Rapport moral annuel pour l’année 2021
Voici deux ans que je n’ai pu présenter de vive voix le rapport moral de notre Société. Deux années durant lesquelles la SHPF a dû, à l’instar de toutes les institutions culturelles du pays, adapter ses activités au rythme des règles sanitaires imposées par le flux et le reflux de la pandémie.
C’est donc avec plaisir que je renoue avec cette obligation, ce « rite conjuratoire et propitiatoire » selon la formule plaisante de mon illustre prédécesseur Laurent Theis, pour vous rendre compte de l’exercice 2021.
Commençons par « les Samedis de la SHPF », notre cycle de conférences fidèlement organisé par Catherine Secretan qui contribue au rayonnement de la Bibliothèque et par là de la Société. Pour cette deuxième saison, la situation sanitaire nous a obligés, à nouveau, à organiser plusieurs reports, en accord avec les conférenciers désireux comme nous de maintenir le principe de la rencontre avec un public.
Sur les quatre conférences programmées au premier semestre 2021, seules deux d’entre elles ont pu avoir lieu.
• Géraldine Vaughan a présenté un parallèle significatif entre « Anticatholicisme au Royaume-Uni et antiprotestantisme en France à la fin du xixe siècle » s’interrogeant sur « un jeu de miroirs » ;
• Et Léonard Pouy nous a proprement éblouis par l’évocation de « L’apport des marchands, joailliers, diamantaires et lapidaires protestants aux Joyaux de la Couronne de France, sous l’Edit de Nantes (1598-1683) ».
C’est à l’automne 2021 que nous avons pu retrouver
• Maria Cristina Pitassi, venue de Genève, qui, à travers « le cas Henry Pury » a élargi son propos à la question de la « Dissidence, (du) ministère pastoral et (de) la liberté de conscience à Neuchâtel et à Genève dans les années 1720 » ;
• Pierre-Olivier Léchot enfin nous a présenté une page originale de ses travaux de recherche sur protestantisme et islam, en évoquant « Le pasteur et le Coran, Samuel Bouchard (1599-1667), orientaliste ».
Venons-en à la publication phare de la SHPF, la Revue d’histoire du protestantisme qui, en sa sixième année, a pris son rythme de croisière, sous l’active direction d’Hubert Bost et de son équipe.
Soulignons le travail qu’accomplit Céline Borello comme responsable du service des comptes rendus, avec l’aide de notre bibliothécaire Sophie Vié : l’attention aux nouvelles publications, la recherche des recenseurs adéquats et l’animation de ce groupe de collègues requièrent beaucoup d’énergie.
Il faut également remercier les membres du comité de lecture qui ont pris l’habitude de lire les articles en version numérique et de donner leurs avis en faisant preuve de réactivité, ce qui dynamise les relations avec les auteurs.
Aux côtés du rédacteur en chef, Béatrice Voitellier effectue un précieux et minutieux travail de relecture des propositions d’articles. Et nous sommes très reconnaissants à Albert Gootjes et à Albrecht Knoch, qui assurent la relecture ou la traduction des résumés, respectivement en anglais et en allemand. Comme ces résumés trilingues sont publiés sur la page de notre site internet, ils favorisent significativement la diffusion internationale des contenus de notre Revue.
Grâce aux éditions Droz, nous avons la possibilité de connaître les articles qui sont le plus consultés en ligne, principalement via les bouquets numériques qu’offrent les institutions académiques à leurs chercheurs. Le cœur historique – l’histoire du protestantisme français en tant que tel – est bien présent, mais les articles relatifs à d’autres aires géographiques ou à des sujets plus inattendus suscitent également beaucoup d’intérêt, et nous nous réjouissons de cette notoriété internationale croissante.
À terme, l’ambition de la Revue d’histoire du protestantisme est double : rester la revue de référence dans le domaine français pour les travaux de recherche et d’érudition tout en veillant à leur accessibilité – à laquelle contribue l’enrichissement iconographique ; et devenir une publication incontournable pour les auteurs dont les recherches en sciences humaines et sociales portent sur les protestantismes du monde entier, du xvie au xxie siècle.
Les Cahiers du centre de généalogie protestante ont poursuivi la parution de riches contributions grâce à la forte implication de son président Denis Faure et de ses membres. Et c’est à la grande vigilance d’Elisabeth Escalle que nous devons la qualité de leur présentation et le maintien du rythme régulier de leur parution.
Après l’importante opération de rénovation de ses locaux qui a tant occupé nos instances ces dernières années, la Bibliothèque du Protestantisme Français a repris le cours de ses activités, tout en menant à bien certains chantiers complémentaires : dépoussiérage complet des collections de la salle de lecture – sur les trois niveaux – et restauration de documents fragilisés ; étape ultime pour laquelle la Ville de Paris a apporté un financement significatif, à défaut du soutien d’ampleur que nous avions espéré d’elle pour les travaux au sous-sol de notre bibliothèque.
Arrivés au terme de cette aventure, il nous est maintenant possible de tirer le bilan financier définitif de la rénovation de la Bibliothèque au 31 décembre 2021. Sans entrer dans les détails, je vous en donne les grandes lignes qui permettent d’apprécier la mobilisation qui s’est faite autour ce projet majeur.
Pour un coût total de l’opération s’élevant à 1 278 K€, le financement a été assuré :
• Pour 29 % par le mécénat de fondations protestantes françaises et européennes, de fondations privées et de la Fondation du patrimoine ainsi que de Sociétés huguenotes sœurs : Grande-Bretagne, Irlande et Afrique du Sud.
• Pour 7,5 % grâce aux dons privés que nous ont adressés nos amis proches et plus lointains de France et même de l’étranger.
• Pour 20 % par les subventions publiques attribuées par la direction du Livre du ministère de la Culture, la Région Île-de-France et la Ville de Paris.
• Les 43,5 % restant ont été pris en charge sur nos fonds propres, notamment grâce à la vente de la maison de Saint-Hippolyte du Fort.
Que tous nos généreux donateurs trouvent ici l’expression de notre vive gratitude reconnaissante.
Les nombreuses démarches entreprises pour la recherche de mécénat et de subventions publiques ont été l’occasion de faire connaître au-delà du cercle des amis de notre Société et des historiens du protestantisme, la mission patrimoniale et de recherche de la SHPF, la richesse des collections de la Bibliothèque et l’apport de celle-ci au patrimoine culturel national.
La crise sanitaire a impacté cette année encore la BPF dans son fonctionnement quotidien. Dans ce contexte difficile, il faut souligner le plein engagement de la responsable de la bibliothèque, Martina Gromesova, et de Sophie Vié son adjointe. Elles se sont attachées à maintenir l’ouverture de la salle de lecture deux fois par semaine (mercredi et vendredi) et à accueillir également les chercheurs sur rendez-vous, tout en poursuivant les chantiers sur les collections. De plus, 2021 fut une année riche en satisfactions professionnelles, à plusieurs points de vue.
Enrichissement des collections
Plusieurs dons importants ont été reçus au cours de l’année :
– Don du Conseil national de l’EPUdF : plusieurs manuscrits (notamment une Discipline des Églises réformées de France datée de 1653 ; des lettres et des coupures de presse concernant Max Thurian pour la période 1946-1988 et un ensemble de périodiques et de livres anciens (xvie-xxe siècles).
– Don de la famille de Michelle Magdelaine : un important ensemble de thèses et ouvrages sur le Refuge huguenot, notamment en allemand et anglais, et des archives ayant trait à Sainte-Marie-aux-Mines.
– Don de la famille de Bernard Roussel : un ensemble d’ouvrages, en allemand et anglais, de la bibliothèque de travail de notre regretté collègue.
– Don de Jean Volff : archives ayant trait à ses activités au sein de l’UEPAL et comme magistrat (xxe siècle).
– Don de l’Église protestante unie du Havre : un ensemble de livres du xixe siècle.
– Don de Jeannine Namblard : La Saincte Bible contenant le Vieil & le Nouveau Testament traduicte de latin en français, approuvee par les theologiens de Louvain […], rare exemplaire de l’édition de 1586.
Traitement et signalement des collections
Après la mise en ligne des inventaires de manuscrits sur le site de la SHPF en 2018, l’accent a été mis cette année sur le reconditionnement matériel des manuscrits du second étage et de la salle dite des coffres. Conservés dans des boîtes d’archives anciennes, assemblés entre eux par des ficelles de jute empoussiérées et rangés sur la tranche, les manuscrits se déformaient au fil du temps et présentaient pour certains des signes de détérioration (pliures, pages froissées, etc.). Un chantier de dépoussiérage de ces documents, de mise à plat et de changement de boîtes en fonction de leur format a donc été entrepris : près de la moitié de la salle des manuscrits (soit quelque 50 ml) et une vingtaine de liasses de la salle des coffres ont pu être traitées en 2021. Ce chantier se poursuivra en 2022.
Parallèlement, Martina Gromesova a entrepris un travail de mise à jour des notices de manuscrits figurant dans le catalogue Calames (http://www.calames.abes.fr/pub/#) et de création de nouvelles notices (Benjamin Du Plan, registres de Château-Thierry, etc.), selon les normes de description archivistique actuellement en vigueur. L’étape suivante sera un signalement des manuscrits non encore décrits à ce jour.
Dans cette perspective, notre responsable de la bibliothèque a d’ores et déjà suivi deux formations dispensées à l’École nationale des Chartes : une formation à l’EAD qui permet de structurer des descriptions de manuscrits ou de documents d’archives et une initiation à la paléographie.
Un important travail de regroupement des archives et des manuscrits de la famille Monod a été initié, en vue de la constitution d’un fonds Monod structuré par branche familiale. Une présentation de ce chantier a été publiée sur le site de la SHPF (https://www.shpf.fr/fonds-monod-a-la-bibliotheque-du-protestantisme-francais-bpf/), détaillant les contours de ce futur fonds d’archives de la famille Monod et de son environnement familial.
Le travail entrepris par Sophie Vié sur la collection de périodiques (tri, réimplantation, reconditionnement et corrections des données dans le SUDOC) a connu des avancées significatives en 2021. Le chantier est terminé pour les formats folio et 4°, toujours en cours pour les formats 8° et les grands formats.
Les bibliothécaires ont pu compter sur le concours bénévole et toujours fidèle de Mme Elisabeth Argaud, rejointe par Mme Jacqueline Vergnaud.
Deux stagiaires ont également été accueillis durant l’année : Lilian Leprince, pour deux périodes de trois semaines en avril et juillet, et Olivia Pfender tous les mardis de septembre 2021 à février 2022, affectés l’un au chantier des périodiques et l’autre à celui des manuscrits, respectivement sous la responsabilité de Sophie Vié et de Martina Gromesova.
Trop longtemps négligés ou retardés, ces chantiers ont été engagés et sont précisément menés sous la supervision de Corinne Gibello-Bernette, vice-présidente en charge de la Bibliothèque. Après la rénovation des locaux, ils constituent l’étape indispensable à la connaissance précise des différentes collections, à leur bonne conservation et – objectif final – à leur mise à la disposition des chercheurs. Ils sont également un préalable essentiel à la refonte du catalogue général de la BPF qui s’engage en 2022.
Évoquons maintenant les activités du Comité qui, en dépit des circonstances, a tenu rue des Saints-Pères sept des huit réunions inscrites à son agenda, en offrant la possibilité d’une participation à distance ; seule la séance du 15 décembre a dû être organisée entièrement par visioconférence.
Les communications scientifiques, part statutaire de nos activités qui stimule nos séances du Comité, ont été malheureusement peu nombreuses en 2021. Le 10 octobre, Olivier Millet a rendu compte d’un important colloque consacré au Centenaire de la Revue d’histoire et de philosophie religieuses qui s’était tenu à Strasbourg ; et le 18 novembre, la séance a été principalement consacrée au Bois-Tiffrais avec une présentation détaillée des activités et des projets du musée par Didier Poton, suivie du compte-rendu de la visite sur site d’Antoine Durrleman et de Philippe Clément-Grandcourt, visite très appréciée et fructueuse.
Un sujet a spécialement animé nos échanges tant au sein du Bureau que du Comité : la modernisation de l’emblème de notre Société. Ce logo « complexe » s’intégrant de moins en moins facilement à nos supports de communication imprimés, numériques et sur Internet, il a été décidé d’en confier la modernisation à l’Atelier Grizou bien connu pour sa sensibilité et son talent. C’est finalement à la séance du 15 décembre que la nouvelle proposition de Grizou a emporté les suffrages par sa fidélité à l’emblème historique dans une traduction symbolique lumineuse.
Enfin, sensible peut-être à l’air du temps mais surtout à leur contribution aux activités de notre Société, le Comité a ouvert ses rangs à Christiane Guttinger et à Béatrice Voitellier. Il a également élu Alice Tacaille, maître de conférences à Sorbonne-université, spécialiste de la musique de la Renaissance, et Isabelle Veillet, haut fonctionnaire, en tant que membres associés.
Pour sa part, le Bureau s’est réuni régulièrement, parfois à distance, de façon à assurer le nécessaire suivi de la vie de la Société. Le secrétaire général, Jean-Hugues Carbonnier, aidé de François Matter, et Philippe Clément-Grandcourt en tant que nouveau trésorier ont été très sollicités par la gestion et l’entretien de l’immeuble et par le suivi des nouveaux équipements techniques de la Bibliothèque dont les coûts de maintenance pèsent notablement sur notre budget. Le trésorier, en accord avec la commission financière présidée par Antoine Durrleman, a pris de nouvelles dispositions dans la gestion du portefeuille financier de la Société.
Venons-en enfin aux musées placés sous l’égide de la SHPF :
– En 2021, le musée du Désert a retrouvé le rythme de ses manifestations d’été entre expositions, celle sur Henri Nick, haute figure de la Mission Populaire, et celle sur le grand artiste cévenol Jacques Clauzel, spectacles son et lumière « De Luther à Luther King », concert par un jeune ensemble de douze musiciens à cordes, assemblée nocturne le 24 juillet, conférences dont l’une consacrée à « Louis-Nathaniel Rossel, un officier chez les Communards » par Nicolas Cadène, pour le cent cinquantenaire de sa fusillade, une autre par Patrick Cabanel sur les affinités électives des vaudois du Piémont et des Cévenols huguenots, une autre enfin par Nelly Duret sur le Gard dans la tourmente révolutionnaire.
L’assemblée du Désert, le dimanche 5 septembre, a eu pour thème « une religion de liberté et de sincérité », à l’occasion du 150e anniversaire de la Mission populaire. Le culte présidé par le pasteur Olivier Brès a été suivi l’après-midi des allocutions historiques de Christophe Chalamet et de Daniel Travier avant le message final de la pasteure Florence Blondon.
– Au musée du Bois-Tiffrais, grâce à l’engagement et au dynamisme des nombreux bénévoles, la restauration du château se poursuit activement. Un nouveau projet est engagé pour la mise en valeur de la bibliothèque constituée autour du Fonds Vincent ; deux bénévoles ont commencé l’inventaire des ouvrages sous Excel en suivant les recommandations de Martina Gromesova. Par ailleurs, Denis Vatinel a su faire entrer de nouveaux dons familiaux, témoins de l’ancrage du protestantisme en Vendée.
La traditionnelle Fête de l’été s’est tenue le dimanche 11 juillet au cours de laquelle Nicole Vray a donné une conférence sur Bernard Palissy.
– À l’instar des autres musées, le musée Jean Calvin à Noyon a subi de plein fouet les restrictions sanitaires liées à la pandémie : 10 mois de fermeture en 2021 avec une perte de fréquentation de 75 % et un resserrement de celle-ci sur le public français.
Dans le cadre du Festival Résonance organisé par le Réseau Maison des écrivains, le musée a présenté, du 20 mars au 31 août, une exposition « Jean Calvin jeune diplômé et lecteur de Sénèque ».
Deux nouvelles acquisitions ont enrichi le musée : un gobelet d’Erfurt en argent portant l’effigie de Jean Calvin, de la fin du xviie siècle, acquis par donation de la Société des amis du musée, et une statue en pied de Jean Calvin, plâtre préparatoire de la statue en bronze érigée à Orléans en 2009 (dû au sculpteur Daniel Leclercq), qui a trouvé sa place dans la chambre dite de Calvin.
– Pour sa part, le musée du protestantisme de Ferrières a proposé des visites à thème et une exposition « Le pain et le vin » ainsi que des activités variées pour les adultes et les enfants tout au long de la saison.
Le XXXVe Colloque des musées protestants, 29e rencontre européenne qui devait se tenir à Sopron en Hongrie fin avril – début mai 2021 sur le thème des « Protestants en Europe centrale », a dû à nouveau être annulé et ne pourra pas davantage avoir lieu en 2022. La déception est grande pour nos amis hongrois comme pour nous-mêmes.
À défaut, une visioconférence réunissant bon nombre des représentants des musées s’est tenue le 10 décembre sous la houlette de Yves Parrend, responsable du réseau des Musées protestants européens et Sociétés d’histoire. Après une présentation de la SHPF illustrée de photos, chacun a pu donner des nouvelles de son propre musée. À la satisfaction des uns et des autres, le lien est ainsi maintenu.
Pour clore ce rapport moral, je voudrais que nous tournions ensemble nos regards vers le portrait de l’amiral de Coligny, magnifiquement restauré grâce au mécénat du Crédit agricole d’Île-de-France-mécénat qui est intervenu par l’intermédiaire de la Fondation pour la Sauvegarde de l’art français. De retour en décembre 2021, rapporté et réinstallé avec le plus grand soin par Pierre-Emmanuel Audap après de longs mois en atelier, il a retrouvé sa place au cœur de la Bibliothèque pour présider en cette année 2022 au 450e anniversaire de la Saint-Barthélemy.
La SHPF marquera l’événement le samedi 17 septembre en ouvrant la bibliothèque au public dans le cadre des Journées du patrimoine pour une exposition et une conférence. Mais je n’en dirai pas plus maintenant. Gardons-nous d’anticiper le rapport moral de l’année 2022.