Muriel HOAREAU, Didier POTON DE XAINTRAILLES et Louis-Gilles PAIRAULT (dir.), Libraires et imprimeurs protestants de la France atlantique, XVIe-XVIIe siècle
(Enquêtes & Documents), Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2020, 176 p.
On sait de quelle importance furent l’imprimerie et le livre dans la diffusion, au xvie siècle, des nouvelles idées religieuses, d’autant que pour la Réforme l’élément fondateur est le retour à la primauté de l’Écriture, Sola Scriptura. Le nombre de lecteurs, au début du xvie siècle demeure faible, mais la lecture à haute voix permet d’accroître l’audience de l’écrit : « Par la lecture à haute voix, le discours écrit porte au plus profond de la société la dissidence religieuse… » (p. 11). Ces textes ne sont plus écrits en latin, mais en langues vernaculaires accessibles à tous. En France comme dans d’autres pays européens, les langues nationales s’imposent progressivement, encouragés par les États. Ce mouvement s’accompagne, dans la seconde moitié du xvie siècle, de la création de collèges, souvent à l’initiative des municipalités, et bientôt, dans quelques villes, ils sont un enjeu entre catholiques et protestants. Ces collèges, devenus pour certains Académies protestantes, s’appuient sur des imprimeries et contribuent à la diffusion de livres.
Jusqu’ici, les études sur le livre et la lecture ont porté surtout sur les terres à l’est d’une ligne allant de la Normandie au Languedoc, l’alphabétisation y étant plus importante. Paris et Lyon représentaient, dans le premier xvie siècle, 80 % de la production éditoriale française. Dans la seconde partie du siècle, de nouveaux foyers se développent à l’ouest, c’est l’objet de ce livre. Ils sont liés au développement économique, maritime, commercial et urbain de la côte atlantique. Liés également à l’installation à La Rochelle de Jeanne d’Albret et des Grands du parti huguenot. Alors l’imprimerie se développe et vont être diffusés des ouvrages essentiels pour la piété réformée. Pendant une soixantaine d’années, La Rochelle devient un centre éditorial important, jusqu’à son siège et sa prise par Louis XIII. En 1628, le roi interdit le remplacement des imprimeurs décédés pendant le siège, c’est la fin de cette activité pour la ville. De petites imprimeries vont émerger à Niort, Saumur (grâce à son importante Académie), Quevilly et, plus au sud, Montauban et le Béarn. Pour qu’il y ait ces créations, il faut que le marché soit suffisant, ce qui n’a pas toujours été le cas. Pendant longtemps, en Béarn, les imprimeries ont été itinérantes. C’est par la volonté des rois de Navarre et la présence d’une Académie protestante (1566) dotée d’un statut d’université (1583) que le royaume a disposé d’une imprimerie fixe ; mais, à partir des années 1630, elle publie essentiellement des documents administratifs. Le rattachement à la France, la fermeture de l’Académie, la concurrence catholique, amènent sa fin en 1662.
Le pouvoir royal, conscient du danger que représente la diffusion des « mauvais livres », ceux de la dissidence religieuse, multiplie les édits de surveillance. Pour être imprimeur et/ou libraire, le privilège royal octroyé par la Chancellerie royale est obligatoire, mais les fraudes sont nombreuses. En 1521 François Ier défend de vendre aucun livre avant qu’il ait été examiné par la Sorbonne (qui est la faculté de théologie) et l’édit va être constamment réitéré. En 1537, le roi pose le principe de ce qui sera le « dépôt légal », dont l’un des buts est de surveiller la production. Ainsi deux cents censeurs spécialisés sont engagés. Mais pour les protestants, la réponse royale est tragique : plusieurs jeunes imprimeurs sont brûlés vif, tels en 1546 Pierre Chapot et Étienne Dolet, ou encore Jean Morel.
Ce livre est le recueil des communications faites à un colloque qui s’est tenu à La Rochelle il y a trois ans. En étudiant le parcours de familles d’imprimeurs, en s’appuyant notamment sur de nouvelles sources comme l’étude des catalogues des foires ou des libraires, il élargit nos connaissances sur ce milieu majeur pour l’histoire.