Michelle Magdelaine (1933-2021)
Michelle Magdelaine nous a quittés le 7 juin 2021. Historienne du protestantisme français au xviie siècle, elle a été à l’origine de la Base de données sur le Refuge huguenot créée à l’Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine (IHMC – CNRS). C’est elle qui en a en grande partie collecté, codé et enregistré électroniquement les données à partir de 1978. Ce travail pionnier avait pour objet d’enregistrer les traces de tous les fugitifs protestants passés, après la révocation de l’édit de Nantes en 1685, par Francfort-sur-le-Main où ils furent assistés par l’Église française. Le choix fut fait de l’exhaustivité des passages (ni échantillonnage ni sondage, mais en-registrement de toutes les données disponibles), ce qui était un défi technologique en un temps où ce type de recherche était encore balbutiant, mais permit de mettre en évidence les trajets des réfu-giés pauvres, ne laissant pas d’autre trace que les mentions dans les registres d’assistance. À ces oubliés de l’Histoire, la base de données, constamment alimentée et enrichie depuis à partir d’autres sources allemandes, suisses et, dans une moindre mesure, anglaises, tente de redonner sinon une voix, du moins un destin. S’étant toujours inté-ressée aux petites gens, aux femmes et aux enfants, Michelle Mag-delaine a été l’une des premières à thématiser la notion d’errance par ce traçage des itinéraires des réfugiés de la première généra-tion.
Ses recherches ont porté également sur les protestants parisiens au xviie siècle et la répression qu’ils subirent, sur Sainte-Marie-aux-Mines, petite cité alsacienne pluri-confessionnelle, sur les protestants du Dauphiné, ainsi que plus généralement sur le protestantisme en France et en Allemagne au xviie siècle. Avec Rudolf von Thadden, elle a codirigé le premier volume de synthèse consacré au Refuge huguenot paru en France lors du renouveau des études à l’occasion du tricentenaire de la Révocation de l’édit de Nantes (1985). Elle a participé à de nombreux colloques et projets de re-cherche, en particulier l’exposition conjointe à Metz et à Berlin sur le Refuge en 2005-2006, les « Études sur les protestan-tismes dans l’espace européen » sur les consistoires en 2007-2010 (Philippe Chareyre et Raymond Mentzer) et le projet sur trois ans de la German-Israeli-Foundation initié par Susanne Lachenicht (Bayreuth) et Myriam Yardeni (Haifa) en 2011-2013. Tous ceux qui l’ont côtoyée gardent d’elle le souvenir d’une femme engagée, lumineuse, très hospitalière et d’une disponibilité totale pour ses amis et pour les étudiants qui, de la maîtrise au doctorat, travaillaient sur ses théma-tiques préférées, et qu’elle conseillait et accompagnait inlassable-ment dans leurs recherches.
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Lectrice assidue de la bibliothèque de la SHPF, Michelle Magdelaine a fait don de sa très riche bibliothèque de travail à plusieurs bibliothèques, en priorité à celle de la SHPF. Tout un fonds de publications sur le Refuge, notamment en langue allemande, souvent difficilement accessibles, va ainsi trouver place à la bibliothèque de la rue des Saints-Pères. À noter aussi plusieurs dizaines de mémoires, thèses et autres travaux universitaires, aux-quels Michelle Magdelaine avait été associée (une liste en sera pu-bliée dans un prochain numéro de la RHP).
M. C.-B.