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Un logo pour la Société de l’histoire du protestantisme français

Isabelle SABATIER

Présidente de la SHPF

Dès sa création en avril 1852, les membres fondateurs de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français voulurent la doter d’un emblème, à l’instar d’autres sociétés savantes, telle la Société de l’Histoire de France. Charles Lenormant, membre de l’Institut, proche de François Guizot et numismate reconnu, fut chargé du projet. S’inspirant du sceau du Comité des traductions orientales de Londres, il proposa « un timbre représentant le soleil levant qui éclaire l’Océan de ses premiers rayons avec une croix en haut du ciel et la devise de Genève réformée : Post tenebras lux18 ». Tout en reconnaissant que l’emblème « sera peut-être trouvé un peu ambitieux », le Comité assuma le choix d’une devise et d’une symbolique à forte charge évocatrice.

Cet emblème a figuré sur la couverture du Bulletin dès sa première livraison19. En affichant un timbre bien visible sur une couverture verte, le Comité avait la volonté de « distinguer les publications de la Société20 ». Depuis lors, notre publication a fidèlement affiché l’emblème de la Société jusqu’à la dernière livraison de 2021. En 2016, quand la Revue d’histoire du protestantisme a pris la suite du Bulletin, la maquette de la couverture a été modernisée : l’emblème y apparaît toujours, mais plus discrètement en filigrane.

Cependant, ce symbole complexe s’intégrait de moins en moins facilement aux différents supports de communication imprimés, numériques et sur Internet, produits par la SHPF. Pour le moderniser, nous avons demandé à Grégoire Dentan et Chizu Ono, designers de l’atelier Grizou bien connu pour son talent et sa sensibilité, de concevoir un logo. La réflexion, les essais et les échanges s’enchaînèrent au sein du Bureau et au Comité. À la séance du Comité du 15 décembre 2021, la nouvelle proposition de l’atelier Grizou a emporté tous les suffrages, par sa fidélité à l’emblème historique dans une traduction symbolique lumineuse. Les élégantes polices de caractères Futura de Paul Renner pour la devise Post tenebras lux et DIN pour « la SHPF » et « société de l’histoire protestante » qui viennent compléter le logo donnent une visibilité plus familière et contemporaine à notre Société.

Nos fidèles lectrices et lecteurs, qui ont découvert la version verte du logo, destinée spécifiquement à la Revue, en recevant ce premier numéro du tome 7 (2022), trouveront dans les lignes qui suivent les éléments de la réflexion que l’atelier Grizou a partagée avec le Comité et dont l’aboutissement est notre nouveau logo.

Le graphisme de ce nouveau logo est parti d’un graphisme existant. C’est une évolution, mais qui reste enracinée dans l’histoire du protestantisme et qui préserve ses idéaux fondateurs. Une bonne partie de notre premier travail a été une recherche de simplification pour ne garder que les éléments essentiels s’accordant avec le monde d’aujourd’hui, un monde profondément différent et qui ne regarde pas avec les mêmes yeux. Et pourtant il existe des valeurs qui, elles, sont immuables. Ce sont celles que nous avons préservées, évidemment.

Quels sont les éléments qui composent le logo d’aujourd’hui ou plutôt l’élément clé ? C’est le soleil qui, rappelons-le, peut être vu comme une étoile. On peut le considérer comme celui qui montre la direction. C’est aussi celui qui est porteur de l’histoire de l’humanité, car il a mémorisé tout ce qu’il a éclairé. La notion de lumière est prioritaire pour l’homme et, pour bien le souligner dans ce logo, le soleil est couleur de la lumière, couleur difficile à concrétiser, surtout remarquable par son éclat. Le soleil est généreux. Il éclaire, comme dans le poème de Baudelaire « Le soleil », la totalité du monde : tous les hôpitaux, comme tous les palais. Il est le symbole de la forme parfaite, de l’infini.

Quelle(s) couleur(s) pour ce logo ? D’abord celle du soleil. Il y a l’aspect esthétique mais aussi le symbolisme culturel. Mais pas seulement, il y a aussi ce que nous apportent les observations scientifiques. Au cours de la journée la lumière solaire varie non seulement en intensité mais aussi en couleur. Nous nous sommes tout particulièrement intéressés au lever de soleil, au moment où la nuit sombre cède peu à peu la place à l’aube, puis à l’aurore qui permet de distinguer les objets et donc de les saisir. Le soleil envoie une lumière animée, scintillante, brillante, une couleur singulière, jaune orangé, qui bientôt envahit le monde. Turner est arrivé à saisir l’intensité de ce moment dans son tableau Lever de soleil avec monstres marins.

Lever de soleil avec monstres marins William Turner 1845

Ce moment exceptionnel, c’est un peu comme le savoir stocké dans les bibliothèques qui prend sens à l’ouverture des livres et qui progressivement éclaire la pensée des hommes.

Ce faisceau lumineux qui s’élargit au fur et à mesure qu’il s’éloigne peut aussi faire penser à Augustin Fresnel et à son invention utilisée pour la construction des phares qui sont de merveilleux outils de prévention puisqu’ils nous avertissent de la présence des dangers. Ils nous sortent de l’ignorance, d’où la devise « Post tenebras lux », tirée du livre de Job, adoptée par la SHPF. Là encore, on peut penser à la lecture qui nous permet d’« éclairer » l’objet « livre » dans lequel la sagesse devient mot et apporte la connaissance au lecteur. Rappelons que le mémoire d’Augustin Fresnel est justement sorti en 1822. Un bicentenaire bienvenu !

Augustin Fresnel

Enfin notre choix de police pour écrire « post tenebras lux », la police typographique « Futura » n’est pas neutre. Cette police de type géométrique (cercle, carré, etc.) a été conçue par Paul Renner, en 1927, pour la fonderie Bauer. On est frappé dès le premier regard par la limpidité et la fluidité de cette typographie qui permet une lecture aisée et qui facilite la compréhension du texte. Bien évidemment la connaissance ouvre l’esprit. Comprenant très tôt le danger du nazisme, Renner a d’ailleurs milité contre sa montée et fut arrêté en 1933. Renner, protestant, s’inscrit bien là dans le projet de la Réforme donnant la possibilité à chacun de trouver sa voie.

Futura

Paul Renner

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18. « Travaux du Comité », BSHPF 1 (1852), p. 17.

19. Le timbre figura aussi très rapidement sur les diplômes remis aux nouveaux membres de la Société : ainsi le diplôme remis au Pasteur Victor Goguel, en date du 15 juillet 1852 (don de Béatrice Voitellier).

20. Notice sur la SHPF, 1874, p. 14.