Revue d’histoire du protestantisme

Comptes rendus

CR

Étienne Bordes, Petite histoire des Pyrénéistes

Pau : CAIRN, 2024, 132 p.

Gabrielle CADIER-REY

Les pyrénéistes ne sont pas des alpinistes. Derrière cette lapalissade, ce sont deux conceptions de la montagne qui s’opposent. Gravir les sommets des Alpes, c’est souvent une affaire de technique, de performance. Être pyrénéiste, c’est à la fois ascensionner, sentir et décrire, selon l’idéal de Béraldi, l’historien des Pyrénées. C’est pourquoi les pyrénéistes des deux derniers siècles ont laissé tant de livres, personnels et descriptifs, géologie, botanique, ethnographie, etc.

Ces pyrénéistes, français et étrangers (12 %) constituent une sorte d’élite sociale et intellectuelle dont on retrouve les noms dans l’oronymie pyrénéenne. Appartenant à l’aristocratie ou à la haute bourgeoisie au début du xixe siècle, leur groupe se démocratise peu à peu, cependant 60 % ont fait des études supérieures. Étienne Bordes distingue trois générations, celle des pionniers où sont représentés les hommes de lettres et quelques scientifiques dont Ramond de Carbonnières est l’idéal-type. La seconde génération, celle des années 1850-1890, a été baptisée la Pléiade par Henri Béraldi. Elle fait œuvre de codification, crée des revues, la « Société Ramond » qui précède le club alpin et construit une éthique montagnarde qu’Étienne Bordes compare à l’éthique protestante. Il estime les pyrénéistes protestants à 18 %.

Comment expliquer cette forte implication des pasteurs et de leurs fils ? Le goût de l’effort, la sensibilisation à la beauté, le désir de faire connaître, une liberté qui remet en cause les textes bibliques ? On peut regretter qu’Étienne Bordes ne se soit pas appuyé sur les travaux du musée d’Orthez à l’occasion de son exposition (2013) sur « Les Pyrénéistes protestants », ne les ait même pas cités. « Marcher, explorer, connaître, partager », c’est la génération de Franz Schrader et d’Élisée Reclus. La troisième génération (1890-1920) est celle de la diversification et d’une certaine démocratisation, même si la proportion de ceux qui ont fait des études supérieures reste constante. On assiste à l’essor du thermalisme, du tourisme, du ski, à la construction d’axes routiers, d’un manteau de refuges montagnards, et à la diffusion de cartes et de guides. En s’ouvrant davantage, le pyrénéisme a perdu peu à peu ses caractères propres.