Protestants d’Auvergne
De la Réforme à la Révolution (II)
(suite du précédent numéro)
De l’interdiction à l’intégration (1685-1789)
La période qui s’ouvre avec l’édit de Fontainebleau du 18 octobre 1685, appelée par les protestants le « Désert », interdisant la pratique de la religion prétendue réformée dans le royaume, eut à court terme deux conséquences majeures en Auvergne comme dans les autres provinces : des abjurations massives et un exil non moins important vers les pays du « Refuge ». Cette propension à abjurer, dont témoignent le plus souvent les registres paroissiaux, se vérifie par exemple dans la paroisse de Job avec 122 huguenots qui s’y résignent entre novembre 1685 et septembre 16861. À Lubilhac ils sont 46 entre décembre 1685 et août 1686, soit un peu moins des trois quarts des religionnaires adultes de ce village et de Saint-Bauzire. Nous ne connaissons aucune abjuration à Ségur jusqu’en 1701, mais les registres paroissiaux manquent de 1670 à 16922. S’ajoutent les abjurations plus éparses, comme nous l’avons vu pour la période suivant l’édit de Nantes. De même, passé le temps de l’affolement de 1685, 42 abjurent encore entre 1700 et 1720, soit une moyenne de 2 par an. Quant à la paroisse de Ségur dont dépend La Gazelle, ils sont 36 à abjurer entre 1701 et 1716, dont 22 en cette dernière année. Voilà un retard remarquable par rapport au déferlement enregistré ailleurs suite à la proclamation de l’édit de révocation. Les autorités, notamment religieuses, s’en félicitèrent. Le curé de Ségur, par exemple, pouvait inscrire dans le registre paroissial le 8 novembre 1716 : « Ont abjuré la religion de Calvin, qui depuis sa naissance avait duré dans cette paroisse, lesdits religionnaires de ma paroisse sans l’exception d’un seul, après les avoir instruits des principaux dogmes de notre religion, savoir3… » L’intendant d’Auvergne, dans son Mémoire officiel de 1697 sur l’état de la province, se permit d’écrire à propos de la situation religieuse4 :
Cette province a eu le bonheur d’être peu infectée de l’hérésie du dernier siècle : lors de la révocation de l’édit de Nantes il s’y est peu trouvé de religionnaires.
Les villes d’Issoire et de Maringues ont eu autrefois des prêches mais il y a longtemps qu’ils sont détruits et lors de ce dernier édit si glorieux au roy, si avantageux à la religion et si utile au bien de l’État, il n’y avoit pas dans ces deux villes dix familles de la religion prétendue réformée.
Il y en avoit aussy quelques-uns à Ambert, à Marsac et à Job la Tour Gouyon, villes et paroisses de l’eslection d’Issoire et à St Floret, petite bicoque de l’élection de Clermont où ils estoient en plus grand nombre que dans le reste de cette même élection.
Les lieux dont il en est le plus sorty depuis l’édit sont Marsac et Job la Tour Gouyon dont la force et le commerce ont un peu diminué par là.
Il n’y a pas dans Clermont un seul nouveau converty non plus que dans Riom, Montferrand et autres villes du bas pays ; il n’y en a point non plus dans Aurillac et St Flour et il n’y trouva point de huguenots au temps de l’édit quoy qu’il y en ait eu autrefois dans cette dernière ville.
Les éléments examinés jusqu’ici permettent de mesurer la valeur toute relative de ces affirmations, ce qu’avait relevé Abel Poitrineau, l’éditeur du Mémoire. Il est vrai qu’en excluant les « abjurés » et les exilés, la communauté réformée en était réduite à bien peu en cette fin de siècle. Toutefois la question de la sincérité se posa très vite. Le choix pour la plupart des « nouveaux convertis » ou « nouveaux catholiques » était cruellement simple : le double jeu ou l’exil. La double vie qu’ils menaient sur place a été amplement décrite, fondée notamment sur les témoignages des curés qui se heurtaient à la mauvaise volonté de leurs nouvelles ouailles : fréquentation trop irrégulière ou nulle des sacrements, refus de l’extrême onction par un mourant, mauvaise volonté des parents pour envoyer leurs enfants au catéchisme, école discrète ou secrète pour les enfants des convertis, culte célébré clandestinement en famille, etc. Quoique se manifestant de façon très variée, de la soumission feinte à la provocation, la résistance était le lot de ceux qui restaient, même après abjuration. Il a d’ailleurs été montré comment une véritable stratégie s’organisa au sein des familles, notamment chez les agriculteurs : une partie conservant leurs terres moyennant abjuration, tandis qu’une autre se résignait à l’exil dans l’attente de jours meilleurs5.
C’est que les vexations et humiliations se multipliaient, les problèmes juridiques s’y ajoutant. Par exemple le mariage d’un couple n’ayant pas été uni par devant le curé était nul ; l’enfant d’un couple réformé était-il légitime ? Bien des problèmes en découlaient… À partir de 1684 les curés du Velay établirent des listes des chefs de famille non convertis de leur paroisse : il s’en trouve 301 à Saint-Voy-de-Bonnas, tandis que seules 12 abjurations y étaient enregistrées6. Les assemblées étaient interdites tout comme la fuite hors du royaume. L’Auvergne était aussi représentée parmi la chiourme des galères du roi avec 19 condamnés à vie entre 1683 et 1740, dont 6 du Chambon-sur-Lignon7. La résistance de ceux qui demeuraient, appelés « opiniâtres » par les autorités, trouva des formes multiples où l’invention ne manqua pas parfois de s’exprimer.
En réalité, sur le terrain, les convertis se révélaient de bien mauvais catholiques. Le cas de Job s’avère un point névralgique et particulièrement révélateur, comme nous l’apprennent plusieurs procès-verbaux. En 1686 le sergent du lieu, sur ordre, se poste le dimanche 7 mars à la porte de l’église « pour rendre certain ledit sieur procureur d’office du nombre de personnes nouveaux convertis qui se sont trouvés à la grand’messe et à la prédication ; ne s’y sont trouvés de tous ceux de la paroisse que… » douze, dont il donne la liste. Séjournent alors à Job « des pères jésuites envoyés par Sa Majesté pour faire la sainte mission pour l’instruction des nouveaux convertis de la foi prétendue réformée à la catholique apostolique et romaine ». Un rapport du 12 mars relate comment le père Garet, tentant de les persuader « d’assister à la doctrine de catéchisme » se voit répondre par Marie Bourlhonne, fille de Pierre, « qu’elle était assez instruite et que la foi qu’elle professait de paravant était fort bonne et qu’elle n’avait pas le loisir d’assister à davantage [?] de choses ». De là l’officier accompagné du jésuite se rend chez Antoine Champandal, soupçonné de cacher Pierre Pirel « qui s’était rendu fuitif pour se dispenser de faire abjuration comme les autres », mais ils ne trouvèrent que sa femme. Chez Mathieu Clouvet, sa femme leur répondit qu’elle ne savait pas où étaient son beau-père et son mari ; mais, ayant entendu du bruit dans la grange, l’officier rapporte qu’il « aurait fait perquisition dans le foin où j’ai trouvé ledit Antoine Champandal couché et, lui ayant ordonné de se lever pour parler au révérend père et venir à la doctrine, lequel n’a voulu faire aucune réponse mais aurait fait le sourd et muet ». Le 24 mars, autre contrôle au sortir de la messe dominicale : six chefs de famille dûment nommés « et plusieurs autres n’y étaient pas ». Même contrôle le 31 mars à la porte de l’église : le procès-verbal nomme vingt-trois absents. Sur la plainte du curé constatant que des nouveaux convertis « il y en a fort peu qui assistent à la messe, catéchismes et prédications » et le 25 mars, fête d’obligation de l’Annonciation, seuls dix nouveaux convertis se trouvèrent à l’église. Dès lors s’organise le contrôle strict. Entre le dimanche 28 mars et le lundi 5 avril, la mission organisant des réunions quotidiennes à l’église, la liste des présents fut soigneusement établie : leur nombre varia de 2 à 16, mais cette assistance se composait de 12 filles ou femmes8.
Trois ans plus tard, l’intendant ordonne une nouvelle fois de s’informer sur la conduite des nouveaux convertis de Job. Cinq témoins sont alors entendus, dont le curé, Barthélemy Béraud. Il déclare « qu’il n’a vu aucune femme depuis deux ans qui ait assisté et rarement quelque homme de temps en temps ». Le vicaire, quant à lui, déclare qu’Antoine Pirel n’avait pas détourné son chien qui l’agressait alors qu’il portait le viatique à un malade et un autre affirme avoir entendu Marie Bezaud se vantant « qu’on ferait bientôt servir l’église de Job de temple ».
En 1693, nouvelle enquête effectuée sur place par Guillaume Dufourt, avocat en Parlement et bailli du lieu. Huit témoins sont alors convoqués et interrogés séparément, chacun étant rémunéré entre 10 et 15 sols. L’officier du lieu dénonce six habitants nouveaux convertis qui,
au préjudice de la juration par eux faite de l’hérésie calvinienne, des ordres de Sa Majesté, escandale des autres nouveaux convertis, n’assistent nullement aux offices divins qui se célèbrent dans l’église de Job, leur paroisse, non pas même le jour de Noël ni autres jours des dimanches et autres fêtes… Au contraire qu’èsdits jours ils faisaient leur prêche dans leur maison particulière, chantaient et continuent de chanter les psaumes et se servaient des livres de leur hérésie.
Un autre a trouvé dans une maison Suzanne Clouvet lisant un livre hérétique, dont il s’empara et qu’il apporta au curé. Un charpentier dépose qu’il a vu assemblés dix à douze nouveaux convertis pendant plus d’une heure avant la grand’messe le jour du dimanche de saint Loup, fête principale du lieu, « sans qu’il s’aperçut qu’aucun assistât ni à la messe et offices dudit jour ». Deux d’entre eux accusent Pierre Champandal ainsi que Jean et Pierre Pirel d’organiser des voyages en Suisse. Le sergent de Job et un autre témoin nomment quinze nouveaux convertis qu’ils ont vu assemblés sur la place « les jours de dimanches et fêtes pendant les offices de la grand’messe et de vêpres auxquels ils n’ont point assisté ni autres nouveaux convertis depuis longtemps ». Un dernier raconte comment, entrant avec son père chez Pierre Champandal, tous deux le trouvèrent avec huit autres en train de lire dans un gros livre que « ledit Champandal ferma et le poussa à côté de la table et plia quelques lettres qu’il avait devant lui et les mit dans sa poche et sortit en même temps du pain et du beurre et les invita à manger9 ».
Ces divers témoignages, dénonçant au total vingt-cinq habitants de Job, montrent quelques-unes des formes de résistance mises en œuvre par les nouveaux convertis. Ils révèlent que l’abjuration ne fut qu’un artifice pratiqué dans l’urgence et qu’en réalité, au mieux, ils menaient une double vie. En tout cas l’officier du lieu, Jacques Vaissier manifestait son découragement dans sa lettre adressée à l’intendant en juin 1686 :
Il a fait humainement tout ce qu’il a pu pour obliger les habitants nouveaux convertis du village de Pailhat et des autres villages de la paroisse de Job d’exercer la foi catholique apostolique et romaine comme ils avaient promis par leur abjuration d’assister aux offices, prédications, processions et d’accompagner le très St sacrement lorsque les prêtres dudit Job l’apportent aux malades, d’obliger d’y assister aussi et de se trouver aux catéchismes qui se feront par lesdits curés et prêtres dudit Job, à quoi ils ne veulent satisfaire. Au contraire ils s’enfuyent dans des lieux particuliers du bourg dudit Job lorsqu’ils voient venir la procession et la plupart, lorsque la messe commence ; et de même lorsqu’ils voient venir le très St sacrement lorsque les curé et prêtres le portent aux malades.
Les autorités, au premier rang desquelles figure le clergé, espéraient que si la génération actuelle, endurcie dans l’erreur, semblait rétive à une conversion rapide, sincère et massive, la génération suivante pourrait, elle, revenir dans le bercail romain. Aussi se préoccupèrent-elles rapidement du sort de la jeunesse. C’était toucher là à un autre point sensible : l’instruction des enfants, autrement dit l’école. Une lettre du roi adressée dès le 2 mai 1686 à l’intendant Bérulle, attirait son attention sur elle10 :
J’ai été informé que plusieurs nouveaux catholiques négligent d’envoyer leurs enfants aux écoles du lieu de leurs demeures et aux instructions et catéchismes qui sont dans leurs paroisses, en sorte qu’ils pourraient rester sans être instruits de leur religion, s’il n’y était pourvu... Pour vous dire de faire savoir à mes sujets nouveaux catholiques que je désire qu’ils envoient régulièrement leurs enfants aux écoles et aux instructions et catéchismes qui se font dans leurs paroisses et en cas qu’ils y manquent […] que lesdits enfants soient mis […] savoir les garçons dans des collèges et les filles dans des couvents et que leur pension soit payée sur les biens de leurs pères et mères… Et comme il peut y avoir des enfants dans votre département dont les pères et mères de la R.P.R. sont sortis de mon royaume ou qui, après leur abjuration, n’ont pas laissé de se retirer dans les pays étrangers je désire que lesdits enfants soient pareillement mis dans des collèges et des couvents, faisant payer leur pension sur le revenu des biens qui appartenaient à leurs pères et mères et que, s’il ne s’en trouve point, ils soient reçus dans les hôpitaux…
Dans quelle mesure cette injonction fut suivie d’effet, il est difficile de le savoir. Pourtant un témoignage permet de penser que son application devait fortement dépendre des situations locales. Sur ce terrain aussi la résistance pouvait-elle s’organiser ? Malgré sa longueur et quoique unique, la déposition d’un maître d’école en 1715 mérite d’être citée intégralement11 :
Nous soussignés Durand Bellet, régent, précepteur et maistre d’escole du villaige de La Gazelle, paroisse de Ségur diocèse de Clermont en Auvergne, déclarons, certiffions et attestons avoir fait les escoles l’espace de trois ans en ledit villaige où y a deux maisons des religionnaires sçavoir le nommé Gabriel Meynial et la vefve nommée Margueritte Meynial dicte Pleitou, ayant trois garçons et une fille, desquels elle en a envoyé deux en Suise et les autres deux elle a chez elle, les élevant et instruisant à leur R.P.R. Et me les ayant envoyés ces trois années pour leur apprendre à lire et escrire, dès que je venois à faire le catéchisme et prières conformément aux statuts de nostre mère sainte Esglise apostolique et romaine, les enfens de ladite Meynial se retiroient dizant que leur mère leur avoit deffandu d’assister à tel catéchismes et prières. Ledit Gabriel Meynial, qui a six enfans les instruisans et ellevant de mesme que la dite Maynial à la ditte religion P.R.
Lesdits enfent m’ont dit et déclaré que leur père leur faisoit mesmes deffences que ladite Meynial, tellement que tous, que [malgré] les remontrances que leur ai faites n’ont jamais assister aux cathéchisme et prières de l’esglise.
De plus déclare et certifie que le filz ayné dudit Meinial me a advoué plusieurs fois qu’il seroit fort aise de quitter sa religion et embrasser la religion catolique romaine mais qu’il n’osoit à cause de son père et de sa mère luy disant que s’il faisoit cest affront il le déshériteroit et désadvoueroint pour leur enfent. Ce que j’atteste contenir veritté en foy de quoy ay donné et signé mon certificat à Ségur, ce 17e avril 1715. Bellet, maistre d’escolles.
Les deux parties attachaient en effet de l’importance à l’enseignement de la jeunesse. C’est d’ailleurs dans cet esprit que l’État se préoccupa enfin de ce secteur jusque-là laissé aux gens d’Église : Louis XIV, visiblement dans une perspective antiprotestante, rendit obligatoire une école dans chaque paroisse en 1698, aux frais des habitants, avec obligation aux parents d’y envoyer leurs enfants jusqu’à l’âge de quatorze ans. Ce qui explique le comportement de refus ci-dessus et suscita parfois de vives réactions12.
Un autre épisode montre la nervosité des autorités face à la question des nouveaux convertis. Cinq pièces constituent le dossier, toutes établies en 1688. Voici d’abord les faits, tels qu’ils ressortent des procès-verbaux13. Le 9 juillet 1688 un représentant du service des gabelles trouve dans une auberge à La Tuillière, commune de Thiézac (15), deux marchands qui déclarent y être connus pour s’y arrêter souvent. Ils étaient soupçonnés de trafic de sel, cette denrée indispensable étant différemment taxée suivant les provinces ce qui engendrait une importante contrebande14. Mais à défaut de sel le préposé trouva tout autre chose dans les bagages portés par la jument et l’âne des deux hommes. Il jugea l’affaire suffisamment importante pour les arrêter et les conduire avec leur chargement dans la prison de la conciergerie à Brioude. Saisi du dossier, le bailli du lieu, sur commission de l’intendant, ouvrit la procédure. Le 18 juillet il procéda aux interrogatoires dont les procès-verbaux nous sont parvenus. Ce fut d’abord le tour de Jacques Blanc à 15 h, puis celui de Philippe Blanc à 18 h. Ces deux frères, le premier âgé de 30 ans et le second de 42, sont natifs de « la Levée en Pragela, paroisse de la Rua en Dauphiné » – en fait Allevé, près de Rua, commune de Pragelato, dans le val Cluson, l’une des vallées vaudoises des Alpes. Ils font ensemble le commerce de toile et de dentelle, s’approvisionnant à Bordeaux pour la première et au Puy pour la seconde ; leur aire d’activité est le Périgord, l’Agenais et la Gascogne, mais pas les pays étrangers. La veille de leur arrestation ils avaient dîné et logé dans une auberge des faubourgs d’Aurillac et, après une nuit à La Tuillière, ils devaient se rendre au Puy.
Suite à ces informations, l’interrogatoire se concentre sur trois thèmes, suite à l’inventaire de leurs bagages : les armes, l’argent et les livres. Les prévenus n’ont aucune peine à montrer que le sabre et la paire de pistolets d’arçon sont une sécurité dans leur périple, vu l’insécurité des chemins. Les ayant trouvés porteurs de l’importante somme de 3 600 livres tournois en diverses monnaies, le bailli leur en demande la raison : ils allaient au Puy pour payer des dettes, contractées envers des marchands de la ville, se montant à environ 1 900 livres dit l’un, à presque 2 000 dit l’autre. Ce qui est confirmé par deux pièces du dossier : une supplique de deux marchands, agissant au nom de cinq autres, tous du Puy, demandant la levée du séquestre pour que leur soit payée la somme globale de 1 600 livres que leur doivent les deux frères emprisonnés. De fait, la liste détaillée du montant dû à chacun est jointe au dossier, soit au total 1 686 livres. Quant au reste de l’argent, il leur appartient et était destiné à se fournir en dentelle au Puy.
Tout soupçon pesant sur les marchands, outre celui de contrebande du sel, semble donc levé, n’était la découverte de trois Nouveaux Testaments en français qui orienta le bailli sur la piste religieuse. Les deux frères sont, comme leur famille, de la religion prétendue réformée, ce que leur origine laissait prévoir ; ces livres leur appartiennent et sont pour leur usage. Si l’un a été traduit par le père Amelote, prêtre de l’Oratoire, le second contient, outre le Nouveau Testament, les psaumes de David et se vend à Charenton, lieu de culte réformé attribué aux Parisiens avant la Révocation. Quant au troisième, c’est « La Nouvelle Alliance de Notre Seigneur Jésus Christ, reveu et conféré sur le texte grec par les pasteurs et professeurs de Genève, imprimé à Genève par Pierre Chouet ». Ils déclarent ne pas être retournés en leur pays depuis sept ou huit ans, aller au temple avec leur famille quand ils y sont et ne pas être informés des déclarations de Sa Majesté. Depuis ils n’ont fait aucun exercice de la religion réformée. Ils ajoutent qu’ils ont un frère, Étienne, avec lequel ils sont associés, qui vit à Dienne (15) et qui a abjuré deux ou trois ans auparavant mais eux non.
La situation de ces deux sujets protestants rebelles aux ordres royaux de la Révocation aurait suffi à les rendre suspects. Il convenait alors de leur proposer l’abjuration, ce dont nous n’avons aucune trace. Les questions qui leur sont posées ensuite indiquent clairement pourquoi ils ont été arrêtés, incarcérés et interrogés. S’ils reconnaissent avoir trouvé à leur arrivée dans l’auberge trois hommes et trois femmes, ils affirment, en réponse à la question, ne pas les connaître et ne savoir ni de quelle région ni de quelle religion ils étaient. De même ils protestent : ces gens ne devaient pas partir avec eux le lendemain et les deux frères n’avaient pas l’intention « de se retirer avec l’argent à l’étranger », pas plus qu’ils n’étaient chargés de remettre ces 3 600 livres à leurs amis de la R.P.R. ; ils n’avaient pas résolu de s’en aller tous ensemble à l’étranger et ils ne leur servaient pas de guides pour les conduire à Lyon. Non, répond Jacques Blanc, « il n’a pas coutume de faire de grands voyages avec d’autres et de servir de guide » ; d’ailleurs « il n’a commercé ni à l’étranger ni à Genève ». Enfin interrogés sur « une lettre adressée à Haron Lapoughe, gantier à Grenoble, non cachetée » trouvée dans leur bagage, ils la reconnaissent sans fournir d’explication. Nous ignorons le sort réservé à nos deux marchands. Cet épisode montre comment la suspicion s’est installée dans le pays avec, pour les autorités, la traque des protestants non convertis et la hantise de leur fuite à l’étranger.
Pour les gens du pays, partir n’était pas nécessairement une fuite ; ce pouvait être aussi une forme de résistance. D’ailleurs certains, malgré les risques encourus, s’étaient improvisés guides. Un témoin, au cours de l’enquête de 1693, déclarait « avoir veu le nommé Jean Pirel, hoste de Pailhat qui conduisoit des familles entières des nouveaux convertis et leurs hardes hors de France à ce qu’on dit, et avoir ouï dire à Mathieu Dauphin qu’il revenoit de Souisse et que leurs gens se portoient bien ». Et un autre témoin confirmait « qu’ils ont faict et font faire des voyages en Souisse par Pierre Pirel des Chastaniers et Jean Pirel, hoste de Pailhat, qui conduisent la plus part des nouveaux convertis avecq leurs ardes et bagages15 ». Bien des fugitifs considéraient d’ailleurs l’exil comme une solution provisoire. Une fois encore, les situations s’avèrent plus variées et plus complexes qu’il n’y paraît. Ainsi par exemple abjuration et exil n’étaient pas nécessairement contradictoires : quatorze réfugiés auvergnats déclarent avoir abjuré dans leur pays.
Grâce aux chercheurs qui ont travaillé sur le Refuge huguenot, l’accord s’est à peu près fait pour considérer qu’il concerna entre 150 et 180 000 personnes pour un royaume qui comptait alors vingt millions d’habitants. Les conséquences négatives pour la France et positives pour les pays d’accueil (principalement la Suisse, les pays germaniques, les Pays-Bas et l’Angleterre, secondairement les Antilles, l’Afrique du Sud, le Canada) ont été largement exposées16.
Les Auvergnats du Refuge se révèlent relativement nombreux selon les sources publiées17, compte tenu de la faiblesse numérique de leurs communautés : 592, soit 513 hommes et 79 femmes. Pourtant ce nombre ne représente pas l’ensemble des fugitifs. De fait, le secrétaire qui enregistre l’émigré indique, s’il y a lieu, combien de personnes l’accompagnent. Nous sommes dès lors en mesure de mieux apprécier la vague des émigrés venus d’Auvergne. Il apparaît que 506 sont seuls (436 hommes et 70 femmes), les 87 autres étant accompagnés de 2 à 11 personnes. Au total ce n’est pas 600 mais au moins 845 protestants d’Auvergne qui s’exilèrent, nombre minimal car quelquefois il est seulement indiqué « avec ses enfants », auquel cas le minimum de deux a été retenu dans le fichier.
Avant de procéder à l’examen chronologique du flux migratoire, il convient de s’interroger sur la date de leur enregistrement : indique-t-elle bien celle de leur arrivée ? Jusqu’ici la question n’a guère été soulevée. Pourtant une mention portée dans le Livre des habitants de Genève permet de la poser. Le 4 septembre 1572 est enregistré Guillaume Durand, gantier, originaire de Chateldon en Bourbonnais, au diocèse de Clermont. Vu la date, nous pourrions le compter parmi ceux qui ont fui le royaume suite au massacre de la Saint-Barthélemy du 24 août précédent, n’était la mention suivante : « ayant demeuré deux ans ici18 ». Ce réfugié se trouvait donc à Genève depuis 1570. S’agit-il d’une exception que le scribe a jugé bon de signaler vu sa rareté ou au contraire d’un cas plus ou moins ordinaire ? Sauf indication contraire, il nous faut considérer la date donnée comme celle de l’arrivée.
Les 589 réfugiés dont nous connaissons la date où ils sont signalés à l’étranger se répartissent très inégalement dans le temps. Retenons, pour la périodisation, les dates charnières de l’édit de Nantes (1598) et de la Révocation (1685). Ils sont 270 à avoir émigré avant l’édit de Nantes. Les trois premiers se trouvent à Genève en 1549. Mais la surprise vient des 130 qui s’exilèrent dès avant le déclenchement des guerres religieuses en 1562. Puis 58 pour les seuls mois de septembre à décembre 1572, après la Saint-Barthélemy, alors qu’elle n’eut pas lieu en Auvergne. En revanche, comme attendu, entre l’édit de Nantes et sa révocation, seuls 31 réfugiés sont signalés : cette période de 87 ans est celle de l’apaisement malgré les tracas ; le flux migratoire connaît alors son étiage. Avec la Révocation la reprise est d’importance : 288 réfugiés dont les deux derniers en 1765 et 1771. Si le rythme des abjurations et celui de l’émigration ne coïncident pas totalement, ils se recouvrent en bonne partie, les hautes eaux correspondant aux guerres civiles (1562-1598) et à la période du Désert (1685-1787), mais seulement 34 exilés de 1740 à 1771. Les périodes moins fournies correspondant d’une part à celle d’après l’édit de Nantes et, d’autre part, à la détente des Lumières dans la seconde moitié du xviiie siècle. Sans surprise, cette chronologie auvergnate rejoint globalement celle du royaume.
Les pays d’accueil sont répartis très inégalement : 90 % des réfugiés d’Auvergne se sont retrouvés à Genève ; les autres en Allemagne (32), Angleterre (18) et Martinique (10). Si Berlin a accueilli plus de 7 000 réfugiés huguenots, seuls quelque vingt-cinq Auvergnats s’y retrouvent et aucun n’a été signalé en Nouvelle France ou en Afrique du Sud19. Toutefois certains ne s’installent pas ; ils peuvent n’être que de passage. Ainsi le pasteur Pierre Astruc, ministre de La Gazelle en 1684, est à Francfort-sur-le-Main en mars 1687, où il déclare qu’il vient de Suisse et veut aller en Hollande, puis nous le retrouvons en Angleterre en 1691. Voici encore François et Antoine Faucher, laboureurs des Martres-de-Vernières dans la paroisse de Lubilhac, également enregistrés à Francfort, en février 1686, où ils sont malades ; ils arrivent de Suisse, de Schaffhouse où ils ont déjà reçu une aide, et veulent aller à Cassel pour se rendre en Brandebourg ; il leur est accordé un pécule de 3 florins à chacun. M. Magdelaine a montré que Francfort constituait une véritable plaque tournante : la plupart des huguenots ne s’y arrêtaient pas ; ils indiquaient leur destination et bénéficiaient d’un secours pécuniaire pour suivre leur route. Ce fut sans doute aussi le cas à Genève, accablé par la masse des immigrés : 5 617 y arrivèrent pendant les seules trois années 1684-168620. Antoine Préghat, du Broc près d’Issoire, est enregistré à Genève en août 1555 mais se trouve à Lausanne en juin 1563. Anne Croy, de Pailhat, est à Genève en octobre 1687 mais reçoit une aide à Berne en octobre 1694. Combien de ces exilés n’ont-ils fait qu’une halte en la ville ? Cette mobilité concerne aussi des allers-retours que certains n’hésitaient pas à effectuer avec le pays d’origine pour des raisons diverses.
Tous ces Auvergnats, d’où venaient-ils plus précisément ? Pour 146 d’entre eux, nous savons qu’ils viennent de cette province, sans en connaître la paroisse d’origine. Pour 446, nous connaissons leur diocèse d’origine : Clermont en fournit 311, Saint-Flour 65 et Le Puy 48, soit 424 mais en réalité 565 personnes ; une vingtaine d’autres provenaient de diocèses limitrophes. Peut-on aller au-delà en examinant les 108 paroisses concernées ? Nous retrouvons la dispersion de la huguenoterie auvergnate déjà relevée, mais si l’on incluait les fermes et hameaux, la dissémination apparaîtrait encore plus importante. Cet émiettement explique à lui seul le faible effectif immigré provenant d’une même paroisse : sur cette centaine, seules 11 paroisses ont fourni plus de dix réfugiés, le record étant détenu par Job avec 77, suivi par Issoire et Maringues (38 chacun), Thiers (25), Lubilhac (17), Clermont (15), Moulins (14), Saint-Bonnet-le-Chastel (13), Mazet-Saint-Voy (12), Ambert et Le Puy (11). Si quelques villes figurent dans ce classement, d’autres sont à peine représentées : Riom avec 7 émigrés, moins que la paroisse rurale de Ségur-les-Villas (8), puis Aurillac (4), Brioude (2), Saint-Flour (1). Aurions-nous affaire à une émigration rurale plutôt qu’urbaine ?
Robert Mandrou, à partir des registres des habitants de Genève publiés par P.-F. Geisendorf, notait que la profession de 2 247 était connue sur les 4 776 réfugiés et concluait : « la prédominance des artisans est écrasante : 1 536 “gens mécaniques”, contre 275 représentants des professions libérales, 180 marchands et commerçants, 70 nobles, 77 paysans, plus une centaine de “divers” difficiles à classer ». Quelques années plus tard il écrivait encore à propos de la même immigration : « Les paysans n’y tiennent pratiquement pas de place21 ». Ce profil se vérifie-t-il pour le Refuge auvergnat ? Nous connaissons la profession ou l’état de 247 personnes, dont seulement cinq femmes (deux nobles, une fileuse d’or, une revendeuse et une servante), restent donc 242 hommes. Toutefois, avant de les examiner, une question se pose : le métier indiqué était-il celui qu’exerçait le réfugié avant son départ ou bien celui qu’il adopta dans le lieu d’accueil ? Le seul moyen de le vérifier serait de disposer des deux informations. Mais le métier au pays n’est connu que pour 30 hommes émigrés et seulement 12 d’entre eux s’en voient attribuer un à Genève. Il en résulte que 11 ont le même métier, dont 4 ministres et 5 laboureurs. Quant à l’ancien moine, il est devenu musicien, ce qu’il était sans doute déjà avant. Cet échantillon trop étroit ne permet de tirer aucune conclusion. Faute de mieux, nous nous en tiendrons à la profession déclarée.
En y incluant le seul noble et les 11 ministres, 84 réfugiés s’activent dans le domaine des services, tandis que 18 relèvent de l’agriculture et que les artisans se taillent la part du lion avec 140 représentants. Les Églises réformées de cette province, pourtant fortement rurales, auraient donc vu s’exiler surtout les artisans. Il est toutefois permis de s’interroger. Arrêtons-nous par exemple sur les réfugiés de la paroisse de Job, qui fournit le plus gros lot : sur les 62 hommes, le métier est précisé pour 16 : un étudiant, 3 laboureurs et 12 artisans. Or nous avions estimé plus haut que ceux dont la profession n’était pas indiquée étaient très probablement agriculteurs. Dès lors, sur les 62 réfugiés venant de Job 49 seraient paysans, soit les trois quarts. Cette extrapolation est-elle pertinente ? J’en trouve une vérification avec une autre province, à partir des mêmes listes de Geisendorf. Elles nous livrent 79 Provençaux à Genève, venus du Luberon entre 1549 et 1587. Nous savons que cette population, issue de l’immigration vaudoise, était paysanne. Or à Genève seuls deux d’entre eux sont rattachés à un métier de la terre, l’un étant laboureur et l’autre jardinier ; 15 sont artisans et les 64 autres ne se voient attribuer aucun métier. En réalité ils sont tous agriculteurs, car connus comme tels dans leur lieu d’origine Il faut donc les inclure dans la paysannerie, ce qui fait atteindre à ce secteur le taux de 81 %. Se trouve ainsi vérifié ce qui a été établi pour la Provence : à Genève comme dans le Luberon, au xvie comme au xviie siècle, la profession n’est indiquée que lorsqu’elle sort de la condition paysanne commune. Dès lors il conviendrait d’ajouter aux 18 paysans d’Auvergne signalés comme tels les 271 sans profession, ce qui aboutit à 289 agriculteurs, soit une représentation des gens de la terre de 56 % des exilés d’Auvergne. Nous sommes donc loin de la minime part de la paysannerie dans l’exode huguenot, en tout cas pour l’Auvergne et le Luberon, ce qu’il conviendrait de vérifier pour les autres régions où le protestantisme était fortement rural comme les Cévennes ou le Béarn.
Par ailleurs, les Auvergnats sont 84 dans le secteur tertiaire, tandis que les 140 artisans se répartissent en 49 métiers, dont la plupart n’ont que d’un à trois représentants. Les plus nombreux sont les cordonniers (16), les menuisiers (11) ainsi que les couteliers dont 7 sont originaires de Thiers, ville spécialisée dans cet art. Suivent les couturiers ou tailleurs (10), les rubantiers (8), les serruriers (6), les autres comptant chacun moins de 5 membres. En somme, la composition sociologique de l’immigration huguenote d’Auvergne reflète assez bien la situation décrite dans la province avant l’exode : une population moins marquée par les élites et l’appartenance urbaine, à la forte proportion des travailleurs de la terre et de l’artisanat rural.
Cette hémorragie démographique a sans doute constitué une saignée moins importante en Auvergne que dans d’autres régions, comme le Languedoc. S’y ajoute le caractère rural : il est plus difficile de quitter ses terres, l’artisan pouvant plus aisément emporter son outillage. Un échange de courrier entre le ministère et l’intendant d’Auvergne de 1724 nous informe de la situation22. Le 3 octobre Larillière lui écrivait :
Le roi ayant été informé que depuis quelque temps des nouveaux convertis passaient en pays étrangers, que même plusieurs familles avaient débarqué en Angleterre, Sa Majesté […] désire que vous donniez une attention particulière pour empêcher un abus de cette importance et que vous fassiez observer dans votre département les personnes suspectes afin d’en prévenir les suites et elle a donné ses ordres sur les ports de mer et sur les frontières pour que ses déclarations à ce sujet soient exactement observées…
On le voit, quelque quarante ans après la Révocation le problème de l’émigration huguenote restait une préoccupation majeure du pouvoir. Le 9, l’intendant lui répondait : « Je vais examiner secrètement s’il y a ici quelques personnes suspectes… » Une nouvelle lettre du 22 signée du ministre Dodun, alors contrôleur général des finances, attirait encore l’attention de l’intendant sur la question :
Les évêques se plaignent de ce que la dernière déclaration rendue contre les religionnaires n’est pas exécutée de la part des juges ordinaires de la plupart des provinces du royaume avec toute l’exactitude que le zèle qu’ils ont pour la vraie religion leur ferait désirer ; et il me revient d’autre part d’une infinité d’endroits que les dispositions de cette déclaration et la manière rigoureuse dont elle est exécutée par la plupart des tribunaux ont jeté l’alarme dans l’esprit d’une infinité de personnes, qu’il y en a même grand nombre qui ont passé dans le pays étranger. Il est important que je puisse savoir au juste la vérité des faits dans une matière si majeure et qui intéresse si fort le commerce et la police générale du royaume…
Et de demander à l’intendant de vérifier et « indiquer le nombre et la qualité de ceux qui peuvent être sortis de votre département ». La réponse partait aussitôt : « Il n’y a point de religionnaires dans cette province, ainsi je n’ai aucune réponse à vous faire sur la façon dont cette déclaration est exécutée ni sur les inconvénients qu’elle peut avoir ». Mais le 26 un nouveau courrier était adressé au ministre : « J’ai l’honneur de vous envoyer […] les noms des religionnaires qui habitent actuellement dans ce département et vous dirai qu’ils ne font aucun exercice de la religion catholique. Ils sont d’ailleurs fort honnestes gents et je ne sache pas qu’il y aye rien à reprocher à leurs conduites… ».
Ces échanges révèlent d’abord l’aveu d’impuissance d’une administration à faire appliquer les décisions royales et l’inquiétude du pouvoir face à l’émigration qui se poursuivait. Ils montrent aussi l’aspect contradictoire du propos tenu de part et d’autre : le ministre qui déclare à la fois que les tribunaux s’avèrent trop laxistes et que l’application trop rigoureuse de la déclaration royale affole les populations ; l’intendant qui affirme une fois que la province ne compte aucun religionnaire et une autre fois qu’il envoie la liste des religionnaires tout en les déclarant honnêtes gens et de bonne conduite… Ce double discours manifeste l’embarras d’une administration qui se doit d’exécuter les ordres du roi tout en se rendant compte de la difficulté à les appliquer et de ses inconvénients quand elle y parvient. Il est clair qu’avec la régence du duc d’Orléans qui s’achève, les temps ont commencé à changer. D’ailleurs ces lettres ministérielles n’étaient pas particulièrement adaptées à l’Auvergne, qui n’était pas une province frontière et ne présentait aucun caractère qui méritât de s’alarmer. De fait, selon notre fichier, seuls quatre huguenots auraient gagné l’étranger entre janvier 1720 et septembre 1724. Pas de quoi s’inquiéter en octobre !
La période qui suit s’avère plus détendue, même si des retours à des mesures répressives se produisirent ici ou là, suite à la Déclaration de mai 1724, en fonction de l’attitude des autorités locales et du comportement des nouveaux convertis. Ainsi le Velay connut plusieurs années de tranquillité grâce à l’évêque du Puy, François-Charles de Beringhen (1726-1742). Mais la déclaration royale du 16 février 1745 prévoyait encore une amende de 3 000 livres contre les religionnaires des assemblées, une gratification à leur dénonciateur, et condamnaient aux galères perpétuelles ceux qui donnaient asile aux proscrits. Nous en voyons les effets sur place : par exemple en 1749 Le Chambon se vit condamné à deux amendes de 1 000 et 1 500 livres et 309 L. pour les frais, pour deux assemblées tenues les 27 avril et 29 juillet ; de même l’assemblée tenue à Saint-Voy le 22 novembre 1750 fut sanctionnée d’une amende de 1 000 L. et 753 L. de frais et une nouvelle fois de 400 L. pour une assemblée réunie le 3 novembre 1751. C’est que le nouvel évêque du Puy, Jean-Georges Lefranc de Pompignan (1743-1774) manifestait un zèle assuré dans sa lutte contre l’hérésie23. Les pasteurs, de retour, animaient ces assemblées et tenaient dans la clandestinité des registres du Désert notant baptêmes et mariages, dont aucun semble-t-il ne nous est parvenu pour l’Auvergne. En 1769 les trois dernières huguenotes prisonnières étaient libérées de la Tour de Constance à Aigues-Mortes et les deux derniers forçats condamnés pour leur foi en 1745 purent quitter le bagne, la « marine des galères » ayant été supprimée en 1748. Mais la situation restait incertaine avec une législation toujours aussi répressive mais de moins en moins appliquée. Durant ces années les Églises réformées commencèrent à se réorganiser.
C’est que le concept de tolérance, apparu dès le siècle précédent, gagnait peu à peu les esprits. Toutefois la législation royale ne fut modifiée qu’en novembre 1787 avec l’édit « concernant ceux qui ne font pas profession de la religion catholique » dit de tolérance, qui visait en réalité les protestants seuls. C’est une tolérance très restreinte qui leur était accordée, limitée à l’attribution d’un état civil24. La question protestante n’était plus d’importance pour la population si l’on en croit les cahiers de doléances de 1789. En Auvergne, seule la paroisse de Champs (63) aborde le sujet dans son cahier : « La réclamation la plus importante et la plus chère à son cœur est la révocation de l’édit [de 1787] qu’elle désire avec ardeur ». À ses yeux, « le mélange des hérétiques avec les catholiques est trop propre d’altérer peu à peu les vrais principes de la foi et de la vraie religion […]. Une innovation serait un vrai malheur pour toute la nation […]. Ce n’est pas au Tiers mais au clergé qu’il appartient de démontrer la sagesse des lois anciennes25. » Cette position hostile est d’autant plus remarquable que la localité n’est pas située dans une zone protestante et aucun de ses habitants ne figure dans le fichier des réformés. Les autres cahiers d’Auvergne n’abordent même pas la question et celle-ci, à l’échelle du royaume, ne se rencontre que dans 1 % des cahiers.
Ce n’est donc pas la monarchie d’ancien régime qui assura l’intégration légale des protestants dans la nation, mais l’Assemblée Constituante par le vote de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août 1789, notamment en ses articles 10 et 11 :
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
D’ailleurs quinze protestants furent élus aux États généraux. De plus l’Assemblée décréta le 24 décembre 1789 que les protestants jouiraient des droits politiques égaux à ceux des catholiques, leur permettant d’exercer toutes les professions, y compris dans la fonction publique. Et l’année suivante il était arrêté que ceux dont les ancêtres avaient émigré après la Révocation et dont les terres avaient été confisquées étaient invités à revenir et à réclamer leurs biens partout où ils étaient encore entre les mains de l’État. Même si l’application tant de l’égalité que de la restitution des biens allait prendre du temps, le protestantisme était désormais intégré dans le pays. Une nouvelle ère s’ouvrait à ses fidèles.
*
Au terme de ce périple, quel bilan établir ? Le premier fait est que la Réforme atteignit l’Auvergne dès les années 1530, comme la plupart des autres provinces. Mais ici la greffe ne prit pas dans les centres urbains alors qu’elle s’était pourtant implantée à Clermont, à Issoire, à Saint-Flour et au Puy : la majorité des réformés d’Auvergne furent des paysans comme le montre la forte communauté de Pailhat-Job. Le second trait est la dispersion, générale mais particulièrement marquée à Job et La Gazelle. Les protestants se trouvèrent donc dans une situation triplement minoritaire : d’abord dans le royaume comme tous les réformés de France, ensuite dans leur synode, enfin dans leur ville ou village. Il en résulta une faiblesse structurelle à tous points de vue : politique, économique, social.
La singularité des quatre Églises d’Auvergne se marque également sur le plan administratif : l’organisation ecclésiale nationale, comptant quinze provinces synodales dans le royaume, ne savait trop qu’en faire, les rattachant tantôt au Berry et tantôt à la Bourgogne pour finalement opter pour cette dernière province et le colloque de Lyon. Quant aux cinq ou six paroisses du Velay, elles relevaient du synode du Vivarais.
Un autre trait identitaire s’ajoute à ces caractères, relevant de l’onomastique. Sur l’ensemble de la période, considérons les patronymes : 18 ont regroupé plus de dix personnes dont 10 ont été portés au moins par 50 ; cette dizaine à elle seule concerne 78 % des individus : Bourlhonne (116), Benoît (102), Abijon et Issartel (84), Viallon (71), Champandal (63), Croas (56), Clouvet (55), Pirel (53), Fauchet (50). Voilà le résultat d’une homogamie religieuse : les protestants se mariaient entre eux de préférence. Mais l’exclusion n’était pas totale, car des mariages « mixtes » sont attestés, Il est possible et même vraisemblable qu’ils se soient multipliés après la Révocation. Seul un examen des mariages permettrait de vérifier si le constat établi par Élisabeth Labrousse avec les mariages « bigarrés » de Mauvezin se vérifie en Auvergne : pour les habitants de cette petite ville du Gers, changer de confession ce n’était pas franchir l’océan mais seulement traverser la rue26.
De même, les prénoms pouvaient être révélateurs de l’appartenance réformée. L’attribution du prénom revêt une importance toute particulière dans cette société où traditionnellement le nom, souvent celui des parrains ou des grands-parents, était supposé attirer la protection du saint lui-même. Les réformés, ne reconnaissant que Jésus-Christ comme intercesseur, choisirent souvent des prénoms bibliques. Ils donnaient volontiers un nom tiré du Nouveau Testament. C’est le cas pour la moitié des hommes de notre fichier avec, très largement en tête, Jean (239) et Pierre (151) et pour 40 % des femmes, les plus portés étant Marie (60) et Anne (35). Mais ils n’hésitaient pas à puiser également dans l’Ancien Testament, ce qui les différencie nettement du milieu catholique ; 88 hommes et 42 femmes portèrent l’un des 12 noms de garçons et 42 femmes l’un des 4 de filles. Chez les hommes : 31 s’appelaient Isaac, 16 Daniel puis suivent dans l’ordre décroissant Jacob, Abel, Abraham et Samuel, David et Moïse, Jérémie et Josué, Moïse, Benjamin ; chez les femmes : Suzanne (36), Judith (3), Sara (2), Esther (1). Le résultat peut sembler mince puisque 8 % des hommes et 9 % des femmes, dont le prénom est connu, ont porté un prénom vétérotestamentaire. Mais en l’occurrence ce n’est pas tant le nombre qui importe que la présence même de cette nomination. Autant dire que porter tel patronyme joint à tel prénom donnait déjà une indication d’appartenance religieuse.
En fin de compte, quelle est la situation à la fin de la période soit au début du xixe siècle ? Dans les années 1800, Portalis, ministre des cultes, évaluait à 5 300 le nombre de protestants en Haute-Loire, tandis que le Consistoire les estimait à 9 600 et le préfet à 7 700. En 1807 l’annuaire établi pour la France entière par Rabaut le Jeune à partir des informations fournies par les Églises elles-mêmes passe en revue tous les départements : Allier, Cantal et Puy-de-Dôme n’y figurent même pas. Seule la Haute-Loire compte alors une seule Église consistoriale à Saint-Voy, avec cette indication : « La plus grande partie des Réformés de ces régions sont propriétaires et cultivateurs. » Des réformés se trouvent à Saint-Voy, Chambon, Tence, Saint-Jaure, Araule, Champclause, Saint-Front, Chaudeiroles, Fay, Les Vastres. S’il y a deux lieux de culte à Saint-Voy et deux autres au Chambon, « il n’y a aucun édifice pour se rassembler27 ».
Dans l’examen des départements effectué par D. Robert28, l’Allier et le Cantal ne sont toujours pas mentionnés. Quelques années plus tard, dans le Puy-de-Dôme le préfet comptait 110 réformés tandis que la communauté elle-même avançait le nombre de 128 membres ; à Clermont-Ferrand, un petit groupe, constitué à partir de 1827, se plaint des obstacles mis par le maire à lui accorder un statut officiel : le premier service eut lieu le 11 novembre 1827 avec le jeune pasteur Montandon revenu de Genève. Par comparaison, le Gard comptait alors plus de 110 000 protestants. Quant aux temples, aucun n’est signalé dans l’Allier et le Cantal, un seul dans le Puy-de-Dôme en 1830 tandis que la Haute-Loire en compte trois : Le Chambon, inachevé mais utilisé dès 1822 ; Le Mazet-Saint-Voy, inachevé, utilisé dès 1823 ; Les Chazalets, commune des Vastres, inachevé, utilisé à partir de 1825. Le Gard en comptait 102.
En fin de compte, la Réforme se marque ici, dans le temps long, par deux traits majeurs : d’une part la résistance à la répression et d’autre part une érosion continue. Ainsi, à terme, à la question de savoir si le but poursuivi par Louis XIV avait été atteint il peut être répondu : partiellement. En effet, d’une part la communauté réformée, marginalisée, sortit de l’ancien régime considérablement affaiblie et diminuée à la fois par l’émigration et par des abjurations qui, au fil du temps, purent devenir des conversions par assimilation. Mais d’autre part la résistance, sourde et tenace, a maintenu jusqu’à aujourd’hui une minorité protestante à travers épreuves et persécutions.
L’héritage se voit encore dans le petit nombre et la dispersion des réformés de cette région, comme le manifeste l’annuaire de la France protestante de 2020. Il peut se lire aussi dans certains signes plus discrets comme par exemple la situation originale de la commune du Mazet-Saint-Voy qui comptait quelque 1 000 habitants en 1999 : elle ne dispose pas de paroisse catholique. La petite église communale ne ressort pas de l’évêché, elle est gérée par une association, « Les Amis de l’église de Saint-Voy », selon un accord de 1974 entre la commune et les autorités ecclésiastiques. « Cette commune est une des rares – fait unique en France – à ne pas être une paroisse catholique. » Cette originalité prend ses racines au xvie siècle : c’est la seule bourgade du Velay à avoir été autorisée pour le culte en 156329.
Quant à la démarche proposée ici, tout en confirmant globalement des résultats déjà connus, elle a peut-être permis de les nuancer par un abord plus personnalisé tout en prétendant à une perspective plus large sur la communauté protestante de cette région. Les résultats gagneraient certainement en précision dans une approche encore plus concrète si une recherche pouvait entreprendre, par exemple, le dépouillement des liasses d’actes notariés des études d’Ambert, de Job et de Maringues. Le chantier reste ouvert ; les sources existent ; qui s’y lancera ?
____________
1. Charles Micolon de Guérines, « Les abjurations des protestants de la paroisse de Job en Livradois dans les années 1685-1686 », Le Gonfanon, 2001, p. 59-68, p. 282-283.
2. Joël Fouilleron, « La foi gardée. Destin d’une minorité huguenote dans les Hautes Terres d’Auvergne », Le Paysan, Paris : Christian, 1989, p. 269-313.
3. AD Cantal, 346 F 66.
4. Antoine-François de Paule Lefèvre d’Ormesson du Cheray, Mémoire sur l’état de la généralité de Riom en 1697 par A. Poitrineau, Clermont-Ferrand : Institut d’Études du massif Central, 1973, p. 58-59.
5. Sur cette résistance en Auvergne, voir J. Fouilleron, « La vie gardée », art. cit., n. 83 ; M. Boy – T. Remuzon, Les protestants du Livradois, op. cit., n. 11.
6. Gérard Bollon, « La révocation de l’édit de Nantes en Velay oriental », in Les protestants auvergnats au temps de la révocation de l’édit de Nantes, art. cit., n. 2, p. 61-76, p. 69.
7. Gaston Tournier, Les galériens de France et les galériens protestants des xviie et xviiie siècles, rééd. Montpellier : Les Presses du Languedoc, 1984, 2 vol., complété et rectifié par Pierre Rolland, qui a bien voulu me faire bénéficier de son fichier numérique sur les galériens en extrayant les Auvergnats.
8. AD Puy-de-Dôme, 1 C 7 338, n° 6-10.
9. Témoignages : ibid., 1 C 7339, n° 6 (pour 1686), n° 14 (pour 1689), n° 13 (pour 1693).
10. Ibid., 1 C 7338, n° 11.
11. Ibid., 1 G 1660, n° 5, 17 avril 1715.
12. Voir un exemple de refus frontal en Provence : G. Audisio, « Le seuil de l’intolérable pour les Nouveaux Convertis : l’éducation catholique (La Roque-d’Anthéron, 1698) », BSHPF 131 (1985), p. 534-552.
13. AD Puy-de-Dôme, 1 C 7339, n° 2-3, 5-7.
14. Le nord de l’Auvergne était zone rédimée, avec un prix du sel moindre, tandis que le sud, région de Saint-Flour et le Velay relevaient de la petite gabelle et que le Bourbonnais et le Berry connaissaient la grande gabelle ; entre les extrêmes le prix du sel variait de 1 à 6.
15. AD Puy-de-Dôme, 1 C 7339, pièce non numérotée.
16. Sur le refuge en général : Michelle Magdelaine – Rudolf von Thadden, Le Refuge huguenot, Paris : A. Colin, 1985 ; Myriam Yardeni, Le refuge protestant, Paris : PUF, 1985.
17. Par commodité le Refuge en son ensemble est traité ici tant pour le premier, dû aux guerres de religion, que pour le second suite à la Révocation. Paul-F. Geisendorf, Livre des habitants de Genève, op. cit., n. 7 ; Alfred Perrenoud – Geneviève Perret, Livre des habitants de Genève, 1684-1792, Genève – Paris : Droz – Champion, 1985 ; Alfred-Lucien Covelle, Le livre des bourgeois de l’ancienne République de Genève, Genève : Jullien, 1897 ; Émile Piguet, Les dénombrements généraux de réfugiés huguenots au pays de Vaud et à Berne à la fin du xviie siècle, Lausanne : La Concorde, 2 vol., 1934, 1942. F. Reverdin (Reverdy), « Relevé des noms des prosélytes et réfugiés figurant aux registres du Consistoire de Genève », BSHPF 63 (1914), p. 148-162, 244-249 ; 64 (1915), p. 538-560 ; 65 (1916), p. 149-164, 313-324 ; 66 (1917), p. 51-59, 236-254 ; 76 (1927), p. 51-59, 236-254 ; 79 (1930), p. 566-568 ; 81 (1932), p. 288-297, 387-397 ; S. Stelling-Michaud, Le livre du recteur de Genève, 1559-1878, Genève : Droz, 6 vol., 1959-1980 ; Jules Chavannes, « Liste des réfugiés français à Lausanne de juin 1547 à décembre 1574 », BSHPF 21 (1872), p. 463-478 ; Id., Les réfugiés dans le pays de Vaud et particulièrement à Vevey, Lausanne : G. Bridel, 1874 ; M. Magdelaine, Réfugiés d’Auvergne à Francfort-sur-Main, 1685-1695, listing informatique ; A. Veyrassat, « État des réfugiés au pays de Vaud après la Révocation », BSHPF 1924, t. 73/1, p. 120-123 ; Charles Weiss, Histoire des réfugiés protestants français depuis la Révocation de l’édit de Nantes jusqu’à nos jours, Paris : Charpentier, 1853, 2 vol.
18. P.-F. Geisendorf, op. cit., t. 1, p. 3.
19. Émilie Coque, « La provenance des réfugiés huguenots à Berlin », in M. Böhm, J. Häseler, R. Violet (dir.), Huguenotten zwischen Migration und Integration, Berlin : Metropol, 2005, p. 59-68, p. 63 ; Marc-André Bédard, Les protestants en Nouvelle-France, Québec : La Société historique du Québec, Cahiers d’Histoire, n° 31, 1978 ; A. Malan – J. E. Malherbe, Lys van Hugenote wat na die Kaapgekom het. List of Huguenots who came to The Cape, Franschoek, 1996.
20. Genève au temps de la Révocation de l’édit de Nantes (1680-1705), ouvr. coll., Genève – Paris : Droz – Champion, 1985.
21. Robert Mandrou, respectivement : « Les Français hors de France aux xvie et xviie siècles », Annales E.S.C., 1959/4, p. 662-675, p. 665 et « Les Français hors de France », La France et les Français, Paris : Gallimard, La Pléiade, 1972, p. 1520-1564, p. 1531.
22. AD Puy-de-Dôme, 1 C 7340, respectivement n° 9, 10, 13, 14, 11.
23. S. Mours, Le protestantisme en Vivarais et Velay, op. cit., n. 3, p. 355-362.
24. Voir « Actes des journées d’Études sur l’Édit de 1787 », BSHPF 134 (1988).
25. Louis Mazoyer, « La question protestante dans les cahiers des états généraux », BSHPF 80 (1931), p. 41-73, p. 61-62.
26. Élisabeth Labrousse, « Les mariages bigarrés. Unions mixtes en France au xviiie siècle », in L. Poliakov (dir.), Le couple interdit. Entretiens sur le racisme, Paris : Mouton, 1980, p. 159-176.
27. P.-A. Rabaut le Jeune, Annuaire ou répertoire ecclésiastique à l’usage des Églises réformées et protestantes de l’Empire français, Paris : Brasseur, 1807, p. 154-155.
28. Daniel Robert, Les Églises réformées en France (1800-1830), Paris : PUF, 1961.
29. Christian Maillebouis, « L’énigme Bonnefoy de Voisy-de-Bonnas », BSHPF 146 (2000), p. 689-715, p. 689-690.