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« L’ancienne France » dans Notre-Dame de Paris 1482

Pierre MONNOYEUR

Université de Genève

Notre-Dame et Paris

Après Le Génie du christianisme de Chateaubriand en 1802, après Quentin Durward de Walter Scott en 1823, Notre-Dame de Paris 1482 de Victor Hugo apparaît comme l’un des jalons majeurs dans la redécouverte du Moyen Age en général et de l’époque gothique en particulier. Preuve en est l’intérêt que les historiens de l’Art médiéval lui ont toujours porté. Adolphe Didron, Emile Mâle1, Henri Focillon et plus récemment Alain Erlande-Brandenburg2 ont reconnu dans cette grande fresque l’ancêtre commun de leurs recherches. Mais cette peinture n’en reste pas moins qu’un roman très éloigné de la réalité documentaire. C’est avant tout un artefact néo-gothique : raison pour laquelle, après des éloges appuyés, médiévistes et dix-neuviémistes prennent généralement leurs distances vis-à-vis de ce texte.

En littérature, Notre-Dame de Paris a connu une fortune critique en demi-teinte. En tant que roman historique, il s’inscrit dans un genre peu prisé. Il rejoint Cinq-Mars de Vigny (1826) ou la Chronique du règne de Charles IX de Mérimée (1829) : œuvres que d’aucuns jugent laborieuses. Inversement, cette indifférence passée, les spécialistes s’accordent à voir dans Notre-Dame de Paris une œuvre singulière qui tranche avec le reste de la production historicisante de l’époque. Sa vision épique et le souffle de ses descriptions héroïques la hissent parmi les meilleurs ouvrages du XIXe siècle.

Ainsi, que l’on se tourne du côté de l’historien ou de celui du critique littéraire, le roman laisse-t-il une impression contrastée.

L’explication de cet embarras tient en partie au statut du texte. Avec brio, et parfois aussi avec emphase, le texte tente de concilier savamment la littérature et l’archéologie, le verbe et l’étude patiente des pierres, proposant une vision immédiate et grandiose où se fondent les envolées livresques du poète et le travail de bénédictin de l’historien. Œuvre totale, bible des illettrés ou livre de pierre, il constitue en somme une architecture idéale, à la fois lyrique et savante. Ne s’offre-t-il d’ailleurs pas comme le prolongement contemporain de l’œuvre médiévale, comme la seule alternative possible au cours de l’histoire, en fait, comme une cathédrale littéraire en lieu et place de l’architecture séculaire menacée ? Exercice périlleux. En fin de compte, Notre Dame de Paris pousse tout simplement à son extrême le paradoxe que constitue le roman historique.

Sa lecture a donc peu varié. Pour tous, globalement, le texte de Hugo constitue une sorte de peinture d’histoire avec toutes les qualités et tous les défauts qui s’attachent au genre. Cette interprétation généralement consensuelle provient essentiellement des réaménagements qu’a connus le roman. En effet, un an après sa première parution en 1831, Notre-Dame de Paris fait l’objet d’une seconde édition, définitive celle-ci. Par rapport à la précédente mouture, celle de 1832 est augmentée d’une note explicative et de trois chapitres dont deux sont réellement importants : « Abbas beati Martini » et « Ceci tuera cela ». Cette note additive est à la source de la lecture historicisante du texte. Elle entend donner une orientation nouvelle au roman. L’accent est mis sur la cathédrale, sur sa valeur archéologique et monumentale et sur sa sauvegarde comme témoin d’une « architecture nationale ». Dans cette exhortation, l’auteur des Misérables invite le lecteur à suivre « le système de l’historien et le but de l’artiste à travers la création telle quelle du poète »3. Un peu plus loin dans le texte, par un effet d’annonce particulièrement travaillé, Victor Hugo revient encore sur le motif. Il prévient le lecteur de l’augmentation du récit initial, la nouvelle édition accueillant l’interpolation de feuillets soi-disant miraculeusement retrouvés. Donnés comme des « chapitres d’art et d’histoire », ils sont explicitement destinés à faire mieux connaître, derrière la forme romanesque, l’esthétique et la philosophie gothiques. Le ton est ainsi donné : le mélange des genres est clairement revendiqué, consommé même dès les premières pages du livre.

Un malentendu demeure cependant. Les Historiens de l’Art et de la littérature ont dans leur ensemble trop pris au pied de la lettre cette déclaration de principe. Par exemple, les cahiers supplémentaires annoncés n’ont rien de pages « d’art et d’histoire ». « Abbas beati Martini » et « Ceci tuera cela » filent en fait tous deux la même métaphore : la cathédrale est un livre de pierre menacé par l’édition moderne qui, en lieu et place des pierres appareillées du Moyen Age, impose les caractères mobiles de l’imprimerie. Le principe de cette figure de style est évidemment séduisant : il a néanmoins pour effet de faire passer la cathédrale parisienne au second plan. Malgré les envolées lyriques que déroulent ces deux chapitres, l’image de la cathédrale apparaît bien falote, tout juste esquissée.

En fait, dès 1831 déjà, sa place paraît comptée. Il suffit de se rapporter au troisième livre du roman. Composé de deux chapitres, « Notre-Dame » et « Paris à vol d’oiseau », il constitue le véritable cœur archéologique du récit. Malgré les apparences, la cathédrale et la ville n’y sont pas mesurées à la même aune. Même dans le chapitre qui lui est pourtant dédié, Notre-Dame occupe une portion congrue. En effet, après avoir brossé une rapide description de l’édifice, le narrateur passe à des considérations générales sur l’architecture gothique : long développement qui lui permet de déplorer l’état de décrépitude où cet art de bâtir est tombé, et de fustiger l’indifférence et la bêtise des « hommes de l’art »4 qui assaillent ses maigres reliques.

Malgré que nous en ayons, Notre-Dame de Paris 1482 n’est donc pas une ode à la cathédrale, et un décalage indéniable existe entre les intentions affichées par l’auteur et le traitement effectif du motif architectural dans le texte5. Le monument fournit tout au plus au roman un point central et organisateur de la topographie urbaine6. Dans la stratégie de son texte, Victor Hugo semble en fait se servir de Notre-Dame comme d’un faire-valoir destiné à magnifier la ville et son écheveau urbain, la Cour des Miracles, la « grand’salle », la place de Grève ou encore le gibet de Montfaucon. La vraie trame archéologique du récit est là.

Cette place privilégiée est surprenante. En 1831 ou 1832, la ville, fût-elle gothique, est un thème peu traité par la littérature romantique. Surtout, une étude attentive montre qu’elle se construit de manière ambivalente et fragmentaire. Derrière le poncif médiéval perce en filigrane une évocation urbaine plus inquiétante qui intéresse aussi bien l’historien que le critique littéraire, le médiéviste que le dix-neuviémiste. Mais laquelle ?

Description centrifuge : un urbanisme galopant

Tout au long du récit, la ville est présentée sous deux formes à la fois divergentes et complémentaires : l’une centrifuge, l’autre panoramique et centripète.

La première est diffuse et kaléidoscopique, mais recomposée elle offre une topographie urbaine classique : au centre se trouve la cathédrale ; à ses pieds s’étend la ville entourée de son enceinte. Moins traditionnel apparaît l’engrenage dans lequel sont pris les héros et Paris. Ainsi, quitter les environs de Notre-Dame, s’égarer dans les quartiers de la ville, dépasser l’enceinte urbaine est-il synonyme d’égarement. Ce cheminement extra muros, Claude Frollo le suit à ses dépens lorsqu’il erre aux alentours de la ville, hébété et furieux. Et c’est le même mouvement centrifuge et inexorable qui guide les pas de Quasimodo et de la Esmeralda, du parvis de Notre-Dame, où ils se sont rencontrés pour la première fois, au charnier de Montfaucon qui marque, à la fin du roman, la périphérie extrême de la géographie urbaine. Le terme de cette union macabre fournit la clef du décor hugolien : sortir de Paris revient à sortir du récit et donc, de manière toute racinienne, à mourir hors champ.

Ce parcours tragique croise d’ailleurs la description centrale de la ville : « Paris à vol d’oiseau ». En remontant le cours de l’histoire, de la Lutèce antique au Paris médiéval, depuis son cœur historique – la Cité – jusqu’à ses confins, du pied de la cathédrale jusqu’aux faubourgs au-delà de l’enceinte urbaine, Hugo trace une image centrifuge de la ville, historique et dynamique à la fois. Au milieu du labyrinthe parisien, à travers le dédale de ses ruelles, de ses monuments, de ses places, on reconnaît, prises dans la spirale du texte, les différentes stations du drame à venir : l’omniprésente place de Grève, la grouillante Cour des Miracles, la formidable Bastille et, plus loin, les fourches patibulaires du faubourg Saint-Martin.

Mais, surtout, derrière ce morceau de bravoure affleure une sinopia différente et autrement plus inquiétante. En effet, bien que néo-gothique à souhait, la description de Victor Hugo laisse apparaître des traces et des repentirs qui trahissent une perception plus contemporaine de la capitale. Derrière les pinacles, les tours, les gâbles, les flèches et les échauguettes, pointe un Paris en mutations continuelles. Par un raccourci historique de quelques pages qui permet au lecteur d’embrasser quinze siècles d’urbanisme, le narrateur met en scène une ville préoccupante, sans cesse grandissante et quasiment organique qui dépasse toujours ses fortifications :

la puissante ville avait fait craquer successivement ses quatre ceintures de murs, comme un enfant qui grandit et qui crève ses vêtements de l’an passé7.

Cette évocation d’un Paris médiéval à l’urbanisme galopant introduit une réflexion plus large sur l’état actuel de la métropole. En effet, comme le souligne Hugo, cette croissance se révèle être ininterrompue :

depuis lors, Paris s’est encore transformé, malheureusement pour nos yeux8.

Glissement évocateur. Il suggère évidemment qu’en cette fin du Moyen Age, Notre-Dame et surtout Paris sont à la veille d’une époque nouvelle, fertile en bouleversements et en destructions : la Renaissance va, selon le credo hugolien, affadir, corrompre et enlaidir l’architecture gothique. Mais il incite également à voir, derrière l’image médiévisante une esquisse imprévue : celle de la ville moderne attaquée par les démolisseurs et saccagée par les architectes. C’est, en filigrane, le tableau de la métropole insaisissable avec sa cohorte de faubourgs incontrôlables, c’est enfin l’expression de la crainte que génère l’anarchie urbanistique de la capitale au milieu du XIXe siècle9.

Description panoramique : un procédé extra-littéraire

Parallèlement à cette description centrifuge et dynamique, donnée comme inquiétante pour le devenir des protagonistes, s’en élabore une autre, inverse et rassurante : c’est la vue panoramique brossée dans « Paris à vol d’oiseau ». Plus documentaire, elle est chargée de recomposer, quartier après quartier, l’image idéale de la ville médiévale. Cette peinture sur trois cent soixante degrés s’organise depuis un centre – la plate-forme des tour de la cathédrale – et s’étend jusqu’à un horizon de convention : les premiers faubourgs et les campagnes au-delà de l’enceinte de Charles V. Au XIXe siècle, rares sont en littérature les vues urbaines aussi détaillées, aussi fouillées.

Il faut se tourner vers les arts figuratifs pour trouver un équivalent. Les graveurs et les peintres, depuis l’époque médiévale au moins, s’étaient déjà inspirés de la ville ou de ses monuments, comme par exemple Mérian au XVIIe siècle. Mais jusqu’alors, ces vues étaient frontales ou considérées sous l’angle de perspectives cavalières. Le point de vue choisi était extra-urbain, l’artiste décrivant enceintes, tours et toitures du haut d’une éminence naturelle, colline, tertre ou autre site remarquable.

Dans un genre différent, moins topographique, la veduta n’embrassait, elle, qu’une portion limitée de l’espace urbain : la perspective d’installations portuaires, l’enfilade d’une rue, l’échappée d’un boulevard, l’alignement de monuments insolites. Ainsi, au XVIIIe siècle, Canaletto popularise-t-il ce genre à travers les principales capitales européennes.

Dès le début du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle, la ville revient en force en tant que sujet artistique. Elle s’impose surtout par le biais d’une technique nouvelle : le panorama, inventé et breveté par l’anglais Robert Barker en 178710. Déployés sur trois cent soixante degrés dans des rotondes bâties à leur intention, ces spectacles panoptiques restent extrêmement populaires tout au long du siècle. Dès leurs débuts, ils trouvent dans la cité moderne l’un de leurs motifs de prédilection. Aux vues d’Edimbourg ou de Londres de Barker, vont rapidement s’ajouter d’autres représentations de cités contemporaines. Ainsi, à Paris, en 1799, s’ouvre le premier panorama de la capitale. Il s’intitule Vue de Paris depuis les Tuileries. Rapidement, la photographie va aussi capter la ville, de manière fragmentaire au début, puis de façon cavalière et panoramique. Ainsi, en 1855, peut-on signaler la Vue générale de Paris prise en ballon de l’Observatoire de Victor Navlet, œuvre réalisée d’après un daguerréotype ; mais là encore cette vaste perspective aérienne présente une vue contemporaine de la capitale11.

En 1831, ces vastes décors délaissent encore les restitutions urbaines historicisantes. Dans la capitale, il faut par exemple attendre la fin du XIXe siècle pour que le public parisien puisse découvrir un panorama de la cité au Moyen Age : peu avant 1890, c’est la Vue du Paris médiéval. Cet engouement tardif pour l’histoire est en partie compensé par un autre procédé artistique similaire : le diorama, auquel Jacques Mandé Daguerre travaille à partir de 182112. Dans un registre moins grandiloquent, cette technique, par de savantes variations d’éclairage, jouait sur la transparence de la toile peinte pour évoquer des architectures ou des paysages changeants : coucher de soleil, atmosphère nocturne ou brumes mystérieuses. Par rapport aux grandes vues panoramiques, les dioramas n’offraient cependant qu’un tableau partiel, qu’une séquence limitée par les extrémités de la toile peinte. Plus restreints, les sujets traités étaient souvent aussi plus intimistes. En ce qui concerne le Moyen Age, les dioramas vont s’inspirer des décors de théâtre ou de la peinture d’histoire pour lesquels, traditionnellement, la cathédrale, le cloître, le château, la ruelle ou la ruine constituaient l’essentiel de l’appareil néo-gothique adopté, et le moine et le chevalier, les protagonistes habituels de l’imagerie médiévisante13. Dans un cadrage resseré, il accueille des compositions plus pittoresques qu’archéologiques, plus romantiques que documentaires et historiques. Ainsi par exemple, le public parisien peut-il admirer dès juillet 1822 L’intérieur de la chapelle de la Trinité dans la cathédrale de Canterbury et dès 1823 L’intérieur de la cathédrale de Chartres, deux peintures réalisées par Bouton. A partir de 1841 seulement, le Diorama de Paris à travers les âges de Hoffbauer, avec ces huit toiles tendues en cercle, propose l’une des premières vues historiques de la capitale.

Hugo : un panoramiste avant l’heure

En 1831, la ville, et de surcroît la ville gothique, est donc un motif encore peu prisé des artistes. C’est donc bien en pionnier que Hugo s’applique à décrire la cité de Louis XI. Sa fresque panoptique est évidemment consciemment orchestrée. En premier lieu, « Paris à vol d’oiseau » est introduit par un chapitre-clé : « Notre-Dame ». Plus qu’un faire-valoir, celui-ci prépare le lecteur au morceau de bravoure à venir. Aux yeux de Hugo, la description de la ville est bien le point fort du décor qu’il met en place :

Nous venons d’essayer de réparer pour le lecteur cette admirable église de Notre-Dame de Paris. Nous avons indiqué sommairement la plupart des beautés qu’elle avait au XVe siècle et qui lui manquent aujourd’hui ; mais nous avons omis la principale, c’est la vue de Paris qu’on découvrait alors du haut de ses tours14.

Comme Bernard Comment l’a déjà remarqué15, l’arrivée du lecteur sur la plate-forme sommitale de la cathédrale reproduit le savant parcours par lequel le spectateur devait passer pour accéder à la passerelle du panorama : un long conduit obscur destiné à préparer l’œil au spectacle lumineux et grandiose de la scène panoptique. L’impression produite est d’ailleurs à la mesure de la mise en scène élaborée. Artistiquement construite, la vision urbaine s’offre, selon les termes même de Hugo, comme un « beau tableau », comme « un spectacle sui generis », comme « un éblouissement ».

Ce sentiment est renforcé par le tour volontairement documentaire de la description. Techniquement, en effet, cette précision historique et archéologique, si minutieuse et si pointilleuse dans ses détails, relève d’une expérience artificielle. Bien au-delà de la simple acuité visuelle qu’un spectateur normal pourrait logiquement développer, l’évocation urbaine fouille les différents lieux de Paris, ses quartiers, ses rues, détaille ses demeures, ses monuments, ses places, inventorie ses abbayes, ses palais, ses flèches gothiques et ses tours séculaires.

Ce soin du détail, cette application scrupuleuse font évidemment penser à la méticulosité des peintures panoramiques qui enregistrent même les points infimes de l’espace. Plus qu’une énumération pittoresque, ces spectacles panoptiques offrent une vision parfaite et documentée, en somme, une sorte de catalogue urbain en règle. A titre d’exemple, on peut citer le cas de Thomas Horror qui exécute, de 1822 à 1824, du haut des échafaudages installés sur le clocher de Saint-Paul, un panorama de Londres qui sera exposé ensuite au Colosseum. Non seulement le peintre, pour réaliser ses dessins préparatoires, se levait très tôt le matin pour éviter les effets du smog, mais encore se déplaçait à travers la ville pour compléter in situ les points de détail imperceptibles qu’il ne pouvait noter de son poste d’observation.

Un indice supplémentaire et déterminant montre que la technique du panorama affleure sous la description littéraire. Au moment où Victor Hugo écrit Notre-Dame de Paris, le vocabulaire n’est pas encore fixé pour désigner les grands spectacles panoptiques qui circulent dans les capitales européennes : par exemple, le terme générique de « vue » est récurrent. Hugo, lui, baptise sa composition urbaine « Paris à vol d’oiseau ». Un rapide détour par les dictionnaires historiques montre qu’en 1831 encore l’expression « à vol d’oiseau » désignait une distance parcourue en ligne droite ou un trajet considéré d’un point à un autre. A cette date, il est donc l’un des premiers écrivains à utiliser cette tournure dans son acception moderne, c’est-à-dire panoramique16.

Un panorama pour redessiner un urbanisme débridé

Victor Hugo choisit donc un sujet précurseur et la vue urbaine qu’il trace constitue bien le premier panorama objectif du Paris médiéval. Le recours à ce procédé pictural n’est pas anodin. On le sait, l’une des raisons majeures de l’engouement du XIXe siècle pour les grands spectacles panoptiques et urbains provient des transformations et des bouleversements profonds qui secouent les villes engagées dans la révolution industrielle. Le démantèlement des fortifications, l’extension incontrôlée des faubourgs, l’implantation sauvage d’usines et l’arrivée massive d’ouvriers cantonnés dans des immeubles de fortune, brouillent l’image urbaine traditionnelle. En quelques décennies, les villes et leurs banlieues deviennent des espaces insaisissables et « tentaculaires »17.

A contrario, le panorama restitue un cadre urbain rassurant. La peinture de la ville se hiérarchise autour d’un point central et déploie un espace rassurant et clairement déchiffrable qui converge vers le spectateur-citadin. Médiéval ou contemporain, il offre un répit à l’urbanisme anarchique du moment18.

Dans le roman, la description panoramique de Hugo répond au même objectif : elle conjure la crainte majeure qui affleurait dans la description urbaine et centrifuge où le Paris du XVe siècle se mêlait à celui du XIXe. C’est la même manière de ressaisir l’espace urbain dilaté et incontrôlable, de le réorganiser régulièrement et concentriquement d’une manière idéale.

Notre-Dame et la Cour des Miracles : un art gothique, populaire et inquiétant

Centrifuge ou centripète, dynamique ou panoramique, la description de la ville se construit aussi sur un face-à-face étonnant : je veux parler du couple antagoniste et complémentaire constitué par Notre-Dame de Paris et par la Cour des Miracles, par le cœur de la Cité et par ses franges, ses confins.

Contrairement aux autres architectures de papier, la cathédrale et le royaume de l’argot ne sont pas réunis spatialement : c’est le déroulement du drame qui les oppose ou les associe19.

Un rapide tour d’horizon nous convainc d’abord que l’un fonctionne comme le repoussoir de l’autre. Au centre, l’église gothique apparaît comme l’architecture par excellence. S’élevant au-dessus des toits de Paris, la cathédrale, de son parvis jusqu’au sommet de ses tours, dresse sa façade monumentale et historique. Comme d’un nid d’aigle, Claude Frollo, Quasimodo ou même le narrateur, du haut d’une cellule ou du rebord d’une galerie aérienne, peuvent observer la ville tentaculaire et détailler l’action qui s’y joue.

A l’opposé, sur la rive droite, rejetée à la périphérie du Paris habitable, la Cour des Miracles est un monstre urbain. Elle se tapit au sein d’un réseau viaire inextricable. Pour s’y rendre, comme Pierre Gringoire, il faut déjà se perdre dans le dédale des ruelles sombres et s’enfoncer dans l’antre de Paris20. Architecture éphémère, ensemble de masures et de bicoques regroupées autour d’un bouge, règne de tout ce qui est boiteux, claudiquant, rampant et contrefait, la Cour des Miracles, à l’inverse du mouvement centrifuge qui régit la topographie urbaine et le récit, est attirée vers le centre de la ville : la place de Grève, la Cité, le Palais de Justice et enfin la cathédrale vers laquelle l’argot converge furieusement à la fin du roman21.

Cette attirance, cette attraction s’explique en fait très bien par les analogies profondes qui unissent ces deux monuments du Paris médiéval. En premier lieu, il convient de relever l’ancrage populaire que Victor Hugo donne à l’architecture gothique en général et à Notre-Dame de Paris en particulier. Loin des caractères mystiques, panthéistes et sylvestres que lui prêtait Chateaubriand22, la cathédrale de Victor Hugo s’enracine dans la cité. Nul sentiment religieux ne guide sa brève description ; nulle mention de sa fonction n’apparaît. Désacralisée, elle est décrite comme un monument laïc dont le population urbaine serait l’âme. Néanmoins, elle reste un « édifice de transition »23 à mi-chemin entre le moine et le bourgeois :

Impossible de placer notre cathédrale dans cette autre famille d’églises hautes, aériennes, riches de vitraux et de sculptures ; aiguës de forme, hardies d’attitudes ; communales et bourgeoises comme symboles politiques libres, capricieuses, effrénées comme œuvre d’art ; seconde transformation de l’architecture, non plus hiéroglyphique, immuable et sacerdotale, mais artiste, progressive et populaire24.

Néanmoins, en tant qu’« art social25 et collectif », fruit de tout un « peuple maçon », la cathédrale se dresse comme un signal urbain. Autour d’elle, Paris se serre en cercles concentriques, et bientôt le royaume de l’argot, tapi encore à sa périphérie.

Cette parenté entre Notre-Dame et la Cour des Miracles se retrouve dans le couple formé par Quasimodo et la Esmeralda, l’être monstrueux et difforme et la belle égyptienne. A un autre niveau, ils recréent le rapport antithétique qui réunissait la cathédrale et l’antre de la gueuserie parisienne. L’un apparaît comme l’incarnation de la grande église gothique avec laquelle il semble parfois se confondre, tandis que l’autre fait figure de porte-étendard du royaume de l’argot dont elle est quasiment la reine. Dans le récit, attirance et répulsion se succèdent tout au long des multiples chassés-croisés qui les mettent en scène. En les réunissant définitivement dans le charnier de Montfaucon, la fin du roman souligne leur destin commun et tragique.

Ces affinités entre la Cour des Miracles et Notre-Dame dépassent la topographie urbaine et la géographie romanesque du récit. Elles se retrouvent également au niveau sémantique. La cour des Miracles – considérée aussi bien sous l’angle de son architecture que de sa population, c’est-à-dire du royaume de l’argot – est peinte comme un ensemble hétéroclite, hybride et monstrueux auquel le mélange des langues et des idiomes apporte un caractère encore plus inquiétant. « O tour de Babel ! », s’écrie Pierre Gringoire lorsqu’il se voit perdu dans le dédale de ce pandémonium urbain et linguistique26.

De son côté, sous son apparence monumentale, la cathédrale cache en fait un manteau d’Arlequin constitué de parties hétérogènes plus ou moins bien appareillées. Si ses piles sont « saxonnes », ses ogives sont gothiques. D’ailleurs, comme Hugo le dit lui-même, Notre-Dame est un patchwork architectural :

Cette église centrale et génératrice est parmi les vieilles églises de Paris une sorte de chimère ; elle a la tête de l’une, les membres de celle-là, la croupe de l’autre ; quelque chose de toutes27.

A quoi s’ajoutent toutes les greffes, les fantaisies et les enlaidissements que les époques ultérieures ont apportés au bâtiment. Comme toutes les grandes architectures « (c’est une tour) de Babel, (c’) est une ruche »28.

Volontairement, en brossant ce portrait de l’édifice, en prêtant à la cathédrale cet aspect hybride et cacophonique, le narrateur file la même métaphore que celle développée par l’archidiacre dans le chapitre « Abbas beati martini ». En effet, au travers de ses études alchimiques, Claude Frollo se forge une image sulfureuse de l’édifice gothique. Comme pour le narrateur, la cathédrale est pour lui un livre de pierre. Quand le compère Tourangeau (autrement dit Louis XI travesti qui est venu le consulter en secret) lui demande quels livres étranges lui ont farci la tête d’idées alchimiques, Claude répond :

En voici un (…).

Et ouvrant la fenêtre de la cellule, il désigna du doigt l’immense église de Notre-Dame, qui, découpant sur un ciel étoilé la silhouette noire de ses deux tours, de ses côtes de pierre et de sa croupe monstrueuse, semblait un énorme sphinx à deux têtes assis au milieu de la ville29.

« Alphabet redoutable », « fragment de livre d’Hermès », la cathédrale supplée aux « pyramides », à la « tour de Babel « voire au « temple de Salomon »30. Mais ce livre hermétique reste pour l’archidiacre malheureusement abscons et indéchiffrable31.

Art gothique et argot : le poids de « l’Ancienne France » et de ses antiquaires

Ce babélisme est sciemment cultivé par Hugo. Au foisonnement du vocabulaire de « l’art gothique » répond la confusion des jargons « argotiques ». L’homophonie parfaite des deux termes – déjà remarquée par les hermétistes toujours à l’affût d’étymologies fantaisistes32 – constitue peut-être le rapprochement le plus parfait de ces deux architectures faites langages. L’argot est en somme à la Cour des Miracles ce que le livre de pierre est à Notre-Dame.

Mais là encore le XIXe siècle apparaît sous le XVe. Le terme d’« argot », omniprésent autour de la cathédrale, est utilisé par Hugo de manière ambivalente : tantôt il lui donne son sens moderne, tantôt il lui prête son acception originale. On le sait, depuis la fin du XVIIe siècle, ce substantif désigne le jargon parlé par les troupes de voleurs ou de gueux ; auparavant il s’appliquait seulement à la cohorte des vagabonds ou des malandrains qui vivaient de rapines et d’aumônes. L’acception moderne du mot est peu fréquente dans le roman. Elle se retrouve dans deux harangues lancées par Clopin Trouillefou, roi de Thunes et suzerain du royaume d’argot, à l’attention de Pierre Gringoire :

Tu dois être puni, à moins que tu ne sois capon, franc-mitou ou rifodé, c’est-à-dire, dans l’argot des honnêtes gens, voleur, mendient ou vagabond ;

et encore :

Quel argot de juif de Hongrie nous chantes-tu là ? Je ne sais pas l’hébreu33.

Gothiquement, Hugo se complaît à égrener le charabia de la Cour des Miracles et de manière moins gratuite qu’il n’y paraît. D’abord, c’est à la fin du Moyen Age que cette langue cryptée connaît, semble-t-il, son heure de gloire. De plus, en 1831, cette mise en scène appuyée de l’argot correspond à un moment historique où la langue verte connaît une des périodes les plus fécondes de son histoire. Cette apogée cache son chant du cygne, car elle bascule ensuite dans le jargon parisien et, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, elle entame une phase de décadence34. Ainsi, encore une fois, l’action romanesque, placée semble-t-il arbitrairement en 1482, se situe-t-elle à un point de rupture imminent. L’argot, médiéval ou moderne, est à l’aube de disparaître. Du vivant même de Victor Hugo, il est absorbé par le genre canaille, comme le Paris de la fin du Moyen Age se perd dans la Renaissance, et le Paris de 1831, dans le monde moderne et industriel.

Il n’en reste pas moins que Hugo, majoritairement, désigne par le terme d’argot le royaume de la gueuserie. Autre anachronisme. Il privilégie, contrairement à l’usage du moment, l’acception ancienne et vieillie du mot. Loin de constituer une préciosité littéraire, cet historicisme lui permet de se ranger du côté de Sauval35 et Du Breul36, les deux historiens du XVIIIe siècle dont il se réclame nommément dans son introduction de 1832. Mais, dans cette logique, il se place aussi du côté de « l’Ancienne France », celle de Nodier et de Taylor37, celle encore des « antiquaires »38, celle enfin qui a encore échappé aux « bandes noires » et aux démolisseurs.

Comme pour ce qui était de la description panoramique chargée de recréer une ville idéale, épargnée par la spéculation et jugulée dans son extension urbaine, ce procédé littéraire ancre Paris et sa cathédrale dans un temps idéal, médiéval certes, mais aussi contemporain ; un temps qui précéderait immédiatement les bouleversements irréparables qui se profilent inexorablement. Combat d’arrière-garde ? Peut-être. Il faut dire que l’image urbaine qui pointe est inquiétante. La Renaissance et l’aube des temps modernes apparaissent lourdes de menaces. Tentaculaires avant l’heure, la cité de Louis XI et le Paris de 1831 en sont arrivés à un point de rupture. Les ruines pittoresques de « l’Ancienne France » croulent sous les coups de la révolution industrielle, l’architecture de pierre et de langage, l’art gothique et l’argot… Il faudra attendre Les Mystères de Paris en 1842-1843, Les Fleurs du Mal en 1857 et Le Spleen de Paris en 1868 pour que la ville moderne, auparavant redoutée et décriée, devienne un objet de fascination, un objet littéraire et surtout, suivant la prophétie de Hugo, un produit de l’imprimerie et de la mécanisation39.

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1 Emile Mâle, L’Art religieux du XIIIe siècle en France, Paris, Armand Colin, 1925, pp. 395-401 (thèse de 1898).

2 Alain Erlande-Brandenbourg, La Cathédrale, Paris, Fayard, 1989, pp. 17-21.

3 Victor Hugo, Notre-Dame de Paris 1482, d’après l’édition chronologique des œuvres complètes de Victor Hugo, publiées sous la direction de Jean Massin, t. IV, vol. 1, Club français du livre.

4 Comprenez ici les architectes, comme Victor Hugo l’explique dans le livre troisième, au début du chapitre premier.

5 Cette place tout compte fait modeste de la cathédrale dans le roman a déjà été remarquée par Lucien Refort, « L’Art gothique vu par Victor Hugo et Michelet », in Revue d’histoire littéraire de la France, 33, 1926, pp. 390 à 394.

6 Un objet inanimé, une architecture en l’occurrence, peut-il être considéré comme le héros d’un récit ? Sur cette question, consulter Philippe Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, coll. Langue, linguistique, communication, 1981 ; et Littérature et architecture, Actes du colloque des 12 et 13 mai 1986, Rennes, Centre d’Histoire et d’Etude des Textes, sous la direction de Philippe HAMON, Presses universitaires de Rennes II, Rennes, 1988.

7 Victor Hogo, op. cit., p. 98.

8 Ibid., p. 98.

9 « Paris continue de se former et de nouveaux quartiers apparaissent. Il retrouve sous Louis-Philippe une enceinte militaire. Croissance trop rapide qui en fera, au milieu du XIXe siècle, une ville malade ; maladie que trduisent aussi bien les émeutes avec les barricades que les épidémies de choléra ou le manque d’équilibre et de liaison entre les quartiers ». Pierre Lavedan, Nouvelles Histoire de Paris : l’histoire de l’urbanisme, Paris, 1993, p. 361.

10 Bernard Comment a déjà signalé cette parenté de style dans Le XIXe siècle des panoramas, Paris, Adam-Biro, 1993, p. 98.

11 Paris, Musée d’Orsay, 390-708. Histoire de Paris par la peinture, sous la direction de G. Duby, Belfond, 1988, pp. 280-282.

12 Helmut and Alison Gernsheim, L. J. M. Daguerre : the History of the Diorama and the Daguerreotype, New York, Dover Publications, 1968, p 14.

13 Ainsi, à Paris, en 1822 le diorama de Daguerre intitulé L’Intérieur de la Trinity Chapel de Canterbury ; en 1827, L’Intérieur de l’abbaye de Westminster ; et la même année, à Berlin, une vue de l’église gothique ruinée de Baccarach. Sur cette mode du gothique, voir Léon Pressouyre, « Les Spectacles parisiens et la redécouverte du Moyen Age », in Le « Gothique » retrouvé avant Viollet-le-Duc, Paris, Hôtel de Sully, 31 octobre 1979 au 17 février 1980, pp. 128 à 129.

14 Victor Hugo, op. cit. p. 97.

15 Bernard Comment, op. cit., p. 98.

16 Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, sv. « vol », note que c’est à partir de 1835 seulement que le terme « à vol d’oiseau » prend ce sens nouveau, à côté de son ancienne acception, qui datait du XVIIIe siècle et signifiait « en ligne droite ».

17 Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires, 1895.

18 Au XIXe siècle, les panoramas n’ont pas seuls le privilège de rendre compte d’un espace urbain réorganisé afin d’être appréhendé par un spectateur privilégié. Le phénomène est général. On ne citera que les maquettes de ville patiemment élaborées par des architectes ou des érudits locaux qui rendent en relief et en miniature l’aspect des grandes cités européennes avant les grands changements urbains du milieu du siècle. La ville de Genève, pour ne mentionner qu’elle, possède une telle maquette exécutée de 1880 à 1896 : le Relief de Genève en 1850, appelé aussi Relief Magnin, du nom de son auteur l’architecte Auguste Magnin.

19 En fait, un troisième lieu sert souvent de passerelle entre Notre-Dame et la Cour des Miracles : la place de Grève.

20 Dans le deuxième livre, chapitres trois à cinq.

21 Livre dixième, chapitre trois.

22 François-René de Chateaubriand, Le Génie du christianisme, Paris, 1802, IIIe partie, livre I, chapitre VIII, « Des églises gothiques ».

23 Victor Hugo, op. cit., p. 94.

24 Ibid., p. 94. En 1831-1832, ce caractère populaire et social est bien une vision novatrice de l’architecture gothique. Avant Jules Michelet (1789-1874) et le deuxième tome de son Histoire de France, paru en 1833, et avant Augustin Thierry (1795-1856) et son livre sur l’Histoire de la formation et des progrès du Tiers Etat en 1850, Victor Hugo établit déjà, mais de manière romancée, un parallélisme entre société, communauté urbaine et cathédrale. Voir Eric Fauquet, « Jules Michelet et l’histoire de l’architecture républicaine », in Gazette des Beaux-Arts, 125e année, 1984t. CIII, pp. 71-79.

25 Faut-il déjà entendre par « social » la question des rapports de classe dans une société donnée, acception qui apparaît à partir de 1830 ? Plus probablement, Victor Hugo voit dans cet adjectif un synonyme de « collectif » : ce qui résulte des relations entre membres d’une même société. Cette définition de l’art gothique est d’ailleurs proche de celle de Michelet (voir note précédente). In A. Rey, op. cit., sv : « social ».

26 Ibid., p. 74.

27 Ibid., p. 95.

28 Ibid., p. 95.

29 Ibid., p. 135.

30 Ibid., p. 134.

31 A cette faillite médiévale, face à cette lecture impossible, Hugo oppose son œuvre ; une création contemporaine, un livre de pierre aussi, mais un livre capable de résumer la cathédrale gothique. Encore une fois c’est l’artefact du XIXe siècle qui transparaît sous le canevas médiéval, comme plus haut, l’évolution de la ville tentaculaire et moderne sous le Paris du XVe siècle.

32 Voir par exemple Fulcanelli, Le Mystère des cathédrales, Paris, Pauvert, 1979, pp. 55 à 58.

33 Ibid., pp. 78 et 80.

34 Voir Lazare Saineant, Les sources de l’argot ancien, t. II, Le dix-neuvième siècle (1800-1850), Paris, 1912, Genève, Slatkine Reprints, 1973. Ce recours est évidemment, chez Hugo comme chez d’autres écrivains à venir, un élément créateur de pittoresque.

35 Henri Sauval, Histoire et Recherches des Antiquités de la Ville de Paris, 3 vol., Moette et Chardon, Paris, 1724.

36 P. Jacques Du Breul, Le Théatre des Antiquités de Paris, Pierre Chevalier, Paris, 1612.

37 Isidore-Justin-Séverin, baron de Taylor, publia de 1820 à 1863, avec l’aide d’artistes prestigieux, les Voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France illustrés de nombreuses lithographies.

38 En 1832 encore, le nom d’« antiquaire » équivaut à l’acception actuelle d’archéologue. Il faut attendre le tournant du siècle pour qu’il prenne, sous l’influence de la langue allemande, le sens de marchand d’antiquités. Alain Rey, op. cit., sv. : « antiquaire ». On peut penser néanmoins que l’usage de ce mot, avec celui d’« argot », participe de la même volonté d’ancrer historiquement le texte.

39 Siegfried Giedion, La Mécanisation au pouvoir, Paris, Centre Georges Pompidou, 1980.