Revue d’histoire du protestantisme

Compte rendus

CR

Michel Barlow, Olivier Chareire, Yves Grellier, Yves Krumenacker, Rue Lanterne. Deux siècles de protestantisme au cœur de Lyon (1832-2022)

Lyon : Olivétan, 2023, 240 p.

Olivier PIGEAUD

« Les monographies réussies sont l’une des manières de faire progresser l’histoire générale », écrit Patrick Cabanel dans la préface de ce livre. On ne peut en effet que souhaiter des histoires d’Églises protestantes locales de cette qualité, au profit non seulement de leurs membres, mais aussi de tous ceux qui veulent en savoir plus sur le protestantisme français en général. C’est en effet dans le cadre large d’un protestantisme très divers et évolutif au cours des deux derniers siècles que quatre auteurs racontent et commentent l’histoire de ce qui s’appelle aujourd’hui l’Église Protestante Unie de Lyon-Terreaux. Ils se sont répartis les périodes 1832-1875, 1870-1914, 1914-1938 et 1938-2022. Leurs styles sont divers, mais ils donnent une même attention aux biographies des pasteurs et bien d’autres responsables, aux données statistiques, immobilières et financières. Ils décrivent de la même façon des nombreuses activités et les relations avec le reste du protestantisme lyonnais, avec de multiples associations locales et avec les Unions d’Églises.

II faut dire que l’histoire de l’Église des Terreaux sort de l’ordinaire. Créée en dissidence par rapport à l’Église de Lyon, évangélisatrice, très indépendante, membre tardive d’une Union d’Église, elle a vécu une évolution assez représentative de bien des Églises locales, toujours en tension entre le besoin d’indépendance et de responsabilité locale et le souci de l’unité intra-protestante et même œcuménique. De fortes personnalités ont marqué son histoire et le protestantisme français, comme Adolphe Monod, le fondateur, Léopold Monod, Roland de Pury et Daniel Atger. Mais c’est tout un très vaste ensemble de personnes, élevées ou non dans le protestantisme, que l’on découvre et admire au fil de l’histoire. Au-delà de l’évocation de quelques personnalités, voici quelques donnés sur le dynamisme non seulement spirituel mais aussi social des équipes qui se sont succédées.

À la fin du ministère lyonnais d’Adolphe Monod, l’Église indépendante du passage Thiaffait, en milieu très « populaire », compte quatre pasteurs, douze colporteurs, des instituteurs. Un gros effort est fourni pour la scolarisation des enfants des familles ouvrières et la création de la Bibliothèque protestante évangélique. Ensuite il faut noter l’implication de l’Église évangélique de la rue de l’Arbre Sec dans la création de l’Infirmerie protestante en 1844.

Au cours de la période suivante, l’Église installée depuis 1857 rue de la Lanterne vit l’élargissement du secteur géographique de ses membres et son adhésion à l’Union des Églises Évangéliques de France (1875) indique une orientation spirituelle et théologique évangélique plus marquée. On note un gros effort d’évangélisation autour de Lyon, le développement des mouvements de jeunesse et la forte participation à l’Œuvre des Enfants à la Montagne et l’animation du Diaconat.

Entre les deux guerres, les actions pour la jeunesse, le soutien aux Missions, à l’Infirmerie Protestante et à la Croix Bleue se poursuivent, avec une collaboration plus marquée entre des différentes instances protestantes lyonnaises. Les locaux accueillent bien des activités de groupes et associations.

En 1938, c’est l’arrivée de Roland de Pury et l’adhésion de l’Église de Lyon-Terreaux à l’Église Réformée de France dont l’Union nationale vient d’être recréée. Elle garde une indépendance vis-à-vis de l’Église Réformée de Lyon. L’arrestation de Roland de Pury en plein culte le 30 mai 1943 est symptomatique de l’engagement dans le monde de l’Église de la rue Lanterne. Il se traduira, entre autres par un fort soutien à la Cimade et à la Mission populaire de la Duchère. Au début du xxie siècle, qui voit une remontée numérique des membres de l’Église des Terreaux, une douzaine d’associations ont leur siège ou se réunissent rue de la Lanterne.

Toute une histoire donc, qui a de quoi enrichir et encourager le présent. C’est ce que déclare la finale du livre qui met en avant « les atouts du protestantisme pour illustrer la portée féconde du message chrétien, cinq cents ans après la Réforme, et près de deux cents ans après la fondation de l’Église de la rue Lanterne ».