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Le consistoire et les femmes, les femmes et le consistoire

L’exemple de la province synodale de Bourgogne au XVIIe siècle

Yves KRUMENACKER

Université de Lyon (Jean Moulin) – UMR 5190 LARHRA

Noémie RECOUS

Agrégée d’histoire

L’histoire des femmes s’est beaucoup développée depuis les années 1960 et 1970, tout d’abord comme une branche de l’histoire sociale avant de s’élargir à d’autres domaines ; puis on s’est demandé dans quelle mesure la différenciation sexuelle a affecté à la fois les hommes et les femmes ; est ainsi apparue, au début des années 1980, l’histoire du genre, distinguant sexe et genre, ce dernier étant un système culturel et évolutif1. Le genre a alors été perçu comme une catégorie d’analyse capable de rendre compte de tout développement historique2. Les études se sont d’abord portées sur la sexualité, puis ont remis en question une illusoire identité féminine pour mettre en valeur des identités multiples, ce qui a permis de définir le concept d’intersectionnalité afin de rendre compte de la simultanéité et du caractère cumulatif de diverses formes de discrimination3. Les différents « tournants » pris par l’historiographie, surtout anglo-saxonne, ces dernières années (linguistic turn, spatial turn, emotional turn, material turn, global turn, etc.) ont tous intégré une perspective de genre. Il s’est donc agi d’étudier le rôle des femmes dans les grands développements historiques et, plus que cela, de se demander si les transformations religieuses et culturelles ont contribué à redéfinir ce qu’est être femme (et donc créé un nouveau système de genre) ou si elles se sont appuyées sur le système de genre en place et n’ont fait que déplacer le rôle, voire seulement l’image, des femmes dans le groupe. L’histoire du protestantisme en a par conséquent été affectée, au risque de révisions historiques douloureuses. Ainsi l’association entre Réforme, modernité, progrès, lutte contre l’obscurantisme, naguère lieux communs de l’historiographie, ne pouvait être que mise à mal si l’on découvrait qu’elle avait abouti à une dégradation de la situation des femmes… Mais est-ce le cas ? Les études se sont multipliées sur le sujet, avec des résultats souvent contradictoires, selon les lieux, les temps et les sources examinées. Dans cet article, nous nous proposons de faire le point sur ce débat et de proposer quelques pistes à partir de documents qui permettent, au moins en partie, d’examiner les rapports de genre au plus près, les registres de consistoire, en nous demandant si la Réforme produit de « nouvelles » femmes ou si elle déplace simplement un peu leurs fonctions.

Femmes et protestantisme

La question de savoir si le protestantisme a eu un effet sur les femmes n’est pas neuve. Dès l’apparition de la Réforme, théologiens et autorités civiles ont accusé ses partisans d’attirer les femmes ou, inversement, celles-ci de séduire leurs maris et leurs enfants. Les historiennes et les historiens ont repris cette interrogation et lui ont donné des réponses très variées. Pour Steven Ozment comme pour Lyndal Roper, le refus du célibat et l’accent mis sur le mariage ont permis un renouveau du patriarcat4, dans la mesure où toute femme est destinée à devenir une épouse soumise à son mari, le chef de famille. L’homme a un droit de correction dont on attend qu’il soit exercé, sans pour autant tomber dans une violence insupportable5. Mais, paradoxalement, alors même qu’on assiste à une réécriture conservatrice du rôle de la femme dans le mariage et dans la famille, l’interdiction de trop fortes violences conjugales aurait permis aux autorités de s’immiscer dans la vie des couples, sapant l’autorité du pater familias au sein de la famille6. En effet, si la monarchie et le patriarcat ont parfois été vus comme un complexe qui se soutient mutuellement7, on peut aussi considérer, à la suite de Max Weber et de Norbert Elias, que l’avènement de l’État moderne se caractérise entre autres par un monopole de la violence légitime, ce qui entre en contradiction avec l’idée d’un renforcement du pouvoir des pères dans les familles sans pour autant entamer la domination masculine et la minoration de la femme dans la société.

Que le patriarcat ait bénéficié de la Réforme est contesté par d’autres chercheuses et chercheurs qui pensent qu’émerge au tournant des xve et xvie siècles la notion de complémentarité de l’homme et de la femme dans le couple8 − ce qui n’exclut totalement ni la subordination ni la violence. Le débat se focalise notamment sur les conceptions de Luther qui aurait établi un véritable partenariat entre homme et femme. Pour garantir la justice, la paix, le bien commun, le patriarcat aurait eu besoin d’être corrigé et transformé grâce à une véritable complicité entre les époux9. Ozment, qui insiste sur l’omnipotence du pater familias, pense que, dans la sphère domestique, la femme a autant de dignité et d’autorité que son mari10. Les épouses n’hésitent d’ailleurs pas à se porter en justice en mettant en avant l’idéal du bon père de famille assidu, soigneux, de sang-froid, pour accuser leurs maris de violence11. Quant à Calvin, il voit dans le couple une entité unique où les partenaires sont complémentaires dans une « égalité différenciée12 », bien que lui-même se soit marié en partie pour se décharger de ses soucis quotidiens et que la compagne idéale qu’il recherchait était une femme humble, discrète, restant à la maison13.

Historiennes et historiens de la tradition calviniste insistent davantage sur le potentiel d’émancipation des femmes permis par la Réforme14 : Jane Dempsey Douglass souligne que la nouvelle doctrine du mariage et le sacerdoce universel vont dans le sens d’une égalité des sexes, Nancy Roelker et Natalie Davis considèrent l’attrait du calvinisme sur les femmes nobles et les urbaines, Barbara Diefendorf montre que les femmes n’hésitent pas à faire des choix confessionnels différents de ceux de leurs maris15 et plusieurs études soulignent leur rôle pendant les guerres de religion16. En France, Janine Garrisson met en avant l’image idéale de l’épouse-mère de famille en s’appuyant sur des représentations et sur des sources littéraires et elle conclut que les femmes protestantes « peuvent beaucoup », même si elles ont été bridées17. Dans cette veine ont été dressés des portraits de femmes qui ont participé au mouvement réformé, telles Jeanne d’Albret, reine de Navarre, dont le destin a été retracé par Nancy Roelker18 ; Catherine de Bourbon, sœur d’Henri IV, dans un livre qui aborde des problématiques plus vastes que le simple souci biographique19 ; Marguerite de Navarre qui, il est vrai, n’a jamais vraiment adhéré à la Réforme20, et bien d’autres, évoquées dans de nombreux articles. Mais toutes ces études concernent surtout des femmes appartenant aux élites.

Pour William Monter, la stricte rigueur morale calviniste a permis d’éliminer le double standard sexuel et a pu ainsi attirer les femmes21. Pourtant les études ne manquent pas pour montrer que, rapidement exclues de toute fonction de prédication publique, mises à part dans les temples sous le regard du ministre, « bénéficiant » quelquefois de séances spéciales de catéchisme adaptées à leur niveau, soupçonnées de rester attachées aux « superstitions » catholiques, les femmes sont aussi très souvent considérées comme coupables dans le cas de délits sexuels22 ; une historienne comme Susan Broomhall considère que, si les femmes peuvent prêcher avec un certain succès dans les débuts de la Réforme, celles qui sont d’humble condition sont par la suite incapables de résister à l’autorité masculine des consistoires23. Une évolution a ainsi pu avoir lieu, sur laquelle insiste aussi Susanna Burghartz qui considère que la Réforme est passée d’une police des mœurs intégrative à une pratique répressive. Se fondant sur l’exemple de Bâle, puis de territoires allemands ou de Suisse germanophone, elle montre que la réhabilitation du mariage a dans un premier temps favorisé l’exercice d’une sexualité « pure », dans le couple marié, en obligeant à tenir les promesses de mariage et en accordant le divorce en cas d’adultère afin de permettre une meilleure union ; mais que, dès la fin du xvie siècle, la répression s’est abattu sur la paillardise, sanctionnant beaucoup plus les femmes à cause des grossesses illégitimes24.

Toutes ces études dressent un tableau nuancé de la diversité des situations qu’ont connues les femmes réformées et permettent de réfléchir aux limites de cette liberté féminine nouvelle que l’on a quelquefois vue ou cru lire dans le message réformé et dans son application. Elles rappellent également que parler de femmes protestantes n’a guère de sens car il y a une diversité d’expériences féminines en fonction du statut social comme de l’ancrage géographique.

On note cependant, à l’issue de ce rapide tableau historiographique, qu’il y a très peu d’études sur les femmes protestantes en France, surtout quand elles sont d’humble condition et qu’elles appartiennent au xviie siècle, moins étudié que la période des guerres de religion ou les lendemains de la Révocation et le Refuge. Cela tient en grande partie au manque de sources : le protestantisme est très minoritaire, les documents sont par conséquent bien moins nombreux que pour les catholiques ; mais l’explication réside aussi dans le fait que ces femmes sont souvent illettrées et ont rarement laissé des témoignages personnels ; d’où l’intérêt de recourir à des sources particulières, les registres des consistoires.

L’histoire des consistoires : un gender turn ?

Les consistoires ont retenu l’attention des historiens depuis déjà environ quatre-vingt-dix ans, mais d’abord dans une optique institutionnelle et juridique, après avoir fait l’objet d’une première approche plus générale25. Ils ont donné lieu, à partir des années 1930, à quelques monographies, souvent assez confessionnelles26, puis ils ont connu un regain d’intérêt grâce au concept de discipline sociale forgé par Gerhard Oestreich pour rendre compte de l’évolution des États modernes27 ; rapproché de l’idée weberienne d’une rationalisation et d’une modernisation de l’État permise par le protestantisme28 et du concept développé dans les années 1980 de confessionnalisation29, il a permis de considérer que le protestantisme, par le biais des consistoires, a joué un rôle fondamental dans l’encadrement disciplinaire des sociétés modernes. Le contrôle social est ainsi apparu comme le produit conjoint de l’action gouvernementale et de la volonté ecclésiale de christianisation des peuples.

Cette approche a été féconde dans les années 1980 et 1990 pour l’Allemagne et les Pays-Bas30, pour la Suisse germanophone (Bâle, Berne, Schaffhouse, les Grisons31), pour l’Écosse32 ainsi que pour Genève, notamment grâce aux nombreux travaux de Robert Kingdon qui, dès 1972, avait proposé une approche quantitative systématique des registres consistoriaux33. En mettant en série les actes, il espérait pouvoir quantifier l’impact et l’évolution de la réforme disciplinaire mise en place par les anciens et pasteurs sur les communautés locales. Cette méthode, poursuivie dans ses travaux ultérieurs, a été reprise dans le domaine français.

Les études sur les consistoires n’y étaient pas totalement inconnues. Il n’est qu’à rappeler le célèbre article d’Élisabeth Labrousse sur le consistoire du Carla qui, malgré une approche très institutionnelle, a montré que les délibérations consistoriales pouvaient permettre d’approcher la piété et la spiritualité des Églises réformées, tout en précisant que le consistoire a un rôle d’arbitre dans l’apaisement des conflits, ce qui empêche d’accéder directement à la ferveur des communautés34. La question de l’autorité des consistoires sur les communautés est posée également un peu plus tard, à propos du Poitou, par Solange Bertheau35.

Mais c’est bien dans la ligne des études quantitatives de Kingdon qu’en 1976, Janine Estèbe et Bernard Vogler ont entrepris, à partir d’un corpus de sept registres consistoriaux, de comparer le fonctionnement des consistoires languedociens et palatins sur une période allant de 1583 à 1599, s’ouvrant ainsi à une dimension internationale36. Ils ont conclu que le calvinisme prôné par les anciens et pasteurs languedociens semblait davantage tourné vers la discipline et la répression des délits, quand le calvinisme des palatins aurait été plus centré sur la doctrine et l’éducation des fidèles. C’est ce type de démarche que Janine Garrisson a réitérée dans sa thèse sur les protestants du Midi, dans laquelle elle a opéré un dépouillement systématique des registres consistoriaux de treize Églises du Languedoc37. Pour elle, l’imposition de la discipline par les consistoires a permis la formation d’un « homme protestant38 ». Dans cette approche quantitative des registres consistoriaux, il convient également de citer les thèses de Philippe Chareyre et de Didier Poton, soutenues respectivement en 1987 et 1988 ; toutes deux montrent que, de tribunal des mœurs, le consistoire se transforme peu à peu en conseil d’administration ecclésiastique39.

Les apports de cette démarche sérielle sont incontestables, malgré les critiques qu’on peut lui faire et que nous évoquerons dans la partie suivante. Notons cependant que ces travaux, contemporains des premières études sur le genre, ne prennent pas réellement en compte les différences homme/femme, alors que l’accent est mis sur le contrôle social et que le genre est censé exprimer des rapports de pouvoir, puisqu’il est, selon J. Scott, « une façon première de signifier des rapports de pouvoir40 ». En fait, un certain nombre de travaux cités précédemment indiquent, à propos des délits, s’ils sont plutôt attribués à des hommes ou à des femmes. D. Poton, notamment, prend soin, dès qu’il analyse une décision particulière du consistoire, de noter dans quelle proportion elle concerne les hommes et les femmes ; mais il ne consacre aucun paragraphe particulier aux femmes. Un an plus tôt, la thèse de Philippe Chareyre ne s’intéressait pas à cette répartition41.

Un des premiers auteurs à vraiment prendre en compte le rôle des femmes dans les communautés protestantes à partir des registres des consistoires est Raymond Mentzer, d’abord dans un article de 1987 où, sans pour autant renoncer à l’analyse quantitative, il propose une étude genrée des délits réprimés par le consistoire42, puis en 2001 où il montre que s’il est indéniable que le discours réformé a renforcé le pouvoir des hommes à travers le mariage et le contrôle de la sexualité des femmes, ces dernières ont, dans une certaine mesure, réussi à créer leur propre espace, dans la sphère privée, notamment après la Révocation, lorsque le foyer était devenu le seul lieu possible de transmission de la foi43. Le livre qu’il a édité en 1994 contient également plusieurs contributions relatives au divorce, à la famille, au contrôle des mœurs44. En 1993, James Watt avait utilisé les registres du consistoire de Genève pour montrer que cette institution se préoccupe tout particulièrement des femmes, considérées comme particulièrement attachées aux rites de l’Église ancienne ; en matière matrimoniale, elle vise à réconcilier les ménages, tout en punissant les violences conjugales « excessives » des hommes, souvent suite à la plainte de leur femme ; mais les femmes battues ne sont qu’exceptionnellement autorisées à se séparer de leur conjoint45. R. Kingdon a lui aussi montré comment les registres du consistoire permettent de mieux étudier les conflits conjugaux et les affaires de mœurs, et, de ce fait, la conception calviniste du mariage46. Une enquête portant sur le xviiie siècle à Lausanne montre que, comme à Genève, les femmes sont nombreuses à comparaître devant le consistoire, qu’elles peuvent difficilement se séparer de leur mari, mais que la conduite sexuelle des hommes est aussi réprimée et que, en cas de grossesse illégitime, une recherche de paternité est systématique47. Il n’y aurait pas de double standard, et, si les femmes doivent rester soumises à leur mari, elles seraient néanmoins relativement protégées. Il en est de même à Neuchâtel où, au xviiie siècle, « les cours de justice deviennent particulièrement des cours de femmes48 », peut-être parce qu’elles trouvent un appui malgré tout dans cette institution, alors qu’elles appartiennent aux couches défavorisées de la société. Le consistoire serait un des rares lieux où elles peuvent parler et accuser un homme. Une synthèse portant sur une vingtaine d’endroits en Allemagne, en France et en Suisse, du xvie au xviiie siècle, suggère que ce sont presque toujours les femmes qui sont majoritaires parmi les plaignants, surtout dans les régions réformées et qu’elles obtiennent satisfaction dans la plupart des cas49. Elles auraient donc l’appui des autorités pour lutter contre la violence masculine ; mais cela signifie aussi qu’il n’y aurait rien là de spécifiquement réformé…

L’élan était donné, on peut parler d’un véritable gender turn dans la mesure où les registres des consistoires apparaissent désormais comme des sources majeures pour l’histoire du genre et où de plus en plus de chercheurs et de chercheuses considèrent que l’approche par le genre est particulièrement appropriée à ce type de source. En 2007, reprenant les résultats de son Ph.D. soutenu huit ans plus tôt, E. Wengler montre que les registres de consistoire permettent de découvrir des interprétations féminines de la Réforme inconnues et niées jusque-là50. En 2009, S. Lipscomb présentait sa thèse fondée sur les registres des consistoires languedociens où elle montrait que les femmes pouvaient résister à l’autorité morale patriarcale. En effet, le système de contrôle dépend des on-dit, de la rumeur publique, ce qui permet aux femmes d’agir sur le consistoire afin de restaurer leur honneur ou de résoudre à leur avantage des conflits d’argent avec leur employeur51. Lipscomb en avait déjà indiqué les principaux éléments dans le colloque d’Avignon de 2007, publié en 2010. Elle peut ainsi interroger les limites de la domination des hommes du consistoire sur les femmes de la communauté et souligner les limites du pouvoir punitif réel de l’instance52. Dans le même colloque Judith Pollmann avance que, contrairement à ce que l’on croit traditionnellement, la discipline ecclésiastique aurait joué un grand rôle dans l’attraction pour l’Église réformée, particulièrement chez les femmes. En effet, elle aurait permis, notamment aux plus vulnérables socialement, les femmes seules, d’allier un cadre nouveau de sociabilité à une sauvegarde de leur honneur53. Mais le plus significatif d’un point de vue historiographique est sans doute le fait que ce colloque de 2007 consacré à la discipline ecclésiastique étudiée à partir des consistoires consacre une partie entière (sur quatre) à la question des femmes. En 2016, M. Robert, dans son étude de la justice consistoriale à Neuchâtel, est attentive à la question des femmes54. Tout dernièrement, S. Lipscomb a repris le dossier languedocien en considérant que les registres de consistoire constituent la meilleure source possible pour étudier les femmes de condition modeste pendant la première modernité, dans une perspective de genre55.

C’est dans cette ligne que nous voudrions examiner la manière dont sont mentionnées les femmes dans les registres des consistoires de la province synodale de Bourgogne. Il s’agit de montrer que ces registres constituent une source particulièrement riche pour étudier les rapports de genre dans les communautés réformées françaises et qu’inversement, leur analyse par le biais de l’histoire du genre peut nous apprendre beaucoup sur le fonctionnement de ces communautés.

Problèmes méthodologiques

Toutes les études préalablement mentionnées reposent sur la fiabilité des faits relatés dans les registres des consistoires. Or en 2002 est paru un article de Judith Pollmann56 qui est venu remettre en cause l’approche quantitative alors dominante. L’autrice a commencé par souligner les problèmes liés à l’interprétation de la mise par écrit de certains délits, qui pour elle n’a pas trait aux attitudes réelles des populations, mais à la manière dont l’Église les envisage, et ceux liés à la définition des catégories de classification pour la quantification. Mais elle a surtout remis en cause la représentativité des sources consistoriales, après avoir comparé le journal d’un ancien d’Utrecht, Arnoldus Buchelius, avec les actes du consistoire de la cité à la même époque ; il apparaît alors que dans 70 % des cas discutés en consistoire, aucune note écrite n’a été réalisée. Or cette sélection extrêmement rigoureuse de l’information ne correspond pas à une volonté de se cantonner aux cas ou aux punitions les plus graves. Bien que les critères de sélection paraissent assez fluctuants, il semblerait que la communauté ait cherché à masquer ou à diminuer les dissensions internes qui pouvaient exister, ainsi qu’à réduire la part des délits commis par les membres de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie. Elle aurait aussi eu tendance à se désintéresser des cas n’impliquant que des femmes.

Ces résultats ont été amplement confirmés lors du colloque de Pau de 200557, entièrement consacré à des questions de méthode, où toutes les contributions ont souligné le caractère extrêmement lacunaire des registres tout en proposant des démarches, des réflexions, des tentatives d’y remédier. Robert Kingdon, en particulier, a tenté de restaurer, avec beaucoup de nuances et de concessions, la validité de l’approche quantitative, en faisant valoir sa richesse dans une perspective genrée, en comparant par exemple les délits reprochés aux hommes et aux femmes58. À Neuchâtel également, la plupart des problèmes n’arrivent pas jusqu’au consistoire et sont réglés directement par les pasteurs ; d’autre part, les registres des consistoires ne font pas mention de toutes les affaires, notamment quand il est question d’« impureté59 ». L’analyse des registres bourguignons permet de supposer que les lacunes sont également importantes. À de nombreuses reprises, on trouve la résolution d’un cas, sans avoir eu vent de l’affaire auparavant. C’est le cas par exemple de Sarah Lambert et Benoît Bels, qui, le 6 avril 1681 à Is, après avoir fait « reconnoissance de leur faute devant le consistoire » et « demandé pardon à Dieu », ont été « reçus à la paix de l’Église et à la participation de la Sainte Cène60 ». On ignore ici la cause de la suspension de la Cène. Parfois, on trouve le début d’une procédure, mais le dénouement manque. On peut alors supposer que le différend a été réglé hors du consistoire, ou que la faute a été reconnue et que la compagnie n’a pas jugé nécessaire d’en rapporter la conclusion. On devine que dans certains cas, après réparation d’une faute et réintégration d’un individu à la communauté, son nom et le rapport concernant sa faute étaient biffés, ou même supprimés des actes. Et que dire du choix des cas qui seront mis par écrit ? Car on peut supposer que pour un cas retranscrit, plusieurs autres ont été réglés sans qu’en demeure la moindre trace écrite. Certains cas ont-ils été jugés plus dignes que d’autres d’être retranscrits ? On est, de toute manière, frappé par la pauvreté des actes : très souvent, le compte rendu d’une séance de consistoire tient en quelques lignes, même dans des registres importants comme celui de Beaune61 ; il semble évident que d’autres points ont été discutés, mais nous n’en avons aucune trace.

La richesse, maintes fois démontrée, des registres de consistoire nous incite néanmoins à en proposer une étude, tout en gardant à l’esprit les réserves émises sur la représentativité des cas transcrits. Si des statistiques sont nécessaires pour montrer que les faits étudiés ne sont pas uniques, il est nécessaire de dépasser l’analyse quantitative en replaçant chaque exemple dans son contexte afin d’essayer d’y déceler des représentations, un symbolisme culturel, des rapports sociaux, à la manière des travaux de micro-histoire. Comme les cas sélectionnés pour cette étude ne sont que ceux traitant directement ou indirectement des femmes, il est évident qu’ils ne représentent qu’une partie de l’ensemble des cas disciplinaires et des conversions ; les femmes sont sous-représentées dans les registres : elles n’apparaissent que dans 83 cas sur l’ensemble des actes des consistoires étudiés. Ces cas n’en demeurent pas moins significatifs, dans la mesure où le consistoire est une institution d’hommes, organisée par des hommes, et qu’ainsi, les femmes ne sont a priori que les objets du contrôle, les enjeux de l’action disciplinaire. En effet, si l’on regarde les motifs d’évocation des femmes dans les actes, il s’agit très largement de questions disciplinaires. Nous entendons ici « disciplinaire » au sens large, c’est-à-dire qu’il peut s’agir à la fois d’un problème ecclésiastique (absence au prêche ou contact avec des catholiques), d’un conflit au sein de la communauté, d’une affaire de violence conjugale, ou tout autre dérive de comportement. La deuxième raison pour laquelle les femmes sont citées en consistoire est celle de la conversion à la foi réformée. Dans une proportion bien plus faible, les femmes sont évoquées dans des affaires économiques (legs, pensions). Enfin, il y a quelques cas où les femmes apparaissent pour des raisons « autres », à savoir des requêtes spécifiques, pour de l’aide par exemple.

Pour la province synodale de Bourgogne, sur laquelle porte la présente étude, on dispose de neuf registres : Pont-de-Veyle (1598-1609)62, Avallon (1602-1620)63, Bourg-en-Bresse (1604-1617)64, Dijon (1607-1613)65, Beaune (1607-1680)66, Noyers-sur-Serein (1619-1641)67, Is-sur-Tille (1627-1685)68, Mirebeau-sur-Bèze (1652-1661)69, Ferney (1607-1685)70. Toutefois, tous ces registres ne se valent ni en densité ni en régularité. Si celui de Bourg-en-Bresse est particulièrement dense et précis pour les treize années qu’il couvre, celui de Beaune est parfois beaucoup plus elliptique et lacunaire, et nous offre moins d’informations bien qu’il s’étende sur soixante-treize années. Quand on a la chance d’avoir un registre couvrant une vaste période, comme celui d’Is-sur-Tille qui par ses dates extrêmes couvre cinquante-huit années, on se trouve toutefois confronté à des lacunes intérieures (des années sont sautées) ou à des passages extrêmement lapidaires. D’autres offrent relativement peu de comptes rendus de séances de consistoire. Pour l’Église d’Avallon, ils sont rares au début du siècle, deviennent ensuite plus réguliers, mais sont loin d’être hebdomadaires : seules treize réunions sont indiquées pour 1615 ; à Noyers, il n’est fait état, pour 1622, que de quatre séances. Pour Dijon, on note vingt-six séances en 1611 et dix-neuf en 1612. On sait que, dans certaines Églises, les consistoires ne siègent que très irrégulièrement71, alors qu’ils devraient se réunir toutes les semaines72, mais il est aussi probable que bien des séances ne fassent pas l’objet d’un compte rendu.

On note que sur les neuf registres dont on dispose, seuls quatre font référence aux années 1650 et suivantes, et trois seulement tirent jusqu’aux années 1680. Le début de la période est donc plus largement représenté dans nos sources. Mais, comme le fait remarquer S. Lipscomb, la fin du xvie et le début du xviie siècle constituent précisément la période pour laquelle nous avons le moins de travaux sur les femmes73. D’autre part, dans nos registres, l’action disciplinaire est beaucoup plus dense sur le début de la période, notamment entre 1598 et 1621, ce qui corrobore les observations faites tant à Nîmes qu’à Saint-Jean-de-Gardonnenque ou ailleurs74.

Les femmes, enjeu de la régulation des mœurs ? l’exemple des consistoires de la province de Bourgogne

Toutes les études montrent que l’action consistoriale s’est nettement orientée vers la « réforme calviniste des mœurs75 », incarnée par la régulation des comportements et par la pacification des relations au sein de la communauté. Le rôle du consistoire est, entre autres, de faire en sorte que l’Église réformée apparaisse comme une communauté sainte afin de rendre à Dieu la gloire qui lui est due ; cela signifie que les péchés visibles, ceux qui donnent lieu à scandale, doivent disparaître. Cela devrait par conséquent nous indiquer ce qui, aux yeux des pasteurs et des anciens, distingue les femmes saintes des pécheresses. D’où la lutte contre la superstition, l’hétérodoxie, les pratiques populaires et l’immoralité.

Dans nos registres, ce sont les « délits liés aux comportements » qui sont les plus nombreux, surtout jusque dans les années 1620. Par cette désignation, on entend tous les écarts de conduite qu’ont pu commettre les femmes de la communauté : danses, fréquentation des comédies sont les griefs les plus fréquents. Les « disputes et querelles » ne sont pas très loin derrière : les conflits de voisinage, ou entre membres de la même famille, voire entre époux sont assez fréquents ; on trouve des femmes victimes du comportement de leurs maris, des femmes battues – victimes, par conséquent, et non coupables. Mais ces cas ne sont pas extrêmement nombreux : on en compte sept, tous dans le registre de Pont-de-Veyle. Tous présentent une similitude : on ne connaît pas le nom, ni même le prénom de la femme battue, désignée seulement par l’expression « sa femme ». Point d’individu donc, mais un rôle social pour faire référence à ces femmes maltraitées. Ce n’est pas tant le mauvais traitement infligé à autrui qui est condamné que l’abus au sein d’une institution aussi sainte que le mariage. Par conséquent, dans trois cas seulement le coupable est censuré, et dans trois autres cas, il n’est question que d’une comparution à venir, sans suite dans les archives. Il semble naturel que la femme soit soumise à l’homme, à charge pour lui de ne pas en abuser. Dans le cas de disputes entre époux (treize cas dans notre corpus), ils sont appelés à se réconcilier, ce qui s’adresse au mari autant qu’à l’épouse, même si c’est souvent l’homme qui est convoqué par le consistoire, et c’est lui qui est sommé de rétablir l’harmonie dans son couple.

Les problèmes liés au mariage, autres que les violences conjugales, occupent une place relativement importante : mariages mixtes (on en trouve dix-sept dans notre corpus) ou mariages célébrés par un prêtre. On trouve également, en plus petit nombre, des actes de « prostitu[tion] en l’idolâtrie et superstition de l’église romaine76 », c’est-à-dire des contacts, hormis dans le cas des mariages, avec les catholiques, ainsi que le fait de délaisser le prêche et/ou d’assister à la messe romaine. Enfin, les « mauvaises conduites sexuelles » sont assez rares. Dans le cas des consistoires bourguignons, il s’agit souvent d’un maître qui a abusé de sa chambrière77 ou d’un homme profitant d’une femme déracinée, et sans attache78, dans tous les cas en situation de vulnérabilité économique et sociale. On peut aussi citer un cas probable d’adultère, celui d’Antoine de Mouy, dénoncé par sa femme en 164479. Un autre adultère est signalé en 1620 à Noyers, mais on ne sait pas comment le consistoire en a eu connaissance80.

Si nos sources ne disent rien des conditions de vie concrètes des domestiques, elles montrent en revanche l’extrême vulnérabilité de ces femmes, soumises au bon vouloir, et parfois à la violence et aux appétits charnels de leurs maître. Leur évocation en consistoire est souvent liée à des cas de chambrières battues ou de suivantes maltraitées. Trois de nos dix chambrières ont été « battu[es] et basté[es]81 », c’est-à-dire frappées, et « traité[es] mal82 », par leur maître ou par un autre homme de la communauté. Mais les cas les plus fréquents sont les outrages et les abus sexuels. On en trouve cinq, soit la moitié des cas impliquant des chambrières ou des suivantes. Parfois même, ces rapports débouchent sur des grossesses, qui viennent encore compliquer la vie de ces femmes. C’est le cas pour quatre de nos cinq chambrières abusées. On peut donner un exemple. L’affaire concerne une dénommée Judith Roullet, de Chatillon, qui, le 2 avril 1616, a été appelée au consistoire car le « commung bruit » l’accuse d’avoir « commis paillardise » avec son ancien maître, Jean Rabuel, et d’être enceinte de lui83. Elle nie totalement les faits et dénonce des « impostures et calomnies », alors qu’elle n’a « jamais heu compagnie charnelle d’homme », une réaction qui renvoie à l’importance de l’honneur qu’est la virginité pour les jeunes femmes non-mariées de l’époque. Malgré cela, elle est suspendue de la Cène, par prévention semble-t-il, la parole d’une chambrière ne faisant pas le poids face à la rumeur. Quelques jours plus tard, le sieur Rabuel comparaît ; lui aussi nie les faits, avec une telle insistance qu’il est renvoyé chez lui faute de preuves. Comparaît ensuite la maîtresse actuelle de la chambrière, nommée La Gacherie, qui prétend « qu’elle n’en savoit rien et qu’elle n’y presnoit garde ». Toutefois, on voit bien le déploiement du processus d’enquête du consistoire, qui cherche à aller au bout de cette affaire. Le 19 juin, Judith Roullet se présente à nouveau au consistoire et déclare que

des environs de Noel elle se seroit abandonnée audict monsieur Rabuel apres avoir esté longuement pratiquée par iceluy et après plusieurs promesses qu’il luy auroit faict de luy donner moyen de la loger et ne la laisser tomber en misere, si que par le moyen de ses frequentes sollicitations et persuasions elle avoit heu depuis ledict temps plusieurs fois compagnie charnelle avec iceluy, mesme qu’elle seroit esté enceinte et se repentoit de s’estre ainsi oubliée et prostitué son honneur audict Rabuel.

Elle est exhortée à repentance. Le sieur Rabuel comparaît de nouveau le 12 juillet, il confesse sa faute et fait preuve de repentance. Il est toutefois déchargé de sa fonction d’ancien et suspendu de la Cène. Il obtient cependant que sa déchéance de la fonction d’ancien ne soit pas officiellement annoncée. Mais la suspension de la Cène des deux coupables est publiquement prononcée le 21 août.

Dans cette histoire, outre la vulnérabilité économique et sociale de la jeune femme qui est patente et le désir de ne pas trop exposer un homme qui est un ancien au moment des faits, on voit la volonté du consistoire de comprendre l’origine du mal, dans une perspective de repentance et de purification de la communauté, mais également comme une mise en scène du processus de vérité qu’il élabore scrupuleusement, confrontant les témoignages et réitérant les comparutions. Il n’y a pas d’acharnement systématique sur la chambrière. Le consistoire ne raisonne pas en termes de justice, ne cherchant pas à trouver qui est coupable, qui est victime, mais en termes de vérité, de morale et de conséquences. Les faits sont là, le « commerce illicite » a eu lieu, la vérité a été trouvée et les coupables mis à l’écart de la sainte Cène pour ne pas souiller de leur faute la perfection de ce moment d’alliance avec le Seigneur : le consistoire a rempli sa mission. Ainsi la théorie selon laquelle les femmes seraient plus nettement frappées par la répression de la « paillardise » ne se vérifie pas ici.

Ce fait n’est pas unique, on le retrouve, presque aux mêmes dates, toujours à Bourg-en-Bresse, avec la mise en cause de Samuel de Truchis, un personnage extrêmement important de cette Église puisqu’il est ancien, au moins entre 1603 et 1610, qu’il la représente aux synodes de 1603, 1604 et 1610, et qu’il est en outre conseiller du roi au siège présidial de Bourg84. Le scandale éclate le 2 avril 1616, mais l’affaire traîne encore plus que dans le cas précédent, alors que sa servante a eu un enfant de lui et qu’on accuse Truchis de l’avoir fait baptiser à l’Église catholique. Ce n’est qu’un an plus tard que les deux accusés sont déclarés apostats et interdits de la Cène. Mais il semble qu’une alliance entre les fautifs se soit créée puisque, malgré de nombreuses injonctions du consistoire, Truchis garde finalement chez lui Philiberte Canivet, sa chambrière ; celle-ci a dû trouver des ressources pour persuader son maître de résister, mais il est possible que sa dépendance envers lui en ait été encore davantage renforcée.

Dans ces cas de « paillardise », on voit que les femmes ne sont pas accusées systématiquement. C’est également vrai pour une servante tombée enceinte à Noyers en 1624 : on accuse son maître qui est admonesté, malgré ses dénégations, et il finit par avouer, ce qui lui vaut une suspension de la Cène, mais sans annonce publique85. Si le déshonneur est, comme précédemment, épargné au coupable, celui-ci est malgré tout sanctionné.

C’est qu’il est nécessaire de défendre le mariage, seule institution autorisant l’exercice légitime de la sexualité, et cette préoccupation n’est pas propre aux protestants : la justice civile cherche, elle aussi, à la même époque et également en Bourgogne, à édifier un ordre social fondé sur le mariage86. De même que les cours royales et le parlement de Dijon, les consistoires ont une vision patriarcale du couple, mais, ainsi qu’on vient de le voir avec l’exemple de Noyers, ils semblent davantage portés à rechercher le père, quand il y a un enfant illégitime, afin de secourir les femmes seules, même si elles sont considérées comme pécheresses.

Dans la plupart des cas, les femmes qui comparaissent devant le consistoire n’y viennent pas spontanément mais y sont convoquées. Dans un peu plus de la moitié des cas, elles sont mentionnées dans le registre en tant que femme, veuve, fille ou sœur de, sans que leur nom ni leur prénom ne soient mentionnés : contrairement aux hommes, elles n’ont pas d’identité propre, simplement un statut social et familial. Mais c’est aussi parce que la faute dont on les accuse n’est pas uniquement le fait d’un individu isolé, il met en cause une famille et un réseau social. Ce sont eux qu’il faut réintégrer dans la communauté. Cet anonymat de nombreuses femmes ainsi que le fait que les sanctions sont relativement peu nombreuses et n’aboutissent que rarement à une excommunication est le signe manifeste que le consistoire a pour tâche première de réconcilier la communauté.

Cela ne se fait pourtant pas sans mal. Dans tous les registres étudiés sauf deux (Noyers-sur-Serin et Mirebeau-sur-Sèze pour lesquels on n’a plus que des fragments), des femmes ont refusé de se présenter au consistoire, alors qu’elles y avaient été convoquées ; parmi elles, des femmes d’ancien ; quelquefois c’est le couple qui désobéit. Les raisons sont diverses : Jeanne Malcarret d’Is-sur-Tille, convoquée en 1682 suite à une plainte déposée contre elle par une dénommée Marie de Lenil, a « fait refus par deux fois de venir au consistoire disant arrogament qu’elle ne vouloit point avoir tant de complaisance87 », manifestant ainsi son refus de l’institution ; la demoiselle de Morande, d’une des grandes familles protestantes de Bourgogne, refuse pour sa part en 1624 de se présenter devant la plupart des membres du consistoire et n’accepte de parler que devant trois d’entre eux88 ; quant à la dame Pompanin, elle est en conflit avec son pasteur, Bollenat, et refuse de comparaître devant un consistoire dont elle pense qu’il lui sera défavorable89. Enfin, le refus de comparaître peut n’être qu’un élément d’un conflit entre des fidèles, entre des parents et des enfants par exemple. Marye Uchard refuse de se présenter alors que c’est sa mère qui l’a fait convoquer, la fille de Moyse Alban refuse de se présenter quand toute sa famille, avec qui elle semble être en conflit, le fait90. Dans ces deux exemples, les querelles familiales semblent jouer davantage qu’une volonté de révolte contre le consistoire. Dans certains cas, celui-ci obtient finalement que la comparution ait lieu ; si ce n’est pas le cas, il sévit, quelquefois durement, car il est atteint dans son autorité.

Ces formes de résistance en rappellent d’autres, celles de femmes qui acceptent de comparaître, mais sont très souvent convoquées, comme si elles faisaient peu de cas des décisions du consistoire, telles les sœurs Thévenin, qui se retrouvent régulièrement devant le consistoire de Bourg entre 1606 et 161691. Il semble y avoir une certaine impuissance des consistoires, due à un décalage entre puissance symbolique et religieuse d’une part, impuissance juridique de l’autre. Réformer la société sans pouvoir user de moyens réellement coercitifs ou répressifs est en effet leur lot.

Mais, au lieu de s’interroger en termes d’impuissance et de limites, il est peut-être plus intéressant de regarder les choses en termes de négociation, de reconnaissance mutuelle entre les partis et d’interdépendance. Car un pouvoir, aussi répressif et autoritaire qu’il puisse être (et ce n’est pas vraiment le cas des consistoires), ne tire sa légitimité et ne se maintient que grâce à une forme d’acceptation et de reconnaissance de son autorité par celles et ceux sur lesquels il l’exerce. Tout pouvoir est le fruit d’un consensus. Ainsi, se dégagent certaines marges de manœuvre : certaines femmes ont joué le jeu du consistoire, reconnaissant son pouvoir et acceptant d’y comparaître quand elles y étaient convoquées, mais elles ont aussi pu continuer à agir selon leurs habitudes, et de ce fait, relativiser ce pouvoir. C’est à l’échelle individuelle que semble s’être joué ce rapport.

Une certaine agentivité féminine

Ces observations nous amènent à nous intéresser davantage aux réactions des femmes. Les historiens et historiennes du genre recourent beaucoup au terme d’agency, à la suite notamment de Judith Butler. Traduit en français par le néologisme d’agentivité, ce concept exprime la capacité à être agent actif de sa propre vie, en particulier dans un système qui met en situation de subordination. Il semble par conséquent bien approprié à la situation de femmes prises dans un système très largement patriarcal.

Toutes les femmes ne sont pas convoquées devant le consistoire, certaines y vont d’elles-mêmes, sans qu’on puisse vraiment le quantifier. Certaines y ont recours pour faciliter un mariage. À Pont-de-Veyle, le 1er mai 1599, se présente une jeune fille âgée de douze ans seulement, demandant à être mariée à un homme, sous prétexte qu’elle n’avait « que sa mère sans autre frere ni curateur92 ». Le consistoire, l’ayant « trouvée incapable », repousse la requête d’un an, préférant attendre que la jeune fille soit « capable ». Elle obtient cependant gain de cause, même si c’est avec retard. À Avallon, en janvier 1620, un homme demande la bénédiction de son mariage, affirmant que les bans ont été publiés en Touraine et en Berry ; les tantes de la demoiselle se présentent également au consistoire afin d’appuyer la demande, précisant que « pour grande cause qu’elle a desduite, elle avait sujet de désirer que le mariage s’accomplisse93 ». L’autorisation est accordée quelques jours plus tard. Ainsi, que ce soit pour remédier à la précarité d’une très jeune fille ou pour protéger l’honneur d’une jeune femme, le recours au consistoire permet de s’affranchir des règles d’âge minimal au mariage ou de moralité. Plus ambigu est le cas de la « fille papiste » nommée la Claude qui se présente au consistoire le 17 février 1608, se plaignant que le soldat Claude Mathis dit la Violette, fiancé avec elle et signataire d’un contrat de mariage, « ne tenait compte de la vouloir espouser ». Interrogé sur ce refus, le soldat répond qu’elle est « pute et paillarde publique ». On ne connaît pas l’issue de ce cas, pour lequel le consistoire semble convaincu de la culpabilité de la femme. Il s’impose néanmoins un délai de quinze jours de réflexion, et requiert la présentation de preuves venant avaliser les dires du soldat, assurant son rôle de justice avec sérieux et une certaine volonté d’équité94. Il accepte en tout cas plus facilement que les cours civiles une telle demande féminine, qui plus est d’une femme papiste95. Une autre histoire de mariage permet d’aller plus loin : le 4 juin 1609, à Bourg-en-Bresse, Marianne Guarré s’oppose à l’union de Claude Choireau et d’une autre femme, affirmant que celui-ci lui avait fait une promesse de mariage ; bien qu’il dise qu’il s’est détourné de ladite Marianne parce qu’elle « estoit visitée par plusieurs jeunes hommes », le consistoire se sent obligé de statuer sur le cas et n’autorise le mariage qu’après avoir obtenu que Marianne se rétracte96. On voit bien ici le pouvoir que peut avoir une femme pour faire respecter ses intérêts et la volonté consistoriale, qui finalement l’emporte dans ce cas, de réconcilier la communauté au profit d’un homme.

D’autres femmes se présentent avec des requêtes diverses. On trouve en 1644 un cas de femme déposant plainte contre son mari, mais on en ignore la cause, et on sait simplement que cela a entraîné la comparution dudit mari et une repentance de sa part97. À Bourg, le 6 mars 1608,

s’est présentée la veuve de mestre Antoyne Laloysie, ledict vivant maistre tailleur et soldat dans la citadelle, requerant messieurs du consistoire, d’autant qu’elle estoit pauvre et indigente, qu’elle avoit un fils qui avoit quelques connoissances de lire et escrire, il plut a messieurs du consistoire par charité chrestienne des deniers provenant des aumones voulloir payer au maistre d’ecolle les moys de son fils pour chacun des mois, ce que luy a été accordé98.

En 1650, deux jeunes femmes accusent un ancien d’Is-sur-Tille, La Roque, de les avoir « solicitées à paillardise à plusieurs diverses fois99 » ; il est condamné (mais aussi pour des insultes envers le pasteur et des violences). Ce type de plaintes par des femmes n’est pas propre à la Bourgogne ; on en trouve également à Genève, à Lausanne, à Neuchâtel, en Allemagne, en Languedoc100 ou dans la principauté d’Orange101. Pour les femmes d’humble condition notamment, le consistoire est un moyen de se plaindre d’employeurs injustes, de contrecarrer des stratégies matrimoniales, de poursuivre des prédateurs sexuels ou des maris violents102.

Une autre manière d’agir sur le consistoire est d’y imposer des affaires. Il s’appuie en effet souvent sur des rumeurs : c’est, on l’a vu, un « commung bruit » qui accuse Judith Roullet de paillardise ; ce sont « certains bruits » qui amènent un homme à comparaître, après avoir abusé d’une fille, ce qui le contraint de « passer un contrat de mariage pour se libérer de la prison103 ». De qui émanent les rumeurs ? S. Lipscomb montre de manière très convaincante qu’elles proviennent la plupart du temps de femmes, au moins pour le Languedoc des xvie-xviie siècles104. Ce serait assez compréhensible si l’on estime, comme le pense J. Pollmann, que la communauté réformée permet d’intégrer socialement des femmes vulnérables et de défendre leur réputation grâce à un haut standard de morale sexuelle105. Elles chercheraient à préserver ce cadre en dénonçant celles et ceux qui le menacent, ou en se disputant contre celles qui, à leurs yeux, ont une conduite « immorale », comme on en a peut-être un exemple avec Jeanne Josfard et Murielle Solon à Pont-de-Veyle en 1600 (mais on ignore la cause exacte de la dispute)106. Faute de sources, il paraît cependant difficile d’affirmer, pour le cas de la Bourgogne, l’existence et la puissance d’un groupe des femmes à la base du système de la rumeur et du « on-dit » sur lequel s’appuierait le consistoire pour enquêter sur les mœurs. Si les femmes ont bien propagé des rumeurs, ce ne peut être qu’à l’échelle individuelle que s’est joué ce rapport, comme lorsque la dame Pompanin tient « quelques parolles en plusieurs compagnies » contre le ministre Bollenat107. Gardons-nous donc d’affirmations trop rapides, d’autant que d’autres études, portant sur l’Allemagne, l’Angleterre ou sur le Paris du xviiie siècle concluent que les rumeurs sont propagées autant par les hommes que par les femmes108.

Ces exemples sont peu nombreux, car nos registres sont assez laconiques et, contrairement à ceux de Nîmes, ne donnent pas de détails sur les affaires traitées ; ils n’indiquent généralement pas non plus qui a fait venir le cas devant le consistoire. On peut néanmoins constater que les femmes ont pu trouver une forme d’assistance auprès du consistoire et des autres membres de la communauté, soit en allant se plaindre, soit grâce à un traitement des cas centré davantage sur la recherche de vérité que sur des préjugés négatifs à leur encontre (même s’ils ne sont pas totalement absents).

Le consistoire n’apparaît donc pas comme un tribunal systématiquement défavorable aux femmes, qui peuvent même s’en servir pour appuyer leurs demandes. Mais cela suppose pour elles d’appartenir à la communauté, ce qui ne va pas sans contrepartie. L’autorité du consistoire doit être reconnue par celles qui acceptent de comparaître devant lui, de témoigner, et dans le meilleur des cas, de se repentir. Le projet de forger des communautés saintes, reflétant un ordre divin dans lequel chaque genre a sa place doit être accepté. Mais comme dans tout rapport de pouvoir, les résistances existent, ainsi que la négociation. Les interactions entre les femmes et le consistoire sont ainsi beaucoup plus nombreuses et variées qu’un simple rapport de domination et de répression.

La comparution devant le consistoire donne aux femmes huguenotes une identité nouvelle : celle de membre responsable, intégré à une entité englobante. Responsables, elles le sont de leur famille, en théorie à égalité avec leur époux, même si l’autorité du paterfamilias est très forte. Elles le sont de leur propre personne, qu’il faut rendre digne du salut accordé par Dieu. Mais, pour une part, elles sont aussi et surtout responsables de la communauté. Car, si le projet protestant est la création sur terre d’une communauté en état de pureté, unie à son Créateur, le rapport n’est plus tant vertical qu’horizontal, puisqu’il relie l’individu à ses semblables : le consistoire n’est plus une autorité répressive de contrôle moral, mais l’incarnation même de la communauté, de cette entité collective dont chacun dépend et qui dépend de chacun. L’originalité protestante a davantage résidé dans le caractère non genré, au moins en théorie, de la foi et de la pratique religieuse. La femme comparaissant devant le consistoire n’est pas renvoyée à sa « nature de femme », mais bien à son statut de croyante appartenant à un tout duquel elle dépend et participe à la fois. De ce fait, en dépit de tous les préjugés sexistes que peuvent avoir de nombreux hommes de la communauté, les décisions consistoriales peuvent être en sa faveur. L’appel à la discipline peut permettre de lutter contre les abus masculins, et si les hommes restent au pouvoir dans le consistoire, l’esprit même de l’institution permet aux femmes de bénéficier de certains espaces de liberté et de pouvoir. Le combat n’est pas aisé. Il semble bien que, dans les délits sexuels, elles sont plus facilement soupçonnées et que les jugements des consistoires sont souvent en leur défaveur109. Mais le devoir que se donne le consistoire de rétablir la pureté de la communauté lui impose de châtier aussi les péchés masculins, dès lors qu’ils lui sont connus, car il en va de l’honneur dû à Dieu.

Moins qu’un « tribunal des mœurs », comme on l’a longtemps défini en se situant dans une problématique de la disciplinarisation de la société110, le consistoire apparaît, d’après nos sources et en examinant le sort complexe réservé aux femmes et aux hommes, comme une « institution éducative111 », purificatrice plus que répressive. La promesse de vivre en bonne amitié, en bons chrétiens, que l’on trouve souvent pour clore un cas, ainsi que la reconnaissance publique de la faute, qu’on peut analyser comme une cérémonie de réintégration dans la communauté des fidèles, fortifiant la « paix de l’église », nous semblent des indices allant dans ce sens. On a vu d’autre part que le consistoire avait pu faire office d’instance de recours locale pour les populations réformées (et même papistes comme l’a montré le cas de la dénommée Claude), et notamment pour les individus les plus socialement vulnérables comme les femmes. On est ici assez éloigné de l’institution répressive de contrôle et d’acculturation forcée.

Cela ne signifie bien entendu pas que le consistoire se situe en marge de la société. Composé d’hommes issus des élites locales, il respecte les hiérarchies sociales. Les femmes qui appartiennent à ce milieu, qui font des dons ou des legs aux Églises, qui entretiennent un pasteur, ont davantage de pouvoir que les autres. Ainsi, en septembre 1612, la demoiselle d’Arcy obtient que le pasteur Bollenat aille distribuer la Cène à une personne malade, chez elle, ce qui est contraire à la Discipline112. Les actes des synodes provinciaux montrent que ces femmes sont très impliquées dans les affaires des Églises réformées113. En revanche, les registres des consistoires font partie des rares sources permettant de connaître celles qui sont de milieu plus humble, et donc de pénétrer dans le quotidien des rapports entre hommes et femmes.

Les hommes du consistoire ne contestent pas non plus la domination masculine sur l’ensemble de la société, ni même celle du père de famille au sein de son foyer. Mais, en voulant faire respecter un ordre divin, ils permettent à des femmes ordinaires d’altérer les rapports de pouvoir, de domination, les relations internes à ce système dans l’ordre familial et de la morale privée et, finalement, peut-être, de le fragiliser. C’est du moins une des hypothèses que permet l’étude des consistoires par le prisme de l’histoire du genre.

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1. Un bon aperçu de l’évolution historiographique est donné par Merry E. Wiesner-Hanks, « Introduction », Women and Gender in Early Modern Europe, Cambridge, 2019 (4e édition), p. 1-21.

2. Joan Scott, « Gender : A Useful Category of Historical Analysis », American Historical Review, 91-5 (1986), p. 1053-1075 (traduit en français : « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les cahiers du GRIF, 37-38 (1988), p. 125-153). Voir aussi la discussion collective : « Forum : Revisiting Gender : A Useful Category of Historical Analysis », American Historical Review, 113-5 (2008), p. 1344-1430.

3. Kimberlé Crenshaw, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex : A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », University of Chicago Legal Forum, 1989, p. 139-167 ; à l’origine, il s’agit de désigner une discrimination fondée à la fois sur le racisme et le sexisme, mais le concept s’est ensuite considérablement élargi.

4. « Patriarcat » est utilisé ici dans son usage traditionnel, c’est-à-dire une forme historique d’organisation sociale fondée sur le pouvoir du père de famille. Sur les évolutions du sens de ce terme, et en particulier sur son réinvestissement par les mouvements féministes des années 1970, voir notamment Marc Calvini-Lefebvre, « “On ne peut pas empêcher les concepts de voyager” : un entretien avec Christine Delphy », Revue Française de Civilisation Britannique [en ligne], XXIII-1 | 2018 ; voir aussi le dossier « Controverse : dépassé le patriarcat ? », dans la revue Travail, genre et sociétés, n° 38 (2017), p. 171-199.

5. Steven Ozment, When Fathers Ruled. Family Life in Reformation Europe, Cambridge, Mass. – Londres : Harvard University Press, 1983 ; Lyndal Roper, The Holy Household. Women and Morals in Reformation Augsburg, Oxford : Clarendon, 1989.

6. L. Roper, The Holy Household, op. cit., p. 167-168.

7. Lawrence Stone, The Family, Sex and Marriage in England, 1500-1800, Londres : Weidenfeld & Nicolson, 1979, p. 150.

8. Voir dans Heide Wunder – Christina Vanja (éd.), Wandel der Geschlechterbeziehungen zu Beginn der Neuzeit, Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 1991, les contributions d’Heide Wunder, « Überlegungen zum Wandel der Geschlechterbeziehungen im 15. und 16. Jahrhundert aus sozialgeschichtlicher Sicht », p. 12-26, et de Maria Müller, « Naturwesen Mann. Zur Dialektik von Herrschaft und Knechtschaft in Ehelehren der Frühen Neuzeit », p. 43-68.

9. Luise Schorn-Schütte, « „Gefährtin“ und „Mitregentin“. Zur Sozialgeschichte der evangelischen Pfarrfrau in der frühen Neuzeit », in H. Wunder – C. Vanja (éd.), Wandel der Geschlechterbeziehungen, op. cit., p. 109-153 et, de manière générale, les nombreux travaux de cette autrice sur les couples pastoraux.

10. S. Ozment, When Fathers Ruled, op. cit., p. 50-51.

11. David Warren Sabean, Property, Production, and Family in Neckarhausen, 1700-1870, New York : Cambridge University Press, 1990.

12. André Biéler, L’homme et la femme dans la morale calviniste, Genève : Labor et Fides, 1963, p. 36.

13. Yves Krumenacker, Calvin, au-delà des légendes, Paris : Bayard, 2009, p. 206 et 523.

14. Une bonne synthèse sur l’historiographie des femmes dans la Réforme française, avec de nombreuses références bibliographiques : Amanda Eurich, « Women in the Huguenot Community », in Raymond A. Mentzer – Bertrand Van Ruymbeke (dir.), A Companion to the Huguenots, Leyde : Brill, 2016, p. 118-149.

15. Jane D. Douglass, « Women and the Continental Reformation », in Rosemary Ruether (éd.), Religion and Sexism : Image of Woman in the Jewish and Christian Traditions, New York : Simon and Schuster, 1974, p. 292-318 ; Nancy Roelker, « The Role of Noblewomen in the French Reformation », Archiv für Reformationsgeschichte, 64 (1972), p. 168-195 ; Natalie Davis, « City Women and Religious Change », in Ead., Society and Culture in Early Modern France, Stanford : Stanford University Press, 1975, p. 65-95 ; Barbara B. Diefendorf, « Les divisions religieuses dans les familles parisiennes avant la Saint-Barthélemy », Histoire, économie et société, 7,1 (1988), p. 55-77 et « Houses Divided : Religious Schism in Sixteenth-Century Parisian Families », in Susan Zimmerman – Ronald Weissman (éd.), Urban Life in the Renaissance, Newark : University of Delaware Press, 1989, p. 80-99. Voir aussi, en français, Liliane Crété, Le protestantisme et les femmes : aux origines de l’émancipation, Genève : Labor et Fides, 1999.

16. Eliane Viennot, « Les femmes dans les “troubles” du xvie siècle », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 5 (1997), p. 79-96 ; Susan Broomhall, Women and Religion in Sixteenth-century France, Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2005.

17. Janine Garrisson, « La femme protestante : de la modération au dépassement », in Ead., L’Homme protestant, Paris : Hachette, 1980, p. 135-162.

18. Nancy Roelker, Queen of Navarre : Jeanne d’Albret 1528-1572, Cambridge : Harvard University Press, 1972 (trad. française : Jeanne d’Albret, reine de Navarre (1528-1572), Paris : Imprimerie Nationale, 1979).

19. Marie-Hélène Grintchenko, Catherine de Bourbon (1559-1604), Paris : Honoré Champion, 2009.

20. Jonathan A. Reid, King’s Sister – Queen of Dissent. Marguerite of Navarre (1492-1549) and her Evangelical Network, Leyde : Brill, 2009.

21. William Monter, « Women in Calvinist Geneva (1550-1800) », Signs, 6 (1980), p. 189-209.

22. Suzannah Lipscomb, « Refractory Women : The Limits of Power in the French Reformed Church », in Raymond A. Mentzer – Françoise Moreil – Philippe Chareyre (éd.), Dire l’interdit. The Vocabulary of Censure and Exclusion in the Early Modern Reformed Tradition, Leyde : Brill, 2010, p. 13-20.

23. S. Broomhall, Women and Religion, op. cit.

24. Susanna Burghartz, Zeiten der Reinheit. Orte der Unzucht : Ehe und Sexualität in Basel während der frühen Neuzeit, Paderborn : Schöningh, 1999 ; « Ordering Discourse and Society : Moral Politics, Marriage, and Fornication during the Reformation and the Confessionalization Process in Germany and Switzerland », in Hermann Roodenburg – Peter Spierenburg (éd.), Social Control in Europe, 1500-1800, Columbus : Ohio State University Press, 2004, t. 1, p. 79-98 ; « Ordonner le discours, ordonner la société ? Structures et évolution de la politique morale et consistoriale en Suisse et en Allemagne au temps de la Réforme et de la Contre-Réforme », in Danièle Tosato-Rigo – Nicole Staremberg Goy (éd.), Sous l’œil du Consistoire. Sources consistoriales et histoire du contrôle social sous l’Ancien Régime, Lausanne : Études de Lettres, 2004, p. 29-40.

25. On considère habituellement que Walther Köhler, Zürcher Ehegericht und Genfer Konsistorium, Leipzig : Verlag von M. Heinsius Nachfolger, 2 vol., 1932-1942, est la première étude importante sur les consistoires. Mais Paul de Felice, Les protestants d’autrefois : vie intérieure des Églises, mœurs et usages, Paris : Fischbacher, 4 vol., 1896-1902, utilise déjà beaucoup les registres de consistoire et, dans le 3e volume, étudie leur fonctionnement.

26. Quelques références dans R. A. Mentzer, Les registres des consistoires des Églises réformées de France – xvie-xviie siècles. Un inventaire, Genève : Droz, 2014, p. 53-55.

27. Gert Oestreich, Geist und Gestalt des frühmodernen Staates, Berlin : Duncker & Humblot, 1969, p. 179-197.

28. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais, éd. trad. et présentée par J.-P. Gossein, Paris : Gallimard, 2003.

29. Les textes fondateurs de Reinhard et Schilling sur ce concept sont : Wolfgang Reinhard, « Konfession und Konfessionalisierung in Europe », in Id., Bekenntnis und Geschichte. Die Confessio Augustina im historischen Zusammenhang, Ringvorlesung der Universität Augsburg im Jubiläumsjahr 1980, Augsbourg : Vogel, 1981, p. 165-189, et Heinz Schilling, Konfessionskonflikt und Staatsbildung. Eine Fallstudie über das Verhältnis von religiösem und sozialem Wandel in der Frühneuzeit am Beispiel der Grafschaft Lippe, Güttersloh : « Quellen und Forschungen zur Reformationsgeschichte », 1981. Pour une évaluation récente : Olivier Christin, « Confessionalisation », in Régine Azria et Danièle Hervieu-Léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris : PUF 2012, p. 169-174 et Christophe Duhamelle, « Confession, confessionnalisation », Histoire, monde et cultures religieuses, 26 (2013), p. 59-74.

30. Heinz Schilling, Religion, Political Culture and the Emergence of Early Modern Society : Essays in German and Dutch History, Leyde : Brill, 1992 (sur Emden et Groningue).

31. Christian Grosse, « Pour une histoire comparée des disciplines ecclésiastiques réformées en Suisse », in D. Tosato-Rigo – N. Staremberg Goy (éd.), Sous l’œil du consistoire, op. cit., p. 13-28.

32. Margo Todd, « Consistoire, guilde et conseil : les archives des consistoires écossais et l’urbanisation de la culture paroissiale, », BSHPF, 153 (2007), p. 635-648.

33. Robert M. Kingdon, « The Control of Morals in Calvin’s Geneva », in Lawrence P. Buck – Jonathan W. Zophy (dir.) The Social History of the Reformation, Columbus : Ohio State University Press, 1972, p. 3-16.

34. Élisabeth Labrousse, « L’Église réformée du Carla en 1672-1673, d’après le registre des Délibérations de son Consistoire », BSHPF, 106 (1960), p. 22-53, et 107 (1961), p. 223-272.

35. Solange Bertheau, « Le Consistoire dans les Églises Réformées du Moyen-Poitou au xviie siècle », BSHPF, 116 (1970), p. 332-359 et 513-549.

36. Janine Estèbe – Bernard Vogler, « La Genèse d’une société protestante : étude comparée de quelques registres consistoriaux languedociens et palatins vers 1600 », Annales ESC, 31-2 (1976), p. 362-388.

37. Janine Garrisson, Protestants du Midi, 1559-1598, Toulouse : Privat, 1980.

38. J. Garrisson, L’homme protestant, Paris : Hachette, 1980.

39. Philippe Chareyre, Le consistoire de Nîmes, 1561-1685, Thèse de doctorat d’État, Université Paul Valéry Montpellier III, 1987 ; Didier Poton, De l’Édit à sa Révocation : Saint-Jean de Gardonnenque 1598-1686, Thèse de doctorat d’État, Université Paul-Valéry Montpellier III, 1988.

40. Joan Scott, « Genre… », art. cit., p. 141.

41. D. Poton, De l’Édit à sa Révocation, op. cit. ; Ph. Chareyre, Le consistoire de Nîmes, op. cit.

42. R. A. Mentzer, « Disciplina nervus ecclesiae : The Calvinist Reform of Morals at Nîmes », Sixteenth Century Journal, 18/1 (1987), p. 89-115 (édition française : « Disciplina nervus ecclesiae. La réforme calviniste des mœurs à Nîmes », in Id., La construction de l’identité réformée aux xvie et xviie siècles : le rôle des consistoires, Paris : Champion, 2006, p. 17-48).

43. R. A. Mentzer, « La place et le rôle des femmes dans les Églises réformées de France », Archives de sciences sociales des religions, 113 (2001), p. 119-132 (repris dans La construction de l’identité réformée, op. cit., p. 49-69).

44. R. A. Mentzer (éd.), Sin and the Calvinists. Morals Control and the Consistory in Reformed Tradition, Kirville : Truman State University Press, 1994 ; voir en particulier les contributions de R. Kingdon sur le premier divorce genevois, de H. Schilling sur la surveillance de la vie familiale en Allemagne et aux Pays-Bas et de P. Chareyre sur l’action du consistoire de Nîmes.

45. Jeffrey R. Watt, « Women and the Consistory in Calvin’s Geneva », Sixteenth Century Journal, 24-2 (1993), p. 429-439.

46. Robert M. Kingdon, Adultery and Divorce in Calvin’s Geneva, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 1995.

47. Serafina Colombo, « Les femmes hors-la-loi consistoriale à Lausanne au xviiie siècle », Revue Historique vaudoise, 104 (1996), p. 253-270.

48. Jeffrey R. Watt, The Making of Modern Marriage, Matrimonial Control and Rise of Sentiment in Neuchâtel, 1550-1800, Ithaca-Londres : Cornell University Press, 1992, p. 60.

49. Heinrich Richard Schmidt, « La violence des hommes devant la justice dans une perspective européenne comparée », in D. Tosato-Rigo – N. Staremberg Goy (éd.), Sous l’œil du Consistoire, op. cit., p. 193-212.

50. Elisabeth Wengler, « Rethinking “Calvin’s Geneva” : Women, Agency, and Religious Authority in Reformation Geneva », Proceedings of the Western Society for French History, 35 (2007), p. 55-70. Le Ph.D. avait été soutenu au Boston College en 1999 sous le titre « Women, Religion, and Reform in Sixteenth-Century Geneva ».

51. Suzannah Lipscomb, Maids, Wives and Mistresses : Disciplined Women in Reformation Languedoc, University of Oxford, 2009.

52. S. Lipscomb, « Refractory Women, the limits of power in the French Reformed Church », in R. A. Mentzer – F. Moreil – Ph. Chareyre (dir.), Dire l’interdit, op. cit., p. 13-28.

53. Judith Pollmann, « Honor, gender and discipline in Dutch reformed churches », ibid., p. 29-42.

54. Michèle Robert, « Que dorénavant chacun fuie paillardise, oisiveté, gourmandise… » Réforme et contrôle des mœurs : la justice consistoriale dans le Pays de Neuchâtel (1547-1848), Neuchâtel : Éditions Alphil, 2016.

55. Suzannah Lipscomb, The Voices of Nîmes. Women, Sex, & Marriage in Reformation Languedoc, Oxford : Oxford University Press, 2019.

56. Judith Pollmann, « Off the Record : Problems in the Quantification of Calvinist Church Discipline », Sixteenth Century Journal, 33/2 (2002), p. 423-438.

57. Ph. Chareyre – R. A. Mentzer (dir.), « La mesure du fait religieux : l’approche méthodologique des registres consistoriaux dans l’espace calvinien xvie-xviiie siècles », BSHPF, 153 (2007), p. 457-711.

58. R. M. Kingdon, « L’usage quantitatif des registres du consistoire de Genève », BSHPF, 153 (2007), p. 585-592.

59. M. Robert, « Que dorénavant chacun fuie paillardise, oisiveté, gourmandise… », op. cit., p. 86, 97.

60. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, f° 40 v°.

61. AD Côte d’Or, C6, consistoire de Volnay (188 feuillets).

62. AD Ain, 2E, Pont-de-Veyle, Reyssouze - Registres protestants - cahier 6, non coté, 77 folios.

63. AN, TT 232, 23, 60 folios.

64. SHPF, ms 527-2, copie Auzière, 40 feuillets.

65. AD Côte d’Or, 1J 2573/2, 19 folios.

66. AD Côte d’Or, C6, Volnay, 188 feuillets.

67. SHPF, ms 436, 9, 34 folios.

68. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, 50 folios.

69. AD Côte d’Or, 1J 2453, 24 folios.

70. Bibliothèque de Genève [= BGE], ms fr 435 : Registre du consistoire de Ferney (1673-1680) ; Archives d’État de Genève, Juridictions Pénales K3, n° 1 : Registre du consistoire de Ferney (1607-1652) ; Juridictions Pénales K3, n° 2 : Registre du consistoire de Ferney et Collex (1652-1685). Ces registres ne seront cependant pas pris systématiquement en compte, le pays de Gex étant assez autonome par rapport à la province synodale de Bourgogne.

71. Le synode de Buxy de 1604 s’en plaint pour l’Église de Dijon : BGE, ms fr 417, f° 110.

72. R. A. Mentzer, Les registres des consistoires, op. cit., p. 23.

73. S. Lipscomb, The Voices of Nîmes, op. cit., p. 20.

74. Gilles Deregnaucourt et Didier Poton, La vie religieuse en France aux xvie-xviie-xviiie siècles, Paris : Ophrys, 1994, p. 273.

75. R. A. Mentzer, La construction de l’identité réformée, op. cit., p. 17.

76. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, Is-sur-Tille, f° 7.

77. BPF, Livre du consistoire de Bourg-en-Bresse, le 2 avril 1616 notamment.

78. Ibid., le 25 août 1616.

79. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, Is-sur-Tille, f° 6 v° et 9.

80. BPF, ms 436, p. 9.

81. AD Ain, Livre du consistoire de Pont-de-Veyle, non coté.

82. Ibid.

83. BPF, Livre du consistoire de Bourg-en-Bresse, p. 57.

84. BGE, ms fr 417, f° 51 (1603) ; f° 107 (1604) ; ms fr 420, f° 56 v° (1610).

85. BPF, ms 436, p. 26 et 28.

86. James R. Farr, Authority and Sexuality in Early Modern Burgundy (1550-1730), Oxford : Oxford University Press, 1995.

87. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, f° 43 v°-44.

88. AD Côte d’Or, C6, f° 77.

89. AN, TT 232, Avallon, p. 87-89.

90. AD Ain, Livre du consistoire de Pont-de-Veyle, non coté, f° 23 v° et f° 26.

91. BPF, Livre du consistoire de Bourg-en-Bresse.

92. AD Ain, Livre du Consistoire de Pont-de-Veyle, non coté, f° 8 v°.

93. AN, TT 232, Avallon, p. 96.

94. BPF, ms 527-2, p. 8.

95. James R. Farr, Authority and Sexuality, op. cit., p. 92 et 101.

96. BPF, ms 527-2, p. 19.

97. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, f° 7.

98. BPF, ms 527-2, p. 7.

99. AD Côte d’Or, 1J 2573/1, f° 14.

100. Voir les travaux déjà cités de James et de Jeffrey Watt, R. Kingdon, S. Colombo, S. Lipscomb et les études publiées dans Sous l’œil du Consistoire.

101. Françoise Moreil, « “Chercher consollation”. L’exercice de la censure dans les consistoires méridionaux », in R. A. Mentzer – F. Moreil – Ph. Chareyre (dir.), Dire l’interdit, op. cit., p. 283-308.

102. Suzannah Lipscomb, « Subjection and Companionship : The French Reformed Marriage », Renaissance and Reformation, 6 (2004), p. 349-360.

103. AD Côte d’Or, C6, Volnay, f° 13.

104. S. Lipscomb, « Refractory Women », art. cit., et The Voices of Nîmes, op. cit., p. 146-155.

105. J. Pollmann, « Honor, gender and discipline », art. cit.

106. AD Ain, Livre du consistoire de Pont-de-Veyle, non coté, f° 11 v°. Exemples de disputes de femmes pour contrôler la moralité de la communauté dans S. Lipscomb, The Voices of Nîmes, op. cit., p. 165-180.

107. AN, TT 232, Avallon, p. 87.

108. Ulinka Rublack, The Crimes of Women in Early Modern Germany, Oxford : Oxford University Press, 1999, p. 26 ; Bernard Capp, When Gossips meet : Women, Family and Neighbourhood in Early Modern England, Oxford : Oxford University Press, 2003, p. 237-239 ; David Garrioch, Neighbourhood and Community in Paris 1740-1790, Cambridge : Cambridge University Press, 1986, p. 19-27.

109. S. Lipscomb, « Refractory Women », art. cit., p. 13-20.

110. Voir notamment Didier Poton, « Élites protestantes et contrôle social : le consistoire de l’Église réformée de Saint-Jean-du-Gard au xviie siècle », in D. Tosato-Rigo – N. Staremberg Goy (dir.), Sous l’œil du consistoire, op. cit., p. 57-76.

111. R. M. Kingdon, Adultery and Divorce, op. cit., p. 4.

112. AN, TT 232, Avallon, p. 48.

113. De nombreux exemples en Bourgogne : AD Ain, C-3C, synode de 1658, f° 2-3 ; ibid., synode de 1660, f° 22 ; ibid., synode de 1678, f° 18-19.