Revue d’histoire du protestantisme

Compte rendus

CR

Olivier Poujol, Salgas, Galérien pour la foi

Préface de Patrick Cabanel, Ampélos, 2023, 117 p.

Gabrielle CADIER-REY

Ce petit livre va bien au-delà du récit de la vie et des malheurs du baron de Salgas. À travers son histoire, l’auteur présente un tableau de la société cévenole, avant et après la révocation, une description des familles déchirées entre catholicisme et protestantisme, entre soumission acceptée et soumission imposée, entre fuite vers le Refuge et retour durable au catholicisme national. C’est dans cette situation complexe que s’insère la vie de François de Pelet, seigneur de Salgas (1646-1717) et que vont s’inscrire sa descendance (protestante dans le Refuge, catholique en France) et ses réseaux familiaux. Ainsi sa belle-sœur, Mme de Rocoules, sera la gouvernante très aimée du futur Frédéric II de Prusse et le petit-fils du baron, Claude de Sagas, le précepteur du prince de Galles, futur George IV, en 1771, puis de 1773 à 1778, chambellan du roi. Un tableau généalogique aurait été bien utile pour que le lecteur s’y retrouve parmi les différentes branches de cette famille.

François de Pelet, seigneur de Salgas, est né en 1646 ou 1647 dans une illustre et ancienne famille noble cévenole, ardemment protestante et riche de belles terres ; pour les conserver, le baron allait à la messe, même s’il lisait toujours la Bible en cachette. Son frère Jacques de Rocoules, lui, avait gagné Berlin. Après son premier mariage et un veuvage, le baron épouse en 1694 Lucrèce de Brignac. En sept ans, six enfants naissent que Lucrèce n’hésite pas à abandonner pour gagner Genève en 1701, les laissant à son mari. Or, ce sont les débuts de la guerre des camisards et Salgas craint d’être complice de sa femme. Dénoncé pour avoir assisté à une assemblée, il est arrêté par les troupes royales en mai 1703 et, à la suite de faux témoignages, condamné à la torture et aux galères à perpétuité. Ses biens sont confisqués, son château de Salgas pillé et celui des Rousses rasé.

Grâce aux lettres envoyées et reçues par Salgas (les six adressées à sa femme ont été recopiées par Antoine Court), grâce aux demandes de libération en sa faveur, notamment par la reine Anne d’Angleterre, grâce aux récits dus à sa notoriété, les treize années qu’il a passées aux galères, souvent fers aux pieds, nous sont connues. Ce qui frappe, c’est sa force de caractère, le retournement que cette captivité a opéré dans sa foi, ce temps de souffrance devenant « le plus heureux de sa vie », le supportant « avec constance et résignation ». Il se sent « soutenu de cette divine grâce ». Il peut ainsi écrire à sa femme : « Souvenez-vous d’un époux qui est plus digne de vous dans sa captivité que dans sa liberté. J’espère que Dieu me fera la grâce de pouvoir un jour mieux vous le confirmer. » Ce ne fut qu’en octobre 1716 que ce jour arriva et qu’il rejoignit son épouse à Genève où il mourut l’année suivante, « laissant le souvenir de ses faiblesses dans la prospérité et de sa constance dans le malheur ».