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Bernard FRANÇOIS, Les protestants de l’Oisans. La Maison de la Propagation de la foi de Grenoble et la vallée vaudoise de Pragela

Bourg-d’Oisans : Association coutumes et traditions de l’Oisans, 2021, 472 p.

Olivier COGNE

Aussi important fut-il en Dauphiné, le protestantisme a finalement généré peu de nouveaux travaux historiques au cours des dernières décennies. Les recherches déjà anciennes de Pierre Bolle (1923-2010) demeurent ainsi des références incontournables associées à des productions plus récentes dont nous avons tenté la synthèse à l’occasion des 500 ans de la publication des Thèses de Luther1. La parution de l’ouvrage de Bernard François vient donc enrichir une historiographie régionale dont la liste des titres est bien moins abondante que pour d’autres provinces d’Ancien Régime.

L’auteur, s’il n’est pas historien de formation, n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il compte déjà plusieurs livres à son actif qui tous ont en commun son territoire de prédilection : l’Oisans2. On lui doit notamment deux volumes intitulés Mémoire du Bourg-d’Oisans3 et récompensés par le Prix de l’Alpe4. Fidèle lecteur des Archives départementales de l’Isère, Bernard François s’est attaché aux sources pour étayer sa démonstration. La grande valeur de ce travail réside en effet dans l’exploitation d’un nombre impressionnant de documents d’époque, pour certains ignorés jusque-là par les historiens, parmi lesquels les fonds des communautés d’habitants du haut-Oisans et les actes notariés. Une recherche au long cours qui n’est pas sans rappeler celle conduite par Pierre Béthoux sur une autre région des plus active du protestantisme dauphinois, le Trièves5, et dont Bernard François reconnaît s’être inspiré.

Ainsi, malgré le caractère fragmenté de ses sources, l’auteur parvient à reconstituer l’histoire de l’implantation de la Réforme dans ces hautes vallées alpines au début des années 1560. Entre autres aspects, il met en exergue le rôle de Didier Sauvage, marchand du village de Besse, qui fait commerce à Lyon, à Genève et dans les terres de tradition vaudoise voisines, comme l’un des artisans de la diffusion des idées réformatrices. Bernard François n’ignore pas les relations qui existent entre les communautés religieuses du haut-Oisans et celles du Pragela où le valdéisme est fortement ancré et la Maison de la Propagation de la foi de Grenoble particulièrement active dans son entreprise de conversion au xviie siècle. En pièces annexes des chapitres, les transcriptions attentives de l’auteur constituent une référence extrêmement utile pour le lecteur. Ainsi, daté approximativement de 1659, ce « Sommaire de l’Estat de la Religion dans la vallée de Pragelas en Dauphiné et des dispositions de la Providence pour la conversion de ses habitants6 ». De nombreux noms apparaissent au fil de l’ouvrage, faisant regretter en revanche l’existence d’un index utile au chercheur.

Bernard François contribue indéniablement à la connaissance de l’histoire des communautés protestantes du haut-Oisans durant les guerres de religion et à l’époque de la paix religieuse. Archives à l’appui, son étude du village de Mizoën est particulièrement remarquable. Bien qu’habitant à l’écart des principaux centres urbains de la province où se concentrent les agents du pouvoir royal, les protestants des hautes vallées alpines connaissent les persécutions qui précèdent ou succèdent à la révocation de l’édit de Nantes. Les dragonnades accélèrent l’exil des communautés pour l’étranger, que rapporte notamment l’aide-major Antoine Le Clair dont les « mémoires » constituent une source connue, mais néanmoins incontournable en la matière. L’auteur a le mérite d’établir une synthèse bienvenue en croisant de nombreux documents comme les précieuses archives du parlement de Grenoble. En terminant la lecture de cet ouvrage, œuvre de plusieurs années de recherche, on serait enclin à espérer une suite pour connaître le sort des communautés durant la période du Désert.

Il n’est pas inutile de préciser combien la mémoire du protestantisme reste fortement enracinée dans cette région du Dauphiné et les vestiges encore nombreux. La persévérance de l’auteur, homme de terrain, aura notamment permis la localisation du cimetière huguenot de Clavans et sa réhabilitation par l’association Coutumes et Traditions de l’Oisans.

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1. François Boulet, Olivier Cogne et Stéphane Gal (dir.), Protestants en Dauphiné, 500 ans d’histoire (xvi e-xxi e siècles), Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 2017.

2. Au cœur des Alpes françaises et à cheval sur les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes, cette région est réputée pour ses reliefs.

3. Mémoire du Bourg d’Oisans, éditions de Belledonne, 2 tomes, 1998 et 2002.

4. Prix décerné par la Société des Écrivains dauphinois.

5. Pierre Béthoux, Histoire des protestants de Mens et du Trièves en Dauphiné. De l’Édit de Nantes à la Révolution française, éditions Alzieu, 1998.

6. P. 187-193.