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Hubert Languet monarchomaque

Un regard anglais

Adrien BONITEAU

Université de Strasbourg

Je remercie MM. Denis Crouzet et Hugues Daussy pour leur relecture attentive, les suggestions qu’ils m’ont faites et les appréciations éclairantes qu’ils m’ont prodiguées. Je tiens également à souligner le rôle primordial du regretté Bernard Cottret, qui m’a fait part de ses remarques avant de disparaître le 13 juillet 2020.

En 1579 sont publiées les Vindiciae contra tyrannos, un ouvrage polémique visant à justifier la résistance à la tyrannie. Les Vindiciae s’inscrivent dans la lignée des œuvres monarchomaques, dans lesquelles des hommes de lettres huguenots prônent une résistance institutionnelle et armée à la tyrannie1. Leur auteur, un certain « Stephanus Junius Brutus », défend la résistance du peuple au tyran par l’intermédiaire des magistrats inférieurs et uniquement à leur appel. Le traité est connu pour ses idées politiques si particulières, traditionnelles et novatrices à la fois, comme le contrat entre le peuple et son roi, calqué sur le modèle biblique de l’alliance. Il a clairement été écrit par un auteur huguenot au moment des guerres de Religion, même si la préface du livre manifeste le « desir de picquer ni favoriser un parti plutost que l’autre »2, formulation rhétorique par laquelle le préfacier cherche à concilier d’éventuels lecteurs modérés de l’un et l’autre camps.

Si les historiens font preuve d’un relatif consensus sur les idées exprimées dans les Vindiciae contra tyrannos, l’attribution de celles-ci a toujours été, du xviie siècle à nos jours, un point sensible de l’historiographie. Depuis la tentative de Pierre Bayle pour cerner l’auteur de cet ouvrage monarchomaque dans sa « Dissertation concernant le livre d’Étienne Junius Brutus » de 1697, qui attribue l’ouvrage au huguenot Hubert Languet3, les historiens se déchirent sur la question de l’identité de cet auteur, oscillant constamment entre Languet et son coreligionnaire Philippe Duplessis-Mornay. Alors que la « Dissertation » de Bayle sert de point de départ aux débats du xviiie siècle4, la publication des Mémoires de Mme de Mornay, jusque-là inédits, en 1824 relance le débat5. La majorité des historiens qui se penchent sur cette source se prononce alors pour Duplessis-Mornay, attribuant parfois un rôle mineur à Languet dans la composition ou la publication du traité6. L’historien et homme politique travailliste Harold Laski, dans son introduction de 1924 aux Vindiciae, synthétise ainsi les conceptions historiographiques du temps en privilégiant Duplessis-Mornay7. Mais ce consensus est remis en cause par Ernest Barker, un politiste britannique qui, en 1930, se fonde sur l’analyse interne des Vindiciae et les indices externes pour refuser d’attribuer l’ouvrage à Duplessis-Mornay au profit de Languet8. Si le débat semble jusque-là polarisé entre ces deux propositions, des solutions nouvelles sont bientôt émises. Ainsi, l’année suivante, l’historienne néerlandaise Gerardina Tjaberta van Ysselsteyn tente de concilier ces traditions historiographiques antagonistes en émettant l’hypothèse d’une collaboration entre les deux auteurs. Mornay aurait rédigé les parties théologiques (questions I, II et IV) tandis que Languet se serait occupé de la partie la plus longue (question III), dans laquelle les arguments juridiques prédominent9. En 1967, Madeleine Marabuto envisage de tout autres auteurs dans sa thèse de droit. D’après elle, les Vindiciae constitueraient une œuvre collective de juristes et de théologiens proches de Théodore de Bèze à Genève10. Quelques historiens lui ont depuis emboîté le pas11. D’autres prétendants sont aussi proposés. Derk Visser, un historien néerlandais ayant émigré aux États-Unis, attribue ainsi l’ouvrage à Johan Junius de Jonge, le traducteur de la Confession de Foy de Théodore de Bèze12. En dépit ces propositions originales, qui restent le plus souvent marginales, des thèses plus classiques, privilégiant Languet ou Mornay, semblent malgré tout s’imposer dans le débat historiographique. Ainsi, en 1969, le politiste italien Salvo Mastellone attribue l’ouvrage à Languet, même s’il ajoute également un autre contributeur, Innocent Gentillet, dont il pense qu’il a rédigé la préface des Vindiciae13. Au contraire, l’historien américain spécialiste de la monarchie française Ralph Giesey penche pour Mornay l’année suivante14. De son côté, Henri Weber, éditeur des Vindiciae (1979), privilégie Languet dans son introduction15. Il est suivi par le chercheur américain Martin Raitiere, qui dans un ouvrage de 1984, s’emploie à démontrer une rédaction par Languet seul16. Une collaboration entre les deux huguenots est également à nouveau envisagée par Robert Kingdon, l’historien américain spécialiste de la Réforme17. Dans son édition anglaise des Vindiciae, le médiéviste George Garnett montre quant à lui sa perplexité en présentant successivement l’hypothèse d’une rédaction par Languet, celle de l’attribution à Duplessis-Mornay et celle d’une éventuelle collaboration entre les deux auteurs18.

L’historiographie récente, notamment francophone, tend néanmoins à privilégier l’hypothèse Mornay. En 1995, Béatrice Nicollier-De Weck apporte deux nouveaux éléments à l’enquête. L’attribution à Languet se fonde principalement sur le témoignage de Tronchin, qui affirme que le traité est publié en 1581, après la mort de Languet. Dans sa biographie d’Hubert Languet, l’historienne apporte la preuve que les Vindiciae sont publiées dès le printemps 1579, ce qui mine la déposition de Tronchin, ainsi que les autres témoignages en faveur de Languet (Philibert de La Mare, Agrippa d’Aubigné), puisqu’elle soutient également la thèse que ces derniers s’inspirent directement de Tronchin. D’autre part, chronologie à l’appui, elle fait état de sa « certitude que ce livre n’est pas le fruit d’une collaboration entre Languet et Duplessis-Mornay », puisque les deux huguenots ne se sont presque pas rencontrés entre 1572 et 1579 et que leur correspondance est absolument muette sur cet ouvrage19. Elle conclut son propos en disant qu’il « paraît peu probable qu’il [Hubert Languet] soit l’auteur des Vindiciae contra Tyrannos »20. À sa suite, Hugues Daussy, biographe de Duplessis-Mornay, prenant surtout appui sur le témoignage de Madame de Mornay, finit par déclarer qu’« il me paraît raisonnable […] d’affirmer qu’il existe une très forte probabilité que Philippe Duplessis-Mornay soit l’auteur des Vindiciae contra Tyrannos »21. Le spécialiste actuel de la littérature monarchomaque, Paul-Alexis Mellet, n’ajoute pas de pièce au dossier, se contentant de présenter brièvement les conclusions de ses deux collègues22. Bien que l’historiographie reste divisée sur la question, la piste Duplessis-Mornay semble donc favorisée ces dernières années, du moins dans le monde francophone.

Cet article ne cherche pas à prouver de manière définitive qu’Hubert Languet ou Philippe Duplessis-Mornay soit l’auteur des Vindiciae contra tyrannos. La lecture de l’historiographie nous a montré que même les défenseurs les plus convaincus de l’une ou l’autre thèses préfèrent s’en tenir aux probabilités plutôt qu’aux certitudes. Prétendre trancher le débat de l’attribution des Vindiciae contra tyrannos en l’absence de nouvelle preuve convaincante s’avérerait illusoire. Si je me permets d’ouvrir à nouveau le dossier, c’est que mes recherches m’ont conduit vers une source susceptible d’intéresser la communauté des historiens, l’Arcadia de Philip Sidney. Bien que l’historiographie américaine s’en soit parfois saisie pour la rapporter au débat sur les Vindiciae23, cette source demeure largement ignorée de l’historiographie francophone24 et écartée par l’historiographie britannique25. Pourtant les progrès de la recherche relative à l’Arcadia ont montré les profondes similitudes, voire même les parentés, pouvant exister entre cet ouvrage et les Vindiciae, comme je le montrerai dans la suite de l’article. Cela n’est pas étonnant si l’on considère les relations plus qu’amicales de Sidney avec l’un des potentiels auteurs des Vindiciae, Hubert Languet26. Bien plus, Sidney semble attribuer des idées semblables à celles des Vindiciae à Languet dans l’une des églogues de l’Arcadia. Sans que cela constitue une preuve de la rédaction des Vindiciae par Languet, ce qui ce qui serait une thèse difficilement défendable, je soutiendrai dans l’article qu’une telle source prouve a minima que Languet partageait les principales idées de la littérature monarchomaque en général et des Vindiciae en particulier. Aussi, mon propos visera dans un premier temps à présenter à la fois la ressemblance de certains passages de l’Arcadia avec la littérature monarchomaque, ainsi que la philosophie politique qu’elle prête à Languet. Je reviendrai ensuite sur le débat concernant l’identité de l’auteur des Vindiciae à la lumière des nouvelles pistes ouvertes par la redécouverte de cette source. Tout en me gardant d’être trop affirmatif, je montrerai que l’hypothèse Languet ne doit pas être totalement écartée.

L’Arcadia et les Vindiciae contra tyrannos

L’historiographie distingue habituellement deux versions de l’Arcadia de Sir Philip Sidney, conventionnellement appelées l’Old Arcadia et la New Arcadia27. La première version aurait été écrite à une date comprise entre 1577 et 1581, probablement en 158028, redécouverte seulement en 1907 par Bertram Dobell29 et publiée pour la première fois par Albert Feuillat en 192630. La seconde constitue une version modifiée et étendue de la première rédigée dans les années 1580, probablement entre 1582 et 1584, et publiée de manière posthume à l’initiative de l’ami de Sidney, Fulke Greville, en 159031. Les deux versions nous intéressent ici pour différentes raisons. L’Arcadia est un roman pastoral, caractérisé par une alternance de récits en prose et de dialogues ou de monologues en vers. Quoique cet ouvrage ne nous renseigne qu’imparfaitement sur les conceptions politiques de son auteur, qui restent difficiles à saisir32, il est susceptible d’intéresser l’historien pour les allusions qu’il fait à la propre vie de Sidney. Ainsi, dans la troisième églogue de l’Old Arcadia, le narrateur attribue un poème intrigant au jeune berger Philisides. L’historiographie est unanime pour voir derrière le nom Philisides la contraction de Philip Sidney33. Philisides précise en outre qu’il est berger d’un « petit troupeau sur les rives de l’Ister »34, autrement dit du Danube. Il déclare enfin :

Le chant que je chante m’a été enseigné par le vieux Languet,

Languet, le berger que l’Ister rapide connaissait le mieux,

Pour son conseil savant, et sa haine de ce qui est méchant,

Pour son cœur fidèle, ses mains pures et sa parole véritable.

Il façonna, avec son doux talent, ma jeunesse moins talentueuse

Pour que j’aie une juste appréciation de lui qui se situe

Au-delà du ciel, bien au-delà de notre intelligence35.

Le « vieux Languet » désigne évidemment Hubert Languet. La mention des « rives de l’Ister » constitue également une référence directe à la vie de Languet comme à celle de Sidney. De fait, il faut y voir une allusion à l’un des séjours de Philippe Sidney à Vienne auprès de son mentor36. Sidney rejoint en effet Languet à Vienne à deux reprises, en août-septembre 1573 et durant l’hiver 1574-1575. Sidney et Languet sont probablement mis en relation par le conseiller de la reine Élisabeth, Francis Walsingham, quelques mois avant la Saint-Barthélemy, en 157237. Cette date marque le début d’une longue amitié entre les deux hommes. Séparés par la Saint-Barthélemy, ils sont certainement réunis à Francfort durant l’hiver 1572-157338. Mais c’est surtout lors du premier séjour de Sidney à Vienne auprès de Languet que les liens entre les deux hommes se renforcent, au point que Languet finit par voir dans le jeune Sidney le futur défenseur de l’évangélisme européen, qu’il le met en relation avec son immense réseau diplomatique et international et qu’il semble éprouver « un véritable amour paternel » pour lui39. Arrivé à Vienne en août 1573, Sidney y reste jusqu’en octobre, date à laquelle il entreprend un voyage en Italie supervisé à distance par Languet lui-même. Après ce voyage, Sidney retourne auprès de son tuteur à Vienne à partir d’août 1574. De Vienne, Languet emmène son protégé à Prague en février 1575, où le jeune Anglais est présenté à l’empereur Maximilien II, avant de quitter seul Prague en mars pour retourner en Angleterre40. D’autres rencontres entre les deux personnages suivent41, mais il nous suffit de noter que les mentions conjointes de Languet et de l’« Ister » dans l’Arcadia constituent une référence évidente à l’un des deux séjours de Sidney à Vienne.

Or, le berger Philisides développe, et dès lors prête au « vieux Languet », un discours politique particulier. Relatant la manière dont l’homme a imposé sa domination à la création, il décrit une compagnie d’animaux vivant en paix mais demandant néanmoins à Jupiter un roi pour les diriger. Ayant averti les bêtes des dangers de la tyrannie, le dieu crée finalement l’homme pour dominer sur les autres animaux. Jupiter lui donne alors le feu du ciel, tandis que les animaux lui délèguent certaines de leurs qualités. Bien que l’homme règne premièrement avec justice, sa domination se transforme progressivement en oppression. Les animaux les plus nobles (le texte mentionne les tigres, les léopards, les ours et les lions) se réfugient dans le désert, tandis que l’homme réduit les animaux les plus faibles, privés de leurs protecteurs naturels, en esclavage42. La conclusion du poème est sans appel :

Néanmoins, ô homme, ne t’enflamme pas plus qu’il le faut ;

Ne répute pas comme gloire de t’enfler de ta tyrannie.

Tu es de sang : ne te réjouis pas de faire saigner les choses ;

Tu crains la mort : pense que la mort les répugne.

La complainte d’une blessure innocente déchire le ciel.

Et vous, pauvres bêtes, endurez dans la patience vos tourments,

Ou connaissez vos points forts [strengths] et, alors, vous ferez bien43.

Une telle fable, derrière le registre du bestiaire, constitue une image des sociétés humaines. Elle décrit en effet la manière dont les rois, initialement désignés pour servir le bien commun des hommes qui les ont choisis, tombent peu à peu dans la tyrannie44. Cette strophe est une description évidente de la transformation de la monarchie de l’homme en tyrannie. Néanmoins, ses deux derniers vers paraissent beaucoup plus obscurs. En particulier, il est difficile de savoir si le jugement « vous ferez bien » se rapporte uniquement à « connaissez vos points forts », ou également à « endurez dans la patience vos tourments ». Dans la première hypothèse, seule la mesure de ses propres forces est légitime, ce qui laisserait penser que les animaux ont le droit, voire le devoir, de se révolter contre l’homme devenu tyran. D’après la seconde hypothèse, les bêtes font bien soit qu’elles endurent soit qu’elles mesurent leurs forces. L’historiographie est divisée entre ces deux interprétations contradictoires. Pour certains, Philisides reprendrait textuellement le chant du « vieux Languet » justifiant la révolte des animaux contre leur maître45. Pour d’autres, il s’en distancierait subtilement et professerait un respect presque absolu aux autorités46. Mais ces débats n’intéressent que peu notre sujet. Qu’il nous suffise pour lors de noter qu’aucun de ces historiens ne conteste le fait que Philisides prête un tel discours au « vieux Languet ».

Bien plus, l’historiographie tend à rapprocher l’Arcadia de Sidney de la littérature monarchomaque en général, et des Vindiciae contra tyrannos en particulier. L’analyse de notre passage au prisme des Vindiciae est en effet éclairante. Blair Worden, le grand spécialiste de l’Arcadia montre par exemple que la « connaissance » (knowledge) se présente souvent comme l’impératif de la bonne action (well-doing) dans les écrits de Sidney. Il convient alors de lier la première et la seconde partie du vers : « Connaissez vos points forts afin que vous agissiez bien ». L’emploi de l’expression « know their strength » se réfère surtout, dans le champ politico-linguistique du xviie siècle, au potentiel d’une entité politique à faire face à des institutions rivales. Sans s’y limiter et tout en laissant ouvert le recours à d’autres moyens, Sidney ferait alors référence au potentiel de la communauté des animaux considérée comme un tout de résister, pacifiquement ou par la force, à la tyrannie de l’homme47. Cette interprétation est d’ailleurs confortée par l’usage de la rime. Ainsi que le note Martin Bergbusch, l’association des « tourments » (hell) de la patience à l’expression oxymorique du « bien » (well) résultant de la connaissance de ses propres forces désignerait un changement complet et radical : le passage d’un état oppressif au bien-être collectif par un engagement actif incluant notamment l’usage du droit de résistance48.

Il serait même possible, d’après Blair Worden, que Philisides, suivant le « vieux Languet », distingue les animaux nobles du reste des animaux. L’appel à mesurer ses forces s’adresserait alors aux premiers, qui seraient en quelque sorte les magistrats inférieurs des animaux, tandis que l’injonction à la patience et à l’endurance serait prononcée à l’attention du second, assimilable à une collection de personnes privées. Le vers inciterait alors à penser que seule l’union des magistrats inférieurs (qui ont besoin du peuple comme force militaire pour résister) et de la masse du peuple (qui a besoin des magistrats pour conduire la résistance) permettrait de lutter efficacement contre la tyrannie sans pour autant sombrer dans les dérives de la licence populaire. Cette explication pourrait paraître friser la surinterprétation. Elle est cependant soutenue par la dernière strophe du poème, qui suit immédiatement celle citée. Il est en effet dit que les brebis n’ont « pas la connaissance [knowledge] »49 : elles doivent faire confiance à leur berger qui seul la possède. Si le troupeau suit son berger, les « points forts » de ce dernier seront également les siens. Le passage plaiderait alors pour une union du peuple des animaux et de ses conducteurs et refuserait ainsi l’appel à la révolution sociale. De plus, l’usage de l’expression « strengths » pourrait lui aussi soutenir cette interprétation. D’après son contexte littéraire, le mot peut en effet aussi bien faire allusion aux qualités que les animaux ont transférées à l’homme qu’aux animaux les plus nobles mentionnés dans le poème. Par l’emploi de ce terme, le jeune berger chercherait alors à montrer à la fois que la souveraineté de l’homme, déléguée, provient du consentement du peuple entier des animaux et que ces derniers « peuvent se rebeller et réclamer leur souveraineté avec succès seulement sous la direction de la noblesse »50. L’insistance sur le caractère institutionnel de la résistance serait donc confirmée par la lecture attentive du reste du poème et l’analyse du contexte littéraire des deux vers les plus difficiles à interpréter. Par conséquent, ce passage partage de nombreuses caractéristiques avec la littérature monarchomaque, en particulier les Vindiciae contra tyrannos, comme le montrent la justification de la résistance à la tyrannie et le rôle accordé aux animaux nobles, assimilables aux magistrats inférieurs des Vindiciae. D’après Blair Worden, en effet, « les Vindiciae constituent l’indice essentiel »51 pour comprendre ce texte. En dépit du caractère fictionnel de l’Arcadia et de la volonté de soustraire l’ouvrage à la censure politique, Sidney attribue donc à Languet des conceptions politiques extrêmement proches des idées de « Brutus ». Il semblerait donc possible de conclure en disant que, dans l’Arcadia, « le subterfuge [littéraire] est utilisé pour introduire l’enseignement des Vindiciae. »52

Dans la New Arcadia plusieurs ajouts laisseraient penser que Sidney connaissait bel et bien la littérature monarchomaque en général et les Vindiciae en particulier. Le narrateur raconte par exemple les péripéties des princes Musidore et Pyroclès. Ce dernier tombe dans les mains du tyran de Phrygie, lequel propose de le libérer en échange de son ami Musidore. Musidore accepte l’échange. Le tyran tente alors de l’exécuter mais, à ce moment, Pyroclès intervient pour le secourir. Se joignent à lui des soldats et des gentilshommes qui, « voyant que la licence du peuple est en effet une tyrannie aux nombreuses têtes »53, s’attaquent aussi au tyran et tentent de délivrer le pays de sa domination. Il est intéressant de noter que ce passage reprend l’idée de la « beste qui porte un million de testes », présente chez « Brutus »54. Bien que cette expression constitue un lieu commun de la pensée médiévale et moderne, un tel rapprochement n’en demeure pas moins significatif. Après avoir vaincu le tyran lors d’une bataille, « l’ensemble des états du pays »55 accorde le pouvoir à Musidore. Mais lui,

… pensant que c’est une plus grande grandeur [sic] de donner un royaume que d’obtenir un royaume ; comprenant qu’il restait de la lignée royale un héritier direct à la succession, un gentilhomme âgé d’une bonté remarquée […] ; après avoir reçu tout le pouvoir entre ses propres mains, il [Musidore] l’abandonne tout entier dans les mains de l’homme de noblesse ; mais avec de telles conditions et précautions […] que cela puisse assurer le peuple […] que non seulement ce [nouveau] gouverneur, de qui ils recherchaient tout bien, mais encore la nature du gouvernement ne puissent en aucun cas dégénérer en tyrannie56.

Autrement dit, sont exprimées dans ce passage, de façon littéraire et narrative, plusieurs idées monarchomaques : le refus d’une révolution populaire, le droit des états généraux de déposer un tyran et d’élire le roi, le refus d’un pouvoir absolu du souverain, le partage de la souveraineté entre les états généraux et le roi… Des thèses extrêmement proches des Vindiciae sont mises au service de la narration en seulement quelques lignes57.

D’autres passages de la New Arcadia pourraient être rapprochés de la littérature monarchomaque en général et des Vindiciae en particulier. Par exemple, l’idée que le bien des sujets surpasse toute autre considération est fortement affirmée en un autre endroit du livre. L’un des personnages, Amphialus, autorise en effet le magistrat inférieur à « prendre les armes pour sa propre défense »58 dans le cas où le roi trahirait le bien commun et refuserait de convoquer les états généraux. Il précise que les « magistrats et officiers subalternes » doivent être « employés […] pour le peuple »59. Une doctrine de la résistance à la tyrannie légitimée par l’appel du magistrat inférieur similaire à celle des Vindiciae est ainsi formulée.

Quelles conclusions tirer de cette analyse ? Tout d’abord, il convient de noter que Sidney attribue à Languet un discours extrêmement proche des idées monarchomaques, ainsi que l’historiographie le reconnaît de manière quasiment unanime60. Il semble donc que l’analyse de l’Arcadia de Sidney doive nous conduire à nuancer le portrait d’un homme modéré et respectueux des princes que dresse de lui sa biographe61. Il est tout à fait possible que Languet professe des idées et emploie un ton différents dans des contextes d’énonciation également dissemblables. On ne peut certes pas exclure que Languet se contente d’une modération de façade, qu’il juge plus appropriée à ses activités diplomatiques, tandis que, dans le privé, et notamment devant son ami le plus intime, Philip Sidney, il dévoile une pensée plus radicale et plus authentique. Le « pragmatisme et la modération » apparentes de Languet, ainsi que sa « personnalité pondérée »62, ne constituent pas des objections qui empêcheraient a priori de voir en lui l’auteur des Vindiciae. Les idées de « Brutus » ne s’assimilent d’ailleurs parfaitement ni avec celles exprimées publiquement par Languet, ni avec les prises de position de Duplessis-Mornay63, l’écriture sous pseudonyme permettant une plus grande radicalité, que l’auteur ne partage évidemment pas lorsqu’il écrit sous son nom propre, même dans sa correspondance. La source que constitue l’Arcadia de Sidney indique en tout cas que Languet pouvait professer des idées très proches de celles des monarchomaques. De plus, Sidney n’envisageant pas de publier l’Arcadia lors de sa première rédaction, aucun souci de protéger Languet d’une attribution qui pourrait s’avérer dangereuse pour lui n’est susceptible de tordre les éléments rapportés. Le fait que l’Old Arcadia soit restée manuscrite plaide au contraire pour l’authenticité des allusions relatées par cette source. D’autre part, lorsque Sidney confie à Greville la publication de ce qui deviendra la New Arcadia (1585), Languet est mort depuis quatre ans : le poème des « rives de l’Ister » n’est donc plus susceptible d’inquiéter le « vieux Languet ». La disparition de son ami Languet a ainsi probablement joué un rôle important dans la volonté de Sidney d’imprimer l’Arcadia, une publication avant cette date pouvant toujours être interprétée comme une trahison des secrets que le huguenot lui aurait confiés. Je ne vois donc aucune raison valable de douter de la sincérité du témoignage de Sidney. Nous pouvons dès lors provisoirement conclure que, à défaut d’être l’auteur des Vindiciae contra tyrannos, Languet peut être a minima considéré comme ayant une sensibilité monarchomaque.

En outre, cette source montre que Sidney attribue de telles idées à Languet dès la période de rédaction de l’Old Arcadia, c’est-à-dire approximativement au moment de la publication des Vindiciae (1579). Celles-ci, publiées bien après leur période de rédaction, sans doute pour justifier les actions des révoltés aux Pays-Bas64, n’étaient selon toute probabilité initialement pas très connues en dehors de cercles restreints, notamment néerlandais et huguenots. Si Sidney fait mention d’arguments similaires à ceux des Vindiciae à une date aussi précoce, cela veut dire qu’il a été rapidement tenu au courant de leur existence65. Il est à ce titre significatif de comparer les deux versions de l’Arcadia. Alors que l’Old Arcadia prête à Languet des positions relativement générales sur le droit de résistance à la tyrannie malgré quelques éléments plus précis qui demeurent implicites, les nouveaux passages de la New Arcadia entrent encore plus dans les détails concernant les modalités cette résistance, évoquant explicitement le rôle du magistrat inférieur ou des états généraux. Si l’on suit l’hypothèse selon laquelle Languet est l’auteur des Vindiciae, cela pourrait vouloir dire que Sidney se contente des discussions qu’il a pu avoir avec Languet sur son ouvrage en préparation en 1474-1475 lorsqu’il rédige l’Old Arcadia, écrite avant ou tout juste après la première publication des Vindiciae, mais qu’il complète ensuite sa connaissance des textes monarchomaques, des Vindiciae en particulier, avant sa révision de l’Arcadia entre 1582 et 1584. Il s’agit certes ici d’hypothèses. Mais il n’en demeure pas moins évident, au regard du consensus historiographique relaté plus haut, que Sidney fait preuve d’une grande proximité avec l’esprit et les arguments des Vindiciae dans l’Arcadia. Certains historiens n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer que Sidney est l’un des premiers auteurs, si ce n’est même le premier66, à commenter les Vindiciae. Le jeune aristocrate anglais a bien sûr pu être informé de l’apparition de ce traité par Duplessis-Mornay, si l’on adopte l’hypothèse d’après laquelle ce dernier est l’auteur des Vindiciae, puisque les deux hommes étaient également très proches, ayant été mis en relation par Languet dès 157267. Mais, dans ce cas, pourquoi imputer de telles thèses à Languet plutôt qu’à Duplessis-Mornay dans son récit ? Il est peut-être possible de voir dans cette attribution une conséquence de la relation presque filiale que Sidney entretient avec Languet. Au sein du réseau international dans lequel évoluent Languet, Mornay et Sidney, on adopte vraisemblablement, à la fin des années 1570 et au tout début des années 1580, l’essentiel de l’argumentaire monarchomaque, en tout cas de manière cachée pour éviter les accusations de lèse-majesté. On pourrait alors envisager que Sidney fasse la part belle à Languet en lui attribuant des idées qui sont en réalité celles de tout un réseau. Cela n’en prouve pas moins que Languet partageait les idées monarchomaques. De plus, sans doute faut-il voir dans la restitution du discours du « vieux Languet » un peu plus que la simple manifestation de la piété filiale de Sidney envers le huguenot. Si l’écrivain anglais insiste sur ce point, c’est sans doute parce qu’il avait d’excellentes raisons de prêter à son ami en particulier, plutôt qu’au réseau protestant en général, des arguments similaires à ceux des Vindiciae. L’attribution par Sidney de ces idées à nul autre que Languet me semble de fait très éloquente.

Enfin, le fait que Sidney prête à Hubert Languet des arguments similaires à ceux des Vindiciae à une date aussi proche de la publication de celles-ci68, doit éveiller notre attention. L’historiographie donne pour la rédaction des Vindiciae ces deux bornes les plus larges : mars 1574 et septembre 157669. Le préfacier, un certain « Cono Superantius », date sa préface du 1er janvier 1577 et présente l’ouvrage comme étant né d’une discussion entre lui-même et l’auteur « il y a environ deux ans », ce qui situerait le début de la rédaction vers le début de l’année 157570. Néanmoins, cette date, symbolique (« 1er janvier ») et relativement peu précise (« environ »), ne doit pas être interprétée de manière trop stricte et est donc susceptible d’être quelque peu élargie71. Heureusement, d’autres indices peuvent être trouvés dans le texte de Brutus lui-même. La mention de l’empereur Maximilien laisse ainsi penser que celui-ci était en vie lorsque « Brutus » a rédigé le traité, ce qui permet de donner comme limite à la période de rédaction la mort de l’empereur (12 octobre 1576)72. D’autre part, le traité mentionne le couronnement du duc d’Anjou comme roi de Pologne, limitant le début de la rédaction au 21 février 1574 au plus tôt73. D’après sa biographe, si l’on émet l’hypothèse selon laquelle Languet est l’auteur des Vindiciae, on doit situer la rédaction de celles-ci entre mars 1574 et janvier 1575, date à laquelle le huguenot quitte Vienne pour Prague74. Or, cette période coïncide parfaitement avec le second séjour de Sidney à Vienne durant l’hiver 1574-1575. Il n’est pas étonnant, si Hubert Languet s’attelait à écrire les Vindiciae dans ces années-là, que Philip Sidney l’ait su et qu’il l’ait ensuite relaté quelques années plus tard (1578-1581) dans l’Old Arcadia. S’il peut bien sûr s’agir d’une simple coïncidence, la superposition de la date de rédaction supposée des Vindiciae et le séjour de Sidney auprès de Languet pourrait néanmoins s’avérer significative. Il est en effet probable que Languet, s’il est l’auteur des Vindiciae, ait parlé de son projet à Sidney précisément parce qu’il était en train de travailler sur cet ouvrage. Tout en évitant d’être trop affirmatif dans l’attribution de l’ouvrage à Languet, au regard des nombreuses difficultés qu’une telle paternité pose à l’historien75, je pense donc qu’un tel témoignage, venant de l’ami le plus proche de Languet, mérite d’être pris en considération.

Tentative d’évaluation critique : Hubert Languet pourrait-il être l’auteur des Vindiciae contra tyrannos ?

Ces éléments de l’Arcadia de Sidney relatifs à la philosophie politique d’Hubert Languet sont susceptibles de relancer le débat sur la paternité des Vindiciae. Les sources dont nous disposons se contredisent et oscillent constamment entre Languet et Duplessis-Mornay, parfois chez un même auteur. C’est le cas d’Agrippa d’Aubigné, l’auteur le plus ancien à se pencher sur le dossier. Dans l’édition de 1616 de son Histoire universelle, il situe la publication des Vindiciae sous le règne de François II (1559-1560) et montre qu’« Ottoman [c’est-à-dire François Hotman] fut long temps et à tort soupçonné de cette piece : mais depuis un gentilhomme François vivant lors que j’escris, m’a advoüé qu’il en estoit l’auteur »76. L’historiographie est unanime, après Bayle, à voir dans ce « gentilhomme François » Duplessis-Mornay77. Mais, dans l’édition de 1626, Agrippa d’Aubigné ajoute cette phrase à la suite de son texte : « il s’est trouvé en fin qu’il lui avoit donné le jour, l’ayant eu en garde par Hubert Languet »78. De la même manière, alors qu’il considère l’ouvrage « fait par un des doctes Gentils hommes du Roiaume, renommé pour plusieurs excellents livres ; & vivant encores aujourd’hui avec authorité »79 en 1616, il remplace en 1626 l’adjectif « fait » par celui d’« advoüé » et ajoute : « Depuis on a sçeu qui en estoit le vrai autheur, sçavoir Humbert Langnet. »80 Duplessis-Mornay est dès lors réduit, dans la version de 1626, au rôle de simple éditeur d’un ouvrage composé par Languet, qui devient de ce fait l’auteur véritable des Vindiciae.

Dans le même sens, Théodore Tronchin, dans son oraison funèbre à Simon Goulart de 1628, affirme que ce dernier aurait vu la signature de Languet sur un manuscrit du livre, qui serait passé aux mains de Duplessis-Mornay à la mort de Languet. C’est Mornay qui l’aurait donné à Thomas Guérin pour publication81. Languet en serait donc l’auteur présumé, et Duplessis-Mornay l’éditeur.

Tronchin est suivi par Philibert de La Mare. Cet auteur bourguignon proche de la famille Languet écrit la première biographie du personnage probablement dans les années 1660 (publiée en 1700)82. Dans un passage sur les Vindiciae, le biographe se contente de reprendre l’événement raconté par Tronchin, qu’il a appris de Vyon d’Hérouval83.

Deux autres anecdotes provenant, semble-t-il, du même personnage se contredisent. Jean Daillé, le précepteur des petits-fils de Mornay, aurait rapporté à Paul Colomiès que Languet était l’auteur du traité, sans mentionner le rôle de son maître. Colomiès rapporte en outre, dans son ouvrage de 1668, que ce fait lui a été confirmé par Philibert de La Mare et par un certain « M. Legoux de Dijon », la famille Le Goulx étant parente de celle de Languet84. Il ajoute enfin : « D’autres attribuent ce livre à M. du Plessis, à qui je le donnerois volontiers sur ce témoignage de D’Aubigné. »85 Suit la citation de l’Histoire universelle de 1616 que nous avons retranscrite ci-dessus. Il peut paraître étonnant que Colomiès ne mentionne pas la modification réalisée par Aubigné dans l’édition de 1626. Notons seulement pour lors que Daillé, d’après Colomiès, attribue le livre à Languet. Mais ce même Daillé donne une autre version, du moins d’après Valentin Conrart. Dans ses Mémoires, celui-ci montre que le précepteur des petits-fils de Mornay aurait affirmé ignorer si les Vindiciae étaient bien de son maître tout en émettant une forte supposition dans ce sens. Il rapporte ainsi que le livre figurait dans le cabinet de Mornay qui contenait uniquement les ouvrages que ce dernier « avoit faits ou composés »86. Les deux témoignages de Daillé se contredisent donc.

Enfin, deux sources attribuent sans réserve l’ouvrage à Duplessis-Mornay. C’est le cas de Mme de Mornay, qui rapporte que, lors de son séjour à Jametz (mars-mai 1574), son futur mari « fit en Latin un livre intitulé “De la puissance légitime d’un Prince sur son peuple, etc.”, lequel a esté depuis imprimé et mis en lumière sans touteffois que beaucoup en ayent seu l’autheur »87. Le titre renvoie sans aucun doute possible aux Vindiciae, dont le titre français est De la Puissance légitime du Prince sur le peuple, et du peuple sur le Prince. Charlotte Arbaleste prête donc l’ouvrage à son mari de façon appuyée à une date aussi précoce que la fin des années 1580 ou le début des 159088. Néanmoins, cette attribution doit être nuancée par l’absence d’une telle information dans la Vie de Mornay de David de Licques, complétée et publiée par Daillé en 1647. Alors que le biographe reprend habituellement les faits donnés par Mme de Mornay dans sa propre biographie, il ne rapporte pas ce passage, laissant penser qu’il désavoue, par son silence, l’attribution des Vindiciae à Mornay par sa propre épouse89. À l’instar de Mme de Mornay, le diplomate Hugo Grotius écrit, dans une lettre à son frère de 1643, que les Vindiciae sont de Mornay, Grotius ayant été tenu au courant par des proches de ce dernier90.

À cette énumération, il faut donc maintenant ajouter l’Arcadia de Philip Sidney qui, sans attribuer explicitement les Vindiciae à Hubert Languet, donne des indices extrêmement intéressants qui pourraient potentiellement aller dans ce sens.

Nous sommes bien sûr tributaires, en tant qu’historiens, du témoignage des sources. Or, les sources se contredisant dans notre cas, il s’avère extrêmement difficile de parvenir à une conclusion probante. Les témoignages cités s’annulent l’un l’autre. Par exemple, l’on peut affirmer, à partir des deux sources relatant l’attitude de Daillé, que le secrétaire de Mornay aurait menti à Colomiès en attribuant les Vindiciae à Languet, afin de protéger son maître d’une rumeur qui aurait fait de lui l’auteur d’un ouvrage infamant et dangereux91. Mais l’on pourrait tout autant relever que le récit donné par Daillé à Conrart est incertain. La mention des ouvrages « faits ou composés » par Mornay constitue une distinction assez floue qui ne permet pas de dire avec certitude que Mornay était l’auteur de tous les livres figurant dans sa petite bibliothèque. De plus, le précepteur précise bien qu’il n’a jamais osé poser directement cette question à son maître et reste volontairement vague et imprécis92. Par contraste, l’attribution de l’ouvrage par Daillé à Languet est, elle, beaucoup plus affirmative. Pourquoi avoir été aussi affirmatif vis-à-vis de Languet s’il s’agissait simplement d’écarter les soupçons de Mornay ? Quant à Colomiès, qui renvoie à l’édition de 1616 d’Agrippa d’Aubigné, il semble ignorer que cet auteur ait changé d’avis dans l’édition de 1626. Ce renvoi montre en tout cas que l’affirmation de Daillé pouvait être facilement contrebalancée par d’autres références, comme le fait l’auteur, ce qui témoigne d’une double tradition concernant l’auteur des Vindiciae au xviie siècle, et qui remonte probablement déjà à la publication de l’ouvrage monarchomaque.

De la même manière, le passage de Mme de Mornay et celui de Licques paraissent s’annuler l’un l’autre. L’on peut bien sûr expliquer le silence de la biographie de Licques, complétée et publiée par nul autre que Daillé, par la volonté de ce dernier de ne pas salir la mémoire de son maître en 1647, c’est-à-dire à une époque où être monarchomaque n’était plus du tout de mise pour les huguenots93. Bien plus, il s’agissait, lors de la publication de l’ouvrage, de faire correspondre le texte avec l’image politique que voulaient se donner les protestants français. Si une allusion à l’implication de Mornay dans la rédaction d’un traité monarchomaque figurait dans la Vie de Mornay, il est probable qu’elle ait été effacée, soit par Daillé, soit par Valentin Conrart, qui a servi d’intermédiaire avec les Elzevier pour la publication de l’ouvrage94. Dans ce cas, les Mémoires de Mme de Mornay, qui étaient adressées à son fils à titre édifiant et n’étaient par conséquent pas destinées à la publication, sont sans doute plus épargnées par ces considérations politiques et, partant, plus authentiques, d’autant plus que cette femme rapporte généralement des faits exacts95, même si elle peut se tromper dans les dates, comme cela semble être le cas ici96. Mais l’on pourrait aussi malgré tout penser que Daillé, et sans doute Licques lui-même97, ont choisi de ne pas faire état du fait rapporté par Mme de Mornay car ils étaient certains, pour des raisons qui leur sont propres et qui leur semblaient probablement très pertinentes, que Mornay n’était pas l’auteur de l’ouvrage monarchomaque. Une telle hypothèse a d’ailleurs l’avantage d’être confirmée par le témoignage de Daillé consigné par Colomiès.

Les autres sources ne sont pas plus assurées. Béatrice Nicollier a montré que la plupart des attributions à Languet se fondent en réalité sur les paroles que Goulart a pu prononcer. Philibert de La Mare se contente de reprendre l’assertion de Théodore Tronchin. Quant à Agrippa d’Aubigné, il demeure à Genève dès 1620 où le Conseil avait déjà désigné Goulart pour lui fournir des éléments qu’il pourrait inclure dans son Histoire universelle. Il est donc très probable que l’historien ait simplement repris l’information de Goulart lui-même98. Cela serait confirmé par l’embarras qui semble le caractériser, puisqu’il ne modifie pas ou qu’il ne modifie qu’à la marge ses précédentes expressions attribuant l’ouvrage à Mornay. Néanmoins, il semblerait curieux qu’un écrivain aussi sérieux qu’Aubigné n’ait pas cherché à confirmer cette assertion. Il savait bien que Goulart n’était pas un proche de Languet, alors que lui-même tenait sa propre information de l’auteur présumé des Vindiciae, et s’est probablement employé à découvrir des indices corroborant la piste de Goulart, le cas échéant. De toute façon, il paraît erroné de dire que « tous les témoignages en faveur de Languet sont issus de Goulart »99. Celui de Colomiès cite certes Le Goulx et, derrière lui, Philibert de La Mare, donc une tradition qui se rapporte à Goulart, mais la mention de Daillé laisse penser qu’une tradition indépendante existait. L’on peut aussi dire que les indices qu’offre l’Arcadia de Sidney à une date aussi précoce viennent en appui de cette hypothèse. Le témoignage de Goulart n’est donc pas « l’unique source »100 sous-entendant que Languet serait l’auteur des Vindiciae. De plus, bien que le secret confié par Goulart à Tronchin, si tant est que ce dernier le rapporte de façon authentique, puisse paraître en grande partie sujet à caution101, c’est vraisemblablement la seule source à identifier justement l’identité de l’imprimeur anonyme des Vindiciae, Thomas Guérin, ce qui est loin d’être négligeable102. Enfin, Goulart ayant compilé et édité plusieurs traités et pamphlets monarchomaques dans ses Mémoires de l’estat de France (dont la Francogallia de Hotman ou Du droit des magistrats de Bèze), il ne serait pas si absurde d’envisager qu’il pût avoir accès, d’une manière ou d’une autre, à un manuscrit des Vindiciae dans ce contexte103. Son témoignage ne devrait donc pas être écarté de façon si définitive.

Quant à celui de Grotius, il convient d’être circonspect. Si le diplomate est « d’ordinaire extrêmement bien renseigné »104, il s’appuie ici sur une rumeur qui circulait probablement dans les cercles dans lesquels il évoluait aux Provinces-Unies. Il cite par exemple un autre diplomate, Joannes Joachim von Rusdorf, pour appuyer ses dires, sans donner d’arguments convaincants en faveur de la paternité de Mornay105. De plus, une telle assertion ne fait l’objet d’aucun consensus, même dans les cercles néerlandais. L’homme de lettres Johannes Boecler, en 1664, conteste nommément l’avis de Grotius, attribue l’ouvrage à Languet et rapporte qu’un homme cultivé a montré à Lausanne à l’un de ses amis un manuscrit des Vindiciae identifié de la main même de Languet106. Un tel témoignage semble indépendant de celui de Goulart, mais il reste très incertain. Quoi qu’il en soit, le débat entre Grotius et Boecler montre que l’opinion de Grotius doit être prise avec beaucoup de précautions107. Les deux pistes, Languet et Mornay, sont attestées au milieu du xviie siècle, sans qu’il soit vraiment possible de trancher le débat par le recours aux sources.

Il faut donc recourir à des indices externes. Les arguments donnés par Béatrice Nicollier pour discréditer Languet me semblent de ce point de vue insuffisants. Si la correspondance de Languet est muette sur la rédaction d’un tel traité108, faut-il vraiment s’en étonner ? L’auteur des Vindiciae cherchait évidemment à être discret. L’on ne trouve pas non plus, jusqu’à preuve du contraire, d’allusion à un tel travail dans la correspondance de Duplessis-Mornay. Dire que Languet était trop accablé par la Saint-Barthélemy et la répression des « cryptocalvinistes » en Saxe pour pouvoir trouver la motivation nécessaire à l’écriture de cet ouvrage109 paraît également contestable. Ces événements ont très bien pu constituer autant de stimuli pour justifier la résistance à la tyrannie, qui paraît alors si nécessaire aux huguenots. La difficulté d’envisager l’hypothèse d’une présence de Languet à Bâle chez Thomas Guérin en 1578110 ne doit pas exclure la possibilité que Languet ait confié son manuscrit à une personne de confiance, sans doute « Cono Superantius » qui se serait chargé à la fois de la rédaction de la préface et de la publication chez l’imprimeur bâlois. Si une telle piste est envisagée dans le cas de Duplessis-Mornay111, pourquoi ne le serait-elle pas dans celui de Languet ? Languet serait certes, s’il était l’auteur des Vindiciae, « l’homme d’un seul livre »112, mais cela ne constitue certainement pas non plus un élément susceptible de l’évacuer du débat. De la même manière, l’« erreur » faite par l’auteur des Vindiciae sur la double chancellerie, celle de l’Empire et celle de l’empereur113, identifiée pour la première fois par Max Lossen et reprise par l’historiographie francophone114, n’en est peut-être pas une. Une telle inexactitude ferait sans doute pencher la faveur des historiens du côté de Mornay, le fin connaisseur de l’Allemagne qu’est Languet ne pouvant se tromper à ce point sur des institutions dont il est si familier. Mais George Garnett, dans son édition critique des Vindiciae, a montré que Lossen avait peut-être mal compris l’allusion. Plusieurs sources juridiques dédoublent en effet les officiers de l’empire et ceux de l’empereur, distinguant par exemple entre le procureur du fisc de l’empire et le procureur du patrimoine de l’empereur115. C’est sans doute à cette réalité que renvoie l’auteur des Vindiciae. Cette séparation ne doit donc pas forcément être considérée comme un argument discréditant la paternité d’Hubert Languet. Enfin, le fait que Languet ne mentionne pas le rôle des magistrats inférieurs et n’accorde de véritable dignité politique qu’au « prince chrétien » dans sa correspondance116 ne doit pas nous amener à refuser de voir en lui l’auteur des Vindiciae. D’une part, l’autre candidat à la paternité de cet ouvrage, Duplessis-Mornay, ne semble pas non plus donner de rôle prépondérant au peuple ou à ses représentants dans ses autres écrits117. Bien plus, il s’oppose même explicitement, dans sa Remontrance de 1576, au recours au magistrat subalterne contre un prince légitime118. Mornay, autant que Languet, est un personnage modéré et pondéré. D’autre part, Languet lui-même semble professer des opinions plus radicales que celles de sa correspondance, au moins en privé, comme le montre le témoignage de l’Arcadia de Sidney. Il n’est donc pas totalement absurde de penser que Languet puisse être l’auteur des Vindiciae. Au vu des indications que nous avons rapportées, une telle hypothèse peut même paraître assez pertinente.

Conclusion

La prise en considération de l’Arcadia est susceptible d’apporter des éléments très intéressants au débat qui nous occupe. Sur le plan des idées, le témoignage de Philip Sidney montre que son maître et ami partageait en grande partie les principales affirmations des Vindiciae. Qu’il soit ou non l’auteur des Vindiciae, le huguenot fait preuve, si les allusions de son disciple sont fondées (et pourquoi ne le seraient-elles pas ?), d’une grande proximité avec les thèses contenues dans la littérature monarchomaque. Je crois que l’on peut aisément qualifier Languet de « monarchomaque » sans trop se tromper, si du moins ce terme caractérise une affinité avec les idées figurant dans les traités monarchomaques, voire même une franche adhésion à la pensée monarchomaque. Languet, à défaut d’être un auteur monarchomaque, n’en est pas moins un monarchomaque tout court : tel est le premier enseignement de l’Arcadia de Sidney.

Mais sans doute peut-on aller plus loin. Sidney connaît très vraisemblablement les principaux arguments des Vindiciae lorsqu’il écrit son poème sur le « vieux Languet », composé vers 1580. Il a donc été très vite mis au courant de leur existence, peut-être même avant leur publication. Une telle rapidité ne surprend-elle pas, alors que les hommes de lettres anglais ne s’intéressent pas encore aux idées monarchomaques, les premières allusions aux traités monarchomaques dans la littérature anglaise datant de la fin des années 1580119 ? Elle s’explique beaucoup mieux si l’on considère que Sidney connaît personnellement l’auteur des Vindiciae. Or, l’aristocrate anglais est un proche à la fois de Duplessis-Mornay et, évidemment, d’Hubert Languet, qu’il fréquente tous les deux entre 1574 et 1577, soit peu avant de commencer la rédaction de l’Arcadia. Mais c’est bien à Languet, et non à Mornay, qu’il prête des idées radicales semblables à celles des Vindiciae. Nul doute qu’il s’agisse là, à défaut d’une preuve, d’un indice éclairant. Un indice qui est soutenu, d’autre part, par le fait que Sidney et Languet se côtoient quotidiennement en 1574-1575, à la période supposée de la rédaction des Vindiciae. Si Languet est l’auteur des Vindiciae, Sidney a dû être le premier à en être informé. Le chant très politique du « vieux Languet » dans l’Arcadia n’en prendrait que plus de sens.

De là à affirmer que Languet est le candidat le plus probable à la paternité du principal ouvrage monarchomaque, il n’y a qu’un pas… que je me garderai bien de franchir ! Répétons-nous. Je ne cherche pas à faire à tout prix d’Hubert Languet l’auteur des Vindiciae. En l’état actuel de nos connaissances, il s’avère impossible de trancher entre les deux principaux prétendants que les sources proposent. Les écrits qui se prononcent en faveur de Mornay, en particulier le témoignage de Charlotte Arbaleste, ainsi que ceux qui privilégient Languet, enrichis des importants indices figurant dans l’Arcadia de Sidney, me semblent trop contradictoires et donc insuffisants pour déterminer avec certitude l’identité du rédacteur du traité monarchomaque. Je tiens simplement à montrer que la possibilité que l’homme qui se cache derrière le masque de « Brutus » soit Languet, bien qu’elle tende à être discréditée dans l’historiographie francophone récente, demeure néanmoins sérieuse. Une telle piste mérite assurément l’attention des historiens. De toute façon, en l’absence de nouvel élément à apporter au dossier, la paternité des Vindiciae reste une « énigme », selon l’heureuse expression d’Hugues Daussy120. Là n’est d’ailleurs pas l’essentiel. L’ouvrage doit être en grande partie considéré comme le résultat d’un effort de réflexion collective, puisque les interpénétrations et les emprunts réciproques sont communs dans les différents traités monarchomaques des années 1570, dont les Vindiciae ne constituent que l’exemple le plus abouti. Le contenu de cet ouvrage importe sans doute beaucoup plus que l’identité mystérieuse de son auteur, ainsi que le reconnaît unanimement l’historiographie121. Espérons qu’un tel consensus transcende tous les désaccords que nous avons esquissés.

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1. Sur la littérature monarchomaque, voir Paul-Alexis Mellet, Les traités monarchomaques. Confusion des temps, résistance armée et monarchie parfaite (1560-1600), Genève : Droz, 2007. Pour les Vindiciae contra tyrannos, j’ai consulté, pour la version française, l’édition de 1581 republiée en fac-similé : Étienne Junius Brutus, Vindiciae contra tyrannos. Traduction française de 1581, éd. A. Jouanna, J. Perrin, M. Soulié, A. Tournon et H. Weber, Genève : Droz, 1979 (cité ensuite comme suit : Brutus, Vindiciae [1581]).

2. Brutus, Vindiciae [1581], p. 7.

3. J’ai consulté l’édition de 1738 : Pierre Bayle, « Dissertation concernant le livre d’Étienne Junius Brutus », in Dictionnaire historique et critique, éd. Des Maizeaux, Bâle : Brandmuller, 1738 (1re éd. 1697), t. IV, p. 569-577. Sur les mentions de Stephanus Junius Brutus chez Bayle, voir Hubert Bost, Pierre Bayle, Paris : Fayard, 2006, p. 322 et 611-612 (note 96).

4. Par exemple, Laurent-Josse Leclerc, dans sa « Critique de la Dissertation de Mr. Bayle concernant le livre d’Estienne Junius Brutus » (in Remarques critiques sur le dictionnaire de Bayle, éd. Philippe-Louis Joly, Paris : Ganeau, et Dijon : Desventes, 1752, t. I, p. 807-819 ; ajout de notes explicatives par Joly) conteste la thèse de Bayle, qui attribue le traité à Languet, et tente de prouver que son auteur est Duplessis-Mornay.

5. Voir Philippe Duplessis-Mornay, Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay…, éd. Armand-Désiré de La Fontenelle de Vaudoré et Pierre-René Anguis, Paris : Treuttel et Würtz, 1824-1825 (12 tomes). Le premier tome constitue la première édition imprimée des Mémoires de Mme de Mornay.

6. Voir par exemple Max Lossen, « Die Vindiciae contra Tyrannos des angeblichen Stephanus Junius Brutus », Sitzungsberichte der philosophisch-philologischen und historischen Klasse der Königlichen Bayerischen Akademie der Wissenschaften, t. 1, 1887, p. 215-254 ; Albert Waddington, « L’auteur des “Vindiciae contra Tyrannos” », Revue historique, 51-1 (1893), p. 65-69 ; Albert Elkan, Die Publizistik der Bartholomäusnacht und Mornays « Vindiciae contra Tyrannos », Heidelberg : C. Winter, 1905.

7. Stephanus Junius Brutus, A Defense of Liberty against Tyrants. A Translation of the Vindiciae contra Tyrannos, éd. Harold J. Laski, London : G. Bell and Sons, 1924.

8. Ernest Barker, « The Authorship of the Vindiciae contra Tyrannos », Cambridge Historical Journal, 3-2 (1930), p. 164-181.

9. Gerardina Tjaberta van Ysselsteyn, « L’auteur de l’ouvrage Vindiciae contra Tyrannos, publié sous le nom de Stephanius Junius Brutus », Revue historique 167-1 (1931), p. 46-59.

10. Madeleine Marabuto, Les théories politiques des monarchomaques français, thèse de droit, Paris, Université Paris II, 1967 (2 tomes).

11. Mario Turchetti, Tyrannie et tyrannicide de l’Antiquité à nos jours, Paris : PUF, 2001, p. 434-435.

12. Derk Visser, « Junius. The Author of the Vindiciae contra Tyrannos ? », Tijdschrift voor Geschiednis, 84 (1971), p. 510-525.

13. Salvo Mastellone, « Aspetti dell’antimachiavellismo in Francia : Gentillet e Languet », Il pensiero politico, 2-3 (1969), p. 376-415 (voir les p. 395ss).

14. Ralph E. Giesey, « The Monarchomach Triumvirs : Hotman, Beza and Mornay », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 32-1 (1970), p. 41-56.

15. Henri Weber, « Date de composition et auteur présumé de l’œuvre » in Brutus, Vindiciae [1581], p. i-v.

16. Martin N. Raitiere, « Hubert Languet’s Authorship of the Vindiciae contra Tyrannos » in Faire Bitts. Sir Philip Sidney and Renaissance Political Theory, Pittsburgh : Duquesne University Press, 1984, p. 113-141. Voir aussi Id., « Hubert Languet’s Authorship of the Vindiciae contra Tyrannos », Il Pensiero Politico, 14-3 (1981), p. 395-420.

17. Robert Kingdon, « Le calvinisme et la théorie de la résistance, 1550-1580 », in James H. Burns (dir.), Histoire de la pensée politique moderne, trad. Jacques Ménard et Claude Sutto, Paris : PUF, 1997 (1re éd. 1991), p. 175-198.

18. George Garnett, « The authorship », in Stephanus Junius Brutus, Vindiciae, contra Tyrannos : or, concerning the legitimate power of a prince over the people, and of the people over a prince, Cambridge : Cambridge University Press, 1994 (l’ouvrage est cité ci-après comme Brutus, Vindiciae [1994]), p. lv-lxxvi. Pour une restitution de l’historiographie relative à l’identité de l’auteur des Vindiciae, voir Hugues Daussy, Les huguenots et le roi. Le combat politique de Philippe Duplessis-Mornay (1572-1600), Genève : Droz, 2002, p. 237-241 ; Béatrice Nicollier-De Weck, Hubert Languet (1518-1581). Un réseau politique international de Melanchthon à Guillaume d’Orange, Genève : Droz, 1995, p. 474-477 ; M. N. Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 113-114 (note 1).

19. Citation dans Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 486.

20. Ibid., p. 487. Voir, plus largement, « Hubert Languet est-il l’auteur des Vindiciae contra tyrannos », in Hubert Languet, op. cit., p. 465-487.

21. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 254.

22. Mellet, « Le pseudonymat : Brutus et Philadelphe », in Les traités monarchomaques, op. cit., p. 97-100, en particulier les p. 99-100 pour l’identité de « Brutus ».

23. C’est le cas de Raitiere, Faire Bitts, op. cit., qui expose les rapports de l’Arcadia de Sidney avec la littérature monarchomaque.

24. Béatrice Nicollier-De Weck mentionne ainsi l’ouvrage précité de Martin Raitiere (in Hubert Languet, op. cit., p. 476-477), qu’elle connaît pour en avoir fait une recension (compte rendu de Faire Bitts, op. cit., in Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 47-3 (1985), p. 754-755), mais ne juge cependant pas utile de mentionner l’Arcadia de Sidney. Hugues Daussy (Les huguenots et le roi, op. cit.) ne cite pas le livre de Raitiere dans les ouvrages historiographiques relatifs aux Vindiciae contra tyrannos et n’a donc sûrement pas eu accès à l’Arcadia de Sidney. Il est vrai que son ouvrage s’applique moins à réfuter les arguments en faveur d’une rédaction par Languet (il s’appuie sur Béatrice Nicollier sur ce point) qu’à établir le rôle de Mornay. Le témoignage de l’Arcadia semble de ce fait peu approprié à son propos.

25. George Garnett (« The Authorship », art. cit., p. lxxi) évacue cette source d’une phrase sans réelle justification.

26. Voir Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., principalement « Philip Sidney » (p. 329-339) et « La mission en Allemagne de Philip Sidney » (p. 375-377). Voir infra.

27. L’un des premiers à se pencher sur ce dossier est R. W. Zandvoort, Sidney’s Arcadia. A Comparison between the two Versions, Amsterdam : Swetz et Zeitlinger, 1929.

28. Catherine Ducan-Jones, « Introduction », in Philip Sidney, The Countess of Pembroke’s Arcadia (The Old Arcadia), Oxford et New-York : Oxford University Press, 1985, p. vii-xvi (voir p. vii) ; Zandvoort, Sidney’s Arcadia, op. cit., p. 5-7 ; Blair Worden, The Sound of Virtue. Philip Sidney’s “Arcadia” and Elizabethan Politics, New Haven – London : Yale University Press, 1996, p. xxi-xxii.

29. Ducan-Jones, « Introduction », art. cit., p. viii.

30. Id., « Select Bibliography », in Sidney, Old Arcadia, op. cit., p. xix-xxi (voir p. xix).

31. Philip Sidney, The Countesse of Pembrokes Arcadia, London : John Windet, 1590 (désigné ci-après comme New Arcadia).

32. Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 12, 16-17 ; Irving Ribner, « Sir Philip Sidney on Civil Insurrection », Journal of the History of Ideas, 13-2 (1952), p. 257-265 (voir p. 257) ; Richard C. McCoy, Sir Philip Sidney. Rebellion in Arcadia, New Brunswick : Rutgers University Press, 1979, p. 40.

33. Sidney, The Old Arcadia, op. cit., p. 221. Voir William Dinsmore Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », Studies in Philology, 28-2 (1931), p. 137-161 (voir n. p. 151) ; Ribner, « Sir Philip Sidney on Civil Insurrection », art. cit., p. 260 ; Ernest William Talbert, The Problem of Order. Elizabethan Political Commonplaces and an Example of Shakespeare’s Art, Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1962, p. 97. D’après Martin Raitiere (Faire Bitts, op. cit., p. 57-58), le nom serait à la fois un jeu de mot entre la contraction de Philip Sidney et l’expression « amoureux de l’étoile » (philus + sidus).

34. « my little flock on Ister bank » (Sidney, Old Arcadia, op. cit., p. 221).

35. « The song I sang old Languet had me taught, / Languet, the shepherd best swift Ister knew, / For clerkly rede, and hating what is naught, / For faithful heart, clean hands, and mouth as true. / With his sweet skill my skill-less youth he drew / To have a feeling taste of him that sits / Beyond the heav’n, far more beyond our wits. » (Ibid., p. 222).

36. Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 13-14, 59 ; Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 151.

37. James M. Osborn, Young Philip Sidney. 1572-1577, New Haven – London : Yale University Press, 1972, p. 46-47 ; Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 329.

38. Osborn, Young Philip Sidney, op. cit., p. 79 ; Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 329-330.

39. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 330-337 (citation p. 334-335).

40. Ibid., p. 337-339 ; Osborn, Young Philip Sidney, op. cit., p. 96-102 et 233-287.

41. En mai-juin 1577 à Heidelberg et en janvier-février 1579 en Angleterre notamment.

42. Sidney, Old Arcadia, op. cit., p. 222-225.

43. « But yet, O man, rage not beyond thy need ; / Deem it no gloire to swell in tyranny. / Thou art of blood ; joy not to make things bleed. / Thou fearest death ; think they are loath to die. / A plaint of guiltless hurt doth pierce the sky. / And you poor beasts, in patience bide your hell, / Or know your strengths, and then you shall do well. » (Ibid., p. 225 ; cité également in Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 152, et Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 64).

44. Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 152-153.

45. Ibid. ; Martin Bergbusch, « Rebellion in the New Arcadia », Philological Quarterly, 53-1 (1974), p. 29-41 ; Worden, Sound of Virtue, op. cit., p. 287-294.

46. Irving Ribner, « Sir Philip Sidney on Civil Insurrection », art. cit., p. 260-261 ; Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 13-14, 69-70.

47. Worden, Sound of Virtue, op. cit., p. 289.

48. Bergbusch, « Rebellion in the New Arcadia », art. cit., p. 39-40.

49. « sheep, whom love, not knowledge, made to hear » (Sidney, Old Arcadia, op. cit., p. 225).

50. Bergbusch, « Rebellion in the New Arcadia », art. cit., p. 40.

51. Worden, Sound of Virtue, op. cit., p. 292.

52. Ibid., p. 289-294 (citation p. 289) ; Bergbusch, « Rebellion in the New Arcadia », art. cit., p. 39-41.

53. « seeing that a popular licence is indeede the many-headed tyranny » (Sidney, New Arcadia, op. cit., II, 8, p. 138) ; voir Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 145-146. Sur ce sujet, voir aussi Christopher Hill, « The Many-Headed Monster » in Change and Continuity in Seventeeth-Century England, London : Weidenfeld and Nicolson, 1974, p. 181-204, en particulier les p. 183-185 pour Sidney.

54. Brutus, Vindiciae [1581], p. 61.

55. « the whole estates of the country » (Sidney, New Arcadia, op. cit., II, 8, p. 139).

56. « But he thinking it a greater greatnes to give a kingdome, then get a kingdome ; understanding that there was left of the bloud Roiall, & next to the succession, an aged Gentleman of approved goodnes […] (after having received the full power to his owne hands) resigne all to the noble-man : but with such conditions, & cautions […], as might assure the people […] that not onely that governour, of whom indeed they looked for al good, but the nature of the government, should be no way apt to decline to Tyrany. » (Ibid.).

57. Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 146 ; Bergbusch, « Rebellion in the New Arcadia », art. cit., p. 34-35.

58. « for his own defence take armes » (Sidney, New Arcadia, op. cit., III, 4, p. 257 : cité in Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 150).

59. « those, who being subaltern magistrates and officers of the crowne, were to be employed […] for the people » (Sidney, New Arcadia, op. cit., III, 4, p. 257 ; cité in Briggs, « Political Ideas in Sidney’s “Arcadia” », art. cit., p. 149).

60. Je n’ai guère trouvé qu’Andrew Weiner, qui voit dans les paroles prêtées à Languet un récit de la chute et lit le poème des « Rives de l’Ister » en termes moraux plutôt que politiques (in Sir Philip Sidney and the Poetics of Protestantism. A Study of Contexts, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1978, p. 135-138), pour douter de cette interprétation. Tous les historiens spécialistes de l’Arcadia que j’ai pu étudier, y compris ceux qui prêtent à Sidney des conceptions politiques absolutistes (comme Raitiere ou Ribner), ne remettent pas en cause le fait que Sidney attribue une forme de justification de la résistance armée à Languet.

61. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 484-485. Il est vrai que l’historienne admet tout de même, de manière un peu contradictoire, que Languet pouvait partager « la majorité des idées » de « Brutus » (ibid., p. 482-483).

62. Ibid., p. 484.

63. « En effet, si l’auteur de l’ouvrage a déployé tant d’efforts pour conserver l’anonymat, c’est qu’il ne souhaitait assurément pas que l’on sache qu’il partageait les vues de Junius Brutus. Il ne faut donc par conséquent pas s’attendre à retrouver dans les œuvres de Mornay une expression similaire de ces théories. » (Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 250).

64. Hugues Daussy, « L’insertion des “Vindiciae contra tyrannos” dans le combat politique aux Pays-Bas », in Paul-Alexis Mellet (éd.), Et de sa bouche sortait un glaive. Les monarchomaques au xvie siècle, actes de la Journée d’études tenue à Tours en mai 2003, Genève : Droz, 2006, p. 101-120.

65. Même s’il ne faut pas exclure l’hypothèse selon laquelle Sidney relate en réalité dans l’Arcadia les idées des autres traités monarchomaques comme Du droit des magistrats de Théodore de Bèze (1574), que Languet aurait lu et dont il aurait adopté les thèses, la similitude des arguments du « vieux Languet » avec celles des Vindiciae, fortement soulignée par Blair Worden (voir supra), laisserait plutôt penser que Sidney connaissait, par l’intermédiaire de Languet, les idées contenues dans cet ouvrage dès 1577-1581 au plus tard. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que Sidney, très impliqué à la fois dans les affaires germaniques et néerlandaises, ait entendu parler de ce traité publié avant tout pour soutenir les révoltés aux Pays-Bas. L’ambassadeur anglais ne rencontre-t-il pas, en effet, Guillaume d’Orange en 1577 ? Si nous émettions l’hypothèse selon laquelle Sidney connaissait un seul et unique traité monarchomaque, nous devrions admettre qu’il s’agirait quasi-certainement des Vindiciae. Sur une description des cercles diplomatiques anglais proches du protestantisme continental dans lesquels s’insère Sidney, voir Bernard Cottret, La royauté au féminin. Élisabeth Ire d’Angleterre, Paris : Fayard, 2009, p. 256-261.

66. C’est du moins là la position de Martin Raitiere in Faire Bitts, op. cit., p. 123.

67. Sidney et Mornay se sont notamment fréquentés à la cour d’Élisabeth en avril 1577 (donc juste avant la période supposée de rédaction de l’Old Arcadia), date à laquelle Mornay propose à Sidney de devenir le parrain de sa fille (voir Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 148-149).

68. Raitiere date la rédaction du poème sur le « vieux Languet » de 1579 ou de 1580 au plus tard (Faire Bitts, op. cit., p. 58).

69. Voir par exemple Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 477-478 ; Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lxviii, lxxv ; Daussy, Les Huguenots et le roi, op. cit., p. 235, 245 ; Daussy, « L’insertion des “Vindiciae contra tyrannos” », art. cit., p. 108.

70. Brutus, Vindiciae [1581], p. 8, 14.

71. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 245.

72. Brutus, Vindiciae [1581], p. 161.

73. Ibid., p. 188.

74. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 478.

75. Voir infra, section suivante.

76. Agrippa d’Aubigné, Histoire universelle, Maillé : Jean Moussat, 1616, t. I, I, 15, p. 91 (cité ci-après comme Histoire universelle [1616]).

77. Voir par exemple Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 236.

78. Agrippa d’Aubigné, Histoire universelle, éd. A. Thierry, Genève : Droz, 1981-1999, 10 tomes, t. I, II, 17, p. 269 (citée ci après comme Histoire universelle [1626]).

79. D’Aubigné, Histoire universelle [1616], t. II, II, 2, p. 107-108.

80. D’Aubigné, Histoire universelle [1626], t. VI, VII, 2, p. 166-167.

81. « Autographum authoris viderat noster [Goulart] et sciebat opus esse Huberti Langueti […], quod vir illustris et literatae nobilitatis decus Philippus Mornaeus Thomae Guarino typographo tradidit excudendum et publico dedit, cum post auctoris obitum in suam potestatem venisset. Quod tamen distulit indicare noster, ne sanctissimi viri manes immerito sollicitarentur. » (Théodore Tronchin, Theodori Tronchini oratio funebris venerandi senis Simonis Goulartii Sylvanectini in Ecclesia Genevensi Pastoris fidelissimi, Genève : Pierre Aubert, 1628, p. 8).

82. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 469.

83. Ibid., p. 469-470. La référence de cette occurrence est Philibert de La Mare, Huberti Langueti vita, Halle : Arnaud Du Sarrat, 1700, p. 124.

84. « Monsieur Daillé m’a dit qu’il avoit appris que l’Autheur du livre intitulé, Vindiciae contra tyrannos, sous le nom de Stephanus Junius Brutus, est Hubert Languet, savant homme & grand Politique. Ce qui m’a esté depuis confirmé par M. Legoux de Dijon, qui ajouta que M. de La Mare Conseiller de la mesme ville avoit remarqué cela faisant l’Eloge d’Hubert Languet. » (Paul Colomiès, Pauli Colomesii Opuscula, Paris : Sébastien Mabre-Cramoisy, 1668, p. 131. J’ai consulté l’édition des œuvres complètes de Colomiès : Paul Colomiès, Pauli Colomesii Rupellensis… opera…, Hambourg : Christian Liebezeit, 1709, p. 328).

85. Ibid.

86. « Quelqu’un ayant demandé à M. Daillé si M. Duplessis-Mornay, avec lequel il avoit demeuré longtemps, étoit l’auteur du livre intitulé Junius Brutus, il répondit : “C’est une question que je n’ai jamais osé faire à M. Duplessis, parce qu’elle me sembloit trop délicate ; mais je vous dirai que M. Duplessis, au bout de la galerie où étoient ses livres, dans le château de Saumur, avoit un petit cabinet dans lequel il n’y avoit que ceux qu’il avoit faits ou composés, bien reliés, et même la plupart imprimés sur du vélin. Parmi ces livres-là il avoit aussi un exemplaire du Junius Brutus, lequel M. Duplessis me faisoit ôter toutes les fois que quelque personne de qualité désiroit de voir ce petit cabinet. Il me donnoit la clef et disoit que j’allasse devant et que j’ouvrisse la porte, ajoutant tout bas ou me faisant signe que j’ôtasse ce livre de Junius Brutus, ce que je faisois ; car M. Duplessis savoit bien que ce livre n’étoit pas dans l’approbation de tout le monde, et vouloit éviter les occasions d’en parler.” » (Valentin Conrart, Mémoires, éd. Michaud et Poujoulat in Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, 3e série, t. IV, Paris : Éditeur du Commentaire analytique du code civil, 1838, p. 622).

87. Charlotte Duplessis-Mornay, Les Mémoires de Madame de Mornay, éd. Nadine Kuperty-Tsur, Paris : Champion, 2010, p. 123.

88. C’est là la tranche la plus probable de rédaction de ce passage des Mémoires donnée par Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lx.

89. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 237.

90. « Puto scripsisse me antehac auctorem Junii Bruti esse Philipum Mornaeum Plessiacum, editorem Ludovicum Villerium Loiselerium » (Hugo Grotius, Epistolae quotquot reperiri potuerunt, Amsterdam : Joan Blaeu, 1686, p. 949 ; cité in Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 236). Voir aussi Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lviii, lxiii.

91. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 245.

92. Joseph Barrère, « Observations sur quelques ouvrages anonymes du xvie siècle », Revue d’Histoire littéraire de la France, 21-2 (1914), p. 375-386 (p. 380).

93. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 244 ; Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lxiii.

94. La correspondance de Conrart nous montre qu’il n’hésitait pas à écarter certaines pièces jugées compromettantes pour le parti huguenot. Voir Nicolas Schapira, Un professionnel des Lettres au xviie siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale, Seyssel : Champ Vallon, 2003, p. 337-339.

95. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 243.

96. Elle date la rédaction des Vindiciae lors du séjour de Mornay à Jametz, entre début mars et fin mai 1574, alors que la période de rédaction devrait sans doute être plutôt située durant l’hiver 1574-1575. Mais il est vrai que les dates supposées de rédaction de l’ouvrage sont susceptibles d’être quelque peu étendues (Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 243, 245-246 ; voir supra).

97. Une telle piste ne semble pas avoir été envisagée par Daussy (ibid., p. 244), qui ne fait état que de l’hypothèse selon laquelle Daillé aurait été conduit « à supprimer le passage concerné ». Mais il est possible que Licques lui-même ait fait le « tri » et ait refusé d’intégrer le fait rapporté par Mme de Mornay.

98. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 470-471 ; Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lvii.

99. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 470.

100. Ibid., p. 471.

101. Ibid., p. 471-473.

102. Ibid., p. 473 ; Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lvi.

103. Simon Goulart, Mémoires de l’estat de France sous Charles IX…, 3 tomes, Genève : Eustache Vignon, 1578 (édition revue et complétée par rapport à celle de 1576). Voir Cécile Huchard, « Les théories politiques monarchomaques », in D’Encre et de sang. Simon Goulart et la Saint-Barthélemy, Paris : Champion, 2007, p. 425-471.

104. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 243.

105. « Iunium Brutum sub Mornaei nominee allegat Rusdorfius in defensione causae Politicae » (Grotius, Epistolae, op. cit., p. 951 ; voir plus généralement les lettres des p. 949-951).

106. « At Lausannae ostendit vir doctus amico schedas manu Huberti Langueti, quasi à generante scriptas. » (Johann Heinrich Boecler, In Hugonis Grotii Juris Belli et Pacis… ad illustrissimum Baronem Boineburgium Commentatio, Strasbourg : Simon Paul, 1663, I, IV, 6, p. 275).

107. Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lxiii-lxiv.

108. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 479.

109. Ibid.

110. Ibid., p. 480.

111. Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 247-248.

112. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 483.

113. Brutus, Vindiciae [1581], p. 114.

114. Lossen, « Die Vindiciae contra Tyrannos », art. cit., p. 229. Voir Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 475 ; Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 250.

115. Brutus, Vindiciae [1994], éd. Garnett, p. 81-82 (note 107).

116. Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 485-486 (citation p. 486).

117. « Il ne faut guère s’attendre à trouver sous la plume de Mornay quelque considération que ce soit sur la tyrannie politique et sur les moyens légitimes de la combattre. Il serait encore plus surprenant de rencontrer, dans un de ses écrits, l’affirmation de la supériorité du peuple et de ses représentants, notamment des États généraux, sur le roi. » (Daussy, Les huguenots et le roi, op. cit., p. 252).

118. Duplessis-Mornay distingue entre le huguenot, qui résiste au roi uniquement lorsque ce dernier s’oppose à Dieu, et le « malcontent », qui « prefere l’Inferieur au Superieur, suyvant un Prince, ou Seigneur subalterne contre son Roy et souverain seigneur » ([Philippe Duplessis-Mornay], Remonstrance aux Estats pour la paix, Le Souget : Jean Torgue, 1576, p. 50). Voir Raitiere, Faire Bitts, op. cit., p. 126. Il est vrai que Duplessis-Mornay se fait passer, dans cet écrit, pour un catholique romain modéré cherchant la concorde entre les deux confessions. Son argumentation s’adapte donc nécessairement au rôle qu’il joue. Mais sa modération n’en reste pas moins évidente.

119. À l’exception notable des proches de Sidney. Le cercle Sidney semble bien avoir été le premier réceptacle des idées monarchomaques en Angleterre. Voir Adrien Boniteau, « Réception, adaptation et intégration des thèses monarchomaques dans le débat théologico-politique anglais (1580-1720) », thèse de doctorat en théologie et sciences religieuses, sous la direction de Matthieu Arnold et Denis Crouzet, Strasbourg, Université de Strasbourg (en préparation).

120. Hugues Daussy, « L’énigme des Vindiciae contra tyrannos », in Les huguenots et le roi, op. cit., p. 229-256.

121. Garnett, « The Authorship », art. cit., p. lxxvi ; Nicollier-De Weck, Hubert Languet, op. cit., p. 477 ; etc.