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Assemblée générale du 16 mai 2020 (reportée en raison de la crise sanitaire)

Rapport moral annuel pour l’année 2019

Isabelle SABATIER

Présidente du Comité de la SHPF

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

Quand en avril 1864, Charles Read, mon lointain prédécesseur, débutait la lecture du rapport moral par cette exclamation « Notre tâche, comme président de cette Société, est pénible et monotone », c’est bien qu’il ressentait alors tout le poids d’une fonction qu’il s’était retrouvé alors à exercer pratiquement seul. Examinant à mon tour, l’activité de la Société pour l’année 2019, essentiellement consacrée au chantier de rénovation de la Bibliothèque, je tiens à dire combien j’ai apprécié la pleine implication des membres du Bureau, chacun investi dans son rôle tout en « jouant collectif », le suivi attentif de la commission financière et le soutien actif du Comité.

Le projet de rénovation que la Société avait engagé à l’automne précédent était d’une ampleur comme elle n’en avait jamais connu, tant en termes de travaux que de coût au regard des moyens financiers dont elle peut disposer.

Il s’est donc agi, pour le Bureau, à la fois de suivre et contrôler le bon déroulement du chantier, surveiller les finances, mener une recherche active des financements, les démarches et le dépôt des dossiers auprès des pouvoirs publics, solliciter enfin les mécènes et les donateurs pour rassembler les 1 223 600 € correspondant au montant des travaux.

Je voudrais saluer tout particulièrement la part prise dans ce projet par le secrétaire général Jean-Hugues Carbonnier, vigilant et actif sur tous les fronts, Antoine Durrleman, président de la commission financière, qui avec J.-H. Carbonnier m’a accompagnée et aidée dans les différentes démarches pour obtenir les subventions publiques, François Matter qui comme trésorier a tenu les comptes de l’opération, et Corinne Gibello-Bernette qui a spécialement pris en charge l’aspect bibliothéconomique du chantier, en particulier l’équipement des nouveaux magasins en rayonnages mobiles et la réinstallation des collections par les bibliothécaires Martina Gromesova et Sophie Vié.

Si l’objet premier et principal du chantier a été la décontamination des collections et la transformation complète des sous-sols en magasins fonctionnels, selon les dernières normes de conservation, avec une capacité de stockage notablement accrue, il a été aussi l’occasion d’opérations complémentaires :

L’installation d’un nouveau système de régulation d’air dans la salle de lecture et dans la salle de la Réserve, gage d’une meilleure protection des collections et d’un confort supplémentaire des lecteurs.

La mise aux normes d’accessibilité des personnes à mobilité réduite.

L’installation d’équipements améliorant le confort de travail du personnel : installation d’un point d’eau dans la salle de repos et de toilettes proches des bureaux, et d’une douche dans les sous-sols.

Enfin un rafraîchissement général des locaux : peinture et décapage des parquets qui redonnent à la Société un air de jeunesse. Plus lumineuses, la salle de lecture et la salle du Comité permettent la mise en valeur d’un accrochage renouvelé de tableaux et portraits dûment dépoussiérés.

Je tiens à saluer le remarquable travail des architectes Étienne Dufaÿ, Anne de Robert et Guillaume Saleil qui ont su mener à bien la rénovation de la Bibliothèque, en conjuguant le respect du lieu, la préservation de ce qui pouvait l’être avec la nécessaire mise en place des équipements les plus modernes. Le chantier s’est déroulé de façon satisfaisante sur treize mois, sans glissement notable du calendrier ni du budget.

La recherche des financements s’est poursuivie tout au long de l’année 2019 auprès des acteurs publics, de fondations et des donateurs privés. En complément des subventions déjà acquises auprès de la Région Île-de-France et de la Direction du Livre en 2018, de nouvelles démarches ont encore été menées en janvier 2020 d’une part auprès du Ministre de la Culture, d’autre part auprès de la Maire de Paris qui nous a fait recevoir par son adjointe en charge du patrimoine. Retardée par la crise sanitaire, l’instruction des dossiers est encore en cours actuellement.

Les mécènes et les donateurs privés de France comme de l’étranger ont largement répondu aux appels : leurs contributions représentent près de 40 % des financements reçus à ce jour. Je tiens à exprimer ici la vive reconnaissance du Comité à tous nos amis qui ont apporté leur soutien souvent très généreux. Parmi eux, je citerai les plus grands donateurs et mécènes : la Fondation John Bost, la Fondation Eugène Bersier, la Fondation d’aide au Protestantisme réformé, la Fondation en faveur des Institutions protestantes européennes, la Fondation Scaler, la Search Foundation, la Fondation du Patrimoine, les Amitiés huguenotes internationales, mais aussi la Huguenot Society of Great Britain and Ireland (Londres et Dublin), la Huguenot Society of South Africa. Notre gratitude va également à la Fondation du protestantisme pour son concours à la collecte de dons.

Durant les travaux et pendant la fermeture au public de la Bibliothèque du Protestantisme Français, plusieurs chantiers sur les collections ont été menés en parallèle par les bibliothécaires. La Réserve a fait l’objet d’un réaménagement complet occasion d’une réflexion sur les critères du caractère « précieux » des documents qui ont vocation à y être conservés.

La majeure partie des collections de journaux et de revues, tant français qu’étrangers, est décrite dans le catalogue informatisé de la SHPF comme dans le SUDOC. Toutefois, les travaux préparatoires au chantier de rénovation de la bibliothèque ont permis de repérer des lacunes dans le signalement de l’ensemble de ces collections. La période de fermeture au public a été mise à profit pour entreprendre notamment un travail de récolement approfondi sur l’ensemble des titres conservés, suivi d’une mise à jour des données dans les deux catalogues. Les notices descriptives ainsi enrichies devraient permettre à terme une meilleure valorisation de ce très riche ensemble documentaire. Ce chantier, qui est en cours d’achèvement, a été conduit par Sophie Vié.

Fanny Parent, vacataire mise à disposition par la Bibliothèque de la Sorbonne une journée par semaine, a de son côté trié, identifié et décrit dans les deux catalogues mentionnés ci-dessus une centaine de rapports de sociétés savantes, principalement allemands. Plusieurs exemplaires de ces rapports sont des unica, ce qui rend la collection de la BPF particulièrement intéressante pour les chercheurs.

Martina Gromesova s’est penchée sur notre collection de gravures anciennes, notamment celles représentant des protestants illustres de toute l’Europe (à l’exception des séries autour de Luther, Calvin et Coligny, déjà traitées) : 400 gravures ont ainsi fait l’objet d’un reconditionnement par format et d’une description détaillée dans notre catalogue.

Régulièrement, les collections de la BPF s’accroissent par des dons ou par des acquisitions faites en vente publique ou auprès de libraires spécialisés. Malgré les travaux, l’année écoulée a été particulièrement riche en dons et parmi ceux-ci, il convient de signaler tout particulièrement :

la bibliothèque de travail de l’historien Pierre Bolle, spécialiste du protestantisme dauphinois (don de Madame Catherine Mezei-Bolle) ;

les archives de la famille Monvert, de Neuchâtel, fin xviiie-xxe siècle (don de Mme Sophie Hovanessian) : manuscrits, carnets de dessins et de croquis, notes manuscrites, photographies, correspondance ;

un ensemble de papiers signés par ou ayant trait à Benjamin Du Plan (don de M. Philip Meredith) : manuscrits, correspondance, documents notariés.

La Revue d’histoire du protestantisme que publie notre Société continue d’assurer la diffusion de travaux originaux sur le protestantisme français et hors de France. La collaboration du comité de lecture et de l’équipe du secrétariat de rédaction avec les auteurs permet d’offrir à nos lecteurs des études à la fois savantes et abordables, et si possible illustrées. Parmi les articles parus en 2019, signalons-en deux qui, chacun à sa façon, manifeste l’ouverture éditoriale décidée au moment de la création de la Revue :

celui de Liviana Gazzetta, sur la présence protestante dans les débuts du mouvement féministe italien, constitue une première puisque c’est le premier que la Revue a publié dans une autre langue que le français (et il s’agit, on l’aura remarqué, de l’italien et non de l’anglais). Dans ce cas, l’autrice a fourni un résumé un peu plus long que ceux que nous publions d’habitude, de manière à contourner l’éventuel obstacle de la langue ;

celui de George Joseph sur la traduction de la Bible en wolof, constitue une première à double titre dans la mesure où il nous a permis de parler d’acculturation chrétienne au Sénégal et où l’auteur a mêlé à l’histoire protestante et œcuménique des considérations de traductologie tout à fait passionnantes. Cette double originalité en a du reste suscité une troisième, avec la publication de la réaction d’une lectrice, Anne Lagny, spécialiste de la littérature du piétisme : celle-ci opère d’intéressants rapprochements avec ses propres corpus allemands et français du xviie siècle.

Mentionnons aussi deux dossiers d’articles importants. L’un intitulé « Protestantisme et démocratie, a été réuni par Annie Noblesse-Rocher, à la suite d’une journée d’études. L’autre est celui que Corinne Gibello-Bernette a coordonné autour de l’aventure de la rénovation de notre bibliothèque. Ce dossier original est composé d’interventions de témoins et de lecteurs qui font mémoire de l’histoire de nos collections, mais aussi des architectes, des techniciens, des conservateurs et des bibliothécaires qui ont été impliqués dans le chantier. Il nous importait de publier, dès que possible après sa réouverture, ces pages et ces photos où l’« histoire immédiate » de notre Société rencontre sa mémoire patrimoniale : pour expliquer et informer, mais aussi pour rendre compte et remercier les donateurs, institutionnels ou privés, dont la générosité a rendu possible la réalisation de ce chantier indispensable. Un tiré-à-part de ce dossier a été imprimé, offert par les éditions Droz qui publient notre Revue, afin de faire connaître cette belle entreprise à certains interlocuteurs de la Société qui ne sont pas forcément abonnés.

La publication de chaque numéro est relayée sur les réseaux sociaux par les membres de l’équipe éditoriale qui les fréquentent ; les sommaires apparaissent sur le site internet de l’éditeur Droz qui permet d’acquérir à un coût modique des articles à l’unité ou des dossiers ; quant au site internet de la SHPF, il publie les résumés en français, anglais et allemand des articles ainsi que les comptes rendus. Ces échos médiatiques favorisent à la fois le maintien du nombre des abonnements et la consultation occasionnelle (un peu plus de 200 l’an dernier, ce qui est modeste mais prometteur).

Du côté de la Généalogie, nous pouvons nous féliciter du regain de dynamisme du centre de généalogie protestante (CGP) piloté par le comité de lecture des Cahiers du CGP, constitué en 2018 : Elisabeth Escalle, Eric Bungener, Jean-Claude Garetta, Daniel Thuret et Denis Faure. Il accueille tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des familles protestantes et à leur généalogie, dans leur contexte historique et géographique.

Les Cahiers du CGP, publiés chaque trimestre ont désormais un plus grand nombre de contributeurs et traitent de sujets variés : histoires de familles, monographies régionales, histoire du Refuge, ainsi que comptes rendus de conférences. À côté de la publication imprimée, la version numérique des Cahiers rencontre un succès certain auprès d’un nouveau public. Il est aussi possible à tout un chacun de suivre la parution des Cahiers sur le site de la SHPF, à l’onglet Généalogie, d’acheter en ligne les numéros récents et également de consulter librement en ligne les numéros de plus de 5 ans, grâce à un utile moteur de recherche.

La vie itinérante de la Société en 2019

Faute de pouvoir se réunir rue des Saints-Pères durant les premiers mois de l’année, le Comité a tenu quatre de ses huit réunions au temple du Luxembourg, avant de pouvoir retrouver la salle du Comité refaite à neuf. Des communications ont été régulièrement données, consacrées notamment à l’activité et aux projets des musées : Didier Poton de Xaintrailles pour le musée du Bois-Tiffrais, François Boulet pour le musée du Protestantisme Dauphinois et Denis Carbonnier sur l’aménagement des nouvelles salles du musée du Désert. En novembre, Frédéric Barbier a présenté, dans la salle de lecture rénovée, une communication scientifique sur des spécificités des bibliothèques protestantes, du xvie au xixe siècle.

Dans cette année particulière, le programme culturel a bénéficié de l’accueil d’institutions amies.

C’est grâce à Michèle Moulin, initiatrice et commissaire de l’exposition « Un moment protestant de l’Institut. Le concours de l’an X sur la Réformation de Luther », que fut organisé, conjointement par la Bibliothèque de l’Institut de France et la SHPF, un cycle de conférences dans les salons de l’Institut débuté en décembre par une causerie de Patrick Cabanel et poursuivi en janvier et février, par quatre conférences également de grand intérêt :

« De la religion prétendue réformée à la tolérance prétendue inutile : le statut des protestants en France de l’édit de Fontainebleau à 1787 », par Barbara de Negroni ;

« Les protestants de l’an X », par André Encrevé ;

« Luther “le Chérusque”, héros fondateur de l’imaginaire national germanique », par Brigitte Krulic ;

« Entre l’édit de Nantes et sa Révocation : la communauté des négociants néerlandais à Rouen face aux divisions religieuses », par Willem Frijhoff.

La chapelle du temple du Luxembourg a accueilli le 17 avril 2019 l’assemblée générale et une émouvante conférence consacrée à « Annette Monod “l’Ange du Vel’ d’Hivde Drancy et des camps du Loiret » donnée par Frédéric Anquetil.

Au nom du Comité, je tiens à exprimer la reconnaissance de la SHPF à la paroisse de Pentemont-Luxembourg d’avoir ainsi hébergé nos réunions durant plusieurs mois.

La réouverture de la Bibliothèque, cadre privilégié des conférences de la Société, a été l’occasion de renouveler l’organisation des conférences. Catherine Secretan a accepté, à la demande du Comité, de prendre cette responsabilité. Sur sa proposition, a été décidée l’organisation d’un cycle annuel annoncé par un unique flyer largement distribué, l’information étant également relayée par les réseaux sociaux et sur différents sites protestants et académiques. Non sans débat, fut décidé d’expérimenter un nouvel agenda en programmant les conférences le samedi de 17h à 18 h sous l’intitulé « Les samedis de la SHPF ». L’acquisition de chaises confortables et de matériel de vidéo projection ne fut pas la moindre des nouveautés !

Dans une salle de lecture tout juste réinstallée eut lieu le samedi 9 novembre la conférence inaugurale donnée par le Professeur Philippe Taquet sur « Georges Cuvier : anatomie d’un naturaliste » devant un public captivé.

Venons-en au chapitre des musées liés à la SHPF.

L’événement de l’année 2019, pour le musée du Désert, fut l’ouverture au printemps de quatre nouvelles salles qui offrent un parcours historique en quatre étapes principales : les débuts de la Réforme protestante, les guerres de religion, l’édit de Nantes et enfin la Révocation.

Pour cette occasion, il a accueilli du 2 au 5 mai, le XXXIVe colloque des musées protestants européens ; son thème de réflexion s’est déployé autour d’une question : « Les musées du protestantisme : quel média sont-ils ? »

Fil conducteur des manifestations d’été, le 500e anniversaire de la naissance de Théodore de Bèze fut également commémoré, sous l’angle des Psaumes, lors de l’Assemblée du Désert, le 1er septembre. Le culte présidé par le pasteur Vincens Hubac a été suivi des allocutions historiques de Pierre-Olivier Léchot et d’Olivier Millet, avant le message final d’Emmanuelle Seyboldt, présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France.

Le comité mixte qui réunit chaque année les représentants de la ville de Noyon et de la SHPF n’a pas pu se tenir, en mars 2020, en raison de la crise sanitaire. Il devait entendre Cécile Pétigny, directrice du musée Jean Calvin, présenter le rapport d’activité 2019 et prendre connaissance des manifestations prévues pour 2020.

Au musée de la France protestante de l’Ouest du Bois-Tiffrais, le conservateur Denis Vatinel poursuit, avec énergie et enthousiasme, la rénovation progressive des locaux et propose maintenant à la visite sept salles d’exposition réaménagées et enrichies de dons de familles de la région. Au cours de sa traditionnelle fête de l’été le dimanche 14 juillet, Laurent Blanchard a donné une conférence sur « L’histoire retrouvée d’un huguenot, René de Talensac, sieur de Loudrière, baron de Mareuil et sénéchal de La Rochelle 1580-1628 ».

La programmation 2019 du musée de Ferrières était centrée sur les femmes « Femmes de tête, femmes de cœur, des protestantes engagées », avec une exposition évoquant des femmes d’exception de Jeanne d’Albret à Irène Frachon.

La rénovation de la Bibliothèque pour laquelle une campagne active de financement a été menée, a relancé l’intérêt de nombreux protestants et amis pour le riche patrimoine conservé rue des Saints-Pères. Elle a été également l’occasion de contacts renouvelés avec les pouvoirs publics sollicités, ministère de la Culture, Ville de Paris et Région Île-de-France. Nous avons pu ainsi présenter la Société et faire mieux connaître la part qu’elle prend dans la sauvegarde du patrimoine historique national. Il nous incombe de poursuivre sur cette lancée, en agissant pour accroître la visibilité de la SHPF et répondre aux attentes de tous ceux qui ont à cœur le patrimoine de culture et de valeurs que porte l’histoire des protestants en France et au-delà.