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Laurent Drelincourt, Élie Bouhéreau et l’« illustre ami »

Un éclairage épistolaire sur la révision du Psautier de Genève (1674-1679)

Julien GOEURY

Sorbonne Université

Le Psautier de Genève est une œuvre monumentale, composée de plusieurs bâtiments. On peut entrer dans celui de 1562 en franchissant le portique où figurent les noms de Clément Marot et de Théodore de Bèze, placés à côté de celui de David, le roi-poète ; on peut aussi choisir d’entrer dans la version révisée de 1677-1679 en franchissant le portique moins ouvragé, où figure le nom de Valentin Conrart, qui s’ajoute aux précédents sans toutefois les effacer ; mais on peut aussi y entrer par des portes dérobées, au-dessus desquelles certains noms sont à peine déchiffrables (comme celui de La Bastide) ou bien ne sont pas même inscrits. Celui du pasteur Laurent Drelincourt fait partie de ceux qui n’apparaissent nulle part, parce qu’ils ont été effacés par l’Histoire. Plusieurs documents sont pourtant révélateurs de l’intérêt de ce dernier pour le Psautier. Il y a d’abord ses mémoires manuscrits1 contenant des propositions de révision linguistique de la Bible de Genève, spontanément envoyés en 1664 à Isaïe II Colladon, le premier syndic de la République de Genève2 ; mémoires dans lesquels la question du psautier en vers prenait déjà une place toute particulière3. Quant au second document, il s’agit d’une paraphrase en vers français des sept psaumes pénitentiels, composée en alexandrins et non musicalisée. Trouvée parmi les manuscrits du pasteur après sa mort en juin 1680, conservée par sa veuve ou bien directement transmise à un dépositaire inconnu, cette paraphrase a été publiée à titre posthume en 1693 en annexe d’une édition genevoise de son recueil de Sonnets chrétiens4, dont le succès, depuis leur première publication à Niort en 1677, ne s’est jamais démenti5.

De l’examen de ces deux documents, on peut déjà tirer quelques enseignements utiles. Laurent Drelincourt, proche du consistoire de Charenton dont son père, Charles, est une des figures tutélaires, a suivi les recommandations du synode national de Loudun de l’hiver 1659-16606 ; il pensait que cette entreprise de révision pourrait rapidement voir le jour, mais il était conscient des difficultés entourant ce projet, ce qui explique sans doute qu’il ait choisi de s’adresser directement à Genève, du reste en pure perte. Le deuxième enseignement, c’est que Drelincourt a pu regarder de très près la version révisée de Conrart, publiée par La Bastide en deux livraisons (1677-1679), puisqu’il existe des variantes communes entre les deux paraphrases, dont la conception et l’usage n’ont par ailleurs rien à voir. Ces deux éléments réunis conduisent à poser la question du degré d’implication réel de ce pasteur lettré dans le travail de révision du Psautier, entrepris, puis apparemment abandonné après 1664, et partiellement repris dans les dernières années de sa vie, sous la forme d’une paraphrase en vers, ayant bénéficié de la version de Conrart.

Il existe une troisième source documentaire, qui permet de mettre au jour de nouveaux aspects non seulement du travail effectué par Drelincourt, mais aussi par Conrart, La Bastide et une partie de leur réseau de collaborateurs jusque-là resté totalement dans l’ombre. Cette source, c’est la correspondance du médecin rochelais Élie Bouhéreau, conservée à la Marsh’s Library de Dublin7. Presque exclusivement passive, elle comprend près de mille deux cent cinquante lettres adressées entre 1661 et 1689 à Bouhéreau, alors qu’il résidait encore à La Rochelle, par plus de cent cinquante correspondants. Nous allons limiter l’analyse à une section infime de cette immense correspondance, l’enquête portant sur dix-neuf lettres, toutes envoyées depuis Niort par Drelincourt au médecin rochelais, entre le 6 août 1674 et le 14 janvier 16798. Les liens qui unissent les deux hommes remontent à plusieurs décennies. Drelincourt, qui est beaucoup plus âgé que son correspondant, a d’abord fréquenté Élie Bouhéreau père, pasteur de l’Église de La Rochelle entre 1640 et 1653. Ils ont même été collègues durant deux ans, puisque Drelincourt a pour sa part desservi cette Église entre 1651 et 16619, ce qui lui a permis de croiser Élie Bouhéreau fils encore enfant, avant que ce dernier n’entreprenne des études de théologie à l’académie de Saumur (où il est proposant en 1665), puis de médecine à l’université d’Orange, pour revenir ensuite exercer à La Rochelle, où il est également ancien du consistoire jusqu’à la Révocation et son départ ultérieur pour l’Irlande.

Cette correspondance quelque peu erratique, mais sans doute intégrale, s’étend sur une période de quatre ans et demi, avec un silence inexpliqué durant l’année 1677, et sa fréquence tend à décroître avec le temps. Il s’agit d’une correspondance de travail, qui ne relève pas d’une conversation familière et amicale. Les deux hommes partagent en réalité trois préoccupations principales qui, toutes, concernent l’achèvement et la publication de travaux en cours. Il est d’abord question du recueil des Sonnets chrétiens, publié à Niort en 1677, puis à nouveau à La Rochelle en 1678, dont Drelincourt peaufine le texte en vers et les annotations savantes ; de la traduction du Contre Celse d’Origène, entreprise par Bouhéreau à l’invitation de Conrart, qui ne sera publiée que beaucoup plus tard, à Amsterdam en 1700, avec de nombreux commentaires linguistiques10 ; et enfin de la révision du Psautier, qui occupe une place centrale dans leurs échanges. Si l’on ne retient que ce dernier aspect de leur correspondance, il faut alors distinguer deux époques que sépare la mort de Conrart, qui est leur « grand homme » selon la formule de L. Drelincourt.

Conrart et cie (1674-1675)

Cette poignée de lettres permet d’abord de mieux comprendre les modalités d’un travail de révision linguistique sur lequel Conrart conserve la haute main jusqu’à sa mort en 1675, tout en invitant un certain nombre de relecteurs privilégiés à lui faire part d’« observations » ou de « remarques » jugées utiles, pour reprendre des termes fréquemment utilisés11. Drelincourt et Bouhéreau considèrent comme un honneur la confiance que leur témoigne Conrart12, dont ils ne font que « suivre [les] ordres »13 avec déférence. Il faut dire qu’un véritable « trésor »14 se trouve entre leurs mains : les « précieux manuscrits »15 des psaumes, envoyés par Conrart à ces hommes de confiance au fur et à mesure que son travail de révision progresse. Conrart, que la mort de sa femme en juin 1674 accable16, qui a toujours été assailli par divers maux et dont l’état de santé ne cesse de se dégrader au cours des années17, entend bien achever son ouvrage avant de mourir. Il reprend alors ses manuscrits et cherche à établir une version définitive, « avec les dernières corrections de sa main »18. À ce stade, ses interlocuteurs jouent le rôle de relecteurs, non seulement capables de repérer des fautes éventuelles, mais aussi de faire d’ultimes propositions. Il s’agit également pour eux de collecter les actes des synodes venant renforcer la légitimité du projet, en faisant intervenir d’autres Églises que celle de Charenton, qui a confié cette tâche au vieil académicien.

Ce dernier procède de la façon suivante : des cahiers manuscrits, contenant un certain nombre de psaumes, sont envoyés à un premier correspondant, qui est ensuite susceptible d’en assurer la circulation restreinte auprès d’autres relecteurs, sans qu’une liste des intervenants n’ait été dûment établie par ses soins. Il semble y avoir plusieurs cercles concentriques et des phénomènes d’autorité partagée. L’ordre de circulation dépend en grande partie de facteurs géographiques, car le destinateur reste tributaire d’un système d’acheminement des lettres et des paquets dont le caractère aléatoire complique la tâche. Le réseau qui nous intéresse semble avoir fonctionné ainsi : Drelincourt et Bouhéreau sont les deux interlocuteurs privilégiés de Conrart, qui peut envoyer indifféremment à l’un (qui réside à Niort) ou à l’autre (qui réside à La Rochelle) des cahiers de psaumes à relire, qu’ils se font ensuite systématiquement parvenir l’un à l’autre, après communication éventuelle à des relecteurs de rang inférieur dont la localisation géographique (Aunis, Saintonge et Poitou) est toujours très proche de leur domicile privé. On peut citer les pasteurs André Lortie19 dans l’orbe rochelaise, Abraham Gilbert20 et Jacques Gousset21 dans l’orbe poitevine. Les autres membres du réseau n’apparaissent pas clairement, mais ils existent à coup sûr.

Dans la première période qui nous intéresse, Drelincourt a eu en main trois lots de psaumes mis en circulation par Conrart. Le premier, qui en contient seize, a d’abord été envoyé à Bouhéreau, qui les a transmis à Drelincourt au cours de l’été 167422. Après les avoir relus, ce dernier les a renvoyés à Conrart, sans doute au cours de l’automne de la même année23. Conrart lui a ensuite fait directement parvenir un second lot, contenant cette fois-ci vingt psaumes. Mais il s’agit là d’un lot hétérogène, puisqu’il en comprend à la fois quatorze tirés du premier (renvoyés pour une seconde relecture) et six autres, qui appartiennent à une nouvelle série24. Début 1675, Drelincourt transmet ce deuxième lot à un autre relecteur25, dont il dissimule l’identité dans sa correspondance à l’aide de l’initiale, mais que la localisation géographique (Melle) permet d’identifier : il s’agit du pasteur Abraham Gilbert, dont le niveau d’intervention n’est pas plus détaillé. Celui-ci conserve plusieurs mois les cahiers manuscrits, au grand dam des intéressés. Restitués à Drelincourt début mai26, ils sont aussitôt renvoyés par celui-ci à Bouhéreau, dont on notera qu’il se situe alors en bout de chaîne. Il existe enfin un troisième lot, dont le volume exact n’est jamais spécifié par l’épistolier. Drelincourt l’a reçu peu avant le 20 mars 1675. Il l’a ensuite annoté et renvoyé à Bouhéreau courant mai, assorti du deuxième lot récupéré à cette date, comme on vient de le voir. En tenant compte du volume des deux premiers lots (qui rassemblent vingt et un psaumes), du ralentissement progressif du travail de Conrart à cette date et de la célérité du relecteur qui avance dans l’urgence, on peut faire l’hypothèse que ce dernier lot ne comportait qu’un nombre très restreint de psaumes. Mais Conrart ne recevra jamais les deux derniers lots de psaumes passés entre les mains de Drelincourt, puisqu’il meurt le 23 septembre 1675 et que Bouhéreau les a encore en sa possession le 9 octobre suivant. Cette rétention des manuscrits peut surprendre, au vu des recommandations pressantes de Conrart, mais il faut tenir compte du fait que les contacts avec ce dernier sont très intermittents et que les nouvelles de sa santé reçues de Paris par d’autres canaux sont de plus en plus alarmantes27. C’est le 28 octobre que, dans une lettre très émouvante, Drelincourt partage avec son correspondant rochelais sa tristesse à l’annonce de la mort de celui qu’il appellera désormais « le Bienheureux »28 ou bien encore « le Mort immortel »29.

L’examen des lettres adressées par Drelincourt à Bouhéreau entre le 6 août 1674 et le 28 octobre 1675, c’est-à-dire jusqu’aux réactions du premier à l’annonce de la mort de Conrart, permet de confirmer ou d’établir plusieurs points essentiels. Conrart, qui n’a jamais travaillé seul, a bien tenu compte, et cela jusqu’au bout, des remarques d’un certain nombre de collaborateurs occasionnels, choisis non seulement pour leurs compétences en matière de langue française, mais aussi pour leur influence à l’intérieur de leurs Églises respectives. Drelincourt et Bouhéreau sont ainsi les principaux animateurs de ce que l’on peut appeler le réseau de l’Ouest30, sachant qu’il en a peut-être existé d’autres, susceptibles de fonctionner selon les mêmes principes, et cela en dehors même des pasteurs lettrés de Charenton avec lesquels Conrart avait l’habitude de travailler, au premier rang desquels Adrien Daillé, dont le rôle ne doit pas être ici négligé.

À la mort de Conrart, la contribution effective de ce réseau demeure relativement modeste quant au nombre de psaumes relus et corrigés, dont les coordonnées ne sont malheureusement jamais spécifiées par Drelincourt. Cela ne doit pas pour autant nous faire préjuger de l’état d’avancement exact du travail de Conrart, puisqu’il faut tenir compte de plusieurs niveaux de relecture et de correction avant une publication toujours repoussée. Si l’on se fonde sur l’état du manuscrit de la Mazarine, dont on sait qu’il peut être divisé en deux parties (les vingt-cinq premiers psaumes étant à part31), on peut soulever l’hypothèse que ce premier ensemble coïncide avec les psaumes relus et corrigés avant la mort de Conrart par Bouhéreau et Drelincourt. Quant à son inachèvement, il s’explique par le fait que Conrart n’aura, comme on l’a vu, jamais reçu les corrections en question. Il est par ailleurs intéressant de constater que les deux correspondants s’interrogent eux-mêmes sur l’état dans lequel Conrart laisse à sa mort le travail en cours, tout en accréditant au passage le fait que certains manuscrits présentent bien une version aboutie de la révision. Une remarque de Drelincourt mérite en particulier d’être relevée : « On m’a dit que ce grand homme avait ébauché tous nos psaumes, à la réserve de trois. »32 L’ébauche dont il est ici question, et dont on ne saura rien de plus précis, désigne sans doute l’un des manuscrits laissés par Conrart, peut-être celui de la Mazarine, mais rien ne permet encore une fois de le prouver. Quoi qu’il en soit, Conrart n’aura effectivement mis la dernière main qu’à un nombre très restreint de psaumes tout en ayant entrepris la révision de la quasi-totalité de l’ensemble, ce qui tend à renforcer le rôle de La Bastide et de ses propres collaborateurs dans cette affaire, qui se poursuit encore plusieurs années.

La Bastide et cie (1675-1679)

En dépit de la mort de Conrart, il n’existe pas de véritable solution de continuité. Dès l’annonce de cette mort redoutée mais attendue, Laurent Drelincourt envisage en effet de poursuivre le travail entrepris, comme en témoigne son souci de voir rapidement assurer, après « triage », le bon acheminement d’un paquet confié à Bouhéreau plusieurs mois auparavant33. S’il ne doute pas de l’achèvement du travail de révision, c’est qu’à cette date il sait déjà que Conrart s’est choisi un successeur34. Cet héritier présomptif est Marc-Antoine Crozat, sieur de La Bastide (1624-1704)35. Celui qui joue avec succès les théologiens laïcs à Charenton depuis quelques années, après avoir été secrétaire d’ambassade en Angleterre, s’est fait connaître comme controversiste, d’abord face à Isaac d’Huisseau en 167036, puis face à Bossuet en 1672, ce qui assoit rapidement sa réputation37. De fait, il possède dès cette époque une influence réelle à l’intérieur du consistoire de Charenton, dont il est un des anciens depuis 1671.

Fidèle depuis plusieurs décennies à son rôle de relecteur attentif des manuscrits de tous ces jeunes gens ambitieux que compte le monde réformé, à Paris comme en Province, Conrart connaît bien les travaux de controverse de La Bastide pour les avoir suivis de près jusqu’à leur publication imprimée. La confiance et même l’amitié38 qui unissent les deux hommes échappent à l’analyse, mais elles doivent suffire à expliquer la volonté de Conrart de faire de ce dernier le légataire moral du seul livre qu’il s’était décidé à faire publier sous son nom. Quant au légataire légal, c’est semble-t-il son neveu, Jacques Conrart, dont le rôle dans cette affaire demeure là encore difficile à établir. Il n’existe cependant aucun témoignage concernant les compétences spécifiques de La Bastide en matière de langue française39.

Pour mieux comprendre les conditions de ce passage de relais entre Conrart et La Bastide, il ne faut pas seulement tenir compte des individus, mais de la place qu’ils occupent à l’intérieur des institutions ecclésiastiques. L’entreprise de révision a ainsi nécessité, depuis ses débuts, toutes sortes de soutiens et d’encouragements, officieux ou officiels, qui devaient préparer le terrain de la publication afin d’éviter une interdiction synodale, semblable à celle de mai 166940. Il faut à cet égard bien distinguer trois niveaux d’autorisation. Le premier concerne l’entreprise de révision elle-même, dont l’autorisation a la valeur d’une légitimation officielle, nécessaire et suffisante aux yeux de tous ceux qui vont y travailler dans leur cabinet privé ; le deuxième niveau concerne la publication imprimée du livre, en ayant la valeur d’une autorisation d’impression, telle que la librairie protestante en réclame aux autorités consistoriales selon les règles édictées par les colloques et les synodes ; le troisième niveau d’autorité concerne enfin, dans le cas très particulier du Psautier en vers, l’usage liturgique qui est susceptible d’être fait de ce recueil de chants ecclésiastiques par les fidèles, ce qui constitue une tout autre question.

Si l’on peut considérer, comme on l’a déjà signalé plus haut, que la publication des actes du synode national de 1659 coïncide avec le premier niveau d’autorisation envisagé, la situation est en revanche plus difficile à apprécier pour ce qui est du deuxième. En l’absence de synode national, les tenants de la révision doivent impérativement recueillir le consensus le plus large possible. On doit en effet tenir compte de la censure qu’est susceptible d’exercer non pas cette commission nationale instituée en 1659, qui semble n’avoir jamais joué le rôle qui lui était dévolu, mais plutôt les synodes provinciaux, réunis à intervalles réguliers en l’absence de tension particulière avec le pouvoir politique. De tels soutiens, dûment actés, ont ainsi été patiemment recueillis par Conrart, qui fait jouer pour cela ses nombreux contacts à travers la France. Cette correspondance nous apprend que Drelincourt lui sert de collecteur et de rabatteur, d’une part en allant réclamer lui-même le soutien du synode de sa province d’élection41, d’autre part en réclamant à Bouhéreau d’en faire de même42. On peut parler d’un effet d’entraînement, puisque Conrart, qui a bénéficié depuis le début du soutien des synodes de la province d’Île de France, s’en est réclamé pour aller à la recherche du soutien d’autres synodes, en faisant ensuite circuler les actes obtenus de la façon la plus large possible43. Il s’agit pour lui de légitimer son travail, en préparant en amont l’épreuve de la publication imprimée, et de lui assurer une publicité suffisante pour que le livre s’impose de facto aux plus réticents. Sans qu’il soit possible de déterminer quelle est la masse critique en la matière, car le poids de ces actes n’est sans doute pas le même d’une province à l’autre, on doit prendre en considération ce travail institutionnel mené sans relâche par Conrart, avec l’aide de ses correspondants provinciaux. C’est là une activité militante, dont les enjeux excèdent la question purement linguistique. Prendre parti pour ou contre cette entreprise, sans même forcément envisager d’y participer, c’est se situer non seulement vis-à-vis de Genève, mais aussi vis-à-vis des Églises réformées de France, qui en font un enjeu politique.

Ces précisions permettent de mieux comprendre les conditions dans lesquelles se déroule la succession de Conrart. Désigné par l’académicien lui-même, La Bastide semble immédiatement obtenir le soutien du consistoire de Charenton, ce qui lui confère la double légitimité nécessaire et suffisante pour poursuivre le travail entrepris. Certains, comme le jeune Bayle, qui observe les choses de loin, ne semblent d’ailleurs pas douter d’une publication prochaine44. Il existe néanmoins quelques tensions, qui éclairent d’un jour nouveau ce qui s’est passé au cours de l’hiver 1675. Il semble en effet que Bouhéreau ait cherché à s’assurer un rôle plus en vue que celui de relecteur anonyme auquel il était voué du vivant de Conrart. Mais en l’absence de témoignages concordants, il ne subsiste que la relation elliptique que donne Drelincourt de cet épisode. Le soutien qu’il accorde à son ami rochelais doit être considéré avec la plus grande prudence, au vu de la position marginale qu’il occupe lui-même dans cette affaire. Il apparaît en tout cas que, lors du synode provincial qui suit immédiatement la mort de Conrart – sans doute celui de Saint-Savinien –, Bouhéreau parvient à obtenir des encouragements officiels afin de prendre la place de La Bastide. Drelincourt fait allusion le 14 novembre 167545 au « nouvel applaudissement de votre synode au saint ouvrage de notre illustre Défunt », mais aussi à « la prière qui vous a été faite d’employer vos soins et vos habitudes pour faire en sorte que nos Églises reçoivent bientôt l’édification qu’elles espèrent de cet excellent travail » et, plus loin encore, à « l’honorable commission que vous a donnée le Synode ». Quant à la remarque ajoutée plus avant dans la même lettre (« Il n’y a personne de nos frères, qui, à mon avis, ne doive vous prêter la main dans votre pieuse entreprise »), elle peut être interprétée de plusieurs façons, à condition d’admettre qu’elle recèle autre chose qu’une formule élogieuse vidée de tout contenu. Sans pouvoir imaginer prendre la place de La Bastide, Bouhéreau entend au moins s’imposer auprès de celui-ci comme un interlocuteur légitime et compétent, destiné à jouer un rôle plus officiel dans le travail d’édition des manuscrits de Conrart.

C’est à ce stade que Drelincourt intervient, car Bouhéreau, qui connaît parfaitement les us et coutumes des Églises, entend, après s’être assuré du soutien synodal de sa province, bénéficier des recommandations personnelles du pasteur niortais dont l’autorité à ses yeux est plus grande que la sienne, non seulement auprès de La Bastide, mais également auprès de l’héritier de Conrart46, qui semble être encore à ce stade un interlocuteur obligé (parce qu’il serait encore détenteur des manuscrits ?), et même du consistoire parisien, sans qui cette affaire ne saurait évidemment aboutir. Pourtant Drelincourt semble s’être abstenu de toute intervention en faveur de son ami, pour de bonnes raisons (il dit ne connaître personnellement ni La Bastide ni Jacques Conrart, ce qui est fort vraisemblable), mais aussi pour des raisons plus ambiguës (en ce qui concerne le consistoire de Charenton, il affirme ainsi ne pas être « assez familier avec eux pour leur rompre la tête de [ses] recommandations particulières »47, à l’exception toutefois du seul Adrien Daillé qu’il promet de contacter à ce sujet). Il soutient donc le projet de Bouhéreau, mais prend tout de même soin de le laisser monter seul au créneau48. En refusant de s’engager plus avant, Drelincourt laisse en réalité apparaître le peu de crédit qu’il apporte à une telle initiative, en dépit du respect sourcilleux des usages dont fait preuve le médecin rochelais. On peut y voir une marque de prudence excessive, ou bien la lucidité d’un pasteur proche de A. Daillé et qui est très au fait des rapports de force qui existent de facto à Charenton sur la question de la révision du Psautier.

Ce qui est apparaît, c’est que soit Bouhéreau n’a pas donné suite à son propre projet, soit il a essuyé un refus poli des intéressés, comme en témoigne la suite de cet échange épistolaire, beaucoup plus erratique à partir de l’été 1676. À cette date, Drelincourt et Bouhéreau se retrouvent dans une situation d’attente très inconfortable. La Bastide a bien désormais la haute main sur l’édition du Psautier révisé, mais les deux hommes, qui échangent des informations plutôt lacunaires sur la question, en viennent à douter de sa publication. Drelincourt rapporte même avec dépit des propos selon lesquels La Bastide, désigné comme le « prétendu successeur » de Conrart, serait « trop occupé ailleurs »49 pour y travailler sérieusement. C’est dire si, à ce stade, les réseaux provinciaux de Conrart sont de peu de poids dans une entreprise strictement parisienne, qui dépend du seul La Bastide.

Peu après commence pourtant une seconde phase de collaboration. La première, entamée du vivant de Conrart, s’est achevée avec l’envoi à Paris par Bouhéreau des manuscrits en sa possession. Il faut sans doute y voir une forme de renoncement, puisqu’il cède sans contrepartie le trésor reçu des mains de Conrart, sans avoir réussi à jouer le rôle dont il estimait être digne. Et, si c’est bien lui qui annonce à Drelincourt en août 1676 que la publication du Psautier révisé est à nouveau à l’ordre du jour50, près d’un an après la mort de Conrart, c’est ensuite le pasteur niortais, avec qui La Bastide est directement entré en contact (sans doute par l’entremise d’Adrien Daillé), qui reprend l’initiative. Élie Bouhéreau et Laurent Drelincourt n’ont apparemment joué aucun rôle dans la publication de la première livraison, qui a lieu au cours du printemps 1677, si ce n’est par l’entremise de ces manuscrits tardivement restitués par Bouhéreau. Le fait est qu’entre le 15 août 1676 et le 13 septembre 1678, Drelincourt ne fait plus aucune allusion au travail de révision, ce qui tend à confirmer qu’il ne découvre le travail accompli par La Bastide que lorsqu’il tient en main le livre publié à Charenton. L’attestation, datée du 7 décembre 1676, implique d’ailleurs que l’achèvement du livre a eu lieu dans des délais qui interdisent à Drelincourt sinon d’en avoir eu communication, du moins de l’avoir relu pour correction51. Cette attestation donne par ailleurs une idée de l’importance qu’il revêt aux yeux de l’Église parisienne, puisque pas moins de cinq pasteurs, ce qui est exceptionnel, la signent de leur nom (Jean Claude, Maximilien de Langle, Adrien Daillé, Pierre Allix et Jean Mesnard), en affichant ainsi le soutien officiel et exclusif de tout le consistoire. Le choix de publier un avant-jeu de cinquante et un psaumes ne trouve aucune explication définitive. L’hypothèse parfois retenue, selon laquelle il s’agirait d’un fragment isolé par Conrart avec les dernières corrections de sa main, demeure discutable52. L’examen par « cinquantaine » qui prévaut par la suite suggère plutôt qu’il s’agit d’un premier ensemble dont le nombre fait sens (parce qu’il rappellerait la dernière livraison marotique de 1543 ?). Quant au choix de procéder de nouveau par étapes, il traduit peut-être la volonté d’acclimater le public le plus réticent.

En ce qui concerne la version intégrale publiée en 1679, la situation n’est plus du tout la même, puisque La Bastide a pris le temps de reconstituer tout ou partie des réseaux de Conrart. On peut considérer qu’il l’a fait autant pour des raisons scientifiques (il s’agit de profiter de la compétence de ce groupe de lettrés) que diplomatiques (il s’agit de s’assurer du soutien des membres de deux Églises influentes). Il redonne ainsi en particulier aux deux hommes leur emploi de relecteurs des manuscrits juste avant publication. Il est notable que Drelincourt fait preuve, à partir de cette date, d’une déférence absolue à l’égard de celui qu’il soupçonnait auparavant de ne pas être à la hauteur de la tâche assignée par Conrart. Reprenant à son compte la formule désormais officielle, et parlant des psaumes « retouchés par feu Mr Conrart, et achevés par lui »53, Drelincourt accorde bien à La Bastide toute sa confiance. Il faut sans doute tenir compte du fait que le pasteur niortais, qui n’a jamais eu accès aux manuscrits de Conrart après la mort de ce dernier, n’a aucune raison de remettre en cause la fidélité de La Bastide au travail de Conrart, et par là même l’autorité que lui confère le synode d’Île de France.

Si la première livraison était achevée en novembre 1676, la seconde, qui comprend les deux dernières « cinquantaines », assorties d’une version encore légèrement remaniée de la première, le fut pour sa part en janvier 1679. La deuxième cinquantaine est ainsi transmise par Drelincourt à Bouhéreau dès la mi-septembre 167854 et la troisième à la mi-janvier 167955 pour une publication au cours de l’été suivant. Sachant que cette première édition intégrale a bien été imprimée entre juin et août 1679, on peut supposer que La Bastide a pu ajouter in extremis les ultimes corrections qui lui sont parvenues. Ce dernier aura donc bien achevé l’édition du Psautier révisé en conservant une discrétion absolue, qui se traduit par la disparition presque complète de son nom, cité dans le seul extrait du synode provincial de Charenton du 27 avril 1679, disposé à la suite de l’attestation des pasteurs56. Quel que soit son degré d’intervention sur les manuscrits, il aura donc laissé à Conrart le soin de recueillir le prestige de ce travail posthume depuis longtemps réclamé par les Églises françaises. Avant même que la question de l’usage (public ou privé) de cette nouvelle version du Psautier soit discutée, les tenants de la révision de la Bible de Genève vont essayer de reprendre la main. Au moment où Bouhéreau et Drelincourt achèvent leur relecture des manuscrits de Conrart largement revus par La Bastide, le synode provincial du Poitou, réuni à Melle fin octobre 1678, essaie ainsi de relancer le processus de Loudun dans un contexte décentralisé57. Mais c’est une autre histoire.

En nous permettant d’inscrire les noms d’Élie Bouhéreau et de Laurent Drelincourt, ainsi que de plusieurs autres intervenants secondaires, dans l’histoire de la révision du Psautier de Genève, cette correspondance privée nous fait définitivement sortir de la double confrontation stérile entre Marot-Bèze et Conrart d’une part, et entre Conrart et La Bastide d’autre part. Afin de protéger l’autorité des premiers traducteurs, certains commentateurs ont en effet d’abord largement sous-estimé le degré d’intervention de Conrart sur la traduction de Marot-Bèze. Mais, à partir du moment où ils étaient prêts à reconnaître que son rôle ne s’était pas limité à celui d’un correcteur au geste sûr et mesuré, que ce soit pour le déplorer ou pour s’en féliciter, s’est ensuite posée une question plus délicate. Il s’agissait en effet de statuer sur le rôle effectivement tenu par La Bastide dans cette affaire. L’examen du manuscrit de la Mazarine, en permettant de mieux apprécier son propre niveau d’intervention, a eu de ce point de vue un effet dévastateur, parce qu’il tendait à dissocier la version de Conrart de celle publiée sous son nom par son légataire indélicat, et cela au risque d’opposer désormais une version « réelle », celle de La Bastide, publiée en 1677-1679, à une version « idéale », celle de Conrart, restée inachevée à l’état de manuscrit. Or cette correspondance apporte la preuve que la recherche d’une autorité personnelle et unique sur le texte révisé du Psautier est un leurre, fondé sur une représentation anachronique de l’auteur ; et cela en particulier dans le cadre d’un tel travail collégial qui, tout en ayant bénéficié d’un maître d’œuvre clairement identifié, Valentin Conrart, a possédé de bout en bout une dimension collective et réticulaire, dont les manuscrits d’une part, mais aussi les versions publiées d’autre part, conservent la trace indélébile. Cette instabilité du texte révisé – redevenant un texte en révision – ne constitue pas une faiblesse vis-à-vis de la version de 1562, légèrement révisée en 1587, mais bien sa revitalisation.

Si les conditions effectives dans lesquelles le travail de révision a été accompli n’ont jamais été clairement élucidées, c’est sans doute pour des raisons autant matérielles (manque d’archives significatives) que symboliques (volonté de protéger l’héritage commun). Il s’est agi pour certains de préserver l’autorité artistique et ecclésiastique des premiers traducteurs, Marot et Bèze, en sous-estimant le degré d’intervention de Conrart et de son équipe de réviseurs. Légitimé par sa réputation de spécialiste en matière de beau langage, celui-ci se voyait réduit par là même à un rôle de correcteur linguistique avisé et sage, ne venant en aucune façon dénaturer le texte poétique, dont l’intégrité était de toute façon théoriquement garantie par le respect des partitions toujours en vigueur. Mais à partir du moment où l’on était prêt à lui concéder une place plus en vue, en assumant le risque de diluer l’autorité sur le texte entre paraphraste(s) et réviseur(s), se posait une question plus ardue, celle du rôle effectivement tenu par son successeur imprévu. La Bastide, dont il s’agissait officiellement de sous-estimer le degré d’intervention, se voyait alors le plus souvent ravalé au rang d’éditeur scientifique des manuscrits laissés par l’illustre défunt, à qui il fallait continuer coûte que coûte d’attribuer tout le mérite de la révision, à moins que l’on mît déjà en cause ses qualités de poète.

Si Conrart mérite de demeurer le bénéficiaire symbolique de cette entreprise collective, c’est moins alors en fonction de son niveau de contribution personnelle, qui serait quantifiable en nombre de mots, qu’en fonction du type d’autorité qu’il représente. Cette révision s’inscrit en effet dans une série de travaux contemporains menés sur la langue française par des hommes de lettres qui sont des prosateurs et des poètes, mais souvent aussi des traducteurs, des grammairiens et des remarqueurs. Ce n’est pas pour rien que Bouhéreau travaille de front, toujours à l’initiative de Conrart, à la traduction du Contre Celse d’Origène, de la même façon que Drelincourt à la composition de ses propres Sonnets chrétiens. Les enjeux liturgiques et ecclésiastiques, qui sont prépondérants, ne doivent pas conduire à faire du Psautier révisé un isolat textuel. Non seulement le travail de révision, pris en charge par l’académicien Conrart, confirme que les pasteurs parisiens, et leur relais en province, ont fait de cette question de la langue une question de légitimité sociale58, mais il écrit également un chapitre du livre des Belles infidèles.

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1. Mémoires de L. Drelincourt (1664) », Bibliothèque de Genève, Archives Tronchin, vol. 100, pièce 3.

2. Voir Roger Stauffenegger, Église et société. Genève au xviie siècle, Genève : Droz, 1983, t. I, p. 209-210, et François Laplanche, L’Écriture, le sacré et l’histoire. Érudits et politiques protestants devant la Bible en France au xviie siècle, Amsterdam et Maarssen : Holland University Press, 1986, p. 563-564.

3. Voir Annexe [2].

4. Sonnets chrétiens. Dernière edition à laquelle on a ajouté les pseaumes penitentiaus en vers heroïques, par le même auteur, Ouvrage posthume, Genève : S. De Tournes, 1693.

5. On a reproduit cette paraphrase dans notre édition des Sonnets chrétiens (Paris : Honoré Champion, 2004, Annexe I, p. 381-397) et tenté d’en préciser la nature dans notre article « Paraphrastes ou réviseurs ? Les poètes protestants face au psautier sous le régime de l’édit de Nantes (1598-1685) », dans Anne Mantero et Véronique Ferrer (éd.), Les paraphrases bibliques aux xvie et xviie siècles, Paris : Honoré Champion, 2005, p. 301-319.

6. Cette révision aurait dû se faire sous le contrôle du consistoire parisien, mais avec l’aval d’une commission nationale réunissant un groupe d’une dizaine de pasteurs lettrés. Malgré l’influence des exégètes saumurois (Moïse Amyraut, Samuel Bochart, Louis Cappel, etc.), dont les travaux sont relayés à Paris par les pasteurs de Charenton qui leur sont proches (Jean Daillé, Charles Drelincourt, notamment), les tensions institutionnelles ont été assez fortes au cours de la décennie suivante pour retarder, voire empêcher, la réalisation de cette fameuse Bible de Charenton, qui aurait dû être assortie d’un psautier en vers dont la langue enfin rénovée ne devait plus risquer de choquer les oreilles les plus délicates. Voir Annexe [1].

7. Sur la vie de Bouhereau, voir Jean-Paul Pittion, « Profile of a Refugee : Élie Bouhéreau, La Rochelle 1643 – Dublin 1719 », dans C. E. J. Caldicott, Hugh Gough et Jean-Paul Pittion (éd.), The Huguenots and Ireland : Anatomy of an Emigration, Dublin : The Glendale Press, 1987, p. 58-62, et M. McCarthy, « Élie Bouhéreau, First Keeper of Marsh’s Library », Dublin Historical Record 56/2 (2003), p. 132-145.

8. Appartenant au fonds Bouhéreau de la Marsh’s Library de Dublin, les lettres de Laurent Drelincourt sont archivées sous la cote Z2.2.14 (13). Je dois à la générosité de Mme J. McKee d’en posséder une copie. Ces lettres, dont les extraits les plus significatifs ont été reproduits dans l’Annexe, sont citées sans pagination et dans une orthographe modernisée.

9. É. Bouhéreau père fait partie des pasteurs qui ont donné à L. Drelincourt la main d’association lors de son élection rochelaise en 1651. Voir Le saint Ministère de l’Évangile, Charenton : s. n., 1651, p. 185.

10. Élie Bouhéreau, Traité d’Origène contre Celse. Ou Défence de la religion chrétienne contre les accusations des païens, Amsterdam : Henry Desbordes, 1700.

11. Voir les lettres des 16 mars et 28 octobre 1675 [9] et [22], des 13 et 17 septembre 1678 [30] et [31], et du 14 janvier 1679 [35].

12. Lorsqu’il fait allusion à Conrart, Drelincourt se montre généralement prudent : soit il protège son identité en l’appelant « Mr C. » (lettres des 6 août 1674 [6], 16 mars 1675 [9], 1er mai 1675 [11], etc.), soit il recourt à des périphrases encomiastiques qui témoignent de son autorité : « l’illustre ami », (lettres du 12 août et du 10 septembre 1675 [18] et [19]) ; « notre illustre et incomparable ami », « notre héros » (lettre du 28 octobre 1675 [22]).

13. Lettre du 6 août 1674 [6].

14. Lettres du 6 août 1674 [6] et du 8 mai 1675 [12].

15. Lettre du 1er mai 1675 [11].

16. Depuis la perte irréparable que j’ay faite, je suis privé de toute joye, et tous mes souhaits ne sont plus que de voir bien-tost finir, par la mort, tous mes chagrins et tous mes ennuis », Valentin Conrart, Lettres à Lorenzo Magalotti, éd. Gabriel Berquet et Jean-Pierre Collinet, Université de Saint-Étienne, 1981 (Images et témoins de l’âge classique, 11), lettre LXVIII, p. 222.

17. Dès janvier 1658, date à laquelle il s’est démis de sa charge de secrétaire du Roi, les témoignages ne cessent de s’accumuler à ce sujet (voir René Kerviler et Édouard de Barthélemy, Valentin Conrart premier Secrétaire de l’Académie française. Sa vie et sa correspondance. Étude biographique et littéraire suivie de lettres et de Mémoires inédits, Genève : Slatkine Reprints, 1971 [1881], p. 232s.).

18. Lettre du 16 mars 1675 [9].

19. André Lortie (1637-après 1720) a été pasteur à Marans, puis à La Rochelle (1661-1681), où il a pris la place de L. Drelincourt, lorsqu’un édit a exigé des pasteurs rochelais d’être natifs de la ville. Il est l’auteur de plusieurs livres (sermonnaire et traités de théologie), dont certains ont été traduits en anglais et publiés à Londres, où il s’est installé juste avant la révocation de l’édit de Nantes.

20. Toujours désigné par son initiale, « Mr G. », résident à Melle, ne semble pouvoir être que cet Abraham Gilbert, connu pour avoir été, entre 1660 et 1681, le dernier pasteur en exercice dans la ville, avant de passer par Charenton et d’émigrer en Suisse après la Révocation. Il n’a jamais rien publié sous son nom, mais c’est une figure respectée de l’Église poitevine.

21. Jacques Gousset (1735-1704) a été pasteur à Poitiers avant la Révocation. Émigré en Hollande, il a été professeur de théologie à l’université de Groningue. Auteurs de nombreux ouvrages savants, Gousset est revenu tardivement sur la question de la traduction de la Bible dans un traité intitulé Considérations théologiques et critiques sur le projet d’une nouvelle version françoise de la Bible. Publié l’an M.DC.XCVI. Sous le nom de Mr. Charles de la Cène, Amsterdam : Daniel Pain, 1698.

22. Lettre du 6 août 1674 [6].

23. Lettre du 16 mars 1675 [9].

24. Ibid. [9].

25. Ibid. [9].

26. Lettre du 8 mai 1675 [12].

27. Lettres du 16 mars [9], du 1er mai [11] et du 4 juin [13] 1675, etc.

28. Lettre du 28 octobre 1675 [22].

29. Lettre du 14 novembre 1675 [23].

30. Outre les noms de A. Lortie (voir supra n. 21), de A. Gilbert (voir supra n. 22) et de J. Gousset (voir supra n. 23), on peut aussi citer celui du Rochelais P. Colomies, connu pour son érudition et lui-même relecteur à la même époque des sonnets de Drelincourt.

31. Sur ce manuscrit, voir [collectif], « Le manuscrit des Psaumes de Conrart de la Bibliothèque Mazarine », Psaume 4 (1990), p. 97-99 et Pierre Pidoux, « Les manuscrits autographes des Pseaumes de Valentin Conrart », Psaume 7 (1992), p. 151-158.

32. Lettre du 14 novembre 1675 [23].

33. Lettre du 28 octobre 1675 [22].

34. Ibid. [22].

35. Voir Orentin Douen, « La Bastide, ancien de Charenton, et la révision des psaumes de Conrart », BSHPF 38 (1889), p. 506-523.

36. Remarques sur un livre intitulé La réunion du christianisme, Ou la manière de rejoindre tous les chrétiens sous une seule confession de foy, Saumur : René Pean, 1670. La réaction d’Isaac d’Huisseau, qui ne se fait pas attendre, accrédite le manque d’autorité dont souffre encore La Bastide à cette date : « Je me suis enfin déterminé à cette opinion, que c’est ici l’ouvrage d’un jeune homme qui a prêté sa main à quelqu’un de ses maîtres, lequel lui a fourni les mémoires que sa passion lui a suggérés » (p. 8).

37. Sa Reponse au livre de M. l’Evesque de Condom, qui a pour titre Exposition de la doctrine de l’Eglise catholique sur les matiéres de controverse (Quevilly : Jean Lucas, 1672), considérée par Douen comme un modèle du genre (voir La révocation de l’édit de Nantes à Paris d’après des documents inédits, 3 vol., Paris : Fischbacher, 1894, t. I, p. 441), est précédée d’une épître dédicatoire adressée à Conrart, présenté par La Bastide (qui conserve l’anonymat) comme l’initiateur du projet.

38. La préface anonyme, sans doute composée par La Bastide lui-même, dans l’édition révisée en 1677 du Psautier, signale explicitement ces liens entre les deux hommes : « Et celui de ses amis qu’il a cru pouvoir charger de ce soin, bien loin qu’il l’eût osé entreprendre lui-même, s’en excuserait encore aujourd’hui, en reconnaissant encore les difficultés, s’il ne se croyait obligé de faire au moins ses efforts pour une chose de cette nature qui regarde l’édification publique, et pour tâcher aussi de répondre, autant qu’il lui est possible, à la confiance dont un ami de ce mérite l’a honoré en mourant » (n. p.). À titre anecdotique, on peut ajouter qu’ils sont deux fois voisins, qu’il s’agisse de leur domicile parisien (de la rue Saint-Martin à la rue de Jussienne il y a huit cents mètres) ou de leur résidence secondaire (de Villeneuve-le-Roi à Athis, il y a moins de cinq kilomètres).

39. O. Douen, qui lui redonne toute sa place dans le travail de révision, met par ailleurs en doute ses compétences à la lecture de la suite de sa controverse avec Bossuet (Seconde réponse à M. de Condom, s. l. s. n., 1680) : « On sent que Conrart n’était plus là pour la revoir », (La révocation de l’édit de Nantes à Paris d’après des documents inédits, t. I, p. 443). Il confirme implicitement le jugement sévère d’Auguste Bourgoin, Un bourgeois de Paris lettré au xviie siècle. Valentin Conrart, Paris : Librairie Hachette, 1883, p. 309.

40. Voir Annexe [4].

41. Lettre du 14 novembre 1675 [23]. Sur la période envisagée, les seuls synodes provinciaux dans le Poitou sont ceux de Fontenay-le-Comte (20 octobre 1677) où Drelincourt prêche sur l’Apocalypse (Les Etoiles de l’Eglise, et Les Chandeliers Mystiques, ou Sermon sur l’Apocalypse Chap. 2. Vers. 1, Leyde : Daniel à Gaesbeeck, 1682) et celui de Melle (26 octobre 1678), dont les actes rendent effectivement compte du travail mené par le pasteur niortais (voir Annexe [33]).

42. Dans la période qui nous intéresse, les synodes des provinces de Saintonge, Aunis et Angoumois se sont réunis à Marennes en 1674, à Saint-Savinien en 1675, à Mauzé en 1677 et à Jonzac en 1678. Réclamé par Drelincourt dès le 15 octobre 1674, l’acte du synode de Marennes (9 octobre et suiv.) venant soutenir le projet de révision (Annexe [7]) lui est aussitôt transmis par Bouhéreau et vient enrichir la précieuse collection de Conrart.

43. Voir l’Avertissement de la première édition du Psautier révisé en 1677 qui dresse la liste des synodes ayant ainsi encouragé le travail de Conrart (Picardie, Champagne, Berry, Anjou, Saintonge, etc.).

44. Voir Annexe [16].

45. Voir Annexe [23] pour toutes les citations qui suivent.

46. Le « M. Conrart » dont il est ainsi question dans la lettre du 14 novembre 1675 [22], semble devoir être identifié au « Neveu de notre héros » dont il est question dans la même lettre, c’est-à-dire l’un des deux fils de son frère, et sans doute Jacques Conrart, qui était avocat et ancien du consistoire de Charenton de 1670 jusqu’à la Révocation.

47. Lettre du 14 novembre 1675 [23].

48. Ibid. [23].

49. Lettre du 22 juin 1676 [24].

50. Lettre du 15 août 1676 [25].

51. Voir Annexe [26].

52. Voir n. 33.

53. Lettre du 13 septembre 1678 [30].

54. Ibid. [30].

55. Lettre du 14 janvier 1679 [35].

56. Voir Annexe [36].

57. Voir Annexe [33].

58. Voir le commentaire de Pierre Bayle (Annexe [33]) qui, en opposant Conrart à Gauvain, met au jour cette opposition entre le centre et la périphérie, entre le français tel qu’on le parle à Paris et celui que l’on parle en province. Sur cet aspect de la question, voir les analyses de Nicolas Schapira, Valentin Conrart. Un professionnel des lettres au xviie siècle, Seyssel : Champ Vallon, 2003.

59. J. Aymon, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes nationaux des Églises réformées de France, 2 vol., La Haye : Charles Delo, 1710, t. II, p. 775-776.

60. Bibliothèque de Genève, Archives Tronchin, Vol. 100, pièce 3, fol. 8.

61. N. J. D. White, « Gleanings from the correspondence of a great Huguenot : Élie Bouhéreau of La Rochelle », Proceedings of the Huguenot Society of Great Britain and Ireland IX (1911), p. 232.

62. Voir O. Douen, La révocation de l’édit de Nantes à Paris d’après des documents inédits, t. I, p. 297-300.

63. N. J. D. White, « Gleanings from the correspondence of a great Huguenot : Élie Bouhéreau of La Rochelle », p. 224.

64. Lettres à Lorenzo Magalotti, édition citée, lettre LXXI, p. 226.

65. É. Bouhéreau, Traité d’Origène contre Celse. Ou Défence de la religion chrétienne contre les accusations des païens, p. 451-452.

66. Correspondance de Pierre Bayle, éd. E. Labrousse, A. McKenna et al., t. II, Oxford : Voltaire Foundation, 2001, p. 239 (lettre 104).

67. Correspondance de Pierre Bayle, éd. E. Labrousse, A. McKenna et al., t. III, Oxford : Voltaire Foundation, 2004, p. 62 (lettre 156).

68. BPF, Ms 4681, p. 101.

69. Correspondance de Pierre Bayle, t. III, p. 137 (lettre 164).

70. Psaumes en vers François (1679), éd. citée, non paginée.

71. Bibliothèque de Genève, TR, 45/103 et 104.

Annexe : chronologie documentée

[1] Hiver 1659-1660 : Synode national de Loudun

« Afin de remédier à la Différence qui se trouvait dans les Éditions de la Bible, des Psaumes, de notre Liturgie et du Catéchisme ; cette assemblée ordonna, que chaque Province observerait et marquerait les Changements qui y avaient été faits, et tout ce qui pourrait y manquer, afin qu’on envoyât leurs remarques au Consistoire de Paris, qui les examinerait selon sa Prudence, et ferait choix des plus importantes, pour les notifier au Synode Provincial de l’Île de France, qui donnerait les ordres nécessaires pour une Édition plus exacte et plus correcte de la Bible, des Psaumes, de la Liturgie et du Catéchisme, à quoi les Imprimeurs se conformeront dans leurs Éditions à venir. De plus on enjoignit à tous les consistoires des lieux où il y avait une imprimerie d’avoir l’œil sur cette affaire ; et les sieurs Bochart, de Caen, Jassaud, de Castres, de Chandieu, Eustache, Tabi, Boudan, Bernard, de Veloux, le Blois, Guitton, Amiraud, Daillé, Gommare, Dize, Ricottier, Cazamajor, et Homel, Pasteurs, furent chargés, comme comité, d’avoir soin que ce présent acte fût mis en Exécution »59.

[2] 1664 : Envoi des mémoires manuscrits de L. Drelincourt à É. Colladon

« C’est la pièce de tout notre Bible Française la plus délicate et la plus difficile à retoucher. Leur fidélité et leur naïveté est incomparable. Mais il s’y trouve plusieurs expressions barbares aujourd’hui, et quelques-unes même de significations peu honnêtes, qui donnent sujet aux malignes et aux profanes railleries des adversaires. […] Selon mon petit jugement, il se faut bien garder de détruire le corps de la rime de nos Psaumes. Seulement il serait fort à souhaiter que des mains adroites travaillassent avec soin, avec un génie un peu poétique, à en réformer ce qu’il y a de plus rude et de plus fâcheux »60.

[3] 26 mars 1665 : Lettre de E. Richard à É. Bouhéreau

« Il [i.e. Conrart] ne manqua pas de m’interrompre là dessus comme je le demandais et de me dire : “Ha ! Je ne savais pas que Monsieur Bouhéreau fît des vers ; si vous en aviez, Monsieur, de sa façon, vous m’obligeriez de me les montrer”. Je lui dis qu’il n’y avait pas longtemps que vous m’aviez envoyé une ode que vous aviez écrite à un ami en lui envoyant une rose au commencement de l’hiver, et que je ne savais pas si je l’aurais point sur moi. Je cherchai dans deux ou trois poches quoi que je susse bien où elle était. À la fin je la trouvai et lui montrai. Il la prit et la lut si posément que vous ne sauriez croire ? À chaque sizain il disait : “Ô que voilà qui est beau ! Cela est bellissime !” Quand il eut achevé, il dit qu’il reconnaissait bien là dedans que vous aviez lu les poètes anciens, que cela sentait son Anacréon, et qu’il y avait là dedans un tour que peu de gens savent prendre. »61

[4] 9 mai 1669 : Actes du synode provincial d’Île de France condamnant une traduction du Nouveau Testament publiée à Charenton publiée par A. Daillé et Conrart chez A. Cellier62.

[5] 23 août 1672 : Lettre de J.-R. Chouet à É. Bouhéreau

« Vous aurez aussi su que le dernier synode de l’Île de France l’a prié [i.e. Conrart] de communiquer la version qu’il a fait de nos Psaumes à des connaissances qui ont été nommées pour les voir : nous devons souhaiter pour l’honneur de nos Églises, qu’on les reçoive en la place de celle dont on s’est servi jusque là. »63

[6] 6 août 1674 : Lettre de L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L1)

« J’ai fait savoir à l’excellent Mr. C[onrart] que vous m’aviez envoyé le trésor qu’il vous avait confié. Mais je n’ai pas eu de nouvelles depuis ce temps-là. J’attends ses ordres. »

[7] 9 octobre 1674 : Actes du synode provincial de Marennes

« Sur ce qui a été représenté que Mr Conrart, suivant le choix du consistoire de Charenton, approuvé par le synode de l’Île de France, a commencé la correction de la version des Psaumes qui sont chantés dans nos églises, la Compagnie étant très persuadée qu’on ne pouvait jeter les yeux sur une personne plus capable de réussir dans un si important ouvrage, a entièrement approuvé ce qui a été fait par le consistoire de Charenton et le synode de l’Île de France, et arrête que l’on écrira au sieur Conrart pour le remercier très humblement de la peine qu’il a voulu prendre et pour l’exhorter à achever ce qu’il a si heureusement commencé, espérant que par la bénédiction de Dieu, il en reviendra une très grande utilité à toutes nos églises. »

[8] 15 octobre 1674 : Lettre de L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L2)

« Monsieur, oserai-je vous faire une petite prière ? C’est d’avoir la bonté, à votre loisir, de me mander si dans votre dernier synode de Marennes on aura parlé du travail de Monsieur Conrart sur nos Psaumes, et si on en aura fait un acte, auquel cas je vous supplierai de me l’envoyer. »

[9] 16 mars 1675 : Lettre de L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L3)

« L’histoire de ceux de ses Psaumes [i.e. ceux qui ont été révisés par Conrart] que j’ai eu le bonheur de voir est telle. Après avoir lu les seize qui avaient passé par vos mains, je les lui renvoyai, avec mes petites observations selon son ordre. Depuis, il m’a fait l’honneur de m’envoyer quatorze de ces mêmes Psaumes, avec la dernière correction de sa main, avec six nouveaux qu’il y a adjoints. J’ai lu ces vingt Psaumes avec une grande application, et un singulier plaisir, et j’y ai fait quelques petites remarques pour lui obéir. Après quoi, selon son nouvel ordre, je les ai envoyés à Mr. G[ilbert] qui les a encore ».

[10] 20 mars 1675 : Envoi par Conrart nouveaux psaumes manuscrits à L. Drelincourt.

[11] 1er mai 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhereau (L4)

« Mais enfin, Monsieur, je vous dirai qu’il est vrai que le 20 de mars dernier, l’illustre ami m’envoya de nouveaux Psaumes et me donna ordre de renvoyer incessamment ceux qui étaient entre les mains de Mr. G[ilbert]. »

[12] 8 mai 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhereau (L5)

« Je ne fais que recevoir les cahiers que j’attendais de Melle, avec beaucoup d’impatience. Aussitôt, Monsieur, j’en fais un paquet, pour les envoyer avec les autres selon l’ordre de notre illustre ami. »

[13] 4 juin 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhereau (L6)

« Je ne vais pas nier, Monsieur, qu’il n’y ait des trésors dans le paquet que je vous ai envoyé dernièrement, puisqu’il y a des ouvrages de Mr. C[onrart] pour ne rien dire de plus. […] Il y a longtemps que je n’ai pas eu de nouvelles Monsieur C[onrart]. Si vous en savez, j’oserais vous en demander mention ».

[14] 20 juin 1675 : V. Conrart à L. Magalotti

« Je vous diray, que quelque accablé que je sois des douleurs continuelles qui me tiennent attaché au lit, depuis plus d’un an… »64.

[15] 13 juillet 1675 : V. Conrart à É. Bouhéreau

« J’attends toujours les innocents divertissements, que vous m’avez fait espérer et qui sont les seuls que je puisse souffrir, dans la solitude où toutes sortes de maux me réduisent. Vous n’oublierez pas, s’il vous plait, d’y joindre les Remarques de M. Drelincourt sur les Psaumes ; et les vôtres, quand vous aurez eu le loisir de les faire. J’y fais toujours quelques corrections, durant les nuits, que je passe presque toutes sans dormir. Mais ce travail est si long et si pénible, qu’en l’état languissant où je suis, il ne peut guère avancer »65.

[16] 14 juillet 1675 : P. Bayle à Jacob Bayle

« Les pseaumes de Mr Conrart paroitront bien tot. »66

[17] 27 juillet 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L7)

[18] 12 août 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L8)

« Je vous suis bien obligé, Monsieur, de la grâce que vous m’avez faites de m’envoyer la lettre de l’illustre ami, quoiqu’elle m’ait donné beaucoup de tristesse pour le mauvais état où il est. »

[19] 10 septembre 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L9)

« Avez-vous envoyé à Mr. C[onrart] son manuscrit et le vôtre ? Ce que j’ai appris de l’état de cet illustre ami, premièrement par vous, et puis par Paris, me perce le cœur. Je viens de lui écrire pour me consoler en le consolant. »

[20] 23 septembre 1675 : mort de Valentin Conrart

[21] 9 octobre 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L10)

[22] 28 octobre 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L11)

« Je l’avais bien cru, Monsieur, que la funeste nouvelle de la mort de notre illustre et incomparable ami presserait d’un même coup et votre cœur et le mien ? Mais il faut enfin vous soumettre à la volonté de Dieu, et préférer l’avantage du cher défunt à nos propres intérêts. Ce serait à nous une espèce de cruauté de ramener par nos vœux une âme si belle et si sainte dans un corps aussi douloureux et aussi misérable qu’était le sien, pour y continuer ses souffrances ; au lieu qu’à présent, revenue au domicile céleste, elle se repose de tous ses travaux dans la joie de son Seigneur […]. Pour ce qui est du paquet que je vous avais donné pour le Bienheureux, comme j’y avais mêlé des choses qui ne regardaient pas son ouvrage, je vous supplie d’avoir la bonté de les remettre entre les mains de Madame [illisible] afin qu’elle me le fasse venir sûrement à la première occasion. Mais après que j’en aurai fait le triage, si les précieux cahiers sont encore entre vos mains, et que vous devez les envoyer à Paris selon l’adresse qui vous en sera donnée, je pourrai bien vous renvoyer mon paquet pour être renfermé dans le vôtre, à telle fin et à tel usage que de raison, puisque mes petites remarques avaient été destinées pour le dessein de notre illustre défunt. […] Je suis bien aise d’apprendre que notre héros lui-même ait substitué par sa nomination une personne au lieu de lui pour continuer ce qu’il avait si noblement commencé. Heureux qui sera l’héritier de tant de [illisible] manuscrits du cabinet du grand homme. »

[23] 14 novembre 1675 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L12)

« J’ai su avec joie, et par vous, et par Monsieur R[illisible] le nouvel applaudissement de votre synode au saint ouvrage de notre illustre Défunt et la prière qui vous a été faite d’employer vos soins et vos habitudes pour faire en sorte que nos Églises reçoivent bientôt l’édification qu’elles espèrent de cet excellent travail. Il n’est pas besoin, après cela, de vous exciter à une œuvre si chrétienne et si nécessaire. Le vouloir du Ciel, la gloire de Dieu, et la tendresse que vous avez pour la mémoire de notre précieux ami vous porteront sans doute assez fortement. On m’a dit que ce grand homme avait ébauché tous nos psaumes, à la réserve de trois. Je ne sais pas sûrement ce qu’il en est. Et je le pourrai apprendre par vous. Il n’y a personne de nos frères qui, à mon avis, ne doivent vous porter la main dans votre pieuse entreprise. Je n’ai nulle habitude auprès de Mr. de La Bastide, et lui étant inconnu, je ne m’estime pas assez pour me [illisible] de [illisible] auprès de lui par une sollicitation directe. Je n’ai jamais parlé au neveu de notre héros. Mais le nom et la qualité qu’il porte m’ont fait prendre la liberté de lui écrire, en lui envoyant le dernier cahier que j’avais destiné pour le Bienheureux. J’ai cru que vous auriez bien la bonté de souffrir que je fisse passer cela par vos mains, pour le rendre plus agréable à celui à qui je l’envoie. Lorsque j’apprendrai que Mr. Daillé passe à Paris, je lui écrirai sur ce sujet, Dieu aidant, avec le plus de force et de jugement qu’il me sera possible, car pour ces autres messieurs, je ne suis pas assez familier avec eux pour leur rompre la tête de mes recommandations particulières. Mais pour vous, Monsieur, j’estime qu’après l’honorable commission que vous a donnée le synode, vous avez le droit et la nécessité même, d’écrire non seulement à Mr. Conrart, mais à Mr. de La Bastide en particulier, mais en général à tout le consistoire de Charenton, de qui était dérivé la première vocation qu’avait l’illustre défunt à ce grand et pieux ouvrage qu’il avait si noblement entrepris. Il paraît assez dans le synode de l’Île de France, mais je crois qu’en écrivant à nos Messieurs selon votre prudence et votre zèle il sera fort à propos de leur envoyer copie de l’acte de votre dernier synode. Je m’étais chargé postérieurement de représenter cette affaire au nôtre et notre incomparable ami m’avait envoyé pour cela des copies d’actes de quelques autres synodes. Si Dieu nous fait la grâce de tenir enfin notre synode, qui par un malheur particulier à notre province a manqué cette année et l’autre et qu’il plaise aussi à notre Seigneur me conserver la vie et la santé pour assister à ce synode, je ne manquerai pas d’y exposer la l’état où la chose se trouvera dans ce temps-là, et que j’espère alors pouvoir apprendre de vous exactement. »

[24] 22 juin 1676 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L13)

« Une personne de condition, et zélée, m’affligea fort dernièrement, lorsqu’il me dit qu’il ne croyait pas que le grand ouvrage de feu notre incomparable ami eut de suite, ni que le prétendu successeur, trop occupé ailleurs, y travaillât. »

[25] 15 août 1676 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L14)

« J’ai bien de la joie de l’espérance que vous me faîtes de nouveau concevoir, de la publication du Saint Ouvrage de notre illustre et bienheureux ami. »

[26] 7 décembre 1676 : Attestation de conformité doctrinale signée par J. Claude, M. de L’Angle, A. Daillé, P. Allix et J. Mesnard et placée en tête de la première partie du Livre des Psaumes révisé par Conrart.

[27] Février-avril 1677 : Publication du Livre des Psaumes en vers françois, par Cl. Marot et Th. De Bèze, retouché. Par feu M. V. Conrart Conseiller et Secretaire du Roy […], Première partie. Charenton, A. Cellier, 1677.

[28] 22 janvier 1678 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L15)

[29] 8 février 1678 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L16)

[30] 13 septembre 1678 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L17)

« Selon l’ordre de Mr de la Bastide je vous envoie, Monsieur, les cahiers de la seconde cinquantaine des Psaumes retouchés par feu Mr. Conrart, et achevés par lui. Je les ai lus avec un singulier plaisir, et je trouve qu’ils passent encore la première cinquantaine. Vous êtes très humblement supplié, Monsieur, de prendre la peine de les lire avec le plus d’application et de diligence qu’il vous sera possible, de mettre vos judicieuses remarques dans un papier à part et puis de renvoyer le tout bien cacheté et par voie sûre directement à Mr. De la Bastide qui demeure à Paris dans la rue Jussiene. Il m’a promis qu’aussitôt après il nous enverra la dernière cinquantaine qui est toute faite. Et il souhaiterait de pouvoir donner le reste de cet ouvrage au public au commencement de l’année. »

[31] 17 septembre 1678 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L18)

« Je vous envoyais hier, Monsieur, les cahiers de Mr. de la Bastide, qui contient la seconde cinquantaine des Psaumes de feu M. Conrart et de lui, et que l’on vous supplie de lire promptement et diligemment et d’honorer de vos remarques. Mais je crains d’avoir oublié de vous prier aussi ores humblement de la part de Mr. de la Bastide de ne point laisser sortir de vos mains ce précieux ouvrage ni ne permettre qu’il en soit tiré de copie. Il vous en prie de nouveau par une lettre que je reçus hier il n’attend que son manuscrit pour nous envoyer le reste. »

[32] 26 septembre 1678 : A. Ribaute à J. Bayle

« Les [p]seaumes de Mr Conra[r]t ne sont poinct imprimé[s] isy, on ne sait pas quand ce sera. »67

[33] 26 octobre 1678 : Actes du Synode de Melle

« Ceux qui auront des Remarques sur l’édition de la Bible les enverront à messieurs Drelincourt et Gousset qui sont chargés d’en faire le recueil. »68

[34] 11 janvier 1679 : P. Bayle à J. Bayle

« Je n’entends rien dire des Pseaumes de Mr Conrart, mais je vous diray à cette occasion, qu’il y a un homme de Mets nommé Mr Gauvain si je ne me trompe etabli à Jene en Allemagne ches le duc de Saxe de Weimar au lieu meme où Mr Darassus est ou a eté ministre, qui a fait imprimer à Jene une version des 150 pseaumes en vers. Il suit à peu pres le dessein de Mr Conrart, gardant les memes rimes autant faire se peut, la meme mesure de vers etc. On m’a promis de me montrer cette piece. Ceux qui l’ont veüe et qui se connoissent en poesie, remarquent qu’elle se ressent un peu du terroir où elle a été produitte, et que l’autheur auroit mieux reussi s’il eut eté habitant de Paris comme Mr Conrart. »69

[35] 14 janvier 1679 : L. Drelincourt à É. Bouhéreau (L19)

« Je vous envoie les cahiers manuscrits de la dernière cinquantaine des Psaumes de la révision de défunt notre illustre ami, Mr. Conrart, et de Mr de la Bastide son successeur, qui vous mande par moi une double grâce. La première est de l’honorer de vos remarques sur cette dernière cinquantaine, et même sur la première qui est déjà imprimée. La seconde grâce est de vous appliquer en diligence à ce travail, si votre commodité le permet, ou en cas qu’elle ne vous le permettrait pas, de renvoyer incessamment ce Manuscrit à l’auteur, à son adresse à Paris, rue Jussienne, parce que la chose presse fort, et ne peut souffrir de retardement. »

[36] 27 avril 1679 : Actes du synode provincial de l’Île de France, Picardie, Champagne et pays Chartrain, assemblé à Charenton, dont un extrait figure dans l’édition de du psautier intégral révisé par Conrart : « La compagnie ayant ci-devant exhorté feu M. Conrart, conseiller et secrétaire du roi, etc., à travailler à la révision de l’ancienne version des psaumes en vers, pour l’accommoder aux changements que le temps et l’usage ont apporté en langue ; et depuis ayant aussi exhorté M. de La Bastide, que ledit sieur Conrart avait chargé de cet ouvrage, à l’achever le plus tôt qu’il se pourrait ; elle a vu avec joie que cela avait été fait heureusement […] et l’a jugé très propre pour servir à l’édification publique. »70

[37] Juin-août 1679 : Publication des Psaumes en vers François, Retouchez sur l’ancienne Version. Par feu M. V. Conrart Conseiller et Secretaire du Roy […], Paris, A. Cellier, 1679.

[38] 7 mai 1688 : A. Daillé à L. Tronchin

« Au reste, pendant que j’ai la plume à la main, je veux vous dire un mot par manière d’entretien de la version de nos Psaumes qui paraît sous le nom de l’illustre M. Conrart. J’ai toujours en grande passion de lui voir prendre dans nos Temples la place de celle de Marot et de Bèze qui est devenue barbare ou ridicule en plusieurs endroits par le changement arrivé à notre langue. Quantité de pasteurs réfugiés en ce canton [i.e. Zurich], ne le souhaitent pas moins ardemment que moi ; et après en avoir parlé souvent ensemble, nous sommes demeurés d’accord que le meilleur moyen d’y réussir était d’en faire l’honneur à l’Église de Genève, et de lui proposer une nouvelle pratique, comme une chose non seulement utile, mais nécessaire à l’édification de nos peuples. Il a été arrêté dans les formes entre nous qu’on écrirait de notre part des lettres raisonnées là-dessus à MM. de votre compagnie, et nous les devons signer au premier jour. Dîtes-moi franchement ce que vous en jugez et si vous croyez la chose faisable. »71