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Yves Krumenacker (éd.), Actes des synodes provinciaux. Bourgogne (1601-1682)

Genève : Droz, 2022, 681 p.

Julien LEONARD

Il faut se réjouir de la publication de ce quatrième numéro de la collection « Archives des Églises réformées de France », qui propose des éditions de sources. Nous disposons donc désormais des actes des synodes provinciaux de la Bourgogne, dix ans après ceux de l’Anjou-Touraine-Maine publiés par Didier Boisson. L’attente était forte, car, justement, cette sortie de 2012 avait clairement démontré à tous les historiens du protestantisme l’incroyable richesse de ces documents pour notre connaissance de la vie des Églises, surtout sous le régime de l’édit de Nantes. En effet, au xviie siècle, ce sont avant tout les synodes provinciaux qui renseignent sur l’histoire institutionnelle, mais aussi rituelle, sociale, culturelle et politique des communautés protestantes, du fait de la rareté des registres des consistoires (souvent détruits à la Révocation et dont Raymond Mentzer a réalisé l’inventaire méthodique), de l’absence quasi-totale de documents produits par les colloque et de l’interdiction de réunion des synodes nationaux après celui de Loudun (1659-1660). Heureusement, les sources sont donc mieux conservées pour les synodes provinciaux, même si pour le cas de la Bourgogne, Yves Krumenacker souligne que nous n’avons les actes et des documents que pour vingt-cinq réunions entre 1601 et 1682, alors même qu’elles étaient le plus souvent annuelles, puis plus espacées lors des périodes de troubles et surtout au temps des persécutions louis-quatorziennes. Pour treize d’entre eux toutefois, il a pu s’appuyer sur plusieurs copies et sur des sources complémentaires se recoupant, notamment des procès-verbaux de commissaires royaux.

Au-delà de tout l’intérêt de la source brute ainsi produite (histoire de la Discipline, des persécutions politiques, de la vie interne des Églises, du recrutement des pasteurs et de la gestion de leur carrière, du choix et de l’entretien des proposants, etc.), cet ouvrage est éminemment utile aux chercheurs grâce à l’appareil critique érudit. On trouvera évidemment des notes de bas de page contextualisant les décisions et identifiant au mieux les personnages par ailleurs documentés (les pasteurs, les anciens qui sont députés, les individus concernés par les décisions), des index finaux permettant de naviguer facilement, mais aussi une liste de sources utilisées et une bibliographie à jour. À tout cela s’ajoute une introduction (p. 7-80) qui fait un point précis à la fois sur ce que sont les synodes provinciaux, comment ils fonctionnent et comment ils affirment leur rayon d’action, en fonction de contextes variables ou de décisions politiques (par exemple le fait d’imposer en 1623 un commissaire royal observant les réunions), mais aussi sur l’histoire de la province de Bourgogne. Son nom ne doit pas induire en erreur, car elle regroupe des Églises situées sur des territoires divers et bien au-delà de la Bourgogne proprement dite : c’est probablement la faible densité du protestantisme dans ces régions qui explique la grande taille et l’instabilité aux marges de cette province synodale, qui n’était d’ailleurs sans doute pas perçue par les contemporains comme un territoire avec des limites, mais plutôt comme un catalogue de colloques et d’Églises qui y envoient des députés. Cela ne remet pas en cause l’effort pédagogique de production de cartes dans ce volume, qui permettent au lecteur de mieux situer les sources et les lieux de culte autorisés par le régime de l’édit. L’introduction retrace également l’histoire du protestantisme, de ses origines et de ses développements au xvie, de son installation et de son érosion au xviie, des persécutions, des résistances et des affrontements, en organisant par grandes unités géographiques et culturelles au sein de cette province de Bourgogne : la Bourgogne historique proprement dite, Lyon et le Lyonnais, le Bourbonnais, la Basse-Auvergne, la Bresse et la Dombes, le pays de Gex, le Forez.

On l’aura compris, il s’agit d’une édition qui sera très utile à toutes les études à venir dans le champ des études protestantes sous le régime de l’édit de Nantes, une édition qui servira à compléter, nuancer et mettre en résonance ce que nous pouvons tirer des actes de l’Anjou-Touraine-Maine, en attendant de futures publications similaires et en espérant des provinces dont les caractéristiques culturelles et démographiques permettraient d’approfondir et de diversifier ce travail comparatiste.