Revue d’histoire du protestantisme

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Vient de paraître

Albert Schweitzer, Un engagement pour la paix. Textes édités par Matthieu Arnold, Strasbourg : AFAAS, coll. « Études Schweitzériennes » 14, 2023, 159 p.

Matthieu ARNOLD

Albert Schweitzer n’est pas un inconnu des lecteurs de la Revue d’histoire du protestantisme, qui nous a fait l’honneur d’accueillir deux études que nous lui avons consacrées tout ou partie (voir le BSHPF 160 (2014), p. 57-76, et la RHP 2 (2017), p. 157-167).

La présente édition, qui regroupe des textes soit inédits en français soit épuisés, est consacrée, à l’occasion du 70e anniversaire de l’attribution du prix Nobel de la Paix à Schweitzer (30 octobre 1953), aux discours et aux écrits par lesquels il s’est engagé pour la paix, et dont le centre de gravité se trouve dans les années 1950. En effet, Schweitzer, qui avait fondé son hôpital à Lambaréné en 1913, avait reçu cette prestigieuse distinction pour son œuvre humanitaire et médicale. C’est le prix Nobel, ainsi que le décès de son ami Albert Einstein, qui le poussèrent à s’engager avec détermination, à l’âge de 80 ans, pour l’abolition des armes nucléaires. Ses trois appels radiodiffusés des 28, 29 et 30 avril 1958, publiés sous le titre Paix ou guerre atomique, constituèrent le point culminant de cet engagement ; rapidement, cet opuscule, qui enjoignait les puissances atomiques de mettre un terme à la course aux armements et d’établir des relations sur la base de la confiance réciproque, fut traduit en de nombreuses langues. Les trois discours et leur publication eurent une influence considérable non seulement aux États-Unis (la position de Schweitzer inquiéta la CIA et le FBI), en Allemagne de l’Ouest et Europe du Nord, mais encore au Japon.

Épuisé de longue date, cet essai est réédité ici avec un appareil critique inédit (introduction, notes), tout comme le discours de réception du prix Nobel de la Paix (4 novembre 1954 ; Schweitzer est allé chercher son prix un an après avoir été lauréat, car en 1953, il était retenu par ses obligations à Lambaréné). Ces textes sont précédés par un article que Schweitzer donna en février-mars 1952 au Svenska Morgonbladet (Stockholm), « Ce dont l’humanité a le plus besoin aujourd’hui » ; il est donné ici pour la première fois en français.

Cette série d’écrits des années 1950 est accompagnée par trois autres groupes de textes, qui montrent que dès avant la Première Guerre mondiale et jusqu’à la fin de sa vie, Schweitzer s’est préoccupé de la paix : 1) cinq prédications, données intégralement ou sous forme d’extraits, prononcées en Europe ou en Afrique entre 1907 et 1930 ; 2) trois textes autobiographiques ou philosophiques ; 3) une série de six lettres (à Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie, Theodor Heuss, John Fitzgerald Kennedy et Alfred Kastler) rédigées entre 1955 et 1964. Nous avons traduit nombre de ces écrits de l’allemand voire de l’anglais.

La présentation, par sa directrice Sophie Reeb, du Centre Schweitzer pour la paix de Kaysersberg-Vignoble, qui vient d’ouvrir ses portes, complète cette anthologie. L’ensemble comporte de nombreuses illustrations. Un index des noms de personnes en facilite la consultation.

L’actualité politique internationale montre, hélas, que les thèmes traités par ces textes courageux autant que bien informés n’appartiennent nullement à un passé révolu. De manière moins grave, cette édition rejoint aussi l’actualité cinématographique de l’été 2023 : la couverture de l’édition française de Paix ou guerre atomique met en exergue une citation de Robert Oppenheimer, « Il n’est plus possible de croire que l’homme puisse jamais survivre à une guerre atomique ».