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L’historicisation de l’œuvre littéraire

Le Divan occidento-oriental de Johann Wolfgang von Goethe, son contexte historique et son actualité

Anke BOSSE

Université de Namur

« There is no escape from contingency »1 – « on ne peut pas échapper à la contingence ». Cette constatation de Stephen Greenblatt vise la situation du chercheur qui tente l’historicisation d’une œuvre littéraire et qui se voit confronté non seulement à la textualité de ce qu’on appelle le « contexte historique »2, mais surtout à une multitude illimitée de discours. Face à celle-ci, l’historicisation devrait avoir continuellement conscience de la contingence et de l’arbitraire de ses choix, auxquelles elle est inévitablement contrainte. Et elle devrait réaliser que, par chacune de ses propositions, elle pratique forcément une clôture textuelle. La légitimité de l’historicisation est donc toujours restreinte. Le soi-disant « contexte historique » n’est pas une donnée ; en effet, les corrélations historiques ne sont pas seulement présentées mais aussi produites au cours du processus d’historicisation.

Malgré le risque inhérent à la multiplication des discours imbriqués dans une œuvre littéraire, j’aimerais soutenir que l’historicisation d’une œuvre littéraire doit s’établir selon une double perspective. Il s’agit d’une part des discours établis par l’œuvre elle-même, lesquels s’inscrivent dans les multiples discours dont ils sont contemporains et qui sont liés aux conditions de production. Il s’agit d’autre part des conditions de réception, c’est-à-dire des discours qui attirent, dirigent et forment nos lectures. Tout en reconnaissant le caractère arbitraire des choix que je dois moi-même opérer, je me borne ici à retracer quelques-uns de ces discours : ceux qui entrent dans une seule œuvre et ceux qui, en en sortant, tissent un lien entre l’œuvre et son public, dont nous faisons partie.

J’exposerai quelques aspects d’une historicisation procédant de cette double perspective, en prenant comme exemple le Divan occidento-oriental de Johann Wolfgang von Goethe, un recueil de poèmes accompagné de notes en prose composé entre 1814 et 18193. Je me propose d’étudier d’abord quelques « sources et ruisseaux » dont Goethe a « dérivé […] les eaux rafraîchissantes » sur ses « parterres de fleurs »4 : c’est-à-dire, à titre d’exemple, quelques discours qui ont déterminé son intérêt insatiable de l’Orient. Je suggère aussi de ne pas perdre de vue l’idée de rafraîchissement, voire de rajeunissement, et la notion de dérivation ou de mise à profit qui se cachent dans les métaphores citées plus haut.

En 1813-1814, les « parterres de fleurs » de l’écrivain sexagénaire étaient en état de sécheresse, les champs de sa production littéraire étant sujets à des crises répetées. Celles-ci semblent avoir été déclenchées par la mort de Friedrich Schiller en 1805 et donc par la fin d’une collaboration littéraire extrêmement fructueuse. Goethe confessa qu’il avait perdu un ami : « un ami et, avec celui-ci, la moitié de mon existence. Au fond, je devrais instaurer un nouveau mode de vie ; mais, à mon âge, je n’en ai pas le moyen »5. En conséquence, pendant les années qui suivirent, l’écrivain, résigné, visait plutôt le passé que le futur, plus préoccupé par le bilan de sa vie que par les créations innovatrices6. Le sexagénaire se contentait de se pencher sur son passé en rédigant des ouvrages autobiographiques. Les crises de production littéraire furent doublées de crises politiques qui, elles aussi, faisaient irruption dans la vie quotidienne de l’écrivain : l’invasion de l’armée napoléonienne et les guerres qu’elle provoqua n’épargnaient pas le duché de Weimar. Perturbé par les événements politiques et militaires, Goethe réagissait d’une « façon spécifique » qu’il avait lui-même identifiée : « Dès que quelque chose d’extrêmement menaçant apparaissait dans le monde politique, je me plongeais obstinément dans ce qui en était le plus éloigné »7. En juin 1814, alors que la situation politique se stabilisait provisoirement8, il fit, dans le lointain, une découverte qui devait se révéler prodigieusement fructueuse. La nouvelle orientation artistique tant recherchée vint de la région qui donnera le mot « orientation » : l’Orient. Après avoir reçu une traduction allemande complète d’un recueil de poèmes persans, le Diwan de Ḥāfiẓ, (1320-1390 environ)9, Goethe commença à écrire des poèmes qui amalgamaient les motifs orientaux de Ḥāfiẓ, et les motifs occidentaux puisés dans le domaine poétique goethéen. L’affinité, qui devait tout de même enjamber plus de 400 ans et unir deux cultures différentes, était si forte que Goethe nommera Ḥāfiẓ son « frère jumeau »10 et qu’il écrivit en une seule année plus de 100 poèmes, nombre qui doublera encore dans les années suivantes. Une telle force créatrice, à laquelle ce sexagénaire ne s’attendait plus, le poussa à confesser qu’il ressentait même un « rajeunissement »11. L’idée esthétique que la culture et la littérature orientales auraient conservé leur pureté et qu’elles pourraient ainsi servir à renouveler la littérature occidentale apparut. Ceci est présenté comme un programme dans la première strophe du premier poème du Divan. L’auteur attribua même à ces lignes la capacité de nous faire connaître le sens et l’intention de tout le Divan12.

Hegire

Nord und Süd und West zersplittern,

Throne bersten, Reiche zittern,

Flüchte du, im reinen Osten

Patriarchenluft zu kosten !

Unter Lieben, Trinken, Singen

Soll dich Chisers Quell verjüngen13.

Hegire

Nord, Ouest et Sud volent en éclats,

Les trônes se brisent, les empires tremblent :

Sauve-toi ; va dans le pur Orient

Respirer l’air des patriarches !

Parmi les amours, le boire et les chants

La source de Chiser te rajeunira14.

En s’ouvrant sur une destruction universelle qui évoque les guerres napoléoniennes, le poème se rattache, de manière aussi incontestable que vague, au discours politique – précisément, semble-t-il, pour le rejeter. En prétendant que l’anéantissement total n’épargne que l’Orient, le poème fixe une perspective inévitablement dirigée vers l’est. Pour atteindre ce but, le poème n’hésite pas à valoriser l’Orient comme étant « pur » et préservé de l’effrondement politique et militaire de l’Occident, négligeant le fait que l’Orient n’était justement plus à l’abri. En effet, en 1798, les campagnes napoléoniennes avaient atteint l’Egypte et la Syrie. Ces campagnes, lors desquelles Champollion déchiffra les hiéroglyphes, inaugurèrent les études orientales et, en cela, ont été paradoxalement utiles à la poésie du Divan. J’y reviendrai plus tard.

Dans le poème, le « je », s’adressant à soi-même, s’ordonne de « se sauver » en Orient – mais l’apparition d’un « toi » (« du » en allemand) peut aussi impliquer le lecteur/la lectrice. Cette aspiration au refuge, qui ressemble à une évasion, a provoqué des réactions variées, dans lesquelles se croisent les discours imprégnés par les intérêts des lecteurs/lectrices durant 190 ans environ. Je ne peux que présenter, à titre exemplaire, quelques traces de ces discours, conservés par les textes, qui recouvrent les discours accumulés depuis la parution de l’œuvre à nos jours.

Je commence par deux exemples opposés, lesquels traduisent le refus et l’assimilation. Achim von Arnim, jeune écrivain de la génération appelée « romantique », ne sut pas se libérer de la tension qui régnait depuis 1811 dans ses relations avec Goethe15. En 1821, il se prononça d’une façon très polémique contre « les amours et le boire » et contre tout déplacement imaginaire vers l’Orient, attaquant ainsi Goethe, patriarche omnipotent de la scène culturelle en Allemagne :

J’ai écrit quelques vers mauvais qui se réfèrent au Divan, mais qui contiennent tout de même quelque chose de vrai :

Pour respirer l’air des patriarches

Je ne vais pas chez ma Leila,

Je ne me rends pas vers l’Orient pur,

Pour vomir dans la taverne16.

Au contraire, l’écrivain Théophile Gautier céda en 1852 à une tendance alors très répandue qui consistait à adopter Goethe comme mentor spirituel et à se méprendre, aveuglé par ses propres intérêts, sur les œuvres goethéennes. Dans le sonnet « Préface » qui, comme « Hegire » ouvre le Divan, ouvre pour sa part Emaux et Camées, Gautier soutiendra l’idée d’une filiation entre Goethe et lui et abusa de l’idée de refuge en Orient pour légitimer son propre programme poétique de l’art pour l’art :

Pendant les guerres de l’empire

Gœthe, au bruit du canon brutal,

Fit le Divan occidental,

Fraîche oasis où l’art respire.

Pour Nisami quittant Shak[e]speare,

Il se parfuma de çantal,

Et sur un mètre oriental

Nota le chant qu’Hudhud soupire.

Comme Gœthe sur son divan

A Weimar s’isolait des choses

Et d’Hafiz effeuillait les roses,

Sans prendre garde à l’ouragan

Qui fouettait mes vitres fermées,

Moi, j’ai fait Emaux et Camées17.

Ce poème qui déborde de malentendus évidents18 mit en relief non seulement l’idée d’évasion, mais aussi la dichotomie entre une réalité refusée et une poésie autonome. On peut se demander si Goethe a jamais été intéressé par ces notions. En fait, il fallut attendre qu’on éclaircisse le sens du verbe « flüchten » au 19e siècle et qu’on accorde plus d’attention aux implications orientalistes du Divan. Grâce à un dictionnaire de l’époque, on découvrit finalement la différence entre les verbes « fliehen » (fuir, s’enfuir) et « flüchten » (fuir, se sauver). Le dernier, utilisé par Goethe, comprend l’idée d’être obligé de se sauver d’un danger pour protéger quelque chose ou quelqu’un, voire pour se protéger soi-même – signification qui peut prévaloir19. Le traducteur français du Divan occidento-oriental, Henri Lichtenberger, qui ne fut pas toujours apte à saisir les nuances, y réussit cette fois-ci en traduisant « Flüchte du » par « sauve-toi ». Cette signification fut confirmée et élargie à partir du moment où l’on regarda enfin de près les aspects orientalistes du poème goethéen, à commencer par son titre : « Hegire » qui est la traduction française du mot arabe higra et qui fut jugée par Goethe plus euphonique et plus familière pour les occidentaux20. Le mot higra signifie émigration et désigne uniquement celle de Mahomet qui, en 622, se sauva et se mit à l’abri des persécutions en cours à la Mecque en partant pour Médine. Cette année marque le début de la chronologie islamique et c’est surtout cette notion de renouveau que Goethe, qui a lu la Bibliothèque orientale de Barthélémy d’Herbelot21, voulut attribuer à la poésie de son Divan. La fuite salvatrice se révèle être le début d’une nouvelle chronologie, d’une époque fructueuse dans la production poétique de Goethe22. Plusieurs discours résonnent dans cette interprétation de la fuite salvatrice comme début d’une époque fructueuse. On retrouve cette interprétation dans le nom d’« Hegire » que Goethe a attribué lui-même à sa fuite de Karlsbad en 1786, un départ pour l’Italie qui devait faire date dans tout son œuvre23. On la retrouve sous la plume de Goethe quand il parle du Divan dans son entier24. On la retrouve dans la date qui figure dans le manuscrit original du poème « Hegire », puisque le 24 décembre, date de naissance de Jésus-Christ, marque le début de la chronologie chrétienne25. On la retrouve dans le poème lui-même, dans l’idée du rajeunissement qui surgit de la « source de Chiser ». Celle-ci joue un rôle éminent dans la vie du « frère jumeaux » de Goethe, Ḥāfiẓ. On dit que c’est par les eaux de cette source que Ḥāfiẓ fut consacré poète26 – une consécration que Goethe lui-même atteignit grâce à sa poésie, comm.e il l.e dit dans son poème initiatique. Cette référence Ḥāfiẓ est renforcée par d’autres qui, elles aussi, désignent Ḥāfiẓ comme mentor spirituel dans ce poème. De même que la poésie du Divan goethéen, la poésie ḥāfiẓienne fut composée par opposition aux « horreurs des ouragans politiques qui bouleversaient l’Orient » du 15e siècle27. Et la poésie ḥāfiẓienne pronait justement « les amours, le boire et les chants », motifs que le poème « Hegire » réclame pour l’auteur du Divan, par lesquels s’installe l’affinité entre Ḥāfiẓ et Goethe, et dans lesquels se croisent, une fois de plus, plusieurs discours. Les amours, le boire et les chants apparurent comme sources et motifs poétiques dans des odes antiques attribuées à Anacréon. Ces motifs se sont implantés non seulement dans le gazal, la forme poétique orientale dont Ḥāfiẓ fut l’un des plus grands maîtres, mais aussi dans la poésie européenne, surtout celle du siècle de Louis XV qui imprégna la poésie juvénile de Goethe. A l’époque du Divan, la fascination pour la poésie orientale, qui se présentait à la fois comme étrangère et comme familière, se combinait chez Goethe avec la reconnaissance de ses propres débuts de poète. Ceci renforça encore, alors que le poète était en proie à des tendances rétrospectives, son sentiment déjà mentionné de « rajeunissement ». Terminant ici notre analyse historicisante d’une seule strophe, je propose d’élargir la perspective en esquissant les contours de quelques discours littéraires et scientifiques de l’époque.

L’idée de renouvellement et d’inspiration puisés dans la culture et la littérature orientales était assez répandue à l’époque et elle engendrait un flot de textes orientalisants. Goethe a-t-il donc seulement cédé à une mode ? Pour le savoir, il faut tout d’abord se rappeler que la plupart des textes orientalisants du 18e siècle, profitant de la fin de la confrontation religieuse entre l’Occident chrétien et l’Orient islamique, se servirent généralement de l’Orient pour critiquer l’absolutisme occidental – l’Orient n’était qu’un outil utile dans les mains d’Européens toujours fixés sur leurs propres problèmes. Dans la deuxième partie du 18e siècle, suite à la traduction des Mille et une nuits, le marché littéraire en Europe fut submergé par le conte orientalisant dont l’exotisme, voué à attirer le grand public, visa surtout un succès commercial. Mais au milieu des années 1810, à l’époque du Divan, cette mode était déjà sur le déclin. Le Divan n’est-il donc qu’un retardataire ? Non, parce qu’à ce moment-là, l’intérêt occidental pour l’Orient se développait dans une nouvelle direction. Il s’orientait vers l’affinité voire l’identification avec l’Orient et se servait d’une nouvelle discipline récemment installée dans les universités : les études orientales, dont la naissance date de la campagne napoléonienne en Egypte, comme je l’ai déjà mentionné. Et Goethe sut en tirer profit pour son Divan occidento-oriental.

Les deux cents poèmes de ce recueil ne sont pas seulement dus à l’affinité entre Goethe et Ḥāfiẓ. A partir de l’hiver 1815, Goethe élargit son horizon et nourrit son inspiration poétique par la lecture de plus de 100 livres orientaux ou orientalistes28, signés par des orientalistes français, anglais, autrichiens, allemands, italiens. En cela, son Divan s’inscrit dans l’histoire de l’orientalisme européen.

De plus, après avoir publié à titre d’essai quelques poèmes du Divan, Goethe prétendit qu’ils avaient égaré le public – réception dont nous n’avons de nos jours aucune trace. Cet exemple devrait nous rendre conscient du problème évident que posent, lors de chaque historicisation, les limites de la tradition principalement textuelle dont elle dépend ; mais nous devrions aussi nous demander si Goethe n’a pas prétendu que le public avait été déconcerté afin, d’une part, de couvrir ses propres doutes vis-à-vis de la poésie du Divan et, d’autre part, de légitimer sa décision de l’accompagner de notes en prose, intitulées Pour mieux comprendre29. De toute façon, la préface de ces notes trahit déjà une certaine ambiguïté entre l’intention d’expliquer l’Orient aux lecteurs/lectrices et l’intention de s’exprimer, de se justifier :

J’ai lancé dans le monde mes écrits de jeunesse sans préface, sans le moindre souci d’indiquer mes intentions ; […] Mais à présent je souhaiterais que rien ne vînt empêcher le présent petit recueil de produire tout de suite une bonne impression. Je me résous donc à donner des commentaires, des éclaircissements, des références, et cela uniquement dans l’intention de procurer une intelligence immédiate de mes poèmes aux lecteurs qui ne connaissent que peu ou point l’Orient. Par contre, ce supplément sera inutile à celui qui s’est occupé de près de l’histoire et de la littérature de cette région si remarquable du monde30.

Par leur simple existence, les notes en prose signalent, semble-t-il, l’une des tendances dominantes du 19e siècle, laquelle s’exprime également à travers la distinction entre public ignorant et public instruit, c’est-à-dire le développement accéléré des sciences. En conséquence, la poésie qui s’ouvre à une culture autre que la culture familière ne s’exprime plus suffisamment par elle-même, elle a besoin d’explications. De plus, ces notes en prose nous offrent des réflexions sur les possibilités d’accès aux cultures étrangères et sur l’orientalisme :

Ce qui plairait le plus à l’auteur des poésies qui précèdent, c’est d’être regardé comme un voyageur qui tient à honneur de s’adapter avec plaisir aux coutumes des pays étrangers, qui s’efforce de s’assimiler leur langage, de partager leurs sentiments, d’adopter leurs mœurs. On l’excuse si cela ne lui réussit qu’en partie, et si un certain accent propre, une incoercible persistance de ses particularités nationales révèlent en lui l’étranger.

Mais pour faire agréer plus vite aux siens ce qu’il leur rapporte, le voyageur adopte le rôle d’un marchand qui étale complaisamment ses marchandises et cherche de diverses manières à les rendre agréables ; on ne lui saura pas mauvais gré des propos par lesquels il les annonce, les décrit, ou même les vante31.

D’un côté, l’auteur convie son public à former un jugement favorable, et de l’autre, il se présente comme un voyageur, rôle qui, tout en camouflant le caractère purement imaginaire de son voyage en Orient, lui accorde une grande liberté. Un voyageur peut essayer de mettre entre parenthèses les empreintes de sa culture originale en s’efforçant de s’adapter et de s’assimiler à l’Autre, sans jamais oublier qu’il reste un étranger marqué par des particularités culturelles, auxquelles il ne peut pas échapper. S’installer entre deux cultures distinctes est une position qui peut correspondre à l’amalgame que Goethe tenta dans le Divan, un programme annoncé dans le titre déjà, le Divan étant qualitié d’occidento-oriental. Cette situation peut se révéler idéale pour jouer le rôle d’un médiateur interculturel, puisque la durée d’un voyage à l’étranger, par exemple en Orient, est éphémère par définition et implique un mouvement d’aller et de retour. Ici, le poète devient au retour un « marchand » qui, au moyen de ses marchandises poétiques, s’apprête à familiariser le public ignorant avec l’Autre, avec l’Etranger.

A première vue, ce scénario n’a rien avoir avec l’orientalisme tel que Edward Saïd32 le décrit en se basant entre autres sur la théorie du discours de Michel Foucault. Le livre saïdien, jugé aujourd’hui comme avant-courreur du New Historicism33, nous permet de découvrir une perspective actuelle. Selon Saïd, le discours occidental s’empare de l’Orient en établissant un système clos d’échanges purement textuels – un système qui couvre ainsi l’Orient réel et qui le prive de sa voix. Saïd y voit une représentation eurocentrique de l’Orient qui, renfermée sur elle-même et détachée de la réalité, peut prendre la forme d’un phantasme parfois obsessionnel, mais qui dispose néanmoins d’un pouvoir absolu, dirigé par les intérêts politiques évidents de l’Occident34. Malgré l’ancrage de l’orientalisme dans le colonialisme – je rappelle une dernière fois l’exemple de Champollion –, la définition saïdienne reste trop fixée sur cette connexion35. Et Saïd s’appuie d’une façon trop partiale sur le premier concept foucaldien du discours comme système basé sur la cohésion répressive du savoir et du pouvoir, tandis que Foucault a ultérieurement relativisé cette cohésion en indiquant que la réciprocité entre le savoir et le pouvoir pourrait avoir des côtés positifs36. On se demande surtout si Saïd n’aurait pas dû distinguer plus subtilement entre les différentes formes d’orientalismes qu’il propose – l’orientalisme académique, l’orientalisme institutionnel et l’orientalisme imaginaire –, puisque ce dernier, lui, ne prétendait pas à la vérité ni au pouvoir de définir empiriquement l’Orient. L’orientalisme imaginaire, dans le cadre duquel figure aussi le Divan goethéen, n’a jamais fonctionné selon des mécanismes de contrôle, de régularisation et de mises à profit abusives37. Mais il est vrai qu’il faut se demander si l’orientalisme imaginaire, appelant de ses vœux un « rajeunissement »38, ne percevait pas l’Orient uniquement en tant qu’il lui était utile. L’affinité occidento-orientale tant célébrée par Goethe et d’autres, ne risque-t-elle pas de reposer sur une perception sélective et déterminée qui impose la reconnaissance exclusive de ce qui semble être familier, de ce qui fait écho aux traditions culturelles occidentales39 – par exemple les « amours », le « boire » et les « chants » ? Et, enfin, l’idée goethéenne de « dériver […] les eaux rafraîchissantes » de l’Orient sur ses « parterres de fleurs », ne résonne-t-elle pas comme un abus ?

En fin de compte, ne faut-il pas se rappeler que, surtout dans le domaine de l’imagination, de telles « dérivations » se font bel et bien à l’intérieur d’une seule culture et qu’on les accepte pour autant qu’elles forment la base d’une intertextualité fructueuse. Et comment s’intéresser à une culture étrangère sans tomber dans les pièges du discours qui, en s’attachant à son sujet, le forme et déforme ? N’est-il pas inévitable que, quel qu’en soit le sujet, le discours, en tant qu’il est constitué uniquement de langage, n’atteint jamais son sujet ? Pourrait-on concevoir qu’un tel discours, par exemple celui de l’orientalisme, s’efforce de dénoncer les pièges, de se soumettre à l’auto-critique et à des mises en questions relativistes, tout en préservant des licences pour le domaine de l’imagination ? Il me semble que le Divan occidento-oriental pourrait dessiner quelques-unes de ces voies, puisque sa poésie répond à l’orientalisme imaginaire, tandis que ses notes en prose sont liées à l’orientalisme académique. Je me bornerai à donner deux exemples.

Si particulières, les notes en prose du Divan, ne devraient-elles pas intéresser le New Historicism ? Dans un mouvement rétrospectif, elles exécutent une sorte d’auto-historicisation du Divan et elles s’inscrivent non sans rupture dans le discours de l’orientalisme académique, puisqu’elles le déconcertent par leur structure d’essai, par leur organisation ouverte et associative, par leur fonctionnement dialogique et relativiste40, par leurs réflexions auto-critiques41.

Le poème sur lequel je me permets de conclure montre enfin la façon dont la poésie du Divan fait découvrir l’Orient, un aspect qui devrait nous intéresser d’autant plus que le panorama politique actuel est marqué par une fixation des lignes de confrontation suivant un axe nord-sud, Europe-Orient ou – pour le préciser malgré un arrière-goût moyen-âgeux – Europe chrétienne, sécularisée, et Orient islamique. Le poème en question se réfère au pouvoir influent du mot, racine de la concurrence inextinguible entre le poète et le prophète, lequel, dans le Coran, dénonce le poète comme menteur dangereux42.

Fetwa

Hafis Dichterzüge sie bezeichnen

Ausgemachte Wahrheit unauslöschlich  ;

Aber hie und da auch Kleinigkeiten

Außerhalb der Gränze des Gesetzes.

Willst du sicher seyn, so mußt du wissen

Schlangengift und Theriak zu sondern –

Doch der reinen Wollust edler Handlung

Sich mit frohem Muth zu überlassen,

Und vor s.olch.er, der nur ew’ge Pein folgt,

Mit besonnenem Sinn sich zu verwahren,

Ist gewiß das beste um nicht zu fehlen.

Dies schrieb der arme Ebusuud euch,

Gott verzeiht ihm seine Sünden alle43.

Fetva

Les essais poétiques de Hafis expriment

Une vérité certaine et indélébile  ;

Mais çà et là aussi des bagatelles

Qui dépassent les limites de la loi.

Veux-tu marcher sûrement, sache

Séparer le venin de serpent de la thériaque;

Mais s’abandonner, le cœur joyeux,

A la pure volupté d’une noble action

Et se garder avec un esprit prudent

De celle qui n’a d’autre suite qu’une peine éternelle

Est sûrement ce qu’il y a de mieux pour ne pas errer.

C’est là ce qu’écrivit le pauvre Ebusuud.

Que Dieu lui pardonne tous ses péchés !44

Au moyen d’une fatwa¯, jugement authentique d’un mufti sur la poésie de Ḥāfiẓ45, qui témoigne aux yeux du public occidental d’une tradition judiciaire islamique beaucoup plus tolérante que celle qui – pensons au cas de Salman Rushdie – renforce aujourd’hui les ruptures entre l’Orient et l’Occident, ce poème déculpabilise en effet le poète, en laissant au lecteur/à la lectrice individuel/le la responsabilité des conséquences de sa lecture.

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1 Stephen Greenblatt, Shakespearean Negociations. The Circulation of Social Energy in Renaissance England, Berkeley et Los Angeles 1988, p. 3.

2 Le « con-texte » n’est pas quelque chose qui entoure le texte littéraire, il est lui-même un complexe de textes qu’il faut interpréter. Le « con-texte » n’est plus un point d’Archimède proposant des bases empiriques à l’analyse et disposant d’une autorité priviligiée qu’on pourrait localiser en dehors du texte.

3 Le Divan occidento-oriental fut publié la première fois en 1819.

4 [Johann Wolfgang von] Goethe : Divan occidento-oriental, traduit, préfacé et annoté par Henri Lichtenberger, Paris 1950, p. 326.

5 Lettre datée du 1er juin 1805 et adressée à son ami Carl Friedrich Zelter, compositeur domicilé à Berlin, cf. Goethes Werke. Herausgegeben im Auftrage der Großherzogin Sophie von Sachsen, 4 séries, 133 vol., Weimar 1887-1919, IVe série, vol. 19, p. 8. Désormais, cette édition sera désignée par le sigle WA.

6 Les productions littéraires des années 1805 à 1814 ont été plusieurs fois interrompues par des phases de crises ou d’abandon du travail : tel est le cas du fragment de la première partie du Faust que Goethe prépara en 1806 pour la publication ; tel est le cas du drame festivalier Pandora et du roman Les affinités électives (1808 et 1809) ; tel est le cas du roman Les années de pélerinage de Wilhelm Meister, dont la première version paraîtra en 1809. Suivent, mis à part les travaux en sciences naturelles qui signalaient souvent une crise poétique chez Goethe, exclusivement des œuvres autobiographiques (Poésie et Réalité, trois premières parties : 1811-1814 ; Voyage en Italie, commencé en décembre 1813).

7 Cahiers journaliers et annuaires de 1813 (Tagund Jahres-Hefte 1813 ; cf. Johann Wolfgang von Goethe, Sämtliche Werke. Briefe, Tagebücher und Gespräche, 2 séries, 40 vol., Francfort/M. 1987-1999, Ie série, vol. 17, p. 255-256. Désormais, cette édition sera désignée par le sigle FA). Dans une lettre datée du 10 novembre 1813 et adressée à Carl Ludwig von Knebel, Goethe souligna que, s’il faut « se sauver, comme c’est le cas actuellement, il est très salutaire de trouver un tout nouvel état d’esprit, même si ce n’est que par l’imagination. » (WA IV-24, p. 28). Ces remarques se référaient d’abord aux études goethéennes de Chine qui restaient infructueuses, mais il se prononça de même façon lors de sa découverte de la poésie ḥāfiẓienne (cf. Tag- und Jahres-Hefte 1815, FA I-17, p. 261-262).

8 La campagne anti-napoléonienne du printemps 1814 aboutira en mars 1814 à la déposition de Napoléon et à son exil à Elbe en avril 1814. L’accord de Paris (mai 1814) pouvait laisser croire à une stabilisation définitive de la situation politique en Europe, stabilisation qui, en mars 1815, devait se révéler provisoire. Mais au printemps 1814, Goethe profita de l’apaisement de la situation politique et partit en cure, ressentant une sorte de délivrance.

9 Der Diwan des Mohammed Schemsed-din Hafis, entièrement traduit du persan par Joseph von Hammer-Purgstall, 2 vol., Stuttgart et Tübingen 1812-1813.

10 Cf. le poème Illimité (Unbegrenzt) : Divan occidental-oriental, p. 91-93 ; FA I-3.1, p. 31.

11 Dans son entretien avec Johann Peter Eckermann, daté du 11 mars 1828, Goethe décrivit rétrospectivement les débuts du Divan en parlant d’un « rajeunissement », d’une « puberté répetée », fondée sur une « productivité exceptionelle » (cf. Sämtliche Werke nach Epochen seines Schaffens, éd. par Karl Richter en collaboration avec Herbert G. Göpfert, Norbert Miller, Gerhard Sauder et Edith Zehm, Munich 1985-1999, vol. 19, p. 610-611. Désormais, cette édition sera désignée par le sigle MA).

12 Cf. l’annonce du Divan occidento-oriental dans la revue Morgenblatt für gebildete Stände, no. du 24 février 1816, republiée en : FA I-3.1, p. 549.

13 Ibid., p. 12.

14 Divan occidental-oriental, p. 55.

15 Cf. pour les détails : Gerhart Hoffmeister, Goethe und die europäische Romantik, München 1984, p. 36-37, et René Guignard, « Arnim et Goethe », Mélanges Henri Lichtenberger, Paris 1934, p. 33-47.

16 Cf. la lettre datée du 22 janvier 1821, adressée aux frères Grimm : Goethe in vertraulichen Briefen seiner Zeitgenossen, rassemblées par Wilhelm Bode, nouvelle édition par Regine Otto et Paul-Gerhard Wenzlaff, 3 vol., Munich 1982, vol. 3, p. 86.

17 Théophile Gautier, Poésies complètes, éd. par René Jasinksi, 3 vol., Paris, 1970, vol. 3, p. 3.

18 Le mot de « Divan occidental » néglige le mélange occidento-oriental, élément de base de la poétique du Divan. Contrairement à Hāfiz, le poète Nizāmī, dont Goethe n’a lu aucune œuvre, joue un rôle très marginal dans le Divan. Il en va de même avec l’oiseau Hudhud qui, dans deux poèmes seulement, sert de postillion d’amour, mais dont le chant ne figure pas dans le Divan. Le « mètre oriental » qui fait allusion à la structure de rime (et non du mètre) du gazal, fut utilisé, sous une forme transformée, dans le Divan, mais elle n’a pas de rapport avec Hudhud. Shakespeare n’a pas influencé les œuvres dites classiques de Goethe qui précèdent le Divan. Le mot arabe/persan de dīwān signifie assemblée ou recueil de poèmes ou canapé. Contrairement au divan-canapé évoqué par Gautier, Goethe utilisa ce mot exclusivement dans le sens de recueil de poèmes. Que Goethe se soit totalement « isolé des choses » n’est qu’une projection de l’attitude propre à Gautier. Cf. pour plus de détails : Hendrik Birus, « Goethes imaginativer Orientalismus », Jahrbuch des Freien Deutschen Hochstifts, 1992, p. 111.

19 Cf. Esin Ileri : Goethes « West-östlicher Divan » ais imaginare Orient-Reise, Francfort/M. et Berne 1982, p. 188. Ileri y présente l’extrait d’un dictionnaire des synonymes, écrit par J. A. Eberhard et paru en 1802. Je propose une traduction française : « A la notion principale, par laquelle s’exprime uniquement la fuite, l’éloignement subit d’un lieu, se joint dans le mot de se sauver l’idée que la fuite se fait à cause d’un grand danger et pour se protéger ; et, dans beaucoup de cas, ces significations peuvent prévaloir. […] Donc, se sauver exprime de la façon concise la notion suivante : se sauver d’un grand danger par la fuite. Celui qui s’écarte seulement ne fait que fuir ; celui qui veut sauver quelque chose, se sauve. »

20 Cf. Divan occidento-oriental, p. 437-438.

21 Cf. Bibliothèque Orientale ou Dictionnaire Universel Contenant Généralement tout ce qui regarde la connoissance des Peuples de l’Orient […] Par Monsieur d’Herbelot [de Molainville] [éd. par Antoine Galland], Paris 1697, p. 444.

22 Le premier à proposer cette signification, fut Gustav von Loeper qui écrivit en 1872 le premier commentaire du Divan. Cf. Goethe’s Werke, 36 parties en 23 volumes, éd. par Friedrich Strehlke et d’autres, Berlin 1868-1879, 4e partie : Gedichte, éd. par Gustav von Loeper, Berlin 1872, p. 4.

23 Goethe parla de « son Hegire de Carlsbad » (cf. FA I-15.1, p. 429-430).

24 Dans une lettre datée de mi-janvier 1815 et adressée à Christian Gottlob von Voigt : WA IV-25, p. 154 ; ainsi que dans une autre, du 8 février 1815 et adressée à Knebel : ibid., p. 190…

25 Cf. la reproduction de ce manuscrit qui porte la date « W[eimar] d. 24 Dec[ember] 1814 » ; en : FA I-3.1, fig. 6/7.

26 Cette anecdote connue de Goethe fut rapportée par Joseph von Hammer dans sa préface à sa traduction du Diwan de Ha≠fiz, cf. note 9ibid., p. xxiii.

27 Cf. Ibid., p. xxx-xxxi.

28 L’utilisation goethéenne de tant de sources peut être reconstruite grâce aux inscriptions dans son journal intime, aux remarques dans sa correspondance, au catalogue de sa bibliothèque personnelle (cf. Hans Ruppert, Goethes Bibliothek. Katalog, Weimar 1958) et grâce aux index de ses prêts aux bibliothèques de Weimar et de Jena (cf. Elise von Keudell, Goethe als Benutzer der Weimarer Bibliothek. Voir surtout Anke Bosse : « Meine Schatzkammer füllt sich täglich… » Die Nachlass-Stücke zu Goethes West-östlichen Divans, 2 vol., Göttingen 1999, et Karl Bulling, Goethe als Erneuerer und Benutzer der jenaischen Bibliotheken, réimpression en un volume : Leipzig 1982).

29 Cf. pour plus de détails Anke Bosse : Noten und Abhandlungen zu besserem Verständnis des West-östlichen Divans, en : Goethe-Handbuch in vier Bänden, vol. 1 : Gedichte, éd. par Regine Otto et Bernd Witte, Stuttgart et Weimar 1996, p. 323-334.

30 Divan occidento-oriental, p. 325-326.

31 Ibid., p. 326.

32 Edward Saïd, Orientalism, New York 1978. Traduction française : Edward Saïd, L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, préface de Tzvetan Todorov, traduit de l’américain par Cathérine Malamoud, Paris 1980.

33 Cf. Hendrik Birus, ibid., p. 108.

34 Saïd, L’orientalisme, p. 21-39.

35 Ibid., p. 21-28, 30-33. Saïd ne se demande pas, par exemple, pourquoi l’orientalisme germanophone, privé d’arrière-fond colonial, a pris d’autres formes que les orientalismes anglo- et francophones.

36 Cf. Michel Foucault, Histoire de la sexualité I : La volonté de savoir, Paris 1976, surtout p. 18-20. La partialité saïdienne se révèle par le fait qu’il n’a pas tiré la moindre conséquence de sa constation élogieuse que « vers le milieu du dix-neuvième siècle, l’orientalisme était dévenu le plus vaste trésor imaginable » (Saïd, ibid., p. 67 ; pour une critique détaillée de Saïd, cf. Hendrik Birus, ibid., p. 108-110).

37 Sans vraiment en tirer des conséquences, Saïd lui-même a mentionné que l’orientalisme imaginaire « allait être sérieusement amoindri par l’avènement de l’orientalisme universitaire. » (Saïd, Ibid., p. 141).

38 Cette forme de « régénération de l’Europe par l’Asie », Saïd l’a définie, elle aussi, comme mécanisme d’abus (Ibid., p.137-138).

39 Cf. Cahiers journaliers et annuaires de 1815, FA I-17, p. 259-260.

40 Le fonctionnement dialogique et relativiste des notes est à la fois externe et interne : d’une part, il vise le dialogue avec le lecteur/la lectrice, d’autre part, les chapitres particuliers se suivent parfois, et se répondent en se relativisant. Le caractère subversif des notes en prose se traduit aussi par leur structure et leur fonctionnement, puisqu’elles ont toujours posé des problèmes aux chercheurs. Pour plus de détails, cf. Anke Bosse, ibid., p. 324-325, et Barbara Stemmrich-Köhler, Zur Funktion der orientalischen Poesie bei Goethe, Herder, Hegel. Exotische Klassik und ästhetische Systematik in den ‹Noten und Abhandlungen zu besserem Verständnis des West-östlichen Divans›, in Frühschriften Herders und in Hegels Vorlesungen zur Ästhetik, Francfort/M., Berne, New York, Paris 1992, p. 7-49.

41 C’est aussi par leur contenu que les notes en prose dépassent l’orientalisme scientifique, cf. Hendrik Birus, ibid., p. 118-128.

42 Cf. la 26e surate, sur laquelle repose le poème Accusation (Anklage) qui précède et auquel répond le poème Fetva (Fetwa), cité ci-dessus. En ce qui concerne la relation entre le poète et le prophète, cf. aussi le chapitre Mahomet du Divan (Divan occidento-oriental, p. 339-342; FA I-3.1, p. 157-161).

43 FA I-3.1, p.   29-30.

44 Divan occidento-oriental , p.  89.

45 Cf. FA I-3.2, p. 992-993.