse mieudre pourveance10.

Argus, image de l’homme de bien tenté par le monde chez les moralistes, symbolise également au cours du XVe siècle l’écrivain engagé, juge clairvoyant de ses contemporains et maître de l’opinion publique. Dans les œuvres des Rhétoriqueurs, Argus oublie son aveuglement définitoire. Il n’exprime plus alors les contradictions du poète, comme le faisait Polyphème dans le Voir Dit, mais le prestige d’un nouvel écrivain, l’orateur.

Le « cler orateur » est le titre qui, à partir de 1450, désigne aux yeux des contemporains George Chastelain et ses disciples bourguignons. Ce terme, introduit par Alain Chartier pour exprimer le désir d’une institution oratoire vernaculaire, souligne également la mise en place d’un statut nouveau de l’écriture, parée du prestige de l’officialité et bientôt de la noblesse offertes par les princes. La lyrique amoureuse est abandonnée au profit d’une autre dynamique, celle de l’éloge et du blâme. L’adieu au chant érotique ne signifie pas la mort de la vie subjective, mais le renouveau de celle-ci en tant qu’instance de jugement engagée dans l’histoire. L’auteur n’est plus un être en décalage par son impossibilité statutaire à aimer, comme l’illustrait Polyphème. Vox publica, il se tient volontairement à la fois au centre du monde qu’il décrit et en dehors de lui pour préserver l’indépendance de son œuvre. Cette dialectique de la proximité et de la distance, de l’observation et de la participation vont faire d’Argus le symbole familier de ces écrivains.

George Chastelain le premier, malgré sa réticence aux fables mythologiques, l’élit comme son comparant privilégié. Dans les Douze Dames de Rhétorique, c’est l’allégorie de Profondité, la profondeur d’esprit, sœur d’Eloquence et de Science, qui annonce :

Seur a Argus suy a yeux bien cent mille

Dont nulle riens vivant n’est si subtile…11

L’Argus poétique, armé de son éloquence, parcourt le monde et traque ses secrets :

J’ay ciel, mer, terre en ma teste petite

Et m’est donnee aggression subite

Devers nature en sa loge secrete

La ou sur tout qui y maint et habite

J’assiez regard et veue circonscripte

Et n’y a riens dont au vif ne recite

Soit forme abstraicte ou matere concrete… (ibid)

A la discordance et au manque qui caractérisaient le Polyphème de Machaut se substitue la profusion de la rhétorique, que les douze dames allégoriques de Chastelain offrent pour répondre à la diversité du monde. Dame Profondité, nouvel Argus à l’écoute de Dieu, est pourvoyeuse de paix et de concorde, comme l’est la littérature dont rêve le Rhétoriqueur. Argus éloquent emprunte d’ailleurs au lyrisme amoureux ses traits topiques. George est l’un des premiers à rappeler que le Titan est aussi un oiseau : « Sur tout oyseau j’ay aile plus agile » (ibid). Mais loin de la traditionnelle alouette enivrée par son chant, Argus est l’oiseau-regard, animal imaginaire ambigu qui lie le chatoiement du paon à la puissance de l’envol. L’épître que Chastelain, délaissant le masque allégorique de Profondité, adresse à Jean Robertet et à ses correspondants de la Cour de Bourbon, exprime d’ailleurs dans une même strophe sa négation de l’orgueil attribué au paon réel et l’affirmation de cette fonction de miroir offerte à l’orateur, loin des vaines séductions de la musique :

Ne suis paon à la plume dorée

Ne rossignol, ne merle en armonie

Ne suis en mer seraine esvigoree

D’humain semblant portraite et figurée

Qui cueurs endort et perd par simphonie ;

Je suis un tout de la moindre maisnie

Du ciel, de l’aer, de la mer, de la terre,

Gros comme un plomb et fraile comme un verre.

(Douze Dames de Rhétorique, ibid, p. 168)

L’alliance du plomb et du verre, du tain sombre et du cristal flamboyant à la lumière du soleil forme le principal réseau métaphorique de ce texte et parcourt l’œuvre de Chastelain. L’écrivain miroir, aux intentions transparentes et à la parole « totale » (« Je suis un tout ») résume idéalement la nouvelle poétique des Rhétoriqueurs bourguignons.

La Grande Rhétorique, dans ce texte de 1463, parfait, semble-t-il, le triomphe d’Argus en tant que figuration de l’écrivain. Pourtant, le pasteur mythologique, et c’est là son intérêt, est aussi polysémique. Comment oublier qu’il est aveuglé précisément par un autre patron de la rhétorique, le divin Mercure ? A l’instar de Polyphème dont les contradictions enseignaient sur la lyrique de Machaut, les ambiguïtés d’Argus permettent aux Rhétoriqueurs, cent ans plus tard, d’interroger le statut qu’ils ont conquis. Il ne s’agit plus, comme dans le Voir Dit, du manifeste individuel d’un poète en quête de sa vérité, mais d’une pierre de touche permettant l’affirmation de chaque individu à l’intérieur d’un groupe d’écrivains. Argus, revendiqué ou nié au fil de leurs œuvres, appartient à la communication intergénérationnelle caractéristique des Rhétoriqueurs.

Ce que l’on pourrait nommer la « querelle d’Argus », si le terme ne caractérisait trop fortement un jeu souvent assez subtil, débute précisément dans ces Douze Dames de Rhétorique où Chastelain affirme l’importance du berger mythologique. L’ouvrage, fonctionnant sur un modèle épistolaire, s’ouvre sur la demande de la part de Jean Robertet d’une œuvre de Chastelain à lui dédiée. Il s’agit en fait d’un prétexte pour la confrontation amicale et souvent ironique de deux écritures : l’élégant poète de Bourbon montre sa connaissance des influences italiennes et antiques et offre un style tenté par une rhétorique de l’éclat et de l’image souvent excessive ; l’écrivain officiel de Bourgogne s’affiche comme un défenseur de l’approfondissement spirituel plutôt que de l’éblouissement ornemental. Chastelain réfute explicitement au fil du texte les ruses de Mercure, dieu de cette éloquence habile mais quelque peu artificielle dont use Jean Robertet. Ce dernier, conscient de l’attaque déguisée, répond avec une mauvaise foi évidente, que l’éloquence tant admirée de George est celle de :

La mercuriale flahute qui endormy Argus (…) (ibid, p. 176)

Il attribue ainsi avec humour à son maître la figure que précisément ce dernier refuse. Les Douze Dames de Rhétorique sont un texte parsemé de jeux piégés entre deux générations d’auteurs. Ces jeux s’organisent également autour des contradictions qui caractérisent l’éloquence d’Argus et que doit affronter la Grande Rhétorique. Face à la complexité du monde, faut-il répondre par la flûte enchanteresse de Mercure ? Faut-il véritablement choisir entre la vérité du discours moraliste et les ornements de la seconde rhétorique, entre la forge de la prose et la musique de la rime ?

Disciple de Chastelain, Antitus se range résolument du côté d’Argus dans Les Quatre Eages passées, associant la figure du Titan à la créativité des hommes de l’Age d’argent, moralistes lucides, forgeurs de mots et constructeurs de villes :

Car, ainsi que Argus a cent yeulx

Peust de pluseurs choses juger

Villes et fors vouldrent forger12.

L’œuvre de Jean Molinet ménage constamment l’ambiguïté sur ce sujet. Argus est chez lui un comparant élogieux du bon prince dans la Naissance de Charles d’Austrice en 150013. L’écrivain hésite alors à se dire Mercure. L’évocation liminaire de la Journée de Thérouanne en 1479 illustre ces ambiguïtés :

Chante, Mercure, a la verge aureïne

Qui les cent yeulx Argus fist sommeiller

Vecy le temps qu’on doit se reveiller… (ibid, I, p. 127)

L’intercession de Mercure, muse élue par Molinet, est brouillée par la contradiction entre ce dieu de l’endormissement et le réveil que le Rhétoriqueur conseille à ses concitoyens.

Jean Lemaire de Belges adopte une attitude a priori moins équivoque en choisissant le vainqueur d’Argus comme figure tutélaire de ses textes. C’est Mercure Psychopompe qui mène l’Amant Vert au paradis ; c’est lui qui se proclame l’auteur du Second Livre des Illustrations de Gaule et de Troie :

A la fleur de toute tresclere et tresdouce jeunesse virginale et feminine de France, Mercure, jadis reputé Dieu d’éloquence, d’engin et de bonne invention, salut !14

Mais quelle est la part de la parodie dans ce choix ? Mercure chez Lemaire, vainqueur de l’Argus des anciennes générations de Rhétoriqueurs, est le bien curieux Virgile d’un Dante perroquet dans les Epistres de l’Amant Vert. Il dédie un ouvrage d’histoire, les Illustrations, non aux princes, mais aux dames. Il se révèle le père de Génius et de l’art érotique dans la Concorde des deux langages. Le dernier Indiciaire fait ainsi, avec humour, insensiblement glisser l’éloquence politique de ses prédécesseurs vers le domaine amoureux.

Jean Lemaire, suivi par Clément Marot qui, en traduisant de nouveau le Premier Livre des Métamorphoses d’Ovide fait revenir Mercure et Argus à leurs sources mythologiques, accomplissent ce que F. Cornilliat nomme la « révolution familière » du XVIe siècle. Les premières décennies de cette période voient le retour à une persona intime du poète. Celui-ci conserve pourtant l’autorité qu’il a acquise sous le masque de l’Argus public. La poésie de la Renaissance va achever le cheminement complexe de cette figure de Titan, considérée tour à tour comme lucide ou aveugle. L’observation de l’histoire cède de nouveau la place à la louange des dames, remplaçant au centre de la scène littéraire l’orateur moraliste par le poète amoureux.

Argus voit alors ses emplois s’intensifier et se diversifier. La valorisation de son rôle dans le domaine alchimique est parallèle à son retour dans une thématique courtoise15. Le berger de Junon reprend alors place aux côtés de l’écrivain amoureux. Geôlier redouté de la jeune fille chez Machaut, il est chez Maurice Scève la dame elle-même, qui, dans une étonnante conversion du mythe, méduse son propre amour et endort le poète :

A son amour la belle aux yeulz aigus

Fait un bandeau d’un crespe de Hollande

Lequel elle ouvre, et de plumes d’Argus

Le va semant par subtilité grande (Délie, Dizain 268)

L’amoureux lui-même se souhaite Argus, non pour mieux contempler la beauté du monde, à l’instar des Rhétoriqueurs, mais pour se laisser éblouir par le soleil féminin :

Comme gelée au monter du soleil

Mon âme sent, qui toute se distille

Au rencontrer le rayant de son œil

Dont le pouvoir me rend si fort débile

Que je deviens tous les jours moins habile

A resister aux amoureux traictz d’elle.

En la voyant ainsi plaisamment belle

Et le plaisir croissant de bien en mieulx

Par une joye incongnue et novelle

Que ne suis donc, plus qu’Argus, tout en yeulx ?16

Pierre de Ronsard accomplit pleinement les potentialités du mythe, en utilisant fréquemment Argus comme le symbole du poète. L’un des premiers sonnets adressés à Hélène déplore plaisamment l’incapacité de l’auteur à atteindre à l’idéal érotique symbolisé par le pasteur mythologique.

Je voudrois estre Argus, mais je rougis de honte

Pour voir tant de beautez que je n’ay que deux yeux17

Ronsard fait d’Argus un référent commun pour sa poésie amoureuse comme pour son expression politico-épique, soulignant par ce détail la réconciliation qu’il opère entre deux cultures de l’éloge, celle de la femme, celle du prince, unies désormais par un élément central, la personne même de l’écrivain lyrique18.

Le sonnet 138 des Amours de 1553 articule d’ailleurs sur cette comparaison un art poétique.

Hausse ton vol et d’une aile bien ample

Forçant des vents l’audace et le pouvoir

Fay, Denisot, tes plumes émouvoir

Jusques au Ciel, où les Dieux ont leur temple.

Là, d’œil d’Argus leurs déitez contemple

Contemple aussi leur grace et leur savoir

Et pour ma Dame au parfait concevoir

Sur les plus beaux fantastique un exemple. (ibid, p. 95)

L’adresse au peintre Denisot n’est pas anecdotique. Grâce à elle, peinture et littérature abandonnent leur concurrence, fusionnant musique et vision. L’assimilation d’Argus et du peintre-poète rappelle le pouvoir ailé du Titan, annoncé par Chastelain, en y ajoutant la puissance du chant. Argus permet de contempler le monde céleste pour y trouver un équivalent de la dame, restituant à la fois sa copia et sa varietas. Ronsard retrouve les procédés encomiastiques chers aux Rhétoriqueurs, qui tentent de mieux chanter leur commanditaire en le prenant pour point de référence des dieux. Mais Cassandre remplace ici Charles le Téméraire. Au cœur du sonnet, un « je » singulier, emporté par son inspiration, a la puissance et l’autorité de la voix publique.

La Renaissance française, loin d’être issue d’un deus ex machina, comme la critique littéraire a longtemps tendu à le faire croire, se découvre, en suivant l’histoire d’une simple fable mythologique, comme l’héritière des tensions qui ont traversé la lyrique des XIVe et XVe siècles, à la recherche d’un nouveau pouvoir du poète. Argus trouve dans les œuvres du XVIe siècle une place privilégiée, illustrant une esthétique de la profusion et de la variété, avant que le Baroque ne fasse du paon l’oiseau emblématique de nouveaux questionnements et de nouvelles inquiétudes. Le texte célèbre que Du Bartas consacre dans la Sepmaine au paon, animal à la fois cosmologique, politique et amoureux, semble l’aboutissement du travail de la Renaissance sur la fable d’Argus.

Mais plus des astres clairs j’admire ou plus j’y pense

La grandeur, la beauté, le nombre, la puissance,

Comme un paon qui, navré du piqueron d’amour,

Veut faire, piafard, à sa dame sa cour

Tasche estaller en rond les thresors de ses ailes (…)

Pour faire que la terre aille plus ardamment

Recevoir le doux fruit de son embrassement…19

Mais le Titan, devenu oiseau protéiforme, exprime alors aussi la tentation du déguisement et, peut-être, du mensonge des couleurs rhétoriques.

C’est également sous la plume de Ronsard que réapparaît Polyphème. Les Amours de Marie font du Cyclope oublié, non l’image d’un désir sauvage et violent, mais au contraire le symbole du pouvoir de consolation que possède la poésie.

En chantant, Patoillet, on charme le souci.

Le Cyclope Aetnean se guarissoit ainsy

Chantant sur son flageol la belle Galatée. (sonnet 59, ibid, p. 226-227)

L’exemplum du Voir Dit trouve, dans ce raccourci, une étonnante résolution. Après Ronsard, de Tristan l’Hermitte à Jean de La Fontaine20, Polyphème redeviendra un héros lyrique de première importance pour exprimer, en retrouvant les sources de Machaut, la puissance du chant désespéré et la tragédie inhérente à l’amour.

Aveuglement lyrique ou yeux de l’éloquence, Polyphème musicien ou Argus orateur : le destin littéraire de deux figures mythologiques apparemment mineures a permis d’analyser les tensions qui ont présidé à la naissance de l’auteur moderne, du XIVe au XVIe siècle. Chez Guillaume de Machaut, Argus est intégré à la dynamique amoureuse du secret et du public, en compagnie de Malebouche, tout en s’ancrant dans la perspective éthique qui soutient tout le discours du Voir Dit, la vérité ou la fausseté de la parole. Polyphème illustre dans ce texte une contradiction esthétique : comment écrire d’amour, entre rudesse du désir et subtilité du chant, construction et destruction du moi ? Comment l’auteur, en tant que personnage socialement décalé dans le monde médiéval, peut-il parvenir à découvrir dans son propre texte la légitimité de son activité ?

Ce sont de pareils problèmes qui vont faire évoluer la lyrique vers une voie apparemment divergente. La plainte amoureuse en première personne devient éloquence engagée et vox publica. La marginalité de Polyphème est oubliée au profit d’un Argus que son regard multiple rend à la fois central et périphérique. La littérature du XVe siècle ne choisit pas le champ politique uniquement pour des raisons circonstancielles, mais pour conquérir un pouvoir alors que la puissance temporelle des princes vacille. Les yeux de l’éloquence, acquis des premières générations de la Grande Rhétorique, sont pourtant porteurs de contradictions que les écrivains peineront à résoudre : comment faire resurgir en Argus l’habile rhétorique sans succomber aux pièges de Mercure ?

De ces questionnements la poésie du XVIe siècle, de Jean Lemaire de Belges à la Pléiade, tire la puissance de son énonciation, tout en choisissant de réintégrer le domaine amoureux et de donner au désir personnel l’auctoritas acquise par les moralistes. Ce n’est qu’après le triomphe d’un Argus complet, épique et courtois tel que le peint Ronsard, que ressurgiront les inquiétudes baroques incarnées par Polyphème et annoncées par Guillaume de Machaut : comment transcrire la vérité d’un monde changeant, comment en poésie « voir dire » ?

Annexe

Liste non exhaustive des occurrences du thème d’Argus au XVe siècle et dans quelques textes antérieurs21.

AuteurTitre de l’œuvreLignes/vers
AnonymeRègles de Seconde Rhétoriquep. 15
AnonymeRègles de Seconde Rhétoriquep. 41
AnonymeLe Pastoraletp. 91, v. 2059 et suiv.
AntitusQuatre Eages du mondep. 31
Arnoul GrébanMystère de la Passiont. I, p. 323
Christine de PizanEpistre OtheaChap. 30
Christine de PizanLe livre de la Mutacion de Fortunet. 3, p. 30
Christine de PizanCent Ballades, 90 / ballade pouetique…v. 16
Christine de PizanCent Ballades, 61 / Lo fu une damoiselle…v. 22
Eustache DeschampsTome I, Ballade 13v. 1
Eustache DeschampsTome III, p. 266-267v. 1-10
Eustache DeschampsTome Xp. 54 et p. 84
George ChastelainDouze Dames de RhétoriqueEd. David Cowling, p. 142 et suiv.
GrimaceBallade à double texte22University of Pennsylvania, ms. fr. 15
Guillaume de DigulevillePelerinage de l’Amep. 275, v. 8462
Guillaume de DigulevillePelerinage de Vie Humainep. 242
Guillaume de MachautVoir Ditp. 620-644
Huon de MéryLe Tournoiement Antéchristp. 72 (édition 1888)
Jacques LegrandLe Livre de Bonnes Meursp. 333
Jean GersonVivatp. 1138
Jean GersonRexp. 1027
Jean Lemaire de BelgesTemplel. 134
Jean Lemaire de BelgesTemplel. 281, 707
Jean MolinetL’art de Rhétoriquep. 214
Jean MolinetL’art de Rhétoriquep. 237
Jean MolinetChroniquesI, 41
Jean MolinetTherouennev. 7
Jean MolinetRessource du Petit Peuplep. 141, v. 18
Jean MolinetBergierv. 220
Jean MolinetNaissance Charles d’Austricev. 135
Pierre GringoreFolles Entreprisesp. 91

Bibliographie

Textes médiévaux analysés

ANTITUS, Les Quatre Eages passées, édition M. Python, Genève, Droz, 1992.

CHRISTINE DE PIZAN, Epistre Othea, édition G. Parussa, Paris, Droz, TLF, 1999.

EUSTACHE DESCHAMPS, Œuvres poétiques, édition Queux de Saint-Hilaire, Paris, SATF, 1894, tome I.

JACQUES LEGRAND, Le Livre de bonnes meurs, édition E. Beltran, Paris, Champion, 1986.

GEORGE CHASTELAIN ET JEAN ROBERTET, Les Douze Dames de Rhétorique, édition D. Cowling, Paris, TLF, 2002.

JEAN LEMAIRE DE BELGES, Les Illustrations de Gaule et de Troie, édition J. Stecher, Louvain, J. Lefever, 1882-1885, 4 volumes, tome II.

La Concorde des deux langages, édition J. Frappier, Paris, Droz, TLF, 1947.

JEAN MOLINET, La Journée de Thérouanne (1479), édition N. Dupire, Paris, SATF, 1937-1939 (I, 127).

Le Pastoralet, édition J. Blanchard, Paris, Champion, 1983.

Textes de la Renaissance analysés

DU BARTAS, La Sepmaine, édition Y. Bellenger, Paris, Nizet, 1981.

CLEMENT MAROT ET BARTHELEMY ANEAU, Les trois premiers Livres de la Métamorphose d’Ovide, édition J.-C. Moisan et M.-C. Bonenfant, Paris, Champion, 1997.

PIERRE DE RONSARD, Premier Livre des Sonnets pour Hélène, édition de M. Simonin, J. Céard et D. Ménager, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1993, vol. 1.

MAURICE SCEVE, La Délie, édition F. Joukovsky, Paris, Garnier, 1996.

Bibliographie critique sélective

Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET, « Polyphème ou l’antre de la voix dans le Voir Dit de Guillaume de Machaut » dans L’Hostellerie de pensée, études sur l’art littéraire du moyen âge offertes à Daniel Poirion par ses anciens élèves, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1995, p. 105-118.

François CORNILLIAT, « Fonctions sociales et éthiques de l’écriture au XVe siècle » in : Poétiques de la Renaissance, sous la direction de F. Hallyn et P. Galand-Hallyn, Genève, Droz, 2001, notamment p. 327-331.

Estelle DOUDET, « Poétiques en mouvement : le ‘beau débat’ des Douze Dames de Rhétorique », Etudes de Lettres, nº 4, 2002, p. 83-110.

Jean-Claude MUHLETHALER et Joël BLANCHARD, Ecriture et pouvoir à l’aube des temps modernes, Paris, PUF, 2002.

Friedrich WOLFZETTEL, « La poésie lyrique en France comme mode d’appréhension de la réalité. Remarques sur l’invention du sens visuel chez Machaut, Froissart, Deschamps et Charles d’Orléans » dans Mélanges offerts à Charles Foulon, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1980, p. 409-419.

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1 Jacques Legrand, Archiloge Sophie, édition E. Beltran, Paris, Champion, 1986, p. 149.

2 Voir à ce sujet l’article de Friedrich Wolfzettel, « La poésie lyrique en France comme mode d’appréhension de la réalité. Remarques sur l’invention du sens visuel chez Machaut, Froissart, Deschamps et Charles d’Orléans » dans Mélanges offerts à Charles Foulon, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1980, p. 49-419.

3 « On note également des parallélismes, du point de vue de la structure narrative, entre l’histoire de Polyphème et celle d’Argus, très présent, par des mentions ponctuelles, dans cette partie du Voir Dit. Il n’apparaît pas ailleurs dans l’œuvre de Guillaume de Machaut, mise à part la ballade ‘Ne quier vëoir la biauté d’Absalon / de Ulixes le sens et la faconde’, mais qui est précisément insérée dans le Voir Dit. (…) Paradigme des puissances dionysiaques qui endorment la conscience, l’œil de la raison. » Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « Polyphème ou l’antre de la voix dans le Voir Dit de Guillaume de Machaut » dans L’Hostellerie de pensée, études sur l’art littéraire du moyen âge offertes à Daniel Poirion par ses anciens élèves, Paris, Presses de l’Université de Paris Sorbonne, 1995, p. 105-118, citation p. 109-111.

4 Le Livre du Voir Dit, édition Paul Imbs et Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Paris, Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1999, p. 484 à 606 ; Argus apparaît cinq fois cité avant l’épisode de Polyphème, inséré aux vers 6742 et suivants (p. 620-644).

5 Livre du Voir Dit, ibid, p. 642.

6 Cf. Liste des occurrences dans l’annexe bibliographique.

7 Ballade 13, édition Queux de Saint-Hilaire, Paris, SATF, 1894, tome I, p. 88 ; voir également tome X, p. 54 et 84.

8 En Angleterre, John Waldeby dénonce les tentations des prêtres par une glose conjointe de la parole de Saint Mathieu « Je frapperai le berger et seront dispersées les brebis du troupeau » (Mt. 26, 31) et de la fable d’Argus, figure des prêtres aveuglés par la luxure. Cf. G.R. Owst, Literature and Pulpit in Medieval England, Cambridge, 1993, p. 186.

9 Cette mutation est sensible dans l’Epistre Othea de Christine de Pizan, où la glose religieuse de la fable, qui dénonce le diable sous les traits de Mercure, est parallèle à une leçon morale autant qu’amoureuse : « Pour ce dit au bon chevalier que de tel flajol ne se doit laissier endormir que il ne doit desrobez de ce que il doit bien garder » (Epistre Othea, édition Gabriella Parussa, Paris, Droz, TLF, 1999, p. 244-245).

10 Le Pastoralet, édition Joël Blanchard, Paris, Champion, 1983, p. 91, v. 2059 et suivants.

11 Edition David Cowling, Paris, TLF, 2002, p. 142. Certains manuscrits substituent d’ailleurs à « Seur » le terme de « cueur », sous le même signe de l’intimité : « Cœur Argus suis je, ayant yeux bien cent mille » (ainsi Bruxelles, BR.II 6977, f. 25r)

12 Edition M. Python, Genève, Droz, 1992, p. 31.

13 Edition N. Dupire, Paris, SATF, 1937-1939, I, p. 357.

14 Edition Stecher, Louvain, J. Lefever, 1882-1885, tome II, p. 1.

15 Clément Marot et Barthélémy Aneau, Les trois premiers Livres de la Metamorphose d’Ovide, édition J.-C. Moisan et M-C. Bonenfant, Paris, Champion, 1997. En suivant de près le texte latin, Clément Marot efface les moralisations du XIVe siècle. Cependant les gloses de Barthélémy Aneau sur la traduction de Marot inscrivent le motif dans une signification cosmologique : « Argus est le Ciel par [Dieu] créé qui tout garde en soy et regarde de toutes parts. Ses cent yeux sont les astres estoilles et lumières, en nombre de cent fini pour infini, desquelles les unes disparentes par leur occident, les autres commencent à apparaistre leur orient. Et est dict Argos argeow pour ce qu’il ne faict rien que tournoyer et contempler » (p. 77). Aneau est influencé dans cette description par les œuvres hermétiques du XVIe siècle, comme les Commentaires hieroglyphes ou images des choses de Valeriano Bolzani, traduit par Gabriel Chappuys en 1576. L’ouvrage, dans la tradition des Saturnalia de Macrobe, consacre un chapitre à « Argus par lequel on signifie la Masse ou Machine du monde » (V. Bolzani, ibid, Lyon, Barthélémy Honerat, 1576, tome II, 2e partie, Livre I, p. 374). A la Renaissance, Argus et Mercure sont essentiellement des figures alchimiques.

16 Dizain 290, édition F. Joukovsky, Paris, Garnier, 1996, p. 135.

17 Sonnet 17, dernier tercet, Premier Livre des Sonnets pour Hélène, édition de Michel Simonin, Jean Céard et Daniel Ménager, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1993, vol. 1, p. 351.

18 Nous souscrivons pleinement à l’analyse que donne du phénomène François Cornilliat : « L’éloge poétique à la Ronsard consacre à mettre en scène la personne fictive du poète – dans son unicité mystérieuse et ludique, dans l’arrogance de sa culture, dans son refus des gestions quotidiennes du social et du politique – une grande partie de l’énergie autrefois employée à mettre en scène le social ou le politique comme tels (…), avec l’encomiaste pour témoin. » dans Poétiques de la Renaissance, sous la direction de Fernand Hallyn et Perrine Galand-Hallyn, Genève, Droz, 2001, p. 331.

19 Du Bartas, La Sepmaine, édition Yvonne Bellenger, Paris, Nizet, 1981, vol.1, p. 240

20 Gongora rédige dès 1611 une Fable de Polyphème et de Galatée, allégorie de la libération des mots dans la poésie. En France, Tristan l’Hermitte offre à Polyphème un chant de vengeance dans la Lyre et Jean de La Fontaine, dans sa pièce Galatée, fait du Cyclope l’emblème d’une constance mal récompensée. Argus, dont le nom sert alors de titre aux catalogues des bibliothèques, est un sujet privilégié de la peinture espagnole baroque, notamment chez Velasquez (Argus tué par Mercure, Musée du Prado).

21 Nous remercions Tania Van Hemelryck (FNRS – Université de Louvain-la-Neuve) pour nous avoir permis d’élaborer ce relevé à partir de son travail de recension des figures exemplaires dans la littérature de la fin du moyen âge (CD-rom FigEx en cours de réalisation).

22 Merci à Agathe Sultan pour nous avoir signalé ce texte.