Revue d’histoire du protestantisme

Comptes rendus

CR

Catherine Valenti, Pauline Kergomard, L’enfance au cœur

Memoring, 2023, 108 p.

Gabrielle CADIER-REY

En 1879, Pauline Kergomard (1838-1925), déjà en possession du brevet de capacité depuis 1856, passe l’examen de déléguée à l’inspection des salles d’asile. Deux ans plus tard, dans le cadre de la politique scolaire de Jules Ferry et Ferdinand Buisson, elle est nommée Inspectrice générale des écoles maternelles et le restera jusqu’à sa retraite en 1917. Ce changement de nom est le symbole d’une mutation. On passe d’une logique d’assistance et de garderie des enfants des classes populaires (pour que leur mère puisse travailler) à un souci pédagogique, accueillir tous les enfants avec un programme précis d’éveil intellectuel et physique (grâce à la gymnastique). L’école maternelle représente le passage de la famille à l’école. Son personnel féminin est formé d’institutrices diplômées, préparées à une pédagogie adaptée à l’âge de l’enfant. Si avant Pauline Kergomard il y eut quelques réalisations dans ce sens, c’est cependant à elle que l’on attribue la création de l’école maternelle française. Première femme admise au Conseil supérieur de l’Instruction publique, elle s’est heurtée à la misogynie de ses collègues, ce qui se traduit dans les inégalités salariales. Ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale que, dans l’enseignement primaire, les salaires masculins et féminins seront équivalents. Elle n’obtient pas non plus que des femmes puissent devenir inspectrices des écoles de filles. Ces injustices l’amènent, après la cause des tout-petits, à participer au mouvement de la « première vague du féminisme ».

Élue, dès sa création en 1901, membre d’honneur du Conseil national des Femmes françaises, la première et la plus importante association féministe, elle y trouve une tribune pour faire passer ses idées et revendications, et réciproquement le CNFF bénéficie de son aura. Seule ou avec son amie Caroline de Barrau de Muratel, elle crée de nombreuses œuvres de protection des enfants, notamment l’Union française pour le sauvetage de l’enfance (contre les maltraitances ou contre les conditions d’incarcération des mineurs).

Pauline Kergomard, née Reclus, évoluait dans la mouvance du protestantisme libéral auquel appartenaient Ferdinand Buisson, Félix Pécaut, Jules Steeg dont les deux filles épouseront les deux fils Kergomard en 1898. Cousine germaine des « grands Reclus », elle avait bénéficié à Orthez de l’enseignement de sa tante mais aussi de son oncle pasteur qui faisait apprendre aux élèves de sa femme force versets bibliques dont Pauline se souviendrait toujours. À la fin de sa vie elle disait : « Je ne suis plus protestante mais je suis une vieille huguenote. »