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L’Iconographie médiévale de la roue de Fortune

Jean WIRTH

Université de Genève

Dans la Consolation de Philosophie de Boèce (II, prose 2), Philosophie prête un moment sa voix à Fortune pour se justifier face aux récriminations des hommes. Dans cette prosopopée, Fortune utilise la métaphore de la roue pour exprimer son instabilité : « Notre nature, la voici, le jeu interminable auquel nous jouons, le voici : tourner la Roue inlassablement, prendre plaisir à faire descendre ce qui est en haut et à faire monter ce qui est en bas ». Philosophie continue en donnant l’exemple de Crésus, le puissant roi des Lydiens tombé soudainement aux mains de Cyrus, mais sauvé du bûcher par une pluie providentielle, puis celui du roi de Macédoine Persès dont la chute attendrit même son vainqueur, le consul Paul-Emile. Elle rappelle enfin que Jupiter possède, selon l’Iliade (XXIV, vv. 527-528), « deux tonneaux, l’un rempli de maux, l’autre de biens ».

Si l’ouvrage de Boèce connut un grand succès à l’époque carolingienne, les commentaires se focalisèrent sur le personnage de Philosophie, assimilé à la Sagesse du Christ, et Fortune ne semble pas les avoir intéressés1. En revanche, la poésie s’empara du thème de Fortune dès les environs de 1100 et, à la fin du XIe siècle déjà, la roue de Fortune faisait son apparition dans l’iconographie, promise à une belle carrière. Un nombre important d’images médiévales de cette roue sont aujourd’hui publiées et il en reste sans doute encore beaucoup d’inédites. Cet exposé n’en présentera que quelques unes et il ne prétend pas rendre compte de tous les aspects d’un thème iconographique aussi foisonnant. J’essayerai de montrer que l’image est à l’origine une affirmation cléricale de la supériorité de l’Eglise sur les pouvoirs profanes, mais que cette affirmation est manipulée par différents milieux et progressivement subvertie.

1. Un thème grégorien

La plus ancienne roue de Fortune connue apparaît dans le manuscrit 189 de la bibliothèque du Mont-Cassin2. C’est un recueil collectif de traités de Boèce, en l’occurrence l’Arithmétique, d’Isidore de Séville, de Bède le Vénérable et de Gerbert d’Aurillac, rédigé à la fin du XIe siècle. Un poème de 16 vers sur la Fortune accompagne deux dessins dont le premier est inachevé (ill. 1 et 2). Chacun des deux représente la roue – en fait un simple cercle – surmontée d’un personnage debout tenant un bident. A gauche, un second personnage tente de gravir la roue, à droite un troisième en est précipité et en bas un quatrième gît sur le sol, habillé dans le premier dessin et dénudé dans le second. Compte tenu des autres représentations du thème, il est possible que l’habillement du personnage terrassé soit une erreur iconographique et la raison pour laquelle le peintre a recommencé son œuvre. Dans le dessin terminé, le personnage occupant le sommet de la roue est couronné et des inscriptions commentent l’image. On y trouve les mots regnabo – regno – regnavi – sum sine regno qui deviendront usuels pour commenter la situation des quatre personnages, ainsi que des vers exprimant la mutabilité de la Fortune. Le personnage couronné est désigné comme pater et son bident n’est rien d’autre que le foudre de Jupiter, conformément aux scoliastes. Si Fortune elle-même n’est pas représentée, on se souvient que Jupiter est mentionné par Boèce comme celui qui distribue les biens et les maux.

C’est peu de temps après, au début du XIIe siècle, que Baudri de Bourgueil, évêque de Dol, visite l’abbaye de Fécamp et y aperçoit une roue qui entrerait aujourd’hui dans la catégorie de l’art cinétique. « Mue, dit-il, par je ne sais quel artifice, elle descendait et montait, tournant sans cesse »3. Il croit d’abord avoir affaire à une res vana, à une chose vaine, nous serions tentés de traduire : « à un gadget ». Mais l’expression res vana fait certainement allusion à Deutéronome 5, 11 : « Tu n’usurperas pas vainement le nom du Seigneur ton Dieu, car celui qui donnera son nom à une chose vaine ne restera pas impuni »4. Ce commandement est habituellement interprété comme l’interdiction des faux serments et glosé abusivement par : « tu ne jureras point »5, mais une glose interlinéaire en faisait plus littéralement l’interdiction d’attribuer le nom de Dieu à du bois ou de la pierre, c’est-à-dire à des images6. Pierre Lombard présentait l’interdiction du faux serment comme le sens littéral et saint Thomas d’Aquin ne vit dans l’interdiction de l’image divine qu’un sens mystique négligeable. En fait, il y avait longtemps que les chrétiens imploraient des images sous le nom de Dieu et il fallait faire dire autre chose au commandement. Mais, autour de 1100, c’est sans doute à une idole que pense l’évêque Baudri devant la roue de Fécamp, mue par un dispositif secret, plutôt qu’à un simple gadget. Il se rassure enfin lorsqu’il comprend l’allusion à la roue de Fortune : l’œuvre n’est que l’illustration d’une haute pensée morale jouissant de l’autorité de Boèce.

D’autres roues de Fortune mécaniques sont attestées au Moyen Age. C’est peut-être un engin de ce genre que met en scène le Jeu de la Feuillée d’Adam de la Halle et dont Villard de Honnecourt a donné le dessin dans son Album (ill. 3)7. Chez Adam, la roue est mue par Fortune, mais il est difficile de dire si Fortune est représentée sous la forme d’une image ou d’un acteur et si la roue est réellement mobile. Chez Villard, il pourrait s’agir de six petits mannequins articulés tout autour de la roue et d’une statue plus grande et stable représentant Fortune assise devant la roue, en train de la faire tourner, mais rien n’exclut le simple schéma de composition d’une image fixe. Retenons pour l’instant que, contrairement à ces exemples plus récents et problématiques, la roue de Fécamp était à coup sûr animée et qu’elle ne comprenait pas la représentation de Fortune personnifiée.

On a judicieusement mis en rapport avec les premières roues de Fortune la peinture murale du couvent bénédictin de Lambach, en Autriche, qui représente la fin d’Hérode Agrippa Ier selon le récit de Flavius Josèphe (ill. 4)8. Le souverain avait organisé une étrange cérémonie dans le théâtre de Césarée : il s’y était assis sur un trône à l’aube, revêtu d’une tunique tissée de fils d’argent, de telle manière qu’il réverbérait les rayons du soleil levant et éblouissait littéralement l’assistance qui l’adorait comme un dieu. Un hibou, présage de mort, apparut alors et la prétention d’Hérode à l’immortalité fut terrassée par des maux de ventre qui mirent rapidement fin à ses jours. Dans le récit moins circonstancié des Actes des Apôtres (12, 21-23), le hibou est remplacé par un ange. La peinture murale s’inspire des deux récits. Le souverain trônant avec ses insignes renvoie sur les spectateurs les rayons du soleil levant dont ils se protègent les yeux. Un ange s’abat sur lui et il s’effondre à terre, deux hommes se précipitant à son secours. L’ouverture d’une porte dans la paroi fit disparaître une partie de la peinture et on ne voit plus sur quoi reposait le trône, mais la représentation simultanée du roi trônant et surélevé, puis gisant à terre, apparente nettement cette œuvre à la roue de Fortune.

Le contenu, l’époque et la provenance des trois œuvres que nous venons de présenter évoquent immédiatement l’ambiance de la réforme ecclésiastique qu’il est convenu d’appeler « grégorienne ». La peinture de Lambach est certainement la plus transparente des trois. Hérode Agrippa est un modèle du mauvais souverain chez Hugues de Fleury et chez Gerhoch de Reichersberg9. Sa mésaventure a dû plaire d’autant mieux que, dans le récit de Flavius Josèphe, il s’assimile lui-même à la lune, astre subordonné au soleil dont il reçoit la lumière. Et, comme la lune croît et décroît, il s’associe indirectement aux choses périssables du siècle, dont triomphe la pérennité du pouvoir spirituel. Selon toute vraisemblance, c’est l’empereur Henri IV qui est visé à travers le souverain biblique.

Le sens de la roue de Fortune dans le manuscrit cassinien ne doit pas être très différent. Jupiter, dont on sait qu’il distribue les biens de ce monde, y est représenté en souverain couronné, mais instable, puisque son règne n’est qu’un moment précédé d’une ascension, suivi du déclin et de l’effondrement. Le roi apparaît comme un dieu païen promis à la chute, exactement comme Hérode à Lambach. Pour sa part, la machine de Fécamp ne présentait pas de programme figuratif, mais la satisfaction de Baudri de Bourgueil, une fois qu’il en eut compris le sens, laisse supposer qu’elle ridiculisait également la vanité du siècle.

La personnification de Fortune n’apparaît ni à Mont-Cassin ni à Fécamp et ne semble pas essentielle au thème. Elle est également absente dans ses réalisations monumentales qui ornent les roses des églises à partir de celle de Saint-Etienne de Beauvais, vers 1130, suivie par celles des cathédrales de Modène et de Plaisance, de San Zeno à Vérone, des cathédrales de Bâle et d’Amiens10. Cela n’est qu’en partie dû au fait que le centre de la roue est occupé par une verrière car, dès la fin du XIIe siècle, il est courant de placer Fortune à côté de sa roue et non dans ou devant sa roue. Il faut remarquer que Fortune, contrairement à Philosophie, n’est pas véritablement personnifiée chez Boèce, puisque Philosophie doit lui prêter sa voix. Il peut donc y avoir une résistance à hypostasier Fortune, à en faire une sorte de déesse régnant sur le monde profane. On se souvient que, dans un premier temps, Baudri de Bourgueil craignait que la roue de Fécamp ne soit une « chose vaine », c’est-à-dire une idole. La description qu’Honorius Augustodunensis donne du thème, dans le Speculum Ecclesiae, présente bien la personnification de Fortune, mais il en fait la victime de la roue, lui enlevant ainsi tout pouvoir sur les hommes : « Les philosophes nous parlent d’une femme attachée à une roue qui tourne perpétuellement, et ils nous disent que sa tête tantôt s’élève et tantôt s’abaisse. Qu’est-ce que cette roue ? – C’est la gloire du monde qui est emportée dans un mouvement éternel. La femme attachée à la roue, c’est la Fortune : sa tête s’élève et s’abaisse alternativement, parce que ceux que leur puissance et leur richesse avaient élevés sont souvent précipités dans la pauvreté et la misère »11. Emile Mâle suppose que les philosophes dont parle Honorius se réduisent à Boèce. En fait, après avoir parlé de Fortune, Honorius cite les mêmes philosophes à propos des châtiments d’Ixion, de Sisyphe et de Prométhée, qu’il décrit sans nommer ces personnages et qu’il allégorise à leur tour. Il est donc plus probable qu’il utilise une description mythographique des enfers, en y projetant sa conception de Fortune. En tout cas, l’image de Fortune attachée à une roue comme une criminelle est le contraire exact de son apologie par Philosophie dans la Consolation.

La Fortune de Boèce dispose du destin des hommes, celle d’Honorius subit celui des damnés. Et c’est clairement celle de Boèce qui finit par s’installer dans l’iconographie. Elle y occupe certes le centre de la roue, mais elle la fait tourner et ne la subit pas. Le premier cas que nous connaissions est la mosaïque du pavement de la cathédrale San Salvatore de Turin, découverte en 1909 et déposée au Museo Civico (ill. 5)12. La datation a fait l’objet de controverses. A la suite de Toesca et contrairement à Kingsley Porter qui la plaçait vers 1105, Kitzinger proposait la fin du XIIe siècle, en se fondant sur sa parenté stylistique incontestable avec la mosaïque de San Savino à Plaisance. En fait, cette dernière est aujourd’hui datée 1107, ce qui confirme parfaitement la datation de Kingsley Porter13. Comme les autres mosaïques de pavement italiennes, il s’agit d’une cosmologie et d’une représentation de l’univers profane dont l’emplacement au sol excuse l’intrusion dans le lieu de culte. Il n’est pas impossible qu’on ait choisi de tels sujets pour les pavements, afin d’obliger le clergé et les fidèles à fouler aux pieds l’image du siècle pendant qu’ils adoraient les habitants du ciel. Dans un vaste cercle entouré par les allégories des vents, une série de médaillons représente les régions de la terre. Les griffons symbolisent probablement la Scythie, l’éléphant l’Inde et le taureau la ville de Turin (Taurinum). Au centre, Fortune actionne une roue entourée par le grand cercle du monde, dans laquelle se trouvent les quatre personnages habituels.

Curieusement, Fortune porte une tunique courte typiquement masculine, alors que ses cheveux très longs et l’inscription for[tuna] suggèrent une femme14. Par ailleurs, elle porte la même espèce de mitre que le roi au sommet de la roue, distincte de la couronne que l’on voit à côté d’elle. La mitre est fréquemment portée par les laïcs puissants au début du XIIe siècle et n’est pas propre à l’évêque. Au porche de Moissac, le mauvais riche en porte une et, dans le manuscrit enluminé de la Vita Mathildis conservé à la Bibliothèque vaticane (ms. 4922), c’est la coiffure des nobles. Pour des raisons qui peuvent tenir à la politique locale, il n’est pas question du roi, ce que confirme le remplacement de l’inscription attendue regno par effe[ror] qui ne fait pas allusion à la royauté. Il faut certainement considérer la tunique courte de Fortune non pas comme une indication sur son sexe, mais comme emblématique de l’état laïc, les clercs portant toujours des vêtements longs. On conclura de ces remarques que la première apparition médiévale connue de Fortune personnifiée l’associe à l’aristocratie laïque. Le pouvoir qui lui est reconnu sur le monde profane est compensé par un emplacement dévalorisant sur le sol de l’Eglise. A contrario, on évitera de la figurer à un emplacement valorisant, ainsi sur les roses des églises où elle fait défaut. Son rôle dominant dans la cosmologie correspond à celui du dieu Annus dans le pavement contemporain de Plaisance. La roue qu’elle actionne n’est donc rien d’autre que le temps de l’histoire profane, de l’ascension et de la chute des pouvoirs laïques, temps circulaire et vide de sens.

L’iconographie de Fortune ne s’est donc pas constituée sans difficulté et les circonstances de son apparition nous apprennent beaucoup sur son sens. Boèce présente Fortune assez favorablement et est loin de l’opposer à la Providence divine. Son attitude s’explique certainement par la volonté de concilier Providence et libre arbitre, en affirmant à la suite d’Aristote l’existence des futurs contingents et en limitant la contingence aux affaires humaines. Comme l’a vu F. P. Pickering, elle diffère sensiblement de celle de saint Augustin qui se méfiait de Fortune comme d’une déesse païenne et donc d’un démon15. Augustin n’allait pas jusqu’à reprendre à ses maîtres stoïciens leur conception fataliste du destin, mais la Providence divine tendait à se substituer chez lui au destin, sans beaucoup d’égards pour la liberté humaine. Or l’idéologie de l’empire carolingien était largement augustinienne et c’est sans doute la raison de l’indifférence dont pâtissait alors Fortune. Son retour autour de 1100 correspond à une situation politique et religieuse entièrement neuve. L’empereur n’est plus considéré par l’Eglise comme le représentant de Dieu sur terre et le pape s’attribue désormais ce rôle. La société laïque est fortement dépréciée par les réformateurs ecclésiastiques et, avec la querelle des investitures, apparaît comme une force distincte de l’Eglise, parfois assez insensée pour se rebeller contre elle. L’opposition boétienne entre l’amour de la Sagesse et l’attachement aux biens de ce monde reprend tout son sens et permet de faire dériver les pouvoirs profanes, non pas de la Providence divine, mais des caprices de Fortune qui les constitue et les défait à son gré. La condamnation augustinienne de Fortune peut expliquer que sa roue ait été d’abord représentée sans elle.

2. Les manipulations du thème

S’il semble bien avoir été suscité par les réformateurs grégoriens pour humilier le siècle, le retour de la déesse Fortune fut applaudi par les milieux les plus divers dès le XIIe siècle, car il comblait une lacune dans la conception chrétienne du monde en y faisant place à la contingence, au hasard et au jeu. Il permettait en outre une critique de la richesse et du pouvoir dont l’Eglise n’avait pas le monopole et qui pouvait aussi bien se retourner contre elle. Le thème nous semble avoir évolué selon trois axes que nous examinerons successivement : une résignation par laquelle on se reconnaît comme sujet de Fortune, la prétention du pouvoir laïque à échapper à son règne et enfin la désacralisation de l’Eglise, présentée elle aussi comme le jouet de Fortune.

Le texte d’Honorius Augustodunensis qui présente Fortune comme la victime de sa propre roue ne semble guère avoir d’équivalent iconographique. La situation de Fortune à l’intérieur de la roue souligne certainement son instabilité lorsque ses pieds reposent sur la roue, comme dans une enluminure de Renart le Nouvel, vers 1300, dont nous reparlerons (Bibliothèque Nationale de France, fr. 372, fol. 60 ; ill. de la couverture). Mais on ne saurait généraliser cette interprétation. Dans la célèbre enluminure des Carmina Burana (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, clm 4660, fol. 1), vers 1220, Fortune siège à l’intérieur de la roue, mais elle tient une banderole dans chaque main. Au lieu d’actionner la roue, elle dicte visiblement le destin comme le ferait une prophétesse. Cette manière originale de célébrer son pouvoir est en parfaite harmonie avec certains poèmes du manuscrit dont les auteurs se décrivent comme des joueurs et donc comme les sujets de Fortune qui redevient une sorte de déesse16 : elle ne soumet pas Fortune à la roue. Toujours au XIIIe siècle, le sceau de la ville hongroise de Tyrnau confirme et accentue le changement de perspective, car c’est la face divine qui y occupe le centre de la roue, flanquée par la lune et le soleil, symboles calendaires, mais aussi par l’alpha et l’oméga qui signifient l’éternité de Dieu (ill. 6)17. Ce dernier, comme Fortune dans les Carmina Burana, régit l’écoulement du temps et les caprices de l’histoire humaine.

La même lecture s’impose a fortiori lorsque Fortune domine la roue, à partir de la fin du XIIe siècle. C’est le cas dans l’illustration d’un Boèce enluminé à Ratisbonne et conservé au couvent de Heiligenkreuz (ms. 130, fol. 1v ; ill. 7)18. Fortune est située derrière la roue et tient un petit Crésus dans ses bras, tandis que ce même roi réapparaît à ses pieds, gisant sur un bûcher. L’autre victime de la roue est Boèce qui s’élève à droite et tombe à gauche. L’enluminure de l’Hortus deliciarum, l’encyclopédie de l’abbesse Herrade du Mont-Saint-Odile connue par des copies du XIXe siècle, présente Fortune sur un trône, à gauche de la roue qu’elle actionne (ill. 8). Comme dans le manuscrit cassinien, Jupiter siège sur la roue. Il porte ici la même couronne impériale que Fortune et un trésor sur les genoux. Il brandit deux récipients contenant les biens et les maux. Cinq autres figures montent et descendent sur la roue. Une inscription associe Fortune à la cupidité des hommes et à la vaine gloire, mais, dans ce manuscrit comme dans le précédent, l’artiste lui donne une grande dignité et la figure comme un principe transcendant. Il semble se souvenir qu’elle peut jouer un rôle providentiel chez Boèce.

A travers ces images, on perçoit une valorisation de Fortune, assez répandue à la fin du XIIe et au XIIIe siècle, qui prolonge et amplifie son apologie par Philosophie dans la Consolation de Boèce. On vérifie facilement que le phénomène est général. Il touche aussi bien une véritable bible profane comme le Roman de la Rose que la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Dans la continuation du Roman par Jean de Meun, Raison propose à l’Amant de la servir en laissant tomber Amour et en devenant insensible aux caprices de Fortune19. Elle la décrit très défavorablement comme aveugle, dangereuse et puérile, mais l’Amant lui répond assez sèchement qu’il reste au service d’Amour et se reconnaît ainsi comme soumis à Fortune. Malgré la différence des genres, saint Thomas ne manifeste pas davantage de sympathie pour le mépris stoïcien des biens de Fortune. Il défend Aristote, affirmant dans l’Ethique que ces biens contribuent à la magnanimité, contre Sénèque et Cicéron qui prétendent le contraire20. Il constate que la possession de richesses couvre d’honneurs et permet d’entreprendre de grandes actions, grâce à la puissance et aux amitiés qu’elle procure. Si le magnanime ne recherche pas les richesses pour elles-mêmes, il apprécie avec raison la capacité qu’elles lui donnent d’agir avec éclat.

Jean de Meun et saint Thomas consacrent l’un et l’autre une attitude favorable envers les biens périssables et refusent le mépris du monde qu’exprimaient les premières roues de Fortune à l’époque de la réforme grégorienne. Entre-temps, la prétention à se situer au-dessus de l’instabilité des choses avait momentanément gagné le pouvoir royal. Autour de 1200, nous rencontrons en effet des roues de Fortune manipulées pour impliquer, non plus la condamnation du pouvoir royal, mais sa sacralité.

Cela prend d’abord l’aspect d’une controverse entre Fortune et Sagesse, dans une illustration de l’Historia de origine regum Anglorum (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 66, fol. 66 ; ill. 9)21. Fortune cherche à actionner la roue, mais Sagesse la réprimande. Fortune dit que tout arrive par hasard dans le monde et Sagesse répond que rien ne s’y fait par hasard. L’intention de l’œuvre est exprimée par un long titulus reproduisant Proverbes 8, 12-17, où Sagesse dit que par elle régnent les rois et gouvernent les seigneurs. On reconnaît là d’autant mieux la prétention royale à représenter la Sagesse divine que l’inscription per me reges regnant se retrouve sur la couronne impériale au Trésor de Vienne. A l’imitation de l’Eglise, la monarchie se prétend au-dessus du siècle. Il faut donc interpréter le petit bonhomme à la tunique courte qui distribue ses dons au sommet de la roue comme un méchant despote, distinct des sages rois d’Angleterre. De manière comparable, le roi peut être remplacé par une créature antithétique au sommet de la roue. C’est le cas dans le manuscrit conservé à Vienne de la première traduction française de Boèce (Österreichische Nationalbibliothek, ms. 2642, fol. 11 ; ill. 10)22. D’immenses bandeaux aveuglent Fortune qui siège au centre de la roue et le roi a été remplacé à son sommet par un veau couronné. Si cette enluminure reste ambiguë – elle pourrait aussi vouloir dire que les rois sont des veaux – celle qui orne l’incipit d’un Viaticum de Constantin l’Africain conservé à Bâle (Universitatsbibliothek, ms. D.III.12, fol. 5) met un fou avec sa massue au sommet de la roue (ill. 11)23. Apparu vers 1200 dans l’enluminure française, ce personnage est l’antithèse du roi qui incarne la Sagesse, comme dans l’histoire très répandue de Salomon et de Marcolfe.

Dans un Glossaire de Salomon de Constance, enluminé à Ratisbonne au milieu du XIIe siècle (Bayerische Staatsbibliothek, clm 13002, fol. 3v), Fortune possède deux visages et se tient sur sa roue24. Avec Opulence qui accompagne Crésus ligoté, elle est responsable du destin de ce roi, prisonnier de Cyrus qui le condamne au bûcher. L’enluminure ne ferait que confirmer l’association entre le pouvoir royal et l’instabilité de Fortune si elle n’appartenait à une série d’antithèses en double page où l’on trouve entre autres l’onction de David, figure idéale de la royauté. Le roi victime de Fortune ne représente donc plus la royauté en général : l’idéal d’une royauté sacrée lui fait contrepoids. Cela est encore plus évident dans la chronique sicilienne de Pierre d’Eboli, ou Liber ad honorem Augusti, enluminée en 1197 (Berne, Burgerbibliothek ms. 120), un exemple achevé de propagande royale25. Elle raconte la lutte triomphale de Henri VI contre l’anti-roi Tancrède en le glorifiant sans mesure et en ridiculisant impitoyablement le vaincu. L’abondante illustration renchérit encore sur la flagornerie du texte. Au fol. 146, l’empereur trône entouré des vertus théologales à sa droite et des vertus cardinales à sa gauche, toutes debout comme pour lui rendre hommage (ill. 12). En contrebas, Fortune implore en vain les vertus de l’admettre en leur compagnie, tandis que sa roue écrase le malheureux Tancrède. L’idée est reprise au fol. 147 où l’empereur siège sur le trône de Salomon, orné de têtes de lion (ill. 13). Il est entouré de trois dignitaires et Sagesse se tient derrière son trône, repoussant Fortune qui pleure sur sa roue. De nouveau, Tancrède gît sous la roue, entouré des membres épars d’autres victimes de Fortune.

Le manuscrit manifeste clairement les prétentions théocratiques de Henri VI qui, comme son père Frédéric Barberousse et surtout comme son fils Frédéric II, ne craint pas de s’opposer au pape. Le pouvoir impérial est entièrement sacralisé sur le modèle romain, d’où le titre d’« Auguste » donné au monarque, et échappe aux aléas d’un destin profane réservé à ses adversaires. Il reprend à son profit l’opposition mise en place un siècle plus tôt par l’Eglise entre sa propre pérennité et la caducité des pouvoirs profanes. Le bras de fer entre l’Empire et l’Eglise occupera le plus gros du règne de Frédéric II et se terminera par la défaite totale de ses fils, Conradin et le bâtard Manfred. Le thème semble disparaître de la propagande royale, mais on en retrouve un écho atténué dans la propagande politique des villes italiennes. Vers 1280, les Milanais font peindre un décor dans la Rocca di Angera, près du Lac Majeur, pour célébrer la victoire de l’archevêque gibelin Otto Visconti sur le seigneur guelfe Napoleone della Torre26. La victoire du prélat est racontée comme une sorte de croisade contre le pouvoir profane de Napoleone et glosée par une roue de Fortune, visiblement destinée à illustrer la chute de ce dernier. Au-dessus du récit guerrier se trouve un programme astrologique destiné à légitimer les vainqueurs. Il faut comprendre que le destin inscrit dans les astres les protège des caprices de Fortune et joue ici le même rôle que les vertus dans la propagande de Henri VI. Cela semble une indication intéressante sur le développement des programmes astrologiques qui gagnent les villes à partir de la cour de Frédéric II et entrent dans le décor des palais communaux avec le Palazzo della Ragione à Padoue, puis le Palazzo Pubblico de Sienne.

Au nord des Alpes, la roue de Fortune prend un aspect différent, presque opposé, mais dont les effets polémiques sont comparables. Au lieu qu’un pouvoir prétende se soustraire aux caprices de Fortune, on fait de ceux-ci le sort commun, en mettant les représentants de l’Eglise parmi ses victimes, ce que les Italiens n’avaient pas osé faire. C’est à la fois plus modeste et plus offensif. On ne s’étonnera pas de trouver le procédé dans l’illustration de Renart le Nouvel, écrit sous le règne de Philippe le Bel par un certain Jacquemart Giélée et très critique à l’égard des ordres religieux. Le manuscrit fr. 372 de la Bibliothèque Nationale de France présente en pleine page une roue de la Fortune d’un genre nouveau qui ne suit que très approximativement le texte du roman (fol. 60 ; ill. de la couverture)27. Elle est surmontée par un souverain simiesque, mais désigné comme Renart par l’inscription, adoré à genoux par deux autres renards habillés l’un en hospitalier, l’autre en templier. Fausseté, un homme armé d’une faucille, monte à la roue, tandis que Foi s’effondre, sous la forme d’un prêtre séculier tenant un calice. Un personnage en caleçon tenant une balance est écrasé par la roue et représente Loyauté. Orgueil et Haine triomphent à cheval en haut de l’image, tandis que Charité et Humilité commentent la situation en bas. Fortune elle-même ferme les yeux en signe d’aveuglement. La présence sur la roue de deux ordres religieux, dont celui des templiers qui connaîtra quelques années plus tard les coups du sort, implique que les institutions religieuses sont elles-mêmes des œuvres humaines. Il est encore plus remarquable que la foi chrétienne soit traitée à son tour comme une donnée contingente.

On pourrait croire que cette enluminure était un caprice sans lendemain, mais on en a plusieurs échos qui montrent au contraire la popularité du livre et de son illustration. On en retrouve une adaptation dans le missel de l’abbé bénédictin Jean de Marchel, enluminé en 1323 par Pierre de Raimbaucourt (La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 78.D.40, fol. 33 ; ill. 14). Ne disposant que du bas de page pour disposer une iconographie complexe, Pierre de Raimbaucourt place deux roues plus simples sous les deux colonnes du texte. La première présente un roi au sommet et un homme nu sous la roue, sans préciser leur identité par des inscriptions, mais on reconnaît immédiatement Fausseté montant à la roue avec sa faucille et Foi qui en tombe, personnifiée par le prêtre au calice, à condition toutefois de connaître Renart le Nouvel et son iconographie. Il est difficile d’identifier certains des animaux qui occupent la seconde roue. La victime semble être un lion, tandis que le roi trônant au sommet, le franciscain qui grimpe et le personnage qui tombe semblent tous trois des renards. L’enlumineur a donc abandonné l’une des idées de son modèle, l’hommage prêté à leur souverain par les deux autres animaux. Mais il l’avait déjà exploitée au folio 26, où l’on voit un loup dominicain et un renard franciscain agenouillés devant un lion royal, trônant comme une idole sur une colonne et portant une banderole avec les mots : « Jalusie, orgueul, envie » (ill. 15)28.

Cet exemple montre que la polémique de Jacquemart Giélée contre les nouveaux ordres religieux ne déplaisait pas à un abbé bénédictin, mais son influence s’exerce encore bien plus tard, en Allemagne vers 1440 (ill. 16)29. Une gravure sur bois présente à son tour Fortune aveugle, désignée cette fois comme Patience. Sur la roue siège un renard pape dont les prétentions théocratiques sont exprimées par la conjonction de la triple tiare et du sceptre. Il est entouré par un loup dominicain et un ours franciscain. On retrouve Fausseté avec sa faucille, Foi sous la forme d’un prêtre séculier tenant un calice et Loyauté (traduit Stetikeit) en caleçon sous la roue. Orgueil et Haine cavalent sur la roue, tandis qu’Amour et Humilité aident Patience à la renverser. Wolfgang Harms, qui a étudié l’œuvre, l’explique comme inspirée par les idées de Wiclif et de Hus, sans doute avec raison, mais il croit à tort qu’il s’agit de la première représentation du pape en renard. Boniface VIII apparaissait déjà en renard lors d’un spectacle organisé à Paris sous Philippe le Bel et il poursuivait les poules dans la rue30.

La nouveauté est plutôt dans l’assimilation de Fortune à la vertu chrétienne de Patience. Cela veut certainement dire que la vengeance est un plat qui se mange froid et que Fortune est la force providentielle qui nous débarrassera du pape. Mais cette sympathie envers Fortune n’est pas nouvelle non plus. Si Boèce la défend contre les récriminations humaines, en montrant que ses coups peuvent être des leçons bénéfiques, c’est encore un contemporain de Philippe le Bel, idéologiquement proche de Jacquemart Giélée, qui en fait l’auxiliaire de la Providence et la sœur de la Sagesse. Il s’agit de Gervais du Bus dans le Roman de Fauvel31. Cette œuvre est souvent présentée comme une critique acerbe de l’entourage de Philippe le Bel et il est vrai – même si la critique de l’Eglise prend une place considérable – que celle du souverain est virulente. Mais les attaques contre le pouvoir laïque sont sans doute une manière d’universaliser la satire et de justifier les attaques contre l’Eglise par un pessimisme universel. Il est significatif, par exemple, que la dépendance de la papauté d’Avignon ne soit pas présentée comme une conséquence des ambitions du roi, mais de la servilité du pape. En faisant de Fortune l’instrument de la puissance divine, Gervais du Bus met sous ses lois l’Eglise elle-même et peut la présenter comme une institution discréditée qui ne jouit plus depuis longtemps de la protection du ciel. En d’autres termes, l’Eglise ne transcende plus l’histoire profane, représentée par Fortune, et n’est plus que le produit d’ambitions humaines au sort incertain.

Conclusion

De la réforme grégorienne au règne de Philippe le Bel, l’iconographie de la roue de Fortune montre un double visage à première vue paradoxal. La signification du thème est restée stable, alors que sa fonction polémique s’est inversée. Le point de départ grégorien est le dénigrement de la royauté. L’Eglise, qui prétend régir le monde au nom de Dieu et durer éternellement, produit une caricature du monarque laïque, sous l’aspect d’un pantin ambitieux qui usurpe un pouvoir indu pour replonger aussitôt dans le néant. L’histoire profane devient ainsi un temps circulaire et insignifiant, fait de l’ascension et de la chute des gloires mondaines. On hésite d’abord à représenter Fortune elle-même, à donner corps à cette déesse païenne et par là un statut au monde profane. A contrario, le développement de l’allégorie qui prend une majesté royale au cours du XIIe siècle peut s’interpréter comme une reconnaissance, nolens volens, des pouvoirs et des séductions du siècle. C’est en fait le pouvoir séculier qui résiste le plus à cette tendance, lorsqu’il cherche à se sacraliser et à faire jouer à son avantage l’opposition entre sa propre stabilité et la caducité de ses ennemis, ainsi dans la chronique de Pierre d’Eboli. Un siècle plus tard, l’entourage de Philippe le Bel change brutalement de stratégie. Fortune est complètement christianisée et Gervais du Bus en fait une exécutante du plan divin, mais l’Eglise, désacralisée, devient une de ses victimes de prédilection. Ce n’est pas le roi qu’emporte le mouvement de la roue, mais l’ordre des templiers. Tout se passe donc comme si le thème iconographique avait inspiré sa propre histoire : la roue a tourné et la Fortune, toujours changeante, s’est retournée contre l’Eglise qui avait cru s’en faire une alliée.

1. Mont-Cassin, ms. 189, p. 145.

2. Id., p. 146.

3. Villard de Honnecourt, Album, Bibliothèque Nationale de France, fr. 19093 (Hahnloser XLII).

4. Apothéose et châtiment d’Hérode Agrippa, Lambach, Stiftskirche.

5. Mosaïque du pavement de San Salvatore, Turin, Museo Civico.

6. Sceau de la ville de Tyrnau.

7. Heiligenkreuz, ms. 130, fol. 1v.

8. Hortus deliciarum, anc. Bibliothèque de Strasbourg, fol. 215 (copie).

9. Historia de origine regum Anglorum, Cambridge, Corpus Christi College, ms. 66, fol. 66.

10. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, ms. 2642, fol. 11.

11. Constantin l’Africain, Viaticum, Bâle, Universitatsbibl. ms. D.III.12, fol. 5.

12. Pierre d’Eboli, Liber ad honorem Augusti, Berne, Burgerbibl. ms. 120, fol. 146.

13. Id., fol. 147.

14. Missel de Pierre de Raimbaucourt, La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 78.D.40, fol. 33.

15. Id., fol. 26.

16. Feuille volante, Allemagne, vers 1440.

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1 Comme le montre Jean-Yves Tilliette dans sa communication.

2 A. Doren, « Fortuna im Mittelalter und in der Renaissance », Vorträge der Bibliothek Warburg, t. 2, 1 (1922-1923), pp. 71-144, en particulier p. 89 et s. ; Pierre Courcelle, La consolation de Philosophie dans la tradition littéraire, Paris, 1967, pp. 141ss. ; Ernst Kitzinger, « World Map and Fortune’s Wheel : a Medieval Mosaic Floor in Turin », repris dans : The Art of Byzantium and the Medieval West. Selected Studies, Bloomington – Londres, 1976, pp. 327-356, en particulier p. 345.

3 Alan H. Nelson, « Mechanical Wheels of Fortune, 1100-1547 », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, t. 43 (1980), pp. 227-233 : « rotam, quae, nescio qua arte conducta, descendebat et ascendebat, semper rotabat ».

4 Non usurpabis nomen Domini Dei tui frustra, quia non erit impunitus qui super re vana nomen eius adsumpserit.

5 Pierre Lombard, Sentences, l. 3, dist. 37, c. 2, § 3 ; Thomas d’Aquin, Somme théologique, 2a-2ae, q. 122, a. 3.

6 Thomas d’Aquin, loc. cit., 1re objection : Et Deut. 5, 11 exponitur : Non assumes nomen Dei tui in vanum : scilicet, nomen Dei ligno et lapidi attribuendo. Texte de la glose dans Biblie iampridem renovate pars prima…, Bâle [Froben], 1501 : Jurando pro re que non est : vel nomen Domini ligno vel lapidi et huiusmodi tribuendo.

7 Nelson, art. cit. ; Villard de Honnecourt, Kritische Gesamtausgabe des Bauhüttenbuches, éd. H. R. Hahnloser, 2e éd., Graz, 1972, pp. 127ss. La roue est déjà interprétée comme une machine par Doren, op. cit., p. 86.

8 Norbert Wibiral, « Zur Bildkomposition des ‘Lambacher Herrschersturzes’ », Österreichische Zeitschrift für Kunst und Denkmalpflege, t. 40 (1986), pp. 98-111.

9 Ibid., p. 106.

10 Emile Mâle, L’art religieux du XIIIe siècle en France, rééd. Paris, 1987, pp. 183ss. ; Doren, op. cit., pp. 84ss.

11 Patrologie latine, vol. 172, col. 1057 : « Scribunt itaque philosophi quod mulier rota innexa jugiter circumferatur ; cujus caput nunc in alta erigatur, nunc in ima demergatur Rota haec quae volvitur est gloria hujus mundi quae jugiter circumfertur. Mulier rotae innexa est Fortuna gloriae intexta. Hujus caput aliquando sursum, aliquando fertur dorsum, quia plerique multocies potentia et divitiis exaltantur, saepe egestate et miseriis exalliantur [sic] ». La traduction, très libre, est celle d’Emile Mâle, op. cit., p. 186.

12 Kitzinger, op. cit.

13 Arturo Carlo Quintavalle, Wiligelmo e Matilde. L’officina romanica, Milan, 1991, p. 281.

14 En revanche, on ne voit pas pourquoi Kitzinger trouve féminin le personnage occupant le sommet de la roue.

15 F. P. Pickering, Literatur and Art in the Middle Ages, Londres, 1970, pp. 168ss. Qu’on ait par la suite fait intervenir Fortune dans le plan du Salut n’empêche pas la dichotomie d’être pertinente, malgré les critiques de Michael Schilling, « Rota Fortunae. Beziehungen zwischen Bild und Text in mittelalterlichen Handschriften », in : Deutsche Literatur des spaten Mittelalters (colloque, Hambourg, 1973), Berlin, 1975, pp. 293-313, en particulier pp. 310ss. Saint Augustin, Cité de Dieu, 4, 18 ss. ; 5, 9.

16 Carmina Burana, éd. Alfons Hilka et Otto Schumann, Heidelberg, 1930-1970, en particulier CB 17.

17 Publié dans Doren, op. cit, ill. 9 : « SYM[BOLUM] CIVIUM DE ZUMBOTHEL CUM ROTA FORTUNE + ET DEUS IN ROTA + ».

18 Courcelle, op. cit., p. 144.

19 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. Armand Strubel, Paris, 1992, vv. 5840 ss.

20 Thomas d’Aquin, Somme théologique, 2a-2ae, q. 129, a. 8.

21 Publié dans Schilling, op. cit., ill. 4.

22 Courcelle, op. cit., p. 146.

23 Schilling, op. cit., ill. 6.

24 Id., p. 144 ; M. W. Evans, Medieval Drawings, Londres, 1969, nos 34-35.

25 Pierre d’Éboli, Liber ad honorem Augusti, sive de rebus Siculis, éd. T. Kolzer et M. Stahli, Sigmaringen, 1994 ; Pickering, op. cit., pp. 200ss.

26 Dieter Blume, Regenten des Himmels. Astrologische Bilder in Mittelalter und Renaissance, Berlin, 2000, pp. 64 ss.

27 On retrouve la roue de Fortune dans l’illustration de deux autres manuscrits du roman, le fr. 1581, fol. 57 et le fr. 25566, fol. 175v de la même bibliothèque. Cf. Jacquemart Giélée, Renart le Nouvel, éd. H. Roussel, Paris, 1961, pp. 7ss. Wolfgang Harms, « Reinhart Fuchs als Papst und Antichrist auf dem Rad der Fortuna », Frühmittelalterliche Studien, t. 6 (1972), pp. 418-440, confond Renart le Nouvel avec le Roman de Renart.

28 Harms, op. cit. ; Michael Camille, The Gothic Idol. Ideology and Image-making in Medieval Art, Cambridge, 1989, pp. 267ss.

29 Harms, op. cit.

30 Nancy F. Regalado, « Staging the Roman de Renart : Medieval Theater and the Diffusion of Political Concerns into Popular Culture », Mediaevalia. A Journal of Medieval Studies, t. 18 (1995), pp. 111-142.

31 Gervais du Bus, Le Roman de Fauvel, éd. A. Långfors, Paris, 1914-1919 ; Jean-Claude Mühlethaler. « Discours du narrateur, discours de Fortune : les enjeux d’un changement de point de vue », in : Fauvel Studies. Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS français 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, 1998, pp. 337-351.