Lois Gunden et le Secours mennonite aux enfants (France, 1941-1943)
À ma tante, Christiane
Lois Gunden (1915-2005) fait partie de la quarantaine de mennonites (pour la plupart hollandais) auxquels Yad Vashem a décerné le titre de Juste parmi les Nations1. Cette distinction, la plus haute donnée par Israël, récompense toute personne non-Juive ayant sauvé au moins un Juif au cours des années 1940, « au péril de sa vie et sans contrepartie ». Avec elle s’ouvre une page méconnue du sauvetage des enfants juifs en France sous l’Occupation. Lois Gunden, jeune professeure de français au Goshen College dans l’Indiana, est appelée par ses supérieurs à participer à l’aide humanitaire que les mennonites américains apportent en Europe depuis la guerre d’Espagne. À vingt-six ans elle embarque pour le sud de la France, via Lisbonne et l’Espagne. Elle prend en charge une maison du Secours mennonite aux enfants à Canet-Plage d’octobre 1941 à novembre 1943. C’est lors de cette période qu’elle cache plusieurs enfants juifs internés au camp de Rivesaltes et les sauve de la déportation.
Les sources qui permettent de retracer cette histoire son réparties dans trois fonds d’archives, dont le catalogue est accessible grâce au MAID (Mennonite Archival Information Database, portail des archives de nombreuses institutions mennonites américaines). Les « France Folders » du Mennonite Central Committee (Akron, Pennsylvanie) constituent le premier2 : rapports, correspondances, administratif, relations avec les quakers, etc. Le second est celui des Edna Ramseyer Kaufman Papers3, à la Mennonite Library Archives (Bethel, Kansas). Le journal d’Edna, son scrapbook « français » et ses photographies sont exceptionnels. Enfin, les Lois Gunden-Clemens Papers4, conservés aux archives de la Mennonite Church USA (Elkhart, Indiana) contiennent en particulier le journal de Lois Gunden, tenu d’août 1941 à octobre 1943. C’est sur ce journal que s’appuie en particulier cette étude. Dans le même dépôt sont conservés les J. N. and Edna Ruth Byler Papers (1940-1960)5. Le journal de Joseph Byler, coordinateur du MCC en France entre 1941 et 1943 ne semble pas avoir encore avoir été utilisé à des fins de recherche6. Or Joseph Byler a été un témoin des rafles de l’été 1942 à Lyon ; il apporte un éclairage décisif sur l’attitudes des volontaires mennonites américains face à la persécution des Juifs.
Les mennonites français et les Juifs persécutés
Les protestants français sont bien représentés parmi les Justes7. Le protestantisme s’est impliqué dans toute sa diversité ; darbystes du Chambon-sur-Lignon, réformés des Cévennes et de la Drôme, méthodistes, baptistes, libéraux, chrétiens-sociaux, évangéliques, ont apporté leur contribution au sauvetage des Juifs. Cet engagement, associé à celui d’autres Français, a permis que 75 % des Juifs de France échappent à l’extermination, ainsi que 85 % des enfants. Les mennonites français sont absents de ce tableau car, en raison de la petitesse du troupeau et de sa répartition géographique, ils ont rarement été en mesure de secourir les Juifs. En 1939, ils sont à peine plus de deux mille.
Issus des réformes anabaptistes du xvie siècle, les mennonites ont subi d’intenses périodes de persécution, de la part tant des catholiques que des luthériens et des calvinistes. À partir de la seconde moitié du xviie siècle, ils trouvent refuge chez des nobles qui les protègent et bénéficient de leur compétences agricoles : les anabaptistes s’installent en Alsace, autour de Sainte-Marie-aux-Mines, dans le Territoire de Belfort et au Pays de Montbéliard. Des migrations ultérieures les conduisent jusqu’en Meuse et au Luxembourg. Au début du xxe siècle, le mouvement est éparpillé. Les Assemblées entretiennent peu de relations entre elles et ont été affaiblies par une émigration en Amérique. Pierre Sommer, l’un des principaux responsables mennonites, tente depuis les années vingt de les réunir. Quand la Deuxième guerre mondiale éclate, son effort n’a pas abouti. Dès la défaite, la majeure partie des mennonites se retrouve en Alsace-Moselle annexée, où leurs églises sont fermées et leurs associations dissoutes. Une partie d’entre eux est évacuée et se retrouve elle-même réfugiée dans le sud-ouest de la France, en zone non occupée. Ceux du reste de la Lorraine, du Territoire de Belfort et du Pays de Montbéliard, ainsi que les quelques autres communautés sont en zones réservée ou interdite. Leur fragilité, leur dispersion et la difficulté d’agir sous la domination nazie limitent leurs possibilités de résistance.
Pourtant, dès 1933, les mennonites se sont montrés sensibles à la cause des Juifs persécutés en Allemagne. Une enquête de gendarmerie de mai 1933 pour le pays de Sarrebourg (Moselle) fait apparaître que plus de la moitié des haloutsim (juifs réfugiés cherchant une formation agricole avant d’émigrer en Palestine) sont accueillis dans des fermes ou des foyers mennonites8. D’autres exemples existent en Alsace, en Meuse et en Meurthe-et-Moselle. Les mennonites ne sont pas les seuls à donner du travail aux réfugiés, mais leurs motivations particulières transparaissent dans un appel de novembre 1933, que Pierre Sommer publie dans Christ Seul :
Les persécutions des Juifs en Allemagne ont amené un grand nombre de ceux-ci en France.
Il y a parmi eux des jeunes gens très désireux de se préparer à l’agriculture pour aller ultérieurement en Palestine et y pratiquer le métier de leurs ancêtres : le métier de cultivateur.
Par la voix de ce journal, nous adressons un appel à tous les mennonites cultivateurs de France pour leur demander de prendre en apprentissage ou comme ouvriers agricoles, nos protégés9.
Le terme de « protégés » exprime un engagement affectif et profond. Malgré des moyens d’action limités sous la domination nazie, un mouvement de résistance spirituelle persiste dans le sillage de l’Ancien Émile Krémer10, dont l’un des ressorts de l’opposition au nazisme est précisément son amour pour le peuple juif. Krémer est arrêté fin 1942 et emprisonné avant un procès public devant le Sondergericht de Metz en octobre 1943. Son fils Jean-Paul est déporté dans les camps de Natzweiler et Buchenwald11, et quelques-uns de leurs sympathisants sont aussi condamnés à des peines diverses. Peuple de la frontière, les mennonites fournissent des passeurs ; leurs fermes servent de refuge à des réfractaires de la Wehrmacht, à des parachutistes alliés, à des déserteurs. Malgré leur tradition non-violente, on trouve dans les dossiers de FFI des noms à consonance typiquement mennonite. Sur les 4 094 Justes en France, aucun-e mennonite hormis Lois Gunden12. Pourtant, une autre histoire aurait pu conduire à une seconde reconnaissance de Yad Vashem : de l’été 1942 à la Libération, trois jeunes filles juives sont accueillies secrètement en Alsace, dans la ferme mennonite du Schafbusch. L’une vient d’Ukraine et habite chez Madeleine Hirschler. Les autres, dont Odette Levi, dix ans, sont cachées au grenier, derrière des matelas qui forment une paroi13.
En 2012, la nièce de Lois, Mary Jean Gunden, lance une demande auprès de Yad Vashem. Le dossier est monté par Lucien Lazare qui fait appel à deux Françaises dont la contribution s’avérera décisive : Simonne Escudier et Mireille Chiroleu14 identifient plusieurs des enfants juifs sauvés par Lois et, après de patientes démarches, retrouvent et obtiennent le témoignage de deux d’entre eux, Ginette Drucker et George Koltein. Lois Gunden-Clemens est alors reconnue Juste parmi les Nations le 27 février 2013 (dossier n° 12544), à titre posthume, lors d’une cérémonie au cours de laquelle le président Barack Obama honore dans un discours les cinq Américains distingués par Yad Vashem.
L’œuvre du Mennonite Central Committee en France (1940-1945)
Après 1939, l’aide aux Juifs est apportée par les mennonites américains qui passent, en raison de leur engagement auprès des réfugiés espagnols, du secours au sauvetage des enfants juifs. Patrick Cabanel a bien établi le lien entre les « métiers “dédiés” à ce qui relève des services et des soins à la personne » et le sauvetage des persécutés de Vichy :
Les membres de ces métiers se trouvent plus que d’autres en situation de se voir confrontés à des demandes provenant des Juifs, que ces derniers soient des patrons, des patients, des parents d’élèves, des demandeurs sociaux, etc. Lorsqu’il s’agit de directeurs d’établissement « accueillant du public », hôpitaux, sanatoriums, maternités, lycées, internats, couvents, pensions de famille, hôtels, etc., ils ont la possibilité de multiplier les hébergements clandestins15.
Lois Gunden suit cette trajectoire : c’est parce qu’elle est une humanitaire chrétienne qu’elle se retrouve en mesure de protéger des enfants promis aux camps de la mort.
Si le titre de Juste reconnaît l’action d’une personne, il laisse quelque peu dans l’ombre la dimension collective et les logiques de réseau dans lesquelles s’insèrent les sauvetages16. Dans le cas de Lois Gunden, l’effort du Mennonite Central Committee (MCC), assez méconnu au sein du protestantisme français, est décisif17. Les mennonites avaient créé le MCC en 1920 pour soulager leurs frères russes touchés par la famine pendant la Guerre civile consécutive à la Révolution bolchevique. Ce « comité de secours » élargit son aide aux réfugiés lors de la guerre d’Espagne. De 1937 à 1939, les mennonites établissent des cantines et organisent des distributions de vêtements, dans l’espoir de témoigner de l’Évangile à ces populations catholiques. Après la victoire de Franco sur les Républicains, environ 465 000 Espagnols franchissent les Pyrénées. La France décide de les accueillir, mais elle n’est pas préparée à cet afflux et organise tant bien que mal leur internement dans des « centres spéciaux » pour étrangers « indésirables ». Ces centres sont bâtis à la hâte dans les Pyrénées-Orientales et les Basses-Pyrénées : ce sont les camps d’Agde, de Rivesaltes, les Catalans, Septfond, le Vernet, Gurs. En raison d’une sous-estimation de la durée et de l’ampleur des événements, le provisoire se prolonge, les conditions de vie sont mauvaises et le manque de ressources empêche de les améliorer18.
Des solidarités s’organisent dès le début, initiées principalement par des œuvres humanitaires et religieuses qui interviennent pour pallier les insuffisances de l’administration, à l’intérieur comme à l’extérieur des camps. En décembre 1939, le MCC envoie Amos Swartzentruber pour évaluer les besoins des réfugiés espagnols en France et en Angleterre. Après avoir rencontré les responsables du MCC en Espagne19, le MCC ouvre une première maison d’enfants à côté de Marseille, sous la tutelle des quakers, qui coordonnent l’aide de plusieurs organismes américains en France, de sorte qu’il est difficile de différencier leurs actions. La responsabilité de cette maison de La Rouvière est confiée à une jeune mennonite de Bluffton (Ohio), Edna Ramseyer20. Peu après, en avril 1940, le MCC ouvre une cantine à Cerbère (Pyrénées-Orientales), qui nourrit dès ses débuts une soixantaine d’enfants par jour. À Collioure et à Banyuls, une aide alimentaire est organisée plusieurs fois par mois. En août 1940, le MCC envoie l’un de ses plus éminents représentants, Harold S. Bender21, pour faire le point sur les besoins. Une rencontre est organisée avec Ernest Bennett, Edna Ramseyer, le maire de Lyon Édouard Herriot et un responsable des YMCA, Samuel Ybargoyen22. Ils se mettent d’accord sur un programme de distribution alimentaire dans les écoles maternelles à Saint-Étienne et à Lyon. Ils financeront aussi une « colonie d’été », rue de Tourvielle, en 1942.
La Villa Saint-Christophe, à Canet-Plage, est louée en avril 1941 ; elle est utilisée comme « maison de convalescence » pour les enfants internés au camp de Rivesaltes. Charlotte Gerber, une mennonite de Suisse, en prend un temps la direction23. Un rapport d’Henry Wiens24 du 16 août 1941 décrit ainsi la maison :
Le 1er avril 1941, nous avons repris une grande maison sur la côte de la mer Méditerranée, dans la petite station balnéaire de Canet-Plage, près de Perpignan. Melle Charlotte Gerber, M. Buller et M. J. W. Hoover ont pris en charge la rénovation de la maison car le propriétaire ne l’avait pas maintenue en bon état. Il a fallu un mois complet avant que l’on puisse y installer les enfants. La colonie sert de maison de convalescence pour les enfants malades des camps de concentration pour étrangers qui sont proches. Quand les enfants dans les camps tombent sérieusement malades, ils sont hospitalisés. Auparavant, quand ils commençaient à aller mieux, ils devaient quitter l’hôpital surpeuplé et retourner dans les terribles camps. Notre colonie prend soin de ces enfants durant un mois ou deux environ, jusqu’à ce que certains aient retrouvé sa pleine santé et de la force. La colonie a accueilli entre quarante et cinquante enfants, principalement des espagnols, mais aussi des Juifs et d’autres enfants réfugiés. Melle Gerber a été une vraie mère pour eux. […]
Cette colonie est l’une des œuvres humanitaires les plus satisfaisantes et les plus nécessaires que nous ayons en France25.
En octobre 1941, Joseph N. Byler26 arrive en France pour reprendre la direction des opérations. Il est accompagné de Lois Gunden et d’Helen Penner, une autre volontaire mennonite, tout aussi jeune : Helen est chargée de La Rouvière et Lois de la Villa Saint-Christophe. Mais lorsque La Rouvière est reprise par les quakers de l’American Friends Service Comittee (AFSC), les deux jeunes femmes se retrouvent à Canet : Helen prend la responsabilité de la maison et Lois la seconde en attendant l’ouverture d’un autre lieu d’accueil.
Quand Joseph Byler rentre aux États-Unis en novembre 1942, son rapport indique que 7 111 personnes par mois ont été secourues d’une manière ou d’une autre. Après l’invasion de la zone sud par les Allemands, les relations diplomatiques entre Vichy et les États-Unis sont rompues. Début 1943, les humanitaires et diplomates américains sur le sol français sont internés à Baden-Baden, au Brenner’s Park Hotel, où ils séjournent plus d’un an. Ce n’est qu’en février 1944 que Lois rentre aux États-Unis. La page française est tournée.
Pendant l’internement des Américains, le travail du Secours mennonite aux enfants se poursuit grâce à leurs alliés français, et en particulier deux hommes (non mennonites) d’une énergie exceptionnelle. Le premier est le protestant Roger Georges. Buller lui confie la supervision du Secours mennonite, c’est-à-dire la cantine de Cerbère, les distributions alimentaires à Banyuls et à Collioure, la maison de Canet et celle de Tourvielle près de Lyon. Roger Georges est en outre chargé de mener à bien deux autres projets du MCC : une cantine à Banyuls et une aide financière pour le démarrage d’une maison d’enfants aux Houches, près de Chamonix27. Lorsque les Allemands arrivent à Canet-Plage, ils réquisitionnent la Villa Saint-Christophe, tandis que la zone littorale est évacuée. Roger Georges parvient à louer le château de Lavercantière dans le Lot (non sans difficultés car plusieurs de ses protégés sont Juifs28), où les enfants de la colonie sont envoyés. Après une descente de la Gestapo au siège du Secours mennonite à Lyon, il se réfugie à Pont-de-Vaux dans la Bresse où il installe ses bureaux. Il doit faire face à de sérieux problèmes financiers lorsque les fonds mennonites du Consulat suisse de Lyon sont bloqués. Il recentre alors l’aide sur Lavercantière, dont il s’occupe avec sa femme. Lorsque l’argent est débloqué, à l’automne 1943, il ouvre une « colonie de vacances moderne » à Châtillon-de-Michaille, où il héberge de 100 à 120 garçons « d’âge scolaire » de Lyon et de la banlieue parisienne. En 1944, il ouvre encore deux homes d’enfants à Plottes (Saône-et-Loire) et à Vescours (Ain). Là encore, il reçoit plus de cent enfants de Lyon et de Marseille : « À la libération j’avais près de 400 enfants dans les quatre centres », témoigne-t-il29.
Le second acteur du secours aux enfants est Augustin Coma, un homme d’affaire espagnol réfugié en France, compagnon de route des mennonites. D’origine catholique et devenu athée, il se dit très touché par leur foi, qui s’intéresse plus aux hommes qu’à la dévotion30. Recruté par Hoover, il organise les distributions de vivres à Banyuls, Cerbère et Collioure avant de rejoindre lui aussi Lavercantière en 1943. Après 1945, il continuera de travailler pour les quatre maisons d’accueil.
Le genre de la sollicitude : femmes et enfants au quotidien
Le journal de Lois Gunden nous introduit dans le quotidien du secours aux enfants, qu’elle illustre et documente en prenant des photos et en rédigeant régulièrement des rapports. Sa tâche recouvre plusieurs aspects : la discipline de la maison, le ravitaillement et le soin moral autant que physique des enfants. L’humanitaire, dans ce contexte de crise et de bouleversement de la famille traditionnelle, attribue des responsabilités spécifiques aux femmes, leur donne la possibilité d’œuvrer et de prendre des décisions qui, sans être absolument nouvelles, vont marquer une étape décisive dans la réflexion sur le ministère féminin au sein des Églises mennonites américaines.
Dans l’organisation du MCC, ce sont les hommes qui supervisent l’œuvre en France ; leur position est celle de l’autorité hiérarchique : ils appellent, sollicitent et contrôlent. Mais c’est aux femmes qu’est confiée la direction des maisons d’accueil : Charlotte, Helen, Lois, Edna, Mlle Cécile à Lyon ; la colonie quaker de Canet, de son côté, est tenue par Mary Elmes. Ces femmes sont responsables du bon fonctionnement de l’œuvre dans un quotidien d’où les hommes sont éloignés. Elles gèrent les relations avec les fournisseurs, assurent l’économat, prennent des initiatives. La répartition des dons comme le discernement des priorités font partie de leur charge. Lorsque Lois estime qu’il faut ouvrir une autre colonie à Port-Vendres, Hoover et Byler donnent leur accord et s’en remettent à elle : « Si je comprends bien M. Hoover, le règlement des détails concernant l’ouverture de la nouvelle colonie à Port-Vendres vous revient entièrement31 », lui écrit J. N. Byler. Tout en se situant dans la continuité du traditionnel rôle féminin de la « bonne intendante », l’activité de Lois Gunden se déploie dans un vaste espace de responsabilités et requiert de multiples compétences.
La sollicitude s’exprime encore sous des traits traditionnellement maternels lorsqu’il s’agit de soigner les enfants, de les laver, de les réconforter et de les nourrir. La situation sanitaire des enfants du camp de Rivesaltes est très mauvaise : le climat aride, les moustiques, l’insuffisance et la pollution de l’eau, le vent souvent violent génèrent carences et maladies. Les enfants sont pouilleux, le paludisme est endémique ; à l’été 1941, un nombre élevé de nourrissons meurent dans le camp. Il faut les baigner, les épouiller, les nourrir ; le bien-être commence par les soins du corps. Dans la colonie, la chasse aux punaises de lit, le traitement des maladies contagieuses comme la gale, le raccommodage des habits usagés et la lutte contre le froid sont autant de cas concrets de la « quotidienneté du bien » que Lois et Helen pratiquent auprès des plus petits. Pour elles, le ravitaillement est la préoccupation prioritaire, surtout à partir de novembre 1942, lorsque la nourriture se raréfie. Lois gère la relation avec les commerçants locaux et les secours quaker ou mennonite qui les approvisionnent, d’où la prééminence, litanique, des questions alimentaires :
En plus de leur petit déjeuner, diner et souper, nos enfants prennent un goûter (repas de quatre heures) comme tous les enfants français. Bien que les repas soient nécessairement très différents des nôtres aux États-Unis, chacun reçoit de belles portions de nourriture substantielle. Un diner ou un souper typique est constitué d’un grand bol de soupe, suivi d’une belle portion de légumes ou de mélanges de légumes (en saison il est courant d’avoir de la laitue ou de la tomate en supplément). Deux fois par semaine nous servons de la viande et nous ajoutons un dessert qui peut être soit des fruits frais, soit des conserves à manger avec des biscuits32.
La séparation d’avec les parents bouleverse aussi les structures familiales : certains enfants sont orphelins, d’autres n’ont plus qu’un seul parent, tous doivent s’habituer à leur absence ; les visites sont possibles, mais rares. La colonie est donc le lieu où se reforme une famille de circonstance et Lois s’efforce de recréer une atmosphère où les enfants, souvent traumatisés, puissent supporter leur situation, comme lors de la fête de Noël 1941 :
Noël ! Je n’oublierai jamais le jour de Noël que j’ai passé en France ! Certains des petits enfants ont crié de plaisir quand ils ont vu le sapin. […] Ils m’ont presque étouffée de baisers ce matin […]. Nous avons eu nos moments de nostalgie pendant la journée, mais les enfants nous apporté de la joie la plupart du temps. Leur joie était contagieuse33.
Les rôles sont redistribués. Les plus âgées des filles deviennent les « grandes sœurs » des nouveaux petits qui arrivent ; elles doivent veiller sur eux et s’en occuper. Pour Lois et Helen, cela implique aussi d’incarner la discipline, de punir ou d’organiser les corvées, ce qui est source de tensions dans le personnel. Mais ces efforts sont parfois récompensés, comme lorsque le soleil brille sur la Méditerranée et que les enfants jouent sur la plage : « Si vous étiez ici en ce moment vous pourriez entendre les voix heureuses des plus petits qui s’amusent au soleil sous ma fenêtre, s’appelant en espagnol ou en français34. »
Les colonies apparaissent donc comme des lieux dans lequel le rôle de la femme mennonite se redéfinit, sans rupture avec le modèle traditionnel, mais en élargissant sa sphère, par le biais, a priori paradoxal, de ce que l’on appellerait aujourd’hui les activités du care. Mais, comme l’a signalé Edna Ramseyer lors d’un entretien, cette époque n’est pas le moment d’une émancipation de la femme par une affirmation de soi ; le sens de leur responsabilité s’exprime dans le service. Ce service mutuel, au cœur des relations hommes-femmes, semble avoir été égalitaire et respectueux, source d’une amitié fraternelle. Lois jouit du respect d’Orie O. Miller, alors directeur du MCC : « Le comité reconnaît l’évidence de votre appel par Dieu à son service, et se voit très heureux de coopérer avec vous dans le service de ceux qui souffrent de la guerre35. » Le langage est celui de la coopération des sexes dans le don de soi. Joseph Byler, avec qui Lois est en excellents termes, la soutient et s’efforce de l’aider : « Nous sommes à votre service et serons heureux de faire tout ce que nous pouvons pour vous36. » Si donc ces femmes mennonites gagnent en autonomie et en responsabilité grâce au care, leur horizon est une plus grande efficacité dans le travail auprès des enfants, non une émancipation de type féministe.
De Rivesaltes à la Villa Saint-Christophe : « Miss Mary » Elmes, la « connexion quaker » et le placement des enfants juifs
Entre femmes, en revanche, les relations ne sont pas toujours au beau fixe. La rivalité entre Lois et Helen, ajoutée à la difficulté inhérente au travail, aboutit à la dépression nerveuse d’Helen et à son départ. Certaines réflexions du journal de Lois laissent entendre qu’elle cherche à ouvrir une autre maison pour en être la seule directrice. D’où peut-être sa détermination à former une colonie à Port-Vendres (camp de la Mauresque), puis, lorsque cela lui sera refusé, à l’hôtel de la Balette à Collioure. Finalement, la maladie d’Helen éloignera cette dernière de la Villa Saint-Christophe, d’abord par une convalescence à Vernet-les-Bains, puis par un retour définitif aux États-Unis en mai 1942. L’amitié de Lois s’oriente vers Mary Elmes, la directrice quaker de l’« autre colonie » de Canet. Cette protestante, née en 1908 à Cork, en Irlande, a rejoint l’Espagne quand la guerre civile a éclaté ; engagée comme volontaire dans le Secours quaker (AFSC), elle accompagne, en 1939, la vague de réfugiés républicains qui fuient vers la France. On lui confie alors la responsabilité du travail de l’AFSC pour la région de Perpignan. « Miss Mary » est le contact de Lois pour entrer à Rivesaltes ; les mennonites deviennent ainsi des relais dans la toile tissée par les différentes organisations accréditées pour intervenir dans les camps d’internement. Ces derniers se remplissent aussi de Juifs étrangers que l’on enferme, après la Débâcle, comme « ressortissants des puissances ennemies » : ce sont des Allemands et des Autrichiens qui, pour la plupart, avaient en réalité fui le nazisme. Simonne Escudier et Mireille Chiroleu ont ainsi dressé une liste non-exhaustive de 148 enfants espagnols et tziganes placés et passés par la Villa Saint-Christophe, entre 1941 et début 1943, venus en majorité de Rivesaltes ; outre ceux-ci, au moins 48 enfants d’origine (présumée) étrangère – juifs dans leur grande majorité – y ont aussi trouvé refuge.
La politique antisémite menée par l’occupant et Vichy connaît une aggravation brutale, mais préparée37, entre juin et septembre 1942. Quand l’occupant réclame à Vichy la livraison de 40 000 Juifs « apatrides », les volontaires mennonites sont confrontés à des cas de conscience de plus en plus difficiles. En effet, le programme de mise à mort systématique des Juifs d’Europe décidé lors de la Conférence de Wansee (20 janvier 1942) est lancé en juin 1942, sur ordre d’Himmler. S’appuyant sur la police française et tout un travail administratif (et législatif) en amont, les nazis obtiennent l’organisation d’une rafle de Juifs étrangers, à Paris et en banlieue (16-17 juillet 1942). Les presque 13 000 personnes arrêtées au Vel’ d’Hiv ne suffisent pas. Une seconde phase se met en place au mois d’août : la recherche des Juifs apatrides s’étend à la zone non occupée.
Dans un premier temps, les autorités évacuent les camps de zone sud, puis passent au peigne fin le Groupes de Travailleurs Étrangers (GTE). À Rivesaltes, les déportations commencent le 11 août 1942 : 2 313 hommes, femmes et enfants partent en neuf convois, d’abord vers Drancy, puis vers Auschwitz. Mary et Lois connaissent la signification de ces déportations : « Miss Mary m’a informée du renvoi des Juifs polonais et allemands en Pologne où ils mourront de faim38. » Jusqu’au 18 août, les parents peuvent laisser leurs enfants en France ; mais Laval insiste pour que les enfants accompagnent leurs parents, « par humanité39 ». Comme une Rosa Näf, du Secours suisse, qui parvient à évacuer une quarantaine de jeunes du camp du Vernet40, Mary Elmes et Lois Gunden font sortir en urgence un grand nombre d’enfants de Rivesaltes dans la légalité, mais « plus ou moins de force41 », puis les soustraient clandestinement aux recherches. Elles les placent dans les maisons du réseau quaker, militent pour en envoyer certains aux États-Unis ou font passer la frontière espagnole à d’autres. Mary Elmes sauve deux enfants, Ronald et Michael Freund, internés avec leurs parents après avoir échoué à passer en Suisse. Elle parvient à convaincre les parents de les lui confier et de lui signer une décharge. La séparation consentie entre parents et enfants fait partie des moments les plus dramatiques, mais aussi les plus cruciaux, du sauvetage. Il faut accepter de faire confiance, dans un climat d’incertitude complète. Leur père, Hans Freund, sera déporté à Majdanek en mars 1943, où il mourra ; leur mère survivra, et Ronald et Michael la retrouveront après la Libération. À Rivesaltes, Lois rencontre la mère de Ginette Drücker et parvient aussi à la convaincre de lui laisser sa fille. Le père a été envoyé à Auschwitz en 1942. Ginette et sa mère se sont cachées pour échapper à la Rafle du Vel d’Hiv, ont fui vers le sud et ont été arrêtées dans le train. Le 10 août 1942, elles sont à Rivesaltes. Ginette Drücker témoigne :
Après quelques jours à Rivesaltes, Lois Gunden a approché ma mère et lui a dit qu’elle voulait emmener quelques enfants juifs de Rivesaltes à l’orphelinat chrétien dont elle était la directrice. Ma mère décida de me confier à Lois Gunden, avec environ cinq autres enfants juifs dans un orphelinat géré par les mennonites à Canet-Plage en France. À l’époque j’avais douze ans et j’étais certainement effrayée, mais Lois Gunden était plutôt gentille et passionnément déterminée à nous sortir, moi et les autres enfants juifs de Rivesaltes, pour nous protéger. Elle a essayé de sortir plus d’enfants, mais elle n’a pas pu42.
Parmi les autres enfants que Lois et Mary parviennent à faire sortir : Charlotte Berger ; George et Jacques Koltein ; Berthe, Claire et Jacques Landesman, Walter Richeimer ; Edmond Sandman. Le 29 août 1942, Lois reçoit un coup de téléphone de Mary à propos des enfants Landesman ; le 1er septembre, deux policiers viennent les chercher à la Villa Saint-Christophe : même sortis légalement du camp, les enfants ne sont plus en sécurité. Comme les enfants sont en promenade, les policiers doivent repasser plus tard. Quand les policiers reviennent, Lois biaise encore : leurs vêtements sont en train de sécher et ils ne pourront les remettre que plus tard. Entre-temps, les tractations se multiplient pour mettre les petits Landesman en lieu sûr. Lorsque des fonctionnaires de la préfecture arrivent le 3 septembre, les enfants viennent de partir avec leur oncle, averti par Mary Elmes. Lois Gunden commente :
J’ai compris que ceux-ci avaient finalement été arrachés au malheur qui planait au-dessus d’eux. J’ai senti que Dieu devait avoir agi pour empêcher qui que ce soit de venir les chercher pendant les deux jours où se sont succédés les appels et les télégrammes les concernant. S’ils avaient été ramenés au camp, tous les efforts auraient été vains43.
George et Jacques Koltein, quant à eux, survivront aussi cachés à la Villa Saint-Christophe, puis au château de Lavercantière. En février 1943, Mary Elmes est accusée de résistance à l’occupant et au régime de Vichy pour avoir permis à des internés de s’évader. Elle est incarcérée d’abord à Toulouse, puis à Fresnes, jusqu’à ce qu’elle soit finalement relâchée, six mois plus tard. Elle sera reconnue Juste parmi les Nations le 23 janvier 2013 (dossier n° 12543)44.
Face aux rafles de Lyon (août 1942) : inconscience, légalisme et activisme des volontaires mennonites
Le « glissement » de l’entraide à l’action illégale trace une ligne que tous les volontaires du Secours mennonite ne sont pas prêts à franchir. Les humanitaires étrangers sont confrontés à un dilemme : leur cadre d’action étant défini par les lois de Vichy, une prise de position politique ou le choix de la désobéissance peuvent compromettre le reste de la bienfaisance. De plus, les Américains subissent des pressions constantes de leur gouvernement qui les incite à rentrer avant que cela ne soit plus possible. Joseph N. Byler, directeur du Secours mennonite aux enfants, est témoin des rafles de Lyon, notamment celle du 26 août. Son journal permet de suivre son évolution, de toucher les limites du légalisme, mais aussi de comprendre l’action commune des réseaux chrétiens de Lyon. Contrairement à Lois Gunden et à Miss Elmes, Byler ne semble pas conscient du destin de mort des Juifs raflés : « Nous avons entendu que le jour passé, 450 Juifs avaient été arrêtés et envoyés en Allemagne. Personne ne semble savoir pourquoi, ni pour quoi faire45 ». Rétrospectivement, certains de ses commentaires mettent mal à l’aise. M. Singer, l’un des nombreux Juifs qui gravitent autour du Secours mennonite aux enfants, est victime de ce genre de réflexion, alors qu’il vient d’échapper à la rafle : « Le soir juste avant le dîner, Singer est venu au bureau tout excité. Pas étonnant qu’il puisse être pris à tout moment46. » Tout au long du mois d’août, des Juifs en détresse viennent frapper à sa porte. Le 26 août Byler écrit : « Un vieux monsieur est venu nous supplier au bureau de l’enfermer quelque part pour une nuit seulement. Le pauvre était vraiment effrayé. Mais nous ne pouvions rien faire pour personne. La radio suisse a annoncé que 650 personnes avaient été raflées à Lyon cette nuit47. » Le soir même, les humanitaires mangent au restaurant et, selon ses dires, « s’amusent beaucoup ».
Cette inconscience se double chez Joseph Byler d’un refus du passage à l’action clandestine. Le 18 septembre, des Italiens se présentent pour passer en Suisse ; on leur a indiqué le Secours mennonite comme point de contact. Byler soupçonne qu’il s’agit d’espions : « À aucun prix nous n’aiderons qui que ce soit à aller quelque part illégalement48. » Ces refus sont particulièrement déchirants lorsque ce sont des mères qui supplient. Le 4 septembre, deux Juives échappées de Rivesaltes l’implorent de faire passer leurs enfants en Suisse. Il est probable qu’il n’en ait pas les moyens, mais il est clair qu’il refuse pour rester dans le cadre de la légalité. Le 14 septembre ces deux femmes sont reprises et renvoyées à Rivesaltes. Cependant, en quelques mois, « l’opinion évolue d’une relative indifférence envers la persécution des Juifs à l’expression d’une véritable compassion en leur faveur. Ceci tient d’abord au fait que cette persécution a changé de nature. Elle est devenue de plus en plus voyante et brutale, s’attaquant non seulement aux hommes, mais aussi aux femmes et aux enfants49. » Tout en restant soumis à la légalité, Byler prend conscience, lui aussi, après le 26 août, de la gravité des enjeux. Mrs Federn, une Juive de leurs amis, dit qu’elle n’a jamais eu aussi peur et cherche à se cacher. Il écrit : « Oh cette persécution contre les Juifs est horrible ; certains se suicident et d’autres essayent de le faire. C’est inimaginable pour une civilisation du xxe siècle. »
Dans son journal, sa prise de conscience se traduit par un nombre grandissant de marques de pitié devant les demandes individuelles difficiles ou impossibles à satisfaire. Elle se traduit aussi par un activisme au service des « city officials » et des cercles chrétiens de Lyon. Au même moment, en effet, plusieurs actions de sauvetage s’organisent : les Amitiés chrétiennes de l’abbé Glasberg50, le Service Social des Étrangers, piloté par Gilbert Lesage51, quaker lui aussi, travaillent avec les « œuvres » (Cimade, AFSC, YMCA, OSE, etc.) pour faire sortir les enfants des camps, les placer dans des maisons ou les faire passer en Suisse52. Associés aux quakers, les mennonites participent à de nombreuses réunions où sont discutées les possibilités d’accueil. À partir du 1er septembre, leur temps est occupé par cette priorité : « Il y a cent-vingt enfants juifs dont les parents ont été envoyés en Allemagne53 ; nous essayons de trouver des maisons pour quelques uns d’entre eux. » Dans une lettre reçue le 18 août, Byler avait déjà demandé à Lois Gunden de créer une extension de la colonie de Canet ; lui-même se démène pour trouver un autre lieu dans la région de Lyon, tandis que Buller prospecte du côté de Chambéry54. Ils interviennent aussi pour leurs amis juifs en activant leurs propres contacts administratifs et diplomatiques : Édouard Herriot, le maire de Lyon, Samuel Ybargoyen et l’ambassadeur des États-Unis (pour obtenir des visas). Henry Buller se démène pour la secrétaire du Secours mennonite, Beate Rosenthal et ses parents, des Juifs réfugiés originaires de Duisburg en Allemagne. Henry Buller et Beate Rosenthal se marient finalement le 11 novembre 1942, alors que les Allemands envahissent la mairie. Les mennonites font aussi des démarches auprès du préfet et du chef de la police de Lyon pour faire sortir (avec succès) une jeune juive internée à Rivesaltes, Cecil Lowenthal, qui s’occupe de l’une des colonies. Enfin, ils participent à l’effort pour obtenir des visas américains pour de nombreux Juifs belges qui cherchent à émigrer aux États-Unis.
« Au nom de Christ » : l’humanitaire et le témoignage chrétien
Le secours, puis le sauvetage, des enfants amènent à s’interroger sur la nature du témoignage chrétien du MCC ainsi que sur ses conséquences quant à l’identité des mennonites. On note tout d’abord l’absence d’évangélisation directe dans les maisons pour enfants. Pas de trace de culte domestique, de lecture de la Bible ou même de cantiques ; à peine est-il question de la prière à table avant de manger. La piété de Lois elle-même transparaît peu dans son journal ; elle fréquente le temple, fait une fois ou l’autre référence à Dieu ou à des discussions dont les sujets sont religieux (catholicisme, spiritisme, etc.) avec les réfugiés espagnols qui travaillent à la Villa Saint-Christophe.
Pourtant, l’action humanitaire des mennonites est clairement animée par la volonté d’obéir au Christ et de l’imiter ; le bien qu’ils pratiquent est « au nom de Christ », selon la devise de l’organisation. Dans un article de 1956, Guy F. Hershberger et Atlee Beechy font reposer l’action humanitaire sur la parabole du Bon Samaritain et l’inscrivent dans la tradition originelle des anabaptistes. Ils citent Menno Simons :
Menno Simons, dans une énumération des qualités des saints, écrit : « Ils témoignent de la miséricorde et de l’amour… Ils s’occupent de ceux qui sont dans la détresse. Ils reçoivent les étrangers dans leurs maisons. Ils réconfortent les affligés ; donnent des vêtements à ceux qui sont nus ; nourrissent ceux qui ont faim. »55
La réponse que fait J. W. Hoover à Paul Ericksen va dans le même sens :
Ericksen : Comment est-ce que vous évaluez le travail humanitaire que vous avez accompli en France ?
J. W. Hoover : Eh bien… ce que… ce que les Églises étaient en mesure de faire, bien sûr, n’était, dans un sens, qu’une goutte d’eau dans l’océan. Nous avons toujours su que c’était le cas et n’avons pas essayer de le cacher. Mais cette si petite chose, en comparaison, était déjà énorme pour atteindre ce que j’estime notre objectif ultime. Il y a deux choses ; d’abord nous croyons que nous avons une responsabilité directe… la Bible nous enseigne de soulager les détresses et les souffrances humaines partout où cela est possible. Jésus nous dit que tout acte dans cette direction fait en son nom est fait pour lui et recevra sa récompense lors du Jugement56.
La préoccupation de la souffrance des hommes et le peu qui peut être fait pour les soulager regarde d’abord le Christ ; c’est en aimant les hommes pour répondre à l’appel du Christ que l’humanitaire prend sa signification. Il est un des modes de la charité.
Dans la stratégie du MCC, l’humanitaire est une étape préparatoire à l’évangélisation :
Cette réponse aux besoins physiques de la population exprimait l’amour chrétien de manière vivante et constituait donc un élément essentiel dans un programme d’évangélisation plus global. Le comité partait du principe que la communication de l’évangile accompagnerait le travail humanitaire…57
C’est encore ainsi que l’explique J. W. Hoover : « Pour moi, il ne fait aucun doute que ce type de travail (humanitaire) est le moyen le plus efficace pour ouvrir les portes à l’Évangile qui a jamais été mis en œuvre58. » Cette forme d’humanitaire, où l’acte de secours n’est pas directement subordonné au désir de convertir ceux que l’on aide, témoigne d’une évolution de la compréhension anabaptiste de l’Évangile dans le sens d’un engagement social. La réflexion d’une lettre de M. Buller le confirme : « J’ai une certaine expérience, et surtout, la foi que c’est l’Esprit d’Amour enseigné par Jésus-Christ qui est le seul moyen d’arriver à un monde meilleur59. »
Né de la pression des événements en Russie, l’humanitaire mennonite est intégré au cours de la Seconde guerre mondiale à une réflexion théologique menée par Harold Bender. En décembre 1943, Bender donne une conférence, The Anabaptist vision60, au Columbia University Men’s Club, à l’occasion de la réunion annuelle de l’American Society of Church History dont il vient d’être élu président. Ce texte aura une grande influence sur la spiritualité anabaptiste. Par un retour, à la fois romantique et sélectif, aux sources de l’anabaptisme, la Vision de Bender entend, entre autres, valoriser l’amour et la non-résistance pour que ses coreligionnaires s’engagent dans le monde. À une tradition préférant l’humilité et le retrait communautaire, le manifeste « néo-anabaptiste » de Bender substitue un activisme centré sur la paix. Le MCC devient à cette période, de fait, l’un des fers de lance de la « vision anabaptiste », de sa concrétisation et de sa diffusion dans le monde. Ainsi, pour Gerlof Homan, le second conflit mondial a transformé le MCC en une « agence importante et respectée au service des besoins humains ». Et la France a été l’un des lieux de « maturation organisationnelle, où les volontaires du MCC ont été en contact direct avec les conséquences dévastatrices d’un conflit armé, mais aussi avec des gens considérés comme des ennemis61 ».
Lois Gunden, une vie de femme engagée
Comme l’écrit l’historienne Françoise Thébaud, la guerre « n’est pas, ou rarement, la cause directe des mutations égalitaires62 ». Mais le retour aux États-Unis des femmes qui ont œuvré en France participe, en partie, à l’évolution de leur rôle au sein des Églises mennonites. D’abord, parce que leur expérience européenne et l’épreuve de l’internement les revêtent d’une autorité nouvelle. Dès 1944, le comité du MCC sollicite Edna Ramseyer et Lois Gunden pour une tournée de visites et de conférences à travers le pays dans l’intérêt du programme humanitaire. Elles sont invitées à diriger et à promouvoir les Summer units for girls. Il s’agit de camps d’été où les jeunes femmes mennonites se portent volontaires dans le cadre du CPS (Civilian Public Service), programme alternatif au service militaire pour les hommes, et auquel les femmes sont invitées à œuvrer aussi63. En l’occurrence, cet engagement solidaire concerne les hôpitaux et cliniques psychiatriques du réseau mennonite.
Ensuite, les missions à l’étranger ont renforcé parfois leur intérêt théologique pour la place des femmes dans l’Église, donnant lieu à des contributions décisives. Lois Gunden, qui se marie en 1958 avec Ernest E. Clemens, poursuit ses activités de professeure de français, de volontaire et de membre de différentes associations mennonites. Entre 1960 et 1978, elle prend en charge la publication de Voice, mensuel du Women’s Missionary and Service Commission, l’organe chargé du travail des femmes au service de l’Église mennonite. Surtout, elle donne une série de conférences, réunies en un livre paru en 1975 : Woman liberated64. Elle y développe une position « complémentariste » et égalitaire, adaptée à une éthique anabaptiste du service. L’homme et la femme, dotés de qualités complémentaires, coopèrent pour le bien de la communauté, comme elle l’exprime dans un entretien : « Peu importe que vous soyez un homme ou une femme ; ce qui compte, c’est la personne que vous êtes et ce que vous pouvez faire pour la vie de l’Église et de la communauté65. » Aucun des deux n’est « l’humain total » à lui tout seul. Pour elle, le concept central est la « relation » : « Cela signifie que dans l’Église, l’homme et la femme fonctionnent ensemble comme les membres d’un corps66. » Elle récuse pour cela une séparation genrée des responsabilités : « Les mêmes opportunités devraient être accordées aux femmes et aux hommes pour contribuer pleinement à cette vie (de la communauté), selon leurs dons individuels67. » Elle critique la condition contemporaine des femmes anabaptistes, considérées comme égales aux hommes dans le cadre du témoignage et de la relation à Dieu, mais qui n’ont pas accès, à compétences égales, à des charges équivalentes (hormis dans les associations féminines para-ecclésiales). Pour Lois, c’est une forme de ségrégation qui « ne rend pas bien justice à une interprétation littérale des enseignements de Christ selon lesquels il n’y a ni homme ni femme68 ».
Les revendications qu’exprime Lois se conjuguent aux bouleversements culturels et sociaux qui affectent les femmes mennonites après-guerre, en particulier celles des communautés urbaines69. Sur le plan ecclésiologique, leur légitimité dans la direction et l’organisation des œuvres est renforcée. Elles réaffirment, sans abandonner certaines fonctions qui leurs sont échues (maternité, soins domestiques, etc.), que leur participation pleine et entière à la vie de l’Église dépasse ce cadre. Pour faire face aux enjeux du temps, y compris l’éducation de leurs enfants, elles sentent le besoin de se former théologiquement. L’abandon des vêtements « humbles » (plain dress), de nouvelles opportunités de travail et d’instruction aboutissent dans plusieurs unions d’Églises mennonites à des postes de responsabilité. En 1973 et 1975, respectivement, les conférences de la Mennonite Church USA et la General Conference70 commencent à ordonner des femmes régulièrement71.
Lois Gunden décède le 27 août 2015, après une vie d’engagements au service des autres. Aujourd’hui, en se promenant à Canet, on peut tomber sur une aire de jeux pour enfants, qui porte son nom, hommage discret à une personne discrète.
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1. Alle Hoekema, « Dutch Mennonites and Yad Vashem Recognition » in Mark Jantzen and John D. Thiessen, European Mennonites and the Holocaust, Toronto : University of Toronto Press, 2021.
2. MCC Archives (Akron, Pennsylvanie), séries IX-19-01 et IX-06-03, aimablement communiquées par Alain Epp Weaver.
3. Edna Ramseyer Kaufman Papers, Mennonite Library Archives, Bethel College (Kansas), cote MS 300, Boxes 1, 5, 9, 16, 25.
4. Cote US MCUSAA HM1/926. Le journal de Lois Gunden se trouve dans la Box 1. Il a bénéficié d’une traduction partielle en français grâce à Simonne Chiroleu-Escudier et Mireille Chiroleu : La Villa Saint-Christophe, Maison de convalescence pour enfants des camps d’internement, Saint-Estève : Alliance, 2013. Ont été dépouillées aussi deux autres boîtes importantes (Box 2 et Box 10) qui contiennent des documents sur le travail de secours en France et la correspondance de Lois Gunden avec le MCC.
5. Cote US MCUSAA HM1/354, Box 2. Voir aussi sa correspondance (US MCUSAA HM1/354, Box1) et la partie consacrée au « French relief work » (US MCUSAA HM1/354, Box 4, Folder 7).
6. Il est utilisé et mentionné, mais pas vraiment exploité dans l’article de Gerlof Homan, « Friends and enemies, the WWII origins of MCC work in France », Mennonite Historical Bulletin LXXI-2 (avril 2010), p. 7-14.
7. Patrick Cabanel, Histoire des Justes en France, Paris : Armand Colin, 2012, p. 87-90.
8. AD Moselle, 25Z15 ; voir aussi Jeanne Vincler, Communautés juives en péril, Alsace-Lorraine, 1933-1939, Metz : Serpenoise, 2010.
9. Christ Seul, 1933/11. Ce mensuel est l’organe des Églises mennonites de langue française depuis le début du xxe siècle ; il est au service de l’« unification » des mennonites poursuivie par Pierre Sommer.
10. Stéphane Zehr, Jean-Martin Wehrey, « Krémer contre Hitler, une résistance mennonite en Alsace-Lorraine (1925-1945) », in Souvenance Anabaptiste 37 (2018), p. 8-27. Émile Krémer (1895-1990) a été une personnalité mennonite de premier plan. Garde général et Adjoint de l’Inspecteur dans l’administration forestière à Colmar, il est aussi Ancien des Assembées de Colmar et Sarrebourg. Fervent défenseur des Juifs persécutés, anti-hitlérien, prédicateur revivaliste original, il s’est aussi engagé aux côtés des pacifistes protestants, comme Jacques Ellul, pour la reconnaissance de l’objection de conscience.
11. Son remarquable témoignage a paru sous le titre : Jean-Paul Krémer, Le Salut ne vient pas d’Hitler, Un mennonite déporté à Natzweiler et Buchenwald, Alès : Calvin éditions, 2020.
12. L’Alsace (où résident la majorité des mennonites) ne compte que deux Justes, tandis que la Lorraine en compte 59.
13. Michel Sommer, « Des juifs cachés au Schafbusch », Christ Seul 965 (avril 2007).
14. Simonne Escudier – Lucien Lazare, Correspondance privée, aimablement transmise par l’autrice.
15. Patrick Cabanel, op. cit., p. 83.
16. Jacques Sémelin, La survie des Juifs en France 1940-1944, Paris : CNRS Éditions, 2018, p. 243.
17. Voir John Unruh, In the name of Christ, A history of the Mennonite Central Committee and its service (1920-1951), Scottdale : Herald Press, 1952. Gerlof Homan, art. cit.
18. Denis Peschanski, La France des camps, L’internement, 1938-1946, Paris : Gallimard, 2002, p. 98-107.
19. Lester Hershey et Ernest Bennett.
20. Guy F. Herschberger, Mennonite Church in the Second World War, Scottdale : Mennonite Publishing House, 1951, p. 197. Voir aussi les Edna Ramseyer Kaufman Papers cités n. 3.
21. Harold S. Bender (1897-1962) est une figure majeure parmi les mennonites du xxe siècle. Théologien et historien, artisan du « renouveau anabaptiste », il enseigne au Goshen College tout en participant à la direction de plusieurs organisations mennonites. En 1940, il assume la fonction de « secrétaire-assistant » du MCC.
22. Soutien et point de contact des mennonites avec les autorités civiles et les réseaux d’entraide à Lyon, Samuel Ybargoyen est aussi consul honoraire de l’Uruguay.
23. Après avoir assuré l’intérim à La Rouvière en décembre 1940 (départ de Edna Ramseyer), elle prépare l’ouverture de la Villa Saint-Christophe et en assure la direction entre le 1er avril et août 1941. Elle rentre en Suisse pour raisons de santé et parce qu’elle a des problèmes pour renouveler son visa.
24. Henry Wiens (1890-1969) est le délégué responsable du MCC en France de septembre 1940 à juillet 1941.
25. Rapport cité dans le livre de Simonne Chiroleu-Escudier et Mireille Chiroleu, La Villa Saint-Christophe, Maison de convalescence pour enfants des camps d’internement, Saint-Estève : Alliance, 2013, p. 21.
26. Joseph N. Byler (1895-1962) succède à Jesse W. Hoover comme administrateur de l’aide alimentaire du Secours mennonite en France de novembre 1941 à janvier 1943.
27. Roger Georges, « Rapport d’activités de nov. 1942 à juin 1947 », Souvenance Anabaptiste 18 (2000), p. 17-26.
28. Louis Forestier, instituteur et directeur de la colonie déplacée au Château de Lavercantière de 1942 à 1944, est Juste parmi les Nations. Il a participé, entre autres, au sauvetage de Charlotte Berger, sortie de Rivesaltes et placée à la Villa Saint-Christophe du 5 septembre 1942 à fin janvier 1943 et à Lavercantière de février 1943 à avril 1944. Voir aussi M. J. Heisey et Nancy R. Heisey, Relief work as pilgrimage : « Mademoiselle Miss Elsie » in Southern France (1945-1948), Lanham (MD) : Lexington Books, 2015.
29. Roger Georges, ibid., p. 26.
30. Interview de Jesse W. Hoover par Paul Ericksen, 7 octobre 1985 à Greenfield, Indiana. Enregistrement audio, Billy Graham Center Archives, Tape 2. Collection 319 [9 mai, 2017].
31. Joseph N. Byler à Lois Gunden, 6 novembre 1941, US MCUSAA HMI/926, Box 1, Folder 20.
32. Lois Gunden, « Qu’est-ce qu’une maison de convalescence ? Rapport adressé au MCC, 8 décembre 1941 », in Simonne Chiroleu-Escudier et Mireille Chiroleu, op. cit., p. 145.
33. Lois Gunden, Journal, 25 décembre 1941.
34. Lois Gunden, « Qu’est-ce qu’une maison de convalescence ? Rapport adressé au MCC, 8 décembre 1941 », in S. Chiroleu-Escudier et M. Chiroleu, op. cit., p. 144.
35. Orie O. Miller à Lois Gunden, novembre 1941, US MCUSAA HMI/926, Box 1, Folder 20.
36. Joseph N. Byler à Lois Gunden, 6 novembre 1941.
37. Laurent Joly, L’État contre les Juifs, Vichy, les Nazis et la persécution antisémite, Paris : Grasset, 2018, p. 61-72.
38. « Mary informed me about return of Polish and German Jews to Poland where death by starvation awaits them. » Lois Gunden, Journal, 9 août 1942.
39. Laurent Joly, op. cit., p. 116-117.
40. Ruth Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse, Les Juifs à la frontière franco-suisse durant les années de « la Solution finale », Paris, Calmann-Levy, 2020, p. 805-807.
41. Ibid., p. 977.
42. « Témoignage de Ginette (Drucker) Kalish, adressé à Yad Vashem en vue de faire décerner un hommage porthume de “Juste parmi les nations” à Lois Gunden », in Simonne Chiroleu-Escudier et Mireille Chiroleu, op. cit., p. 173.
43. Lois Gunden, Journal, 3 septembre 1942.
44. Sur l’action de Mary Elmes en France, voir Clodagh Finn, A time to risk all. The incredible untold story of Mary Elmes, the Irish woman who saved children from nazi concentration camps, Dublin : Gill Books, 2017. Paddy Butler, The extraordinary story of Mary Elmes, the Irish Oskar Schindler, Dublin : Orpen Press, 2017.
45. Joseph N. Byler, Journal, US MCUSAA HM1/354, Box 2, Folder 1.
46. Ibid.
47. Ibid.
48. Ibid.
49. Jacques Sémelin, op. cit., p. 224.
50. Sur l’action de l’abbé Glasberg, voir la biographie récente de Nick Lampert, La formidable histoire d’Alexandre Glasberg, résistant, pionnier social, prêtre non-conformiste (1902-1981), Paris : Karthala, 2021.
51. René Nodot, Mémoires d’un Juste, un non-violent dans la Résistance, Ampelos, 2018 ; René Nodot, Les enfants ne partiront pas, La résistance protestante à Lyon, Ampelos, 2013 ; Olivier Pettinotti, Un juste manipulé ? Gilbert Lesage, fonctionnaire de Vichy, et la protection des réfugiés et des Juifs dans les camps français, Ampelos, 2013.
52. Voir Ruth Fivaz-Silbermann, op. cit., IV.3, « L’entraide “œcuménique” », p. 833-944 ; Patrick Cabanel, op. cit., ch. 3, « Dans la défaite et les camps d’internement de Vichy : les premiers Justes (1940-1942) », p. 103-171.
53. Il est probable que ces enfants ont été sortis des camps suite aux opérations de « criblage » dans le centre de regroupement provisoire de Vénissieux.
54. Henry P. Buller, « Itinerary report to the Mennonite Central Committee, from December 20, 1940 to May 1, 1944 », MCC Archives, IX-40-2.
55. Guy F. Hershberger, Atlee Beechy, « Relief Work », Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online, 1956, Web. 27 Mar 2019. http://gameo.org/index.php?title=Relief_Work&oldid=143711.
56. Interview de Jesse W. Hoover par Paul Ericksen, 7 octobre 1985 à Greenfield, Indiana. Enregistrement audio, Billy Graham Center Archives, Tape 2. Collection 319 [9 mai 2017]. La référence ici est celle de la parabole du Jugement dernier (Mt 25, 31ss).
57. David Y. Neufeld, Témoignage commun, Histoire d’un partenariat missionnaire entre mennonites français et nord-américains, 1953-2003, Les Ponts-de-Martel : Talwogne, 2016, p. 17.
58. Interview de Jesse W. Hoover par Paul Ericksen, ibid.
59. Lettre de Henry P. Buller à Augustin Coma, 22 janvier 1943.
60. Harold S. Bender, « La vision anabaptiste », trad. fr. de Marthe Ropp et John H. Yoder, BSHPF 148 (2002), p. 181-207. Jean Séguy, « La Vision anabaptiste : Ou, l’historiographie anabaptiste, de Harold S. Bender (1897-1962) jusqu’à nos jours », ibid., p. 121-149. Neal Blough, « Harold Bender, « La vision anabaptiste » et les mennonites de France », ibid., p. 151-175.
61. Gerlof Homan, art. cit., p. 7.
62. Françoise Thébaud, « La guerre est-elle émancipatrice pour les femmes ? », Encyclopédie pour une histoire numérique de l’Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, mis en ligne le 09/12/20, consulté le 10/02/2021. Permalien : https://ehne.fr/fr/node/12372. Voir aussi Françoise Thébaud, « Penser les guerres du xxe siècle à partir des femmes et du genre. Quarante ans d’historiographie », Clio. Femmes, genre, histoire 39 (2014), p. 157-182.
63. L’étude de référence est celle de Rachel W. Goossen, Women against the good war, Conscientious objection and gender on the american home front, 1941-1947, Chapell Hill : University of North Carolina Press, 1997.
64. Lois Gunden Clemens, Women liberated, Scottdale : Herald Press, 1971.
65. Entretien avec le Philadelphia Inquirer, cité par Joe Miller, « Rescuing Jewish children : the story of Lois Gunden », 100 stories for 100 years. Article consulté le 22 novembre 2020 sur https://mcc.org/centennial/100-stories/rescuing-jewish-children-story-lois-gunden.
66. Lois Gunden Clemens, op. cit., p. 30.
67. Ibid., p. 31.
68. Ibid.
69. Royden Loewen, Steven M. Nolt, Seeking Places of Peace, A Global Mennonite History, vol. « America », Kitchener (ON) : Good Books, Édition du Kindle, 2012, p. 173.
70. Deux des unions d’Églises mennonites les plus importantes d’Amérique du Nord.
71. Ibid., p. 175.