Jean Cadier, La brigade de la Drôme
Préface d’Édouard Champendal, Éditions Ampelos, 2022, 141 p.
La première édition de ce texte par « Les Bergers et les Mages » sous le titre Le matin vient, date de 1990. La préface d’alors de Jacques Deransart a été remplacée ici par un texte plus ancien d’Édouard Champendal qui était un des quatre premiers pasteurs acteurs de cette brigade. Jean Cadier (1898-1981), futur doyen de la Faculté de théologie de Montpellier, connu pour ses travaux sur Calvin, relate ici l’expérience personnellement vécue d’un mouvement de Réveil qui se développa dans la Drôme à partir de 1922 et gagna des communautés de l’Europe francophone (Belgique, Suisse). Suscitant d’un village à l’autre la conversion et la ferveur de populations de vieille souche huguenote, mais plutôt somnolentes, ce mouvement a pris le nom de « Brigade missionnaire » et s’est poursuivi jusqu’en 1940. Cette réédition en rappelle le souvenir pour son centenaire. Le musée du Protestantisme dauphinois de Poët-Laval lui consacre une exposition.
Née spontanément, la Brigade s’organise rapidement, animée au départ par un officier de l’Armée du Salut à l’ardeur prophétique, et enrichie par l’arrivée de jeunes pasteurs. Jean Cadier lui-même, âgé de 24 ans, est appelé, en l’été 1923, par l’Église de Valdrôme qui était sans pasteur depuis dix ans. De retraites pastorales régulières en réunions de prières, en missions sur le terrain, le souffle de l’Esprit agit sur toute la région. Les temples sont restaurés. Ces pasteurs doublent leur œuvre missionnaire d’un effort d’instruction et de publication. De septembre 1925 à mars 1940, paraît un mensuel Le matin vient qui atteint jusqu’à 5 000 abonnés. Leur maison d’édition publie de nombreuses brochures. Même une école pour évangélistes va fonctionner de 1928 à 1934. Comme le remarque Roger Mehl (Le Monde, 30 janvier 1981), « Ce Réveil, à la différence de ceux du xixe siècle, qui étaient piétistes et subjectivistes, se caractérisait par une rigueur doctrinale toute calviniste et une forte tonalité eschatologique. » Cependant, ce mouvement connut des résistances, celles des Églises établies traditionnelles mais aussi des déchirements déclenchés par l’arrivée de pentecôtistes anglais auxquels se rallia une partie des membres de la Brigade, alors que l’autre s’en défiait. Il en fut de même vis-à-vis de la « réunification » de l’Église.
En effet, depuis la fin du xixe siècle, l’Église réformée était divisée en plusieurs Unions d’Églises. L’espérance d’une réunification était forte, mais butait, comme en 1872, sur le problème d’une confession de foi acceptée par tous. Finalement, un texte fut adopté auquel s’ajouta une liberté d’adhésion accordée au pasteur lors de sa consécration. Jean Cadier fut modérateur au synode national de Paris Saint-Esprit qui restaura, en 1938, l’Église réformée dans son Unité, sauf une quarantaine d’Églises qui voulurent rester indépendantes. Dans les dernières pages de son livre, il se félicite que l’Église réformée ait été unie et restructurée pour traverser les événements de la guerre sous la présidence de Marc Boegner.