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La maison de Fortune dans l’Anticlaudianus d’Alain de Lille

Yasmina FOEHR-JANSSENS

Université de Genève

On imagine difficilement quel autre emblème que la roue, symbole des vicissitudes de la condition humaine, on pourrait assigner à La Fortune. Pourtant, voici que, en plein XIIe siècle, un auteur important, Alain de Lille, se lance dans une entreprise singulière, qui le conduit à nous présenter la demeure de Fortune. Il insère cette description inédite dans la trame narrative de son Anticlaudianus, qui polémique avec un poème de Claudien, In Rufinum. Au XIIIe siècle, ce passage sera traduit avec un art consommé par Jean de Meun pour les besoins du Roman de la Rose. Je voudrais examiner ici cette présentation inouïe de Fortune, qui constitue, et les auteurs qui lui donnent forme en sont conscients, une véritable gageure. Comment décrire le lieu de résidence, le séjour d’une instance qui incarne l’instabilité, la mouvance, le changement perpétuel ?

Décrire la maison de Fortune revient à s’inscrire dans une tradition rhétorique et poétique bien établie. Par une sorte de logique métonymique, on s’attache à dépeindre par le menu le logis d’une divinité ou d’une personnification, de manière à ce que la physionomie des lieux permettre de se faire une idée précise de la puissance et des attributs de la maîtresse de maison1. Dans un livre dont l’objet est justement l’étude de la description dans la tradition littéraire2, Perrine Galand-Hallyn consacre un vaste chapitre à l’Anticlaudianus. Elle montre que la description du séjour de Fortune répond à deux autres passages comparables, qui dépeignent le palais de Nature (I, 55-206) et le siège de la divinité suprême (VI, 214-272). Rappelons que l’Anticlaudianus raconte la création d’un homme nouveau, homo novus, façonné par Nature, puis doté d’une âme par Dieu. Pour mener à bien cette entreprise de rénovation de l’humanité, les vertus et les arts doivent unir leurs efforts afin de construire un char qui mènera Prudence auprès du Créateur. Lorsque ce voyage est accompli, le poème fait l’inventaire des dons offerts à la créature nouvelle par les puissances qui ont présidé à sa naissance. Puis il rapporte encore comment les vices forment une conjuration et tentent de s’opposer au projet de Nature, mais sont vaincus dans une psychomachie, un combat de l’âme, qui se termine par la victoire des forces du bien.

Fortune est donc, avec Nature et Dieu, l’une des trois instances de ce récit allégorique dont on décrit la demeure. C’est dire l’importance apparemment conférée à sa puissance. Cette valorisation ne laisse pas d’ailleurs d’étonner, car Fortune ne joue pas un rôle de premier plan dans l’intrigue. Elle n’apparaît qu’à la faveur de la volonté de sa fille, Noblesse, qui, désireuse de combler l’homo novus de ses dons à l’instar de Foi et des autres donatrices (Jeunesse, Chasteté, Constance, Raison, ainsi que les sept arts libéraux), s’adresse à sa mère pour qu’elle lui dispense ses biens. Fortune n’est donc qu’une donatrice parmi d’autres, bien plus, elle semble jouer un rôle de second plan, puisqu’elle agit pour le compte de sa fille. On retiendra donc que la description de la demeure de Fortune n’est pas motivée par une nécessité narrative impérieuse. Elle ne vient pas illustrer, comme dans d’autres traités, parmi lequel la Consolation de Philosophie de Boèce occupe la première place, une argumentation philosophique destinée à mettre en garde contre le danger qu’il y a à s’attacher aux biens de Fortune.

Pourtant la description forgée par Alain de Lille est longue (elle couvre près de 90 vers), elle est complexe et savamment construite. Elle fait étalage des difficultés que rencontre le projet descriptif lorsqu’il s’agit de fixer l’image de la mobilité :

Hic est Fortune sua mansio, si tamen usquam

Res manet instabilis, residet vaga, mobilis heret.

(Anticlaudianus, VIII, 13-14)3

Ici se trouve la maison de Fortune, si pourtant quelque part

chose instable demeure, chose errante reste en place, chose mobile se fige.

La peinture de cette demeure se conçoit comme la réalisation d’une gageure : il s’agit de fixer l’image de la mobilité. Notre attention est invitée à se porter successivement sur une roche surplombant les flots marins, un bois, deux fleuves, puis, enfin, la maison elle-même. Signe sans doute de la position complexe de Fortune dans l’économie narrative de l’Anticlaudianus, la description s’étend à la césure entre le septième livre et le huitième. Elle clôt le catalogue des dons, mais son évocation précède aussi immédiatement le récit de la révolte des vices, alertés par la Furie Allecto4.

De tous les éléments qui entrent dans la description du séjour de Fortune, les deux fleuves sont ceux dont la présence étonne le moins. L’image du cours d’eau toujours en mouvement s’impose assez facilement à qui veut donner une idée des fluctuations de Fortune. Le redoublement du motif permet d’insister sur les notions de dualité et de dissemblance :

Hic duo decurrunt fluvii quos dividit ortus

Dissimilis, dispar vultus, diversa coloris

Forma, sapor varius, distans substancia fontis.

(VII, 439-441)

Ici coulent deux fleuves que séparent leurs origines

dissemblables, leur aspect différent, leur diverse sorte

de couleur, leur saveur variée, la substance distincte de leur source5.

Alain de Lille a emprunté l’idée des fleuves qui charrient les destinées des humains à un passage du début des Noces de Mercure et de Philologie de Martianus Capella6. La présence de deux fleuves permet de mettre en place des jeux d’opposition entre ce qui relève de la bonne et de la mauvaise fortune :

Predulces habet alter aquas mellitaque donans

Pocula, melle suo multos seducit (…)

(VII, 442-443)

Très douces sont les eaux du premier fleuve et, offrant un breuvage de miel, de son miel, il séduit beaucoup d’hommes (…)7

Precipiti lapsu fluvius dilabitur alter,

Sulfureis tenebrosus aquis (…)

(VII, 458-459)

En un courant précipité coule le second fleuve,

que ses eaux sulfureuses rendent ténébreux8.

Perrine Galand a montré toute la richesse de ces évocations et insiste sur leur caractère inquiétant9. Le fleuve aux eaux de souffre, qui roule comme un torrent tumultueux nous renvoie sans surprise aux représentations des fleuves infernaux. L’absinthe, les larmes, l’abîme le caractérisent ; il ensevelit et emporte les hommes, ses flots s’élèvent en montagnes, ses ondes se livrent des guerres fratricides (VII, vv. 458-475).

Mais les charmes du fleuve aux eaux douces se révèlent bien peu capables de procurer une durable félicité :

Plus siciuntur aque, potantes debriat, immo,

Dum saciat, parit unda sitim potusque sititur

Amnis et innumeros ydropicat ille bibentes.

(VII, vv. 444-446)

Ses eaux assoiffent encore davantage, enivrent les buveurs et même en abreuvant, l’onde engendre la soif et le fleuve que l’on boit assoiffe et il rend hydropiques les innombrables buveurs10.

Le fleuve au goût de miel s’oppose explicitement à l’eau vive capable d’étancher à jamais toute soif, promise par le Christ à la Samaritaine (Evangile de Jean, 4, 1-42). Ses charmes enivrants rappellent, sous une forme imagée, la teneur des leçons traditionnelles concernant le caractère illusoire des biens de Fortune.

Pour Perrine Galand, cette description se caractérise par sa teneur rhétorique11. Les dangers de la douceur et ceux de l’impétuosité peuvent se traduire en termes esthétiques et le lexique utilisé sert, sous la plume de Quintilien par exemple, à mettre en évidence les défauts du style élevé ou ceux du style orné :

Le fleuve aux ondes enflées représente les excès du genus grande (…), le fleuve aux eaux « très douces » symbolise dans le même esprit l’emploi abusif de l’ornatus, forme d’excès, (cacozelon) que Quintilien attribue notamment aux textes trop recherchés : praedulcia (…) La poétique d’Alain apparaît, ici comme ailleurs, fondée sur une esthétique du juste milieu. (op. cit., p. 458)

Une des questions que nous souhaitions aborder au cours de notre enquête, celle qui consistait à se demander si la représentation de la Fortune pouvait entrer en résonance avec la formulation d’une esthétique, semble donc recevoir une réponse positive.

Mais retenons plutôt, quant à nous, le fait que la description des deux fleuves est de nature à susciter l’inquiétude. Dans les derniers vers du livre sept, cette teinte sinistre se confirme pleinement avec l’image de la contamination des eaux douceâtres par les eaux sulfureuses :

Hic fluvius, variis currens anfractibus, intrat

Torrentem, predulcis aque12 cogitque fluentum

Degenerare luemque suam partitur eidem :

Nubilus obtenebrat clarum, fermentat amarus

Predulcem, tepidum calidus, fetosus odorum.

(VII, 476-480)

Ce fleuve, s’élançant avec des sinuosités variées, pénètre

dans le courant des eaux très douces et contraint ce cours d’eau

à dégénérer et lui transmet sa propre contagion :

la nuée enténèbre la clarté, l’amer fait fermenter

le très doux le chaud gâte le tiède, l’odeur fétide le parfum.

De même, tout au début du livre VIII, on notera la prédominance du Notus et de Borée sur le Zéphir :

(…) et raro Zephiri mansueta serenat

Aura domum flatusque Nothi Boreeque rigorem

Parcius abstergit lenis clemencia flatus.

(VIII, 4-6)

Rarement la brise tranquille du Zéphir apaise

la maison et la douce clémence de son souffle ne balaie guère les frimas du souffle du Notus et de Borée.

Quant à la présentation du rocher, de la maison et du bois, elle offre l’occasion de relever le défi de la description de l’instable dans le stable :

In levitate manens, in lapsu firma, fidelis

In falso, levis in vero stabilisque movendo,

Hoc firmum servans quod nunquam firma, fidele

Hoc solum retinens quod nesciat esse fidelis,

Hoc solo verax quod semper falsa probetur,

Hoc solo stabilis quod semper semper mobilis erret,

Ambiguo vultu seducit forma videntem.

(VIII, 25-31)

Immobile dans l’inconsistance, ferme dans la chute, fidèle

dans le mensonge, légère dans la vérité et stable dans le mouvement,

elle maintient fermement ceci qu’elle n’est jamais ferme, fidèlement

elle ne retient que ceci qu’elle ne saurait être fidèle,

en cela seulement elle est véridique, qu’elle se révèle toujours fausse,

en cela seulement elle est stable, qu’elle est toujours en mouvement,

sa beauté trompe celui qui la voit par un visage variable.

Ainsi, malgré d’apparentes divergences dans le propos, la représentation de Fortune dans l’Anticlaudianus s’inscrit, à la faveur du développement donné à ces motifs inquiétants, dans la dépendance de la Consolation de Philosophie de Boèce. La description de la maison de Fortune se nourrit des arguments développés dans le livre II de la Consolation, dont le propos est d’établir que la loi de Fortune, son principe d’action, réside dans l’inconstance. L’expression « ambiguo vultu » (Anticlaudianus VIII, 31) reprend explicitement une formulation tirée d’un passage fort connu de la première prose du livre II de Boèce : « Deprehendisti caeci numinis ambiguos vultus »13. Mais c’est tout le passage qu’il faut citer pour mesurer à quel point les vers d’Alain de Lille proposent une sorte d’amplification du propos boétien :

Tu fortunam putas erga te esse mutatam. Erras. Hi semper eius mores sunt, ista natura. Servavit circa te propriam potius in ipsa sui mutabilitate constantiam ; talis erat, cum blandiebatur, cum tibi falsae illecebris felicitatis alluderet. Deprehendisti caeci numinis ambiguos vultus

(II, 1)14.

Tu penses que la Fortune a changé à ton égard : tu te trompes ! Elle a toujours les mêmes pratiques : c’est dans sa nature. Elle est restée à ton égard constante, à vrai dire, dans son inconstance même. Elle était la même quand elle te flattait, quand elle se jouait de toi en te faisant miroiter un faux bonheur. Tu as découvert le double visage de cette puissance aveugle15.

Un peu plus loin, Alain de Lille s’appuie encore sur l’exemple de Crésus (VIII, 58) qu’il emprunte à Boèce, bien entendu (Consolation II, 2). Mais la représentation de Fortune ne se borne pas à recueillir l’écho des thèses de Boèce, elle met aussi à profit les images poétiques utilisées au livre deux de la Consolation de Philosophie. Au début de la seconde prose du livre II, Philosophie cède la parole, par une prosopopée, à Fortune et lui fait revendiquer son droit au changement :

An ego sola meum ius exercere prohibebor ? Licet caelo proferre lucidos dies eosdemque tenebrosis noctibus condere, licet anno terrae vultum nunc floribus frugibusque redimire, nunc nimbis frigoribusque confundere, ius est mari nunc strato aequore blandiri, nunc procellis ac fluctibus inhorrescere : nos ad constantiam nostris moribus alienam inexpleta hominum cupiditas alligabit ?

Serai-je seule à me voir refuser l’exercice de mes droits ? Le ciel a le droit d’offrir des jours baignés de lumière puis de les faire disparaître dans les ténèbres de la nuit. L’année a le droit de couronner un temps le visage de la terre de fleurs et de fruits, puis de le rendre méconnaissable en lui envoyant pluies et frimas. La mer a le droit, un jour, de séduire en offrant une surface étale, un autre, de se hérisser de lames soulevées par la tempête. Et moi c’est le désir toujours inassouvi des hommes qui prétend m’astreindre à faire preuve d’une constance étrangère à ma façon d’être !

Toujours sur le même thème, le mètre 3 du livre II propose une glose poétique de l’adage « le changement est la loi du monde » :

Cum polo Phoebus roseis quadrigis

lucem spargere coeperit,

pallet albentes hebetata vultus

flammis stella prementibus.

Cum nemus flatu Zephyri tepentis

vernis inrubuit rosis,

spiret insanum nebulosus Auster :

iam spinis abeat decus.

Saepe tranquillo radiat sereno

immotis mare fluctibus,

saepe ferventes Aquilo procellas

verso concitat aequore.

Rara si constat sua forma mundo,

si tantas variat vices,

crede fortunis hominum caducis

bonis crede fugacibus !

Constat aeterna positumque lege est

ut constet genitum nihil.

Quand dans le ciel Phébus de son quadrige rose

Commence à dispenser sa lumière,

Le visage de l’étoile blanchit : elle se ternit

Et pâlit, éblouie par les flammes.

Quand le bosquet au souffle tiède du Zéphyr

Se colore de roses printanières,

Si l’Auster et ses nuages déchaînent la tempête

Adieu la Beauté : reste les épines.

Souvent la mer se fait miroir, sereine

Et calme, les vagues immobiles,

Souvent l’Aquilon déchaîne ses ouragans,

Qui soulèvent la surface de la mer.

La beauté sur terre rarement demeure,

Souvent elle varie :

Crois en des Fortunes éphémères,

Crois en des bonheurs fugaces.

Un décret éternel l’a clairement établi :

Rien de ce qui voit le jour n’est définitif.

Boèce prête à Fortune, par l’entremise de Philosophie, une argumentation au gré de laquelle elle invoque le pouvoir de transformation des puissances naturelles, vent, astres, mer, floraisons, pour asseoir la légitimité de ses propres variations. On ne peut qu’être frappé par la similitude entre les images utilisées dans la Consolation de Philosophie et celles mises en œuvre par Alain de Lille. Les effets d’écho sont d’autant plus remarquables qu’ils s’appuient sur des analogies lexicales. Dès les premiers vers, lorsqu’il s’agit de décrire le rocher de Fortune, surgissent l’évocation de la mer tantôt calme tantôt agitée et celle de l’alternance des vents et des saisons. Tout se passe comme si, en usant de la description, Alain de Lille naturalisait la comparaison proposée par Boèce :

Est rupes maris in medio, quam verberat equor

Assidue, cum qua corrixans litigat unda,

Que variis agitata modis percussaque motu

Continuo, nunc tota latens sepelitur in undis,

Nunc, exuta mari, superas expirat in auras.

Que nullam retinet formam, quam singula mutant

In varias momenta vices, que sidera florum

Iactat et in multo letatur gramine rupes,

Dum leni Zephirus inspirat singula flatu.

Sed cito deflorat flores et gramina sevus

Deperdit Boreas ubi, dum flos incipit esse,

Explicit et florum momento fallitur etas.

(VII, 405-416)

Il est un rocher au milieu de la mer que battent les flots

sans répit, avec lequel l’onde en conflit se mesure

et qui, ébranlé de toutes parts et battu par un mouvement

continuel, tantôt enseveli dans les eaux, disparaît tout à fait,

tantôt dégagé de la mer, respire haut dans les airs supérieurs.

Cette roche ne retient aucune forme, chaque instant la transforme

de multiple manière, de l’éclat de ses fleurs

elle fait étalage et se réjouit de nombreuses plantes

lorsque le Zéphyr exhale son doux souffle sur chaque chose.

Mais bientôt le cruel Borée déflore les fleurs et la perte des plantes,

il la cause, alors, lorsque la fleur commence son existence,

elle la termine et le temps des fleurs s’achève dans l’instant16.

Notons en passant que ces vers se terminent sur une belle image que Perrine Galand qualifie de « métaphore de la fleur manuscrit »17, parce qu’elle convoque les termes techniques qui désignent le début et la fin d’un texte copié à la main : « dum flos incipit esse, explicit ». On trouvera là un indice supplémentaire de la valeur autoréflexive de la description.

Mais, pour en revenir aux souvenirs de Boèce dans le texte d’Alain de Lille, on peut encore se demander si la description de la double maison de Fortune, dans les premiers vers du livre VIII, ne fait pas écho au mètre 4 du livre II de Boèce, qui se construit autour de l’opposition entre deux maisons, l’une au fondement stable et l’autre exposée aux injures des intempéries ou construite sur le sable. Ce poème joue avec les réminiscences d’une parabole judéo-chrétienne dont on trouve un exemple dans l’Evangile de Matthieu 7, 26 :

Quisquis volet perennem

Cautus ponere sedem

Stabilisque nec sonori

Sterni flatibus Euri

Et fluctibus minantem

Curat spernere pontum,

Montis cacumen alti,

Bibulas vitet harenas ;

Illud protervus Auster

Totis viribus urguet,

Hae pendulum solutae

pondus ferre recusant.

Fugiens periculosam

Sortem sedis amoenae

Humili domum memento

Certus figere saxo.

Si tu es prudent et que tu veux

T’installer durablement quelque part,

Si tu es bien décidé à ne pas plier

Sous les rafales assourdissantes

De l’Eurus et à mépriser les menaces

Des vagues de l’océan,

Evite les cimes montagneuses

Et les sables gorgés d’eau.

Là, l’Auster impétueux

S’acharne de toutes ses forces,

Ici, les sables glissent et refusent

De porter un poids en pente.

Fuis les dangers masqués

Par la beauté du site,

N’oublie pas de caler ta demeure

Sur de la pierre solide.

Le vent pourra gronder

Et agiter la surface de la mer,

Heureux d’être à l’abri

De tes quatre murs,

Tu couleras des jours paisibles

Et riras des colères célestes.

L’évocation de la maison de Fortune ne reprend pas à proprement parler cette typologie, mais le contraste entre deux positions, l’une élevée, l’autre basse, ainsi que le souvenir de l’assaut des vents demeure :

Rupis in abrupto suspensa minansque ruinam

Fortune domus in preceps descendit, et omnem

Ventorum patitur rabiem celique procellas

Sustinet […]

Pars in monte sedet, pars altera montis in imo

Subsidet, et casum tanquam lapsura minatur.

(VIII, 1-4 ; 7-8)

Suspendue dans la pente du rocher, menaçant ruine,

la maison de Fortune descend dans le précipice et

des vents subit toute la rage et affronte les bourrasques du ciel […]

Une partie se trouve au sommet, l’autre partie au pied de la montagne siège et menace de tomber, comme si elle était sur le point de s’écrouler.

Tout se passe comme si Alain de Lille se saisissait des registres saisonnier et météorologique présents chez Boèce, pour, en les appliquant directement à la description du lieu propre à Fortune, accroître, dans l’imagination de son lecteur, le champ d’action de la déesse aveugle. Les changements continuels qui affectent le séjour de Fortune ne tirent pas leur origine d’un système d’opposition unique. L’alternance de l’abondance et de la misère se traduit par des images ayant rapport aux distinctions entre la vie et la mort (inspirat, nascitur, deflorat, deperdit, fallitur, metit, delet ; explicit, incipit), le beau et le laid (sidera florum, fluvius sulfureis tenebrosus aquis), le bien et le mal (lascivit, cupiunt). Il y a là un élargissement implicite du pouvoir de Fortune que l’on retrouve dans certains textes satiriques français de la fin du XIIIe et du XIVe siècle.

Pourtant la description du bois, qui suit celle du rocher, nous fait découvrir qu’il ne s’agit pas de faire de Fortune une instance comparable à Nature. Ce lieu est avant tout régi par une puissance qui serait une antinature, une divinité du mélange des substances, de la contradiction :

Hic nemus ambiguum diversaque nascitur arbor :

Ista manet sterilis, hec fructum parturit ; illa

Fronde nova gaudet, hec frondibus orphana plorat ;

Una viret, plures arescunt, unaque floret,

Efflorent alie ; quedam consurgit in altum,

Demittuntur humi relique. Dum pullulat una,

Marcescunt alie ; varius sic alterat illas

Casus et in variis alternant motibus omnes.

(VII, 419-426)

Ici un bois équivoque et des essences dissemblables prennent racine.

Celle-ci reste stérile, celle-là porte du fruit, celle-là

se réjouit d’un feuillage nouveau, celle-ci déplore une ramure orpheline ;

l’une verdoie, plusieurs sèchent ; l’une fleurit,

d’autres se fanent ; une s’élève dans les airs,

le reste s’affaisse vers le sol. Alors que l’une prospère,

d’autres pourrissent. Un sort varié les altère

et toutes changent sous l’influence de mouvements divers.

Bien plus, dans ce bois, chaque espèce se trouve réduite à son contraire :

Pigmea brevitate sedens demissaque cedrus

Desinit esse gigas et nana mirica gigantem

Induit : alterius sic accipit altera formam.

Marcescit laurus, mirtus parit, aret oliva,

Fit fecunda salix, sterilis pirus, orphana fructu

Pomus et in partu contendit vitibus ulmu.

(VII, 428-433)

Réduit à une hauteur de pygmée et affaissé, le cèdre

cesse d’être un géant et le tamaris nain d’un géant

revêt l’allure : l’un reçoit la forme de l’autre.

Le laurier se flétrit, le myrte produit du fruit, l’olivier sèche,

le saule devient fécond, le poirier stérile, orphelin de son fruit,

le pommier et l’orme rivalisent de fécondité avec la vigne.

Alain de Lille le déclare sans ambages, la logique qui préside dans ce bois est celle de l’antiphrase :

Multa per antifrasim gerit illic alea casus

(VII, 427)

Fréquemment, c’est sous forme d’antiphrase que se manifestent là-bas les effets du hasard18.

Rappelons que l’antiphrase est une expression ironique, destinée à faire entendre le contraire de ce qui s’énonce. Elle doit tenir, nous disent les théoriciens, en un mot, en une formule et ne se laisse déceler que par le contexte dans lequel elle apparaît. L’efficacité de l’antiphrase est particulièrement grande dans un contexte de louange ou de blâme. Elle s’apparente, par les effets qu’elle produit, à des figures telles que la litote ou la prétérition19.

Alain de Lille se livre ici à un jeu qu’il affectionne : rendre compte des réalités qu’il tente de circonscrire au moyen de termes empruntés aux science du langage, grammaire, logique, ou, ici, rhétorique. Cette pente a rendu célèbre certains passages du De Planctu Naturae sur les perversions sexuelles20.

Cette formule a de quoi ravir Perrine Galand, car le recours à un terme de rhétorique sert évidemment d’indice à l’autoréférentialité du texte. En renvoyant le lecteur à la valeur avant tout linguistique de la peinture, il signale le caractère illusoire du principe d’objectivité dont se réclame la description. Remarquons cependant que cette figure permet aussi de résumer une des leçons principales de la Consolation de Philosophie, sur laquelle se termine le livre deux. Tout le discours philosophique aboutit en effet à mettre en évidence une vérité qui s’énonce au moyen d’une formule antiphrastique : la bonne fortune nuit, la mauvaise est utile.

Etenim plus hominibus reor adversam quam prosperam prodesse fortunam (…) Illa fallit, haec instruit, illa mendacium specie bonorum mentes fruentium ligat, haec cognitione fragilis felicitatis absolvit.

(II, 8)

Voici : à mon avis, la Fortune est plus bénéfique aux êtres humains quand elle est mauvaise que quand elle est bonne (…) L’une trompe, l’autre instruit ; l’une en faisant croire à un faux bonheur ligote l’âme de ceux qui y trouvent leur jouissance, l’autre la libère en lui faisant prendre conscience de la précarité de la chance.

Avec la description du bois, un pas nouveau est franchi dans la tentative de représentation de la versatilité, ce sont les signes eux-mêmes qui sont atteints d’instabilité. Si le stérile peut être fécond, le sec, florissant, la description de la beauté et celle de la laideur se trouvent toutes deux disqualifiées. La diction antiphrastique, en soulignant leur commune insuffisance, condamne l’une et l’autre : les splendeurs de l’harmonie ne sont jamais que le masque de la difformité et vice versa. Fortune permet la rencontre des contraires. En reprenant l’hypothèse de Perrine Galand, on pourrait conclure en montrant que le recours à l’antiphrase a pour vocation de renvoyer dos à dos l’esthétique de la beauté et celle de la laideur. Le projet poétique d’Alain de Lille serait alors parallèle au projet de Nature retracé par la diégèse, il poserait les bases de la création d’un style nouveau, qui dépasserait la dichotomie entre le beau et le laid.

Ceci dit, lorsqu’on s’en tient, plus modestement, aux enjeux de la description proprement dite, la référence à l’antiphrase ne manque pas non plus d’intérêt. Car si chaque élément du tableau à transcrire ne signifie que son contraire, cette prédominance de l’antiphrase ruine la prétention à réussir une description précise et exhaustive : l’antiphrase est la négation de l’ekphrasis. Le projet de complétude, d’épuisement de la matière à travers l’effort descriptif (définition de Quintilien : tota reum imago depingitur)21 devient intenable à partir du moment où ce qui se montre a le caractère inépuisable du changement. La description se résout en une juxtaposition d’éléments inconciliables, une percussio.

Ainsi la gageure du projet descriptif est-elle à la fois réalisée et désignée comme impossible à réaliser. La description du séjour de Fortune permet de faire à la fois étalage de virtuosité et aveu d’impuissance. Cette ironie nous semble devoir être mise en rapport avec la place ambiguë de Fortune dans le texte. Dans la mesure en effet, où Fortune est priée de favoriser la créature nouvelle, il lui est demandé de se renier elle-même, de se soumettre à Raison :

Dum Fortuna parat alias apponere dotes,

Assistit danti Racio, ne forte priorum

Munera fermentet unius munus et uno

Depereat vicio multarum gloria rerum.

(VIII, 131-134)

Lorsque Fortune se dispose à apporter d’autres dons,

Raison l’assiste dans cet acte de donation, de peur

que le présent d’une seule ne gâte les présents des précédentes donatrices

et que la gloire de tant de choses ne se perde au contact d’un vice unique.

Ainsi assistons-nous, après avoir été invitée à envisager longuement la puissance de Fortune, à sa disparition ou du moins à sa disqualification. Ses présents sont de moindre valeur que ceux des autres donatrices. Ils brillent d’un feu affaibli, comparable à la lueur d’une étoile mise en présence de celle du soleil (VIII, 127 ; souvenir de la Consolation II, m. 3, 1-4). Il y a certainement là, dans le propos didactique de l’auteur, une volonté de signaler le peu de validité des biens réclamés par Noblesse, à savoir une lignée illustre, des parents nés libres, une naissance noble (VIII, 129-130), lorsqu’on les compare à ceux des autres protectrices de la créature nouvelle.

Il n’en reste pas moins que l’importance conférée à Fortune à travers la description de son séjour est sans commune mesure avec cette lance rompue contre les prétentions nobiliaires. Le profit narratif tiré de cet ample développement semble bien maigre et ne suffit pas à compenser les incohérences produites par l’introduction de Fortune dans le cortège des vertus et des arts. Cette anomalie est d’autant plus irritante qu’elle est clairement exhibée comme telle.

Je ne puis donc me défendre d’un soupçon. La description du séjour de Fortune introduit une faille dans la construction idéologique du texte, dont l’auteur, fin connaisseur de la Consolation, ne pouvait pas ne pas avoir conscience. Je ne sais comment penser cette erreur, cette rupture dans la logique narrative, et dans le projet laudatif poursuivi par le texte. La disqualification de Fortune comme donatrice ne disqualifie-t-elle du même coup tout le projet allégorique d’Alain de Lille ? La mise en évidence d’une logique antiphrastique ne doit-elle pas maintenir notre attention en alerte ? Comme la prétérition ou la litote, l’antiphrase oblige à s’interroger sur les intentions dernières d’un énoncé. Elle finit par introduire un doute sur la bonne foi des textes. N’y a-t-il pas là une intention ironique ? Ce qui est certain, c’est que Fortune elle même souligne ce qu’il y a d’incongru dans la demande de sa fille à son égard : elle part d’un éclat de rire et déclare son incompétence :

Hiis dictis, modico risu Fortuna severos

Exhilirans vultus, hec nate verba rependit :

« Actus Nature, virtutis fabrica nostrum

Non despocit opus ; nostro non indiget actu

Tam celebris factura Dei quam singula ditant

Munera Nature, divinaque vota beatam

Efficiunt, nulloque caret virtutis honore.

Quid poterit casus ubi casu nulla reguntur ?

Quid mea mobilitas ubi rem constancia servat ?

Quid levitas ubi res stabilis ? Quid mobile certa

Res ubi queque manet ? »

(VIII, 75-85)

A ces mots, Fortune d’un rire

égayant un peu son visage austère répondit en ces termes à sa fille :

« L’action de la Nature, le produit des vertus ne réclame

pas notre intervention. Elle n’a pas besoin de notre action,

une si remarquable créature de Dieu, que chacun des présents de Nature

enrichit, dont les offrandes divines garantissent le bonheur.

Elle ne manque d’aucun ornement des vertus.

Que pourra le hasard là où ne règne aucun hasard ?

Que pourra ma versatilité là où la constance préserve toute chose ?

Que pourra l’inconstance là où toute chose est stable ?

Que pourra le mobile là où toute chose, ferme, reste en place ? »

Fortune se serait-elle fourvoyée dans un univers mental qui n’est pas le sien ? Sa présence est un défi à la logique un peu manichéenne d’une intrigue qui, régie par la volonté de faire pièce au pessimisme de Claudien, prévoit la victoire du bien sur le mal. Fortune ne peut évidemment prendre part à la psychomachie finale, mais voilà que l’une de ses filles se trouve enrôlée dans le camp des vertus et que l’autre, qui lui est symétriquement opposée, figure dans les rangs des figures noires rassemblées par Allecto. Ignobilitas reste seule en lice après la défaite de toutes les puissances du mal. Sa mère la rappelle alors auprès d’elle de peur de voir la psychomachie tourner en guerre fratricide (IX, 372).

L’ultime intervention de Fortune nous ramène en fait vers les circonstances qui ont présidé à son apparition au livre VII. L’évocation de la déesse aveugle fournit les éléments d’un débat sur la valeur accordée à Noblesse dans le dispositif narratif de l’Anticlaudianus. Le fait d’opposer Ignobilitas à Nobilitas pourrait donner à penser que l’exposé doive s’orienter vers une interprétation morale du concept de noblesse. Cette stratégie discursive aurait pour effet de permettre une équivalence idéologique entre une classe sociale dominante et les vertus de grandeur ou de magnanimité. En réalité, le traitement des instances allégoriques représentant la noblesse et son contraire montre qu’il n’en est rien22. Leur commune dépendance vis-à-vis de Fortune, le peu de lustre reconnu aux dons de cette dernière, et surtout l’interdit qui pèse sur la rivalité guerrière entre Nobilitas et Ignobilitas incitent plutôt à penser qu’Alain de Lille cherche à mettre en avant le caractère contingent de la noblesse, considérée non pas sous son aspect moral, mais comme une catégorie sociale. Enrôler Noblesse et sa sœur Naissance obscure sous la bannière des vices et des vertus, tout en leur refusant, comme à des intruses, le droit de combattre, revient à signaler discrètement les étayages disparates sur lesquels repose l’écriture allégorique.

Par un curieux mouvement qui n’est pas sans rapport avec le génie particulier de la Fortune qui dissipe ses biens pour les retirer aussitôt et qui ne trompe jamais aussi bien que lorsqu’elle se montre sous son jour le plus favorable, l’auteur de l’Anticlaudianus nous propose une affabulation qui ne dévoile jamais aussi clairement son inanité que lorsqu’elle déploie avec magnificence les charmes et les réussites d’une description virtuose et qui donne vie à des abstractions pour remettre aussitôt en question la légitimité de leur emploi.

De même que la présence de Fortune introduit une dissonance peu flatteuse dans le catalogue des dons, de même son intervention à la fin du combat ôte de l’éclat à la victoire du Bien en la prolongeant par une sorte de non-lieu sans gloire. Elle fait apparaître le bricolage idéologique qui préside à la composition de la fable et met en question le sérieux de cette construction intellectuelle, dont le principe, avoué dans le titre, d’émulation et de rivalité avec Claudien, n’est, après tout, pas très éloigné de celui d’une démarche parodique.

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1 Pour les auteurs médiévaux, la présentation de l’antre d’Envie dans les Métamorphoses d’Ovide, livre II, vv. 760 ss., constitue une exemple canonique de cette tradition.

2 Le Reflet des fleurs : description et métalangage poétique d’Homère à la Renaissance, Genève, Droz, 1994 (Travaux d’Humanisme et Renaissance ; 283).

3 Alain de Lille, Anticlaudianus, texte critique avec une introduction et des tables, publié par R. Bossuat, Paris, Vrin, 1955. Sur l’Anticlaudianus, voir également Alain Michel, « Rhétorique, poétique et nature chez Alain de Lille », in : Alain de Lille, Gautier de Châtillon, Jakemart Giélée, textes réunis par H. Roussel et F. Suard, Actes du colloque de Lille, Lille, P. U. de Lille, 1980, pp. 113-124 ; S. Viarre, « La description du palais de Nature dans l’Anticlaudianus d’Alain de Lille (I, 55-206) », in : Alain de Lille, Gautier de Châtillon, Jakemart Giélée, op. cit., pp. 153ss. ; Perrine Galand, « Les « beaux signes ». Un locus amoenus d’Alain de Lille », Littérature 74, 1989, pp. 26-46 ; Charles Méla, « Poetria nova et homo novus », Littérature 74, 1989, pp. 4-26.

4 Le rôle attribué à la furie dans le déclenchement de la guerre rappelle évidemment l’intrigue de l’Enéide (livre VII, 323 et suivants). Mais cette réminiscence permet avant tout de prendre la mesure de la rivalité qui dresse Alain de Lille « contre Claudien ». L’intervention d’Allecto dans le dernier épisode de l’Anticlaudianus inverse le propos de l’In Rufinum qui place cette action séditieuse à l’ouverture de son texte.

5 Pour ce passage, nous utilisons la traduction des vers 439-480 du livre VII qui a été donnée par Perrine Galand (op. cit., pp. 453-454).

6 Martianus Capella, De nuptiis Philologiæ et Mercurii, ed. A. Dick, Stuttgart, Teubner, 1978, I, 14-16.

7 Traduction de Perrine Galand, op. cit.

8 Idem.

9 Op. cit., pp. 451-455.

10 Traduction de Perrine Galand, op. cit.

11 Op.cit., pp. 455-458.

12 Le texte de Bossuat donne « preclusus aquis », Perrine Galand suit ici la lecture du traducteur anglais, J. J. Sheridan, Alan of Lille, Anticlaudianus or the Good and Perfect Man, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1973.

13 Les emprunts explicites à Boèce ont été répertoriés par Pierre Courcelle, La « Consolation de Philosophie » dans la tradition littéraire, Paris, 1967, pp. 54-56 et p. 181 et par Robert Bossuat, op.cit., pp. 35-36.

14 Voir Anicio Manlio Severino Boezio, La Consolazione della filosofia, testo latino a fronte, introd. di Christine Mohrmann, traduzione, cronologia, premessa al testo e note a cura di Ovidio Dallera, Milan, Rizzoli, 1977. Nos citations sont tirées de cette édition.

15 La traduction des citations est tirée de : Boèce, Consolation de la Philosophie, préf. de Marc Fumaroli, trad. du latin par Colette Lazam, Paris, Ed. Rivages, 1989.

16 La fleur fanée aussitôt qu’éclose s’oppose à la rose durable de la demeure de Nature, Livre I, vv. 64-70.

17 Op. cit., p. 456.

18 La traduction de ce vers est de Perrine Galand, op. cit., p. 452.

19 Quintilien, Inst. or. XI, 2, 47.

20 Voir les travaux de R. Howard Bloch, Etymologie et généralogie : une anthropologie littéraire du Moyen Age français, trad. de l’anglais par B. Bonne et J.-Cl. Bonne, Paris, Seuil, 1989, pp. 179-183 et Jan Ziolkiwski, Alan of Lille’s Grammar of sex : the Meaning of Grammar to a twelfth. Century intellectual, Cambridge, Mass, 1985.

21 Quintilien, Inst. or 8, 3, 63 : ekphrasis tota rerum imago depingitur quodammodo verbis. Au moyen de la description, on se propose de tracer le tableau complet d’une scène. Magna virtus res de quibus loquimur clare atque ut cerni videantur enuntiare. C’est une grande qualité que de présenter les choses dont nous parlons avec une telle clarté qu’elles semblent être sous nos yeux.

22 Je développe ici les remarques de Jean Wirth lors de la discussion qui a suivi la présentation de cet exposé. Sur la portée sociale de la paix qui s’instaure à l’issue de cette psychomachie voir l’article de Jean-Charles Payen, « L’utopie du contrat social dans l’Anticlaudianus », in : Alain de Lille, Gautier de Châtillon, Jakemart Giélée et leur temps, op cit., pp. 125-131.