Revue d’histoire du protestantisme

Comptes rendus

CR

Michèle Miller Sigg, Birthing Revival. Women and Mission in Nineteenth-Century France

Waco : Baylor University Press, 2022

Gabrielle CADIER-REY

Ce livre aborde l’histoire du Réveil en France sous un jour inhabituel, le rôle des femmes. Bien sûr on connaît quelques noms de dames particulièrement actives comme Albertine de Broglie ou Émilie Mallet. Mais c’est un large mouvement que Michèle Miller Sigg étudie. Elle part d’une rencontre qui se déroule à l’Oratoire le 14 avril 1826, l’assemblée générale de la Société des Missions évangéliques (fondée en 1819), à laquelle assistent aussi des représentants de diverses Sociétés bibliques, françaises et anglaises. Un monde d’hommes. Et voici que pour la première fois va être lu le rapport d’activité du nouveau comité auxiliaire des dames de la Mission de Paris, fondé l’année précédente. Douze dames élues par ce comité sont présentes. Mais ce n’est pas l’une d’elles qui va lire le rapport. La transgression serait trop grande. Le rapport est lu par le jeune pasteur Frédéric Monod.

Cette manifestation des dames traduit leur volonté de s’impliquer dans les œuvres du Réveil, notamment dans les nombreuses œuvres charitables concernant les femmes et les enfants. Elles étaient mues par une foi ardente, et entraînées dans le vaste mouvement du Réveil qui, du côté protestant, prenait des formes variées, quakers, moraves, méthodistes, baptistes, etc. Ces femmes ont vécu leur foi sur le plan personnel et familial (Émilie Mallet écrit Prières chrétiennes à l’usage des familles, qui de 1840 aux années 1880 connaît huit rééditions) et aussi sur le champ de mission. Là, elles ont voulu participer concrètement en distribuant des bibles (recueillant des quolibets sur ces « évangélistes en jupons »), en s’impliquant dans diverses sociétés charitables, en s’occupant des prisons de femmes, en organisant des salles d’asile pour les tout-petits, en soutenant l’activité missionnaire au Lesotho s’intéressant particulièrement aux femmes des missionnaires qui, usées par le travail, le climat, leurs maternités, risquaient de mourir jeunes comme Sarah Dyke Casalis.

Parmi ces femmes, Michèle Miller Sigg s’attarde sur Élizabeth Lyndall qui épousa le missionnaire Rolland ; elle montre combien la femme du missionnaire avait un rôle complémentaire de son mari. Développer les écoles et l’instruction religieuse pour les petits enfants, c’était la clef de l’évangélisation des mères et des familles. Parmi les manifestations du Réveil vu du côté féminin, elle insiste aussi sur la création de l’œuvre des Diaconesses comme symbole de la place des femmes dans le Réveil et du renouveau de la foi des protestants français. Et recherchant pourquoi ces engagements féminins ont été peu étudiés par les historiens français, elle accuse à la fois la faiblesse des gender studies en France et l’obstacle de la laïcité. Elle regrette que l’histoire des protestantes françaises n’ait donné naissance qu’à un seul livre, celui de Geneviève Poujol, Un féminisme sous tutelle, au titre évocateur.