Revue d’histoire du protestantisme

Comptes rendus

CR

Marco Fratini, Lorenzo Di Lenardo, Stefania Vilani (dir.), Le collezioni di Bibie delle biblioteche valdesi di Torre Pellice e Roma

Torre Pellice : Centro Culturale Valdese, 2022, 458 p.

Yves KRUMENACKER

L’importance de la Bible dans les communautés vaudoises, que ce soit au Moyen Âge ou après leur passage à la Réforme protestante, est bien connue. En témoignent les 3 500 Bibles imprimées présentes à la bibliothèque vaudoise de Torre Pellice et les 1 500 qui se trouvent à la faculté vaudoise de théologie de Rome. Leur catalogage dans le Servizio Bibliotecario Nazionale et l’exposition Le Bibbie dei valdesi. Edizioni dal xv al xix secolo qui a eu lieu du 19 août au 13 novembre 2022 à Torre Pellice ont été l’occasion de la publication d’un volume qui est bien plus qu’un catalogue d’exposition.

Les premiers chapitres sont consacrés à ces collections bibliques. Celle de Torre Pellice, dont l’origine, dans les années 1830, revient à des donateurs britanniques qui offrent des volumes destinés aux professeurs et aux élèves du collège vaudois, s’enrichit ensuite grâce à des donateurs de tous les pays protestants, grâce aux professeurs et aux élèves, enfin aux dons des familles vaudoises. Le fonds biblique de la faculté vaudoise de théologie remonte à la seconde moitié du xixe siècle, également grâce aux Anglo-saxons, puis aux étudiants et aux professeurs. Est ensuite présenté le notaire évangéliste toscan Tito Chiesi (1805-1886), dont la très riche collection biblique se retrouve à Torre Pellice et à la faculté de théologie. Un autre chapitre démontre, grâce aux très nombreuses bibles de ces collections, aux méditations bibliques, aux multiples publications, notamment pour les enfants, racontant des épisodes bibliques, que la Bible est omniprésente aux xixe et xxe siècles dans les Églises, les foyers vaudois, qu’ils se l’approprient et qu’elle est largement diffusée à des fins de prosélytisme.

La deuxième partie du livre est consacrée à des thèmes plus larges. Après un panorama de la publication des Bibles dans l’Italie des xve et xvie siècles, plusieurs chapitres sont consacrés à des Bibles particulières : celles de Zwingli et de Brucioli, la Bible des États néerlandaise, et surtout celle de Luther, dont une histoire des éditions jusqu’au xxe siècle est présentée, et d’Olivétan, dont le rapport avec les vaudois est questionné. Les préfaces des dédicaces des éditions italiennes de la Bible publiées à Lyon et Genève aux xvie et xviie siècles montrent combien on se soucie de permettre aux Italiens vivant dans un environnement catholique de lire l’Écriture. L’existence de nombreuses Bibles protestantes en latin rappellent que le latin est encore pour toute l’Europe la langue savante par excellence. La Bible italienne la plus célèbre, celle de Diodati, dont la 1re édition est de 1607, est replacée dans le contexte des controverses avec les catholiques sur la fiabilité du texte biblique ; on a ensuite une présentation de ses éditions jusqu’en 1900. Le chapitre suivant dresse un tableau des traductions de la Bible en français du xviie au xixe siècle, aussi bien catholiques (surtout jansénistes) que protestantes, puis sont présentées les traductions en anglais de l’époque moderne. On trouve ensuite un panorama des traductions en italien aux xixe et xxe siècles, qui tiennent comptent des progrès de l’exégèse et se fondent sur des manuscrits hébreux et grecs. Le chapitre suivant présente l’action des sociétés bibliques, notamment de la British Foreign Bible Society (BFBS), qui cherchent à diffuser des bibles sans notes ni commentaires, la Bible étant censée être compréhensible par tous, principe qui souffre des exceptions pour les langues où les concepts chrétiens n’ont pas d’équivalents ; elles veulent des bibles bon marché et, pour cela, créent et utilisent des innovations typographiques ; cette diffusion mondiale a pour effet un impérialisme culturel biblique. Le dernier chapitre évoque la situation italienne depuis le xixe siècle, où la Bible en italien est interdite jusqu’en 1848, tolérée ensuite dans certains États, puis autorisée à partir de l’unité italienne ; cela profite aux sociétés bibliques, surtout à la BFBS. Le livre se termine par un beau catalogue de 112 bibles.

Cet ouvrage fera référence sur les bibles en italien, et en particulier vaudoises ; mais c’est aussi une très belle synthèse sur la Bible protestante en général, qui n’oublie pas de signaler les rapprochements avec le catholicisme, en particulier après le concile Vatican II. Les textes sont très majoritairement en italien, mais certains sont en français ou en anglais.