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Taizé, les protestants français et Marc Boegner (1940-1970)

François BOULET

Lycée international Saint-Germain-en-Laye

Marc Boegner prononçant un sermon à Taizé, s. d. (Fédération protestante de France)

La communauté de Taizé1 suscite chez les protestants français, notamment auprès du pasteur et président Marc Boegner, pour le moins, un étonnement et une interrogation. Elle divise les huguenots. Certains sont enthousiastes, d’autres sont intrigués ; enfin une forte proportion est franchement irritée par cette communauté monastique, avec des « frères » d’origine protestante, souvent pasteurs, qui semblent se rapprocher du catholicisme dans les années 1948-1970, tout en attirant la jeunesse à la foi chrétienne.

Rappelons les origines protestantes de cette communauté. Roger Schutz-Marsauche (12 mai 1915-16 août 2005) est le fondateur et le prieur de la communauté œcuménique de Taizé (Saône-et-Loire). Il est né à Provence en Suisse dans le pays de Vaud ; son père, Charles Schütz (1877-1946), est un pasteur suisse ; sa mère est Amélie Marsauche (1880-1973) ; sa grand-mère côté maternel, la protestante Marie-Louise Delachaux, se marie avec Louis Marsauche, séminariste catholique, qui devient pasteur réformé. Le jeune Roger est très proche de la foi de son arrière-grand-mère Delachaux-Kullmann, de sa grand-mère Marsauche-Delachaux et du grand-père Schütz. Roger Schutz suit des études de théologie à Lausanne puis à Strasbourg. Après la défaite de la France en mai-juin 1940, il veut trouver un lieu où implanter une vie communautaire. Il découvre la colline de Taizé à dix kilomètres au nord de Cluny le 20 août 1940. Il vit entre la Suisse et Taizé, y accueillant des réfugiés, parfois juifs, menant une vie de prière. Un étudiant en théologie protestante à Genève, Max Thurian (16 août 1921-15 août 1996), le rencontre le 5 janvier 1942. L’aventure communautaire commence, avec quelques « frères », portés par le mouvement œcuménique.

Quelle est la question irritante des huguenots face à Taizé ? L’idée de la communauté monastique, cénobitique, avec ses trois vœux de pauvreté, de célibat et d’obéissance, ne va pas de soi pour les Églises de la Réforme depuis le xvie siècle, malgré l’existence de communauté de sœurs : diaconesses de Reuilly constituées en 1841, sœurs de Pomeyrol à Saint-Etienne-du-Grès à partir de 1929, ou en Suisse, la communauté de Grandchamp à Areuse au bord du lac de Neuchâtel, créée en 1936. Ajoutons la fraternité de prière, dans l’esprit des béatitudes, née en 1923 : le tiers-ordre des Veilleurs. Les rencontres d’« intellectuels chrétiens » de Taizé, qui portent aussi dans les débuts le nom de « Cluny » s’inspirent et s’inscrivent dans cette dynamique communautaire au cœur du xxe siècle ; elle ne se rattache à aucune Église protestante et ne s’affilie pas au Conseil Œcuménique des Églises (COE). Cette communauté, qui se veut fraternelle et œcuménique, internationale et interconfessionnelle, solidaire des Églises de la Réforme, suscite de façon générale surtout à travers ses contacts avec des catholiques romains, l’accusation de « crypto-catholicisme », même si elle affirme par ailleurs deux grands « non possumus » dans les années 1950 et 1960 : le développement de la mariologie (immaculée conception, assomption) et l’infaillibilité pontificale. Autrement dit, comment peut-on être protestant et moine2 ?

Marc Boegner, engagé dans le combat œcuménique, connaît très bien et soutient Taizé du début de la communauté jusqu’à sa maturité dans les années 1960, et cela malgré ses « erreurs », ses « maladresses ». Il nous semble intéressant d’appréhender historiquement ce paradoxe : les polémiques des protestants français contre Taizé et l’enthousiasme final du président Boegner pour Taizé comme un « haut lieu du protestantisme français et international », une prophétie de l’unité retrouvée, œcuménique, et pour tout dire, dans une expression toute boegnérienne, une « grande grâce »3.

I. Les soupçons des réformés contre la « communauté protestante » de Taizé-les-Cluny (1940-1958)

Dès 1940-1941, le pasteur Boegner, président du conseil national de l’Église réformée de France, entend peut-être parler de l’expérience d’une « communauté d’intellectuels chrétiens » au village de Taizé tentée par le jeune Suisse Roger Schutz. Sa mère Amélie Schutz demande à deux reprises, le 5 mai puis en juin 1941, à son fils s’il a écrit au pasteur Boegner4. Le 6 juin 1942, Roger Schutz écrit de Genève à Madeleine Barot, proche du pasteur Boegner. Il est informé par Willem Adolf Visser’t Hooft, le secrétaire général du Conseil Œcuménique des Églises (COE), « en formation », qu’elle a l’autorisation de faire sortir des camps d’internement du sud de la France certaines personnes, dans des conditions bien précises ; il offre d’héberger gratuitement quelques jeunes hommes dans « notre maison de Cluny » : il joint la brochure « Notes explicatives » éditée en octobre 1941 afin de fournir aux hôtes éventuels « quelques précisions sur le genre de maison qui est la nôtre ». Localement, Roger Schutz paraît suspect au milieu de l’année 1941 et en janvier 1942 : il serait un « agent de renseignements d’une puissance étrangère ». Schutz est alors proche de l’abbé Paul Couturier, pionnier de l’œcuménisme, qui a lancé la « Semaine de Prière pour l’Unité », et qui organise les rencontres du Groupe de Dombes ; il reçoit également le soutien de la théologienne Suzanne de Dietrich, elle aussi favorable à l’œcuménisme. En juin 1942, Max Thurian écrit à frère Roger que le pasteur Boegner pourrait « faire aussi quelque chose : il pourrait me recommander simplement comme pasteur auxiliaire pour Cluny » ; le 20 août 1942, une lettre de Max Thurian fait allusion à un courrier que frère Roger aurait reçu du pasteur Boegner : « Je me réjouis de ce que Boegner t’a écrit5 ».

De novembre 1942 jusqu’à 1944, le Suisse romand et vaudois Roger Schutz ne peut plus revenir à Taizé, occupé et réquisitionné par les Allemands. Cette première expérience communautaire est continuée à Genève, mais l’Église de Genève est plutôt critique envers elle : si certains pasteurs la regardent favorablement, elle est aussi jugée comme une « secte », avec du moins une référence à Cluny « regrettable ». Consacré pasteur par le conseil synodal de l’Église réformée évangélique de Neuchâtel le 7 juin 1943, il veut continuer et approfondir l’expérience communautaire à Taizé6. Les trois frères Roger Schutz, Max Thurian et Pierre Souvarain reviennent à Taizé après la Libération, le 27 octobre 1944. Frère Roger approfondit ce projet communautaire à travers sa thèse, L’idéal monacal jusqu’à Saint Benoît (vie siècle) et sa conformité à l’Évangile puis dans une Introduction à la Vie communautaire. En novembre 1944, Roger et Max s’entretiennent à Paris avec les autorités de l’Église réformée de France, donc directement ou indirectement – nous ne le savons pas exactement – avec le pasteur Boegner ; Max Thurian obtient la suffragance ou suppléance à la paroisse réformée de Chalon-sur-Saône en 1945, puis celle de Mâcon à 1948 avec frère Roger, tous deux aidés par le nouveau frère Daniel de Montmollin. En 1945-1948, Taizé accueille une vingtaine d’enfants en difficulté ou orphelins – « Cité des gosses » dit-on – et reçoit quelques prisonniers de guerre allemands rassemblés dans des petits camps aux alentours7.

En mars 1947, le président Boegner reçoit de son ami Henri Eberhard, pasteur de Lyon et président de la XIIe circonscription synodale « Alpes-Rhône », une lettre enthousiaste envers ses « amis » de la communauté de Taizé. Henri Eberhard (1898-1973), ancien pasteur de Dieulefit, marqué par le Réveil de la « Brigade missionnaire de la Drôme » en 1922, découvre un havre de jeunesse et de foi, avec un travail très utile jusqu’à la paroisse de Mâcon (Saône-et-Loire), qui lui permet de prophétiser assez justement :

Une fois de plus je suis allé à Taizé (communauté de Cluny) pour rendre visite à ces amis. Une fois de plus j’en suis revenu enthousiasmé. Si j’avais dix ans de moins, je crois que je quitterais tout pour créer quelque part une œuvre semblable. Il y a là une cité prophétique qui se construit, dont plus tard le protestantisme tirera les bienfaits incalculables. Je désire absolument vous y conduire, un jour que vous passerez à Lyon et que vous disposerez de quelque temps8.

Le 2 août 1947, Réforme présente pour la première fois « Un “monastère” protestant, Taizé ». L’homme de lettres cévenol Raoul Stephan est sensible à une atmosphère faite de nature, de spiritualité et d’harmonie, qui se situe quelque part entre les frères franciscains, les « solitaires » de Port-Royal et l’utopie rousseauiste ; le professeur de philosophie Paul Ricœur, fidèle à Taizé toute sa vie, analyse le côté troublant de l’Introduction à la vie communautaire de frère Roger à travers ce « Retour à la communauté » au milieu du xxe siècle ; le pasteur luthérien Maurice Sweeting enfin cherche à discerner le sens, voire la « prophétie », d’une communauté de contemplatifs et d’intellectuels9.

En mars 1948, la petite église romane, édifiée par l’ordre bénédictin de Cluny aux xe-xie siècles10, obtient l’autorisation d’un simultaneum ou mise à disposition à une communauté non catholique, autorisation donnée, via l’évêque d’Autun Mgr Lebrun, par le nonce à Paris, Mgr Angelo Roncalli11. Le 12 avril 1948, le président du conseil national de l’Église réformée de France Marc Boegner considère que Max Thurian peut devenir pasteur de l’Église réformée de France. Sur le plan personnel, sa consécration totale au service de Jésus-Christ ne fait pas de doute à ses yeux : profondeur et rayonnement de sa vie spirituelle, qualités intellectuelles et valeur de ses travaux. Mais il sent également qu’on peut lui reprocher de donner son « approbation » et sa « garantie » à « l’œuvre très particulière entreprise à Taizé ». Henri Eberhard note d’ailleurs un durcissement de la « règle » de la communauté et son éloignement de l’évangélisation confessionnelle, protestante : il ne peut cacher son « inquiétude ». André Aeschimann, président de la commission du ministère pastoral, donne le 29 mai 1948 un avis favorable, validé le 3 juin, à l’inscription au rôle des pasteurs de l’ERF de Max Thurian, « pasteur consacré de l’Église de Genève et directeur de la communauté de Cluny ». Le 5 octobre 1948, le conseil national présidé par Marc Boegner entérine cette décision. En revanche, le pasteur Roger Schutz n’est pas inscrit sur ce rôle12. Au synode régional de Gap en novembre 1948, le pasteur Eberhard évoque un « miracle de Dieu », dans la XIIe région et le pasteur Roland de Pury voit un « laboratoire » de vie fraternelle, d’œcuménisme, de liturgie. Mais l’adhésion de l’assemblée n’est pas immédiate et frère Roger y voit un moment « touchant mais un peu au-delà des limites » et des « coups d’encensoir qui risqueraient de nous griser, notre réelle vocation13 ».

Les difficultés surviennent avec les frères de Taizé à propos de la paroisse réformée de Mâcon, début 1949. La paroisse est sans pasteur en novembre 1948. Henri Eberhard demande à ses « amis » de Taizé, en l’occurrence les pasteurs Thurian et Schutz, mais avec beaucoup de prudence, d’y assurer les actes pastoraux : prédications, baptêmes, enterrements et visites aux malades. Ils y accomplissent une œuvre considérable par leur spiritualité. Les auditoires passent de huit personnes à 40, à 60. À Noël 1948, la paroisse rassemble 60 enfants et jeunes gens ; des réunions bibliques et d’approfondissement spirituel se tiennent. Le 9 janvier 1949, l’assemblée générale de l’Église de Mâcon est unanime pour continuer l’expérience des pasteurs de Taizé, alors qu’ils ne sont pas pasteurs titulaires mais seulement « habilités » par l’ERF. D’autre part, le pasteur Thurian déclare que son ministère à Mâcon bouleverse son projet ; il demande du temps dans cette paroisse pour effectuer son travail. Mais le conseil régional, réuni le 10 janvier, ne veut pas que l’expérience soit trop prolongée.

Le 28 janvier 1949, le pasteur Boegner critique quelque peu la solution du pasteur Eberhard pour la paroisse de Mâcon : tout en reconnaissant qu’il faut amarrer ces pasteurs à l’ERF, le président du conseil national souligne toute l’ambiguïté de la situation des « pasteurs » de Taizé à Mâcon par rapport à la Discipline de l’ERF :

[…] Il est évident que la solution que vous avez adoptée pour un temps indéterminé, pose des questions délicates sur lesquelles le Conseil national aurait dû être prié de donner son avis.

J’ai vu hier matin nos collègues Schutz et Thurian, accompagnés du futur Docteur Roger Giscard, nous avons très longuement parlé de Mâcon. Ils m’ont fait part des dispositions qu’ils ont prises à la suite de la récente assemblée générale, pour se partager la desserte de la paroisse. Je leur ai fait observer que sur les trois pasteurs qui sont à Taizé un seul est inscrit au rôle de l’Église réformée de France. Les deux autres n’ont aucun doit, à moins qu’une décision conforme soit prise, de participer à la desserte de l’une de nos paroisses. Il y a là un désordre qu’il importe d’ordonner, pour reprendre une expression dont je me suis servi au Conseil National à propos d’une autre affaire. Veuillez avoir l’obligeance d’y penser. Les pasteurs de Taizé se rendent parfaitement compte que deux d’entre eux sont dans une situation irrégulière à cet égard. Je regrette de n’avoir pas posé la question au Conseil National qui, vous vous en souvenez, vous a longuement entendu sur Taizé il y a quelques mois et a marqué très nettement certaines intentions à l’égard de cette communauté. Je ne sais ce que penserait le Conseil national de la solution qui a été adoptée mais, en tout cas, il faut que nous trouvions un moyen de répondre au désir des paroissiens de Mâcon sans nous mettre dans le cas d’avoir créé un précédent extrêmement fâcheux en contrevenant à des règles certaines de notre Discipline.

Le grand avantage de la solution adoptée est qu’elle intègre plus encore la communauté de Taizé et ses pasteurs dans l’Église réformée de France. L’entretien de hier matin a du rester été excellent à tous égards et je compte, en allant donner une conférence à Mâcon, rendre visite à ces frères14.

À Pâques 1949, le 17 avril, sept premiers frères – Roger, Max, Pierre, Daniel, Robert, Albert et Axel15 – prononcent des engagements définitifs dans la « Communauté protestante de Taizé-lès-Cluny », en étant prosternés dans la petite église romane de Taizé, selon l’usage bénédictin16. Naît alors la seule communauté cénobitique d’hommes existant au sein des Églises de la Réforme. Le « frère aîné » en est Roger Schutz, qui devient prieur ; le deuxième frère est Max Thurian. Les autres frères sont un médecin, Robert Giscard, qui exerce dans le pays, un frère prêcheur itinérant, deux fermiers qui travaillent dans le domaine et un théologien. Cet engagement peut apparaître comme une rupture forte avec la tradition protestante. L’idéal monastique, avec l’engagement – ce mot est préféré à celui de « vœu » suite à l’influence du personnalisme selon Roger Schutz17 –, l’engagement à vie, la communauté des biens, le célibat, la discipline deviennent donc une réalité chez des pasteurs issus des Églises de la Réforme. Cette communauté entretient des relations « fraternelles » avec les catholiques. La « Règle » de Taizé, de type monastique, est rédigée en 1952. La discipline comprend deux offices de prières, et en été un office de nuit à 3 h 30. Trois principes essentiels inspirent cette « famille spirituelle » : d’abord la sanctification du labeur et du repos par la Parole de Dieu ; ensuite la recherche du silence intérieur ; enfin l’esprit des Béatitudes : joie, simplicité, miséricorde, principes qui marquent la communauté. Les sept premiers frères précisent l’esprit de la tradition protestante de leur engagement, l’esprit « réformé » dans la « vie nouvelle » qu’ils entreprennent. Les arguments sont alors dans la ligne de la pensée œcuménique du pasteur Boegner, attaché à l’enracinement dans l’Église réformée. La Communauté est

consciente qu’il n’y a pas d’œcuménisme possible, de travail et de prière pour l’unité, sans une intégration réelle à un corps ecclésiastique précis. L’unité doit être recherchée dans l’approfondissement de chaque confession jusqu’à ses sources vives. C’est cet approfondissement de la foi et de la piété protestantes, et par elle de la foi et de la piété de l’Église primitive.

Le bureau du conseil national de l’Église réformée de France, présidé par Marc Boegner, envoie alors une « rectification » :

Il convient de préciser que si le Conseil national de l’Église Réformée de France s’est montré favorable à l’inscription du pasteur Thurian au rôle des pasteurs de l’E.R.F., inscription accordée peu après par la Commission du ministère pastoral, il a été clairement indiqué que cette décision signifiait la reconnaissance du ministère que M. Thurian était appelé à exercer auprès des protestants relevant de l’Église Réformée, et non pas la reconnaissance de sa vocation particulière et de celle de sa communauté18.

Cette première prise de distance laisse augurer d’autres malentendus.

Le pasteur Eberhard, toujours favorable à Taizé, est cependant moins enthousiaste ; il faut, écrit-il au président Boegner le 1er février 1949 : « être à l’égard de cette œuvre d’une extrême prudence ». En février 1950, l’expérience des frères de Taizé dans l’Église réformée de Mâcon reçoit l’avis unanime et élogieux de l’assemblée générale. Le président Boegner correspond avec le pasteur Thurian et planifie même un second voyage à Taizé au printemps 1950, sans pouvoir le réaliser semble-t-il19.

Une première forte crispation se produit à la fin de l’année 1950. Roger Schutz et Max Thurian se rendent pour la deuxième fois à Rome où ils rencontrent deux membres de la Curie romaine : Mgrs Alfredo Ottaviani et Giovanni Battista Montini, puis sont reçus par le pape lui-même20. Les deux frères rêvent d’une unité des chrétiens qui passe par une réconciliation des Églises non catholiques avec l’Église « catholique » ou universelle de Rome. Cela fait beaucoup de bruit chez les protestants. De plus l’« année sainte » des catholiques semble opposée à l’année de l’espérance œcuménique voulue par Marc Boegner. Le pape Pie XII publie le 15 août 1950 l’encyclique Humani generis contre les « opinions et erreurs modernes menaçant de miner les fondements de la doctrine catholique ». Et surtout, le 1er novembre 1950, il promulgue le dogme de l’« assomption corporelle » de Marie : Boegner est choqué par cette « vérité révélée » de l’Église romaine qui n’a aucun fondement biblique et patristique21.

Cette rencontre des frères de Taizé avec le pape Pie XII ne pouvait tomber plus mal.

Au même moment, le président de la XIIe région synodale « Alpes-Rhône », Henri Eberhard, si enthousiaste au début, écrit au pasteur Boegner qu’il se trouve dans une « situation délicate » vis-à-vis de ces frères ; il doit constamment « marcher sur des œufs22 ». Marc Boegner doit réagir. Il a alors des « mots sévères » contre le prieur de Taizé. Le soupçon d’attitude catholicisante commence : ce n’est pas le dernier23.

Frère Roger lui-même a raconté cette rencontre houleuse, à Paris, le 24 janvier 1951, ou un dialogue « surprenant » :

Notre premier dialogue a été surprenant. Il se situe dans l’hiver 1950-1951. Le Pasteur Boegner avait appris que j’avais eu une audience avec le Pape Pie XII. Il ne cachait pas que cette visite au Pape l’avait déconcerté. Pourquoi rencontrer un Pape ?

Comme il n’y avait pas encore ce lien d’amitié qui s’est créé ensuite, je n’ai pas pu lui dire le pourquoi de cette audience avec Pie XII. Si je le lui avais dit, cela nous aurait certainement valu une compréhension immédiate. Mais j’ai toujours considéré que l’on ne peut pas chercher l’unité en prenant le risque d’opposer des chrétiens les uns aux autres. Cela serait finalement travailler contre l’unité dans le Corps du Christ, son Église.

Cette rencontre avec le Pape Pie XII avait été préparée par le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon. Je n’en ai dit le contenu qu’une quinzaine d’années plus tard. Il s’agissait d’exprimer fortement au Pape que la proclamation imminente du dogme de l’Assomption n’était pas opportune par rapport à l’œcuménisme commençant. De ma part, il n’était pas question d’une opposition au contenu du dogme, je comprends tout à fait que le Saint Père fasse une solennelle déclaration sur la Vierge Marie, s’appuyant sur une si longue tradition dans le Peuple de Dieu. Mais proclamer un dogme c’était faire usage pour la première fois du dogme de l’infaillibilité pontificale et cela ne pouvait que conduire l’œcuménisme à un raidissement.

Ce premier entretien avec le Pasteur Boegner, j’ose aujourd’hui y faire allusion par ce qu’il s’est ensuite transfiguré en confiance […]24.

Une version postérieure de cette rencontre entre frère Roger et Marc Boegner précise quelques points. D’abord le caractère abrupt de l’entrée en matière : « Mais vous êtes allés à Rome, vous avez vu le pape ! » Le président Boegner a appris ce fait par hasard lors d’une visite à Tunis, de la part d’un évêque. Sa réaction est âpre. « Comment avez-vous pu le faire sans que nous le sachions ? » Des mots percutants, des accusations graves sont émises par le « président » contre le « frère » : « reniement », « refus », « patrimoine foulé aux pieds ». Frère Roger pourrait apaiser le pasteur Boegner, mais il refuse de justifier sa démarche, il répond : « Nous n’avons de comptes à rendre à personne. C’est fondamental dans le protestantisme que chacun soit libre d’interpréter comme il l’entend ses gestes, ses actes, et la Parole de Dieu ». Il garde le souvenir de s’être levé et d’être parti en réaffirmant malgré tout son attachement ecclésial, il veut « être d’Église ». Mais cette rencontre a laissé à frère Roger un léger regret, un soupçon d’hésitation, encore redit à la fin de sa vie : « J’aurais pu, je pense, tout de même un tout petit peu, non pas lui dire mais…25 »

Après la rencontre du 24 janvier et les « inquiétudes » du conseil national de l’ERF en avril, Marc Boegner et son épouse Mary se rendent pour la première fois, les 30 et 31 juillet 1951, sur la colline de Taizé. Le climat s’apaise grâce à son épouse, semble-t-il26 :

Le Pasteur Boegner est alors venu avec sa femme et il a amorcé avec nous une relation qu’il a poursuivie avec la hauteur de vues qui lui était propre.

Dans sa première visite à Taizé, il nous a parlé avec flamme de sa compréhension pour la vocation contemplative. Quant à sa femme, elle a clairement exprimé sa conviction par rapport à un choix de vie que nous avions à faire à l’époque : selon elle, une dispersion de tous les premiers frères en petites fraternités se serait opposée au signe visible de la communauté à laquelle beaucoup de chrétiens ont besoin de se référer. Elle considérait comme essentiel le signe d’une plus grande communauté, dans un monde où tout invite à la dispersion. Peut-être pressentait-elle les conditions de la vie actuelle qui disloquent les sociétés et les hommes, et qui les poussent à chercher à vivre de temps forts auprès d’une communauté.

À partir de juin 1951, Marc Boegner n’est plus président du conseil national de l’ERF. Son successeur à partir de 1953, Pierre Bourguet (1902-1984) – après Pierre Maury de 1951 à 1953 – se montre moins favorable à Taizé. Le conseil national hésite alors entre le statu quo et un contrôle plus strict de cette communauté, jugée trop indépendante dans ses initiatives, surtout s’il est envisagé une accréditation officielle par l’ERF27. Marc Boegner continue cependant à soutenir la « communauté monastique » en tant que président de la Fédération protestante de France. En 1953, il préface l’ouvrage de frère Max, La confession, sur un sujet que de nombreux réformés savent polémique ; la valeur sacramentelle de la confession y est affirmée même si le pasteur Boegner prévient que de « bien des côtés », de « sérieuses réserves » sont à attendre de la part des lecteurs. Et au même moment, a lieu la visite du cardinal Gerlier sur la colline de Taizé, qui catalyse les inquiétudes de l’ERF au sujet de la familiarité de la communauté envers certains prélats catholiques28.

Préface du pasteur Marc Boegner au livre de Max Thurian, frère de Taizé, La confession, Taizé : Presses de Taizé, 1953, réédition, 1977, p. 7-12

Il faut être très reconnaissant à Fr. Max Thurian de Taizé de poser, par les pages qui suivent, le problème de la confession devant les protestants. « Un protestant ne se confesse pas » : c’est bien là l’un des éléments principaux de la définition populaire du « protestant ». Reconnaissons que, réserve faite d’exceptions peu nombreuses, la définition est conforme à la réalité. Combien de fidèles de nos Églises éprouvent une vive surprise lorsqu’ils apprennent qu’au jour de leur consécration (ou de leur ordination) les pasteurs s’engagent à « tenir secrètes par devers eux les confessions qui leur seront faites en décharge de conscience » !

Cet éloignement que marquent à l’égard de la confession la plupart des Églises de la Réforme se justifie-t-il devant l’enseignement de l’Écriture sainte ? Compromet-il ou non le développement de la vie chrétienne ? C’est ce que Max Thurian nous contraint de nous demander. Il ne sera plus possible à ceux qui l’auront lu de trancher superficiellement par une négation le point de savoir si le chrétien doit normalement se confesser. Ils pourront certes n’être pas d’accord avec tel ou tel argument mis en avant par l’auteur, mais ils ne seront plus libres de méconnaître qu’il y a là un problème de pensée et de vie chrétiennes dont la solution doit être courageusement cherchée.

Je loue sans réserve Max Thurian de conclure son étude par le rappel des pages admirables que Calvin a consacrées à la confession. Le fondement scripturaire que le Réformateur – et après lui notre auteur – donné à sa pensée est immédiatement mis en place. On ne peut supprimer du Nouveau Testament ce que Jacques enseigne sur la confession mutuelle ni surtout les paroles du Christ sur l’absolution. On peut contester la manière dont Calvin réserve en fait aux « ministres ordonnés » par l’Église la charge de recevoir les confessions des fidèles et de les assurer, s’il y a lieu, du pardon de leurs péchés. On n’en est pas moins obligé de reconnaître la vigueur de sa pensée et la puissance pénétrante de son exposé.

Au reste Max Thurian ne se borne pas à inscrire à la fin de son livre quelques pages de Calvin. Il en reprend souvent les textes essentiels, il y joint ceux de Luther, il rappelle l’enseignement si net que ce dernier donne, au sujet de la confession, dans son Grand et dans son Petit Catéchisme. En vérité, lorsqu’on découvre la pensée des Réformateurs, on se demande comment il est possible que les Églises protestantes leur aient été si généralement infidèles sur ce point !

Est-ce là l’une des conséquences de ce qu’on appelle l’individualisme protestant dont les excès meurtriers ont causé tant de ravages ? La chose paraît certaine. Mais pourquoi cet individualisme a-t-il si facilement triomphé, en particulier dans le protestantisme réformé, aussi bien du sens de la communauté, de l’Église, que des instructions données par le Christ à ses apôtres, et donc à l’Église, sur le pardon des péchés ? Les circonstances historiques dans lesquelles ont vécu, pendant deux siècles et demi, nos Églises réformées, n’y sont certes pas étrangères. Cependant il reste qu’une réaction, indispensable mais excessive, contre les déformations et les abus de la confession telle qu’elle était trop souvent pratiquée dans l’Église romaine a eu pour résultat de priver les fidèles d’un moyen de grâce dont un libre et intelligent usage eût porté sans doute dans nos Églises des fruits de spiritualité et de sainteté.

L’étude de Max Thurian, en nous ramenant à la pensée des Réformateurs et à l’enseignement du Nouveau Testament, nous rend donc un très grand service. Il a soin d’ailleurs de nous mettre en garde contre le danger, toujours menaçant, de la magie sacramentelle. La relation entre la Parole et le Sacrement est fortement indiquée, aussi bien que celle entre la foi et le sacrement. « C’est toujours à la foi que Dieu répond dans le sacrement. »

Très bien ! Mais la confession, ou plus exactement l’absolution donnée au fidèle qui vient de se confesser, est-elle un sacrement ? Max Thurian l’affirme en des termes qui ne manqueront pas de susciter de bien des côtés de sérieuses réserves. Je m’y suis heurté moi-même, il y a près de vingt ans, lorsque, dans une réunion des Amis de la Pensée protestante, me fondant sur l’enseignement de Melanchton, j’ai soutenu que l’absolution est un sacrement (1). L’abandon par Luther de sa position première, à quoi Melanchton demeura fidèle, et l’incertitude de Calvin viennent à coup sûr à l’appui des adversaires de cette thèse. Ce qui importe au surplus, c’est de savoir exactement ce que le Christ a donné à son Église lorsqu’il a remis à ses apôtres le pouvoir de lier et de délier. Il sera du plus haut intérêt de confronter l’interprétation de notre auteur et l’exégèse que donne M. Cullmann des textes étudiés par Max Thurian, dans son ouvrage capital sur l’Apôtre Pierre.

Je viens de parler de « réserves »… Je pense que les plus fortes seront provoquées dans le chapitre V intitulé Confession et psychanalyse. Est-il permis de souhaiter que ces pages inaugurent une discussion aussi complète que possible sur l’aide que la psychanalyse peut ou ne peut pas apporter à la direction spirituelle et sur la collaboration qui doit ou ne doit pas s’établir entre psychanalystes et confesseurs ?

Max Thurian exprime le vœu que « la considération de certains effets malheureux de la psychanalyse sur la foi de plus croyants n’amène pas l’Église à un durcissement envers cette science ». Il n’en signale pas moins lui-même « un danger » qu’il nomme « psychologisme » dont les conséquences théologiques « seraient un certain relativisme dogmatique et une certaine complaisance morale ». Cette expression très nuancée n’empêche pas l’auteur de reconnaître que les craintes éprouvées « ne sont pas sans fondement » et qu’une « vigilante attention » est indispensable.

Personne, je pense, ne songe à contester l’importance considérable conquise, depuis un demi-siècle environ, par la psychanalyse. Il convient cependant de se demander si des résultats non moins positifs n’ont pas été obtenus par d’autres méthodes « psychologiques ».

Max Thurian compte sur l’analyse pour donner à certains ascètes « un équilibre plus évangélique de l’obéissance chrétienne ». Mais aussitôt il donne des conseils de prudence « car il serait désastreux qu’une analyse psychologique… fasse d’un saint un animal bien portant ». « Qu’aurait donné un François d’Assise psychanalysé ? » demande-t-il. J’ajoute : Qu’aurait donné un saint Paul ? On frémit en pensant aux attentats contre la sainteté que pourraient commettre des psychanalystes pour qui les termes de péché, de repentance, de foi, d’amour chrétien n’interprètent que des faits psychiques.

Au demeurant, ni la direction spirituelle ni la confession ne courent le risque d’être supplantées par l’analyse. L’une et l’autre répondent à de profonds et permanents besoins de l’âme chrétienne. À en méconnaître la nécessité et la valeur on se condamne à un appauvrissement de la vie spirituelle. À les pratiquer dans l’amour des âmes et dans le respect de la liberté que crée en elles la grâce, on leur assure de magnifiques possibilités de croissance dans « la vie en Christ ». C’est ce qui ressort avec une force pénétrante de l’étude du pasteur Max Thurian. Nul ne pourra lire ces pages sans le remercier de l’obliger à mettre sa vie à nu devant Dieu et à se demander s’il n’a pas jusqu’à présent, en ne faisant appel ni à sa direction spirituelle ni à l’absolution que précède la confession, méconnu une grande grâce, offerte par un Amour miséricordieux dont l’Église doit être auprès de nous la permanente annonciatrice.

Pasteur Marc Boegner

de l’Académie Française

Au printemps 1954, la crise est avérée entre la communauté et l’ERF. Sans prévenir le conseil national de l’ERF, Roger Schutz et Max Thurian participent à deux entretiens théologiques à Rome, à la faculté vaudoise de théologie et à la Grégorienne, organisé par le père jésuite Boyer29. Pourtant en mai 1954, le pasteur Boegner soutient la candidature de Max Thurian comme pasteur à l’Église réformée de Levallois ; frère Max a le soutien du conseil presbytéral, ce qui gêne à la fois le président du conseil régional de la région parisienne Robert Pont et le président du conseil national de l’ERF Pierre Bourguet. En juin 1954, c’est la candidature au proposanat du frère Daniel Charguéraud, pasteur à Mâcon qui laisse perplexe le conseil national. Ce dernier trouve que la position doctrinale des pasteurs de Taizé vis-à-vis de la foi et de l’ERF est toujours loin d’être clarifiée : les engagements solennels et pour une vie entière, envers la communauté, avec le célibat, l’obéissance au prieur, la communauté des biens matériels et spirituels, sont en contradiction avec la discipline de l’ERF. La communauté de Taizé garde son indépendance « inter-confessionnelle et internationale ». Pour la majorité des membres du conseil national – comme les pasteurs Pierre Bourguet, Jacques Babut, Paul Conord, Elie Lauriol, Pierre Rozier, particulièrement impliqués dans cette question de Taizé –, les deux disciplines – ERF et Taizé – sont en contradiction ; notons que les pasteurs Pierre Maury et Charles Westphal ne voient pas d’incompatibilité entre le statut de frère de Taizé et celui de pasteur de l’ERF. Le 18 janvier 1955, le conseil national de l’ERF refuse de consacrer comme pasteurs de nouveaux frères de la communauté. En 1955, le ministère de Daniel Charguéraud doit cesser à Mâcon, ce qui suscite les vifs regrets du conseil presbytéral. Le différend entre Taizé et le conseil national de l’ERF est à l’œuvre, éclatant en de nombreuses occasions pour des raisons profondes et sincères, parfois douloureuses, de part et d’autre. Notons que les critiques contre Taizé visent également Pomeyrol ; Antoinette Butte, responsable de Pomeyrol, évoque des « critiques cévenoles » contre Taizé qui pourraient toucher sa communauté30.

Quant au président de la Fédération protestante de France Marc Boegner, il a des relations franches et même rudes avec frère Roger, mais accompagnées d’une « fraternelle affection » ; il est soucieux de l’action de Taizé. Suite à des incidents, le pasteur Boegner demande une clarification précise en conclusion de sa lettre du 18 octobre 1956 : « Vous savez combien je porte le souci de votre action au sein du protestantisme français et avec quelle fraternelle affection je vous porte dans mon intercession. Vous savez qu’il y a lieu pour vous d’éviter la moindre maladresse dans les circonstances actuelles. » La réponse de frère Roger le lendemain est également franche le remerciant de son affection mais ne cachant pas son exaspération face à l’attitude des membres du conseil national : « Il nous revient ces temps-ci, comme jamais, des affirmations non fondées, lancées par des membres du Conseil National. En l’espace de cette dernière semaine, il m’en est revenu un certain nombre. Or la calomnie laisse toujours des traces et de plus, comment pourrions-nous utiliser notre temps à rectifier ou à prouver ce qui n’a jamais été ni dans nos cœurs, ni dans nos intentions, ni dans les faits. Éviter la moindre maladresse, nous sommes pleinement d’accord, mais quand ils sont interprétés, les paroles ou les gestes les plus graves sont déformés. User d’habileté pour donner des preuves de prudence, nous serait intolérable. Vous serez d’accord avec moi que pour le chrétien, sa seule réponse à l’habileté et de n’en point avoir. »31

Le dialogue n’est pourtant jamais interrompu grâce à un échange élargi aux Églises réformées de Suisse francophone – Genève, Lausanne et Neuchâtel. La recherche du modus vivendi ou de compromis est bien présente en 1957-1958, mais l’embarras demeure32.

Le Christianisme au xxe siècle se sent obligé d’ouvrir le débat public : « Pour ou contre. Pâques à Taizé » les 2 mai et 6 juin 1957. Réforme évoque Taizé le 21 décembre 1957 ; les avis divergent nettement entre l’embarras du directeur Albert Finet car « Taizé pose des questions », les problèmes et risques théologiques et ecclésiastiques qu’analyse le pasteur Hébert Roux, l’enthousiasme de Georges Casalis qui voit cependant dans Taizé un équilibre précaire entre « extrême droite théologique, tendances catholicisantes et extrême gauche politique33 ».

Le synode national l’ERF de Poitiers du 31 mai au 3 juin 1958, suite notamment aux éclaircissements sur la nature des « vœux », peut « se réjouir de l’état présent des rapports entre l’Église Réformée de France et la Communauté de Taizé ». Au cours de ce mois de mai 1958, frère Roger considère cette déclaration comme importante : « un pas est fait vers une unité visible de chrétiens qui ne peuvent être séparés », mais dans son journal personnel, il analyse toujours son inquiétude face aux relations difficiles avec le pasteur Pierre Bourguet ou le secrétaire général du COE, Visser’t Hooft, ulcérés par les sympathies romaines de frères de Taizé. Ces années de fondation de Taizé sont donc une lutte rude, âpre, contre les protestants « traditionnels ». Frère Roger, chrétien « réformé », en souffre et constate inversement : « C’est malgré nous que nous faisons souffrir certains de nos coreligionnaires » ; il en arrive à se demander « pourquoi Dieu nous maintient dans une obligation de solidarité avec le protestantisme34 ».

II. L’éloge boegnérien de Taizé dans les années 1960 : une « grande grâce » du protestantisme français à travers le mouvement œcuménique

Malgré les « erreurs » ou les « maladresses » de cette communauté envers les protestants, le « pape des protestants », selon une expression facile, ironique, souvent employée, continue à se rapprocher de Taizé. Son autorité est écoutée et reconnue en France, même s’il n’est plus président des conseils nationaux de l’ERF (2 juin 1950) puis de la FPF (31 janvier 1961). En 1958, Marc Boegner écrit une lettre, de même que le cardinal Gerlier, en faveur de l’important ouvrage de frère Roger Vivre l’aujourd’hui de Dieu. Ce livre, diffusé en mai 1959 essentiellement à des lecteurs protestants, va dépasser ce public, avec cent mille lecteurs francophones, plusieurs rééditions, une traduction allemande qui a davantage de lecteurs encore, puis en d’autres langues. Le pasteur Boegner a toute sa place dans le succès du manifeste de frère Roger ou la « réussite de Taizé » ; il soutient ardemment la difficile « vocation œcuménique » du prieur de Taizé :

Le témoignage d’amicale confiance que vous m’avez donné en me demandant de lire, avant sa publication, l’ouvrage qui va bientôt sortir des Presses de Taizé, m’a vivement touché, et je tiens à vous en exprimer mon affectueuse gratitude. […]

Vous ne serez pas surpris que mon attention se soit attachée surtout à tout ce qui, dans votre étude, touche de près ou de loin au problème de l’unité de l’Église et à l’action œcuménique. Vos réflexions se situent dans le contexte de notre monde contemporain et de l’Église à laquelle, à l’égard de ce monde, son Seigneur présente de si redoutables exigences. De là une formidable tension que les chrétiens d’aujourd’hui, s’ils se veulent authentiques disciples du Christ, doivent accepter comme la loi même de leur vie. Mais vous avez reçu la grâce de discerner clairement le seul chemin pour que vous puissiez, dans cette tension même, demeurer humblement et joyeusement fidèles à votre vocation œcuménique, et c’est le chemin de l’amour.

Le pasteur Boegner a toute sa place dans le succès du manifeste de frère Roger ou la « réussite de Taizé » :

Comme je vous remercie de parler, comme vous l’avez fait, de l’amour que vous savez être le grand, le beau, le merveilleux secret sans la possession duquel tout le labeur œcuménique ne peut que s’écrouler comme château de cartes ! Depuis près d’un demi-siècle que j’ai donné mon cœur, ma pensée, ma foi, au mouvement œcuménique, j’ai reconnu avec une force croissante que là où l’amour n’« enflambe » pas les âmes, comme disait Calvin, les plus savantes confrontations théologiques se révèlent inefficaces. Pour se mettre à la place des autres, pour saisir, par l’intérieur, le mouvement qui a porté une Église, dont on n’est pas l’un des fidèles, jusqu’à ses positions doctrinales et ecclésiastiques d’aujourd’hui, pour essayer de le revivre, il faut beaucoup d’amour et d’humilité.

La parole de saint Paul : « soyez fidèles à la vérité dans l’amour » m’apparaît comme la règle fondamentale des ouvriers de l’unité chrétienne. Le véritable œcuménisme ne demande à aucun de nous de consentir à quelques compromis que ce soit sur la vérité dont nous croyons que notre Église a reçu le dépôt. Mais cette vérité cesse d’être la vérité du Christ dès que nous l’exposons, la défendons, la proclamons, en l’aimant certes ainsi que notre Église, mais en n’aimant pas, peut-être même en ne désirant pas aimer l’Église ou les Églises qui entendent dresser, en face de notre vérité, leur vérité telle que leurs fidèles l’ont reçue, la croient et s’efforcent de la vivre dans la communion de leur Église. Tant que nous en resterons là, les exigences du Christ demeureront sans réponse et ses promesses sans accomplissement. Je vous bénis donc de nous rappeler que la voie royale, qui nous conduira, par delà les barrières humainement infranchissables, jusqu’à la manifestation de l’unité visible du Corps du Christ est la voie de l’amour « qui croit tout, espère tout, supporte tout et ne périt jamais »35.

Le pasteur Boegner rencontre de plus en plus régulièrement les représentants de Taizé, notamment les frères Roger Schutz et Max Thurian, à Taizé, à Paris et surtout à Rome, lors des différentes sessions du concile de Vatican II36.

Frères Roger et Max retournent au printemps et à l’automne 1960 à Rome et découvrent une tout autre atmosphère que dans les années 1950, après des audiences avec le nouveau pape Jean XXIII ; ses voyages irritent l’ERF.

D’autres polémiques éclatent, plus graves. D’abord un article du journaliste Henri Fesquet paru dans Le Monde du 11 février 1959, inspiré par frère Roger, irrite le président Pierre Bourguet. Fesquet y écrit notamment que « les milieux protestants traditionnels s’effraient un peu de cette expérience monastique et inhabituelle dans les Églises de la Réforme » et que le futur concile à Rome serait le signe que « le Christ devance nos impatiences ». Pierre Bourguet y voit des propos et des initiatives qui n’engagent que la communauté « interdénominationnelle et internationale » ; il obtient un droit de réponse nuancé le 24 février 195937.

Deuxièmement, une rencontre lors de la conférence du comité central du Conseil œcuménique des Églises dans l’île de Rhodes, le 21 août 1959, entre quelques théologiens – des membres orthodoxes et deux hôtes catholiques – provoque un incident, surtout après une déclaration de la Radio Vaticane le 3 septembre, jugée maladroite et fausse, selon le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, le pasteur et docteur W. A. Visser’t Hooft. Cette rencontre donne l’apparence de vouloir détacher, de la part de l’Église romaine – qui n’est pas membre du Conseil œcuménique des Églises –, les Églises orthodoxes de ce même Conseil. Des frères de Taizé ne sont pas liés à cette rencontre privée mais ils sont connus pour leur souhait de rapprochement entre catholiques et orthodoxes. En conséquence, pour ne pas envenimer l’état d’esprit entre chrétiens, le pasteur Boegner ne se rend pas à Taizé le 29 septembre 1959 : tous les frères de Taizé et le cardinal Gerlier, présents à Taizé ce jour-là, regrettent son absence et signent une lettre dans ce sens en soirée38.

Troisièmement, une vingtaine d’anciens prêtres catholiques sont accueillis par les protestants réformés à Sète du 4 au 7 avril 1960. Roger Schutz ne comprend pas cette rencontre et le fait savoir au président Boegner : « comment ose-t-on proposer aux prêtres des “lieux d’accueil”, pour les arracher à leur vocation, comment ose-t’on capter des consciences en état de crise ? » Le prieur de Taizé évoque un trouble profond face à l’Église et demande conseil auprès de Boegner :

Nous attendons ici votre réponse avec une grande confiance, car nous savons votre générosité et votre largeur de vue mais j’ai hâte de pouvoir faire connaître à mes frères votre avis et ce que vous pensez faire en l’occurrence.

Sa réponse, que nous n’avons pas retrouvée, apaise le prieur. Ce dernier réécrit au président pour le remercier de son « ton amical » et son « souci paternel », jusqu’à évoquer son « affection filiale » ou sa « filiale affection ». Par la suite, le prieur de Taizé lui donne la primeur d’une idée de construction d’une nouvelle église, lieu de pèlerinage pour l’Unité et de prière pour la paix et la réconciliation avec l’aide des Allemands : Sühnezeichen, ou « signe de réconciliation39 ». Roger Schutz écrit le 17 août 1960 que la communauté des frères de Taizé considère le pasteur Boegner comme un « père spirituel40 ».

Ensuite, du 26 au 28 septembre 1960, un important colloque tenu à Taizé permet la rencontre de neuf évêques français dont deux archevêques et une soixantaine de pasteurs venus de France – parmi lesquels quatre présidents de conseils régionaux de l’ERF –, de Suisse, de Belgique et de Dakar, discutant sur l’évangélisation paroissiale et mondiale. La motion finale, qui met en garde contre le prosélytisme des Églises, est revue et corrigée par le pasteur Boegner lui-même et par le cardinal Gerlier, qui sont présents, « par un concours de circonstances et sans relation avec la rencontre de septembre », précise frère Roger, à Taizé les 17 et 18 octobre 1960. La grande presse fait écho à cette rencontre, via un communiqué de Taizé : « Ce colloque était le premier après quatre siècles de division ». Les journalistes du Monde, de Paris-Match et de l’émission télévisée de « Cinq colonnes à la une » s’intéressent à ce colloque et à Taizé. Mais le COE et le président de l’ERF Pierre Bourguet en ont été complètement tenus à l’écart. Pierre Bourguet déplore que Taizé soit en train de « brouiller les cartes », en menant à sa guise les relations œcuméniques dans toutes les directions, et avec le risque sous-jacent que Taizé devienne l’interlocuteur de Rome pour les protestants français41. Le pasteur Boegner n’échappe pas aux critiques : Claire Roser écrit au président Bourguet pour limiter l’activité œcuménique de l’ancien président :

[…] Que Monsieur Boegner rencontre le Cardinal Gerlier passe encore (quoique il y ait beaucoup à dire, ces Monseigneurs se faisaient sans doute entre eux des grâces que je désapprouve entièrement), mais que deux pasteurs se fassent recevoir par le pape, cela dépasse l’entendement. […]

Eh bien, non et non. Vous me paraissez le seul apte à dire à M. Boegner de faire attention de ne pas donner des gages à ces messieurs romains. M. Boegner est très loin du menu peuple, comme le Général de Gaulle…

Deux colonnes plus à droite, dans ce même n° du Monde, j’ai lu en effet sous la plume de Roger Mehl : « M. Boegner a été appelé par le Conseil (de la Fédération) à être le porte-parole de tout le protestantisme français. » C’est à cause de cette définition que je m’insurge le jour où il plaira à M. Boegner (pour qui j’ai un respect plein d’affection, mais là n’est pas la question) d’aller baiser la mule du pape, ce serait en mon nom ? Prévenir vaut mieux que guérir. Ne pourriez-vous pas, en y mettant toutes les formes que vous voudrez, lui dire : Halte là !

C’est constamment qu’il faut défendre M. Boegner sur un point ou sur l’autre, mais là, il me paraît indéfendable. Imaginez, aussi, le désarroi d’anciens catholiques venus à la foi évangélique42.

C’est dans cette atmosphère à nouveau tendue que se déroule l’assemblée plénière de la Fédération protestante de France, à Montbéliard, le 30 novembre 196043. Marc Boegner présente son bilan de trente et une années de président de la Fédération protestante de France, « sorte de testament » selon Roger Mehl. Il insiste sur l’« œcuménie », « de toute urgence », à l’intérieur même des Églises de la Réforme ; il appelle à la création d’une grande Église évangélique de France. Puis il évoque précisément la communauté de Taizé :

Nous sommes nombreux à aimer la communauté de Taizé. Nous l’aimons en dépit d’erreurs qu’elle a commises, à cause des périls qu’elle a connus et qu’elle n’a pas toujours su éviter, à cause de son parfait loyalisme envers les Églises de la Réforme et les doctrines fondamentales des réformateurs. Nous l’aimons avec gratitude pour le renouveau liturgique vers lequel elle entraîne une partie de nos Églises, pour le climat d’adoration, de transparence, d’amour qu’elle a su établir et qu’elle développe sans cesse autour d’elle. Nous l’aimons parce qu’elle a les regards fixés sur la vision splendide du Corps du Christ restauré dans son unité visible, et qu’en dépit d’immenses difficultés, de malentendus à dissiper, de craintes à rassurer, elle est pour nos Églises, même si celles-ci n’en ont pas conscience, un constant appel à l’unité vécue dans l’amour et la soif de sainteté. Et quelle grâce de posséder, sur notre terre de France, un lieu de rencontre, où, avec la prudence pastorale toujours indispensable, tous les dialogues peuvent s’engager et se poursuivre, parce que ce lieu de rencontre est avant tout un lieu de prière et de louange.

En marge de l’assemblée générale, le prieur de Taizé, qui se trouve à Montbéliard, diffuse un communiqué où il met en garde contre les nouvelles inexactes, publiées à la suite du colloque de Taizé du 26 septembre : on peut ainsi, dit-il, créer « de vraies difficultés dans le dialogue œcuménique ». Ce communiqué apparaît comme maladroit car il n’est pas passé par le service d’information de la FPF. Le secrétaire général du COE Visser’t Hooft exprime à frère Roger son désaccord. Et le président de l’ERF Pierre Bourguet réagit fortement, dans un long entretien, notamment à propos du texte du colloque de septembre revu par Boegner, qui refuse le prosélytisme entre confessions. Il s’exclame : « Vous brisez notre stratégie, nous allions vers un million de protestants en France ». Pour Frère Roger, les événements de Montbéliard sont une épreuve. Les propos apaisants ou rassembleurs du pasteur Boegner, qui quitte la présidence de la FPF, ne peuvent atténuer les polémiques à propos des initiatives unilatérales de Taizé44.

N’étant plus président du conseil national de l’ERF ou de la Fédération protestante de France, Marc Boegner peut retourner à titre personnel à Taizé. Le 5 août 1962, il y prononce un beau sermon sur Colossiens 3, 15 dont le brouillon manuscrit a été conservé. On est à la veille de l’inauguration officielle de l’église de la Réconciliation à Taizé, construite par des Allemands volontaires. Toute la réflexion chrétienne et œcuménique de Marc Boegner s’y concentre :

« Quelle autre exhortation apostol- pourrions-ns .- que ces simples mots… et que pourrions-ns éprouver de plus authentique Xen…

Être re-connaissant : re connaître les dons les bénédict. les grâces .- les recevoir ds la foi – mais aussi ds les signes visibles… et alors dire merci et rendre grâces.

1. Aux Allemands. Il semble c’est à nous – et pourtant je leur dis : remerciez D. de vs. avoir inspiré de prendre cette initiative, de la faire aboutir à force de généros., de travail, de prière, d’amour et ainsi d’avoir mis ici un signe de la réconciliation sans doute, dès 1945.

Sans doute, dès 1945 – Stuttgart, Genève, le Conseil fraternel. Sans doute aussi les h. d’État. Spectacle. Mais ici.

2. Aux Frères de Taizé

Quel signe pour la communauté ! 1947-1962.

50 frères : l’Afr. noire, l’Afr. Du Nord, l’Angleterre, la France.

Commun. de + en + internation et interconfessionn.

Ici, ds la beauté liturgique retrouvée et vécue, ds l’adoration un lieu de vie contemplative et d’adoration — s’incarne ds. le service de ts. les hommes.

Ici un lieu où la prière du Seigneur n’est pas seule relue, mais priée et vécue

En vérité nos frères peuvent chanter l’exhortat de l’Apolo.

3. Ici sont assemblés des Xens de toutes confessions, reconnaisst d’être unis ds la vérité de l’Amour. Qu’ils me permettent de dire qu’à travers les protest. de langue franç… je voudrais m’adresser

Ah ! comme je voudrais pouvoir exhorter t. mes frères, protest. de France, à être reconnais. pour le don magnait., pour la grâce insigne que Dieu leur manifeste en implantant ds. cette terre Franç. la communauté de Taizé.

Je le sais, nombreux sont les protest. que les frères de Taizé et ceux qui ont autorité déconcertent, inquiètent parfois.

Qu’ils viennent donc ici. Qu’ils apprennent que la fidélité aux gdes. doct. de la Réf., plus encore à l’Évang. et au témoign. Apostoliq. ne ns. interdit pas la joie de vivre, de chanter, de louer… dans la communion de l’Égl. Les premiers siècles ont connu la fécondité de la vie communautaire.

4. Et voici que ns. allons célébrer et recevoir l’Eucharistie.

Ah ! soyons reconnaissants pour le grand don que ns recevons en elle… non pas seult l’appel… à ns. rassembler devant la +… non pas seult. la présence mais une présence qui, quelles que soient les séparat. subsistantes ns. unit ds. le Corps. et ns. révèle l’unité essentielle.

Oui, je sais, l’intercommunion apparaît auj. encore imposs. Elle est contestée, refusée, pour raisons canon. ou dogmat. Et c’est une tragique souffrance.

Mais que, ds. ce sanctuaire, les disciples du Xt puissent célébrer leur eucharistie. Que s’affirme, au-delà des divisions, la réalité de notre communion ds le Corps dont ns. sommes membres, c’est là une grâce pour laqu. ns. disons ici notre reconnaissance.

Cette Égl. est donc bien signe et signe prophète. de toutes les réconciliant.

La +. L’Amour. La joie45.

En 1963, le frère Max Thurian est touché par les paroles d’encouragement de Marc Boegner pour son ouvrage Marie, mère du Seigneur, figure de l’Église ; il lui propose même de rédiger une préface pour la deuxième édition du livre aux Presses de Taizé, mais Marc Boegner semble avoir décliné l’offre46.

Pendant le concile de Vatican II, aux troisième et quatrième sessions fin 1964-1965, Marc Boegner, invité à titre personnel dans la basilique Saint-Pierre, se retrouve à côté des frères Roger Schultz et Max Thurian. Ils vivent quasiment le concile ensemble en « invités » et « observateurs ». Un frère de Taizé va chercher Marc Boegner à l’aéroport de Rome à son arrivée ; il loge à deux pas de l’appartement des frères de Taizé ; frères Roger et Max le prennent chaque matin en voiture pour aller à la basilique Saint-Pierre ; enfin, il vient parfois avec sa fille, Denyse Berthoud, partager un repas avec les frères à leur domicile romain47.

L’année 1966 est importante pour l’amitié entre frère Roger et Marc Boegner, qui rédige alors son grand ouvrage L’exigence œcuménique. Le 29 janvier 1966, un entretien « préparatoire » d’une journée se déroule au domicile de sa fille Denyse Berthoud, à Vulaines-sur-Seine, en présence de frère Roger et du pasteur Jacques Beaumont de la Cimade. Marc Boegner apprécie l’ardeur des frères Max et Roger ; il admire leur puissance de travail et leur pensée de plus en plus attendue par beaucoup de gens. Bref, il découvre le succès de Taizé. Les 23-25 mai 1966, il prêche à nouveau à Taizé sur Matthieu 5. À la fin de l’année 1966, Frère Roger raconte précisément au pasteur le récit de la rencontre de 1 500 jeunes à Taizé, des 2-5 septembre 1966, le dialogue avec eux et l’« impatience œcuménique » de cette jeunesse. En octobre 1966, le pasteur Boegner se rend à nouveau à Taizé et engage de longues conversations avec frère Roger, mais également avec les plus jeunes frères et les novices ; il évoque alors « un très pur souvenir » et se dit sensible à la belle liturgie de la communauté lors de quatre offices du samedi soir au lundi matin où il communie avec les frères, mais aussi avec de nombreux fidèles venus de France, de Suisse, ­d’Allemagne et des Pays-Bas48.

On comprend mieux alors que Marc Boegner en 1967, à la fin de son principal ouvrage L’exigence œcuménique. Souvenirs et perspective, remercie chaleureusement frère Roger Schutz, en le mettant sur le même plan que Willem Adolf Visser’Hooft, Madeleine Barot, les pasteurs Pierre Bourguet et Jacques Beaumont, pour leur « insistance la plus affectueuse49 ». Il réunit alors dans une même expression de gratitude des antagonistes : le secrétaire général Visser’Hooft du COE et le pasteur Pierre Bourguet, comme président du conseil national de l’ERF, qui n’ont de cesse de ferrailler contre les initiatives jugées malencontreuses de frère Roger et de Taizé. Ces remerciements expriment ce que Roger Mehl appelle avec raison le rôle de « rassembleur » du pasteur Boegner50.

Dans L’exigence œcuménique, Marc Boegner va loin dans l’hommage à Taizé, voire dans l’éloge :

« C’est à Taizé que je désire conduire maintenant mes lecteurs. Je ne puis en parler sans me redire que Dieu a accordé une grande grâce au protestantisme français – et pas seulement à celui-ci – en inspirant, dès 1940, au jeune pasteur Roger Schutz la fondation de la communauté de Taizé. Lorsque a été commémoré, en 1965, le vingt-cinquième anniversaire, je me suis souvenu des critiques, des railleries, des suspicions qui ont longtemps entouré les frères de Taizé. Une lamentable mauvaise foi s’est trop souvent mêlée aux étonnements compréhensibles, aux inquiétudes légitimes suscités par cette restauration, dans le protestantisme, de la vie monacale avec ses vœux de pauvreté, de célibat et d’obéissance.

Il est certain que, devant la tradition de la Réforme, solidement établie depuis Luther, il fallait une grande hardiesse, et sans doute un grand courage, pour remonter au-delà du xvie siècle jusqu’aux sources du monachisme, reconnaissant ainsi que la Réforme s’est détournée d’une source féconde de richesses spirituelles. N’était-ce pas une entreprise dangereuse de vouloir faire redécouvrir à nos Églises l’incomparable valeur et la nécessité, dans un temps où la technique déshumanise l’homme, de communautés de prières, d’étude et de travail totalement consacré à l’attente de Dieu dans l’amour des pauvres et à la joie de la vie œcuménique ?

La dimension œcuménique de la communauté est congénitalement liée à son inspiration fondamentale. L’esprit de pauvreté n’a sa vérité que dans l’amour, l’unique amour que donne et qu’inspire le Seigneur, et l’amour appelle, exige l’unité. Vécue dans la communauté, l’unité est un appel à la réconciliation de tous, et particulièrement des confessions chrétiennes qui, dans leurs divisions, proclament néanmoins leur foi en l’unique Seigneur. L’Unité de l’Église prophétisera, préparera l’unité des peuples. Taizé a le sens profond de sa vocation d’universalité, de catholicité, d’œcuménicité.

Je sais bien que, sur un point capital, la position de Taizé se heurte à d’énergiques refus protestants. Selon Roger Schutz, prieur de la communauté, et ici je me sens en parfait accord avec lui, l’Unité visible restaurée ne pourra, ni plus ni moins que la plus petite dénomination protestante, se passer d’une autorité, fût-ce le président d’un Synode épiscopal. Les Orthodoxes rejettent, comme les Églises de la Réforme, l’infaillibilité personnelle et la primauté universelle de juridiction de l’évêque de Rome. Quelle serait la tête de l’Église universelle ? Question à laquelle il faudra revenir.

J’aime la communauté de Taizé. Chaque fois que j’y retourne, je me sens accueilli, enveloppé, vivifié par un climat de prière, de louange, de joie, d’amour offert à tous et vécu avec tous. La liturgie m’introduit dans le mystère du Corps du Christ, et je remercie Dieu de ce qu’il y ait en France un lieu où la prière et l’amour ignorent toutes les barrières confessionnelles et d’où l’on ne peut s’éloigner sans avoir la certitude que sera exaucée, « quand Dieu le voudra et comme Il le voudra », la prière du Christ « qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jean 17 :21) […]

Dois-je redire ici ce qu’à mes yeux représente Taizé ? Sans doute est-il opportun d’ajouter ceci. Un auteur catholique a récemment désigné Taizé comme la capitale de l’œcuménisme. Je ne souscris pas à cette qualification. La capitale du mouvement œcuménique, qu’on le veuille ou non, après comme avant le Concile du Vatican, est à Genève où est fixé pour l’instant, non une institution, mais un ensemble de services où s’incarnent la vision et les exigences des origines et par lesquels s’accomplit sa vocation. Taizé est autre chose : un haut lieu du protestantisme français et international en dépit de ses critiques et de ses détracteurs et surtout un signe de la soif de d’unité qui tenaille un nombre croissant de chrétiens, qui veulent être avant tout des chrétiens. Taizé, tout au moins en quelque mesure, est une prophétie de l’unité restaurée. À côté de la vie liturgique, de la vie communautaire, de l’action économique et sociale, les ouvrages des frères Schutz et Thurian en témoignent surabondamment. Cependant cette unité de l’Église ne se veut pas comme sa propre fin : elle est au service de l’unité de la grande communauté humaine. « Pour faire avancer l’échéance de l’unité, disait le prieur aux jeunes réunis à Taizé en 1966, il nous faut réaliser la communauté chrétienne même provisoire. » Oui, dans un coin de terre aux horizons qui émerveillent toujours mon regard, j’aspire à pleins poumons l’air vivifiant de « la communauté chrétienne » et je ne puis que dire et redire : « Louange à Dieu ! »51

La lecture de ces extraits ravit frères Max et Roger. Frère Max s’exclame : « Comment vous exprimer on émotion et ma reconnaissance, après avoir lu vos pages si affectueuses sur notre communauté ? Je n’ai pas pu me retenir de téléphoner au Frère Prieur pour lui dire quelques paragraphes qui l’ont également profondément réjoui. » Et la lettre de reconnaissance de frère Roger ne tarde pas, le lendemain, 19 mars 1968 :

Mon cher pasteur,

Je reçois aujourd’hui même votre livre et je lis les passages nous concernant avant d’entreprendre la lecture.

Je suis infiniment touché, de l’expression, des paroles consacrées à Taizé.

Je saisis cette occasion pour vous renouveler la gratitude que je vous porte et l’admiration pour votre présent et courageux ministère Œcuménique.

Croyez, mon cher pasteur, à mes sentiments de profonde vénération – frère Roger52.

En mars 1968, après la parution de l’Exigence œcuménique, le pasteur Boegner expose encore son avis sur la communauté de Taizé. Il se souvient des débats et des polémiques d’antan, au début de l’aventure de Taizé – ce « petit printemps » selon le pape Jean XXIII :

À trois reprises dans mon livre, je parle de la communauté de Taizé. J’aime beaucoup Taizé, son vivifiant climat de prière, d’amour offert à tous et vécu par tous. Certes, je reconnais que la communauté de Taizé, par sa seule fondation, comme par certaines de ses prises de position très précises, a soulevé, soulève encore dans le protestantisme français et dans tel ou tel pays étranger, des critiques et en tout cas des contestations et des incompréhensions parfois véhémentes. J’en ai été l’auditeur et le témoin. D’autre part, je reconnais que le prieur et les frères de Taizé, dans certaines circonstances et surtout au temps de la prime jeunesse de la communauté, ont commis des erreurs et des maladresses. J’ai eu d’ailleurs l’occasion de les mettre très fermement en garde contre leurs impatiences ou leurs déclarations trop hardies ; de faire des réserves sur tel ou tel élément de leur conception œcuménique. Mais je crois, je dis et je répète que Taizé représente un haut lieu du protestantisme français et international, un haut lieu de l’unité ; que Taizé a le sens profond de sa vocation œcuménique53.

À partir de fin 1968, le pasteur Boegner est affaibli et il tombe malade. Frère Roger reste proche demandant des nouvelles à sa fille Denyse : il évoque son attachement à « votre vénéré père ». Lors de son 88e anniversaire le 21 février 1969, il lui offre des fleurs et lui écrit. Tous ses messages apportent au pasteur Boegner « de la joie et de la force » et il aimerait avoir l’immense joie de retourner à Taizé sans savoir si cela sera possible : « Dieu seul le sait ». « Croyez cher Prieur, Frère et ami, que vous êtes toujours présent dans mon intercession et que j’aime à vous suivre par la pensée et la prière dans l’immense, difficile mais aussi magnifique labeur que vous avez à accomplir jour après jour. » Frère Roger l’invite à une réunion de jeunes gens fin août 1969, mais sa santé est trop fragile pour prendre le risque du voyage et du séjour. Les messages et les télégrammes de la communauté au pasteur Boegner sont nombreux fin 1969 comme au cours de l’année 1970 : anniversaire, message de fraternité au moment des décès de Philippe Brandon ou d’André Boegner, frère de Marc. Le 17 mars 1970, le pasteur Boegner demande à frère Roger de « mettre de côté le mot de vénération ». Il précise alors : « je vous aime comme un jeune frère ou un fils aîné et c’est toujours une grande joie de rendre grâce à Dieu de m’avoir permis de vous rencontrer dans notre vie quotidienne et d’être ainsi devenu si proches l’un de l’autre54 ».

Le pasteur Boegner et frère Roger à Taizé, 5 août 1962 (BPF 036Y14/8, Le Courrier, 11-12 août 1962)

Enfin frère Roger revoit à Paris au cours des derniers jours de Marc Boegner, malade. Après la mort du pasteur le 18 décembre 1970, il est autorisé à se rendre avenue d’Eylau auprès de sa dépouille mortelle. La bière est installée dans son salon ; avant de la fermer, un membre de sa famille place la Bible de l’office de Taizé avec laquelle il priait quotidiennement, précise frère Roger avec une très grande émotion55.

Conclusion

Les débuts de la communauté de Taizé ont été critiqués par les protestants français et l’âpreté des polémiques peut parfois surprendre. Or, dans une certaine mesure, Taizé est une « œuvre » protestante qui dépasse ses origines, sa source initiale. Pour l’ERF, la « communauté protestante » de Taizé est souvent gênante lors de son développement, trop catholicisante à ses yeux : pratique monastique, culte marial, hostilité au prosélytisme, rapprochements avec Rome, le « Saint-Siège » et le « Saint-Père » – Pie XII, et surtout Jean XXIII et Paul VI. Toutes proportions gardées, Taizé est une difficulté pour l’Église réformée de 1948 et 1970, tolérée jusqu’à un certain point, un peu comme l’objection de conscience dans les années 1930 ou la si audacieuse paroisse du Chambon-sur-Lignon dans les années 194056. Surtout avec l’ampleur du succès de Taizé auprès de la jeunesse, les conflits s’atténuent un peu – mais ils peuvent se raviver. Taizé prend de l’assurance même si l’œcuménisme semble en panne après le concile à la fin des années 1960. Taizé devient une communauté « œcuménique », un peu à part ou indépendante, d’origine protestante avec des frères catholiques à partir de 1969. L’équilibre entre les deux confessions catholique et protestante ou la ligne de crête que souhaite garder Taizé est toujours difficile à tenir. L’attache confessionnelle protestante, de fait, se perd. Le frère qui représente la communauté au sein de la FPF se retire en octobre 1975 ; la communauté demande à être retirée de l’annuaire de la FPF57.

Face à ces polémiques à propos de Taizé, Marc Boegner donne son sentiment en 1966. Il ne voit pas des questions de principes mais plutôt de personnes :

Marc Boegner : […] je prends l’affaire de Taizé ; nous l’avons vécue ensemble ; eh bien ! pourquoi y a-t-il eu des durcissements à certains moments, des incompréhensions ?

Roger Schutz : À cause de nous, j’en suis sûr.

Marc Boegner : Mais non. Oui, vous avez commis certaines erreurs, mais il y a eu tout de même des changements d’hommes, qui ont marqué des changements d’attitude ; disons les choses comme elles sont. J’ai eu comme successeur Pierre Maury qui n’avait pas le même regard sur vous que celui que j’ai eu ; et vous avez commis des erreurs, des maladresses, tout ce que vous voudrez, j’ai été le premier à vous en signaler quelques unes. Mais Maury n’avait pas le même regard, et Bourguet n’a pas eu le même regard que Maury, et Conord n’avait pas le même regard que Maury, et Bourguet arrivant par dessus, et Gaillard derrière Bourguet, alors cela complète le tableau, si je puis dire. Mais c’est une question de personne, très souvent, ce n’est pas une question de principe. Vous voyez là, vous, une logique interne au protestantisme ?

Roger Schutz : Non. […]58.

Marc Boegner, dans ce temps des polémiques, a défendu Taizé avec justice, tact, amitié et, sur la fin, une grande affection. Frère Roger le définit plusieurs fois dans les années 1960 comme un « père spirituel » auquel il exprime son « affection filiale », puis un père « vénéré ». Lors de ses deux dernières années, frère Roger est très présent auprès de Marc Boegner, malade. Leur amitié s’approfondit. Le pasteur Boegner évoque un « jeune frère » ou un « fils aîné »59.

Le dialogue œcuménique est au cœur de l’aventure spirituelle de cette communauté. Marc Boegner ne nie pas les « erreurs » et les « maladresses », surtout de jeunesse, avec les polémiques de 1949-1951 et sa rencontre houleuse du 24 janvier 1951. Par la suite cette rencontre s’est « transfigurée en confiance », selon l’expression de frère Roger. Dans le fond et dans la forme, Marc Boegner aime Taizé avec énergie et obstination, et avec une autorité ou une réussite peu entendue dans les milieux protestants français de son temps. À la fin de sa vie, on ne retient pas ou on oublie cette défense nuancée et globale de Taizé. Il en a pourtant vu tout l’enjeu : la vocation œcuménique en actes ou pragmatique, la jeunesse retrouvant la foi en Dieu, entre Cluny et Genève, entre François d’Assise et Rousseau, Pascal et Calvin, jansénistes et puritains, de l’office bénédictin aux psaumes francophones60.

Dernier étonnement. Il est curieux que le « vieil homme », si conservateur au sens sociologique, idéologique ou anglomane du terme, ait finalement approfondi l’intuition créatrice d’une réussite chrétienne de la jeunesse du monde, moderne, rassembleur et d’avenir : un « haut lieu de l’unité » des croyants en Dieu sur la nouvelle « colline inspirée » française. À sa façon, le poète catholique Pierre Emmanuel écrit au pasteur Boegner son admiration chrétienne, via Taizé :

Vous êtes, pour beaucoup d’entre nous, l’un des grands témoins et des apôtres de la fraternité chrétienne, dans la perspective de l’unité, que vous avez contribué à rouvrir. Et vous donnez votre conviction en partage à ceux qui vous approchent. C’est ce que nous disions, le Frère Roger et moi, qui nous sommes rencontrés de nouveau samedi après notre bref contact chez vous. Votre confiance en Taizé, manifestée depuis que la communauté existe, en est l’un des fondements. Que Dieu vous donne la force d’inspirer, par cette jeunesse que vous avez toujours gardée, la foi plus précaire de tant d’être plus jeunes et moins jeunes que vous !61

Marc Boegner est peut-être plus sensible que ses coreligionnaires à la rencontre de deux temps et de deux chrétientés surimposées ou de deux héritages religieux : le temps catholique millénaire du monachisme clunisien et le temps demi-millénaire, réformé, francophone et genevois, avec un réveil chrétien moderne sur la colline pour la jeunesse du monde, jusqu’à se demander s’il n’est pas venu « le temps de refermer la parenthèse de la Réforme62 ». Nous sommes fidèles à cette rencontre historique et religieuse, d’un temps long de l’Éternel, avec un toponyme curieux, syncrétique et prometteur, qui dure un temps bref au milieu du xxe siècle : « Taizé-lès-Cluny63 ».

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1. Nous tenons à remercier chaleureusement sœur Sabine Laplane, Silvia Scatena, frère Charles-Eugène et Frédéric de Gournay, pour toute leur aide au cours de cette recherche.

2. AN (Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine) 107AS 176, Taizé, dossier 2, relations avec l’Église réformée de France (ERF), lettre de Roger Schutz au conseil national de l’ERF, 10 janvier 1955 ; extrait du procès-verbal du Conseil national de l’ERF, janvier 1957, p. 1265.

Réforme, 2 août 1947, 21 décembre 1957, 11 février 1967.

Site internet musée protestant.

Pierre Gisel et Lucie Kaennel (dir.), Encyclopédie du protestantisme, Paris : PUF, 1995, 2006 : François Altermath, Michel Bouttier, Antoine Reymond, « Communautés religieuses » ; Willy-René Nussbaum, « Schutz, Roger (1915-2005) » ; Denis Müller, Antoine Reymond, « Taizé » ; Jean Baubérot, Willy-René Nussbaum, « Thurian, Max (1921-1996) ».

Sabine Laplane, Frère Roger, de Taizé. Avec presque rien…, Paris : Cerf, 2015, chapitre premier « De vieille souche protestante », p. 13-24, généalogie, p. 518-519. Notons que la famille Schutz abandonne l’Umlaut germanique. Sa mère et frère Roger n’aiment pas ce nom à consonance allemande et ajoutent souvent celui de Marsauche (note p. 6, p. 469).

Laurent Schlumberger, « Introduction », « Postface », in sœur Évangéline (éd.), Protestantisme et vie monastique : vers une nouvelle rencontre ?, Paris : Olivetan, 2015, lire également les analyses historiques sur cette question de Marianne Carbonnier-Burkard et Sébastien Fath, « Peut-on être protestant et moine ? », in actes du colloque international, Taizé, 31 août-5 septembre 2015, L’apport de frère Roger à la pensée théologique, Taizé : Ateliers et Presses de Taizé, 2016, p. 91-107.

Silvia Scatena, Taizé, une parabola di unità. Storia della comunità dalle origini al concilio dei giovani, Bologne, Il Mulino, 2018, 876 p. Ce travail imposant doit prochainement être édité en langue française par les éditions Brepols ; nous tenons à remercier l’auteur d’avoir précisé notre recherche.

3. Marc Boegner, L’exigence œcuménique. Souvenirs et perspectives, Paris : Albin Michel, 1968, p. 12 : « Je discernai (dès lors) ce que le mot grâce porte en lui de trésors d’amour, de pardon, de puissance réparatrice. » ; p. 216 : « C’est à Taizé que je désire conduire maintenant mes lecteurs. Je ne puis en parler sans me redire que Dieu a accordé une grande grâce au protestantisme français […] ».

4. Archives de Taizé, carte de Genève, Amélie Schutz à Roger Schutz, 5 mai 1941 : « As-tu écrit à M. Boegner ? » ; lettre d’Amélie Schutz à Roger Schutz, Presinge, 10 juin 1941 : « Geneviève […] demande si tu as écrit à Mr Boegner, mon chéri ». Geneviève est la sœur de Roger.

5. Frère Roger, de Taizé, A la joie je t’invite. Fragments inédits 1940-1963, « Pages de journal » (23 avril-été 1941), Taizé : Les Ateliers et Presses de Taizé, 2012, p. 31-35.

Communauté de Cluny, Notes explicatives, Lyon, 1941.

AD Saône-et-Loire, Mâcon, rapport de l’inspecteur Caviglioli au préfet Brun, 13 août 1941 ; Service historique de la Gendarmerie nationale, Vincennes, 71E 827, « Carnet de déclaration du gendarme Possin », 20 et 22 janvier 1942, cités in S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 63-66, n. 214-217.

Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, dite « La Contemporaine », Nanterre, F delta 2149/5001, in Patrick Cabanel, De la paix aux résistances. Les protestants en France 1930-1945, Paris : Fayard, 2015, p. 235, n. 85 p. 388.

Archives de Taizé, lettre de frère Max à frère Roger, juin 1942, citée in S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 104, note 360 ; lettre de frère Max à frère Roger, Gstaad, 20 août 1942.

Le Semeur Vaudois, 7 novembre 1942 ; « Une communauté d’intellectuels protestants. Communauté de Cluny », La Vie Protestante, novembre 1942.

Sabine Laplane, Frère Roger, p. 477, n. 4 et 7.

6. Sur cette période à Genève, lire S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 111-168.

7. Roger Schutz, Introduction à la vie communautaire, Genève : Labor et Fides, 1944 ; réédition partielle, in Frère Roger, de Taizé, Vivre l’aujourd’hui de Dieu et les premiers livres, Taizé : Ateliers et Presses de Taizé, 2013, p. 107-186.

S. Laplane, Frère Roger, p. 137-168, et notes p. 479-481.

S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 169-186.

8. AN 107AS 444, lettres du pasteur Henri Eberhard, président de la XIIe circonscription synodale (Alpes-Rhône), au pasteur Boegner, Lyon, 15, Quai St-Clair, 29 mars 1947.

9. Réforme, 2 août 1947, « Un « monastère » protestant, Taizé ». L’article est déjà paru in L’Écho de la Montagne. Organe mensuel du Consistoire de la Montagne, 29 février 1947 / 2, p. 1-2.

Paul Ricœur, « Libérer le fond de bonté », in Taizé au vif de l’espérance, Paris : Bayard, 2002, p. 205-209. « Ce que je viens chercher à Taizé ? Je dirais une sorte d’expérimentation avec ce que je crois le plus profondément : à savoir que ce qu’on appelle généralement la “religion” a à faire avec la bonté. […] j’ai besoin de vérifier ma conviction que, aussi radical que soit le mal, il n’est pas aussi profond que la bonté. Et si la religion, les religions, ont un sens, c’est de libérer le fond de bonté des hommes, d’aller le chercher là où il est complètement enfoui. »

S. Laplane, Frère Roger, p. 153, 159-169, n. 34, p. 481.

Beate Bengard, « Frère Roger et Paul Ricœur : pistes d’un enrichissement théologique mutuel », in L’apport de frère Roger à la pensée théologique, p. 109-122.

10. Marcel Pacaut, L’Ordre de Cluny, Paris : Fayard, 1986, p. 267-274.

À Taizé, l’église paroissiale Sainte-Marie-Madeleine, entièrement romane, se situe à l’emplacement d’une ancienne chapelle primitive dédiée à saint Martin. Elle a deux phases de construction, fin du xe et début du xie siècle, puis xiie siècle. Par sa sobriété, elle est un exemple typique des petites églises romanes en Bourgogne. Elle a été plusieurs fois rénovée ; elle est classée Monument Historique en 1913. Elle est au cœur des débuts de la dynamique de la communauté œcuménique de 1948 à 1965.

11. Futur pape Jean XXIII. Sur l’histoire du simultaneum à Taizé, Silvia Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 230-233.

12. Une confusion naît entre Louis Schutz, pasteur en Suisse, et frère Roger Schutz.

13. AN 107AS dossier 2, « Rapport pour le Conseil National sur la communauté réformée de Cluny, à Taizé », J. Babut, suite à une mission d’information à Taizé, 31 mars-1er avril 1948, à propos de la question des registres paroissiaux, particulièrement pour les 20 enfants et de l’inscription au rôle des pasteurs de la communauté, s. d., 4 p. man. ; procès-verbal de la séance du conseil national de l’ERF avec l’intervention d’Henri Eberhard, 12 avril 1948, p. 776-777.

107AS 176, dossier 6, lettre du président du conseil national de l’ERF Marc Boegner au pasteur André Aeschimann, commission du ministère pastoral, Paris, 30 avril 1948 ; copie de l’avis favorable, par le président de la commission du ministère pastoral, André Aeschimann, 3 juin 1948 ; « Communauté de Taizé », une page dact., 29 septembre 1953.

Jean-Claude Escaffit, Moïz Rasiwala, Histoire de Taizé, Paris : Seuil, 2008, p. 42.

S. Laplane, Frère Roger, p. 169-170.

14. AN 107AS 442, lettre du président Marc Boegner au président Henri Eberhard, Paris, 28 janvier 1949.

15. Roger Schutz, Max Thurian, Pierre Souvairan, Daniel de Montmollin, Robert Giscard, Albert Lacourt, Axel Lochen.

16. S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 235-264.

17. AN 107AS 106, dossier 2, Roger Schutz, « introduction », in « Rencontre des délégués des Églises réformées de langue française avec les représentants de la Communauté de Taizé, Neuchâtel, 19 et 20 juin 1957, p. 2.

18. AN 107AS 176, dossier 2, procès-verbal, réunion du conseil national de l’ERF, juin 1949, p. 862 ; dossier 6, S.OE.P.I., Journal, n° 17, 18, 21, 29 avril, 6 mai 1949, 27 mai 1949, « La Communauté de Taizé-les-Cluny ». Le premier communiqué de presse peut sembler inquiétant pour les protestants : il utilise imprudemment l’expression « vœux définitifs » et affirme que « la communauté a été officiellement reconnue par l’Église réformée de France ». Les numéros qui suivent insistent sur la tradition protestante qui anime la communauté.

S. Laplane, Frère Roger, p. 176-177, n. 73-76 p. 482.

19. AN 107AS 444, lettres du président Henri Eberhard au président Marc Boegner, Lyon, 1er février 1949, p. 2-4, « 2°) Mâcon » et 7 février 1950.

AN 107AS 442, lettre du président Marc Boegner au pasteur Max Thurian, Paris, 13 février 1950.

SHPF, 036Y 2, fonds Marc Boegner, carnet intitulé « Services, Comités, Visites. Novembre 1949-Mai 1951 ».

20. Futur pape Paul VI. Sur les deux premières visites à Rome de Roger Schutz et Max Thurian et leurs réactions au « coup de frein » marial, S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 264-318.

21. Roger Mehl, Le pasteur Marc Boegner, p. 252-253.

22. AN 107AS 444, lettre du président Henri Eberhard, XIIe circonscription synodale (Alpes-Rhône) au pasteur Boegner, Lyon, 9 novembre 1950.

23. Kathryn Spink, Frère Roger de Taizé, Paris : Seuil, 1986, p. 72.

24. Frère Roger, « Marc Boegner et Taizé », Unité des Chrétiens, n°42, avril 1981, p. 20.

25. S. Laplane, Frère Roger, p. 187-188, avec n. 19-20, p. 483.

26. AN 107AS 176, dossier 2, procès-verbal, réunion du conseil national de l’ERF, avril 1951, p. 964-965. Les pasteurs Maury et Eberhard sont chargés de suivre cette question des liens entre la communauté de Taizé et l’ERF.

SHPF 036Y 2, carnets intitulés « Services, Comités, Visites. Novembre 1949-Mai 1951 » ; « Services, Comités, Visites. Juin 1951-Décembre 1951-14 Octobre 1952 ». Ce voyage de l’été 1951 jusqu’à Taizé est le dernier avec son épouse Mary ; elle décède de maladie le 4 décembre 1951.

27. AN 107AS 176, dossier, procès-verbaux, réunions du conseil national de l’ERF, 19 janvier, 27 avril et 10 octobre 1953, p. 1046-1047, 1067, 1099.

28. Max Thurian, frère de Taizé, La confession, Taizé : Presses de Taizé, 1953, réédition, 1977.

29. Sur la crise entre Taizé et le Conseil national de l’ERF, l’« affaire » des frères pasteurs et l’« éclatement » d’une « question communautaire » dans le protestantisme francophone, S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 357-381. Lire également du même auteur, « Internationale, interconfessionnelle, œcuménique. La Communauté de Taizé et l’Église Réformée de France : l’affaire des frères pasteurs », in Luca Ferracci (éd.), Toward a History of the Desire for Christian Unity. Preliminary Research Papers. Proceedings of the International Conference at the Monastery of Bose (November 2014), LIT-Verlag, Wien-Zürich-Münster, 2015, p. 121-137.

30. S. Laplane, Frère Roger, p. 201, n. 60 p. 484, lettre d’Antoinette Butte au pasteur et président de la IXe région de l’ERF, Eric Barde, 17 novembre 1953.

31. Archives de Taizé, lettre du président de la Fédération protestante de France (FPF) au « cher Collègue et Frère », frère Roger, Paris, 18 octobre 1956 ; réponse de frère Roger au président Boegner, Taizé, 19 octobre 1956.

32. AN 107AS 176, dossier 2, extraits des procès-verbaux des réunions du conseil national de l’ERF : 18-19 janvier 1954 (p. 1113), 29-30 mars 1954 (p. 1119), 28 juin 1954 (p. 1135-1136), 12 octobre 1954 (p. 1153), 17-18 janvier 1955 (p. 1162-1163), mars 1955 (p. 1172), 23 juin 1955 (p. 1184-1185), octobre 1955 (p. 1198-1200), juin 1956 (p. 1236, 1239), octobre 1956 (p. 1246), 16 octobre 1956 (p. 1251), janvier 1957 (p. 1265) ; rencontres des 25-26 octobre 1954 à Villemétrie, 28-30 septembre 1955 à Taizé, 2 décembre 1955 à Paris (bureau du conseil national), 3 octobre 1956 à Lausanne, 14-15 janvier 1957 à Genève, 19-20 juin 1957 à Neuchâtel ; notes dactylographiées et manuscrites sur les rencontres entre les membres de l’ERF et les frères de Taizé.

Dossier 6, lettre du président de la IIIe circonscription synodale (Région parisienne) au président du conseil national de l’ERF, 12 mai 1954 ; lettre de frère Roger au président Pierre Bourguet, 14 mai 1954 : « A Taizé, nous sommes émus que depuis six mois, nos relations prennent un aspect sans cesse négatif. » Lire la « Déclaration de la communauté de Taizé », 4 p. dact., envoyée au pasteur Boegner, avec le courrier de frère Roger au président Pierre Bourguet, 7 août 1954 ; lettre du pasteur Eberhard au président Bourguet, 12 septembre 1956, Comps par Dieulefit ; lettre de Roger Schutz aux autorités et conseils synodaux des Églises réformées représentées à la rencontre de Neuchâtel, les 19 et 20 juin 1957, à propos d’un « modus vivendi ».

AN, 107AS 910, communauté de Taizé, différentes « thèses » sur la « communauté » et les vœux, 1954-1957.

Frère Roger, de Taizé, A la joie je t’invite. Fragments inédits 1940-1963, Taizé, « Pages de Journal (décembre 1953 – 25 septembre 1954) », p. 67-80.

J.-C. Escaffit, M. Rasiwala, Histoire de Taizé, p. 211.

S. Laplane, Frère Roger, p. 194, n. 41 p. 484 ; p. 199-211, n. 60-92, p. 484-487.

S. Scatena, « Une question de vie ou de mort », in actes du colloque international de Taizé, 31 août-5 septembre 2015, L’apport de frère Roger à la pensée théologique, Taizé : Ateliers et Presses de Taizé, 2016, p. 37-38.

33. AN 107AS 176, dossier 7, coupures de presse, Le Christianisme au xxe siècle, 17 juin 1954, Raoul Stephan, « Les frères de Taizé ; 2 mai 1957, P. de Bethmann, « Pâques à Taizé » ; « Pour au Contre. Pâques à Taizé », réponse de Messieurs Gardes, Tongas, Pharisier, 6 juin 1957. Ces lecteurs s’interrogent sur les pratiques et tendances catholicisantes de plus en plus nombreuses chez les protestants, notamment à Taizé : « Les robes blanches, les “offices”, les ornements des “célébrants”, les prosternements, les cierges, les psalmodies, les chantres, le côté de l’épître et celui de l’évangile, que sais-je encore ? Tout cela serait-il nécessaire pour rendre à Dieu le culte en esprit et en vérité qui lui est dû ? »

Réforme, 21 décembre 1957, p. 4-5, « La communauté de Taizé par Roger Schutz, Hébert Roux, Georges Casalis et Albert Finet », « Vivre à Taizé » par Georges Casalis, « Réformation de l’Église et vie commune » par Hébert Roux, « Où va Taizé ? » par Roger Schutz.

34. Frère Roger, de Taizé, A la joie je t’invite, « Pages de journal » (3 mai, 20 et 22 mai, 31 mai 1958), p. 104, 118, 120-121 ; « Méditation sur l’unité de l’église », s. d., mai-1961-avril 1962, p. 153-166, p. 163.

Nous remercions frère Charles-Eugène, qui nous a transmis le « Rapport du président Bourguet au synode national de Poitiers, 31 mai au 2 juin 1958 », retrouvé aux archives à Taizé.

35. Roger Schutz, prieur de Taizé, Vivre l’aujourd’hui de Dieu, Les Presses de Taizé, 1959, p. 11-14. Cette lettre est en partie rééditée dans la dernière édition de l’ouvrage, en 2013 (voir n. 7), p. 16-17.

36. Sauf erreur et surtout oubli, les dates des rencontres entre les frères de Taizé et le pasteur Marc Boegner sont : 17-18 octobre 1960 à Taizé, 4-6 août 1962 à Taizé, septembre-octobre 1964 à Rome lors de la IIIe session du concile de Vatican II, 7 septembre 1965 à Taizé, 29 janvier 1966 à Vulaines-sur-Seine, 23-25 mai 1966 à Taizé, 8-10 octobre 1966 à Taizé, 22 janvier 1967 à Saint-Germain-des-Prés, enfin au domicile parisien du pasteur Boegner, quelques jours avant son décès, le 18 décembre 1970.

Notons également que le 25 novembre 1962, Marc Boegner, Hébert Roux, Roger Schutz et Max Thurian participent ensemble à l’émission de la RTF, en duplex Rome-Paris, avec les observateurs « non-catholiques » à Vatican II : « En direct de Rome : les observateurs du Concile », Le Jour du Seigneur et Présence Protestante, Paris-Rome : RTF, 25 novembre 1962, Le Jour du Seigneur, 630101. Cette vidéo est conservée à l’Inathèque et aux Archives du Saulchoir. Renseignements de Silvia Scatena, 20 août 2020.

37. AN 107AS 176, dossier 5, Journal Le Monde, Henri Fesquet, « La communauté protestante de Taizé est un poste d’avant-garde œcuménique », Le Monde, 11 février 1959 ; « L’Église réformée de France et la communauté de Taizé », Le Monde, 24 février 1959 ; lettre du prieur Roger au président Pierre Bourguet, Taizé, 19 février 1959 : « […] je vous demande pardon pour la peine causée par l’article du Monde ». Notons que le journaliste du Monde, responsable de la chronique religieuse, Henri Fesquet (1916-2011), est proche du pasteur Boegner ; ce dernier préface son ouvrage sur le pape Jean XXIII, intitulé Les « Fioretti » du bon pape Jean, édité aux éditions Arthème Fayard, en 1964.

38. SHPF 036Y 14/5, « Incident de Rhodes », lettre de Taizé au président Boegner, signée par tous les frères et le cardinal Gerlier, 29 septembre 1959 ; lettres du prieur, frère Roger, au président Boegner, Taizé, 24 septembre 1959, « Votre lettre me peine comme vous le pensez. » ; 30 septembre 1959 : « Votre absence m’était personnellement très sensible. Votre dernière lettre m’a fait passer par un moment difficile. J’ai dû reste essayé de le traduire en vous écrivant aussitôt. Jamais je crois n’avoir tant éprouvé l’absence “maternelle”, (bien que je n’aime pas l’expression), de mon Église. » Nous n’avons pas retrouvé la lettre du président Boegner au prieur de Taizé, reçue à Taizé le 24 septembre 1959.

39. L’église de la Réconciliation à Taizé est inaugurée le 6 août 1962.

40. SHPF 036Y 14/8, lettres du prieur de Taizé, Roger Schutz, au président Marc Boegner, 30 avril et 20 mai 1960, 17 août 1960 avec l’idée de la construction d’une nouvelle église, soutenue par Lothar Kreyssig, Résistant au nazisme et membre de l’Église confessante, président du synode de l’Église Évangélique des deux Allemagne.

41. AN 107AS 176, dossier 6, « Colloque de Taizé 26-28 septembre 1960. Résumé des entretiens sur l’évangélisation », 2 p. dact. ; lettre du président Bourguet au pasteur Roger Schutz, 22 octobre 1960, 4 p. dact. ; réponse du prieur Roger Schutz au président Bourguet, 28 octobre 1960, 4 p. dact. ; dossier 7, coupures de presse, Paris-Match, n° 606, 19 novembre 1960, Maurice Croizard, Robert Serrou, « Ce village va-t-il réconcilier catholiques et protestants ? ».

S. Laplane, Frère Roger, p. 235-248, n. 65-85, p. 487-488.

S. Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 464-482.

42. AN 107AS 176, lettre de Claire Roser au président Bourguet, Paris, 27 octobre 1960.

43. Musée de la Résistance et de la Déportation en Isère (MRDI), Grenoble, fonds Pierre Bolle, carton Marc Boegner.

44. Roger Mehl, Le Pasteur Marc Boegner. Une humble grandeur, Paris : Plon, 1987, p. 183.

S. Laplane, Frère Roger, p. 235-248, n. 65-85, p. 487-488.

45. SHPF 036Y 5/16, sermon, 05/08/1962, sur Coloss. III : 15, « Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos cœurs. Soyez reconnaissants. », 8 p. manuscrites.

46. AN 107AS 176, dossier 6, « Extraits de lettres d’évêque, colloque de Taizé, 5 octobre 1961 [sic] ». « Le colloque m’a beaucoup appris sur l’organisation de l’Église réformée de France, sur l’Église de Suisse, sur les préoccupations spirituelles des pasteurs présents, sur leurs soucis dans l’évangélisation. La prédication de Monsieur le pasteur Boegner fut un des sommets de nos trois journées. »

SHPF 036Y 14/8, lettre du sous-prieur Max Thurian au « cher et Vénéré Collègue », le pasteur Boegner, Taizé, 11 mars 1963.

47. SHPF, correspondance 036Y 14/8.

M. Boegner, L’exigence œcuménique, chapitres XIX, XX, XXI, sur le concile de Vatican II, p. 251, 261-263, 277, 284.

Frère Roger, « Marc Boegner et Taizé », p. 20.

Renseignements et témoignage de frère Charles-Eugène à l’auteur, 29 juillet et 10 août 2020.

48. SHPF 036Y 17/1, entretien préparatoire pour L’exigence œcuménique : chez Denyse Berthoud, 29/01/1966, avec Marc Boegner, frère Roger Schutz, Jacques Beaumont, 68 ff. dactylographiés, 2 ex.

SHPF 036Y 14/8 lettre du pasteur Boegner au frère Roger, Paris, 6 avril 1966.

SHPF 036Y 5/18, sermon, Taizé, mai 1966, Mt V, 8 ff.

M. Boegner, L’exigence œcuménique. Souvenirs et perspectives, Paris : Albin Michel, 1968, p. 322-325.

49. M. Boegner, L’exigence œcuménique, p. 7.

50. AN 107AS 176, dossier 6.

R. Mehl, Le pasteur Marc Boegner, p. 295, 313.

51. M. Boegner, L’exigence œcuménique, p. 216-217, et le chapitre XXIV, iii : « Taizé et la jeunesse », p. 325.

52. SHPF 036Y 18/8, lettre de frère Max Thurian au pasteur Boegner, Taizé, 18 mars 1968 ; lettre de frère Roger au pasteur Boegner, Taizé, 19 mars 1968.

53. MRDI, fonds Pierre Bolle, carton Marc Boegner, journal sans titre, entretien avec Yves Dentan, mars 1968.

54. SHPF 036Y14/8, lettre de frère Roger à la fille de Marc Boegner, 15 décembre 1968 ; lettres du pasteur Boegner au frère Roger Schutz, 26 février, 26 avril, 29 mai 1969, 17 mars 1970 ; lettres de frère Schutz au pasteur Boegner, 9 mai, 15 juin, 4 décembre 1969, 1er mars 1970 ; lettre du pasteur Boegner à Max Thurian, 5 mars 1970 ; télégramme de frère Roger au pasteur Boegner, 30 mars 1970.

55. Frère Roger, « Marc Boegner et Taizé », p. 20. Frère Roger assiste également le 22 décembre 1970 à l’hommage solennel en l’honneur de Marc Boegner à l’Oratoire du Louvre.

56. F. Boulet, Histoire de la Montagne-refuge, Polignac : Éditions du Roure, 2008 ; « Le pasteur Boegner et la Montagne-refuge entre Haute-Loire et Ardèche », Cahiers de la Haute-Loire, 2010, p. 251-272 ; « L’École Préparatoire de Théologie Protestante à Saint-Germain-en-Laye et au Chambon-sur-Lignon (1934-1962) », BSHPF 159 (2013), p. 495-524.

Jean-François Zorn, Une école qui fait date. L’école préparatoire de théologie protestante (1846-1990), Lyon : Éditions Olivétan, 2013.

57. Frère Roger, de Taizé, A la joie je t’invite, « Pages du Journal » 1962-1963, p. 167-172, 199-212. En 1962-1963, frère Roger n’évoque plus dans son journal personnel les conflits avec l’ERF.

AN 107AS 176, dossier 6, lettre de frère Charles-Eugène aux Imprimeries Réunies à Valence, Taizé, 25 septembre 1974.

Sabine Laplane, Frère Roger de Taizé, chapitre X : « Dynamique du provisoire », p. 258-272, 316-318, 377, 427, notes p. 489-491, 494, 501 ; pour les statistiques, lire p. 244, 275, 311, 356.

58. SHPF 036Y 17/1, extrait de l’« entretien préparatoire », 29 janvier 1966, p. 40.

59. SHPF 036Y 17/1, rencontre du 29 janvier 1966, « entretien préparatoire », p. 9.

SHPF 036Y 14/8, lettre du pasteur Boegner au frère Roger, 17 mars 1970.

60. Raoul Stephan, « De Port-Royal à Cluny », Réforme, 2 août 1947.

Jean Guitton, « De Cluny à Taizé, sur le sentier de l’unité », Le Figaro, 1er janvier 1961.

Albert Finet, « Approche de Taizé », Réforme, 11 février 1967.

61. SHPF 036Y 15/4, lettre de Pierre Emmanuel au pasteur Boegner, Paris, 12 février (sans précision d’année : 1966 ?).

62. SHPF 036Y 17/1, entretien préparatoire 29 janvier 1966, p. 21-22, 60-62, 65.

Marc Boegner, L’exigence œcuménique, p. 314-316.

Roger Schutz, « Marc Boegner et Taizé », Unité des Chrétiens 42, avril 1981, p. 20.

Jean-Claude Escaffit, Moïz Rasiwala, Histoire de Taizé, p. 98-101.

Michel Leplay, « Taizé, un autre œcuménisme ? », Bulletin de la Société d’Histoire du Protestantisme de Nîmes et du Gard 5 (2006), p. 45-60.

Sabine Laplane, Frère Roger, p. 293, n. 104, p. 492.

63. AN 107AS 176, dossier 6, S.OE.P.I., Journal, n°17, 18, 21, 29 avril, 6 mai 1949, 27 mai 1949, « La Communauté de Taizé-lès-Cluny ». En 1948, l’ancienne expression de « communauté de Cluny » est jugée trop inscrite dans la tradition catholique.

Sabine Laplane, Frère Roger, p. 176, n. 76 p. 482.

Silvia Scatena, Taizé, una parabola di unità, p. 230, 235 n. 2, 329 n. 303.