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Assemblée générale du 10 mai 2021 (reportée en raison de la crise sanitaire)

Rapport moral annuel pour l’année 2020

Isabelle SABATIER

Présidente du Comité de la SHPF

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

Après une année 2019 placée sous le signe des travaux de modernisation de la Bibliothèque, nous avions annoncé pour 2020 un programme culturel renouvelé et une inauguration officielle de la Bibliothèque. L’instauration du premier « confinement » à partir du 17 mars et les différentes mesures de restrictions sanitaires qui ont jalonné l’année ont totalement bouleversé la vie et les projets de la SHPF, à l’instar de toutes les institutions culturelles du pays.

L’inauguration de la Bibliothèque avait été programmée le 24 juin et annoncée aux personnalités officielles dont la présence était souhaitée. Las, le maintien de dispositions sanitaires strictes en juin empêchant de donner à la manifestation l’ampleur souhaitée, le Comité a envisagé un temps son report à l’automne puis en a finalement abandonné le projet devant l’incertitude persistante de la situation. Un nouveau report de l’inauguration plus d’un an après la réouverture de la Bibliothèque n’ayant plus grand sens, le Comité a retenu le principe de son remplacement par un événement marquant auquel serait convié l’ensemble des donateurs qui ont apporté leur soutien à la modernisation de la Bibliothèque.

En attendant, ces derniers ont tous été destinataires de l’excellent dossier réuni par Corinne Gibello-Bernette, « L’aventure de la rénovation de la Bibliothèque du protestantisme français », tiré-à-part de la Revue d’histoire du protestantisme.

« Les Samedis de la SHPF », nouveau cycle de conférences, inauguré à l’automne 2019 avec la conférence du professeur Philippe Taquet consacrée à Georges Cuvier, proposait un programme riche et éclectique pour le premier semestre de 2020 qui a malheureusement dû être écourté. Il nous a tout de même permis d’entendre

— Viviane Rosen-Prest présenter « Cent ans après le Grand Refuge : les paradoxes de la Colonie huguenote de Prusse (1786-1815) »,

— Jacqueline Amphoux et Philippe Thiebaut évoquer à deux voix la figure d’« Émile Gallé protestant », en illustrant leur propos de projections d’œuvres de l’artiste,

— Jean Baubérot, dont la conférence fut reportée à l’automne, présenter en pleine actualité « La Loi de séparation de 1905 : célébrée, méconnue et toujours actuelle. Une œuvre commune de protestants et de libres-penseurs ».

La conférence de Léonard Pouy prévue le 16 mai a été reportée d’un an, tandis que le rapport moral 2019 de la Société qui devait être présenté à cette même séance a été publié dans le numéro 2020/2-3 de la Revue. De même a dû être annulée la conférence que Thérèse Charmasson devait présenter le 21 novembre consacrée à « L’entourage protestant de la marquise Arconati Visconti “bienfaitrice des lettres et des arts” », et aussi de la SHPF.

Venons-en précisément à la Revue de la SHPF.

Sous la précieuse direction d’Hubert Bost, l’équipe rédactionnelle de la Revue d’histoire du protestantisme continue de fonctionner grâce à Céline Borello, Hugues Daussy, Béatrice Voitellier et Valentine Zuber. Cette année elle s’est efforcée d’assurer la publication de travaux originaux sur le protestantisme français et hors de France dans des conditions compliquées par la pandémie.

Ce n’est pas tant le fonctionnement de la Revue, dont la « dématérialisation » est maintenant présente à toutes les étapes – de l’envoi des articles par les auteurs à la correction des épreuves et à l’envoi des tirés-à-part en pdf, en passant par la consultation du comité de lecture – que le bouleversement des habitudes professionnelles des auteurs et des membres de l’équipe rédactionnelle qui a représenté un surcroît de travail et ralenti les échanges.

Cependant, grâce au dévouement de toutes et tous, le tome 5 en trois livraisons dont une double (n° 2-3) a été réalisé, chacun de ces numéros proposant un dossier thématique.

Dans le 1er numéro, sous le titre « “Encore ces maudits livres luthériens”. La réception de Luther en France et en Europe, et les origines de la Réforme », Marianne Carbonnier-Burkard et Frédéric Barbier ont réuni cinq articles issus des journées d’étude organisées en novembre 2018 à l’occasion de l’exposition de la Bibliothèque Mazarine « Maudits livres luthériens », pour laquelle notre Société avait prêté un certain nombre d’ouvrages remarquables.

Dans le n° 2-3, ont été accueillis les actes d’une passionnante journée d’étude organisée à l’EPHE-PSL par Chrystel Bernat et Gilbert Dahan, sur « Les Psaumes dans la culture huguenote. Usages militants, xvie-xviiie siècles ». Les six articles réunis renouvellent ce sujet si emblématique de l’histoire du protestantisme réformé français.

À l’initiative du comité de notre Société, la dernière livraison de la Revue est un numéro qui marque le « Cinquantenaire de la mort de Marc Boegner (1881-1970) ». François Boulet et Patrick Cabanel qui l’ont piloté ont réuni sept contributions complétées d’une chronologie et d’une bibliographie. Le « prétexte » commémoratif permet un regard neuf sur de grandes questions de l’histoire du protestantisme français au xxe siècle, le rapport de Marc Boegner avec le catholicisme, le discours et la position qu’il a entendu tenir face au monde moderne et à l’État.

La dimension internationale – qui est l’un des traits de la ligne éditoriale de la revue, est bien présente, tant à travers certains des sujets abordés que par les langues étrangères de certaines contributions (assorties en ce cas d’un fort résumé en français) : un second article en italien (par Andrea De Pasquale) sur les typographes et libraires d’Italie aux origines de la Réforme ; et un article en anglais de l’historien ukrainien Petro Kotliarov, étudiant les retentissements du sac de Rome de 1525 sur la culture humaniste en Allemagne et notamment chez Mélanchthon.

Enfin, depuis le n° 2-3 de 2020, les articles de la Revue sont munis d’un DOI (Digital Object Identifier) : ce petit code discret, situé en bas à droite de la première page de chaque article, peut être enregistré dans les bases de données bibliographiques comme un lien dynamique avec la page de l’article.

Du côté de la Généalogie, le Centre de généalogie protestante animé avec ardeur par Denis Faure n’a pas relâché le rythme de la publication de ses Cahiers, grâce au dévouement constant d’Elisabeth Escalle. Le comité de lecture a accueilli un nouveau membre, Frédéric Brun Théremin qui a rejoint Eric Bungener, Elisabeth Escalle, Denis Faure, Jean-Claude Garetta et Daniel Thuret. Ainsi ont été publiées des histoires familiales du Refuge huguenot à Berlin et le début d’une longue série d’articles sur l’Institution Keller et ses élèves. Le site de la SHPF permet de prendre connaissance des sommaires des Cahiers de généalogie des cinq dernières années, de consulter en libre accès les numéros antérieurs et aussi de s’abonner en ligne.

Toujours dans la rubrique des publications sous l’égide de la SHPF : le « Dictionnaire biographique des protestants de 1787 à nos jours ». Le tome 2 (lettres D à G) est sorti à l’automne 2020. Publié sous la direction de Patrick Cabanel et d’André Encrevé qui portent ce projet avec talent et détermination depuis tant d’années, entraînant après eux 190 contributrices et contributeurs, ce tome réunit pas moins de 1 300 notices (pour 1 100 au tome 1). Je tiens à exprimer la reconnaissance du Comité à nos deux éminents collègues pour leur engagement.

Cœur battant de la SHPF, la Bibliothèque du Protestantisme Français a vu son fonctionnement prendre un nouveau cours dans cette année 2020. À la fermeture totale durant les deux mois de confinement du printemps a succédé une ouverture restreinte à deux jours par semaine.

Si les lecteurs, de fait, essentiellement parisiens ont ainsi pu continuer d’être accueillis, les chercheurs de province et de l’étranger (nord-américain en particulier) ont manqué à l’appel. Aussi les bibliothécaires ont-elles vu se multiplier les demandes en ligne de recherches et de numérisation de documents (tout ou partie d’ouvrages ou de manuscrits, d’articles du Bulletin…) qui ont finalement représenté une part non négligeable de leur activité. Il conviendra d’engager une réflexion pour encadrer au mieux ce nouveau service en conciliant l’intérêt des chercheurs, le travail du personnel de la bibliothèque et le respect des droits patrimoniaux.

Dans le même temps, les bibliothécaires Martina Gromesova et Sophie Vié ont activement poursuivi les opérations de longue haleine engagées durant les travaux de rénovation : inventaires des fonds d’archives, rétroconversion des inventaires papier des fonds iconographiques, tri et reconditionnement des collections de périodiques et de manuscrits. Elles ont de plus numérisé 380 portraits en haute définition de façon à pouvoir mieux répondre aux fréquentes demandes d’illustration émanant de chercheurs et d’éditeurs et aussi contribuer à l’enrichissement du site du Musée virtuel du Protestantisme.

Autre chantier indispensable à la sauvegarde des collections de la Bibliothèque : au cours de l’été, l’entreprise Filigrane a procédé au dépoussiérage des 20 000 volumes situés au 2e étage du pourtour de la salle de lecture, suivi d’un reconditionnement des ouvrages fragiles par les bibliothécaires. Les volumes des étages inférieurs seront traités pareillement en 2021.

La Bibliothèque a bénéficié d’importants dons de livres, en particulier des héritiers de Pierre Bolle et de Michel Leplay, qui ont pu être triés et traités rapidement grâce à l’aide de nos fidèles bénévoles Mmes Elisabeth Argaud et Marie-Françoise Monge.

Le Comité n’a pu tenir que quatre réunions les 29 janvier, 4 mars, 17 septembre et 12 octobre, les séances des 22 avril, 13 mai, 17 juin et 25 novembre ayant dû être annulées. Trois communications scientifiques ont été entendues : Marianne Carbonnier-Burkard a présenté le 29 janvier quatre lettres autographes de Valentin Conrart nouvellement acquises par la Bibliothèque, où l’on voit l’homme de lettres en fidèle réformé ; Christiane Guttinger a évoqué le 4 mars « La mission en France de l’Église méthodiste épiscopale américaine de 1905 à 1931 » et Corinne Gibello-Bernette a posé le 12 octobre la problématique de la conservation des livres anciens « Vous avez dit rares et précieux ? ».

Le Bureau s’est réuni régulièrement y compris « en distanciel », de façon à assurer le nécessaire suivi de la vie de la Société. Le secrétaire général Jean-Hugues Carbonnier, aidé de François Matter et depuis janvier 2020 de Philippe Clément-Grancourt, trésorier adjoint qui a pris progressivement le relais de François Matter, veillent à la bonne gestion du patrimoine immobilier et à la santé financière de la SHPF, avec d’autant plus de vigilance qu’en cette année 2020 elle a dû supporter la charge budgétaire des travaux de rénovation de la Bibliothèque, en attendant les versements des subventions annoncées. Or, en dépit d’une mobilisation importante des donateurs publics et privés auxquels va toute notre reconnaissance, le bilan financier de l’opération (qui s’est élevée à 1 223 647 €) laisse apparaître, à ce jour, un défaut de financement de 311 000 €. Il est imputable, pour l’essentiel, à la Ville de Paris qui n’a finalement pas été en mesure d’attribuer la subvention d’investissement annoncée. À défaut, elle a indiqué vouloir apporter un soutien pluriannuel à la Bibliothèque, en particulier pour les travaux de conservation et de restauration des collections que la Société va entreprendre dans les années qui viennent.

Autre point de vigilance, l’installation de nouveaux équipements, notamment de climatisation des magasins, occasionne des coûts de maintenance notablement plus élevés, qui alourdissent le budget de fonctionnement de la Bibliothèque.

Place maintenant aux musées placés sous l’égide de la SHPF.

Subissant de plein fouet les répercussions de la pandémie, les musées ont dû adapter leurs conditions d’ouverture au public et les programmes culturels selon les mesures sanitaires en vigueur.

Ouvert avec plus d’un mois de retard (Pâques au lieu de début mars), le musée du Désert a accueilli jusqu’au 1er novembre un public moins nombreux, en l’absence en particulier des visiteurs étrangers et des groupes.

Si le programme des conférences de l’été s’est déroulé dans de bonnes conditions, l’assemblée du Désert dont le thème était « Tout protestant est pape, une bible à la main » a finalement dû être annulée au dernier moment. Le culte présidé par la pasteure Dominique Hernandez, enregistré en plein air mais sans public, a été normalement diffusé sur France Culture et en vidéo sur Youtube. Les allocutions historiques de Michèle Moulin et de Max Engammare ont pu être également suivies sur Youtube, ainsi que le message final du pasteur Pierre Lacoste.

Au musée du Bois-Tiffrais, l’aménagement d’une salle de lecture a permis l’installation en rayons du fonds du pasteur Vincent dûment dépoussiéré. Le musée a par ailleurs bénéficié de dons d’ouvrages rares et d’objets dont des tableaux et minéraux en provenance du fonds Roure-Sarran de Saint-Hippolyte-du-Fort. Seules des visites guidées au cours de deux week-ends ont été assurées. La Fête d’été a dû être annulée.

À Noyon, le musée Calvin a inauguré le 17 septembre une intéressante exposition consacrée à « Charles Letrosne, architecte de la reconstruction », à l’occasion des 90 ans de sa création par la SHPF.

Le 13 octobre s’est tenu à l’hôtel de ville le Comité mixte réunissant les représentants de la SHPF et la nouvelle équipe municipale ; occasion d’une première prise de contact autour du bilan de l’année 2020 et de l’examen du projet scientifique et culturel du musée élaboré autour de la figure de « Calvin réformateur et écrivain », en présence de la conseillère pour les musées de la DRAC Hauts-de-France.

Le XXXVe Colloque des musées protestants, 29e rencontre européenne qui devait se tenir à Sopron en Hongrie fin avril – début mai, sur le thème des « Protestants en Europe centrale », a été annulé. Il est dorénavant reprogrammé pour 2022.

Enfin, je ne peux clore ce propos sans saluer la mémoire de nos amis et collègues disparus ces derniers mois : le pasteur Michel Leplay (en février 2020), le professeur Bernard Cottret (en juillet) et plus récemment le professeur Bernard Roussel (en mars 2021). La Revue a rendu ou va rendre à chacun un juste hommage en rappelant la richesse et l’apport de leurs œuvres. De ces éminentes personnalités, fidèles soutiens de notre Société, de ces amis disparus, nous n’avons pas fini de mesurer les pertes. Leur souvenir nous porte à la reconnaissance et nous incite à revenir à la source des engagements de chacun d’eux, à ce tissage de l’histoire de la mémoire et du présent qui donne tout son sens à notre Société.