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Poète sacré, poète maudit

Michel ZINK

Cet exposé paraît, à son point de départ, prendre en compte de façon banale the Modernity of the Middle Ages, et non the Modernity in the Middle Ages. Mais l’hypothèse qui me guide — et qui est banale elle aussi — est que c’est la même modernité. Selon cette hypothèse, il y aurait eu une continuité de la modernité du XIIIe siècle à une période récente, continuité dont nous avons l’impression qu’elle est aujourd’hui rompue, qu’il y ait dans cette impression une part de vérité ou qu’elle relève de l’illusion commune à chaque génération de se croire contemporaine d’une Epochenschwelle1. La conséquence de cette impression, fondée ou illusoire, est que, jouant et jouissant d’une double distance à l’égard des générations qui nous ont immédiatement précédés et à l’égard du Moyen Age, nous pensons mieux comprendre le Moyen Age que ne l’ont fait nos prédécesseurs pour la raison paradoxale que nous avons conscience d’une rupture dans la continuité culturelle, rupture qui nous sépare à la fois d’eux et de lui. Toutes les analyses, toutes les hypothèses récentes touchant les sensibilités médiévales mettent en relief leur altérité au regard des nôtres, alors que le goût manifesté depuis deux cents ans pour le Moyen Age s’enracinait, et cherchait à se justifier, dans le sentiment d’une parenté ou d’une identification. Cela est vrai s’agissant de la poésie, qui va nous occuper, comme dans d’autres domaines.

Commençons sans crainte par les truismes. Du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, le poète s’est considèré à la fois comme maudit et comme sacré. C’est l’apport de la révolution baudelairienne (Bénédiction), c’est le fondement de la valorisation de la folie nervalienne ou de la déchéance verlainienne, c’est le sens de la passion selon Rimbaud. Le poète se considère comme sacré, parce que la poésie est pour lui un devoir et une mission, auxquels il ne peut se dérober sans trahir. Il est l’oint (unctus et non procul!) du verbe. Il a le devoir de proclamer une vérité essentielle et cachée, qui ne peut être tue mais qui ne peut pas davantage être comprise de tous. C’est pourquoi le poète, en même temps qu’il est sacré, est maudit, parce que son génie même le marginalise au regard de la société, des philistins, et se nourrit de ce qui est source d’opprobre. Il ne peut pas ne pas témoigner, mais son témoignage ne peut pas être entendu, et le fait repousser et haïr. Le poète est, strictement, appelé à la vocation de martyr.

La marginalité du poète lui est donc essentielle. Elle garantit l’authenticité de son expérience et de son témoignage. Elle fait de sa parole une vox clamans in deserto, à la fois entendue et refusée, comme celle de Jean-Baptiste, elle fait de lui-même un être à la fois exclu et sacré, objet à la fois de la haine, du mépris et de la crainte révérencieuse de la foule — je n’ose dire en ce lieu et devant cet auditoire qu’elle fait de lui un bouc émissaire.

Cette marginalité s’est exprimée à travers le stéréotype de la bohême et du poète mauvais garçon, et on lui a cherché dans cette perspective des ancêtres au Moyen Age. Tout le monde connaît l’essai de Valéry sur « Villon et Verlaine »2. Gustave Cohen, si parvis licet componere magna, a écrit un article intitulé « Rutebeuf, l’ancêtre des poètes maudits »3. Le pseudonyme de Jehan Rictus et l’image de soi que donne l’auteur impliqué des Soliloques du pauvre sont, comme ce titre même, suffisamments éloquents. Léo Ferré, qui chante « La poésie fout l’camp, Villon :/ Allons boire à la chanson » (1958), paraît croire que la poésie de Villon était chantée et avait en elle-même quelque chose de canaille et de populaire : visiblement, il imagine Villon grattant la guitare et zonant dans le grand Paris. C’était, mutatis mutandis, une image analogue qui inspirait un siècle plus tôt les affectations médiévales des romantiques, celles du stupide Hussonet de l’Education sentimentale. Dans les années 1870, à l’époque où la Romania est l’organe de la jeune philologie positiviste, le vieux Sylvestre Bonnard d’Anatole France, qui lit avec admiration la nouvelle revue, s’étonne que les jeunes chartistes dont il surprend la conversation au Luxembourg aient renoncé aux oripeaux médiévaux :

Ils ne portaient point, comme nous, de longs cheveux sur des pourpoints de velours; ils ne se promenaient pas, comme nous, avec une tête de mort; ils ne s’écriaient pas, comme nous : « Enfer et malédiction! » Ils étaient correctement vêtus et ni leur costume ni leur langage n’empruntaient rien au Moyen Age. Je dois ajouter qu’ils s’occupèrent des femmes qui passèrent sur la terrasse et qu’ils en apprécièrent quelques unes en termes assez vifs. Mais leurs réflexions sur ce sujet n’allèrent pas jusqu’à m’obliger à quitter la place4.

L’appel au Moyen Age pour justifier la marginalité — celle, superficielle, de la mode et celle, essentielle, du poète — n’était pas dénué de tout fondement, et l’on voit bien, c’est évident, le parti que l’on pouvait tirer de la poésie de Villon, des « compains de galle », des « enfants perdus », des ballades en jargon, du « Tout aux tavernes et aux filles » : Rabelais avait été tout le premier victime de cette imagerie. On voit bien le parti que l’on peut de la même façon tirer de Rutebeuf, « l’ancêtre des poètes maudits », comme dit Cohen. Et il est vrai que Rutebeuf marque un début, qu’il est investi, en son temps d’une modernité. Pourtant cette image naît, c’est aussi l’évidence, d’un malentendu. Je voudrais montrer ici que ce malentendu romantique, si on peut ainsi l’appeler, vient, non pas d’une vision trop affective, trop impressionniste, trop sentimentale du Moyen Age, comme on a eu tendance à le penser plus tard, mais d’une vision trop proche. Ceux qui la partageaient étaient plus exactement dans le vrai, touchaient plus juste qu’ils ne pouvaient l’imaginer; d’où leur erreur. Rutebeuf est beaucoup plus un poète sacré et beaucoup plus un poète maudit que ne l’ont cru ceux qui à l’époque moderne se sont prétendus ses successeurs, ou au moins il l’est dans un sens très différent du leur, parce qu’il ne l’est pas dans un sens métaphorique. Seul Valéry, perspicace comme toujours, a observé que ce qui rapproche Villon de Verlaine, ce n’est pas seulement la marginalité, mais aussi la religiosité. Mais je voudrais ajouter qu’en corrigeant l’image de Rutebeuf — puisque c’est lui qui me servira d’exemple — et du courant poétique dont il est un des premiers représentants, nous ne restituons pas une vérité du Moyen Age que nos prédécesseurs aurait ignorée, mais nous soulignons seulement les symptômes de notre propre modernité.

L’œuvre de Rutebeuf appartient à une tradition de poésie religieuse, morale et satirique, dans laquelle l’auteur, dans un effort qui relève au départ de la persuasion, tend à s’afficher toujours davantage, jusqu’au point où sa propre image inscrite dans le poème en devient parfois le sujet même. Evolution d’autant plus naturelle que cette poésie comporte un fort aspect de théâtralisation et a pour vocation d’être actualisée dans une performance au cours de laquelle l’interprète ou le récitant, qui prend conventionnellement le texte à son compte, s’affiche et s’impose. Dans cette perspective, les poèmes de Rutebeuf relèvent tous du même genre, entendu dans un sens très large, et de la même veine, quelles que soient leurs différences de sujet et de ton. Ils possèdent une unité thématique, qui est religieuse, une unité de manière, autour des modalités d’implication de l’auteur, une unité d’écriture. Ils se situent dans la continuité des « bibles », des « sermons » en vers, des revues des états du monde, qui, à la charnière du XIIe et du XIIIe siècle, tendent à s’enraciner dans l’expérience et le point de vue particuliers du poète, en un mouvement jalonné par des œuvres comme les Vers de la Mort d’Hélinand de Froidmont et les Congés d’Arras, et associent l’exhibition du moi à la satire du monde. C’est du côté de cette parade du moi, de plus en plus envahissante, que se trouve, en cette seconde moitié du XIIIe siècle, l’avenir de l’idée même de poésie, ou pour mieux dire son éclosion, car c’est une notion nouvelle. C’est du côté de cette parade du moi que se trouve, de façon beaucoup plus générale, l’expression moderne de la conscience, qui témoigne d’elle-même à travers sa capacité d’effusion.

Mais cette conscience n’est que sous le regard de Dieu, et le poète ne l’oublie pas, alors même qu’il prétend que la figure bifrons qu’il construit de mots est à la fois son double et celui de l’« hypocrite lecteur ». La parade du moi a Dieu pour spectateur, et elle est vis-à-vis de lui parade dans le double sens d’exhibition et de protection. Rutebeuf est totalement fidèle à l’inspiration religieuse et morale en même temps que satirique qui est celle du courant poétique auquel se rattache son œuvre. Il est impossible de distinguer dans sa production des poèmes religieux d’autres qui ne le seraient pas. Tous — nous en connaissons cinquante six — sont marqués par les préoccupations religieuses, à l’exception de quatre (le Dit de l’herberie, Brichemer, les Ribauds de Grève, Chariot le Juif qui chia dans la peau du lièvre — encore Charlot est-il juif) ou la satire, sous des formes diverses, est seule présente. Même un fabliau ordurier comme le Pet au vilain traite sur le mode plaisant du salut éternel. Même un débat grotesque comme la Dispute de Chariot et du Barbier exploite des arguments religieux, puisque Charlot est juif. Dira-t-on que les poèmes universitaires et ceux de la croisade n’abordent les questions religieuses que sous l’angle de la pure propagande politique et parce que leur thème l’impose ? Ce serait faire une confiance bien aveugle à nos impressions spontanées et préjuger bien hardiment des sentiments réels du poète, qui, bien entendu, nous échappent. Le fait est que ce sont des poèmes religieux, où le souci de découvrir la volonté de Dieu et les voies du salut est partout affiché. Ces mêmes préoccupations sont aussi présentes dans la Repentance Rutebeuf que dans la Repentance Théophile — cet extrait du Miracle de Théophile que le manuscrit C copie sous ce titre. Pourquoi placer le premier de ces poèmes parmi les « poèmes de l’infortune », la Voie d’Humilité (ou de Paradis) parmi les « poèmes de l’Université de Paris », Frère Denise parmi les « pièces à rire »5 ? Tous sont tout autant des « poèmes religieux ».

Cette inspiration religieuse offre une première clé pour comprendre les termes dans lesquels Rutebeuf se présente et se déprécie lui-même en jouant de son nom. « Rutebeuf qui est dit de ‘rude’ et de ‘bœuf’ », « Rutebeuf, qui rudement œuvre », Rutebeuf, incapable de travailler et qui ne sait que rimer : on sait combien sont fréquentes ces formules dépréciatives et ces protestations d’incompétence. On devine à présent leur origine et leur raison d’être. Derrière le topos d’humilité se dessine une inquiétude spirituelle que l’on trouve formulée par d’autres poètes. Ainsi, le Besant de Dieu de Guillaume le Clerc de Normandie (1224) se présente comme une réponse au cas de conscience que le poète expose dans le prologue : couché dans son lit un samedi soir, il a réfléchi qu’il se damnait en composant des œuvres frivoles et mondaines, des fabliaux et des contes, et il a éprouvé la nécessité de se tourner vers Dieu et de travailler à son salut. Mais comment ? Il a une famille à nourrir et il ne sait rien faire d’autre que « versifier en roman ». La solution est, bien entendu, de composer une œuvre édifiante et de faire ainsi fructifier le talent — le besant — que Dieu lui a donné. Mais cette solution n’est pas un idéal; c’est un compromis avec les circonstances. Il vaudrait mieux, sans doute, se consacrer entièrement à Dieu, quitter le monde, entrer au couvent. Mais il faut écrir pour gagner l’argent du ménage. Ecrivons donc de façon à plaire tout de même à Dieu.

L’activité poétique n’est donc pas pour ce poète du côté de l’idéal — et l’on voit combien on est loin du sacre du poète au XIXe siècle. Elle est du côté des nécessités matérielles de la vie quotidienne. On est poète parce qu’il faut bien vivre, faute de savoir faire autre chose, et Dieu n’y trouve pas toujours son compte. Cette double et même condamnation à la misère et à l’écriture est présentée comme allant de soi, comme la définition du poète nécessairement reflétée par l’image que donne de lui le poème.

Rutebeuf ne dit pas autre chose : je rime au lieu de travailler, parce que je ne sais faire aucun autre travail (Dit du Mensonge ou Bataille des Vices contre les Vertus 9-11); je vous dis ce que j’ai sur le cœur, parce que je ne sais rien faire d’autre (Constantinople 4-5); j’appelle la protection de Dieu sur Jaffa, Acre et Césarée, ne pouvant leur être d’aucun autre secours, car je ne suis pas homme de guerre (Constantinople 29-30). Et ailleurs, précisant les implications religieuses : Notre Seigneur dit que celui qui ne travaille pas n’a pas le droit de manger, et moi je prie la Vierge de guider « ma parole et mon dit », car je ne suis capable d’aucun autre travail (Sainte Elysabel 1-14); j’ai rimé aux dépens des uns pour plaire aux autres, me livrant ainsi au pouvoir du diable (Repentance 38-42). Ou enfin, soulignant que la poésie, c’est la misère : je ne sais pas travailler de mes mains (Mariage 98).

Ainsi, attirer l’attention sur la nature particulière de son travail, c’est, de la part du poète, faire acte d’humilité, voire acte de contrition : ce travail n’en est pas un. Il conduit à la misère et, si Dieu n’y veille, au péché. Il faut l’emportement de la polémique pour que Rutebeuf fasse par la bouche de Courtois l’éloge de ses dits et de ses rimes, qui déplaisent aux couards et aux hypocrites (Hypocrisie 50-80). Encore est-ce en rêve. Encore est-ce hors de toute référence à l’idée de travail. Or cette idée ne pouvait qu’être importante aux yeux de Rutebeuf, car elle était au centre de la polémique à laquelle il a été mêlé. Le reproche le plus radical fait aux Ordres Mendiants portait sur la légitimité de la mendicité volontaire. Il conduisait leurs adversaires à célébrer le travail, à lui conférer en lui-même une valeur morale qu’il n’avait pas jusqu’alors — on n’y voyait traditionnellement rien d’autre qu’une souffrance, comme le dit l’étymologie, et une punition, celle du péché originel, qui a obligé l’homme à gagner son pain à la sueur de son front. Cette valeur rejoignait celle qu’il prenait à la même époque aux yeux de l’active bourgeoisie marchande. C’est le moment où 1’accidie laisse la place à la paresse dans la liste des péchés capitaux : Rutebeuf fournit lui-même sur cette évolution un témoignage intéressant (Voie de Paradis 359-402). Le poète peut se dire, comme l’intendant infidèle : « Que puis-je faire ? Travailler ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte » (Lc. 16,3). En présentant la composition poétique comme un succédané de travail, tout juste bon pour celui qui n’a aucune autre compétence et qui n’est au fond qu’un parasite et un paresseux, Rutebeuf joue à la fois d’un topos d’humilité traditionnel en littérature et de l’actualité nouvelle que lui donne l’évolution des sensibilités.

On comprend dès lors le lien qui unit ce motif aux calembours sur le nom de Rutebeuf. Ils le renforcent. Non seulement le travail de Rutebeuf n’en est pas un, mais encore il le fait mal. S’il y a à reprendre dans le poème, si la rime en est rude, il faut prendre garde au nom de celui qui l’a composé : il est rude, il travaille rudement (de façon grossière), il est rude comme est rude le bœuf, qui ne sait tracer qu’un sillon grossier, et il ne faut s’étonner que dans sa rudesse il commette des erreurs (Sacristain 750-760, Sainte Elysabel 2156-2168). Cette « rudesse » est ailleurs associée à la paresse, de manière à laisser entendre que, si Rutebeuf travaille de façon grossière, c’est qu’il ne travaille pas assez :

Au point du jor, c’on entre en oevre,

Rustebuef, qui rudement oevre,

Car rudes est, ce est la somme,

Fu ausi com du premier somme.

Or sachiez que gueres ne pensse

Ou sera prise sa despensse. (Voie de Paradis 17-22)

[Au point du jour, qu’on se met à l’ouvrage, Rutebeuf, dont l’ouvrage est rude, car il est rude, tout est là, était pour ainsi dire dans son premier sommeil. Il ne se demande guère, sachez-le, où il pourra trouver sa vie.]

Le point du jour, c’est l’heure où l’homme de bien se lève pour labourer et semer — et bienheureux celui qui sèmerait de façon que son âme moissonnât la semence divine! (vv. 9-16). Mais Rutebeuf dort. Il ne travaille pas avec conscience; il est grossier et son œuvre grossière. Il ne pense pas à assurer sa subsistance par son travail : son insouciance et sa paresse sont la cause de sa misère. Pourtant, endormi, il pourra rêver, et son rêve sera celui de sa conversion. Avouant sa paresse, le poète souligne donc d’un même mouvement ses conséquences matérielles — la misère —, ses conséquences morales — car les « fruits de la terre et du travail des hommes » sont l’image du fruit que peut porter l’âme —, ses conséquences dans l’ordre du « travail » qui est malgré tout le sien, et qui est grossier. Mais, par un retournement profondément chrétien, il trouve dans sa faiblesse même le chemin du salut, que lui montre son rêve, la « voie d’humilité », la « voie de paradis ».

Ce passage réunit les éléments qui déterminent la poétique de Rutebeuf : sur un fond de préoccupations religieuses, une exhibition de la faiblesse du poète qui englobe la misère, le vice (que l’on songe à l’imbrication des deux motifs dans les Griesches) et la performance poétique elle-même, sévèrement jugée dans son principe même et dont les défauts, le laisser-aller supposés définissent la figure du poète comme le fait son propre nom. A travers cette exhibition qui le condamne, il cherche en même temps à se défendre et à se sauver. Il s’exhibe devant tous ceux qui peuvent l’y aider, de ses protecteurs et ses commanditaires à la Vierge et à Dieu. Sa parade en est une dans les deux sens du terme.

Il n’est donc pas étonnant que les ressorts d’une telle poésie soient la théâtralisation, la dérision et, dans le langage même, une affectation de facilité, parfois de négligence et de lassitude blasée. La théâtralisation, car la poésie de Rutebeuf, comme sans doute une grande partie de la littérature médiévale, demande à être, non seulement récitée, mais encore à demi-jouée. Non pas jouée comme l’est une pièce de théâtre, dans laquelle l’acteur cherche à disparaître derrière le personnage, mais jouée comme peut l’être un soliloque de cabaret, dont l’interprète veut faire comprendre qu’il incarne quelqu’un d’autre sans laisser oublier qu’il est lui, tire ses effet et son succès soit du contraste soit de la similitude, qu’il souligne ou laisse entrevoir, entre lui et l’autre, et, plus radicalement, de sa virtuosité à inventer une voix. Le Dit de l’herberie n’est pas le boniment d’un marchand de simples. Il est l’imitation de ce boniment par un autre bateleur, le poète, qui le singe sans vouloir complètement s’effacer derrière lui : la première partie, en vers, impose sa présence, avant que la prose ne se confonde presque parfaitement avec l’original qu’elle imite. Le Miracle de Théophile est, en un sens, une « vraie » pièce de théâtre. Mais la conversion de Rutebeuf est si présente derrière celle de Théophile que le manuscrit C isole et copie seuls les deux morceaux de bravoure que sont le monologue du clerc repentant et sa prière à la Vierge. Il intitule le premier la Repentance Théophile, marquant ainsi sa similitude avec la Repentance Rutebeuf. Mais de façon beaucoup plus générale, hors de ces cas particuliers et quels que soient la forme et le sujet du poème, celui-ci suppose toujours une voix qui le dit, qui l’actualise, qui le soutient, une voix indignée, enflammée, pitoyable ou geignarde, une voix qui s’affiche comme celle du poète, non pas sa voix naturelle, mais sa voix de scène, sa voix travaillée par les effets de l’art. Cette voix s’entend chez Rutebeuf, comme elle s’entend dans les Congés d’Arras, comme elle s’entendra chez Villon. L’effet de confidence produit par cette poésie est d’abord un effet de voix.

S’il est un théâtre où chacun fait entendre sa voix, se produit et s’écoute, joue son propre rôle, parle bien haut avec une autorité feinte ou s’épanche avec un abandon suspect, et où pendant ce temps son vrai drame se joue en silence, c’est la taverne. Elle est systématiquement présente, et parfois imposée de façon incongrue, dans le plus ancien théâtre français, du Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel au Jeu de la Feuillée d’Adam de la Halle, en passant par Courtois d’Arras. Elle joue dans la définition du personnage poétique de Rutebeuf un rôle essentiel (Griesches). Elle offre au faible, incapable de résister à la passion du jeu et du vin, sa chaleur bruyante et sa sécurité illusoire. Mais l’espoir de gagner aux dés est toujours déçu, l’excitation collective retombe, les chansons se taisent (Griesche d’été 77-90), et elle le chasse misérable, nu — il a laissé ses vêtements en gage — et seul. Elle est donc à la fois le lieu où s’exhibe le moi, l’image de ses illusions, l’occasion de sa chute, la porte de la misère, celle du Mariage et de la Complainte Rutebeuf. Ce que nous appelons voix de théâtre est dans cette poésie une voix de taverne : elle trouve le ton juste sans pour cela dire le vrai, elle sait parler fort, mais prétend parler seule, sans rencontrer d’écho.

Une voix à la fois assumée et distanciée; la taverne comme lieu privilégié de l’exhibition du moi; une satire dirigée à la fois contre soi-même et contre les autres, une poétique fondée sur une image dépréciée de la poésie et de soi-même : partout la dérision est proche. On sait combien elle est présente, et sous quelle forme, dans les Congés d’Arras. Chez Rutebeuf, elle se manifeste aussi de façon moins explicite mais tout aussi percutante dans les jeux mêmes du langage, de la métrique, du rythme, dans cette négligence trompeuse, dans cette rudesse plus trompeuse encore qu’affecte le poète.

La poésie de Rutebeuf porte. Elle porte par sa vigueur persuasive et polémique. Mais elle porte aussi le lecteur par une sorte de recherche de la fascination par la facilité qui en fait une poésie du flot et du flux : le rythme à la fois satisfaisant et dégingandé du tercet coué, avec la surprise attendue du vers bref qui le termine mais ne le clôt pas, puisqu’il reste sur le suspens d’une rime isolée dans l’attente des octosyllabes du tercet suivant, qui eux-mêmes ont besoin de la chute désinvolte, chantante et lasse du vers de quatre pieds, qui à son tour…, les tercets se poussant et s’épaulant ainsi l’un l’autre comme des vagues, sans pouvoir s’arrêter sinon au prix d’une menue violence métrique. L’enchaînement des calembours, des homophonies, des paronomases qui soutiennent parfois à eux seuls la progression du poème pendant de longues suites de vers. Le ton entendu ou désabusé, le bon sens faussement innocent, l’affectation de simplicité des proverbes familiers inlassablement repris et retaillés à la mesure du mètre, l’exploitation avec une paresse un peu ostentatoire d’un stock de formules, d’images, de vers, de couplets entiers parfois répétés d’un poème à l’autre au hasard des contextes. L’impression qu’une suite de brèves sentences s’enchaîne en un long bavardage. Tout Rutebeuf est dans cette concision nerveuse et nonchalante avec laquelle il joue sur les mots.

Le texte paraît ainsi mêler continuellement la sophistication et l’à peu près. Les jeux verbaux sont souvent tirés par les cheveux, mais doivent être compris sans effort, au fil du poème. Les rimes sont souvent riches — les rimes masculines, en particulier, le sont presque systématiquement — et volontiers équivoques ou surabondantes. Mais en même temps certains manuscrits ne se soucient guère d’harmoniser les graphies, et il leur est indifférent d’offrir, au moins à l’œil, des rimes imparfaites. Un vers surnuméraire se glisse de loin en loin dans un tercet coué, le transformant en quatrain. Dans le schéma des strophes, de menues irrégularités surgissent, qui ne sont pas nécessairement des erreurs. Le poète affecte ainsi jusque dans ses subtilités la rudesse et la paresse dont il s’accuse. Mais c’est aussi la tendance naturelle, reflétée par les manuscrits, d’une poésie appelée à s’épanouir dans la performance orale, et soumise à la voix qui masque ses irrégularités ou accentue ses effets autant qu’aux règles de sa versification.

Une mise en scène du moi, qui impose sa présence en faisant entendre sa voix et fonde sur elle sa puissance de conviction : telle se présente la poésie de Rutebeuf. Cette parade du moi n’implique ni sincérité de l’engagement ni vérité de la confidence. Il est imprudent de déduire de l’œuvre du poète l’itinéraire de sa vie. Mais il est légitime de prendre en considération les personnages qu’il a joués et les voix qu’il a fait entendre. Que sa femme ait réellement ressemblé ou non au portrait qu’il en fait (Mariage), qu’il ait réellement eu un enfant et perdu un œil (Complainte), tout cela est de peu d’importance. Mais la confrontation des images qu’il donne de lui — le polémiste, le croyant, le parasite, le traîne-misère — parle d’elle-même et donne, sans qu’il soit besoin de supputer de leur réalité, des indications sûres. La « chronographie d’une vie rythmée » que propose Dufeil est convaincante comme chronographie d’une vie jouée. Au demeurant, la poétique de Rutebeuf suppose bien, pour être efficace, une relation étroite au réel, même si cette relation n’a certainement pas la limpidité d’un reflet. Et la lecture qui a été faite de son œuvre a été très tôt une lecture biographique. Ainsi, l’auteur du manuscrit G, écrit peu après 1328, après avoir montré la miséricorde de la Vierge en racontant le miracle de la femme délivrée, observe que, si la femme subit les douleurs de l’enfantement, l’homme a aussi sa part de souffrances, celles que lui apportent le mariage et les disputes avec sa femme, souffrances subies par Rutebeuf, dont il copie alors le Mariage.

Au-delà de la question biographique, l’âpreté satirique de Rutebeuf, la violence de ses partis pris, l’ostentation de ses faiblesses, de sa misère et de sa vie déréglée, ses rythmes et ses jeux sonores à la fois faciles et syncopés, comme égrenés d’une voix lasse, tout cela a facilité, on le conçoit, son assimilation à l’image moderne du poète bohème et mauvais garçon. Mais un examen de sa poétique et du courant littéraire auquel elle se ratache montre combien cet anachronisme est réducteur en faisant apparaître deux différences fondamentales. D’une part ce courant est celui d’une poésie religieuse, qui monnaye ses préoccupations spirituelles sous les espèces de l’exhortation morale ou de la peinture satirique du monde et du moi. C’est en payant de sa personne sur le théâtre de cette sorte de prédication rimée que le poète impose sa présence et finit par donner à son œuvre une sorte de coloration personnelle. Rutebeuf est un clerc des écoles, et sa poésie est d’abord une poésie de clerc dans ses préoccupations et dans sa manière. Ce n’est pas un hasard si on peut la rapprocher de celle du Clerc de Vaudoy, de Guillaume le Clerc de Normandie, d’Adam de la Halle, obsédé par la question de la cléricature. Il n’y a rien d’étonnant à ce que ce poète « personnel » n’ait pas laissé un seul poème d’amour. La poésie amoureuse appartient à un registre, une idéologie, une sensibilité tout différents des siens. On le sait bien, lorsque son contemporain Jean de Meun, clerc lui aussi, et fort savant, qui lui succède peut-être comme pamphlétaire du parti séculier à l’Université, lorsque Jean de Meun poursuit le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, il le subvertit au point de remplacer l’exaltation de la passion amoureuse par la peinture satirique des comportements amoureux et au point de vider de son sens l’idée d’amour qui fonde le poème de son prédécesseur pour la remplacer par les notions d’instinct sexuel et d’amour divin, audacieusement unies.

D’autre part Rutebeuf ne confère aucune valeur en soi à la fonction du poète et à la création poétique. La poésie n’est pas une revanche sur la misère et sur le vice, qui seraient le prix, lourd mais non excessif, qu’il faut payer pour être poète. Le poète ne bénéficie d’aucune aura particulière. N’avoir d’autre talent que celui de rimer est une faiblesse, qui met sur la voie de la misère et du vice, loin d’en consoler. Rutebeuf déplore de ne rien savoir faire d’autre que rimer et il ajoute que même cela, il le fait paresseusement et mal. Ce n’est pas seulement une humilité feinte et une captatio benevolentiae. C’est d’une part l’affirmation d’une tension essentielle entre l’inspiration religieuse, qui veut tout mesurer à l’aune des œuvres de salut, et la réalité de la poésie, qui, sans la miséricorde de Dieu, est plus œuvre de damnation que de salut. Et c’est aussi l’affirmation d’une cohérence essentielle entre l’influence néfaste de la poésie sur le poète et le tour négligé que le poète donne à sa poésie; entre sa poésie et ce qu’elle prétend révéler de lui-même; entre la voix qu’il prend et le personnage qu’il joue.

Cette cohérence disparaît, bien entendu, dès lors que l’on exalte la création poétique et que l’on fait de la malédiction du poète une conséquence de cette exaltation. Rutebeuf est un poète sacré, mais ce n’est pas son propre sacre qu’il proclame. C’est un poète maudit, non pas à cause de la grandeur de la poésie, mais parce qu’une activité aussi misérable entraîne au vice et porte en elle sa malédiction. Il en est à ses yeux de la poésie comme des cabrioles du Tombeur de Notre Dame : en soi, elle est au mieux frivole et inutile, au pire pécheresse, et si Dieu la prend malgré tout en gré et sauve son auteur de la damnation, c’est que sa miséricorde, si ce n’est son humour, auront daigné tenir l’intention pour mérite. Encore ne se charge-t-il pas de cette indulgence et en laisse-t-il la responsabilité à sa mère. Le Moyen Age ne valorise pas la condition du poète. S’il est attentif à la technique du poème, ce n’est pas parce qu’il attribuerait je ne sais quelle valeur cruciale, ontologique, à l’écriture et au maniement du langage, mais parce que, à la différence de l’Antiquité, il ignore la notion d’inspiration6. C’est pourquoi seul compte à ses yeux le travail, comme le répètent à l’envi ses poètes. C’est pourquoi les troubadours et les trouvères sont obligés de proclamer que leur amour est sincère, parce qu’ils n’ont pas l’idée d’un autre moteur de la composition poétique. Le Moyen Age révère la culture et les lettres, le savoir et le savoir-faire du compilateur, du professeur, du technicien de l’expression, non l’illumination du poète.

Mais tout ce que l’on peut dire pour dénoncer l’illusion romantique qui consiste à confondre les poètes du Moyen Age et les modernes poètes maudits n’empêche pas cette confusion de révéler au moins une vérité : il y a de la fin du Moyen Age — disons de la fin du XIIIe siècle — à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle le sentiment d’un continuité de la sensibilité, qui entraîne au malentendu parce qu’elle voile les évolutions, mais qui constitue une sorte de ciment culturel. Les cassures, entre le Moyen Age et la Renaissance, entre l’âge classique et le romantisme, paraissent avec le recul bien superficielles au regard de cette continuité. Aussi bien, elles ne se sont pas produites partout, ni partout de la même façon. Cette continuité est celle des temps modernes, qui naissent en cette fin du XIIIe siècle, avec, dans le domaine qui est le nôtre, une certaine idée de la conscience littéraire et de ses rapports avec l’être au monde, et qu’il nous semble aujourd’hui voir expirer sous nos yeux. La vague postmoderne, avant de déjà refluer, atteint notre petit pré carré minuscule et dérisoire, à nous autres médiévistes, et nous fait découvrir le Moyen Age dans son altérité. Déjà Apollinaire, qui n’était pas postmoderne, mais qui a eu peut-être le premier l’idée d’un lien essentiel entre la poésie et l’hypermodernité, a été l’un des poètes les plus marqués par le Moyen Age, mais pas du tout dans le sens de l’exhibition du moi et de la prétendue tradition de Villon à Verlaine. Il y cherche l’ange du bizarre et, dans l’archaïsme, la déliquescence. Il ne s’attache pas à la fin du Moyen Age, comme les romantiques et leurs héritiers. Il remonte plus haut, là où le Moyen Age est autre.

Nous ne possédons pas plus que les romantiques et leurs héritiers la vérité du Moyen Age. Pas moins non plus, probablement. Mais ils avaient l’impressions d’y pénétrer sans effort, spontanément, tandis que, si par hasard nous avons cette impression, nous la repoussons avec effroi, et nous sommes rassurés de le sentir étranger. Ils avaient raison, et nous aussi peut-être. Nous croyons comprendre mieux qu’ils ne le faisaient combien ils étaient différents des hommes du Moyen Age, parce que nous avons le sentiment d’être nous-mêmes devenus soudain très différents des uns et des autres. Nous ne craignons rien tant que l’identification, dont ils se faisaient gloire. Quant nous y cédons, c’est malgré nous et par un excès d’effort pour en écarter la possibilité : sous prétexte que le Moyen Age est plus sensible, comme on l’a dit plus haut, à la technicité du langage qu’à la fulgurance de la poésie, nous l’aimons de préférer les cuistres aux poètes : nous nous sentons enfin compris. Et nous en déduisons, contre l’évidence, qu’il s’enferme, comme nous l’avons fait nous-mêmes pendant quelques années, dans les jeux et les déceptions du langage et que l’écriture à ses yeux n’a d’autre fin ni d’autre objet qu’elle-même. Nous cédons ainsi, pour notre satisfaction narcissique, à l’illusion d’une rencontre entre lui et nous dans le désert du scepticisme où s’épanouit seule la supériorité compétente de ceux qui ne sont pas dupes et qui en sont fiers.

Qu’on me permette, pour finir, de donner un exemple, dans un domaine qui n’est pas celui dont j’ai traité, de cette proximité romantique à l’égard du Moyen Age : cette proximité qui peut nous faire sourire et qui peut nous faire envie. Tout le monde connaît le manuscrit de Chateauroux de la Chanson de Roland. Il appartenait au siècle dernier à un certain Jean-Louis Bourdillon, qui l’a légué en 1855 à la Bibliothèque Municipale de Chateauroux. Ce Bourdillon était amoureux de son manuscrit, qu’il a publié en 1841 sous le titre Roncisvals mis en lumière. Un an auparavant, il en avait donné une traduction, précédée d’une longue introduction où il expliquait sa méthode en ces termes :

J’ai commencé par apprendre à peu près par cœur le texte de mes manuscrits. Cela obtenu, une fois bien ferme sur ce terrain, j’ai pris l’ordre des idées et j’ai appelé les vers, qui alors, sans peine, sans effort, et d’eux-mêmes, sont venus se ranger sous ma plume, et c’est ainsi que notre poème, si l’on peut l’assimiler à une statue, s’est trouvé, non pas sorti du bloc de marbre, mais dégagé des haillons dont la main des hommes depuis plusieurs siècles l’avait affublé. Ce travail s’est achevé de telle façon, qu’en vérité je ne crois pas avoir omis dix vers appartenant à l’auteur. Quand je voulais m’écarter un peu à droite ou à gauche, je trouvais ses vers si pitoyables, clochant par le sens, la mesure et par la rime, comme s’ils fussent sortis d’une tête battant la campagne ou bien d’une incohérence d’idées attestant qu’ils n’ont pu être conçus que par des gens sans littérature et sans éducation.

Cette « méthode » met en joie Jules Horrent, qui cite le passage7. Celui-ci est pourtant bien intéressant, et au moins à trois égards. Tout d’abord, l’exercice de la mémoire qu’il décrit — « j’ai pris l’ordre des idées et j’ai appelé les vers » — rappelle les techniques de la mémoire artificielle, qu’il retrouve spontanément. Ensuite, cette méthode par mémorisation, puis reconstitution et adaptation (traduction et « amélioration » du texte dépouillé de ses « haillons ») n’est pas sans analogie avec la transmission des chansons de geste au Moyen Age même : c’est une combinaison de fidélité par la mémoire auditive — « je ne crois pas avoir omis dix vers appartenant à l’auteur » — et de mise au goût du jour. C’est une combinaison de mémorisation et de création. Enfin, Bourdillon aime le poème malgré ce qui lui paraît être ses incohérences et ses fautes de goût. Il n’a pas scrupule à l’aimer sans comprendre ses principes esthétiques, mais en leur substituant les siens. Il ne veut rien savoir de son esthétique, mais — ô paradoxe — il l’aime quand même. Admirable sécurité dans le sentiment d’une continuité qui à la fois retrouve la pratique de la mémoire épique et autorise les tripotages.

Le positivisme philologique allait bientôt accabler de son mépris la méthode Bourdillon. On ne saurait s’en étonner. Mais nous-mêmes, nous n’oserions pas l’imiter, bien que nous soyons sensibles à la rencontre de Bourdillon et des jongleurs. C’est que nous sommes sur l’autre rive. En face, dans les Champs Elysées d’une modernité défunte, ils nous paraissent plus unis que séparés.

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1 Voir Hans-Ulrich Gumbrecht et Ursula Link-Heer éd., Epochenschwellen und Epochenstrukturen im Diskurs der Literatur — und Sprachtheorie, Frankfurt/Main, Suhrkamp, 1985.

2 Conférence prononcée le 12 janvier 1937. Dans Œuvres, t. 1, éd. Jean Hytier, Paris, Bibl. de la Pléiade, 1957, pp. 427-443.

3 Etudes classiques 31, 1953, pp. 1-18.

4 Le crime de Sylvestre Bonnard, Membre de l’Institut, Paris, 1881. Dans Œuvres, t. 1, éd. Marie-Claire Bancquart, Paris, Bibl. de la Pléiade, 1984, p. 221.

5 C’est le classement adopté par Edmond Faral et Julia Bastin dans leur édition, Paris, A. et J. Picard, 1959-1960, 2 vol. Mon édition, dont le premier tome a paru depuis la rédaction de cet article, propose, malgré ses incertitudes, un classement chronologique (Paris, Classiques Garnier, 1989). Certains développements du présent article sont repris dans l’introduction de cette édition.

6 Cette notion est si évidemment, aux yeux des poètes de la Pléiade, une redécouverte liée à celle de la littérature antique, qu’ils en associent systématiquement l’expression aux motifs de la mythologie, tout en repoussant comme indignes du poète les virtuosités techniques de l’âge précédent.

7 J. Horrent, La Chanson de Roland dans les littératures française et espagnole au Moyen Age, Paris, 1951, pp. 49-50.