La violence des frères
Trois protestants méridionaux face aux massacres perpétrés par leurs coreligionnaires au temps des guerres de religion
Introduction
Les troubles religieux qui marquent la France dans la seconde moitié du xvie siècle offrent un contexte particulièrement propice à l’examen des regards des contemporains sur les violences de leur temps. En effet, le genre des mémoires, qui permet à des témoins d’exprimer leur position sur des événements meurtriers, connaît alors un essor important. Le prêtre champenois Claude Haton estime ainsi, en s’appuyant sur le fleurissement de l’aubépine du cimetière des Saints-Innocents, que le massacre des nobles réformés lors de la Saint-Barthélemy parisienne est conforme à la volonté divine1. Un tel point de vue catholique sur une tuerie commise par des coreligionnaires n’est pas isolé : comme l’a montré David El Kenz, l’homme de guerre catholique Blaise de Monluc admet ses propres violences dans ses Commentaires2. Il en assume certaines dont il met en avant les heureux effets : il avait ordonné l’exécution de trois réformés ayant tenu des propos injurieux contre le roi à Saint-Mézard en février 1562 et remarque que l’événement « ferma la bouche à plusieurs seditieux, qui n’osoyent parler du roy qu’avec respect »3. Plus rares sont les catholiques qui déplorent les massacres commis par d’autres fidèles de l’Église romaine. C’est le cas de Jacques-Auguste de Thou, qui se montre bouleversé par la Saint-Barthélemy parisienne :
Il ne put voir sans horreur les corps de Jerôme Groslot, baillif d’Orleans & de Calixte Garrault, qu’on trainoit à la riviére […]. Il fut obligé de regarder ces objets affreux sans oser jetter une larme, lui dont le tendre naturel ne lui permettoit pas de voir la mort d’une bête innocente sans émotion. La peine que cela lui fit l’obligea de ne plus sortir, de peur de rencontrer de pareils spectacles4.
Qu’en est-il des témoins protestants ? La question de leurs regards sur les violences collectives de leurs coreligionnaires n’a jamais fait l’objet d’une étude spécifique. Pourtant, même si les meurtres collectifs commis par des calvinistes sont moins nombreux que ceux qui furent perpétrés par les catholiques, les hommes de la Réforme ont bel et bien massacré des fidèles de l’ancienne Église, en particulier dans les régions où ils étaient majoritaires5. Au temps des guerres de religion, l’usage de la violence à l’encontre des fidèles de l’Église romaine suscite des débats au sein de la communauté réformée dont le protestant castrais Jacques Gaches se fait l’écho. Ainsi, après une tuerie dans laquelle des catholiques perdent la vie à Vénès6, alors que des prisonniers sont capturés et emmenés à Castres, le conseil de guerre se divise :
Il y eut deux advis : le premier, de les mettre à rançon, nonobstant les cruautez de ceux de Tholose contre ceux de la Religion, qui estoint aprins [appris] à uzer de douceur [et] non point de vengeance ; les au[ltr]es, au contraire, relevant leurs massacres de sang froid [et] manquement de foi envers leurs concitoyens de la Relig[ion], disoint qu’il les faloit fere mourir par le droit de la guerre comme pris à discretion veu mesmes que c’estoint peut-estre des bourreaux qui avoint massacré leurs freres innocens contre la foi promise7.
Pour appréhender les regards des protestants sur les violences collectives commises par leurs coreligionnaires, nous nous appuierons sur les témoignages de trois auteurs calvinistes méridionaux. Deux Castrais, Jacques Gaches et Jean Faurin, et un mémorialiste millavois anonyme relatent les événements survenus dans une région constituée de deux cités acquises au protestantisme, Castres et Millau, et de leurs environs8. Alors que les deux derniers ne semblent pas avoir exercé de fonction politique et restent peu connus9, Jacques Gaches a occupé à deux reprises les fonctions de consul de Castres (en 1596 et 160410). Les documents transmis, s’ils embrassent tous une large partie de la vie de leur auteur, sont de deux natures distinctes. D’une part, Jean Faurin rédige un journal dans lequel il inscrit, entre 1559 et 1602, « les événements à mesure qu’ils se présentent ; mais il a le soin d’espacer les paragraphes, afin d’y ajouter ce qui pourra se rapporter à chacun d’eux dans la suite »11. D’autre part, Jacques Gaches et l’anonyme de Millau rédigent des mémoires ou les mettent au propre à distance des faits. Néanmoins, le moment de rédaction de ces témoignages, quoique difficile à établir précisément, distingue nettement ces deux derniers textes. En effet, le calviniste de Millau met au propre son œuvre vers 158112 (peu avant sa mort qui survient probablement l’année suivante13) tandis que Jacques Gaches rédige la sienne sans doute après la fin des guerres de religion, comme l’attestent certaines mentions d’événements ultérieurs qui prouvent qu’il est encore vivant en 164414.
Ce journal et ces mémoires, dont il existe plusieurs copies manuscrites, ont été édités selon des principes différents. Charles Pradel a publié, dans les années 1870, les œuvres des deux auteurs castrais. Dans l’édition du journal de Jean Faurin (1878), il distingue les manuscrits conservés à Puylaurens et à la Bibliothèque nationale de France auxquels il a recours15, ce qui permet de s’appuyer sur cet imprimé. Mais l’édition des mémoires de Jacques Gaches16 (1879) se fonde sur plusieurs manuscrits (dont aucun n’est autographe) dans l’espoir de « donner un texte exact »17 sans distinguer les variantes. Cela en fait une nouvelle version des mémoires, même si les différences constatées avec la copie conservée à la bibliothèque de la Société de l’histoire du protestantisme français sont mineures. C’est pourquoi l’on se référera de préférence à ce manuscrit de la seconde moitié du xviie siècle, qui est du reste considéré comme « le meilleur » par Charles Pradel et dont la transmission est établie18. Quant aux mémoires du calviniste de Millau, les comparaisons ponctuelles effectuées entre la version autographe du texte conservée à la bibliothèque de la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron19 (Rodez) et l’édition de Jean-Louis Rigal20 (1911) montrent l’exactitude de cette dernière, de sorte qu’on peut s’en servir comme texte de référence.
Il s’agit de comprendre comment ces auteurs protestants perçoivent les violences de leurs coreligionnaires et ainsi de mesurer l’influence de la position religieuse des rédacteurs sur leur façon de présenter les actes violents. Dans un premier temps, on déterminera si, dans les témoignages des protestants, les calvinistes apparaissent comme des massacreurs à l’instar de leurs adversaires. Puis, en analysant les récits des violences collectives, on examinera la part de réalité et de rhétorique dans le compte rendu des événements. Enfin, on considérera les seuils de tolérance des auteurs protestants face aux violences de masse commises par des coreligionnaires.
Papistes et huguenots : tous massacreurs ?
L’examen des regards des témoins réformés sur les violences collectives commises par leurs frères nécessite, en premier lieu, d’envisager la manière dont elles sont qualifiées ainsi que leur possible omission dans les écrits destinés à la postérité.
Nommer les meurtres collectifs : un recours sélectif au terme « massacre »
Pour déterminer si les auteurs protestants regardent leurs coreligionnaires violents comme des massacreurs, il est possible d’analyser le recours au terme « massacre » et à ses dérivés, qui connaît, au temps des guerres de religion, une diffusion croissante21. Si les trois auteurs emploient ce mot de manière répétée, on peut distinguer deux principaux usages de ce terme et de ses dérivés dans nos textes. D’une part, le « massacre » peut désigner le meurtre collectif de civils sans défense22. Par exemple, Jean Faurin l’emploie dans son récit du « cruel massacre des fidèles à Vassi faict par le sieur de Guyse »23 (1er mars 1562) : les hommes du duc
entrent dans ceste grange et commencent, de grand reddeur, de donner sur ces pauvres gens et de tuer, tellement que ce massacre dura une heure. Ces pauvres gens sautoient par-dessus la muraille et se sauvoient aux bois et aux vignes, où ils pouvoient mieux, les uns blessés aux bras, les autres à la teste et les autres parties de leurs corps. […] Brief, il mourut, tant hommes que femmes, 50 à 60 personnes de ces pauvres gens, comme on me l’a rapporté, et plus de 250 fort navrés et mutilés, dont aucuns despuis en sont morts, d’autres sont manchots et beaucoup des biens d’iceulx ont été pillés24.
L’emploi de ce terme, accompagné de la description des violences, permet à la fois d’insister sur la faiblesse des victimes en inspirant au lecteur un sentiment de pitié à leur égard et de mettre en valeur l’horreur ressentie par le narrateur. En ayant recours au mot « massacre », le témoin peut également souligner le caractère total de violences caractérisées par l’acharnement de leurs auteurs : ainsi, selon Jean Faurin, en août 1562, dans les environs de Castres, un « massacre fut faict despuis la Farguette jusques à la Trinque. Les paysans aussi fesoient grand massacre, car ils achevoient de tuer avec leurs coutelas ou bastons ceux n’estant morts »25. D’autre part, le terme « massacre » peut être employé dans un contexte militaire, lorsque le rapport de force est très défavorable à l’un des deux groupes armés. Ainsi, selon Jean Faurin, au cours de l’été 1574, près de Vénès, des soldats protestants « trouvèrent une embusche grande des papistes, mesmes de ceux que estoient eschappés de la prise de Castres, les attendant là ; tellement que se jectèrent si redde sur eux que ils les massacrèrent presque tous »26. Dans tous les cas, le mot « massacre » et ses dérivés permettent aux auteurs de mettre en valeur le déséquilibre des forces entre les massacreurs et leurs victimes, incapables de se défendre de manière efficace. L’usage du mot est donc polémique : comme l’a relevé David El Kenz, il s’agit de « disqualifier les actions meurtrières de l’adversaire religieux »27. Pour autant, dans nos sources, le mot « massacre » est-il réservé aux violences commises par les fidèles de l’Église romaine ?
Massacres commis par des réformés | Massacres commis par des catholiques | Total | ||||
Calviniste de Millau | 62 | 55 % | 51 | 45 % | 113 | 100 % |
Jean Faurin | 40 | 41 % | 57 | 59 % | 97 | 100 % |
Jacques Gaches | 25 | 48 % | 27 | 52 % | 52 | 100 % |
Massacres commis par des réformés | Massacres commis par des catholiques | |
Calviniste de Millau | 2 | 18 |
Jean Faurin | 3 | 15 |
Jacques Gaches | 0 | 14 |
Ces statistiques permettent de relever un point commun aux trois témoignages : la très forte surreprésentation des violences catholiques dans les épisodes qualifiés de « massacres ». De manière globale, plus de 90 % des épisodes présentés explicitement comme des massacres correspondent à des tueries commises par des catholiques alors que ces événements représentent à peine plus de la moitié (52 %) des meurtres collectifs relatés. Le récit proposé par le calviniste de Millau des violences commises par des protestants à Lodève (juillet 1573) permet de mettre en valeur ce choix d’employer le mot « massacre » pour désigner presque exclusivement les violences commises par des adversaires religieux. Au cours de la prise de la cité par les réformés, les assaillants « tuèrent des habitans de la ville quelques sept vints »29. Mais l’anonyme précise que « les massacreurs ne s’i treuvèrent pas, quar ils se salvèrent per la muralhe »30. Ici, le terme dérivé de « massacre » ne désigne pas les calvinistes meurtriers mais les catholiques qui avaient exterminé des huguenots dans la même ville en 156731. Au cœur d’un récit de violences commises par des fils de la Réforme, le terme « massacreurs » dénonce ainsi les auteurs d’un carnage dont les coreligionnaires du mémorialiste avaient été les victimes. Lorsque les témoins relatent des tueries commises par des protestants, ils emploient, le plus souvent, d’autres mots ou expressions comme tuer32, meurtrir33, mettre « au fil de l’espée »34 ou encore faire « grant oxision »35. Néanmoins, le calviniste de Millau et Jean Faurin usent respectivement à deux et trois reprises du terme « massacre » ou de l’un de ses dérivés pour désigner des violences commises par leurs coreligionnaires : il peut s’agir de massacres perpétrés à la fois par des catholiques et des protestants36, de tueries jugées particulièrement horribles dont des civils sont victimes37 ou, à l’inverse, de meurtres collectifs qui, comme nous le verrons plus loin, apparaissent justifiés par les deux auteurs qui assument alors les actes de brutalité.
Le recours au terme « massacre » et à ses dérivés est donc le plus souvent polémique dans la mesure où il permet de dénoncer les atrocités commises par des catholiques. S’ils n’emploient qu’exceptionnellement ces mots pour désigner des violences commises par des coreligionnaires, les témoins protestants évitent-ils pour autant de les relater ? Il est désormais nécessaire d’examiner les éventuels refus de raconter les massacres perpétrés par des calvinistes.
Les massacres commis par des protestants : des violences passées sous silence ?
Les statistiques livrées ci-dessus (tableau 1) révèlent que le calviniste anonyme de Millau, Jean Faurin et Jacques Gaches ont bien rédigé des récits de tueries perpétrées par leurs coreligionnaires. Les données reflètent paradoxalement une surreprésentation des massacres dont les calvinistes sont les auteurs car, dans les trois textes, leur part est supérieure à 39 % des tueries38. Le protestant millavois relate même plus de massacres commis par des réformés que de meurtres collectifs perpétrés par des catholiques. Ce constat, qui peut s’expliquer par le rapport de force plus favorable aux protestants dans les régions où vivent les trois témoins que dans le reste du royaume, suggère que les narrateurs qui exposent les violences dont leurs coreligionnaires sont les auteurs n’ont pas tendance à les dissimuler.
Il n’est pas possible de savoir si les protestants qui prennent la plume pour relater les événements de leur temps ont appris que d’autres massacres ont été commis par leurs coreligionnaires et ont décidé de ne pas les relater pour ne pas entacher leur réputation. Mais comme ces témoins relatent surtout des événements survenus dans une région proche de leur lieu de vie, on peut rechercher s’ils ont omis des violences commises par leurs coreligionnaires qui seraient documentées par ailleurs. Pour favoriser la lisibilité de la carte, nous examinerons le cas du calviniste anonyme, le seul auteur millavois.
La carte permet de constater que, dans les environs de Millau, tous les massacres commis par des réformés sont racontés par le calviniste anonyme. Les tueries les plus proches de sa ville qui n’apparaissant pas dans ses mémoires sont perpétrées à Montfranc (1575) et à Lédergues (1579), à 50 et 51 kilomètres à vol d’oiseau de la cité millavoise. Ainsi, dans un espace circulaire de 100 kilomètres de diamètre ayant pour centre Millau, tous les massacres connus perpétrés par des protestants font l’objet d’un récit dans les mémoires de l’anonyme. À l’inverse, plus l’on s’éloigne de Millau vers l’ouest en se rapprochant de Castres, plus les massacres dont les réformés sont les auteurs sont relatés par d’autres témoins, en particulier Jean Faurin et Jacques Gaches. Tenter d’expliquer les absences de récits de certains massacres dans les écrits des réformés ne doit se faire qu’avec prudence. En tenant compte des trois textes, deux épisodes peuvent faire l’objet d’une attention particulière : les violences commises en 1579 à Saint-Thibéry et à Mende.
Le récit des événements survenus à Saint-Thibéry permet de poser l’hypothèse d’une éventuelle sélection des violences relatées par le calviniste de Millau et Jean Faurin. En effet, l’anonyme millavois raconte qu’après la prise de la ville par ses coreligionnaires, Henri de Montmorency, comte de Damville, les assiège (octobre 1579). Les soldats protestants se retirent dans la citadelle avant de se rendre par peur du canon. Les assaillants massacrent alors certains de leurs adversaires de diverses manières : « une partie furent mis au trenchant de l’espée, quelques 25, o pendus ; les autres, schapèrent que s’enfuirent ». Le calviniste de Millau précise que la vengeance de Damville s’exerce sur les réformés « perce qu’estoient de la religon » mais qu’il ne « tint pas conte » des « papistes ». Même s’il note que les soldats, « q’estoient de la religon »40, ont davantage résisté que les habitants de la ville, cette remarque lui permet de dénoncer des violences qui auraient été dirigées exclusivement contre ses coreligionnaires. Quant à Jean Faurin, après avoir mentionné la prise de la ville par les protestants, il relate succinctement une tuerie commise par les troupes du catholique Damville. Ce dernier est l’auteur d’une lettre, le 3 novembre, qui tend à valider le rapport du mémorialiste anonyme en mentionnant le massacre de quatre protestants au cours du siège puis l’exécution de 23 de leurs coreligionnaires qui se sont rendus41. Or d’autres sources révèlent que la prise de Saint-Thibéry par les huguenots a été accompagnée d’actes de cruauté qui ne sont relatés par aucun des deux calvinistes. Ainsi le secrétaire du duc de Montmorency note-t-il que la fin de l’année 1579 a été marquée par
la surprinse de plusieurs lieux, occuppés par des vouleurs & perturbateurs de la paix, de la relligion préthendeue réformée, hostillités, assassinatz & voleryes publicques à grandes & petites troupes, perpétrées & commis par les dits vouleurs de la ditte relligion, lesquelz dudit pays bas, entre aultre, avoint envahy près Pézenas, les lieux de Caux & Sainct Hibéry, y ayant commis plusieurs murtres, saccaigemens & bruslemens & tenans par ce moyen tout le pays en subjection42.
Ces violences sont connues du prêtre champenois Claude Haton pour qui les protestants sont auteurs d’un massacre au cours duquel « les religieux et plusieurs habitans furent inhumainement murtris »43. La reprise d’expressions issues des Advertissemens à la noblesse sur une lettre imprimée & publiée soubz le nom du roy de Navarre à ladicte noblesse (1580) par l’ecclésiastique suggère qu’il s’est appuyé sur ce libelle pour bâtir son récit44. Il demeure donc possible de s’interroger sur le caractère incomplet des rapports proposés par les calvinistes qui, tous deux, omettent des violences commises par leurs coreligionnaires : les protestants taisent-ils intentionnellement la brutalité de leurs frères dans la foi ou n’ont-ils pas informés des événements ? Dans ce cas précis, une sélection de l’information par les auteurs apparaît possible dans la mesure où la prise de Saint-Thibéry (ainsi que celle de Caux) a été désavouée par les chefs protestants, notamment Henri de Navarre et François de Châtillon, car il s’agit d’une violation du traité de Nérac45 (28 février 1579). Mais la sélection des informations a aussi pu être effectuée en amont comme le fait la source mobilisée par Claude Haton : les Advertissemens à la noblesse dénoncent, en effet, les infractions des réformés à la pacification46. Cette deuxième hypothèse semble confirmée au moins dans le cas du journal de Jean Faurin, du reste peu précis sur l’événement, qui témoigne par ailleurs d’un grand souci d’exactitude, y compris lorsque les protestants commettent des violences regrettables. Ainsi, trois récits de la prise de Cahors (28 mai 1580) se succèdent. Dans le premier rapport, l’auteur souligne qu’il y a eu « beaucoup de morts tant d’un costé que d’autre, à mille ou quinze cents personnes ». Le deuxième récit vient corriger le précédent : les assaillants « sont entrés et n’ont pas faict grand massacre ». Enfin, le troisième compte rendu souligne les violences commises par des protestants : « despuis aussy ay su qu’elle avoit esté prise par escalade par les gens du roy de Navarre, et y fut faict une piteuse boucherie »47. Ces mises à jour successives témoignent bien de la volonté de proposer un récit fidèle à la réalité.
La comparaison des mémoires du calviniste de Millau et de Jacques Gaches révèle en outre que les événements survenus à Mende à la fin de l’année 1579 font l’objet de relations dans lesquelles les violences des protestants sont inégalement mises en avant. Alors que l’auteur millavois mentionne un massacre d’au moins 250 personnes qui dure près d’une semaine48, le mémorialiste castrais ne décrit pas de tels actes de cruauté :
Le cap[itai]ne Merle, aiant recognu Mende, la surpris le 25 [decem]bre jour de Noel, quelques heures avant le jour, aidé par le son de la grosse cloche qui favorisa fort l’entreprise par son bruit. Il la tint longtems, entreprenant sur plusieurs villes du costé d’Auvergne49.
Faut-il imputer cette absence de mention d’un massacre à un refus de raconter un carnage50 ? C’est peu probable puisqu’on voit mal pourquoi le mémorialiste aurait rendu compte d’autres violences commises par ses coreligionnaires mais pas de celles de Mende. Il est possible que Jacques Gaches n’ait pas jugé nécessaire de le préciser dans la mesure où il s’agit d’une pratique militaire répandue au xvie siècle51 accompagnée de pillages qui « appartiennent à l’entretien du moral de la troupe »52. L’hypothèse selon laquelle l’auteur n’aurait pas eu suffisamment d’informations au sujet de ces événements pour les décrire avec plus de détails peut également être envisagée.
Jean Faurin, Jacques Gaches et le calviniste de Millau ne paraissent donc pas chercher à dissimuler des massacres commis par leurs coreligionnaires. Ce choix doit être relié aux projets de diffusion des textes. Alors que les témoignages des deux auteurs castrais semblent avoir été destinés à un cercle restreint, celui de l’auteur millavois est consigné dans un manuscrit dont la forme suggère que l’écrivain a eu l’intention de publier son œuvre : une table des matières53 aide le lecteur à se repérer dans le texte qui comprend, par ailleurs, des renvois internes54. Dans les deux cas, narrer des massacres commis par des représentants des deux confessions sans se limiter au récit des tueries perpétrées par les catholiques permet aux témoins huguenots tout à la fois de gagner la confiance de leurs lecteurs, assurés de l’honnêteté du narrateur, et de rendre crédibles leurs descriptions et leurs critiques des cruautés de leurs adversaires55. Mais les récits des violences commises par les protestants répondent sans doute avant tout à un souci de vérité56.
Loin d’être dissimulés, les massacres commis par des réformés, y compris après 1572, sont relatés dans de nombreux récits. Pour les trois auteurs, la Saint-Barthélemy ne met pas un terme à la capacité qu’ont les protestants de vaincre les fidèles de l’Église romaine. Même si la tuerie la plus meurtrière de la seconde moitié du xvie siècle marque la fin du rêve de la conversion de tous les catholiques du royaume57, elle ne suscite pas un pessimisme complet. L’appendice des mémoires du calviniste de Millau (rédigé au plus tôt en 1577) en témoigne : en dépit des difficultés rencontrées par la communauté huguenote, l’auteur est convaincu que « Dieu, per sa infinie miséricorde, a voleü que son Evangille soit plantée dens se roïaulme de la Gaule »58. Mais la tendance des témoins à ne pas taire les tueries commises par leurs coreligionnaires doit-elle conduire à penser que ces protestants n’éprouvent aucune gêne face aux violences de leurs frères dans la foi et qu’ils les décrivent ainsi de manière fidèle à la réalité, alors même qu’ils évitent, le plus souvent, de désigner ces actes de cruauté comme des « massacres » ? Répondre à cette interrogation impose d’effectuer des comparaisons approfondies entre les textes des trois auteurs méridionaux et avec d’autres sources.
Les récits des massacres : entre souci de vérité et rhétorique partisane
Si l’ambition de rendre compte des événements avec exactitude semble avoir conduit les témoins à ne pas passer sous silence des tueries perpétrées par leurs coreligionnaires, il convient de vérifier si leurs comptes rendus sont, pour autant, totalement fidèles à la réalité des faits ou s’ils ont été composés à l’avantage des protestants.
Des narrations fidèles à la réalité ?
Quelques relations de massacres permettent de s’interroger sur d’éventuelles minimisations des violences commises par les huguenots dans les mémoires du calviniste de Millau et de Jacques Gaches. C’est le cas des rapports des événements survenus à Lodève en 1573. Les deux mémorialistes livrent des versions contradictoires du bilan humain des violences commises dans cette ville au cours de l’été. Selon l’anonyme de Millau, nous l’avons vu, au cours de la prise de la ville par les troupes du baron de Faugères, les soldats « tuèrent des habitans de la ville quelques sept vints »59. Après avoir mentionné un « grand combat » pour forcer la porte de l’église où des habitants avaient trouvé refuge, Jacques Gaches estime au contraire qu’« il n’y eut pas grande tuerie »60. Malgré la mention de deux dates différentes (le 3 juillet selon le calviniste de Millau61, début août d’après Jacques Gaches62), les auteurs rendent sans doute compte du même événement : il n’y a qu’un seul siège et, dans les deux extraits, les assaillants pénètrent dans la ville par les égouts. Le mémorialiste castrais minimiserait-il les violences commises par ses coreligionnaires ? Il est difficile de le déterminer. D’une part, les histoires érudites de Lodève63 ne mentionnent pas de source plus proche des événements que les deux réformés. D’autre part, selon les bénédictins Claude de Vic et Joseph Vaissète, auteurs de l’Histoire générale de Languedoc, les historiens protestants mettent en avant le faible nombre de victimes tandis que les catholiques, comme l’évêque de Lodève Jean de Plantavit de La Pause, font mention de violences qui touchent les prêtres et les notables64. Les mémoires de l’anonyme de Millau pourraient suggérer que de nombreuses personnes ont été massacrées puisqu’il s’agit d’un document dont l’auteur, protestant, admet que des violences sont commises par ses coreligionnaires. Néanmoins, comme les deux mémorialistes réformés ne citent pas les sources sur lesquelles leurs récits sont fondés, on ne peut savoir si le chiffre donné par le calviniste de Millau est surévalué et si les informations livrées par Jacques Gaches sont exactes, fausses involontairement ou si sa relation de l’événement est écrite dans le but de minimiser les violences des protestants.
En outre, il n’est que rarement possible de savoir si un auteur réformé cherche à dissimuler le rôle d’un massacreur de sa confession car la comparaison des récits de massacres ne fait qu’exceptionnellement état d’opinions opposées sur le rôle de certains protagonistes. C’est néanmoins le cas des narrations de la tuerie commise par des soldats calvinistes commandés par Mathieu Merle à Mende les derniers jours de l’année 1579. En effet, l’anonyme de Millau ne partage pas la position du bourgeois catholique du Puy Jean Burel au sujet du rôle joué par son coreligionnaire François de Coligny65. Selon le mémorialiste millavois, il a été appelé par les massacreurs à Mende et, « incontinent qu’il feüst dedens, il fist cesser les murtres et les pillages »66. Or Jean Burel considère que le fils de l’amiral fait partie des massacreurs et qu’il était présent dès « le soir de la veilhe de Nohé »67. Même si le positionnement confessionnel du mémorialiste millavois pourrait suggérer qu’il cherche à laver un coreligionnaire de tout soupçon de violence, l’hypothèse selon laquelle François de Coligny n’aurait pas appartenu au groupe des massacreurs est confortée par d’autres sources. En effet, Claude Haton68 et Eustache Piémond69, deux mémorialistes catholiques qui relatent aussi le massacre de Mende, mettent l’accent sur la cruauté de Mathieu Merle sans mentionner l’autre gentilhomme réformé. Si l’unique biographe de François Coligny, Jules Delaborde, n’évoque pas cet épisode70, Georges Amiaud-Bellavaud signale le fait que le fils de l’amiral n’arrive à Mende qu’au début du mois de mars 158071. Le récit de Jean Burel est donc inexact et le calviniste de Millau n’a pas tenté de faire passer un massacreur pour un pacificateur. Ainsi, les deux mémorialistes protestants ne semblent pas avoir déformé la réalité en relatant des massacres commis par leurs coreligionnaires. Mais si les tueries ne semblent pas minimisées et les massacreurs pas disculpés, la présentation des événements peut témoigner d’une intention d’atténuer l’ampleur ou la gravité des violences commises.
Des actes de cruauté dont l’ampleur et la gravité peuvent être relativisées
On remarque avant tout que nombre de comptes rendus de meurtres collectifs perpétrés par des réformés ne permettent pas d’identifier d’éventuelles relativisations des violences dans la mesure où les narrateurs n’y livrent ni jugement ni comparaison avec les tueries dont les catholiques sont les auteurs. Ainsi, la relation du massacre de Burlats (octobre 1573) par Jacques Gaches se limite à une simple description :
La Grange72, descendu avec une partie de la troupe dans la ville, sans attendre le reste qui montoit toujours, commença à faire crier « ville gaignée, tue, tue » pour effrayer les habitans [et] chanoines qui, se voyans surpris, apres avoir peu songé à leur deffence, s’enfuient [et] se cachent par cy par là comme ils peuvent, dont il y en eut plusieurs tuez, d’au[ltr]es faitz prisonniers [et] quelques uns sautent la muraille73.
Le même constat découle de la lecture du bref récit des événements survenus à Cassagnes-Bégonhès quelques mois plus tard (février 1574) par le protestant millavois74 et du compte rendu de la prise de La Bruguière, au cours de laquelle « on a tué tous les prestres »75, rédigé par Jean Faurin. Dans ces trois extraits, les violences des protestants ne sont ni relativisées, ni même commentées, ce qui empêche d’appréhender les jugements des auteurs sur ces épisodes. Néanmoins, d’autres relations de massacres laissent apparaître un soutien accordé aux calvinistes meurtriers.
Cette défense des réformés peut être fondée sur l’idée que les violences commises auraient pu être bien plus graves. Au moins à trois reprises, le calviniste de Millau présente les événements de cette manière en indiquant que des protestants laissent la vie sauve à leurs adversaires qui acceptent de se rendre. Au fort de La Besse (Villefranche-de-Panat) assiégé, en 1569, par « 25 soldats de la religion », le capitaine, « se voïant tout perdu », et quatre soldats se rendent et sont libérés sans même être détroussés. Mais ceux qui restent « se pensants estre bien asseürés là-dedens » doivent se rendre après que les assaillants ont enfumé leur refuge et sont tous « mis au trenchant de l’espée »76. De même, lorsqu’il relate le massacre commis par des réformés qui prennent la ville de Castres en août 1574, le mémorialiste millavois met en évidence la modération de la violence mise en œuvre par ses coreligionnaires :
[…] la plupart se misrent à la place en défence, tellement que touts seuls-là furent mis au tranchant de l’espée et mis en pièces ; l’autre partie s’estoient retrenchés dens une forte maison, se défendens fort. L’on pence que de les avoir, cela eüst costé beaucoups d’hommes. De faict, firent composition per ensemble s’est qu’ils seroient eslargis et s’en iroient, leurs vies salves, sens rien emporter, ni aulcunes armes ni baguage sinon un baston à la main, sens rien ; cant auls habitans, ils n’eürent aulcun dommage, car aussi ne firent pas de défence. Il i eüst quelque peu de pillatge, non pas grant chose77.
Dans ces deux cas, le mémorialiste insiste sur la modération des massacreurs qui n’exterminent que ceux qui refusent de se soumettre. Le calviniste de Millau présente, par ailleurs, ses coreligionnaires comme des combattants qui font preuve d’humanité : même si les soldats réformés « murtrirent deus cens hommes et 35 prestres, lesquels misrent touts dans un cros » à Caraman, en 1570, il souligne le fait que « plusieurs schapèrent, les uns par ranson, les autres per conoisence » car nombre de soldats réformés sont originaires du lieu et épargnent leurs connaissances78. Ainsi, tout en décrivant des violences commises par des réformés, le calviniste de Millau les relativise. Le mémorialiste rend compte de ces violences par souci d’exactitude et pour proposer à ses lecteurs un texte crédible, mais il narre les événements de façon à suggérer que les excès des catholiques sont considérablement plus graves que les actes de cruauté des protestants. Les adversaires religieux du mémorialiste millavois sont, en effet, présentés comme des traîtres qui massacrent leurs ennemis même après avoir reçu une rançon, comme à Montagnac, en 1579, où sept hommes sont tués79. Dans les récits de massacres commis par des huguenots, l’anonyme de Millau, contrairement à Jean Faurin et à Jacques Gaches, prend position en faveur de ses coreligionnaires en relativisant leurs violences qu’il présente comme des actes modérés par rapport à ceux des catholiques. Il faut alors déterminer si le calviniste millavois défend les réformés au point de justifier les massacres qu’ils commettent et si les auteurs castrais n’ont pas recours à ce procédé pour affirmer leur position religieuse dans le camp des élus de Dieu.
Massacres justes et injustes : un retour aux origines des tueries
L’étude des seuils de tolérance des témoins nécessite d’examiner leurs récits des origines des événements. Trois cas peuvent être envisagés.
Menaces de violences et trahisons de l’ennemi : des facteurs avancés pour justifier les violences ?
Lorsque les protestants massacrent des catholiques pour anticiper leurs initiatives violentes ou éviter d’être victimes d’une trahison, deux points de vue se dégagent : alors que le calviniste de Millau et Jean Faurin légitiment les meurtres collectifs commis par les réformés afin d’éviter de subir des actes de cruauté, Jacques Gaches ne les approuve pas explicitement.
Face à des menaces de violences, l’anonyme justifie les massacres dont ses coreligionnaires sont les auteurs. Ainsi le protestant millavois présente-t-il la tuerie de Limoux (avril 1563) comme un acte de légitime défense face à un complot fomenté par
les papistes de la ville [qui avaient] concleü et aresté entre heus, que cant viendroit le temps qu’il faudroit fère les Pasques, qu’ils les leur feroient faire à ceus de la religion, à leur mode papistique, veulent o non […] Dont, ils avoient delibération faicte de les fères idolatrer ou les faire morir.
Après avoir quitté la ville armés, les protestants sont poursuivis par les catholiques qui « les ussent maçsacrés si leur povoir feüst esté tel, comme leur intencion estoit telle ». Devant l’attaque des catholiques, les réformés « se défendirent d’une telle furie, tellement qu’ils en tuarent, de papistes, de 15 à 20 et [feïrent] autans de prisonniers »80. Le mémorialiste use du même procédé en relatant le massacre survenu sept ans plus tard à Saint-Affrique. Cette fois-ci, « deus o trois habitans » sont à l’origine d’une trahison en rémunérant les troupes du sieur de Vezins pour prendre la ville. Cette attaque est doublée d’un projet de massacre de « touts les hommes […] jusques aus enfans de six ans ». Mais, comme à Limoux, la défense des protestants se mue en attaque et, « tout d’un cop, [les réformés] en tuarent sus la plasse 22, et plusieurs se gecterent du pont en bas, et plusieurs de blessés, desquels, per les chemins, en fuïent, en moreüt beucops »81. La présentation de projets meurtriers fomentés par les catholiques avant le récit de massacres commis par ses coreligionnaires permet ainsi au calviniste de Millau de donner une certaine légitimité aux violences des réformés.
La mention d’une trahison de protestants par leurs adversaires catholiques est un autre procédé employé par le mémorialiste millavois pour justifier les massacres perpétrés par les calvinistes. L’analyse des épisodes où la traîtrise est mise en avant par l’auteur anonyme montre qu’il s’agit d’un prétexte : il critique les trahisons des catholiques mais ne fait pas de commentaire sur celles qui sont mises en œuvre par ses coreligionnaires. Par exemple, il condamne la perfidie de l’évêque de Lodève dont sont victimes cinquante prisonniers réformés le 3 novembre 1567 : « aïant banqueté avec eus ou une partie », ayant caché son « intencion italhane », l’ecclésiastique « les fist touts passer au trenchant de l’espée et les jectoient les uns sur les autres, comme de bestes ». Le mémorialiste est marqué par le fait qu’au moment où il rédige son œuvre, « le sanc de ces gens martirs82 apareüt toutgorn [toujours] sus les pierres dudit lieu où ledit massacre fust faict »83. De même, Jean Faurin approuve le massacre commis aux Angles (avril 1580) pour prévenir des violences dont les protestants auraient été les victimes84.
Quand les protestants prennent l’initiative : des trahisons légitimes ?
Les massacres perpétrés par des protestants après avoir trahi leurs ennemis font, dans les mémoires de l’anonyme de Millau et dans le journal de Jean Faurin, l’objet de commentaires qui opposent leurs auteurs. D’une part, l’auteur castrais affiche un refus net du principe de trahison. Tout comme il condamne les traîtres catholiques85, Jean Faurin dénonce le massacre de prisonniers catholiques capturés à Vénès en raison de la déloyauté que représente cette tuerie collective du 15 juillet 1562 : « on leur a coupé la teste, bras et jambes, et après jetés dans le puits du temple Sainct-Vincens rasé depuis. Chose inhumaine et plus que barbare, leur avoir promis la foy et puis la leur fausser ! Despuis on a bien senty le jugement de Dieu sur nous. »86 La punition divine ne se fait pas attendre : quelques semaines plus tard, le 10 août, le massacre dont des protestants sont victimes à Frégeville est un « juste jugement de Dieu »87. D’autre part, l’anonyme de Millau, s’il salue l’action de protestants qui dénoncent aux catholiques la trahison que Damville prévoyait d’exécuter à leurs dépens à Montpellier88 (mars 1578), se montre plus indulgent à l’égard des massacreurs protestants lorsqu’ils pratiquent la ruse ou la trahison. En effet, il ne désapprouve pas le comportement du réformé Mathieu Merle et de ses hommes qui massacrent, en janvier 1581, 72 personnes quittant l’abbaye de Bédouès, au nord-est de Florac, après avoir passé un accord avec les assiégeants. Ces derniers avaient accepté de les laisser « sortir avec les armes et baguatge, taborin batan et enseigne desploïée » mais, selon le mémorialiste, les catholiques n’avaient pas pensé à mentionner « dens leurs articles leurs vies salves »89… Aucun signe de désapprobation n’apparaît non plus dans son récit d’un massacre de « quelques prestres » à Bozouls (1569) commis par des soldats protestants qui s’étaient déguisés en paysans pour entrer dans le village90. Plus loin, le calviniste de Millau ne condamne pas la « finesse » avec laquelle Mauguio (1577) est pris par des soldats protestants qui se font passer pour des hommes de Damville91. Le seuil de tolérance du mémorialiste anonyme aux massacres commis après une tromperie varie donc selon la confession des protagonistes : les meurtriers calvinistes ne sont pas condamnés pour leurs actes tandis que les massacreurs catholiques se voient reprocher leur perfidie. Jacques Gaches mentionne aussi l’usage de la ruse par des protestants, à Nîmes, en novembre 1569, sans préciser si cette pratique lui paraît acceptable92.
« Ils les païarent de la monoie mesme qu’ils avoient reçeüe »93 : les représailles en débat
Les récits de massacres commis pour se venger de violences perpétrées par des catholiques permettent d’identifier trois postures : le calviniste de Millau justifie ces tueries, Jean Faurin les explique par des violences antérieures sans qu’il soit toujours possible de dire s’il les approuve, tandis que Jacques Gaches les dénonce.
Après avoir relaté le massacre de l’abbaye de Bédouès (1581), le calviniste de Millau rend compte de la justification des violences par le massacreur Mathieu Merle dans un argumentaire inspiré de la conception paulinienne de l’Église pensée comme un corps94 en faisant allusion aux souffrances de protestants de Saint-Léons qui endurent l’oppression catholique : « je ai senti le mal de mes membres, fraires de la religion, de Seint-Lions, lesquels moi font crever le cœur, voïant que un tels tirant ansien que a esté et est Vesin et cruel traistre »95. Plus loin, le mémorialiste justifie à titre personnel le massacre de Varen. Il considère que la tuerie commise par des protestants dans ce village en décembre 1581 est légitime dans la mesure où elle permet de libérer ses coreligionnaires de l’occupation des catholiques qui les empêchaient de jouir de leurs biens depuis 1573 : « ils les païarent de la monoie mesmes qu’ils avoient reçeüe »96. Néanmoins, l’auteur semble percevoir que la justification d’un massacre par des violences antérieures est fragile. C’est sans doute la raison pour laquelle il invoque un motif supérieur à celui de la simple vengeance. Alors qu’à Bédouès et à Varen, la légitimité des tueries est fondée sur la nécessité d’assurer le bien de la communauté protestante, à Figeac, en décembre 1576, c’est l’importance de la paix civile qui est mise en avant : « l’occision que [les protestants] leur [feïrent] n’estoit pas tant seulement per les avoir malmenés ni sortis de la ville, mais perce que al édit de paix i avoict un article disant que chescun jouiroit de sa Religion sens estre recerché de leur conciences […] »97 (il s’agit d’une référence à l’édit de Beaulieu de mai 1576). Ces massacres commis par des réformés au cours de représailles sont donc assumés voire revendiqués avec fierté par le calviniste de Millau pour montrer la supériorité des protestants, aidés par Dieu dans leur conquête du royaume, comme le mémorialiste le souligne dans l’appendice : « bien est verai que per dix homes que les Papistes tuèrent, seuls de la Religon en murtrissoient trente, de Papistes. […] De sorte que Dieu favorisa fort son Église, car les massacreurs [catholiques], des 4 parties, n’en eschapa pas une partie […] »98. L’éditeur Jean-Louis Rigal relève le fait que « dans le récit des escarmouches ou batailles […] les pertes des Papistes sont souvent grossies »99. Dès lors, le terme « massacre » peut être employé pour désigner une victoire éclatante sans porter de connotation négative, comme lors de la reprise de Pamiers, en septembre 1580, au cours de laquelle les protestants « firent grant oxision des Papistes qu’estoient dedens la ville ; vous asseürant que n’en eschapèrent guière que ne fussent massacrés »100.
Il est moins aisé de saisir la manière dont Jean Faurin perçoit les massacres commis des protestants en réponse à des violences antérieures. L’auteur explique les actes de cruauté des calvinistes, comme lors du siège du château de Garrevaques, le 21 mai 1580 : après avoir brièvement relaté l’assaut, Jean Faurin précise que « ce chasteau icy de Garravaques avoit faict de long temps grands maux à la religion, voire, en temps de paix avoir coupé les aureilles à un ministre de Puylaurens qui venoit de prescher »101. Il est difficile de déterminer si cette explication légitime la tuerie aux yeux du témoin. En tout cas, Jean Faurin défend, à l’instar de l’anonyme de Millau, une vision de l’histoire au cours de laquelle Dieu vient en aide à son peuple, ce qui le conduit également à saluer des victoires réformées écrasantes qu’il est possible de considérer comme des massacres. Ainsi Jean Faurin se félicite-t-il de l’issue du siège de Saint-Gilles mené par les catholiques, en septembre 1562, qui s’achève par l’extermination de l’infanterie ennemie : « voila une grande victoire contre les ennemis ; œuvre de nostre Dieu et non des hommes »102. Plus que la réponse à une attaque catholique, c’est le résultat qui légitime les massacres commis par les protestants selon l’auteur castrais103.
Contrairement à ces deux premiers témoins, Jacques Gaches semble condamner toutes les vengeances humaines. Celles des catholiques lui inspirent du dégoût, comme aux Angles (1580), où un homme appartenant à une famille « haïe pour les procez et les querelles qu’elle suscitoit tous les jours à ses voisins et pour le soupçon qu’on avoit contre lui de fomenter des secrettes intelligences avec ceux de contraire party » devient catholique et prépare un complot pour exterminer les protestants dans le temple au cours d’un prêche. C’est alors que, selon l’auteur, « Dieu aiant pitié de ces povres innocens, toucha le cœur du sergent Gau qui, piqué d’un remord de conscience, alla reveler leur trahison à des habitans ses amis »104. Mais Jacques Gaches dénonce aussi les vengeances de ses coreligionnaires. Certes, il ne prend pas position face au massacre de Saïx (24 février 1570), perpétré « en vengeance des maux et meurtres qu’ils [les habitants du lieu] avoint commis »105 et relève que certaines victimes du massacre de Sorèze (septembre 1580) ont été visées, en particulier, parce qu’elles avaient changé de religion et, « pour faire les bons valets, […] fait beaucoup de mal »106. Mais la mention du fait que, lors de la prise de Castres (août 1574), les protestants de la ville, « comblez de joie de se voir delivrez […], ne se peurent garder d’user de quelque vengeance sur ceux qui les avoint sy maltraitez »107 témoigne d’une désapprobation de l’usage de représailles. C’est à propos du récit d’un autre massacre perpétré à Castres (15 juillet 1562) conformément à la décision du conseil de guerre dont on a mentionné les débats en introduction que le mémorialiste exprime sa conception de la légitimité de la violence :
cela fut condamné et trouvé fort mauvais ny ayant point de raison d’imitter les mauvais exemples des ennemis, la religion nous instruisant à pardonner puisqu’ils estoint à notre discretion et à laisser la vengeance à Dieu des maux que les ennemis nous font par leurs massacres et manquemens de foi108.
La position de Jacques Gaches se fonde donc sur des convictions théologiques. Pour le réformé castrais, la seule vengeance légitime est celle de Dieu qui intervient en personne dans l’histoire. Cette conception semble être directement inspirée de versets bibliques qui condamnent les tentatives humaines de se faire justice et annoncent le jugement de Dieu sur les méchants109. Mais la remarque du mémorialiste castrais s’inscrit également dans un refus global de la violence qui caractérise les prises de positions des réformés après le traumatisme de la Saint-Barthélemy : l’homme ne peut servir Dieu en faisant la guerre car elle suscite sa colère, comme il l’a montré en 1572110. Jacques Gaches semble partager pleinement la conviction que Dieu intervient dans l’histoire pour châtier les meurtriers. À la suite du récit des violences survenues à Castres en juillet 1562, il note qu’une attaque dont des réformés castrais sont victimes « fut attribué[e] à la vengeance du ciel pour la cruauté commise »111. De même, le calviniste castrais condamne le massacre de protestants à Lodève (1567) commis « meschamment » en soulignant le fait qu’il a eu lieu « à l’inseu des h[abit]an[ts] cathol[iques] qui, ayans appris cette barbare cruauté, la detesterent avec horreur, disant tout haut que Dieu vengeroit ce sang injustem[en]t respandu sur la ville de Loudeve »112. La structure du texte suggère que le mémorialiste accorde du crédit à l’idée que la prophétie s’est réalisée : la mention du massacre de 1567 précède immédiatement le récit de la prise de la ville par les réformés en 1573.
Conclusion
Jean Faurin, Jacques Gaches et le mémorialiste anonyme de Millau relatent les événements des guerres de religion apparemment sans omettre les massacres commis par leurs coreligionnaires même si cette observation ne peut être une certitude totale tant les sources sur certains faits localisés sont ténues. En tout cas, ils n’hésitent pas à rendre compte d’un grand nombre de ces tueries et, le plus souvent, il n’est nul besoin de recourir aux sources catholiques pour connaître leur existence. De plus, les confrontations des sources ne permettent pas de mettre en évidence des déformations de la réalité au profit des massacreurs réformés afin de minimiser leurs violences ou de disculper les chefs huguenots. C’est lorsqu’on envisage la possibilité dont disposent les auteurs de relativiser la brutalité de leurs coreligionnaires et quand on prend garde aux descriptions des origines des meurtres collectifs que le caractère partial de certains récits peut être établi. On note alors de nettes différences d’appréciation selon les mémorialistes comme le montre le tableau suivant.
Calviniste de Millau | Jean Faurin | Jacques Gaches | |
Cas de relativisation de massacres perpétrée par des protestants | X | ||
Cas de massacres justifiés | |||
– après des menaces de violences | X | X | |
– dans le cadre d’une trahison exécutée par les protestants | X | ||
– en cas de représailles | X | X |
Jean Faurin et le calviniste de Millau tolèrent les massacres commis par leurs coreligionnaires lorsqu’ils suivent des menaces de violences et certaines représailles et l’anonyme approuve les trahisons brutales lorsqu’elles sont perpétrées par les protestants. Le point de vue de Jacques Gaches se distingue nettement de celui des deux autres témoins : certes, il n’exprime pas son opinion sur les massacres destinés à éviter d’autres tueries ou qui répondent à une trahison, mais il ne relativise pas les violences commises par ses coreligionnaires et condamne fermement celles qui sont commises par vengeance.
Comment expliquer de telles différences de sensibilité ? Les moments de rédaction des trois textes, qu’il faut relier aux générations des auteurs, sont probablement un élément majeur à prendre en considération113. L’anonyme de Millau, mort pendant les guerres de religion, n’a vu en cette période qu’un temps de calamités, et ce d’autant plus que cet ardent défenseur du protestantisme écrit probablement après la Saint-Barthélemy. Jean Faurin met également son œuvre par écrit durant les troubles, sans doute peu après les faits. Enfin, Jacques Gaches, mort bien après la fin des guerres civiles, a pu prendre davantage de distance avec les événements qu’il a vécus, ce qui rend aussi plus difficile l’enquête sur ses sensibilités. C’est peut-être la raison pour laquelle le mémorialiste castrais apparaît aux rédacteurs catholiques de l’Histoire générale de Languedoc comme un auteur « exact & assez désinteressé »114.
____________
1. Claude Haton, Mémoires de Claude Haton (1553-1582), t. II : 1566-1572, éd. intégrale sous la direction de Laurent Bourquin, Paris : Comité des travaux historiques et scientifiques, 2002, p. 463.
2. David El Kenz, « Le “massacre” est-il né aux guerres de religion ? », Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française 3 (2011), paragr. 26, consulté en ligne le 28 septembre 2015. URL : http ://lrf.revues.org/185.
3. Blaise de Monluc, Commentaires (1521-1576), préf. Jean Giono, éd. Paul Courteault, Paris : Gallimard, 1964, p. 485.
4. Jacques-Auguste de Thou, Mémoires de la vie de Jacques-Auguste de Thou […], Rotterdam [Rouen] : Reinier Leers, 1711, p. 12.
5. D’après le relevé effectué dans notre mémoire de master à partir des textes des mémorialistes et de notre bibliographie, 98 massacres religieux (39 % de l’ensemble de ces violences) ont été commis par des protestants. Cf. Laurent Ropp, Les massacres religieux du xvie siècle dans les mémoires, leurs copies et leurs éditions (1545-1790), mémoire de master préparé sous la direction de Céline Borello et Antoine Follain, Université de Strasbourg, 2017, vol. 2, p. 68-76.
6. Ce massacre apparaît aussi dans les Mémoires d’un calviniste de Millau, éd. Jean-Louis Rigal, Rodez : Carrère, 1911, p. 60 61 (Archives historiques du Rouergue).
7. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches […], xviie siècle, BPF, ms. 2, p. 35 36.
8. Nous n’intégrons pas à cette étude les mémoires du bourgeois de Castres Antoine Batailler dont la partie conservée ne concerne que les années 1584, 1585 et 1586 et ne contient que six récits de massacres (dont deux commis par des protestants). Cf. Antoine Batailler, Mémoires de Batailler sur les guerres civiles à Castres et dans le Languedoc (1584-1586), éd. Charles Pradel, Paris et Toulouse : Alphonse Picard et Édouard Privat, 1894, 129 p.
9. L’anonyme de Millau exprime sa sympathie envers les réformés du menu peuple, sans qu’il soit possible d’en savoir plus sur sa position sociale. Cf. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. g.
10. Jacques Gaches, Mémoires de Jacques Gaches sur les guerres de religion à Castres et dans le Languedoc (1555-1610), éd. Charles Pradel, Paris : Sandoz et Fischbacher, 1879, p. X.
11. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, éd. Charles Pradel, Montpellier : Imprimerie des chroniques de Languedoc et Firmin et Cabirou, 1878, p. 8 (Collection des pièces fugitives pour servir à l’histoire de France).
12. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. e.
13. Ibid., p. g.
14. Jacques Gaches, Mémoires de Jacques Gaches, op. cit., p. XII.
15. Cf. notamment Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 67. Nous ne nous appuyons pas sur l’édition de 1759, qui est abrégée. Cf. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, éd. Charles de Baschi et Léon Ménard, Paris : Hugues-Daniel Chaubert et Claude Hérissant, 1759, 72 p. (Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France, tome second).
16. Jacques Gaches, Mémoires de Jacques Gaches, op. cit., 538 p.
17. Ibid., p. VII.
18. Ibid., p. VI.
19. Mémoires d’un calviniste de Millau, xvie siècle, Bibliothèque de la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron (Rodez), 207 fos.
20. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., 512 p.
21. David El Kenz, « Présentation. Le massacre, objet d’histoire », dans David El Kenz (éd.), Le massacre, objet d’histoire, Paris : Gallimard, 2005, p. 8 (Folio histoire).
22. Plus rarement, le mot « massacre » est employé pour désigner le meurtre d’une seule personne tuée de manière particulièrement brutale aux yeux de l’auteur. Les trois auteurs ont recours à cette acception du terme massacre. Cf., par exemple, Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 97 et 170-171 ; Jacques Gaches, Mémoires de Jacques Gaches, op. cit., p. 404 ; Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 186.
23. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 13.
24. Ibid., p. 14.
25. Ibid., p. 19.
26. Ibid., p. 73.
27. David El Kenz, « La naissance de la tolérance au 16e siècle : l’“invention” du massacre », Sens Public (2006), p. 2.
28. Ces statistiques prennent en compte les deux types de violences collectives considérées comme des massacres par les témoins des troubles civils du xvie siècle. Ainsi, dès lors qu’un auteur relate un meurtre de masse commis en un lieu précis par des individus dont nous avons pu identifier la confession, sur un groupe de civils ou militaires, dans le cadre d’un rapport de force déséquilibré, l’événement est comptabilisé même si le mot « massacre » ou l’un de ses dérivés n’apparaît pas dans le récit. Pour ces statistiques comme pour la carte qui suit, nous n’avons pas tenu compte des récits généraux témoignant du caractère répandu des massacres confessionnels dans telle ou telle région.
29. C’est-à-dire environ 140 personnes.
30. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 273.
31. Ibid., p. 152-153.
32. Ibid., p. 119.
33. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 49.
34. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 182.
35. Ibid., p. 170.
36. Le cas du massacre d’Aigues-Mortes (janvier 1575) l’illustre, dans le journal de Jean Faurin. Cf. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 74.
37. C’est le cas, par exemple, du massacre de Saïx (24 février 1570), sous la plume de Jean Faurin. Cf. ibid., p. 55.
38. Cf. note 5.
39. Les massacres connus grâce à d’autres sources sont mentionnés dans une liste à visée exhaustive que nous avons dressée dans Les massacres religieux du xvie siècle dans les mémoires, leurs copies et leurs éditions (1545-1790), op. cit., vol. 2, p. 68-76. Il n’a pas été possible de localiser deux massacres relatés par le calviniste de Millau.
40. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 420.
41. Ibid. Le bref résumé de Jean Faurin est assez éloigné des informations livrées par les deux autres sources : « estant dedans ils ont tué tant d’hommes qu’ils ont rencontrés ». Cf. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 98.
42. « Discours de ce qui s’est fait avec le roi de Navarre en l’abouchement de Mazères », dans Joseph Vaissète et Claude de Vic, Histoire générale de Languedoc […], t. XII, Toulouse : Édouard Privat, 1889, p. 1308.
43. Claude Haton, Mémoires de Claude Haton (1553-1582), t. IV : 1578-1582, éd. intégrale sous la direction de Laurent Bourquin, Paris : Comité des travaux historiques et scientifiques, 2007, p. 330.
44. Claude Haton note que « furent surprinses par lesditz rebelles huguenotz […] les villes de Ledergues et de Sainct-Ubery où les religieux et plusieurs habitans furent inhumainement murtris ». Les expressions en italique figurent dans les Advertissemens à la noblesse. Cf. ibid. et Advertissemens à la noblesse sur une lettre imprimée & publiée soubz le nom du roy de Navarre à ladicte noblesse, 1580, p. 11 12.
45. Joseph Vaissète et Claude de Vic, Histoire générale de Languedoc […], t. XI, Toulouse : Édouard Privat, 1889, p. 668.
46. Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), t. II, Seyssel : Champ Vallon, 1990, p. 241.
47. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 105.
48. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 420-421.
49. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 338.
50. Il s’agit bien d’un massacre, attesté par plusieurs autres sources. Cf. notamment Georges Amiaud-Bellavaud, Un chef huguenot : le capitaine Merle, ses ascendants & descendants et les guerres de religion, notamment en Auvergne, Gévaudan et Vivarais, Uzès : Henri Peladan, 1958 [3e éd., revue et complétée], p. 249-251.
51. Jean-Raymond Fanlo, Pascal Julien et Wolfgang Kaiser, « Présentation », dans Gabriel Audisio (éd.), Prendre une ville au xvie siècle. Histoire, arts, lettres, Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence, 2004, p. 12.
52. David El Kenz, « De la guerre au massacre. Le “crime” d’inhumanité au milieu du xvie siècle français », Revista Lusófona de Ciência das Religiões 15 (2009), p. 171 182.
53. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., fos 204r-207r.
54. Par exemple, l’auteur explique que le miracle d’une pluie de sang, en avril 1574, est interprété par certains Lyonnais comme une conséquence de la tuerie commise dans la ville, « comme trovarés à l’article des massacres de Lion ». Cf. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 299.
55. Denis Crouzet, dans Les guerriers de Dieu, t. II, op. cit., p. 162, fait cette lecture du récit des actes de barbarie commis par les protestants lors du siège de Sancerre sous la plume de Jean de Léry.
56. Il est clairement affirmé par le calviniste de Millau dans l’avant-propos de ses mémoires. Cf. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 1-4.
57. Hugues Daussy, Le parti huguenot. Chronique d’une désillusion (1557-1572), Genève : Droz, 2014, p. 765-767.
58. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 471 472.
59. Ibid., p. 273.
60. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 186.
61. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 272.
62. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 183.
63. Ernest Martin, Histoire de la ville de Lodève […], t. II : Des guerres de religion à la révolution, Montpellier : Serre et Roumégous, 1900, p. 26 ; H. G. Paris, Histoire de la ville de Lodève […], t. I, Montpellier : Boehm, 1851, p. 377 381 ; H. G. Paris, Histoire de la ville de Lodève […], t. II, Montpellier : Boehm, 1851, p. 231 234.
64. Joseph Vaissète et Claude de Vic, Histoire générale de Languedoc […], t. V, Paris : Jacques Vincent, 1745, p. 320.
65. Jacques Gaches mentionne la prise de la ville par le capitaine Merle sans évoquer de massacre tandis que Jean Faurin ne fait qu’une brève évocation de la victoire des protestants. Cf. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 338 et Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 98.
66. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 421.
67. Jean Burel, Mémoires de Jean Burel, bourgeois du Puy, éd. Augustin Chassaing, Le Puy-en-Velay : M.-P. Marchessou, 1875, p. 55.
68. Claude Haton, Mémoires de Claude Haton, t. IV, op. cit., p. 231.
69. Eustache Piémond, Memorial perpetuel de plusieurs choses advenues à cause des guerres civilles de ce royaume de France et de ce que particulierement est advenu en Dauphiné et notamment en notre pauvre ville de S[ain]-Antoine en Viennois [vol. 1], xviiie siècle, BnF, département des manuscrits, Ms. fr. 8349, fos 124r 124v.
70. Jules Delaborde, François de Chastillon, comte de Coligny, Paris : Fischbacher, 1886.
71. Georges Amiaud-Bellavaud, Un chef huguenot : le capitaine Merle, ses ascendants & descendants et les guerres de religion, notamment en Auvergne, Gévaudan et Vivarais, op. cit., p. 252-254.
72. Jean de Bouffard, sieur de La Grange, chef huguenot.
73. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 189 190.
74. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 292-293.
75. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 54.
76. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 192.
77. Ibid., p. 314 315.
78. Ibid., p. 208.
79. Ibid., p. 417.
80. Ibid., p. 95-96.
81. Ibid., p. 210-211.
82. Cette désignation des victimes protestantes témoigne d’une « culture protestante des martyrs » identifiée par David El Kenz dans Les bûchers du roi. La culture protestante des martyrs, Seyssel : Champ Vallon, 1997.
83. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 153.
84. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 100-102.
85. Ainsi Faurin condamne-t-il le massacre commis à Lisle-sur-Tarn le 30 mai 1578 par des catholiques entrés par ruse dans la ville. Cf. ibid., p. 92.
86. Ibid., p. 18.
87. Ibid., p. 18-19.
88. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 400-401.
89. Ibid., p. 451.
90. Ibid., p. 184.
91. Ibid., p. 382.
92. Il relate la prise de Nîmes par des réformés en novembre 1569 après qu’un soldat a limé une grille pendant quinze nuits, « s’estant fait attacher par le milieu du corps avec une corde » et mettant « en se retirant de cire de la couleur du fer pour empescher qu’on ne cognut la rupture ». Cf. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 121.
93. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 468.
94. « Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance », 1 Corinthiens 12, 26.
95. Selon l’auteur, le sieur de Vezins s’était distingué par sa traîtrise lors du siège de Saint-Léons en 1580. Cf. Mémoires d’un calviniste de Millau, op. cit., p. 441 445 et 451.
96. Ibid., p. 468.
97. Ibid., p. 363-364.
98. Ibid., p. 475.
99. Ibid., p. k.
100. Ibid., p. 439-440.
101. Jean Faurin, Journal de Faurin sur les guerres de Castres, op. cit., p. 104.
102. Ibid., p. 23.
103. Cette logique apparaît également à la lecture du récit de la reprise de Castres par les réformés en août 1574, l’événement étant considéré comme un « miracle » permis par la « grande assistance de nostre Dieu ». L’auteur rend compte brièvement de la tuerie mais insiste sur ses heureux effets : « on a remis au dessus la prédication de la pure parole de Dieu et au contraire mis bas toute celle de l’antechrist […] ». Ibid., p. 72.
104. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 323 324.
105. Ibid., p. 128.
106. Ibid., p. 361.
107. Ibid., p. 231.
108. Ibid., p. 36.
109. « Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : “à moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai”, dit le Seigneur. », Romains 12, 19. Voir aussi Deutéronome 32, 35.
110. Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu, t. II, op. cit., p. 246-248.
111. Jacques Gaches, Memoires du sieur Jacques Gaches, op. cit., p. 36.
112. Ibid., p. 184.
113. Nous avons examiné cette hypothèse dans « Des tueries horribles ? Les violences religieuses dans la France du xvie siècle selon les mémorialistes », dans Antoine Follain (éd.), « Trop, c’est trop ! Religion, justice et société devant l’inacceptable », Source(s). Arts, civilisation et histoire de l’Europe 14-15 (2019), p. 53-56.
114. Joseph Vaissète et Claude de Vic, Histoire générale de Languedoc, t. V, op. cit., p. III.