« Fortifier contre tous assaulx » Psaumes et militances réformées, l’esprit et la règle (XVIe-XVIIIe siècle)
Comment les réformés convoquent-ils les psaumes et font-ils de leur chant un critère identitaire signifiant ? La présente enquête en fouille les usages militants à partir des directives synodales qui en formalisent les pratiques, et des mesures législatives qui tentent d’en étouffer l’écho. Pour océaniques qu’elles soient, ces deux mines documentaires, explorées sur trois siècles et formant à elles seules une vingtaine d’épais volumes de sources imprimées, ne sont pas en tout point éclairantes. C’est la raison pour laquelle l’analyse recourt à diverses sources normatives connexes qui encadrent l’usage réformé des psaumes – textes calviniens, Discipline ecclésiastique et sermons, épîtres et index de psautiers – de façon à évaluer à quels titres le chant des psaumes se trouve associé à un acte de militance, voire en forme un domaine à part entière.
À revers des dispositions législatives de la monarchie et des interdits religieux qui en conditionnent la pratique au long de la période moderne, il s’agit d’appréhender les enjeux associés à leur chant et la place des psaumes dans la compréhension protestante tant du vécu de la foi que de la défense de la confession réformée aux prises avec son environnement catholique. Quelle dimension partisane les réformés leurs assignent-ils dans le temps long de leur histoire minoritaire ? Quels principes majeurs en fondent l’exercice militant ? Symétriquement, quels effets les catholiques leur prêtent-ils et qu’aspirent-ils à maîtriser en les interdisant aux protestants ? L’examen de ces principes et des prescriptions liées aux psaumes, qui s’étire ici du xvie au xviiie siècle, vise autant à estimer les fonctions et maniements partisans de leur chant qu’à saisir l’herméneutique réformée des psaumes. Il cherche en particulier à explorer leur valeur ecclésiale, aussi normative que transgressive, et à comprendre, à partir de la place qui leur est octroyée, comment les calvinistes investissent avec eux la dimension militante de l’Église terrestre. En d’autres termes, cette enquête cherche à évaluer le statut que les réformés confèrent aux psaumes et comment se revendique leur chant dans la compréhension protestante de la militance chrétienne.
Magnifier Dieu et « enflamber » les cœurs Manducation chorale et spiritualité sonore, les psaumes comme réfraction de la foi
Les psaumes font l’objet d’une réglementation législative et synodale qui en éclaire le caractère foncièrement partisan. Pour en comprendre les usages militants, il importe en premier lieu d’en saisir la fonction matricielle au sein de la pensée réformée. C’est pourquoi, avant d’analyser ces pièces et de considérer l’écrin normatif global de l’emploi des psaumes, il paraît indispensable de considérer au préalable l’herméneutique générale des psaumes, et les principes qui en encadrent les usages. Plusieurs indices de leur dimension militante se trouvent dispersés dans un ensemble de textes structurants.
Tenus pour un élément essentiel du culte qui, pour être estimé de Dieu, doit venir, précise Calvin, « de l’affection et du profond du cœur » (au risque de se moquer de lui), et considéré comme ce qui maintient l’attention du croyant en Dieu, le chant est indissociable du vécu de la foi huguenote, indissocié des modalités de piété : « Tous noz membres, chacun en son endroit, doivent glorifier Dieu, […] mesmement la langue, qui est spécialement créée de Dieu pour annoncer et magnifier son Nom […] soit en parlant ou en chantant », explique le réformateur. Au Livre III, chapitre xx de l’Institution de la religion chrestienne dédié à « l’oraison, laquelle est le principal exercice de foy, et par laquelle nous recevons journellement les bénéfices de Dieu », le chant des psaumes est présenté comme le lieu d’une majesté qui repose en la louange de la gloire de Dieu. Par l’oraison qu’il forme, ce chant est l’un des vecteurs de l’union des fidèles à Dieu ; à la fois exercice et modalité d’accès à la divinité. Il est particulièrement requis « aux oraisons qui se font publiquement […] ausquelles il nous faut monstrer – écrit Calvin – que comme nous honnorons Dieu d’un mesme esprit et d’une mesme foy, aussi nous le louons d’une commune et mesme parolle, et quasi d’une mesme bouche (Rom. 15,6) ; et ce devant les hommes, afin qu’un chacun oye manifestement la confession de la foy » : le chant revêt à cet égard une dimension communautaire à valeur démonstrative et testimoniale. Il est d’emblée un élément déclaratif et confessant. Il apparaît d’autant plus central qu’il contribue à l’édification fraternelle qui doit « incit[er] à l’imitation » : le chant des psaumes est autant une façon de servir la gloire de Dieu (Calvin défend l’idée selon laquelle le chant donne davantage de grâce et de dignité aux louanges adressées à Dieu) qu’une façon édifiante, « un bon moyen – écrit-il – pour inciter les cœurs, et les enflamber à plus grande ardeur de prier ». À ce titre, le chant des psaumes est un vecteur de la ferveur huguenote qui, avec la parole, aide – explique Calvin – « l’intention de l’homme » et le retient « en la cogitation de Dieu »1. La formule en souligne la prégnance et l’usage axial. On retrouve cette dimension éducative et quasi eucharistique dans une lettre de Christophe Faure adressée en 1551 à Calvin :
Outre le principal moyen que le Seigneur a ordonné [à l’homme] pour l’esmouvoir et inciter à eslever soi-même en haut par la pure administration de sa parole et sacremens, il a voulu dès le commencement introduyre en son peuple le vrai usage de la Musique (ainsi qu’il en est l’autheur) […] Dieu avoit ordonné ceste saincte musique pour enseigner l’homme à faire résonner sa voix avec grâce, à ce que par harmonie gratieuse, et luy et les autres chantans avec luy, voyre et ceux qui les oyent, fussent esveillés et esmeuz, et âmes et corps, à louer Dieu et eslever leur cueur ès cieux, pour concevoir un grand goust par lequel ils soyent transportez en la contemplation de ceste harmonie céleste […], raconter et magnifier les grandes œuvres de Dieu, et bien imprimer en leur entendement la parole de Dieu contenue aux pseaumes et cantiques qu’on chante et doit chanter2.
Dans la piété huguenote, le chant des psaumes s’apparente à une manducation chorale, une spiritualité sonore, qui est simultanément un acte de foi et de confession, une exaltation de Dieu et de la foi en son royaume3. Au-delà de sa vocation d’instruction – d’édification partagée –, il est chez les réformés une modalité de la prière, et une modalité fervente, un élément de la dévotion ardente à laquelle appellent les ministres. Accommodé à la « gravité » qui sied à Dieu, il se présente chez Calvin comme « un ornement » de la foi4. Autrement dit un insigne, une réfraction, à la fois une parure scripturaire, un énoncé de foi et son étendard. Par-delà les murs des sanctuaires, les psaumes forment l’un des joyaux de l’exercice de l’âme fidèle : associés dans la littérature de piété, notamment chez Jean de Focquembergues, aux recueillements requis avant de sortir du logis et de se rendre au temple, ils participent, expliquent les ministres, de la disposition des cœurs – les réformés étant exhortés à engager en leur for intérieur une méditation qui n’est autre « qu’un tissu de passages de pseaumes & comme une rose de plusieurs riches diamans » qui doit disposer l’âme du croyant à la réception de la Parole5. Il s’agit, ainsi que la page titre de l’édition partielle de 1548 en engage ses lecteurs, de faire en sorte qu’en chaque croyant « la parolle de Christ soit habitante »6. À ce titre, les psaumes ne sont pas, en régime protestant, une simple déclamation déférente, mais une façon active de vivre l’union à Dieu.
Si leur chant accompagne les réunions de prière7 et le culte8, la célébration du baptême et l’administration de la cène9, les psaumes sont aussi requis dès les premières persécutions pour soutenir la fidélité à la Réforme.
Calvin, qui en 1559 écrit aux prisonniers de Paris, les interpelle en s’appuyant sur le Ps 119 pour, explique-t-il, les « confermer […] en la saincte constance » afin de les détourner de la tentation de l’apostasie et de les « fortifier contre tous assaulx » des papistes. Il déploie un discours de combat qui appelle à la victoire et à « despiter Sathan et ses supposts ». À cette heure, comme à chaque tourmente, les psaumes accompagnent un discours de sacrifice, encadrent l’appel au martyre : « Ne laissez pas d’estre en la protection de Celuy qui a les issues de mort en sa main, comme il est dit au pseaume, et par ainsi a des moiens infinis pour nous delivrer […], pratiquez ce qui nous est enseigné au Pseaume 119 […], Les meschans m’ont tendu leurs filets, mais je ne me suis point destourné de tes commandemens »10. Très tôt, les psaumes forment une ressource textuelle où s’enracine et s’élabore un discours de persévérance face à l’oppression religieuse et au péril d’abjuration. C’est là un trait qui traverse les siècles et que l’on retrouve aussi bien dans l’homilétique, les lettres pastorales et la littérature apologétique que dans les correspondances privées des réformés11 ; aussi bien dans les lettres consolatoires de Théodore de Beringhen12 que dans les prédications d’Isaac Ponce, ministre exilé en 1686 aux Provinces-Unies, pensionné à Nimègue où il officia jusqu’en 1721 : le premier de ses dix-sept volumes de sermons manuscrits inédits conservés à Leyde regorgent de prêches sur les psaumes dont les intitulés ne laissent pas de doute sur cette tonalité militante, qui depuis le Refuge tantôt exhortent les réformés à demeurer fidèles « jusques à la mort » sans jamais blâmer les voix de la providence mais en faisant un profit salutaire des disgrâces vécues pour réfléchir sur leurs propres indignités, tantôt les interpellent sur leur éloignement et leur indifférence progressive alors même que Dieu les a tirés de la superstition et de l’idolâtrie catholique, explique l’auteur, en leur permettant de trouver un abri en exil13. Recourant aux psaumes du roi David, qui « témoigne une merveilleuse consience », les ministres prêchent que le « bouclier [de leur combat, comme celui de David,] est en Dieu une arme ofencive pour les ennemis de ce Roy » plus décisive que l’épée des hommes (« son bouclier estant en Dieu, Il est pareillement sa roche ou son rocher contre lequel seront brisés ceux quy lui seront contraire »14). Tout aussi éloquents sont les prêches exhortant à partir du Ps 93 à former une Église militante tant au dehors qu’au-dedans, qui valorisent une double dimension combative, ad intra et ad extra, en appelant les réformés à surmonter leur faiblesse et à faire preuve de vertu dans l’épreuve15.
Si les psaumes ont pu donner un élan musical en maints épisodes armés (des guerres de religion du second xvie siècle à la guerre camisarde du premier xviiie siècle menée au chant du Ps 68 dit des batailles)16, ceux-ci sont d’abord valorisés moins pour la beauté des harmonies que pour le « sens spirituel des parolles » que Calvin appelle à préférer à la mélodie et à chanter « de bouche, et […] d’intelligence » conformément à 1 Co 14,1517. Leur chant n’est pas, en théorie du moins, du domaine de l’éruptif mais du message divin lové dans la parole biblique. Une façon, pour les réformés, de penser Dieu, de se ranger à lui, et de mener combat à la suite du berger de Bethléem choisi par Dieu pour être roi, chassé de Jérusalem par les menaces de Saül, puis par la révolte de son fils Absalon, et qui, dépossédé de sa puissance royale, parvient à triompher de l’orgueil de ses adversaires « en ayant osé mettre sa complainte au sein de Dieu, comme en dépost »18.
Appréhendés par Calvin comme un « trésor » dont il souligne « la merveilleuse utilité »19 (la ressource poétique revêtant une dimension pratique), les psaumes servent la cause réformée à divers titres. Ils puisent en un livre biblique qui est lui-même du registre combatif, formant un chant des hauts faits et des vicissitudes de l’histoire d’Israël à laquelle s’identifient volontiers les réformés. Un livre, précisément, que Calvin tient pour « une anatomie de toutes les parties de l’âme, pour ce qu’il n’y a affection en l’homme laquelle ne soit ici représentée comme en un miroir » et dont les réformés sont appelés à se repaître : « Si l’invocation de Dieu est un des principaux appuis de notre salut – écrit-il – […] on ne peut prendre meilleure ne plus certaine règle d’icelle ailleurs qu’en ce livre. »20 Au reste, la Discipline des Églises réformées de France, qui en prescrit le chant au chapitre x, Des exercices sacrez en la congregation des fideles, en précise non seulement le devoir mais encore l’emploi premier : « Les congrégations des fideles estans aussi ordonnées pour chanter les loüanges de Dieu, & se consoler & fortifier par l’usage des Pseaumes »21. La Discipline fait ainsi de leur chant à la fois l’une des prérogatives et l’un des impératifs de l’ecclesia. La maîtrise des psaumes est un devoir de l’assemblée, et leur déclamation le moyen usuel des fidèles requis pour exprimer et nourrir leur foi. Il s’agit là d’une prescription disciplinaire que le synode national de Gap de 1603 exhorte à « faire observer tres estroictement »22. Cette triple fonctionnalité reconnue aux psaumes par la Discipline ecclésiastique en fait un chant foncièrement partisan : associés à la louange de Dieu, ils forment, par leur fonction proprement confessante, consolatoire et galvanisante des fidèles, un domaine de militance. Les psaumes se présentent comme le medium de la reconnaissance d’une gloire, en même temps qu’une déclaration d’appartenance confessionnelle et un vécu de la foi. Une prière et une exaltation : exaltation de la gloire de Dieu, exaltation d’une identité chrétienne, et d’emblée une ressource déclarative communautaire qui, en toute occasion écrit Calvin en 1557 dans sa Préface aux commentaires sur les Psaumes, « peut servir à nous accourager […] afin que si quelquefois nous nous trouvons agités de diverses doutes, nous apprenions de résister et combattre […] jusques à ce que la foi vienne finalement à sortir hors de ces combats victorieuse »23.
La place qui leur est accordée recouvre une dimension éminemment combative, qu’il s’agisse de la lutte contre soi (contre ce « Pharaon d’homme » qui sommeille en chaque croyant peinant à s’adresser et à reconnaître Dieu24) ou du combat contre l’adversaire confessionnel, de ses défaillances propres ou des assauts extérieurs, en l’occurrence ceux des catholiques romains. Les premières éditions de psautiers – pour certaines très prescriptives – insistent, à l’instar de celle de 1548 (qui porte la marque typographique de l’imprimeur strasbourgeois Rémy Guédon), sur cette dimension d’édification collégiale des psaumes et leur valeur exhortative, engageant les réformés à s’« enseigne[r] et admoneste[r] l’un l’autre, en pseaumes, en louanges et chansons spirituelles »25. Ces derniers se pensent autant comme une façon de s’instruire en la foi que de se ressaisir si l’on venait à s’en écarter.
La maîtrise des psaumes est considérée comme une façon active d’« entret[enir] la communion de l’Église »26. Si elle a trait à la recherche d’une intelligence des textes (« car de dire que nous puissions avoir devotion, soit à prieres, soit à ceremonies, sans y rien entendre, c’est une grande mocquerie », affirme l’Epistre de Calvin reproduite dans l’édition des psaumes de 1561), leur connaissance permet que « l’usage en soit utile & salutaire, & par consequent droictement reiglé ». Chez Calvin, les psaumes ont ainsi une valeur à la fois pragmatique et contributive : comme pour la prière, explique le réformateur, « chacun en doit estre participant », et tout comme la musique qui a « une vertu secrette & quasi incredibile à esmouvoir », « le chant [des psaumes] a grand’force & vigueur d’esmouvoir & enflammer les cœurs des hommes, pour invoquer & louer Dieu d’un zele plus vehement & ardent ». Calvin prête au chant des psaumes une vertu dévotionnelle qui sert une proclamation mobilisante. Plus fortement encore, le théologien affirme à la suite d’Augustin que « nul ne peut chanter choses dignes de Dieu, sinon qu’il l’ait reçu d’iceluy »27. Ce qui, par conséquent, donne au chant des psaumes une dimension de communion avec Dieu – communion que l’Epistre de Calvin appelle à entretenir « en l’Église […] combien que l’usage de la chanterie s’estende plus loing : c’est que mesme par les maisons & par les champs ce nous soit une incitation. »28
Dans l’Epistre jointe à celle de Jean Calvin, qui s’adresse au « petit troupeau » exposé aux princes dépourvus de vertus (Epistre qui figure avec la première dans la plupart des éditions du psautier huguenot), Théodore de Bèze célèbre la valeur des psaumes dans l’adversité, expliquant qu’ils forment un repère pour les fidèles dispersés, en délivrant tour à tour « plaisir & medecine » en toute situation d’affliction, dans les « prisons obscures » et lors des « grans orages » afin de soutenir « juste querelle » pour Dieu29. Un trait que l’on retrouve à l’approche de la Révocation sous la plume du pasteur Jean Claude qui, dans sa Pratique chrétienne pour les fidèles privés du S. Ministère, parue en 1684, appellent les réformés – en l’absence des ministres déjà suspendus, arrêtés et incarcérés ou exilés au Refuge – à puiser pour leur dévotion privée dans les psaumes qui chantent et accompagnent le chemin d’épreuve de leur Église. Dans son chapitre sur la pratique de la piété particulière, le ministre de Charenton appelle les fidèles à une double dévotion – dévotion « réglée » deux à trois fois le jour selon les prières prescrites, mais également à une dévotion « irrégulière […] produite par une sainte impétuosité », qui ne procède pas avec méthode. Claude les engage à recourir pour cela aux psaumes, dont certains sont l’exemple achevé de « ces prières en désordre [qui] sont quelque fois celles qui plaisent plus à la divinité parce qu’elle aime celles qui procèdent de l’abondance du cœur, & de la véhémence du zèle. Tels sont la pluspart des pseaumes de David »30. Au xvie comme au xviie siècle, les psaumes se présentent ainsi comme une composante essentielle de la ferveur des fidèles calvinistes, sinon comme l’énoncé même de la foi réformée – tant la mélodie appropriée et le phrasé idoine que l’exacte expression de l’amour pour Dieu.
Plus décisivement, assure-t-on dès les premiers écrits réformateurs, les psaumes couronnent la foi. Sous la plume de Calvin, ils apprennent à triompher de la chair (en particulier des craintes et du manque de courage), et promettent la victoire aux plus fidèles serviteurs qui verront l’exaucement de leurs prières :
En ce livre [des Psaumes] les hommes seront fort bien réveillés à sentir leurs maux et quant et quant avertis de chercher les remèdes […]. Et de fait, en plusieurs endroits on peut apercevoir les serviteurs de Dieu tellement flottants en faisant leurs prières, que de deux coups l’un étant quasi accablé [= étant doublement frappé], ils emportent toutefois le prix [= l’exaucement] en s’efforçant à bon escient. Là d’un côté se montre l’infirmité de la chair, de l’autre aussi se déploie la vertu de la foi, sinon tant vaillante et courageuse qu’il serait à désirer, pour le moins prête à combattre jusques à ce que petit à petit elle vienne à avoir une force accomplie31.
Calvin est formel : « Il n’y a livre auquel soient récitées tant de délivrances ». Porte-drapeau de la victoire des enfants de Dieu, les psaumes accompagnent tous leurs combats. Ils doivent permettre de venir à bout des infirmités des pécheurs autant que des épreuves qui leur sont adressées et des « combats » auxquels les appelle leur fidélité et par lesquels Dieu exerce leur piété. S’inspirant des témoignages du roi-prophète – de l’« ardeur, zèle et intégrité » de David –, les réformés sont invités à trouver leur « vocation » de fidèles de Dieu tout comme Calvin trouva lui-même à comprendre la sienne et à remporter ses propres « combats ». La vigueur des chants procède de la bivalence même du texte psalmique qui autorise, écrit Calvin, à « déployer devant Dieu nos infirmités » et à y puiser « tous enseignements qui peuvent servir […] droiture et justice, principalement toutefois il nous enseignera et duira à porter la croix ». Chant par excellence de la militance chrétienne, les psaumes sont cette histoire de la faiblesse de l’homme vaincue par la force de la foi et l’amour de Dieu auquel ils donnent un « accès familier ». À ce titre, explique Calvin, ils sont un « bien qui est souhaitable sur tous autres », à la fois possibilité de reconnaître une défaillance et promesse de victoire aux plus endurants32.
« Ses chansons d’erreur, faulses & hereticques » L’enjeu de l’appropriation psalmique et ses usages combatifs
Édité dans sa version intégrale en 1562, l’année même du massacre de Wassy, le psautier huguenot ouvre un vaste champ de combat. Dès ses premières éditions fragmentaires, il devient un domaine d’affrontement à part entière, tant la traduction des psaumes et leur mise en rime par Marot a valeur, chez les tenants de la religion traditionnelle, de porte-drapeau de l’hérésie calviniste33. Ce dont témoigne, en 1560, Le contrepoison des cinquante deux chansons de Clement Marot, faulsement intitulees par luy Psalmes de David…, rédigé par le prêtre et pamphlétaire Artus Désiré, édité à Paris, chez Pierre Gaultier, avec l’approbation des théologiens de la Sorbonne. Inspiré du Ps 86, qui nous renseigne sur la rivalité des invocations et des fidélités déclarées à Dieu, l’ouvrage exprime, par son contenu, par l’intégration de l’oraison funèbre d’Henri II (appelé à « debeller [les] ennemis de la foy qui ont gasté maint pais & contrée ») et par sa dédicace au duc de Savoie – « prince chrétien », « prince ecclésiastique », écrit Artus, « qui de tout temps avez tenu la main à nostre mere [l’]Église catholique » –, une tonalité clairement partisane qui ne laisse pas de révéler l’enjeu de leur chant34. L’antidote à « ses chansons d’erreur, faulses & hereticques » d’un « Marot lutheriste », qui cible les cœurs trompés où s’est fichée l’hérésie, se fixe, par le pastiche, de ruiner la « credence […] à un Calvin, à un Martin Luther, à un Viret » que l’auteur replace dans une chaîne d’hérésies condamnées et qu’il cherche à discréditer35 – ce dernier vantant la félicité à demeurer « vrays catholiques […] en repouss[a]nt les heresies de Calvin & de ses complisses assis en la chaire de pestilence »36. On retrouve la même virulence au xviie siècle, manifeste dans l’Antienne des psalmes penitentiaux des fidelles de La Rochelle & de Montauban penitens. Ensemble la response de Sa Majesté, à ces bons reformez, édité en 1622, qui use ici de la forme psalmique pour déployer sa critique polémique. L’Antienne (qui désigne un refrain à deux chœurs exécuté avant et après la récitation chantée d’un psaume) est ici le prétexte à une violente diatribe à l’encontre des protestants soulevés contre Louis XIII. L’auteur dénonce leur esprit mutin et leur attitude faussement pénitente. Il en fait des sujets abusant un roi magnanime, auquel il attribue une réponse cinglante à ce « peuple [huguenot] insensé » formé de « rebelles sans foy » ; sous la plume de l’anonyme, le monarque les prive à jamais de son affection devant leur audace à demander grâce les armes à la main37. En face, les réformés – Calvin en tête – privent d’emblée leurs adversaires catholiques de toute capacité à comprendre de manière idoine les psaumes, leur interprétation étant le fait d’une théologie erronée. Il n’est qu’à lire les formules désabusées du réformateur, qui raille l’exégèse catholique des psaumes : il s’en prend tantôt à « l’asnerie des papistes qui barbotent le pseaume xxx pour les trepassez », tantôt à « la bestise des papistes qui ont sottement destourné un passage aux sages qui veinrent adorer Christ, 72. 10 », dénonçant « la folie des papistes, qui débatent que les saincts trespassez nous aident par leurs intercessions, 132. 1 », en pointant tel ou tel « passage que les papistes destournent faussement à leurs vœus, 22. 26 »38.
Ces exemples soulignent l’usage conflictuel des psaumes, qui non seulement cristallisent une partie des controverses entre catholiques et protestants du royaume, mais plus encore forment, comme on va le voir, la ressource textuelle d’un discours d’engagement placé sous le signe du don entier à Dieu.
Cette tonalité militante épouse diverses formes. Elle s’exprime en une infinité de déclinaisons du discours psalmique. En premier lieu, dans les épîtres recourant aux chants de David pour exhorter à endurer jusqu’à la mort et pour soutenir la foi réformée (« Que si la langue on contraint de se taire,/ Face le cœur ce qu’elle ne peut faire./ Dont s’ensuivra un tel allegement,/ Qu’en pleine mort [vous] aurez contentement/ S’il faut servir au Seigneur de tesmoins,/ Mourons, mourons, louans Dieu pour le moins »39). En second lieu, dans le choix des dédicaces qui introduisent les éditions ainsi que dans les chansons polémiques et les complaintes qui puisent en leur registre pour dénoncer les cruautés de l’adversaire et annoncer son jugement prochain40, ou encore dans leur utilisation en chants de guerre à l’occasion des prises d’armes41. Les psaumes sont de tous les combats – apologétiques, controversistes et littéraires, militaires et juridiques –, manifestes jusque dans l’ornement au titre et les fleurons des psautiers42, dans le choix de leurs illustrations (celle de l’ancre marine figurant la solidité du repère psalmique43 ; celle du roi David en armes, casqué et revêtu d’une cuirasse, menant combat en un long chant de fidélité, bouclier au bras et glaive levé44). On en trouve également une trace éloquente dans les tables des principales matières contenues dans le livre des Psaumes et les index des recueils de chants, déjà chez Calvin45, et plus clairement à la veille de la révocation de l’édit de Nantes dans l’édition de 1679 révisée par Valentin Conrart, dont l’avertissement en précise « l’usage […] pour exciter dans les cœurs des sentimens d’amour […] pour Dieu […] & de consolation dans les afflictions ». La composition même de l’Indice pour trouver les psaumes selon l’occurrence des affaires esquelles l’Église de Dieu, ou bien la personne privée se peut trouver : en quoi consiste le vrai usage des Psaumes révèle l’usage consolatoire et mobilisateur du chant des psaumes, particulièrement explicite dans la rubrique des Prières pour l’Église selon qu’elle sera affligée de diverses sortes : les entrées distribuant les psaumes selon les situations d’oppression des fidèles réformés (« si de calomnies & de forces, elle aura les [Ps] 10, 12, 13, 14, 123 », « si empeschée en l’exercice [de la religion], le 42 », « si assaillie et forcée quelquefois de venir au combat, les 17, 20, 80, 83 », « si molestée de faux frères, elle aura le 94 », « si captive […] les 99, 101, 137 », etc.) éclairent leur ressort combatif46. On pourrait multiplier les exemples sans épuiser la diversité des registres de lutte associés à la littérature psalmique.
Que l’on songe à l’affaire du Pré-aux-Clercs et aux psaumes chantés en mai 1558 devant le Louvre en guise de proclamation identitaire face à Henri II ; aux psaumes retentissants au pied des bûchers et du haut des échafauds ponctuant le martyrologe huguenot dressé par Jean Crespin ; aux chants accompagnant à Lyon comme en maintes villes et bourgades les menaces proférées contre l’Église catholique romaine et la geste iconoclaste, identifiant les tout premiers conventicules évangéliques du royaume, éclatant dans les airs durant le dernier tiers du xviie siècle « au commencement de la persécution » et de l’insoumission des prédicants réunis autour de Vivens, jalonnant encore au xviiie siècle l’épopée prophétique et millénariste cévenole : le chant des psaumes scande toutes les étapes de l’histoire huguenote et celle que les protestants entendent léguer à la postérité47. Signalons à ce titre l’éloquent appel à témoignages écrits retrouvé à Toulouse dans le fonds ancien de la Bibliothèque universitaire de l’Arsenal : cet appel, ambitionnant de réunir avis et mémoires, actes et instructions concernant les événements touchant la religion réformée et la liberté de son exercice sous les trois règnes d’Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV, environ depuis l’an 1590 jusqu’à la Révocation – qui pourrait bien être l’appel lancé par Élie Benoist pour la rédaction de sa volumineuse Histoire de l’Édit de Nantes –, témoigne de l’attention spécifique accordée à la collecte des données relatives au « chant des pseaumes », en particulier à « la defense de les chanter dans les lieux publics ; sur les chemins des lieux d’exercice ; dans les boutiques ; dans les maisons ; de s’en servir pour enseigner la musique ». L’article 10 de l’enquête documentaire, qui exhorte à adresser « ecrits & discours sur ce sujet ; affaires suscitées & réponses des accusez, &c. », montre que l’usage des psaumes relève bien, aux yeux des réformés, de la matière archivistique et mémorielle de l’histoire des Églises protestantes qu’ils aspirent à écrire48. Soulignons par ailleurs avec Robert Weeda que, dès les toutes premières années, c’est souvent aussi par le chant des psaumes que les partisans de la Réforme se font connaître et revendiquent leur foi (sur la promenade du Pré-aux-Clercs pour porter le roi à reconnaître ses sympathisants bien sûr, mais aussi à Tournai en 1561 et 1563, à Valenciennes en 156649) et qu’ils sont débusqués et identifiés comme hérétiques par les catholiques50. Entonnés depuis les geôles du Châtelet par les prisonniers de l’assemblée de la rue Saint-Jacques surprise en septembre 155751 ou déclamés au fond des cales sur les vaisseaux de l’exil en mai 168852, associés aux actes de bravoure et aux morts édifiantes, le chant des psaumes revêt, des premiers bûchers du xvie siècle à l’insurrection camisarde de juillet 1702, un aspect subversif au long des procès et des exécutions53. Une dimension galvanisante aussi, dont le camisard Durand Fage se fait l’écho en 1707, pensant manquer de mots pour attester à Londres de la vigueur des psaumes dans la lutte entre les révoltés cévenols et les troupes de Louis XIV :
La mélodie des psaumes […]. Nous volions quand nous entendions le chant de ces divins cantiques. Nous sentions au-dedans de nous une ardeur qui nous animait, un désir qui nous transportait ; cela ne peut s’exprimer. Quelque grande que fût quelquefois notre lassitude, nous n’y pensions plus, dès que le chant des psaumes frappait nos oreilles. Nous devenions légers. C’est une des choses merveilleuses qu’il faut avoir éprouvées pour les connaître54.
Les psaumes secondent aussi bien l’activité missionnaire des premières années de conquête55 qu’ils nourrissent les controverses plus clandestines de la période du Désert (par exemple celle menée face au capucin Bernard par le pasteur Antoine Court, qui fait mine de chercher à s’instruire plutôt que de disputer en comparant le dieu de la messe aux idoles du paganisme à l’instar de la description qu’en fait le psalmiste au Ps 115)56. Les psaumes structurent l’homilétique révocatoire et son discours de fidélité à la Réforme57, accompagnent les cérémonies de réconciliation et les témoignages de repentance collective (à l’image des réformés de l’île-de-Ré sollicitant en 1688 le pardon de leur abjuration au chant du Ps 51)58, servent de signal de ralliement aux assemblées du Désert59, pénètrent jusqu’aux cellules des galériens (Court atteste des psaumes entonnés à voix basse dans la profondeur des chambres des rameurs, à couvert du bruit des chaînes et du bruyant tintamarre de la chiourme60), éclatent dans les airs aux dires des ministres eux-mêmes61 et accompagnent encore les derniers captifs du second xviiie siècle – telle Marie Durand sollicitant depuis la Tour de Constance l’envoi en 1757 d’un psautier en gros caractères62.
Au reste, les éditions de psautiers se poursuivent tout au long de la période pré- et post-révocatoire : après la révision de Valentin Conrart qui paraît en 1679, Jean Claude publie en 1682 un Examen de soy-même pour se préparer à la cène avec les psaumes qui se chantent les jours de cène63. Après la Révocation, paraît en 1694 une édition de psaumes enrichie de figures, suivie d’une édition des psaumes traduits par Marot chez Henri Desbordes en 1699, puis deux nouvelles éditions à Londres et à Berlin en 1701, l’une chez Jean Cailloüé et Jacques Levi approuvée par les pasteurs de l’Église de Paris, l’autre chez Arnaud Dussarat64. Des Remarques sur l’édition de Marot paraissent à Cologne chez Pierre Marteau en 1702, puis une édition corrigée des psaumes du même poète est publiée à Amsterdam en 1716, après l’édition des Psaumes mis en vers français par Pierre Simond à Amsterdam en 170465. On trouve par ailleurs une réédition en 1710 des Sonnets chrétiens de Laurent Drelincourt augmentée des psaumes sapientiaux, une édition des psaumes de pénitence en 1714, puis diverses révisions des psaumes de David par les synodes wallons en 1722, 1729, 1730 et 1731, ainsi que par l’Académie de Genève en 1723, puis de nouveau en 1760 et en 1764 (qui en corrige la musique), augmentées de cantiques en 1745 puis en 1751, ainsi que l’édition d’Odes sacrées, ou les Psaumes de David en 1764 ; la liste n’est pas ici exhaustive66. Yves Krumenacker mentionne la saisie en 1734 de 1 700 Psautiers dans leur version de 1721 chez le libraire Degoin, la vente de 3 000 exemplaires en Poitou vers 1746, et recense des exemplaires datant des années 1695, 1730, 1760 et 1768 – celle-ci formant la seule édition imprimée en France, à La Rochelle chez Pierre Dangirard67. Autant d’éléments qui pointent la centralité d’un texte sans cesse mis à jour et réédité dans des versions qui recherchent une plus grande facilité d’accès aux croyants : en témoigne, au milieu du xviiie siècle, une nouvelle édition des psaumes que les synodes du Désert annonçaient « plus intelligibles et à la portée des plus simples » et dont les fidèles étaient exhortés, à l’hiver 1755, à se pourvoir sans délai68.
Psaumes et militances réformées au regard de la réglementation synodale et de la législation royale
Resserrons à présent la focale sur la littérature synodale et la matière législative relatives aux psaumes. Les consignes synodales des xvie et xviie siècles semblent a priori restreintes : le recueil d’Aymon ne fait état que de moins d’une dizaine d’entrées au cours des années 1559-1669, centrées sur la mise en rime française des psaumes et l’impératif de les chanter – non point de les lire (synode national de Figeac, 2 août 1579)69 ; sur la nécessité de les intégrer aux volumes de catéchisme et de prières, d’y adjoindre les calendriers, et l’obligation pour « chacun des fideles » d’en posséder un exemplaire et de ne pas en négliger le chant sous peine de censure (art. xxxix du synode national de La Rochelle du 28 juin 1581). La réglementation synodale des deux premiers siècles renseigne assez peu sur l’usage des psaumes, si ce n’est leur lien étroit à la prière et à la catéchèse, qui les désignent comme un chant d’apprentissage du christianisme associé à l’exercice quotidien de la piété que certains partisans pourtant semblent encore négliger s’il faut en croire ce 11e synode national70. Les registres épars des synodes provinciaux des années de structuration ecclésiologique ne sont pas plus diserts71 – partie des recommandations figurant déjà, on l’a vu, dans la Discipline ecclésiastique. Les prescriptions synodales des années d’établissement ecclésial, au cours desquelles se met en place l’ordre des Églises réformées, confirment cependant leur statut dans le culte et l’ordre liturgique des communautés naissantes pourvues d’un ministre où le chant d’un psaume précède et clôt le sermon avant la bénédiction finale72 ; les chantres sont placés « pres le ministre […] pour bailler le ton du pseaulme qui se y chantera »73. Dans la pratique, le chant des psaumes pouvait accompagner les réunions de prières quotidiennes, comme en témoignent les registres du consistoire de l’Église réformée de Nîmes de juillet 1561, qui se dote d’un chantre pour en assurer l’exacte conduite74. Fréquemment associés au catéchisme, les psaumes animent aussi les dévotions privées et les cultes domestiques75. Ils sont en revanche formellement proscrits lors des inhumations – les morts portés en terre étant délibérément « enterrez sans chant, prieres, ni predications, ne autre ceremonie, pour eviter la superstition […] qui en pourroit ensuyvre »76. Ce n’est qu’après l’interdiction formelle du protestantisme à l’automne 1685, et lors de sa restructuration ecclésiologique au Désert, que les dispositions relatives aux psaumes se multiplient pour en redire l’aspect central après que les persécutions en ont assourdi le chant en diverses provinces. L’essentiel des mesures les concernant ont trait à l’exercice du culte clandestin. Le dépouillement des actes synodaux des années 1715-1760 permet de pointer une douzaine de dispositions spécifiques, tantôt colloquiales, tantôt synodales, entre 1726 et 1759. L’examen révèle trois principaux motifs de débat et de prescriptions relatives au chant des psaumes. Un premier ensemble de mesures en précise les modalités et l’impératif tant dans les assemblées publiques et privées que dans les cultes de sociétés et les cultes domestiques où pères et mères sont tenus de lire les Écritures et de s’approprier les Psaumes. Le premier synode national du Désert, réuni le 16 mai 1726 en Vivarais, l’inclut comme une donnée structurante des cultes privés, les réformés étant appelés à chanter les psaumes avant de lire quelques chapitres des Écritures partout où le service divin se trouve encore empêché77. La Discipline ecclésiastique dite du Désert, formalisée en 1740, montre combien les psaumes restent un élément primordial des actes de dévotion réformés, tant ordinaires, lors des assemblées religieuses, qu’extraordinaires, lors des jours de jeûne et de sainte cène – avec ce souci permanent de choisir, à chaque fois, les psaumes les mieux appropriés à la matière scripturaire et homilétique78 :
Dans les assemblées religieuses on suivra éxactement la méthode qui s’est pratiquée dans l’Église qui est de lire quelques chapitres de l’Ecriture sainte, de chanter quelques psaumes, de lire les commandements, & la confession des pechez : de faire une prière convenable au sujet, de prononcer un discours, lire la prière ecclesiastique, & congédier l’assemblée par la bénédiction qui est ecrite dans le sixième chapitre du livre des Nombres […] ; & quand la devotion sera extraordinaire, comme elle l’est les jours de jûne & de la communion, on faira la l’ecture des chapitres de l’Ecriture sainte, & on chantera les Psaumes qu’on jugera être les plus convenables au sujet79.
Les dispositions sont similaires à l’égard des jeûnes privés, célébrés au sein des sociétés et en famille :
Si les societez, ou les familles s’accordent à célébrer des jeûnes outre ceux qui auront été ordonnez par les Synodes, elles les célébreront sans en donner avis ni aux Eglises, ni aux autres societez : mais on les exhortera à les célébrer le plus regulierement qui leur sera possible à faire la lecture des chapitres de l’Ecriture sainte, à chanter les Psaumes, & à lire les Discours qui convienent au sujet qui aura donné lieu à leur humiliation80.
En 1740 toujours, « la persecution ni le petit nombre de Ministres qui sont déjà établis ne permetant pas qu’on puisse convoquer d’assemblées publiques & particulieres », les mêmes Reglemens, qui encouragent à « former societez » pour pallier le manque de pasteurs, exhortent les protestants à entrecouper leur lecture de la Bible et les exercices catéchétiques et de prières du chant de quelques psaumes « les jours de dimanche, & avant que de laisser sortir de leur maison aucun de leur famille »81. Dans les foyers comme dans les sociétés, l’omniprésence du chant des psaumes en fait, en principe du moins, une pratique quotidienne. En témoignent les prescriptions de la Discipline du Désert qui l’arriment à l’exercice journalier de la piété, recommandant aux fidèles, par-delà les cultes familiaux du dimanche, de se réunir autant que faire se peut pour prier et entonner les psaumes à chaque fois que « la prudence le permettra » (« s’il est possible, & que la prudence le permette, la societé s’assemblera tous les jours de la semaine. On fera la lecture d’un sermon & des prières […]. Quand la prudence le permettra on chantera quelques psaumes »82). Cet aspect conditionnel du chant, suspendu à la conjoncture répressive, est l’une des autres caractéristiques de la littérature synodale du Désert qui se voit contrainte, dès 1726 et au moins jusqu’en décembre 1754, de contrevenir à la réglementation première – en l’occurrence au synode national de Figeac du mois d’août 1579 – en offrant aux croyants de lire les psaumes quand ils ne peuvent les chanter83. Tout en appelant les protestants à rester fidèles à la foi réformée, le Désert discipliné n’entend pas les exposer à la violence persécutrice, fût-ce pour le chant des psaumes dont la vigueur des paroles demeure à défaut de haute déclamation. Si les psaumes peuvent se chanter à la potence, ils n’ont pas vocation à précipiter les fidèles au gibet. Les Églises secrètes ont besoin de leurs croyants vivants que ce chant de lutte partagée doit porter à la persévérance plus qu’à la mort. Il n’en reste pas moins une prescription impérieuse.
Partie prenante de tous les cultes, mobilisés en tout temps, en tout cercle et en tous lieux, les psaumes sont aussi l’objet d’une stricte réglementation. C’est là le troisième trait des mesures synodales relatives aux psaumes, qui d’une part expriment le souhait d’en encadrer méthodiquement le chant, et d’autre part tendent à en garantir la dignité singulière. Confiée tantôt, comme en 1740, « à la pluralité des suffrages, et [a]u consentement du consistoire »84, tantôt au discernement des seuls anciens lorsqu’ils ne pouvaient eux-mêmes diriger le chant (colloque de Basse-Normandie du 7 février 1746, art. 3), la nomination des chantres résulte d’une désignation collégiale85. Dès 1734, il a été résolu que chaque Église se pourvoirait d’un lecteur et d’un chantre choisis parmi « ceux des fidèles qui auront le plus de piété & de talents »86. À diverses reprises, la Discipline du Désert revient sur les qualités requises, invitant les anciens à établir « quelqu’un d’entr’eux pour faire l’ofice de lecteur & de chantre dans les assemblées religieuses ; & s’il ne se trouve pas parmi les anciens de gens qui soient capables de faire ces fonctions on en élira d’entre les fideles, en choisissant de personnes qui soient en édification à l’Église ». Indication réitérée au chapitre xi, dévolu aux assemblées religieuses et publiques, qui exhorte à faire, parmi les chantres, « le choix de ceux qui seront le plus en édification à l’Église »87. « Lever le chant des psaumes » est une fonction solennelle qui exige – au même titre que les plus éminentes d’entre elles – de ne pas être sous le coup d’une censure (« ceux qui auront été suspendus de leurs charges, ou de la sainte Cene ne pourront faire aucune fonction publique ; comme est de faire la prière en public, ou la lecture de l’Écriture sainte, ou de lever le chant des psaumes, ou de prêcher l’Évangile, ou d’administrer les sacremens, ou bénir les mariages […] jusques à ce que le tems de leur penitence soit fini »88).
Associés à la geste transgressive du Désert dont ils forment un élément essentiel, les psaumes demeurent dans la littérature synodale des Églises réformées de France une composante majeure de l’édification des fidèles dispersés. Chaque nouvelle version donne lieu à un apprentissage resserré, ainsi qu’en témoignent les mesures du synode provincial du Vivarais du 21 avril 1727 (« pasteurs, proposants et anciens exhorteront les peuples à se munir de psaumes de la nouvelle version ; & pour les y accoutumer, on en chantera quelques pauses dans chaque assemblée et dans les maisons particulières »89), et les dispositions colloquiales des Églises protestantes de Haute-Normandie qui, le 9 février 1755, exhortent les réformés « à se pourvoir de psaumes à la nouvelle version, pour en faire usage dans les assemblées religieuses » et « pour se conformer à l’usage reçu dans toutes les provinces du royaume »90. Texte d’union, les psaumes demeurent la mélodie des proscrits décidés à la lutte. Face aux tribulations, la lettre circulaire rédigée par le ministre Olivier à l’occasion du colloque des Églises du Haut-Languedoc du 10 mai 1745 en rappelle le rôle éminent ; depuis près de soixante ans que les sanctuaires ont été détruits et que dure la dispersion des réformés, le chant des psaumes forme avec la méditation des Écritures « les secours nécessaires à notre salut »91. En creux, cette considération pointe diverses entorses : l’insistance avec laquelle les synodes entendent en faire prévaloir l’usage parmi les exercices de piété témoigne autant de l’importance qui leur est accordée que des manquements dont ils font l’objet à mesure que s’émousse, ici ou là, la sanctification des jours du dimanche, et que certains réformés se détournent des exercices de dévotion dominicaux, ou les pratiquent avec moins d’exactitude. C’est du moins ce que laissent entendre les menaces de censure du synode provincial du Haut-Languedoc et Haute-Guyenne, exposé en novembre 1747 à un « mal [qui] ne laisse pas que de continuer »92. Le chant des psaumes n’en reste pas moins une préoccupation pérenne et la croyance chantée un sujet en débat : en 1758, il est « jugé convenable pour l’édification de l’Église d’introduire dans le culte divin des cantiques spirituels sur les principaux mystères de l’Évangile », à charge pour les ministres d’en soumettre plusieurs aux synodes provinciaux pour en arrêter le choix et en nourrir la réflexion commune avant que le prochain synode national revête cette liste de cantiques de son autorité93.
Si les dispositions synodales du xviiie siècle concernant les psaumes ont trait pour l’essentiel à l’exercice du culte clandestin – et l’associent de facto à l’exercice d’une foi proscrite dont il chante et matérialise l’insoumission –, son caractère militant ne se lit le plus souvent qu’à revers de l’infraction qu’il accompagne et incarne. La législation du royaume est pour notre sujet autrement éclairante.
Que révèlent les mesures législatives de la mobilisation partisane des psaumes ? Certaines études ont pointé quelques-unes de ces étapes législatives sans néanmoins procéder à un relevé systématique ni même à une analyse précise de leur contenu94. La reprise exhaustive de cette littérature pléthorique permet de compléter le relevé à l’appui des collections Isambert, Pilatte, Blanchard et Drion95. Le résultat est surprenant. Même s’il faut garder à l’esprit que la majeure partie des mesures intermédiaires locales nous échappe, à l’exemple des interdictions ponctuelles qui surgissent, çà et là, de témoignages épars – ordonnances des parlements, ordonnances des généralités d’intendance, autodafés, interdictions d’édition96 –, on décompte moins d’une trentaine de mesures sur près de trois siècles.
En dehors de l’intégration le 13 août 1544 du Recueil d’aucuns pseaulmes de David, mys en rithme au Catalogue des livres censurez par la faculté de théologie de Paris97, de l’interdiction en 1556 par le parlement de Bordeaux de « l’impression & vente des pseaumes & du nouveau Testament en françois, décernant aussi commission pour informer contre ceux qui auroient chanté lesdits pseaumes » rapportée par Théodore de Bèze98, les psaumes ne font pas l’objet d’une notification spécifique avant l’édit de pacification de Beaulieu en 1576. Jusque-là, le chant des psaumes est inclus dans les clauses restrictives générales des édits royaux se prononçant sur l’exercice ou l’interdiction de la religion réformée dans le royaume. Après l’avoir implicitement proscrit par l’interdiction du culte réformé (édits de juillet 1561 et de septembre 1568), le chant se trouve limité aux lieux d’exercice accordés hors des villes (édit de janvier de 1562, art. 2 et 3), puis dans les fiefs et à l’intérieur des demeures des gentilshommes et des seigneurs haut justiciers pouvant convier familles, domestiques et sujets, également aux faubourgs d’une ville par bailliage et dans quelques lieux indiqués des villes où la religion réformée s’exerçait avant le 7 mars 1563, date de la signature de la paix, à l’exception de Paris (interdiction pérenne à partir de l’édit d’Amboise du 19 mars 1563, art. 1 à 4). De nouveau banni par l’édit de Saint-Maur de septembre 1568 (qui n’entend « aucunement recherchez en leurs consciences [ses partisans] pourveu qu’il n’y ayt exercice d’autre religion que lad. catholique et romaine », art. 2), le chant des psaumes n’est pas censé retentir ailleurs que dans les foyers où se trouve reléguée la profession de la religion calviniste. Son écho varie au gré des guerres de Religion et des édits de pacification. L’édit de Saint-Germain-en-Laye d’août 1570, plus favorable, semble comme pour le culte en circonscrire le chant dans l’enceinte des fiefs de haubert des seuls seigneurs résidents y ayant élu leur domicile principal afin d’en gêner l’extension (art. 5), encore qu’il l’autorise en diverses terres de la reine de Navarre (art. 7), aux faubourgs de villes expressément désignées (art. 8), et dans les villes où l’exercice réformé y est publiquement attesté le 1er août 1570 (art. 9), hormis toujours à la cour et à Paris. En 1573, la paix de La Rochelle l’autorise implicitement en octroyant le libre exercice du culte dans les demeures et les lieux détenus par les réformés de La Rochelle et dans la ville de Montauban tout en l’excluant des places et des lieux publics – la profession du calvinisme ne devant s’exercer qu’à l’intérieur des maisons (édit de Boulogne de juillet 1573, art. 4 et 5). La législation relative aux psaumes, on le voit, ne se déduit jusque-là qu’en creux.
Les psaumes ne sont un élément distinctif de l’œuvre législative qu’à partir du règne d’Henri III : c’est l’édit de Paris, dit de Beaulieu (ou Paix de Monsieur), signé le 14 mai 1576 à l’issue de la 5e guerre de Religion, qui en autorise explicitement le chant dans son art. 4 à l’exception, une fois encore, de tout exercice public à la cour, en la ville et faubourgs de Paris, à moins de deux lieues de distance de la ville :
Et pour ne laisser aucune occasion de troubles & différens entre nos sujets, avons permis & permettons l’exercice libre, public & général de la Religion pretendüe réformée, par toutes les villes & lieux de nostre royaume, & pays de nostre obeissance & protection, sans restriction de temps & personnes, ne pareillement de lieux & places, pourveu qu’iceux lieux & places leur appartiennent, ou que ce soit du gré & consentement des autres propriétaires, ausquels ils pourroyent appartenir. Esquelles villes & lieux ceux de ladite Religion pourront faire presches, prieres, chants de Pseaumes, administration du baptesme, & de la cene, publication & celebration de mariages, escholes & leçons publiques, correction selon ladite Religion, & toutes autres choses appartenant au libre & entier exercice d’icelle […]. Et neantmoins voulons & ordonnons que ceux de ladite Religion s’abstiennent dudit exercice public en nostre ville de Paris, fauxbourgs, & à deux lieues ès environs d’icelle […], sans toutesfois que ceux d’icelle Religion puissent estre recerchez [sic] de ce qu’ils feront en leurs maisons99.
Les édits suivants n’en conditionnent de nouveau qu’implicitement l’exercice au gré des mesures prises à l’encontre de la profession de la religion réformée : l’édit de Poitiers (ou Paix de Bergerac) du 8 octobre 1577, signé à l’issue de la 6e guerre et limitant les acquis de l’édit de Beaulieu, porte restriction implicite du chant des psaumes elle-même liée à la limitation de l’exercice de la Religion prétendue réformée : celle-ci n’est plus autorisée que là où le culte réformé était publiquement attesté en date du 17 septembre 1577, mais interdit partout ailleurs et de manière générale dans les villes catholiques prises par les réformés et où l’exercice n’était pas établi avant la reprise des armes et même les précédentes paix (art. 7). L’édit de Nemours du mois de juillet 1585 et, plus radicalement encore, l’édit d’Union du 15 juillet 1588, passé avec la Ligue, en exclut toute résonance, bannissant la profession de la RPR du royaume en s’engageant à extirper l’hérésie de France sans lui accorder aucun édit favorable (art. i de l’édit d’Union) et en en organisant l’extermination (art. ii du même édit d’Union) – édit que la déclaration royale du 18 octobre 1588 érige en loi fondamentale du royaume. Les psaumes ne font plus l’objet d’une réglementation spécifique avant 1598, encore qu’ils ne figurent que dans l’art. 10 du Brevet des garnisons de l’édit de Nantes du 30 avril100, qui, tout en octroyant un culte domestique aux officiers de la couronne, interdit formellement aux ducs et pairs de France, marquis, comtes, gouverneurs et lieutenants généraux, maréchaux de camp et capitaines des gardes du roi « de psalmodier à haute voix ni rien faire qui puisse donner à connoistre que ce soit exercice public ».
Hormis l’arrêt du Conseil du 19 août 1623, qui défend aux réformés de chanter leurs psaumes dans les rues et dans leurs boutiques ouvertes101, on ne relève aucune mesure spécifique relative aux psaumes sous le règne de Louis XIII, pas davantage sous ceux de Louis XV et de Louis XVI : alors que le protestantisme n’est plus censé exister depuis 1685, la législation compte encore des mesures antiprotestantes sans pourtant qu’il y en ait de relatives aux psaumes – l’essentiel se concentrant sous le règne de Louis XIV dans le cadre du programme consécutif à la promulgation en 1685 de l’édit de Fontainebleau visant la déprotestantisation du royaume et l’unification catholique souhaitée par le monarque.
Si le chant des psaumes fut l’objet d’une réglementation, explique Élie Benoist (et l’indication est pour nous d’importance), c’est parce qu’il fut d’emblée proposé au roi par les calvinistes eux-mêmes comme l’un des critères qui – avec les prières publiques, l’administration des baptêmes, de la cène, et la célébration des mariages – fournissait à leurs yeux une preuve suffisante de l’établissement des Églises réformées de France servant à fonder un droit d’exercice102. C’est dire leur rôle décisif en matière ecclésiologique, et l’importance, en retour, que le pouvoir finit par leur accorder pour tenter d’en circonscrire la résonance. Leur chant, qui permit de rendre audible la Réforme, est, à ce titre, un enjeu ancien : la lecture que propose Élie Benoist de la fameuse affaire du Pré-aux-Clercs fait significativement du chant des psaumes un point de tension immédiat :
Le peuple s’avisa de chanter dans le Pré aux Clercs, lieu où toute la ville avoit accoûtumé de prendre le plaisir de la promenade, les Pseaumes que Marot avoit mis en rime, & qu’on avoit mis en musique sur de fort beaux airs […]. Le clergé en pris une forte alarme, & s’employa de toute sa force à faire interdire de pareilles assemblées. Son zèle eut en cela quelque chose de fort singulier ; il ne pût souffrir que l’on chantât en pleine campagne, ce qu’il y avoit déjà quelques années qu’on chantoit librement dans les maisons […], il n’a jamais rien poursuivi avec tant d’instance que d’ôtez aux reformez la consolation de chanter librement ces sacrez cantiques103.
Le clergé catholique n’est cependant pas le seul à y voir un élément insigne de la foi protestante. Les princes – et Louis XIV plus que nul autre – tentent d’en réglementer l’usage en cherchant à en assourdir l’écho. L’audibilité de la Réforme, qui participe de la présence protestante dans le royaume, est au cœur de la politique d’éradication entreprise par le roi. En s’intéressant à la « portée sociale de la dimension sonore » de la ville, le sociologue Anthony Pecqueux en a montré l’enjeu central104. En prêtant attention aux réglementations sonores et aux ségrégations spatiales contemporaines, cet auteur parle d’une « territorialisation du son »105 ; on peut, dans le cas du protestantisme moderne, y adjoindre une « confessionnalisation du son » – le chant des psaumes, en qualité de marqueur confessionnel, étant réduit à un espace défini par le pouvoir royal. Données sonores et sociales s’interpénètrent et confessionnalisent l’espace. Il y a, pour reprendre l’expression de Jean-François Augoyard, une « sociabilité à entendre »106 ; une sociabilité auditive que le pouvoir veut toute catholique sans résonance protestante.
La vingtaine de mesures législatives qui s’étendent de 1657 à 1686 sert trois logiques répressives convergentes : l’assourdissement de la Réforme et la catholicisation stricte de l’espace conjointe à sa déprotestantisation graduelle. Cet assourdissement consiste, à partir de 1657, à gêner l’exercice de ce chant jusqu’à le rendre imperceptible à défaut de le neutraliser complètement. C’est là un trait majeur du processus d’effacement progressif du protestantisme que le pouvoir prive de toute résonance et des chants qui l’identifient avant même que ne s’amorce le programme révocatoire. Si la promulgation d’une trentaine d’arrêts paraît bien peu à l’échelle de trois siècles, la promulgation d’une vingtaine d’entre eux (soit les deux tiers) en l’espace de vingt ans à peine désigne le chant des psaumes à la fois comme un point de fixation de la politique louis-quatorzienne, et comme un acte d’indocilité que la législation royale peine à juguler si l’on en juge par la réitération des menaces et des peines encourues.
Très tôt, le pouvoir proscrit le chant des psaumes de la sphère publique : l’art. 8 de l’arrêt du Conseil du 11 janvier 1657 (puis de nouveau l’art. xxi de la déclaration du 2 avril 1666) l’interdit formellement « à l’occasion de feux de joie ou de l’exécution de criminels », autrement dit lors des réjouissances publiques et de l’exécution des peines judiciaires, bâillonnant les possibles manifestations de soutien et les témoignages de résistance autour des échafauds, en excluant pour cela tout marqueur confessionnel distinctif et toute représentation communautaire identifiante107. Quantité d’articles de cette même déclaration de 1666 visent à éclipser les pratiques calvinistes et à effacer la présence des réformés par une survalorisation des pratiques catholiques, à l’instar de son article xxxiii qui prévoit la suspension des chants des psaumes jusque dans les temples au passage des processions catholiques du Saint-Sacrement108.
Par l’arrêt du Conseil du 6 mai 1659 (et celui du 23 février 1662109), le roi « défend aux religionnaires de chanter les psaumes dans les rues ni même en leurs boutiques et chambres à voix si haute qu’elle soit entendue publiquement, et interrompe[nt] les fonctions de la religion catholique »110. Au printemps puis à l’hiver 1661, le pouvoir royal proscrit tout chant hors des bâtiments cultuels (arrêt du Conseil du 17 mars 1661)111. Il s’efforce d’en amoindrir l’intensité jusque dans les foyers (arrêt du Conseil du 16 décembre 1661)112 et en vient, avec l’ordonnance du 29 mai 1681, à le bannir des bruits de la ville en proscrivant toute manifestation sonore du calvinisme – cultes et chants de cantiques étant interdits ailleurs que dans les limites du temple, « deffenses [étant] faites […] de faire l’exercice de la R.P.R. ailleurs que dans les lieux destinez pour cet effet & de chanter les Pseaumes composez & traduits par Marot & Beze dans les ruës, dans les places publiques, aux promenades, ny mesme dans leurs maisons qu’à voix basse qu’ils ne puissent estre entendus des passans, ny voisins »113. Ces dispositions, qui visent à rendre le protestantisme imperceptible, relèvent du même processus d’effacement continu du calvinisme et d’organisation catholique de l’espace114.
La déclaration du 30 août 1682, portant défense à ceux de la religion prétendue réformée de s’assembler, si ce n’est dans leurs temples et en présence des ministres sous peine d’interdiction de l’exercice et de 3 000 livres d’amende, conditionne le chant des psaumes à la présence des pasteurs. Elle consiste, explique Drion, à empêcher les réformés qui ont conservé leur droit d’exercice en l’absence de leur pasteur de suppléer par le chant des psaumes, les prières ou les lectures, au service de leurs ministres prisonniers, interdits d’exercice ou déjà exilés115. Plus largement, la proscription du chant des psaumes participe au concert d’interdictions, qui, avec l’exercice silencieux des métiers les jours de fêtes catholiques, l’usage réglementé des cloches des temples, le conditionnement des rites de passages dérobés à la vue et contraints à une sociabilité restreinte, vise à confiner leur existence, sans possible manifestation collective ni vécu communautaire, et à faire de l’adhésion à la Réforme un engagement tellement contraignant et dépourvu de perspective sociétale qu’elle perde tout attrait. Les Journaux camisards témoignent de l’acharnement répressif à l’endroit des psaumes et de la justice ostentatoire associée à leur poursuite (« on condamnait à l’amende pour avoir chanté les psaumes »116). Signalons trois dernières mesures représentatives de la lutte qui s’organise autour des psaumes, caractéristiques de l’aspect subversif, et à ce titre militant, que leur chant en vient à former en regard des interdits législatifs.
Que ce soit l’arrêt du 26 février 1663 condamnant à être « lacerez & brûlez » les exemplaires du Discours sur le chant des psaumes du pasteur Jean Bruguier (Nîmes, Édouard Raban, 1662) « soutenant positivement, qu’il est permis de chanter en tous lieux les pseaumes traduits par Marot & Beze […] au mépris des arrêts & defenses de Sa Majesté » (ce qui est alors considéré comme un « attentat » renforcé par la réédition en 1663 de l’ouvrage qualifié de « libelle »)117 ; que ce soit l’arrêt du parlement de Pau et l’ordonnance de l’intendant du Béarn promulgués au lendemain de chants de psaumes miraculeusement entendus dans les airs à Orthez au commencement de la persécution, que les réformés comprennent comme un soutien de Dieu (phénomène qui se répète en Cévennes, en Gévaudan, en Armagnac et en Rouergue, dans le comté de Foix, le Lyonnais, le Forez et une partie de la Savoie, certifiés selon Jurieu par des « gens de bon sens », parents de ministres et gentilshommes locaux118 ; que ce soit en juin 1681 la sentence du bailli de Charenton contre les chants entonnés sur les rivières au mépris des lois qui les condamnent sur terre ferme ou l’arrêt du Conseil du 3 septembre 1682 interdisant l’exercice réformé à Milhaud conséquemment au chant des psaumes entonné sur un bateau119 ; tous offrent des indices de cette militance à revers, d’une part, des contraventions qui visent à soutenir l’expression de la foi réformée et, d’autre part, de l’attention redoublée des agents du pouvoir à la restreindre.
Sur ce qui nous a esté representé par le Procureur du roy […], Qu’encore que par l’article XIII. de l’Edit de Nantes120, & Arrest du Conseil des six mars [mai] 1659, dix-sept mars 1661, vingt-six fevrier & cinq octobre 1663, Deffenses soient faites à tous ceux faisans profession de la Religion Pretendue Reformée de faire l’exercice d’icelle ailleurs que dans les lieux destinez pour cét effet & de chanter les Pseaumes composez & traduits par Marot & Beze dans les ruës, dans les places publiques, aux promenades, ny mesme dans leurs maisons qu’à voix si basse qu’ils ne puissent estre entendus des passans, ny voisins ; Neantmoins plusieurs desdits de la Religion Pretenduë Reformée demeurans en la ville & fauxbourgs de Paris, qu’autres, qui vont & viennent par bateaux & sur terre de Charenton, Saint Maurice, pour l’exercice de leur religion, par un mépris & contravention ausdits Edict & Arrests, chantent hautement & publiquement sur la riviere, dans les grands chemins & places publiques les Pseaumes, & contestent sur les points de leur religion, ce qui cause un très grand scandale aux Catholiques & des querelles ; Et parce que nous avons cy-devant rendu plusieurs ordonnances de deffences à ceux de la R. P. Reformée allant & venant à Charenton, Saint Maurice, tant par eau que par terre, de chanter par les chemins les pseaumes, & faire aucun acte de leur religion ailleurs que dans leur temple. À ces causes auroit requis le Procureur du roy […] & […] ordonnons que lesdits Edit, Arrests & Reglemens, & nos Ordonnances seront executées […] & faisons iteratives deffences à ceux faisans profession de la Religion Pretenduë Reformée, tant demeurant dans le ressort de ce bailliage qu’autres de s’assembler pour l’exercice de leur religion ailleurs que dans le lieu destiné pour cét effet & de chanter lesdits Pseaumes sur la riviere & grands chemins, allant & venans de Charenton : Saint-Maurice, dans les ruës, dans les places publiques, aux promenades, ny mesme dans les maisons, qu’à voix basses, qu’ils ne puissent estre entendus des passans & voisins, sur les peines qu’il appartiendra121.
Dans chacune de ces entorses et de ces subterfuges qui recourent aux psaumes se déploie un combat : leur chant sert à la fois l’énoncé de la religion réformée, l’expression de sa vigueur et sa désolation, la contestation de sa censure par le prince et la revendication d’un droit qu’il magnifie et proclame. Les psaumes servent une militance que la législation royale renforce malgré elle en faisant de leur chant un acte subversif et un témoignage de fidélité à la religion proscrite. Les psaumes demeurent l’une des grandes infractions croyantes que les synodes du Désert ne cessent de poser, avec les autres éléments traditionnels du culte, en repère de la restauration des Églises réformées122. Ils se présentent comme le medium par excellence d’une militance dont le chant symbolise l’essence contestataire, la déclamation d’une fidélité obstinée à Dieu, réfractaire à tout ce qui peut lui faire obstacle.
Un dernier exemple parmi les plus éloquents suffit à en témoigner. Bien sûr, on peut tenir pour acte de militance (au sens de lutte) toutes les mesures des synodes du Désert relatives aux psaumes dès lors que leur chant enfreint la loi et vise à soutenir le rétablissement clandestin des Églises réformées. Au reste, le chant des psaumes n’a cessé d’être une donnée centrale du culte clandestin, et la formation au chant demeure tout au long du xviiie siècle un élément structurant du redressement ecclésiologique, l’un des moyens persistant aussi d’édification des fidèles dispersés : les actes synodaux laissent entrevoir que les Églises du Désert travaillaient en 1734 à redonner davantage de solennité au chant et, face à la prolifération de musiciens et à « l’irrégularité de la conduite de quelques-uns », à structurer l’enseignement de la musique – « Dieu ayant suscité un nombre considérable de musiciens pour enseigner la musique dans les églises sous la croix »123). Si la plupart des dispositions synodales concernent d’abord l’usage disciplinaire du chant des psaumes, certaines pépites laissent cependant échapper leur charge militante dès avant l’exercice clandestin et le Désert, à l’instar de la Harangue de Monsieur le Commissaire du roi au synode [M. du Caumont], avec les propositions et les plaintes faites au nom de Leurs Majestés [Louis XIV et Anne d’Autriche] contre diverses Églises, intégrée au 28e synode national de Charenton de décembre 1644, qui se fait l’écho des remontrances du souverain tout en révélant combien le psautier put, avec la Discipline ecclésiastique, exprimer l’opposition virulente des protestants au concile de Trente, au pape et à la religion catholique romaine :
J’ai aussi ordre de vous informer que Leurs Majestés sont très-mal satisfaites, que contre cet Article de l’Edit qui a tant été recommandé, par lequel on mettoit en oubli tous les sujets de ressentimens124, on a inseré dans le Psautier imprimé à Genève en 1635, ces paroles, On assembla le Detestable Concile de Trente le quinzième jour de 1545. Il y a aussi dans le même Psautier plusieurs autres choses fort choquantes. Et dans le vint-quatrième article de vôtre Confession de foi, la Religion catholique apostolique & romaine est apellée Un abus & une fourbe de Satan, & le Purgatoire une pure tromperie, & la boutique d’où sont sortis les vœux des moines, les pèlerinages & autres desordres semblables. Et dans le vint-huitième article vous vous servez de ces termes ; Nous condamnons toutes les Assemblées de la Papauté, où l’idolâtrie & la superstition sont en vogue. Leurs Majestés ne peuvent pas soufrir que dans des Synodes nationaux on prête serment sur de telles paroles […] étant injurieuses à leur Religion, & à cette Église dont le Pape, que Sa Majesté croit être le Chef de l’Église, & qu’il apelle Saint Père, & avec lequel il est uni très étroitement par alliance & par amitié. Leurs Majestés souhaitent que dans une Afaire qui leur est si fort à cœur, vous aiés la deference, & la soumission qu’elles attendent de vous, & qu’elles vous commandent [à savoir expurger les Psautiers et la Confession de foi de toute critique catholique tenue pour offense et injure], comme je vous le propose maintenant de leur part.
Prétexte à chicane de la part du pouvoir politique qui réagit près de dix ans après la parution du psautier de 1635, ou véritable enjeu du combat qui se niche au cœur des ressources textuelles majeures de la Réforme, cette remontrance laisse poindre l’usage partisan des psaumes, de leur chant mais aussi ici de leurs recueils, qui sont autant des livres de prières et de méditation que des repères critiques de la foi, et de possibles supports d’affrontements confessionnels.
Les psaumes de Marot et de Bèze forment une dévotion chantée reconnaissable entre toutes qui s’attire les mesures législatives les plus drastiques. Force mélodique de la Réforme et chant du protestantisme proscrit, les psaumes ne sont pourtant pas du seul ressort symbolique. Ils constituent une ressource spirituelle pratique, un chant d’union à Dieu aux heures de la dispersion, qui offre encore aux calvinistes contraints à la clandestinité la possibilité d’exercer et de confesser leur foi, d’accomplir leurs dévotions et de chanter leur lutte. Les psaumes forment dans l’histoire tourmentée du protestantisme français une ressource textuelle efficiente, aussi consolatoire que mobilisante. Ils proposent aux réformés éprouvés un modèle de persévérance, d’une part la possibilité de se savoir exposés à la défaite et néanmoins à l’abri de Dieu, d’autre part de proclamer leur fidélité religieuse dans l’épreuve et de l’affermir à l’aide d’un discours de combat, dont les psaumes sont l’objet et les termes mêmes. Là réside partie de leur dimension éminemment militante.
À l’évidence cependant, ce serait un piège de considérer les psaumes comme une énonciation unitaire. Il resterait encore, à cet égard, à confronter les appropriations croyantes dissonantes des réformés, à prendre en compte les usages individuels et les choix contrastés des textes, à historiciser les écarts de pratiques et les discordances interprétatives, à distinguer la repentance de la militance dont les psaumes sont les vecteurs. À en croire les exhortations synodales, l’appétence même pour la matière psalmique varie d’une province à l’autre, d’une période l’autre, au gré des persécutions et des dispositions des protestants à la lutte. Partout pourtant, les psaumes semblent s’imposer comme le mode musical d’appartenance à la Réforme. Plus qu’un simple marqueur identitaire, les psaumes s’affichent, de manière indissociée, comme le lieu d’élaboration et de transcription des luttes protestantes. Une façon tantôt discrète, tantôt bruyante de protester, de se mettre en état de résister à l’oppression et, selon l’herméneutique calvinienne, de disposer les cœurs au combat. Parce qu’ils permettent d’entretenir la foi et de penser Dieu en l’absence des ministres, les psaumes demeurent un élément sensible du culte interdit. En formant un champ d’action et d’énonciation de l’insoumission huguenote, ils donnent accès à l’engagement des réformés dans le temps long, et s’imposent comme le chant d’une résolution à la fidélité, fût-elle bousculée ; une façon persistante d’honorer Dieu et de tenir tête à ceux qui y font obstacle – ou de revenir à lui après avoir cédé à la menace catholique.
On posait au tout début la question des enjeux associés à leur chant : ce sont ceux du maintien des Églises interdites, la possibilité donnée aux protestants de dire leur attachement à la religion réformée, de considérer leurs défaillances, d’énoncer leur combat pour Dieu dans l’adversité. Contreforts de l’amour divin, appréhendés comme un trésor et foyer même de la foi en Dieu, les psaumes offrent, à chaque tourmente, de penser l’épreuve endurée à la suite de celles du roi-prophète. Ils sont dans le temps long des vicissitudes protestantes le répertoire d’une foi pourchassée appelée à subsister dans l’affliction. Ils se sont imposés parmi les réformés comme une possible source de compréhension des malheurs du temps redistribués dans ceux de l’Église de Dieu, où l’exemple du roi David encourage à la constance et laisser espérer le triomphe final.
Chant d’opposition confessionnel, les psaumes appartiennent aux modalités protestantes d’insubordination religieuse. Ils sont un discours de lutte non pas tant uniquement parce qu’ils clament ou revendiquent un attachement à la foi réformée prohibée, mais parce qu’ils forment une ecclésialité chantée, et qu’ils permettent de faire encore Église après la destruction des temples. Dans la culture huguenote de la période moderne, les psaumes n’ont pas seulement une valeur identitaire, ni même simplement liturgique, mais plus fondamentalement ecclésiologique. Sans participer à la stricte définition calvinienne de l’Église, ils en clament l’existence, et partout signalent jusqu’au temple le plus informel.
Au reste, les psaumes ont une double valeur ecclésiologique, aussi normative en période de paix (de par leur appartenance aux dispositifs cultuel et liturgique réformés) que transgressive en contexte de répression, lorsqu’ils en viennent à former le chant subversif des Églises disséminées. Ils permettent de continuer à habiter la Parole de Dieu chaque fois que celle-ci leur est contestée ou confisquée par le catholicisme ; mais aussi de se situer dans l’histoire chrétienne après que la politique d’unification religieuse du prince l’a figée en une vérité autre que protestante ; et encore de se réconforter à l’aide d’un texte de consolation suprême lorsque la force vient à se dérober, en puisant en un chant de détresse qui débouche sur l’assurance de la victoire des fidèles, et où la reconnaissance d’une faillite recèle le possible triomphe de la foi.
Expression d’une foi fidèle – ou qui s’évertue à l’être –, aussi soumise à la volonté de Dieu que contestataire à l’endroit des pouvoirs oppressifs catholiques, le chant des psaumes se présente comme l’une des modalités d’insoumission protestantes majeures. Les mesures législatives, qui tentent d’en limiter puis d’en interdire l’usage, en éclairent l’importance décisive pour les uns et les autres, preuve que les psaumes huguenots forment un domaine d’affrontement central où se jouent la revendication d’une identité et son écrasement, le chant d’une existence et la tentative de son élimination.
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1. Jean Calvin, Institution de la religion chrestienne, éd. Jean-Daniel Benoît, 5 vol., Paris : J. Vrin, 1957-1963 (désormais : IRC) III, xx, 31-32 (pour l’ensemble des citations).
2. Archives de l’État de Neuchâtel (AEN), Archives de la Bibliothèque des pasteurs, liasse I/9, B 12, fol. 88, À très fidèle, savant et diligent serviteur de Jésus-Christ M. Jehan Calvin, Pasteur de l’Église de Genève, son très cher frère et singulier ami : Christophe Faure desire toute abondance de grâce, et le salut et repos éternel, 1551, dans Pierre Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, 2 vol., Bâle : Baerenreiter, 1962, vol. II : Documents et bibliographie, p. 50.
3. Sur cet aspect, voir également les Articles baillés par les prescheurs réunis autour de Guillaume Farel qui, en 1537, font du chant des psaumes « une chose bien expédiente à l’édification de l’esglise […]. Les pseaumes nous pourront inciter à eslever noz cueurs à Dieu, et nous esmouvoyr à ung ardeur tant d’invocquer que de exalter par louanges la gloyre de son nom » : Archives d’État de Genève (AEG), pièces historiques n° 1170, dans P. Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, vol. II, p. 1.
4. J. Calvin, IRC III, xx, 32.
5. Jean de Focquembergues, Le voyage de Beth-El ou sont representez les devoirs de l’Ame fidele, en allant au temple & en retournant. Avec des prieres & des meditations pour ouir salutairement la Parole de Dieu, & participer dignement à la Sainte Cene du Seigneur par Jean de Focquembergues, Ministre de Jésus-Christ à Dieppe, & autres divers autheurs [Michel Le Faucheur, Samuel Durand, Pierre Du Moulin, Jean Mestrezat, Raymond Gasches] … avec les Pseaumes qui se chantent les jours de la celebration d’icelle, Saumur : chez Isaac Desbordes, 1668, p. 8 (« I. Méditation avant que de sortir du logis »).
6. Pseaumes de David traduictz en rithme françoise par Clement Marot, avec plusieurs autres compositions, mises de nouveau en chant, non jamais encore imprimées, dans P. Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, vol. II, p. 39.
7. Voir l’exemple du consistoire de l’Église réformée de Nîmes qui, en juillet 1561, en établit le chant dans ses réunions de prières journalières : L’organisation et action des Églises réformées de France (1557-1563). Synodes provinciaux et autres documents, éd. Philip Benedict et Nicolas Fornerod, Genève : Droz, 2012, p. lxix.
8. Des tout premiers services à ceux du Désert qui s’ouvrent par le chant d’un psaume : voir J. Calvin, IRC III, xx, 31-32 et Mémoires pour servir à l’histoire et à la vie d’Antoine Court (de 1695 à 1729), éd. Pauline Duley-Haour, Paris : Les Éditions de Paris, 1995, p. 42. De même, le chant des psaumes accompagne le culte domestique (culte personnel et culte de famille) : voir Paul de Felice, Les protestants d’autrefois. Vie intérieure des Églises, mœurs et usages, 4 vol., Paris : Fischbacher, 1896-1902, t. 1, p. 82, 84, 88.
9. J. Calvin, IRC IV, xvii, 43 ; La Discipline des Églises reformées de France ou l’ordre par lequel elles sont conduittes & gouvernées. Avec un recueil des observations & questions sur la plus part des articles d’icelle, tiré des actes des synodes nationaux, s. l. s. n., 1654, chap. xi (Du Baptesme), art. xv, p. 74. Voir aussi le registre du Consistoire de l’Église du Mans, ledict jour de vendredy penultieme dudict moys d’octobre 1561 laissant à chanter psaumes ou à lire l’Écriture pendant l’administration de la cène (Synodes provinciaux et autres documents, p. 216).
10. Lettres de Jean Calvin recueillies pour la première fois et publiées d’après les manuscrits originaux, éd. Jules Bonnet, 2 vol., Paris : Meyrueis, 1854, t. II, p. 255-256. Voir aussi Jean Crespin, Histoire des martyrs persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des apostres jusques à présent (1619), éd. Daniel Benoit, 3 vol., Toulouse : Société des livres religieux, 1885-1889, t. I, p. 658-659 (Epistre aussi escrite par M. Jean Calvin aux susdits cinq prisonniers [de Lyon], 1552 à partir des Ps 119, 62, 109 et 135). Au reste, Calvin précise à la suite d’Augustin que le chant devint la coutume des premières Églises chrétiennes persécutées (J. Calvin, IRC III, xx, 32).
11. Voir, parmi d’autres, la Première Lettre pastorale ecrite par un ministre françois aux fidéles de son Eglise, s. l. s. n., 1er mai 1684, p. 12, 13, 15, 20, 21 : celle-ci délivre un message de consolation durant les prodromes de la Révocation à partir du Ps 118 (puis des Ps 24, 44, 119 et 95) appelant les réformés à graver profondément dans leur cœur les promesses de Dieu afin de « pouvoir dire, avec une parfaite confiance, comme David ; Le Seigneur est pour moi ; je ne craindrai point : que me fera l’homme ? », mêlant à un discours de persévérance de vives exhortations à « soûtenir les mêmes combats, que le Seigneur a soûtenu » (BU Arsenal, Toulouse, Rés Mn 10401/9 Fonds de Montauban) ; Lettre d’un ami à un protestant réfugié sur le sujet de la personne, & de la mort du sieur Fulcran Rei proposant, dans Entretien familier avec Dieu. Seconde édition, dans laquelle on a ajoûté l’histoire de mort & du martyre de Monsieur Homel pasteur de l’Église de Soyon en Vivarets ; et une Lettre touchant la mort & le martyre du sieur Fulcran Rey proposant, Amsterdam : Pierre Chayer, 1698, p. 236-237.
12. Cinquante lettres d’exhortation et de consolation sur les souffrances de ces derniers tems & sur quelques autres sujets ; écrites à diverses personnes par Monsr. D. V. B. pendant ses exils & ses prisons en France, & depuis que par ordre du roi, il s’est retiré en Hollande, La Haye : Jean Kitto, 1704 : voir lettre i, À Monsieur son père, Vézelay, 25 février 1686 (évoquant le combat mené « avec David », p. 5) ; lettre v, À une dame de ses amies refugiée en Hollande, La Bastille, 20 juillet 1686, écrite en s’inspirant du Ps 91 (« Celui qui réside en la cachette du Souverain, se loge à l’ombre du Tout-puissant »), p. 28-38 ; lettre vi, À Monsieur … dans l’abbaye de…, La Bastille, 25 juillet 1686, contenant des « réflexions particulières sur un endroit du Pseaume xvi », p. 38-43 (en particulier p. 40) ; lettre vii, À Monsieur de St. Hermines, prisonnier à la Bastille, La Bastille, 12 août 1686 convoquant le Ps 107 pour railler les réformés chancelants, titubant comme des hommes ivres, p. 43-65 (ici p. 46 et 57) ; lettre viii, À Madame L. D. D. L. F. retenuë dans sa maison à Paris, par ordre du roi, après qu’on lui eut enlevé ses enfans ; trois fils mis aux Jésuites, & quatre filles dans un couvent, La Bastille, 31 août 1686, inspirées du Ps 119 (« Bienheureux sont ceux qui sont entiers en leurs voyes, & qui marchent en la loi de l’Eternel »), p. 67-79 ; lettre ix, À Monsieur de St. Hermines, prisonnier à la Bastille, La Bastille, 18 septembre 1686, à partir du Ps 37, p. 80-119 (voir p. 107-108) ; lettre xiii, À Madame sa femme, La Bastille, 18 mars 1687, qu’il reprend de son apostasie et appelle à revenir à Dieu avec le Ps 69 « Ô Éternel que le fil des eaux se débordant, ne l’emporte point, & que le gouffre ne l’engloutisse point ! », p. 169-183 ; lettre xliv, À un catholique romain de ses amis, en Hollande, 21 mars 1697, qualifiant le souverain pontife de « barbare Étranger » en référence au Ps 144 dans lequel David appelle Dieu à être délivré des « étrangers dont la bouche parle faussement et dont la main droite est pleine de mensonges », p. 420-434 (ici p. 431).
13. BU Leyde, BWA MD 5.1 à 5.17 Sermons manuscrits du ministre Isaac Ponce, voir en MD 5.1 « Le recours du fidèle vers Dieu dans le tems de l’affliction ou Sermon sur Pseaume XXV.17-18 » ; « Le silence du fidèle dans les afflictions proposé dans un Sermon sur Pseau. XXXIX.10 » ; « Les sentimens de l’Éternel au sujet de l’Israël ingrat et rebelle proposez dans un sermon sur Pseau. LXXXI.14 » ; « L’obligation où nous sommes de rendre à J. C. nos hommages religieux proposée dans un sermon sur Pseau. II.12 : Baisés le Fils de peur qu’il ne se courrouce et que vous ne perissiez en ce train quand sa colere s’embrasera tant soit peu, o que bienheureux sont ceux qui se retirent vers lui » ; « La nécessité d’invoquer Dieu sur tout dans le temps des afflictions proposée dans un sermon sur Pseau. L.15 : Invoque moi dit-il au jour de la détresse, et je t’en tirerai hors » (pièces non foliotées).
14. BU Leyde, BWA MA 5 Fragments d’une collection de sermons manuscrits et d’études théologiques d’Isaac Claude et de quelques autres pasteurs, s. d. (milieu du xviie siècle), fol. 1-9 (pour les deux citations) : Sermon sur le texte tiré du livre des pseaumes de David, psaume 7, versets 11.12.13 en ces mots Mon bouclier est en Dieu. Il est le defenceur de ceux qui sont justes et des droituriers. Il se courouce journellement, Il eguise son epée, il bande son arc, Il prépare armes mortelles contre ceux qui ne se convertissent point ». Voir aussi le sermon sur Ps 34, fol. 44-53. De même, BU Leyde, BWA MC 7 Recueil de sermons manuscrits autographes prêchés par Isaac Claude à Clermont, Charenton et à La Haye pendant les années 1678-1695 : sermon sur le Ps 118,22 prononcé à La Haye le lundi de Pâques 14 avril 1686 sur les fortunes et revers de David, figure archétypale de la condition du chrétien, « exemple de l’etat du fidele » (non folioté).
15. Voir BU Leyde, BWA MB 50 Sermons anonymes prêchés vers la fin du xviie siècle à Genève, fol. 66-69v° (ici fol. 68v°).
16. Voir Henri Hauser, La naissance du protestantisme, Paris : PUF, 1940, p. 61, cité d’après Eugénie Droz, « Antoine Vincent. La propagande protestante par le Psautier », dans Aspects de la propagande religieuse, Genève : Droz, 1957, p. 276-293 (p. 276) ; Journaux camisards (1700-1715), éd. Philippe Joutard, Paris : Union générale d’éditions, 1965, Relation Mazel, p. 65. Voir aussi ibid., p. 34, 59, 68 (attaques, assauts, entrées des camisards dans les villes et rétablissement du culte interdit au chant des psaumes), 63 (incendies d’églises catholiques au chant du Ps 137 « À sac, à sac, qu’elle soit embrasée / Et jusqu’au pied des fondations rasée »), 67 (« il faut savoir que rien n’alarmait tant nos ennemis que le chant des Psaumes ») et 68-69 (reddition précipitée de la garnison du château de l’Hom attaquée au chant des psaumes par un détachement camisard).
17. J. Calvin, IRC III, xx, 32 (le réformateur n’entend pas que le chant des psaumes soit chez les réformés semblable au chant des papistes, qui n’est que « plaisir des aureilles seulement »). Sur l’articulation entre processus cognitif et mouvement affectif des psaumes, voir Christian Grosse, « L’esthétique du chant dans la piété calviniste aux premiers temps de la Réforme (1536-1545) », dans Ralph Dekoninck, François Trémolières (dir.), Beauté du rite. Liturgie et esthétique dans le christianisme (xvie-xxie siècle), numéro thématique de la Revue de l’histoire des religions 227 (2010), p. 13-31.
18. Commentaires de Jehan Calvin sur le livre des psaumes, 2 t., Paris : Meyrueis, 1859, t. I, p. 15.
19. Jean Calvin, Préface aux commentaires sur les Psaumes (1557), dans Id., Œuvres, éd. Francis Higman, Bernard Roussel, Paris : Gallimard Pléiade, 2009, p. 108. L’association calvinienne des psaumes à une « anatomie des parties de l’âme » se situerait dans la veine d’Athanase, de Cassiodore et de Luther : Frank Lestringant, « Calvin et Marot, ou de l’universalité des psaumes », dans Olivier Millet (éd.), Calvin et ses contemporains, Genève : Droz, 1998, p. 247-260 (ici p. 248).
20. J. Calvin, Préface aux commentaires sur les Psaumes (1557), p. 108s.
21. La Discipline des Églises reformées de France (1654), p. 68.
22. Ibid. (note en marge).
23. J. Calvin, Préface aux commentaires sur les Psaumes (1557), p. 109s.
24. AEN, Archives de la Bibliothèque des pasteurs, liasse I/9, B 12, fol. 88, À très fidèle, savant et diligent serviteur de Jésus-Christ M. Jehan Calvin, Pasteur de l’Église de Genève, son très cher frère et singulier ami : Christophe Faure desire toute abondance de grâce, et le salut et repos éternel, 1551, dans P. Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, vol. II, p. 50.
25. Ibid., p. 38-39. Inspirés de l’épître aux Colossiens (Col 3,16), hymnes, psaumes et cantiques ont chez Calvin une double valeur éducative et exhortative, et visent à une édification mutuelle (J. Calvin, IRC III, xx, 32).
26. Voir l’épître A tous chrestiens et amateurs de la Parole de Dieu, s.[alut] (Epistre non paginée) accompagnant Les Pseaumes de David mis en rime françoise par Clement Marot & Theodore de Besze, s. l. s. n., 1561 (édition de 143 psaumes). Une édition de 1563, parue chez Jean Bonnefoy, date le texte de cette épître rédigée par Calvin à Genève du 10 juin 1543, ce que confirme le volume de Documents de P. Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, vol. II, p. 15-17, 20-21. F. Lestringant, « Calvin et Marot, ou de l’universalité des psaumes », p. 249, n. 5 précise que cette épître du 10 juin 1543 serait elle-même le développement de l’Epistre au Lecteur de 1542.
27. A tous chrestiens et amateurs de la Parole de Dieu, s.[alut] (Epistre non paginée) pour l’ensemble des citations du paragraphe.
28. Ibid. D’où le souci de proposer des volumes « maniable[s] & portatif[s] », voir la Preface (non paginée) de Davantes à ses Pseaumes de David, mis en rhythme françoise par Clement Marot & Theodore de Besze avec nouvelle & facile methode pour chanter chacun couplets des Pseaumes […] selon le chant accoustumé en l’Église, exprimé par notes compendieuses exposées en la preface de l’autheur d’icelles, s. l. : Avec privilège par Pierre Davantes, 1560 (papier métré).
29. Ibid. Bèze est ici fidèle aux mots de Clément Marot qui, dans l’épître Au roy Treschrestien Francoys premier de son édition parisienne de 1541 chez Estienne Roffet, présente les psaumes comme « ung jardin, plein d’herbes, et racines, Où de tous maulx se trouvent medecines ».
30. [Jean Claude], La pratique chrétienne pour les fidèles privés du S. Ministère, Genève : Pierre Aubert, 1684, p. 73-75, 122 (l’ouvrage, réédité à La Haye, sans nom d’éditeur en 1686, puis de nouveau en 1691, l’est encore en 1744 dans la même ville, chez Jean et Daniel Steucker). Dans ce propos souvent combatif, les psaumes sont avec les prières « jaculatoires » (appelées ainsi « parce qu’elles ressemblent à des flèches tirées tout d’un coup […] [et] sont des élans de piété ; des élévations du cœur à Dieu »), les ressources dévotionnelles de ces « prières irrégulières » susceptibles de soutenir les afflictions et d’assister le combat des fidèles.
31. J. Calvin, Préface aux commentaires sur les Psaumes (1557), p. 109-110.
32. Ibid., p. 110-112, 116 (pour l’ensemble des citations).
33. Voir le témoignage de l’évêque Godeau soulignant la prégnance du chant des psaumes parmi les réformés au point d’en être la « marque de leur communion », cité dans P. de Felice, Les protestants d’autrefois. Vie intérieure des Églises, mœurs et usages, t. 1, p. 66.
34. Artus Désiré, Le contrepoison des cinquante deux chansons de Clement Marot, faulsement intitulees par luy Psalmes de David, faict & composé de plusieurs bon[n]es doctrines & sente[n]ces preservatives d’heresie, tant pour les sains, que pour les malades, & debilitez en la foy de nostre mere saincte Eglise, Paris : Pierre Gaultier, 1560 (réédition à Paris chez Jehan Rueile en 1567), oraison non paginée et dédicace, p. A ii.
35. « Quand quelque ennemy de la foy/ Chante les chansons de Marot/ Et qu’on luy demande pourquoy/ Il les chante, il ne respond mot,/ Sinon que le malheureux sot/ Dict qu’il vault mieulx en lieux publiques/ Les chanter, que chansons lubriques,/ Dont à ceste cause & raison/ J’ay pour tous les bons catholicques/ Composé ce contrepoison » (ibid., L’auteur aux lecteurs, non paginé).
36. Ibid., p. 9.
37. Antienne des psalmes penitentiaux des fidelles de La Rochelle & de Montauban penitens. Ensemble la response de Sa Majesté, à ces bons reformez, s. l. s. n., 1622. Ce titre peut être ajouté aux deux pamphlets parus la même année – Le Psaultier des rebelles de ce temps et La Fieuvre des huguenots de France – étudiés par Inès Kirschleger, « La Fièvre des huguenots de France, psaumes et pamphlets sous Louis XIII », BSHPF 158 (2012), p. 433-445.
38. Commentaires de Jehan Calvin sur le livre des psaumes, t. I, respectivement p. xl, xlvij, xlviij, liij.
39. Voir l’Epistre de Théodore de Bèze accompagnant Les Pseaumes de David mis en rime françoise par Clement Marot & Theodore de Besze, s. l. s. n., 1561, A l’Eglise de nostre Seigneur (non paginée).
40. Canson provençalle soubre lou cant dau pseaume 9. Contenant la complainto daux papaux, ensemble la cruautat qu’a estat facho aquellos de la religion reformade, durant la guerro, Lyon : nouvellement imprimée, s. n., 1564.
41. Maximilien Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes ou Récits de diverses merveilles nouvellement opérées dans cette partie de la Province de Languedoc, Londres, R. Roger, 1707, rééd. Paris : Les Éditions de Paris, 1996, p. 139 (déposition du camisard Élie Marion déclarant, à l’égard des ennemis, « les attaquer aux chants des psaumes ») et p. 165 (déposition de Durand Fage témoignant dans les combats opposant les insurgés cévenols aux troupes royales de la présence à Calvisson en mars 1703 de « femmes [qui] se défendirent à coups de pierres […], chantant toujours les psaumes »).
42. Même s’il ne s’agit parfois que de la marque typographique de l’imprimeur.
43. Voir Octante trois pseaumes de David mis en rime françoise : a scavoir, quaranteneuf par Clement Marot, avec le cantique de Simeon & les dix commandmens ; et trente quatre par Theodore de Besze. Avec dix pseaumes traduictz de nouveau par ledict de Besze, Genève : Jean Crespin, 1554.
44. Voir Les Pseaumes mis en rime françoise par Clement Marot et Theodore de Beze. Mis en musique à quatre parties par Claude Goudimel, s. l. : par les héritiers de François Jaqui, 1565.
45. Commentaires de Jehan Calvin sur le livre des psaumes, t. I, p. xiii-liv (voir en particulier p. xiii, xiv, xv, xviij, xix, xx, xxj, xxiij, xxv, xxx, lj, les entrées « adversitez » ; « afflictions » ; « de quelles armes les fideles pourront surmonter les assauts du monde, 119. 161 » ; « armeures contre les vanteries du clergé papal, 118. 15 » ; « bouclier pour repousser tous les assauts des tentations, 9. 7 » ; « combat intérieur des fidèles, 22. 2 » ; « consolations pour quand nous sommes tormentés par les tyrans 82. 8 » ; « par quels moyens il nous faut attenter délivrance de tous nos maux, 130. 8 » ; « comment nous nous devons opposer aux ennemis de Dieu, 139. 22 » ; « a quelle condition de guerroyer Dieu nous appelle, 18. 38 » ; « Ténèbres, pour temps d’affliction », 112. 4).
46. Les Pseaumes en vers françois, retouchez sur l’ancienne version de Cl. Marot & Th. de Bèze. Par feu M. V. Conrart, Conseiller & Secretaire du Roy, &c., Charenton : Antoine Cellier, 1679, Indice (non paginé). À quelques variantes près, on trouve les mêmes entrées dans l’Indice éponyme déjà présent dans une édition non révisée de 1675, à Paris, chez le même éditeur. En revanche l’intitulé de cette rubrique disparaît des éditions de la première moitié du xviiie siècle. Voir par exemple Les Pseaumes de David, mis en vers françois, revus & approuvez par le Synode Walon des Provinces-Unies. Nouvelle édition, Amsterdam : Pierre Mortier, 1738, p. 717-718 dont l’Indice redistribue les entrées.
47. Sur ces exemples, voir Chronique lyonnaise de Jean Guéraud, 1536-1562, éd. Jean Tricou, Lyon : Impr. Audin, 1929, p. 54 ; J. Crespin, Histoire des martyrs persecutez et mis à mort pour la verité de l’Evangile, depuis le temps des apostres jusques à présent (1619), t. I, p. 673 (« cinq escholiers » de Lyon accueillant leur sentence et allant à la potence au chant des psaumes en mai 1533), t. II, p. 427 (exécution de Jean Bertrand, expirant en 1556 au chant des Ps 25 et 86), t. III, p. 415 (Roger du Mont mené en 1563 au supplice en chantant les Ps 16 et 6) ; Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France (1580), 2 vol., éd. P. Vesson, Toulouse : Société des livres religieux, 1882, t. I, p. 80 ; Pierre Jurieu, Lettres pastorales adressées aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylon, éd. Robin Howells, Hildesheim : G. Olms, 1988, lettre, III, iv, p. 29s (15 octobre 1688) ; M. Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes, p. 63 (mémoire de Mathieu Boissier témoignant du chant des psaumes qui accompagne prières et cultes des petits prophètes), p. 71 (extrait des Mémoires de Guiscard évoquant « des milliers de femmes [qui] ne cessaient de prophétiser et de chanter des psaumes, quoiqu’on les pendît à centaines »), p. 87 (déposition de Jacques Du Bois mentionnant leur chant dans les assemblées), p. 92, 93, 96 et 103 (déposition de Jean Cavalier de Sauve argumentant du chant des psaumes parmi les prophètes pour repousser les accusations de sorcellerie formulées contre eux, de l’usage des psaumes pour rallier les fidèles cherchant leurs assemblées, et de leur chant au milieu des prières et des exercices de piété des insurgés camisards), p. 116 (déposition de David Flottard déclarant à propos des inspirés et de ceux qui les suivaient que « tout leur exercice et tout leur plaisir, dans le Désert, consistait en prières et en chant de psaumes »), p. 157 (déposition d’Isabeau Charras évoquant le chant des psaumes précédant les inspirations prophétiques), p. 191 (lettre de M. de Caladon sur les versets de psaumes entrecoupant les prophéties).
48. BU Arsenal, Toulouse : Fonds de Montauban, Rés Mn 10401/11 : Tous les protestans, de quelque qualité qu’ils soient, & en quelque lieu qu’ils se trouvent, & surtout les pasteurs & gens de lettres, qui ont du zèle pour leur religion, & qui desirent conserver a la posterité la connoissance de leurs affaires présentes, sont exhortez & priez instamment, si l’écrit qui suit tombe entre leurs mains, de donner sur ce qu’il contient, tous les avis, mémoires, actes, instructions, &c. qu’ils pourront fournir eux mesmes, ou qu’ils pourront tirer des personnes de leur connoissance, s. d. [postérieur à 1685], p. 3.
49. Sur les chanteries comme manifestation identitaire, voir Robert Weeda, Itinéraires du Psautier huguenot à la Renaissance, Turnhout : Brepols, 2009, p. 92-99.
50. Chronique lyonnaise de Jean Guéraud, 1536-1562, p. 54-55.
51. Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France (1580), t. I, p. 69.
52. Voir Cinquante lettres d’exhortation et de consolation, lettre xxiii, En forme de journal, écrite d’Amsterdam le 16. may 1688, à Monsr. D. C., Nouveau reüni à Paris, p. 242-282 (ici p. 272-274).
53. Voir Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France (1580), t. I, p. 391 (sous la plume duquel le ministre Morel réchappe du massacre de Wassy en mars 1562 après avoir pensé expirer au chant du psaume 31) et p. 472 (vingt réformés « descouverts par le chant des pseaumes » à l’occasion d’une assemblée près de Toulouse, le 27 avril 1561, marchent prisonniers vers leur procès au chant des psaumes) ; Journaux camisards (1700-1715), Relation Mazel, p. 44 (exécution du camisard Esprit Séguier, expirant en juillet 1702 sur le bûcher en « chanta[nt] dans ses souffrances le Psaume 69 » dont « on ne parlait dans le pays que de la belle mort […], de sa constance et de sa fermeté ») ; M. Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes, p. 140 (déposition d’Élie Marion témoignant des « cantiques de réjouissance du grand nombre de ces bienheureux martyrs, lors même qu’ils avaient les os brisés sur les roues »).
54. M. Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes, p. 165s. Fage tient par ailleurs le chant des psaumes pour l’un des « vrais et assurés moyens d’entretenir ce bienheureux Esprit [de bien] » (ibid., p. 178s).
55. F. Lestringant, « Calvin et Marot, ou de l’universalité des psaumes », p. 251.
56. Mémoires pour servir à l’histoire et à la vie d’Antoine Court, p. 64.
57. Mobilisés à l’heure de l’interdit confessionnel dans la littérature apologétique, les psaumes fondent une large partie des sermons de la période révocatoire : voir pour exemple Jean Graverol, Les Corps des fidéles Témoins du Seigneur Jesus étendus sans sépulture dans la place de la Grande Cité, ou Sermon sur ces paroles du Psaume LXXIX. Ver. 2. Par J. G. P., Amsterdam : Abraham Wolfgangh, 1686 ; Pierre Jurieu, L’Excellence de la Grâce sur la vie, ou Sermon sur ces paroles du Pseaume 63. v .4. Ta gratuité est meilleure que la vie. Prononcé à Leyde en presence du Synode, Genève : Jaques F. Bardin, 1692. Voir aussi supra n. 13 et 14.
58. Cinquante lettres d’exhortation et de consolation, lettre xxiii : En forme de journal, écrite d’Amsterdam le 16. may 1688, à Monsr. D. C., Nouveau reüni à Paris, p. 242-282 (ici p. 277) : « Nos […] gens de Ré […] prosternez en terre […], chantérent à genoux les deux parties du Pseaume 51, & […] après la bénédiction du pasteur, s’embrassérent les uns les autres ; en s’entre-demandant pardon du scandale qu’ils s’étoient donné réciproquement par leur apostasie ».
59. Mémoires pour servir à l’histoire et à la vie d’Antoine Court, p. 73.
60. Ibid., p. 54.
61. Voir P. Jurieu, Lettres pastorales adressées aux fidèles de France qui gémissent sous la captivité de Babylon, lettre, I, vii, p. 53-56 du 1er décembre 1686 (intégrant déclarations et certificats) et lettre III, iv, p. 30 du 15 octobre 1688 (incluant la lettre de M. de Bresse, pasteur réfugié à Lausanne, du 25 mai 1686).
62. Lettres de Marie Durand (1715-1776). Prisonnière à la tour de Constance de 1730 à 1768, éd. Étienne Gamonnet, Montpellier : Les Presses du Languedoc, 1986, p. 159 (lettre à Monsieur Chiron pour rendre à Anne Durand, sa nièce, 26 avril 1757).
63. Jean Claude, Examen de soy-même pour se bien préparer à la communion, La Haye : A. Arondeus, 1682.
64. Notons que l’édition des Pseaumes de David et Cantiques nouvellement mis en vers françois, enrichis de figures, Paris : Guillaume de Luyne, 1694 est le fait d’Élisabeth-Sophie Chéron, protestante passée au catholicisme (exemplaire unique conservé à la BPF, André 1183/1) ; Psaumes traduits par Marot, Amsterdam : Henri Desbordes, 1699 ; Les Psaumes de David, retouchez sur la version de Marot et de Bèze, approuvez par les pasteurs de l’Église de Paris, et par les synodes de France, revus à Genève et à Berlin, avec la liturgie, le catéchisme et la confession de foi. Nouvelle édition corrigée sur la précédente [par V. Conrart, de La Bastide et autres], Londres : Jean Cailloüé et Jacques Levi, 1701 ; Les Psaumes de David, Berlin : Arnaud Dussarat, 1701 (cette édition de la version Conrart – La Bastide intègre prières ecclésiastiques, catéchisme, confession de foi et musique).
65. Remarques sur le livre qui a pour titre « Les Psaumes de David », mis en rime françoise par Cl. Marot et Th. de Bèze, Cologne : Pierre Marteau, 1702 (BPF, 8° 13 487/6) ; Les Vieilles Afriquaines, ou les psaumes de David : mis en vers françois, par Pierre Simond, Amsterdam : Corneille Hoogenhuisen, 1704 ; Les Psaumes de David, mis en rime françoise par Clement Marot et Theodore de Bèze. Nouvelle edition revue et corrigée, Amsterdam : Jean de Hekeren, 1716.
66. Les Pseaumes de David mis en vers françois et revûs par ordre du Synode walon des provinces Unies, s. l. s. n., 1722 ; Les Psaumes de David mis en vers françois, revüs & approuvez par les pasteurs & les professeurs de l’Eglise & de l’Academie de Geneve, Genève : Les Wetsteins, 1723 ; Les Pseaumes de David mis en vers françois, revus & aprouvez par le Synode Walon des Provinces-Unies, Leyde-Utrecht : Théodore Haak-Samuel Luchtmans-Jacques de Poolsum, 1731 ; Les Pseaumes de David, mis en vers françois, revus & approuvez par le Synode Walon des Provinces-Unies. Nouvelle édition, Amsterdam : Pierre Mortier, 1738 ; Les Pseaumes de David mis en rime françoise augmentés de cantiques sacrez, Genève : Pierre Pellet, 1745 ; Les Psaumes de David mis en vers françois et les cantiques sacrés revus et approuvez par les pasteurs & les professeurs de Geneve, avec la musique tout au long, Bâle : Jean Rod-Im-Hoff, 1760 ; Odes sacrées, ou les Psaumes de David, en vers françois, Amsterdam : E. Van Harevelt, 1764.
67. Yves Krumenacker, « La place du culte privé chez les protestants français au xviiie siècle », Revue de l’histoire des religions 217 (2000), p. 623-638 (ici p. 631-632).
68. Les synodes du Désert. Actes et règlements des Synodes nationaux et provinciaux tenus au Désert de France de l’an 1715 à l’an 1793, éd. Edmond Hugues, 3 t., Paris : Fischbacher, 1885-1886, t. II, p. 54 : Actes du colloque des églises réformées de Haute-Normandie assemblées au Désert, le neuvième février mil sept cent cinquante-cinq, art. 39.
69. Ce principe fut mis à mal sous le régime révocatoire par la persécution catholique qui imposa parfois aux communautés réformées de les lire en attendant de pouvoir les entonner, comme en témoigne dès 1726 le synode national du Vivarais, mais encore au milieu du xviiie siècle, le plan de redressement des Églises de Guyenne, établi lors du colloque du Bordelais du 17 décembre 1754 (le premier depuis l’édit de Fontainebleau d’octobre 1685), dont l’article 27 stipule que l’« on lira les psaumes dans les assemblées jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de nous donner un temps plus favorable pour les chanter ». Les synodes du Désert. Actes et règlements des Synodes nationaux et provinciaux tenus au Désert de France de l’an 1715 à l’an 1793, t. II, p. 49. Voir infra n. 82.
70. Jean Aymon, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes nationaux des Églises réformées de France, 2 vol., La Haye : Charles Delo, 1710, t. I, p. 143 (10e synode national tenu à Figeac, 2 août 1579, art. xxviii des matières générales), 152 (11e synode national tenu à La Rochelle, 28 juin 1581, art. xxxix des matières générales, 177 (13e synode national tenu à Montauban, 15-28 juin 1594, art. xv des observations sur la Discipline ecclésiastique enjoignant les fidèles à se découvrir lors du chant des psaumes), 219 (15e synode national tenu à Montpellier, 26-30 mai 1598, art. xxv des observations sur la Discipline ecclésiastique annulant le précédent), 420 (20e synode national tenu à Privas, 23 mai-4 juillet 1612, art. ii des matières générales relatif à l’impression des psaumes dont les consistoires ont charge de veiller au contenu des calendriers qui leur sont joints), et t. II, p. 633, 634 (28e synode national tenu à Charenton, 26 décembre 1644-26 janvier 1645, harangue du roi analysée plus avant), et tables des deux tomes.
71. À peine trois entrées parmi les synodes provinciaux des années d’établissement ecclésiologique 1557-1563 : Synodes provinciaux et autres documents, p. 10, 204, 216.
72. Voir ibid., p. lxvi, 95 et 119. En s’appuyant sur les actes des synodes provinciaux du Dauphiné et du Lyonnais des 31 juillet 1561 et 25 novembre 1561 et les travaux de Thomas A. Lambert et Christian Grosse, Philip Benedict et Nicolas Fornerod soulignent ici que les communautés sans pasteur étaient sommées de s’en tenir à la lecture des Écritures ; le chant des psaumes qui encadrait le sermon n’étant censé valoir que dans le cas des Églises dressées. Voir aussi le 22e synode national tenu à Vitré entre le 18 mai et le 18 juin 1617, art. ii des additions aux matières générales exhortant à chanter les pauses entières encadrant le sermon (J. Aymon, Actes ecclésiastiques et civils de tous les synodes nationaux des Églises réformées de France, t. II, p. 108).
73. Registre du Consistoire de l’Église du Mans, le jeudy quart jour de septembre 1561 (Synodes provinciaux et autres documents, p. 204).
74. BnF, ms fr. 8666, registre du Consistoire de Nîmes, fol. 23v°, cité dans ibid., p. lxix.
75. Voir infra n. 81.
76. Voir Les articles de la Discipline ecclésiastique arrestez au synode de la province de Normandie et Bretaigne assemblé à Caen le 16 jour de juing 1560, art. 9 (Synodes provinciaux et autres documents, p. 10).
77. Les synodes du Désert. Actes et règlements des Synodes nationaux et provinciaux tenus au Désert de France de l’an 1715 à l’an 1793, t. I, p. 56 : 1er synode national tenu en Vivarais, 16 mai 1726, art. vii.
78. Sur ce point, voir également l’article ii des dispositions du colloque de Saintonge des 1er-2 décembre 1758 (ibid., t. II, p. 148).
79. Reglemens qui ont été dressez par ordre du synode provincial du Bas Languedoc, tenu le 26e mai 1739, lus et éxaminés par le même, le 9e juin 1740, considérés comme formant la Discipline ecclésiastique dite du Désert établie par Claris en 1740, chap. xi (Des assemblées religieuses & publiques), art. i (ibid., t. I, p. 368-369). La prescription, qui se veut conforme aux pratiques habituelles de l’Église, place le chant des psaumes après la lecture des Écritures tandis que les dispositions synodales précédentes (celles notamment de 1561) en établissent le chant avant et après la prédication (voir supra n. 72).
80. Discipline dite du Désert (1740), chap. xv (Du Jûne), art. v (ibid., t. I, p. 374).
81. Ibid., chap. xiii (Des Societez), art. i (ibid., t. I, p. 371), et chap. xiv (Des Familles), art. ii (ibid., t. I, p. 372).
82. Ibid., chap. xiii (Des Societez), art. iii (ibid., t. I, p. 371).
83. Ainsi que le stipulent le 1er synode national en Vivarais du 16 mai 1726, art. vii – « ils chanteront les psaumes si faire se peut » (ibid., t. I, p. 56), la Discipline de 1740 (ibid., t. I, p. 371), et le plan de réorganisation des Églises du Bordelais du 17 décembre 1754 (voir supra n. 69).
84. Discipline dite du Désert (1740), chap. xiii (Des Societez), art. ii (ibid., t. I, p. 371).
85. Sur la responsabilité des anciens en matière de chant, voir aussi l’article ii du colloque de Saintonge des 1er-2 décembre 1758 (ibid., t. II, p. 148) qui les engage en chaque consistoire (et semble-t-il en l’absence de ministre) à convenir entre eux du choix des chapitres des Écritures, des sermons et prières qui doivent être lus, « comme aussi des psaumes convenables qui doivent se chanter auxdits exercices ».
86. Synode provincial du Bas-Languedoc du 5 mai 1734, art. ii (ibid., t. I, p. 130).
87. Discipline dite du Désert (1740), successivement chap. iv (Des Anciens), art. vi (ibid., t. I, p. 362) et chap. xi, art. v (ibid., t. I, p. 369). Même consigne dans le colloque de Basse-Normandie du 7 février 1746, art. 3 (« et, au cas qu’ils [les anciens] ne le puissent faire, ils choisiront d’entre les fidèles celui qui sera le plus capable » (ibid., t. I, p. 348).
88. Discipline dite du Désert (1740), chap. xxii (Des suspensions), art. viii (ibid., t. I, p. 394-395).
89. Synode provincial du Vivarais, 21 avril 1727, art. iii (ibid., t. I, p. 69).
90. Actes du colloque des églises réformées de Haute-Normandie assemblées au Désert, le neuvième février mil sept cent cinquante-cinq, art. 39 (ibid., t. II, p. 54).
91. Lettre circulaire composée par M. Olivier, pasteur, 10 mai 1745 : « C’est là [dans les assemblées] que nous recevions tous les secours nécessaires à notre salut par la méditation de la parole de Dieu et le chant de ces divines louanges » (ibid., t. I, p. 205).
92. Synode du Haut-Languedoc et Haute-Guyenne du 24 novembre 1747, art. 9 (ibid., t. I, p. 245).
93. 7e synode national tenu dans les Basses-Cévennes, 1er-9 septembre 1758, art. xx (ibid., t. II, p. 164).
94. Voir Emmanuel-Orentin Douen, La révocation de l’édit de Nantes à Paris d’après des documents inédits, 3 vol., Paris : Fischbacher, 1894, t. I, p. 16 ; Roger Zuber, « Les Psaumes dans l’histoire des huguenots », BSHPF 123 (1977), p. 350-361 (p. 354) ; Y. Krumenacker, « La place du culte privé chez les protestants français au xviiie siècle », p. 623-638 (p. 630) ; Luc Daireaux, « Le chant des psaumes, marqueur de l’identité huguenote au xviie siècle », dans Olivier Christin, Yves Krumenacker (dir.), Les protestants à l’époque moderne. Une approche anthropologique, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 165-174 (p. 167, 172).
95. L’enquête repose sur le dépouillement des imprimés et recueils législatifs suivants : collection d’arrêts du Conseil du roi conservée dans le fonds ancien de la Bibliothèque de la Faculté de théologie de Montpellier (TO 100) [dorénavant Fonds ancien FTP] ; Recueil des edicts de pacification, ordonnances, declarations, &c. faites par les roys de France, en faveur de ceux de la religion prétenduë réformée. Depuis l’an 1561 soubs le roy Charles IX. jusques à l’an 1652 soubs le roy Louis XIIII., Genève : Jouxte la coppie imprimée à Paris par Antoine Estienne, 1658 ; G. Blanchard, Compilation chronologique contenant un recueil en abrégé des ordonnances, édits, déclarations et lettres patentes des rois de France, 2 vol., Paris : Veuve Moreau, 1715 ; Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, éd. François André Isambert, 29 vol., Paris : Belin, Le Prieur et Verdière, 1821-1833 (dépouillement des t. XIV à XXVIII couvrant la législation des années 1559-1789) ; Édits, Déclarations et Arrêts concernans la Religion P. Réformée 1662-1751. Précédés de l’Édit de Nantes, éd. L. Pilatte, 2 t., Paris : Fischbacher, 1885 ; Charles Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, 2 vol., Paris-Strasbourg : Veuve Berger-Levrault et Fils, 1855, t. 2, p. 83, 183-184, 192.
96. Voir infra n. 98 et n. 117 à 119.
97. P. Pidoux, Le Psautier huguenot du xvie siècle, vol. II, p. 26.
98. Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France (1580), t. I, p. 63.
99. Recueil des edicts de pacification, ordonnances, declarations, &c. faites par les roys de France, en faveur de ceux de la religion prétenduë réformée. Depuis l’an 1561 soubs le roy Charles IX. jusques à l’an 1652 soubs le roy Louis XIIII., p. 75-76.
100. Non de l’article xv comme l’indique L. Daireaux, « Le chant des psaumes, marqueur de l’identité huguenote au xviie siècle », p. 167, n. 19.
101. Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 1, p. 314.
102. Élie Benoist, Histoire de l’Édit de Nantes, contenant les choses les plus remarquables qui se sont passées en France, avant & après sa publication, à l’occasion de la diversité des religions, Et principalement les contraventions, inexecutions, chicanes, artifices, violences & autres injustices, que les Réformez se plaignent d’y avoir souffertes, jusques à l’édit de révocation en octobre 1685, avec ce qui a suivi ce nouvel édit jusques à présent, 5 vol., Delft : Adrian Beman, 1693-1695, t. I, p. 231.
103. É. Benoist, Histoire de l’Édit de Nantes, t. I, p. 16-17.
104. Anthony Pecqueux, « Le son des choses, le bruit de la ville », dans Les bruits de la ville, numéro thématique de la revue Communications 90 (2012), Paris : Seuil, 2012, p. 5-16 (ici, p. 14). Voir (ibid., p. 7 et 8) ses réflexions sur l’« oreille morale de la ville » (quand le son devient bruit et pollution, nuisance) et sur le bruit comme traduction de la nature sociale (le bruit désignant un « son social » et, à ce titre, une conflictualité).
105. Ibid., p. 11.
106. Jean-François Augoyard, « Une sociabilité à entendre », Espaces et Sociétés 115 (2004), p. 25-42.
107. Voir Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 48 ; É. Benoist, Histoire de l’Édit de Nantes, t. III, p. 220 ; FTP, TO 100, pièce 91 : Declaration du roy contre ceux de la Religion Pretenduë Reformée, consistant en cinquante-neuf Articles que Sa Majesté veut estre observez dans son royaume. Avec l’Arrest de verification, publication et enregistrement de la cour du Parlement de Bourdeaux, Toulouse : Fr. Boude, 1667 (déclaration du 2 avril 1666 : art. « xxi. Qu’aux feux de joye qui se feront par ordre de Sa Majesté dans les places publiques, & lors de l’exécution des criminels de ladite Religion pretendue reformée les Ministres ny autres ne pourront chanter les pseaumes »).
108. Déclaration du 2 avril 1666 (art. xxxiii. « Que lors que les processions ausquelles le S. Sacrement sera porté passeront devant les temples de ceux de la Religion pretendue reformée, ils cesseront de chanter leurs Pseaumes, jusques à ce que lesdites processions ayent passé »). Cet article a deux précédents : l’arrêt de la Chambre de l’Édit de Castres du 17 juin 1664 défendant de chanter les psaumes – ou de l’interrompre lorsqu’il est commencé – à l’occasion du passage des processions catholiques, sous peine de mille livres d’amende (Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 83) et l’ordonnance de l’intendant de la généralité de Montauban du 30 juin 1664 intimant aux réformés de suspendre le chant des psaumes dans le temple lors du passage des processions catholiques et du Saint-Sacrement porté aux malades (ibid., t. 2, p. 84). Voir AN TT 233, dossier 21 conservant la plainte de l’évêque de Bazas contre les habitants de la R.P.R. qui chantent « extraordinairement » fort lors du passage des processions.
109. Arrêt du Conseil du 23 février 1662 : la défense de chanter des psaumes dans les rues et boutiques ayant généré de nombreuses contestations de part et d’autre (dont les chambres de l’Édit ont été saisies), elle fait l’objet d’un renvoi devant le Conseil du roi qui, selon Drion, permet alors à tout particulier de dénoncer les contraventions et enjoint aux chambres de se contenter de procéder contre les contrevenants en réaffirmant la légalité de la prohibition (Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 69s).
110. Arrêt du Conseil du 6 mai 1659 Qui défend aux religionnaires de chanter les psaumes dans les rues, ni même en leurs boutiques et chambres, à voix si haute, qu’elle soit entendue publiquement, et interrompe les fonctions de la religion catholique (Recueil général des anciennes lois, t. XVII, p. 369). Voir l’arrêt de la chambre de l’Édit de Grenoble du 12 février 1659.
111. Arrêt du Conseil du 17 mars 1661 Qui défend de chanter les psaumes ailleurs que dans les temples, et aux ministres de prendre d’autre qualité que de ministres de la religion prétendue réformée, de prêcher en plus d’un lieu sous prétexte d’annexes, ni de saluer en corps les personnes de qualité (Recueil général des anciennes lois, t. XVII, p. 400 et Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 58).
112. Arrêt du Conseil du 16 décembre 1661 défendant dans toute l’étendue du royaume le chant des psaumes dans les maisons de manière à être entendu du dehors (Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 64).
113. Fonds ancien FTP, TO 100, document lié à la pièce 27.
114. Sur ce processus de néantisation du protestantisme en France, complémentaire à ce propos, je me permets de renvoyer à : Chr. Bernat, « La révocation de l’édit de Nantes, un processus d’invisibilisation des réformés ? Détournement et redistribution des espaces de la ville en France aux xviie et xviiie siècles », dans Élise Boillet, Lucia Felici (dir.), Dis/simulazione e tolleranza religiosa nello spazio urbano dell’Europa moderna, Turin : Claudiana, 2020, p. 165-205.
115. Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 183.
116. Journaux camisards (1700-1715), Relation Gaubert, p. 110.
117. L’arrêt du 26 février 1663 condamne deux ouvrages justifiant le chant des psaumes malgré l’interdit, l’un anonyme (en réalité le même), l’autre publié à Nîmes par le ministre Bruguier et ordonnant l’autodafé (« lesdits libelles seront lacerez & brûlez »). L’auteur est interdit de ministère et banni de la province de Languedoc, le Consistoire nîmois condamné à 3 000 livres d’amende et l’imprimeur condamné à 300 livres d’amende et à deux ans de bannissement du royaume avec défense de tenir boutique à l’avenir, l’arrêt réitérant l’interdit « faisant inhibitions & defenses ausdits de la Rel. P. R. de chanter leurs pseaumes à haute voix dans leurs maisons & boutiques, par les ruës & carrefours, en sorte qu’ils puissent être entendus par les voisins & passans ». É. Benoist, Histoire de l’Édit de Nantes, t. III, p. 131 en donne le texte dans son Recueil d’édits, déclarations arrêts, requêtes, mémoires & autres pièces authentiques, pour servir de preuve aux faits raportez dans la troisième partie de l’Histoire de l’Édit de Nantes (pièce lxxi) : Bruguier « soutenant positivement, qu’il est permis de chanter en tous lieux les pseaumes traduits par Marot & Beze ; ce qui a si fort autorisé le chant desdits pseaumes, qu’au voisinage, & en toutes les villes & lieux où ils ont fait débiter ce libelle, on les chante plus impunément & plus librement qu’auparavant, au scandale des catholiques, & principalement au mépris des arrêts & defenses de Sa Majesté ». Voir aussi Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 75. P. de Felice, Les protestants d’autrefois. Vie intérieure des Églises, mœurs et usages, t. I, p. 67 en précise le titre Discours sur le chant des psaumes par Jean Bruguier, Nîmes, 1663. Il s’agit de Jean Bruguier (1618-1684), pasteur nîmois à Lumigny en 1649, puis à Cézanne de 1653 à 1655 et professeur de théologie à Nîmes de 1656 à 1682 qui signe d’abord un Discours sur le chant des psaumes par Jean Bruguier, Nîmes, Édouard Raban, 1662 (in-8 de 62 p.), réédité chez le même en 1663 (in-12 de 60 p.), mais aussi à Genève, chez Jean Antoine et Samuel de Tournes, 1663 (in-8 de 60 p.).
118. Arrêt du parlement de Pau et de l’intendant du Béarn, s. d. [1685 ou 1686] à la suite de l’affaire à Orthez des psaumes entendus dans les airs avant que ne soit prononcée l’interdiction des temples : « Arrêt qui défend d’aller écouter le chant des pseaumes, & de dire qu’on les ait entendus, sur peine de 500. livres d’amende ; & par une autre Ordonnance qui défend la même chose, sur peine de 2000. livres : les consuls d’Orthés en ont fait faire les publications dans leur ville » (P. Jurieu, Lettres pastorales, lettre I, vii, p. 54ss, 1er décembre 1686). Voir également lettre III, iv, p. 29-30 du 15 octobre 1688 indiquant que les réformés reconnurent plus de trente de leurs psaumes dans ces « chants miraculeux » ouïs dans les airs « au commencement de la persécution ». Voir aussi M. Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes, p. 160s (déposition d’Isabeau Charras témoignant de « chants de psaumes […] entendus en beaucoup d’endroits comme venant du haut des airs », en particulier le Ps 91). Sur l’utilisation juréenne des témoignages béarnais, voir Hubert Bost, « L’Apocalypse et les Psaumes dans l’arsenal des Pastorales de Jurieu », dans Id., Ces Messieurs de la R.P.R. Histoires et écritures de huguenots xviie-xviiie siècles, Paris : Champion, 2001, p. 174-213 (en particulier p. 190-213).
119. Arrêt du Conseil du 3 septembre 1682 interdisant l’exercice à Milhaud (diocèse de Nîmes) du fait notamment du chant des psaumes entonné sur un bateau – ce qui n’avait été défendu que par la sentence du bailli de Charenton du 3 juin 1681 (Ch. Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France, t. 2, p. 184).
120. Précisons que l’article xiii de l’édit de Nantes n’évoquait pas explicitement les psaumes mais l’interdiction de l’exercice du protestantisme ailleurs que dans les lieux prescrits (« défendons très-expressément à tous ceux de ladite Religion [prétendue réformée], faire aucun exercice d’icelle […] fors qu’és lieux permis et octroyez par le présent Edit »).
121. Ordonnance du 29 mai 1681, Bailliage de Conflans, Bourg du Pont de Charenton, Bercy, les Carrières & dépendances, ville et faubourgs de Paris, Qui défend de faire l’exercice de la RPR ailleurs que dans les lieux destinez pour cet effet & de chanter les Pseaumes composez & traduits par Marot & Beze dans les ruës, dans les places publiques, aux promenades, ny mesme dans leurs maisons qu’à voix basse qu’ils ne puissent estre entendus des passans, ny voisins (Fonds ancien FTP, TO 100, document lié à la pièce 27). Voir aussi [Nicolas Fromont], Sentence rendue par Monsieur le Bailly de Charenton. Fait défenses à ceux de la R.P.R. de s’assembler, ny chanter leurs pseaumes en public, ny ailleurs, que dans les lieux où ils font l’Exercice de leur Religion. Du troisième Juin 1681, s. n., 1681 (BPF 4° 385/169 Rés) : la sentence signale les infractions protestantes en bord de Marne (le « dimanche 25. May dernier [1681], jour de la Pentecoste, […] plusieurs particuliers de ladite R.P.R., de differens sexes, sur les neuf à dix heures du soir se seroient assemblez environ six-vingt [à 120], & mis dans un pré au bord d’un bras d’eau de la riviere de la Marne, où ayant un Ministre au milieu d’eux, ils auroient chanté à haute voix lesdits Pseaumes »).
122. Voir le témoignage de Marie Chauvain relatant les chants impromptus de psaumes entonnés avec hardiesse malgré le danger d’arrestation et la « ruine » encourue : M. Misson, Le Théâtre Sacré des Cévennes, p. 152.
123. Voir Les synodes du Désert. Actes et règlements des Synodes nationaux et provinciaux tenus au Désert de France de l’an 1715 à l’an 1793, t. 1, p. 130 (synode provincial du Bas-Languedoc, 5 mai 1734, art. iv, qui procède à la mise en ordre de l’enseignement de la musique). La fonction reste très réglementée : en 1759, « il est résolu qu’aucun musicien ne pourra exercer sa profession dans aucun lieu, sans le consentement du pasteur », (ibid., t. II, p. 173 : synode provincial du Bas-Languedoc, 25-26 avril 1759, art. ix). Voir aussi Charles Coquerel, Histoire des Églises du Désert chez les protestants de France, depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’à la Révolution française, 2 t., Paris – Genève : A. Cherbuliez, 1841, t. I, p. 254-255.
124. Le texte fait référence à l’article i de l’édit de Nantes dont le principe d’extinction des mémoires devait garantir la paix civile (« Article premier […] Que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre […] demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenuë. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelques tems ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procez ou poursuite »).