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Gilles Teulié, Georges Mabille. Un pasteur contre l’apartheid

Éditions Ampelos, 2022, 138 p.

Gabrielle CADIER-REY

Les débuts de la Société des missions évangéliques de Paris coïncident avec l’installation d’une mission française au Lesotho, une enclave indépendante en Afrique du Sud. Eugène Casalis (1812-1891) y arrive en 1832. Sa fille Adèle épouse Adolphe Mabille en 1860. Leur fils, Louis (1869-1937), se marie avec Mary Cadier en 1900. Ils ont six enfants, dont deux pasteurs Henri, dit Mohato en langue sesotho (1902-1970), et Georges (1909-1998) appelé Molapo, né dans l’importante station missionnaire de Morija. Là se trouvent le temple, l’école normale, l’école biblique, l’imprimerie, une grande bibliothèque, etc. Mais il y avait d’autres stations missionnaires où Georges et sa femme Marcelle se sont installés, en 1935 et pour plusieurs années. C’est donc une dynastie missionnaire familiale qui s’est formée au Lesotho et qui a apporté, à la demande du roi local, avec l’Évangile, la civilisation occidentale.

Gilles Teulié, professeur de civilisation britannique à l’université d’Aix-Marseille, à l’aide des archives Mabille, conservées au Défap (le Service protestant de mission), et d’entretiens familiaux, retrace la vie de Georges Mabille, s’intéressant particulièrement aux manifestations de son opposition à la ségrégation raciale. Le régime de l’apartheid est appliqué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, peu après que Mabille a été nommé pasteur auprès de la communauté des mineurs sotho, à Johannesburg, un poste en quelque sorte comme une extension de la mission protestante au Lesotho. La vie des mineurs est tragique, arrachés de leurs familles, désocialisés, connaissant misère, violences et prostitution. Mabille écrit dans la presse protestante française pour faire connaître la situation. Il ne peut comprendre que des chrétiens, et de plus réformés, soient racistes. Mais localement la vraie réponse c’est sa participation à la construction (à partir de 1948) du Wilgespruit Fellow Center, un centre œcuménique où Noirs et Blancs peuvent être sous le même toit, une sorte de camp retranché multiracial où les représentants des Églises peuvent se rencontrer, mais aussi où les descentes de police seront fréquentes. Mabille reste jusqu’en 1957 en Afrique du Sud, puis lui est confiée une mission en Afrique occidentale française pendant trois ans, mission qui prend fin avec les indépendances.

Il est alors envoyé comme aumônier en Allemagne et il prend sa retraite en Cévennes, en 1966. Il ne cesse pour autant de s’intéresser à l’Afrique du Sud où il retourne trois fois. Le démantèlement du système ségrégationniste est une grande joie. À la fin de sa vie, il revient à la langue sesotho de son enfance et demandera que ses cendres soient déposées à Morija. Le Centre de Wilgespruit, ce symbole de la non-violence et des droits de l’homme, a été démoli par des promoteurs immobiliers. Le vœu de Desmond Tutu (prix Nobel) qu’un Parc de la Paix le remplace pour que se perpétuent ses idéaux, sera-t-il respecté ?