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L’intendance de La Rochelle à la fin du XVIIe siècle

Éd. critique du Mémoire de Michel Bégon « Pour l’instruction du Duc de Bourgogne », par Pascal Even, Paris : Éditions du CTHS, 2021, 338 p. (Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques. Section d’histoire moderne et contemporaine. Notices, inventaires et documents, xlv)

Marianne CARBONNIER-BURKARD

Michel Bégon (1638-1710) n’est pas seulement l’inventeur présumé du Bégonia, rapporté d’un voyage comme intendant des Îles d’Amérique aux Antilles (1682-1684). Après avoir été intendant des galères de Marseille (1684-1688), il est devenu « intendant général de la marine du Ponant, commissaire départi au pays d’Aunis, Brouage, La Rochelle et des îles », puis le premier intendant de la nouvelle généralité de La Rochelle créée en 1694 par la réunion des anciennes provinces d’Aunis et de Saintonge. C’est à ce titre qu’il a rédigé en 1698 un mémoire sur la généralité de La Rochelle, dans le cadre de l’enquête statistique à l’échelle du royaume, destinée à l’instruction du duc de Bourgogne, héritier du trône. Ce mémoire – dont on peut trouver le principal manuscrit numérisé sur le site Gallica –, est présenté ici dans une impeccable édition critique.

On y lit une description précise de l’Aunis et de la Saintonge, à la fin du xviie siècle, sur le plan administratif, géographique, économique, social, religieux. L’intendant ne cache pas, à côté de beaucoup d’« avantages » de ces provinces, quelques « désordres ». En tête des désordres : les « religionnaires ou « nouveaux convertis ». En effet, il en « reste encore dans la généralité un grand nombre […] qui ne font pas leurs devoirs de catholiques ; on les oblige d’envoyer leurs enfants aux catéchismes et aux instructions, et on ne souffre plus qu’ils exercent aucune charge de judicature, mais leur opiniâtreté est si grande que ces remèdes ne produisent pas tout le fruit qu’on en avoit espéré » (p. 85). L’intendant, chagriné aussi par les émigrations d’un « grand nombre de gens de tout âge et de tout sexe », reste pessimiste sur les remèdes possibles, du moins à court terme (p. 95-96). Cette description générale est suivie d’indications sur les particularités d’une trentaine de villes et bourgs de ce pays de côtes et de marais. L’intendant de la marine qu’est Bégon s’attarde sur le port de La Rochelle, et plus encore sur la ville nouvelle de Rochefort avec son arsenal (où l’on a bâti en 8 mois « quinze galères qui firent la campagne de 1690 », p. 109). Dans la liste, Mauzé, Saint-Jean d’Angély, La Tremblade, Royan, l’île d’Oléron, sont signalés comme des repaires de « gens de la R. P. R. ». Ces pages intéressant l’histoire des protestants de ces provinces sont éclairées par les notes (surabondantes) et par l’introduction de Pascal Even (voir les p. 19-22, 31-32, 40-49). Sont cités en particulier des extraits d’un autre mémoire de l’intendant Bégon, en date du 4 mai 1698, intitulé « Mémoire des différents moyens dont on peut se servir pour faire rentrer dans l’Église ceux qui sont encore prévenus des erreurs de Calvin », rédigé au moment où les évêques du royaume étaient consultés sur la question, et resté inédit.