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La réception de Luther par le jeune Calvin

Christoph STROHM

Université de Heidelberg

Publié en allemand : « Luther-Rezeption beim jungen Calvin », Archiv für Reformationsgeschichte 110 (2019), p. 49-68.

Abréviations utilisées : CO : Calvini opera quae supersunt omnia, Johann-Wilhelm Baum, Eduard Kunitz, Eduard Wilhelm Reuss (éd.), 59 vol., Braunschweig, Berlin : A. Schwetschke, 1863-1900 ; COR : Ioannis Calvini opera omnia denuo recognita et adnotatione critica instructa notisque, Brian G. Armstrong et al. (éd.), Genève : Droz, 1992 s. ; CStA : Calvin-Studienausgabe, Eberhard Busch et al. (éd.), 6 vol., Neukirchen-Vluyn : Neukirchener, 1994-2008 ; Institutio [1536] : Institutio Christianae Religionis [1536], in : OS, vol 1, p. 11-283 ; Institutio [1559] : Institutio Christianae Religionis [1559], in : OS, vol. 3-5 ; OS : Joannis Calvini opera selecta, Peter Barth, Wilhelm Niesel, Dora Scheuner (éd.), 5 vol., Munich : Chr. Kaiser, 1926-36 ; Schwarz : Rudolf Schwarz (éd.), Johannes Calvins Lebenswerk in seinen Briefen. Eine Auswahl von Briefen Calvins in deutscher Übersetzung, 3 vol., [1909], 2e édition, Neukirchen-Vluyn : Neukirchener, 1961/62 ; WA : Martin Luther, Werke. Weimarer Ausgabe, Weimar: Böhlau, 1883s.

Parler de la réception de Martin Luther par Jean Calvin exige de prêter une attention particulière à la dimension idéologique du sujet, qui reste sensible. Comme l’histoire de la recherche le montre clairement, il subsiste toujours des approches très simplistes. Au départ, le sujet portait principalement sur la question de l’indépendance ou de la dépendance de la Réforme française vis-à-vis de la Réforme allemande de Luther1. De telles approches nationales ont perdu du poids au cours des dernières décennies, d’autant plus qu’un autre sujet a pris de l’importance, qui est étroitement lié à l’évaluation des relations entre Calvin et Luther : le discours sur « la Réforme » est devenu controversé. N’y a-t-il qu’une seule Réforme ou ne faut-il pas plutôt parler de plusieurs Réformes : la Réforme de Luther, la Réforme de Zwingli, la Réforme des anabaptistes, la Réforme de Calvin, mais aussi la Réforme catholique tridentine ? La transition vers des réformes catholiques doit alors être comprise comme plus fluide. Déjà en 1975, Pierre Chaunu décrivait toute la période de 1250 à 1550 comme le « temps des Réformes2 ». Heinz Schilling a clairement formulé les conséquences de ce débat en une phrase : « Nous avons perdu la Réforme !3 » La question de l’influence de Luther sur la Réforme de Calvin croise toujours celle de savoir si des points communs et des structures de communication peuvent être effectivement déterminés, ou si le discours sur « la Réforme » n’est pas une simplification historiographiquement inacceptable4.

Ce n’est pas ici le lieu de poursuivre le débat, mais il faut en garder à l’esprit les implications lorsqu’on parle de l’accueil de Luther en France, et surtout de son accueil par Calvin. D’autant plus qu’il y a en ce domaine des interprétations assez contradictoires.

Mélanchthon au lieu de Luther : sur l’histoire récente de la recherche

Depuis la fin du xixe siècle, plusieurs chercheurs ont montré l’influence de Luther sur Calvin, en particulier sur le jeune Calvin5. Outre Abel Lefranc6 et Will Grayburn Moore7 , Wilhelm Diehl a apporté la preuve de l’acceptation littérale de Luther pour l’interprétation du Décalogue dans la Christianae Religionis Institutio de 15368, et les œuvres d’August Lang et de Wilhelm Niesel méritent particulièrement d’être mentionnées ici9. Dans sa thèse Jean Calvin et la dynamique de la parole au début des années 1990, Olivier Millet a montré en détail la grande importance de Mélanchthon pour le fondement méthodologique et la conception de la représentation de la doctrine chrétienne par Calvin10. En 2009, année du 500e anniversaire de Calvin, Wilhelm H. Neuser a publié un ouvrage sur la vie et l’œuvre du jeune Calvin dans lequel il insiste également sur l’influence des Loci communes 1521 et 1522 de Mélanchthon, tout en tendant à minimiser celle de Luther11.

L’année dernière (2017), Max Engammare a publié dans la Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance une étude approfondie dans laquelle il constate également que l’influence de Luther sur l’orientation de Calvin vers la Réforme, et sur son œuvre de réformateur dans son ensemble, était plutôt limitée12. Engammare examine aussi la présence des livres de Luther dans la bibliothèque de Calvin, analysant les quelques références explicites de Calvin à Luther dans ses écrits, commentaires et lettres. En résumé, il formule le résultat :

Si Calvin a peu cité les œuvres de Luther, c’est qu’il n’en avait pas beaucoup lu, contrairement à la critique, couverte parfois du voile de la sanctification qui couvre le grand homme, qui souligne une connaissance d’adoption. Evidemment, je ne saurais exclure que Calvin ait lu Luther les premières années de son engagement réformé, et il en a lu des pages et des livres, il a retenu ce qu’il a lu dans le Grand Catéchisme, mais qu’il ne cite pas Luther dans ses commentaires des épîtres pauliniennes, en particulier de l’Épître aux Romains, reste troublant au premier abord, pas au second, quand on lit le jeune Luther. Surtout, je le crois, Calvin n’a quasi jamais eu besoin des travaux de Luther pour ses œuvres dogmatiques et polémiques […]13.

Sans remettre en question le fait que Calvin a rapidement développé un modèle original de théologie de la Réforme, on ne saurait s’interdire de prendre au sérieux la question de sa réception de Luther. Ainsi Engammare fait-il lui-même mention de la lecture du commentaire des Galates de Luther par Calvin14. Le petit nombre de références explicites à Luther est facile à expliquer. Dans les premiers temps, elles sont complètement absentes, alors même que l’accueil de Luther peut être établi au même moment15 : Luther est un hérétique condamné par les autorités ecclésiastiques et soumis à la proscription impériale. Il n’était pas dans l’intérêt des réformateurs du cercle de Jacques Lefèvre d’Étaples, ni de Calvin, de lui être associés. Il fallait au contraire l’éviter à tout prix16. Calvin, en particulier, écrit son Institutio en 1535, comme le montre le discours de dédicace à François Ier, explicitement pour se défendre contre les reproches d’attitude rebelle, comme celle des anabaptistes. Au plus tard depuis son séjour chez Martin Bucer à Strasbourg de 1538 à 1541 – mais probablement bien plus tôt –, Calvin cherchait, dans la tradition de la théologie de la médiation de Bucer, une position de médiateur dans les conflits entre Luther et Mélanchthon d’une part, et Zwingli et Œcolampade, d’autre part. Là encore, il n’était pas dans son intérêt d’affaiblir son crédit de médiateur en se référant explicitement à Luther. Par la suite, avec le rapprochement de Genève et de Zurich dans le Consensus Tigurinus (1549) et les violentes attaques des disciples de Luther contre Calvin, une référence à Luther est devenue encore moins souhaitable17.

La prise en compte des arguments sur la compréhension de la Cène pour la réception de Luther par Calvin s’impose également dans la mesure où la plupart des références explicites à Luther sont faites dans ce contexte18. Il faut rappeler que Calvin se sent plus proche de Luther que de Zwingli en ce domaine. Il a présenté et diffusé la Concorde de Wittenberg de 153619, conclue par Bucer, Mélanchthon et Luther, mais avec laquelle Heinrich Bullinger, le successeur de Zwingli à Zurich, était en désaccord.

Sur la diffusion des textes de Luther en France dans les années 1520

Le 14 février 1519, l’imprimeur bâlois Johann Froben rapporte dans une lettre à Luther qu’il a envoyé à Paris 600 exemplaires d’un livre fraîchement imprimé20. Il s’agit d’un recueil des écrits de Luther en latin, imprimé à Bâle en 151821. Cela prouve que dès 1519, les écrits de Luther sont largement diffusés à Paris. Francis Higman a montré que des versions latines de l’interprétation par Luther du Décalogue, du Notre Père, du Credo et d’autres textes similaires visant à la piété pratique ont été diffusées en France à partir de 1525 – souvent sans que le nom de l’auteur soit mentionné22. Ainsi, le Betbüchlein de Luther de 1522 est-il imprimé en 1525 en traduction latine sous le titre Precationum aliquot et piarum meditationum Enchiridion par Johann Herwagen à Strasbourg23. Dans cette édition, d’autres textes de Luther sont ajoutés24. Fin août 1529, une autre édition latine du Betbüchlein est publiée, contenant plusieurs nouvelles pièces, dont la première traduction latine du Petit Catéchisme récemment paru25. Les Catéchismes de Luther étaient déjà imprimés dans plusieurs éditions latines l’année de leur publication, en 152926.

Dès août 1524, à l’initiative de Guillaume Farel, une version française des œuvres correspondantes, dont certaines reprennent les textes de Luther, paraît sous le titre Le Pater noster et le Credo en françoys27. L’année suivante, l’Oraison de Jesuchrist est imprimée à Paris par Simon de Colines, qui y offre d’autres textes de Luther en traduction française28. Après les persécutions des protestants durant l’emprisonnement de François Ier à Madrid en 1525, à l’été 1528, un autre recueil comportant ces textes sort à Paris sous le titre Le liure de vraye et parfaicte oraison, qui connaît par la suite de nombreuses nouvelles éditions avec divers changements et additions29. Bien que les ­références à Luther soient évitées dans ces livrets, ils représentent probablement la forme la plus étendue de la réception des idées de Luther en France.

Cette diffusion précoce et relativement étendue des écrits de Luther signifie qu’ils ont été lus et reçus au sein du « cercle de Meaux », bibliste et humaniste, autour de l’évêque Guillaume Briçonnet, du prédicateur Gérard Roussel et du professeur Jacques Lefèvre d’Étaples, tant avant son séjour à Strasbourg que plus tard. Bien qu’il y ait eu des points de vue différents dans le cercle sur la question de savoir s’il fallait prendre le risque de la rupture avec l’Église traditionnelle, comme ce fut le cas dans les années 1520 à la suite de l’entrée en scène de Luther, ceux qui voulaient éviter cette rupture, comme Gérard Roussel, avaient aussi des positions correspondant à bien des égards aux écrits de Luther. Le but commun : encourager et permettre aux non-clercs d’étudier la Bible. Comme en Allemagne avec Luther, les Saintes Écritures sont donc traduites en langue vernaculaire. Les cérémonies telles que les pèlerinages, la vénération de reliques ou d’images et la participation à la messe sont dépréciées en faveur d’une dévotion orientée vers l’intériorité et la spiritualité. L’accueil réciproque de Luther et de Lefèvre d’Étaples, avant même son exil à Strasbourg, a encore récemment été souligné30. D’autres membres du cercle, comme Briçonnet, ont gardé leurs distances ou marqué leurs divergences. Cependant, il n’y a aucun doute sur leur connaissance approfondie des écrits latins de Luther. Cela signifie que Calvin est probablement lui aussi entré en contact avec les écrits de Luther avant même son divorce d’avec le cercle de Lefèvre d’Étaples et Roussel31. Calvin se comprenait lui-même comme appartenant à ce cercle, ce qu’illustre l’expression « notre G[érard] » dans une lettre du 27 octobre [1533]32.

La dureté de la polémique ultérieure de Calvin contre le nicodémisme33 trouve son explication dans son expérience personnelle. Dans l’avant-propos du Commentaire des Psaumes de 1557, Calvin raconte qu’il lui a fallu du temps pour se libérer de la superstition papale (« superstitionibus papatus magis pertinaciter addictus »)34. Dans le traité Des scandales, il explique que la polémique entre Luther et Zwingli (ou Œcolampade) y a joué un rôle important. La dispute des principaux réformateurs au sujet de la compréhension des sacrements, c’est-à-dire de la Cène du Seigneur, s’est avérée constituer un obstacle pour lui comme pour beaucoup d’autres :

Je puis dire que j’ay experimenté à mon dommage quel artifice et cautelle de Sathan ç’a esté pour tenir en suspend les consciences craintives. Mais comme j’ay depuis cognu que j’avoye esté plus retardé par ma faulte propre que retenu de quelque empeschement raisonnable, aussi je ne feray nulle difficulté d’en dire autant des autres35.

Dans une réplique adressée en 1556 au luthérien Joachim Westphal, Calvin témoigne également de sa proximité avec la position de Luther sur la question :

Car commenceant un peu à sortir des tenebres de la Papauté, et ayant prins quelque petit goust à la saine doctrine, quand je lisoye en Luther qu’Oecolampade et Zvingle ne laissoyent rien ès Sacremens que des figures nues et representations sans la verité, je confesse que cela me destourna de leurs livres, en sorte que je m’abstin long temps d’y lire36.

Il est certain que Calvin n’évoque pas ici la période postérieure à 1538, lorsqu’il s’est rallié à la théologie bucérienne de l’union. Il se réfère en effet au colloque de Marbourg au début d’octobre 1529, où Luther, Zwingli, Œcolampade et autres, quoiqu’adversaires, sont parvenus à un accord partiel. Avant qu’il ait lui-même pris position par écrit, les opposants de Marbourg avaient retranché les points les plus clivants de leur argumentation37. À mon avis, cela doit être compris de telle manière que très tôt, c’est-à-dire avant 1529, Calvin a déjà pris note de la critique de Luther sur la doctrine romaine du sacrifice de la messe, mais qu’il lui a fallu encore du temps, notamment à cause de la dispute évangélique intérieure sur la Cène, avant de renoncer aux compromis des réformistes autour de Lefèvre d’Étaples et de sortir de l’Église romaine.

La fréquentation par Calvin des écrits de Luther ne commence pas avec sa séparation claire de l’Église romaine, elle doit être supposée dès la fin des années 1520 ou au début des années 1530. La lecture des écrits de Luther dans le cercle constitué autour de Lefèvre d’Étaples38, le contact avec l’helléniste allemand Melchior Wolmar39 pendant ses études de droit à Orléans et à Bourges40, ainsi que la forte présence des idées luthériennes à proximité des écoles de droit d’Orléans et de Bourges avec leurs nombreux étrangers41 en témoignent.

De plus, les témoignages conservés antérieurs à 1534 ont fait considérer l’interprétation tardive que donne Calvin de son passage à la Réforme – en 1557, à vingt-cinq ans de distance –, comme une stylisation (semblable à ce que nous savons de Luther)42. Calvin parle d’une « subita conversio ad docilitatem », mais il s’agit en fait d’un processus de détachement de l’Église romaine, qui a duré plusieurs années et qui s’est déroulé en différentes phases. Il a commencé à suivre les idées humanistes-réformistes à la fin des années 1520. Ces idées ont été renforcées et se sont modifiées après les événements de Paris en 1533, lorsque les affrontements entre les théologiens de la Sorbonne et les réformateurs autour de Lefèvre d’Étaples, Gérard Roussel et la sœur du roi, Marguerite de Navarre, ont atteint leur paroxysme43. Fin 1533, la réception par Calvin des écrits de Luther et d’Érasme est largement attestée. Mais même alors, il faut encore un certain temps avant que Calvin ne divorce clairement d’avec l’Église romaine. Ce n’est qu’entre 1534 et 1535 que son cheminement diverge de ceux de Lefèvre d’Étaples et de Gérard Roussel. Au cours de ces années, la confrontation de Calvin avec les « nicodémites » devint un thème majeur, notamment dans les Epistolae duae de 153744. Il est important de le souligner : ce n’est pas seulement à cette date que la réception par Calvin des écrits de Luther doit être supposée, ce processus a déjà commencé dans les années 1520, comme pour les autres membres du cercle recherchant la réforme de l’Église.

Érasme et Luther dans le discours du recteur Nicolas Cop du 1er novembre 1533

Il existe à présent un consensus parmi les historiens au sujet du discours prononcé le 1er novembre 1533 par Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris, à l’ouverture du semestre : ce discours a été pour l’essentiel rédigé par son ami Jean Calvin45. Ce discours du recteur est le premier texte qui permet de mesurer la réception de Luther par Calvin. Il consiste essentiellement en une interprétation de l’Évangile du jour de la Toussaint, les Béatitudes en Matthieu 5,1-12. Calvin reprend les préfaces d’Érasme de Rotterdam au Nouveau Testament et assimile l’Évangile au sens érasmien avec la « philosophie chrétienne »46. Il interprète ensuite les Béatitudes dans le sens de Luther, à partir de la distinction entre la Loi et l’Évangile. Comme Luther dans son sermon du 1er novembre 1522 sur la péricope de Matthieu 5, Calvin souligne que les Béatitudes ne sont pas une récompense pour l’accomplissement des commandements divins, mais une incitation par les « promesses les plus bonnes et les plus douces »47. Dans les passages suivants, Calvin résume l’interprétation de Luther avec précision et, en partie, littéralement :

L’Évangile est donc la bonne nouvelle et la prédication salvifique du Christ, qu’il a été envoyé par Dieu le Père pour nous aider tous et pour nous donner la vie éternelle. La loi est écrite dans des règlements ; elle menace et contraint, et elle ne promet aucune bienveillance. L’évangile, d’autre part, ne travaille pas avec des menaces et n’impose aucun commandement, mais enseigne plutôt la très grande bienveillance de Dieu envers nous. Ainsi, quiconque veut interpréter l’évangile proprement et honnêtement doit tout faire selon la description de la loi et de l’évangile. Si l’on ne suit pas ce genre d’interprétation, on ne fera jamais vraiment de progrès dans la philosophie chrétienne. Les méchants sophistes qui battent la paille, se jettent avec des chicanes de mots, mais n’ont rien à dire sur la foi, rien sur l’amour de Dieu, rien sur la justification et les véritables bonnes œuvres, tombent constamment dans cette erreur48.

Calvin ne parlait pas allemand et n’avait donc pas pu lire le sermon de Luther dans sa langue originelle. Mais Bucer avait imprimé à Strasbourg, entre 1525 et 1528, une traduction latine de la Predigtpostille, une collection des sermons de Luther à laquelle Calvin a pu se référer, à moins qu’il n’ait utilisé la version améliorée de 153049. On se souvient que Calvin parlait encore, quelques jours auparavant, de « notre G[érard Roussel] »50, de sorte que le large recours à Luther dans le discours du recteur ne peut être interprété comme un indice d’éloignement du cercle autour de Lefèvre d’Étaples et de Gérard Roussel. Il ne faut pas poser ici de fausses alternatives : les acteurs du temps ne sont pas soit des adeptes du mouvement réformateur catholique, autrement dit de l’évangélisme d’un Lefèvre d’Étaples et d’un Roussel, soit des adeptes de Luther et de sa Réforme. Il faut plutôt supposer une réception progressive des écrits latins de Luther dans le mouvement évangélique français. Ce sont les imprimeurs de Bâle et de Strasbourg et, dans une certaine mesure, ceux d’Anvers, qui l’ont permise51.

En même temps, il faut considérer que la Réforme de Luther – mise à part sa critique sévère du pape – était relativement conservatrice et voulait éviter une transformation rapide et désordonnée du système ecclésial. Le fait que les premières formations d’Églises indépendantes de Rome aient déjà eu lieu au milieu des années 1520, plus vite que Luther ne l’avait prévu, est une conséquence de la structure fédérale de l’Empire, avec des États territoriaux qui pèsent fortement. C’est une particularité de la Réforme de Luther, la concentration sur la prédication de l’Évangile, que les réformés de Zurich et de Genève ont ensuite critiquée : selon eux, Luther n’avait réalisé que la ­reformatio doctrinae, c’est-à-dire la découverte de l’Évangile, non pas la ­reformatio vitae, c’est-à-dire la transformation du système ecclésial et de la vie individuelle selon les directives de Écritures saintes52.

De plus, l’ouverture et l’hétérogénéité des doctrines des années 1520 ne sauraient être trop soulignées. Dans les milieux réformistes gravitant autour de Lefèvre d’Étaples prévalait une grande diversité et les relations avec la maison royale étaient sujettes à des fluctuations considérables. L’accord se faisait autour d’une opposition de fond aux théologiens de la Sorbonne. Luther lui-même fut forcé à une rupture fondamentale par l’excommunication et la proscription impériale qu’il n’avait pas souhaitées. Au début des années 1520, il fut en outre contraint de lutter contre les radicaux issus de ses propres rangs, qui lui semblaient mettre en danger sa Réforme : d’abord, à partir de 1522, contre les « enthousiastes », puis, à partir de 1525 surtout contre Zwingli et d’autres critiques radicaux de la doctrine sacramentelle romaine.

Il est méthodologiquement problématique et inapproprié de faire de certaines questions doctrinales telles que la position vis-à-vis de l’« antinomisme » le critère de la proximité avec Luther. Dans son récent ouvrage sur la vie et l’œuvre de Calvin, Wilhelm H. Neuser pose constamment la question de savoir quand Calvin a surmonté l’« antinomisme » du cercle autour de Lefèvre d’Étaples et s’est rapproché de la Réforme de Wittenberg53. Les doctrines défendues par Lefèvre d’Étaples ne constituent pas de l’« antinomisme », et Luther ne peut être clairement localisé sur ce front. À la fin des années 1520, une querelle acharnée battait encore son plein dans le cercle le plus proche de Luther, lorsque son ami Johannes Agricola interprétait les enseignements de Luther de façon « antinomienne » par opposition à Mélanchthon, c’est-à-dire de telle sorte que la doctrine de la loi relevait du politique, alors que dans l’Église, il n’y avait que la proclamation de l’évangile.

La seule méthode fiable pour évaluer correctement la réception de Luther par Calvin est de trouver des mentions explicites de Luther dans l’œuvre de Calvin ou des reprises plus ou moins littérales des écrits de Luther. C’est, comme on l’a vu, le cas pour la première fois dans le discours du recteur du 1er novembre 153354.

L’œuvre principale de Calvin : la Christianae Religionis Institutio de 1536

Wilhelm H. Neuser tente de relativiser l’influence de Luther sur la conception et la mise en œuvre de l’Institutio Christianae Religionis au profit de celle de Mélanchthon55. Il peut prouver qu’à 26 ans Calvin a utilisé les Loci communes de Mélanchthon de 1521 et 152256. Mais cela ne change rien au fait que le plan de la première édition de l’Institutio de 1536 est basé sur le Petit Catéchisme de Luther et non sur celui des Loci communes. D’abord la loi de Dieu se déploie sous la forme du Décalogue, puis la confession de foi, la prière et les sacrements suivent. Cet ordre exprime l’idée fondamentale selon laquelle l’usus elenchticus legis est l’usage le plus important, l’usus theologicus legis, et que la loi de Dieu a pour fonction première de montrer à l’homme sa dépendance envers l’Évangile. Dans la deuxième édition de l’Institutio de 1539 Calvin modifiera ce déroulement.

Comme on l’a rappelé, Wilhelm Diehl avait déjà signalé, en 1898, de nombreuses reprises littérales de l’interprétation du Décalogue de Luther par Calvin57. Elles sont indéniables, en particulier dans l’interprétation des commandements de la deuxième table, même si là-dessus Calvin a eu aussi recours à Mélanchthon. Dans la plupart des commandements, la place que Calvin assigne à la formule « Nous craignons et aimons Dieu… », répétée par Luther dans chaque commandement, s’explique mieux par l’influence de Luther. Ceci est également vrai du fait que Mélanchthon lui-même a influencé la formule de Luther : même lorsque la formule est modifiée, comme dans l’interprétation du premier commandement, l’argumentation de Calvin est plus proche du texte de Luther que de celui de Mélanchthon. Luther dit : « Debemus Deum supra omnia timere, diligere et illi confidere58. » Calvin commence son interprétation en soulignant que ce commandement interdit la confiance (« fiducia ») en tout autre chose que Dieu. Vient ensuite la formulation : « Quin potius ipsum sic a nobis super omnia timeri et amari oportet […]59 ». Il manque à Mélanchthon l’expression « super/supra omnia ». Il est dit ici que « nous n’aimons rien et ne craignons rien d’autre que Dieu […]60 ».

Le texte latin de l’interprétation du Décalogue par Luther dans le cadre du Petit Catéchisme était à la disposition de Calvin61 et il aurait été tout à fait étrange qu’il ne l’ait pas consulté dans la rédaction de son propre condensé de la doctrine protestante. C’est d’autant plus vrai que l’ouvrage de Calvin a été perçu dès le début comme un catéchisme62. Calvin lui-même, dans une lettre du 1er octobre 1538, qualifiait aussi l’Institutio de catéchisme63. D’autres reprises littérales des écrits de Luther peuvent être repérées dans l’interprétation du premier article du Credo, où l’accent est mis sur la bonté paternelle et la douceur que Dieu procure à ses enfants64. De même, la position antérieure de l’Institutio de 1536 contre l’anabaptisme parle en faveur d’une orientation première du côté des catéchismes de Luther. Comme le montre la dédicace à François Ier, l’une des priorités de Calvin est de bien distinguer les protestants français des groupes anabaptistes65. Calvin a pu trouver son inspiration à ce sujet – surtout pour les parties relatives aux sacrements – dans les Catéchismes de Luther de 1529. En revanche, dans les Loci communes de Mélanchthon de 1521 et 1522, la démarcation contre l’anabaptisme ne joue pas encore de rôle.

Deux autres contextes dans lesquels l’influence de Luther sur l’Institutio est importante doivent encore être mentionnés. Dans le sixième et dernier chapitre de l’Institutio, Calvin annonce dès le titre son intention de parler de la « liberté chrétienne66 ». Cet affichage, ainsi que d’autres références67, doit être interprété comme un indice de l’influence du traité de Luther publié sous ce titre en 1520 en versions allemande et latine68.

Au plan du contenu, il existe une grande proximité entre les deux réformateurs sur un point doctrinal qui est au centre de l’enseignement de Luther. Celui-ci a décrit, dans le Traité de la liberté chrétienne, la foi comme une communion intime avec le Christ. Dans le champ lexical de la mystique, Luther décrit cette unio cum Christo et son effet sotériologique comme un « joyeux échange » (« fröhlicher Wechsel »)69.

Dans l’Institutio de 1559, Calvin, en proximité avec Luther, place l’union avec le Christ et avec son œuvre au centre de la sotériologie et de la doctrine chrétienne70. Déjà dans la première édition de l’Institutio de 1536, il suivait Luther : « C’est l’échange (commutatio) qu’il a fait avec nous dans sa bonté incommensurable : il a pris sur lui notre pauvreté et nous a transféré une richesse. Il a pris notre faiblesse sur lui et nous a fortifiés par sa force71. » La particularité de sa doctrine de la Cène, comme communion avec le Christ et les autres membres du corps du Christ, peut également être rapprochée de la perspective du jeune Luther72.

Dans la querelle eucharistique, Calvin s’appuie entre autres sur la doctrine du sacrement de Luther, telle qu’il l’a développée dans De captivitate babylonica ecclesiae praeludium de 1520. Ce texte latin est déjà connu au cours de la condamnation de Luther par la Sorbonne le 15 avril 1521, puisque, parmi les 104 condamnations de Luther, plusieurs en sont extraites73. Comme on l’a vu, Calvin a également parlé rétrospectivement de la querelle de Luther avec Zwingli au sujet de la Cène du Seigneur. Sur lequel des écrits, en majorité germanophones, Calvin s’est-il fondé ? ce point ne peut être établi avec certitude74. Cependant, dans son enquête sur la doctrine de la Cène chez Calvin, Wilhelm Niesel a montré que, dans l’Institutio de 1536, « Calvin suivait Luther jusque dans la terminologie75 ». Ce qui s’explique par la proximité (y compris littérale) de la compréhension par Calvin de la Cène comme un testamentum. Comme Luther, Calvin interprète la Cène du Seigneur à partir des paroles de l’institution transmises dans les Évangiles synoptiques et les épîtres pauliniennes. Les paroles d’institution de Jésus sont comprises comme un testament. L’importance centrale de la promesse et de la foi (promissio et fides) dans la théologie de la Cène offre des parallèles étroits76.

De plus, dans l’Institutio de 1536, la Cène du Seigneur est présentée comme un repas qui établit la communion avec le Christ ainsi qu’avec les chrétiens entre eux. Le terme utilisé pour décrire l’intimité et l’amour mutuel rappelle le premier Sermon sur l’eucharistie de Luther de 1519, dans lequel il décrit la Cène comme un repas de communion avec l’aide des lettres de Paul77. Comme Luther, Calvin utilise l’image du pain, composé de plusieurs grains, pour l’unité et la communion du corps du Christ78. Thomas Wolff à Bâle a publié 1524 une traduction latine de ce sermon, que Calvin a dû lire79.

L’élaboration de la réception de Luther par le jeune Calvin ne doit pas occulter un fait essentiel : malgré toute l’influence de Luther, Calvin a élaboré dès le début une théologie originale de la Réforme. C’est particulièrement évident dans des contextes où l’influence de Luther est palpable. Ainsi, Calvin a immédiatement compris l’interdiction des images d’une manière indépendante et différente de celle de Luther. Dans la doctrine de la Cène, il y a aussi, dès le début, une réserve par rapport à la forte insistance de Luther sur la présence substantielle et complète du Christ dans la Cène. D’autres influences comme celles de Mélanchthon et surtout de Bucer ou ­d’Augustin doivent être bien prises en compte. L’influence de Luther sur Calvin, cependant, ne doit pas être sous-estimée. Cela est corroboré par le fait que cette proximité a été perçue d’un œil critique par les contemporains. Le 28 décembre 1554, Johannes Haller de Berne écrivait à Heinrich Bullinger : « Je suis très heureux que vous gardiez vos distances avec Calvin. Parce qu’il semble toujours prendre trop la défense de Luther et de Bucer80. » Calvin lui-même a clairement abordé certains aspects qu’il jugeait problématiques dans l’œuvre de Luther, sans parler de son caractère81. En même temps, il le considère clairement comme celui qui a restauré la pureté de l’Évangile :

Comme par le passé, nous témoignons maintenant sans équivoque que nous le considérons comme un excellent apôtre du Christ. C’est par son travail et son ministère que la pureté de l’Evangile a été restaurée en notre temps82.

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1. Pour la perspective française au xixe et au début du xxe siècle, voir Christoph Schönau, Jacques Lefèvre d‘Étaples und die Reformation, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 2017 (Quellen und Forschungen zur Reformationsgeschichte, 91), p. 26-45.

2. Pierre Chaunu, Le temps de Réformes. La Crise de la chrétienté. L’Éclatement (1250-1550), Paris : Fayard, 1975 ; cf. Jean Delumeau, Naissance et affirmation de la Réforme, Paris : PUF, 1965 (7e éd. 1994) ; Bernard Chevalier, Robert Sauzet (éd.), Les Réformes. Enracinement socioculturel, Paris : Éditions de La Maisnie, 1985. Heinz Schilling est d’accord avec cette expansion, mais il n’admet pas que la période des réformes s’achève au milieu du xvie siècle ; il y inclut explicitement la période de confessionnalisation (voir Heinz Schilling, « Reformation – Umbruch oder Gipfelpunkt eines Temps des Réformes ? », dans Bernd Moeller, Stephen E. Buckwalter (éd.), Die frühe Reformation in Deutschland als Umbruch. Wissenschaftliches Symposium des Vereins für Reformationsgeschichte 1996, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1998, p. 13-34, ici p. 29).

3. H. Schilling, « Reformation » (note 2), p. 13.

4. Pour une tentative d’interprétation des différences entre les Réformes de Calvin et de Luther à partir d’un contexte historique différent – la concurrence avec la Contre-Réforme jésuite et tridentine et la situation des réfugiés –, voir Heiko A. Oberman, Zwei Reformationen. Luther und Calvin – Alte und Neue Welt. Trad. de l’anglais par Christian Wiese, révision et postface par Manfred Schulze, Berlin : Siedler, 2003, p. 145-233, en particulier p. 145-156 et 163-169.

5. Aperçu bibliographique dans Alexandre Ganoczy, Le jeune Calvin. Genèse et évolution de sa vocation réformatrice, Wiesbaden : Franz Steiner, 1966, p. 138, n. 6 ; Willem van’t Spijker, « The influence of Luther on Calvin according to the Institutes », dans B. J. van der Walt (éd.), John Calvin’s Institutes. His Opus Magnum. Proceedings of the Second South African Congress of Calvin Research July, 31-August, 3, 1984, Potchefstroom : Potchefstroom University for Christian Higher Education, 1986, p. 83-105, ici p. 83, n. 1.

6. Abel Lefranc, La jeunesse de Calvin, Paris : Fischbacher, 1888, p. 39s.

7. « Il faut donc faire dans la formation théologique de Calvin une très large part à l’influence forte et soutenue de la lecture de Luther. […] Que cette autorité ait été plus que passagère, et qu’elle ait contribué à la formation des opinions définitives de Calvin sur les questions les plus graves de sa théologie, les spécialistes semblent le reconnaître, et accroître par là-même l’importance des lectures de Luther que Calvin a faites en France. » (Will Grayburn Moore, La Réforme allemande et la littérature française. Recherches sur la notoriété de Luther en France. Thése présentée pour le doctorat ès lettres de l’Université de Strasbourg, Strasbourg 1930, p. 321s). Cf. Reinhold Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, vol. IV/2, 4e éd., Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1954, p. 556 : « Luthers Gedanken sind für ihn als Theologen im ganzen wie im einzelnen maßgebend geworden. »

8. Cf. Wilhelm Diehl, « Calvins Auslegung des Dekalogs in der ersten Ausgabe seiner Institutio und Luthers Katechismen », Theologische Studien und Kritiken 71 (1898), p. 141-162.

9. Cf. August Lang, Die Bekehrung Johannes Calvins. Neudruck der Ausgabe Leipzig 1897, Aalen, Scientia, 1972, en particulier p. 43-57 ; Id., « Die Quellen der Institutio von 1536 », Evangelische Theologie 3 (1936), p. 100-112 ; Wilhelm Niesel, Calvins Lehre vom Abendmahl, 2e éd., München : Chr. Kaiser, 1935 ; cf. aussi François Wendel, Calvin. Source et évolution de sa pensée religieuse, Paris : PUF, 1950, p. 95-102 ; Thomas Kaufmann, « Luther und Calvin – eine Reformation », dans Stefan Ehrenpreis et al. (éd.), Wege der Neuzeit. Festschrift für Heinz Schilling, Berlin : Duncker & Humblot, 2007, p. 73-96.

10. Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole. Étude de rhétorique réformée, Paris : Champion, 1992 (Bibliothèque littéraire de la Renaissance, 3e série, t. 28).

11. Cf. Wilhelm H. Neuser, Johann Calvin – Leben und Werk in seiner Frühzeit 1509-1541, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 2009.

12. Cf. Max Engammare, « Ce que Calvin a lu de Luther », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance 79 (2017), p. 573-597.

13. Ibid., p. 594s.

14. Cf. ibid., 585, n. 60 ; voir aussi Juha Mikkonen, Luther and Calvin on Paul’s Epistle to the Galatians. An Analysis and Comparison of Substantial Concepts in Luther’s 1531/35 and Calvin’s 1546/48 Commentaries on Galatians, Åbo : Åbo Akademis Förlag, 2007. Luther n’a pas publié lui-même de commentaire sur l’Épître aux Romains. Son interprétation de la lettre aux Romains dans le cours magistral de 1515/16 est restée inédite.

15. Herman J. Selderhuis a récemment reproduit certains de ces passages : « Luther und Calvin », dans Alberto Melloni (éd.), Martin Luther. Ein Christ zwischen Reformen und Moderne (1517-2017), vol. 1, Berlin, Boston : De Gruyter, 2017, p. 421-436, ici p. 424-427. Il convient de noter en particulier la lettre de Calvin à Heinrich Bullinger de novembre 1544, éd. dans CO 11, p. 772-775.

16. Déjà le 15 avril 1521, Luther avait été condamné par les théologiens de la Sorbonne (voir Martin Brecht, Luther, vol. 1 : Sein Weg zur Reformation 1483-1521, [1981], 3e éd., Stuttgart : Calwer Verlag, 1990, p. 321s). Avant même les persécutions résultant de l’« affaire des placards » de 1534, le roi avait publié un édit le 19 décembre 1533, selon lequel toute personne accusée d’hérésie luthérienne par deux témoins devait être punie de la mort par le feu. Martin Bucer en fait état dans une lettre à Ambrosius Blarer datée du 18 janvier 1534 : « On lit également un édit selon lequel toute personne condamnée comme luthérienne par deux témoins doit être brûlée immédiatement. La question n’est pas différente de celle de l’Inquisition espagnole. » (éd. dans Briefwechsel der Brüder Thomas und Ambrosius Blaurer, éd. Traugott Schiess, vol. 1, Freiburg i. Br. : Fehsenfeld, 1908, n° 390, p. 460) ; voir en outre Neuser, Calvin (note 11), p. 93.

17. Il est à noter que Calvin a revendiqué son indépendance par rapport à Luther dans une lettre adressée à Heinrich Bullinger à Zurich cette année encore (voir Calvin à Bullinger, 21/1/1549, dans CO 13,165).

18. Cf. l’aperçu des citations concernées : Selderhuis, « Luther et Calvin » (note 15), p. 428s.

19. Cf. Jean Calvin, Petit traicté de la saincte cene [1541], CO 5, p. 433-460 ; OS 1, p. 503-530.

20. WA.Briefe 1, n° 146, p. 331-335, ici 332,4-6 ; cf. Hans-Helmut Peters, Luthers Einfluß und deutsche Lutheraner in Frankreich während des 16. Jahrhunderts. Studien zur Geschichte des Luthertums und des Deutschtums in Frankreich, Sonderdruck aus dem Jahrbuch 1939 « Auslanddeutschtum und evangelische Kirche », éd. Ernst Schubert, Berlin 1939, p. 10-12 ; Schönau, Lefèvre d’Étaples (note 1), p. 147, note 19. La lettre montre que certains des livres livrés à Paris étaient destinés au marché espagnol.

21. M. Luther, Ad Leonem X. Pontificem Maximum Resolutiones disputationum […], Bâle : Johann Froben, 1518 [VD 16 L 3407] ; WA 60, p. 607s. ; arguments en faveur de Capiton comme éditeur probable de l’édition : Thomas Kaufmann, Der Anfang der Reformation. Studien zur Kontextualität der Theologie, Publizistik und Inszenierung Luthers und der reformatorischen Bewegung, [2012], 2e edition, Tübingen : Mohr Siebeck, 2018, p. 331-333 ; Sven Grosse, « Die Emergenz lutherischer Theologie in Basel. Capitos Lutherausgabe von 1518 », dans Christine Christ-von Wedel et al. (éd.), Basel als Zentrum des geistigen Austauschs in der frühen Reformationszeit, Tübingen : Mohr Siebeck, 2014, p. 149-177 ; cf. Schönau, Lefèvre d’Étaples (note 1), p. 128s et 147-158 ; sur l’importance de Bâle en tant que site d’impression pour la francophonie, voir Peter G. Bietenholz, Basel and France in the Sixteenth Century. The Basle Humanists and Printers in Their Contacts with Francophone Culture, Genève : Droz, 1971.

22. Cf. Francis M. Higman, « Luther et la piété de l’Église Gallicane. “Le Livre de vraye et parfaicte oraison” », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 63 (1983), p. 91-111 ; cf. aussi Id., « Les traductions françaises de Luther, 1524-1550 » [1984], in Lire et découvrir. La circulation des idées au temps de la Réforme, Genève : Droz, 1998, p. 201-232.

23. Cf. Martin Luther, Precationvm aliqvot et piarum meditationum Enchiridion, quarum catalogum uersa pagella inuenies, Strasbourg : Johann Herwagen, 1525.

24. Une copie de cet ouvrage figurait parmi les écrits confisqués à Louis Berquin à Paris en mars 1526 (voir F. Higman, « Luther et la piété » [note 22], p. 92).

25. Cf. WA 10/II, p. 343.

26. Cf. Lutheri Catechismus, Latina donatus ciuitate, Marburg : Ioannes Lonicerus, 1529 ; Martini Lutheri Theologi, Catechismus, lectu dignißimus, latinus factus per Vincentium Obsopœum. Huic adiecti sunt alij quoque gemini Catechismi, Iohannis Brentij Ecclesiastæ Hallensis, eodem interprete, Hagenau, 1529 (vgl. WA 30/I, p. 507).

27. Guillaume Farel, Le Pater noster et le Credo en françoys, éd. Francis M. Higman, Genève : Droz, 1982 ; partiellement repris de là (sans référence à la qualité d’auteur de Luther dans les parties respectives) dans Le Chevalier de Berquin, Brefve admonition de la maniere de prier, Le Symbole des Apostres de Jesuchrist, éd. E.V. Telle, Genève : Droz, 1979 ; cf. Higman, « Les traductions françaises » (note 22).

28. Sur les écrits de Luther, voir F. Higman, « Luther et la piété » (note 23), p. 92. Higman a décrit l’Oraison de Jesuchrist comme « la présentation la plus explicite de la pensée de Luther à un public français pendant toute la première période de la réforme » (ibid.).

29. Le liure de vraye et parfaicte oraison, Paris [par maistre Simon Du Bois, pour Chrestien Wechel], 1528 ; pour plus d’informations sur les autres éditions (Paris 1529, Paris 1530, Anvers 1534, Anvers 1538, Paris 1539, Paris 1540, Paris 1540, Poitiers 1542, Paris 1543, Lyon 1543, Lyon [1544 ?], Anvers 1545, Paris 1545), voir Higman, « Luther et la piété » (note 22), p. 94-98.

30. Cf. Schönau, Lefèvre d’Étaples (note 1), p. 159-195.

31. Lefèvre d’Étaples devient bibliothécaire de la Bibliothèque royale de Blois en 1526 après son retour d’exil à Strasbourg, et il s’installe en 1529 à Nérac, où il passe ses dernières années à la cour de Marguerite, devenue reine du reste de la Navarre en 1527 – sans rompre avec l’Église catholique romaine.

32. « Mitto epitomen alteram G[erardi] nostri, cui velut appendicem assuere decreveram quod ab illis prioribus commentariis abruptum erat, nisi me tempus defecisset » (Calvin à de Thoury [?] et à [François] Daniel, 27/10/[1533], dans Cornelis Augustijn, Frans Pieter van Stam (éd.), Ioannis Calvini Epistolae, vol. 1 [1530-sep. 1538], [COR VI/1], Genève : Droz, 2005, p. 83,18-21). D’autres références et documents relatifs à l’influence de Lefèvre d’Étaples sur Calvin sont inclus : Neuser, Calvin (note 11), p. 71-76. La thèse de Neuser selon laquelle Calvin aurait écrit six sermons en 1534 pour un recueil de sermons publié sous le nom de Lefèvre d’Étaples n’est guère convaincante, ne serait-ce que pour des raisons philologiques (voir Neuser, Calvin [note 11], p. 117-143 ; cf. aussi Guy Bedouelle, Franco Giacone, éd., Lefèvre d’Étaples et ses disciples. Epistres et Evangiles pour les cinquante et deux dimenches de l’an. Texte de l’édition Pierre de Vingle. Édition critique avec introduction et notes, Leiden : Brill, 1976).

33. Cf. en particulier Jean Calvin, Des scandales. Édition critique par Olivier Fatio, avec la collaboration de C. Rapin, Genève : Droz, 1984.

34. « Ac primo quidem, quum superstitionibus papatus magis pertinaciter addictus essem, quam ut facile esset e tam profundo luto me extrahi, animum meum, qui pro aetate nimis obduruerat, subita conversione ad docilitatem subegit. Itaque aliquo verae pietatis gustu imbutus tanto proficiendi studio exarsi, ut reliqua studia, quamvis non abiicerem, frigidius tamen sectarer. Necdum elapsus erat annus quum omnis purioris doctrinae cupidi ad me novitium adhuc et tironem discendi causa ventitabant. » (J. Calvin, In librum Psalmorum commentarius, 1557, CO 31, p. 21).

35. Calvin, Des scandales (note 33), p. 168.

36. « Quum enim a tenebris papatus emergere incipiens, tenui sanae doctrinae gustu concepto, legerem apud Lutherum, nihil in sacramentis ab Oecolampadio et Zvinglio reliquum fieri praeter nudas et inanes figuras, ita me ab ipsorum libris alienatum fuisse fateor, ut diu a lectione abstinuerim » (Johannes Calvin, Secunda defensio […] de sacramentis fidei, contra J. Westphali calumnias, Genève, 1556, CO 9, p. 51).

37. « Porro antequam scribere aggressus sum, Marpurgi inter se colloquuti aliquid ex priore vehementia remiserant, ut si nondum plane esset serenitas, aliquantulum tamen discussa esset densior caligo » (CO 9, p. 51).

38. Voir supra p. 75.

39. En 1548, Calvin dédie son commentaire de la 2e Épître aux Corinthiens à Melchior Wolmar (CO 50, p. 1-156) (voir CO 12, p. 364s). Dans le discours de dédicace, il souligne l’importance extraordinaire de ce professeur de la langue et de la littérature grecques. Malgré l’adhésion notoire de Wolmar aux idées de Luther, vivement critiqué par ses adversaires et loué par Théodore de Bèze comme biographe de Calvin, Calvin n’écrit pas une seule ligne sur une possible influence de ce professeur sur son passage à la Réforme. Cela correspond bien avec le fait qu’il lui a fallu plusieurs années de plus pour se libérer enfin de « la boue de la superstition romaine » (voir supra note 34).

40. Cf. Chr. Strohm, « Sixteenth Century French Legal Education and Calvin’s Legal Education », dans Brian C. Brewer et David M. Whitford (éd.), Calvin and the Early Reformation, Leiden/Boston : Brill, 2020, p. 44-57.

41. Cf. Gaston Bonet-Maury, « Le protestantisme français au xvie siècle dans les universités d’Orléans, de Bourges et de Toulouse », BSHPF 38 (1889), p. 86-95, 322-330 et 490-497 ; Chr. Strohm, Ethik im frühen Calvinismus. Humanistische Einflüsse, philosophische, juristische und theologische Argumentationen sowie mentalitätsgeschichtliche Aspekte am Beispiel des Calvin-Schülers Lambertus Danaeus, Berlin, New York : De Gruyter, 1996, p. 228-231. Voir, dans le présent numéro de la RHP, l’article de Frédéric Barbier, « La bibliothèque de la Nation Germanique d’Orléans : quelques balises pour une histoire ».

42. Le commentaire du De clementia de Sénèque écrit par Calvin en 1532 contient tout aussi peu d’indices d’une attitude réformatrice que son écrit sur le sommeil de l’âme (« Psychopannychia ») rédigé au début des années 1530.

43. Les théologiens de la Sorbonne s’offusquaient des sermons de Roussel qui, en tant que confesseur de la sœur du roi, avait une influence notoire à Paris. Dans ce contexte, Le miroir de l’âme pécheresse est censuré et même mis à l’index (voir Neuser, Calvin [note 11], p. 85s.). Le 1er octobre 1533, une pièce est jouée au Collège de Navarre, dirigée contre le cercle de Roussel et de Lefèvre d’Étaples, qui met même en scène la sœur du roi de façon satirique (cf. ibid., p. 83-85). Neuser interprète le discours du recteur, de Calvin, comme une réaction (« contre-attaque ») des « fabristes » à la pièce (cf. ibid., p. 86).

44. OS 1, p. 287-362.

45. Édition du discours : Johannes Calvin, « Concio academica » [1533], CO 10/II, p. 30-36 ; OS 1, p. 4-10 ; cf. la présentation de la discussion par Hans Scholl dans l’introduction à la réimpression du discours, dans CStA 1/I, p. 7-9 ; sur la preuve de la rédaction de Calvin cf. Jean Rott, « Documents strasbourgeois concernant Calvin. I. Un manuscrit autographe : La harangue du recteur Nicolaus Cop », dans Marijn de Kroon, Marc Lienhard (éd.), Investigationes historicae, vol. 2, Strasbourg, 1986, p. 266-287.

46. Cf. l’analyse approfondie et la preuve des échos d’Érasme et de Luther : Lang, Conversion (note 8), p. 43-57 ; sur Érasme, voir en particulier le synopsis du texte d’Érasme et de Calvin p. 46 n. 1.

47. Cf. WA 10/III, p. 400,3-15 ; cf. aussi WA 10/III, p. 401, 16-25.

48. « Concio academica », OS 1, p. 5,25-6,1 ; traduction d’après CStA I/1, p. 13,21-35.

49. Cf. Gottfried Seebaß (éd.), Martin Bucer (1491-1551). Bibliographie, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 2005, p. 41s, 47s., 50, nº 12-15, 23, 27 ; voir en particulier M. Luther, Enarrationes quas Postillas vocant, in lectiones illas quae ex Evangelicis historijs, Apostolorum scriptis […] desumptae […], Strasbourg, 1528, fol. 441a ; Enarrationes seu postillae Martini Lutheri in lectiones, quae ex Evangelicis historijs, Apostolorum scriptis, alijsque S. Scripturae literis desumptae per universum annum, tam in diebus dominicis, quam divorum memoriae sacris, super missam faciendum, recitantur, ad Ioan. Hervagij exemplar, fidelius tamen atque diligentius quam antehac recognitae et excusae, Strasbourg, 1530, fol. 444b ; sur la question des éditions utilisées par Calvin, voir Niesel, Abendmahl (note 9), p. 24s, note 13.

50. Voir supra note 32.

51. Voir déjà de manière exhaustive Moore, La Réforme allemande (note 7) ; cf. Bietenholz, Bâle et France (note 21).

52. Cf. Christoph Strohm, « Theokratisches Denken bei calvinistischen Theologen und Juristen am Beginn der Moderne ? », dans Kai Trampedach, Andreas Pečar (éd.), Theokratie und theokratischer Diskurs. Die Rede von der Gottesherrschaft und ihre politisch-sozialen Auswirkungen im interkulturellen Vergleich, Tübingen : Mohr Siebeck, 2013, p. 389-408, ici p. 394-400.

53. Cf. Neuser, Calvin (note 11), p. 102, 104, 123 s., 127s., 133, 140-144 et 175. Neuser ne voit l’« antinomisme » de Calvin surmonté que dans les préfaces de la Bible d‘Olivétan de 1535 : « Die vorstehende ausführliche Analyse ist dadurch gerechtfertigt, dass Calvin seit der Olivétanbibel von 1535 zu einem radikalen Bekämpfer des Antinomismus wird » (ibid., p. 128). Dans le chapitre « Calvin und der Antinomismus der Gruppe von Meaux in den Jahren 1533/34 » (ibid., p. 140-144), Neuser tente, sans arguments convaincants, de définir l’« antinomisme » et de le retrouver chez Calvin. L’idée selon laquelle ce n’est pas la loi mais l’« humilité » qui est le début du chemin du salut est appelée « concept d’antinomie » (ibid., p. 141). L’accent mis sur la communion mystique avec le Christ au-delà de la mystique du Christ de l’apôtre Paul est également considéré comme une caractéristique des enseignements du cercle de Lefèvre d’Étaples. « Calvin, so muss man schließen, steht im Bannkreis des ‚Evangelisme‘ von Meaux, seines Antinomismus und seiner Mystik. » À la fin du processus de réflexion, Neuser diagnostique la prise de distance de Calvin : « Im nächsten Jahre hat Calvin sich vom Kreis von Meaux gelöst, wenngleich Anklänge an dessen Denken bleiben » (ibid., p. 142). Ce qui est conçu ici comme antinomisme et accent sur la communion avec le Christ, deux caractéristiques du cercle autour de Lefèvre d’Étaples, peut être décrit comme des particularités de l’enseignement de la Réforme des premiers luthériens. Que Calvin soit arrivé à une nouvelle évaluation du droit par rapport à Luther ne devient tangible que dans la deuxième édition de l’Institutio de 1539. Ici, contrairement à Luther, l’usus elenchticus legis n’est plus le plus important, l’usage théologique de la loi. Calvin appelle maintenant l’usus legis in renatis l’usus praecipuus legis (Institutio [1539], CO 1, p. 433 ; cf. aussi Institutio [1536], OS 1, p. 62s ; Institutio [1559] II,7,12-17).

54. Thomas Kaufmann a attiré l’attention sur les parallèles entre la préface de la Bible d’Olivétan, que l’on peut attribuer à Calvin, et l’écrit de Luther Daß Jesus Christus ein geborener Jude gewesen sei (WA 11, p. [307]314-336) (cf. Th. Kaufmann, Eine Geschichte der Reformation, München : Beck, 2016, p. 230 avec note 40). Après une première traduction latine, imprimée à Wittenberg en 1524, une autre, préparée par Johannes Lonicer, paraît à Strasbourg en 1525 (cf. WA 11, p. 310). Calvin a dû voir celle-ci.

55. Voir Neuser, Calvin (note 11), p. 202-245, en particulier p. 212-215 (« B. Gesetz und Evangelium – die verfehlte Ableitung von Luthers Katechismus »).

56. Ibid., p. 175, 202, 202, 221s et 225-227.

57. Voir Diehl, « Calvins Auslegung » (note 8) ; voir aussi Ganoczy, Le jeune Calvin (note 5), 140s.

58. Irene Dingel (éd.), Die Bekenntnisschriften der Evangelisch-Lutherischen Kirche. Vollständige Neuedition, im Auftrag der Evangelischen Kirche in Deutschland, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 2014, p. 863 (souligné par moi, CS).

59. OS 1, p. 42 (souligné par moi, CS).

60. Cf. Philipp Mélanchthon, Loci communes 1521, Lateinisch-Deutsch. Traduit et annoté par Horst Georg Pöhlmann, Gütersloh : Gütersloher Verlagshaus, 1993, § 3,50, p. 112s ; cf. Martin Luther, Sermon von den guten Werken, 1520, WA 6, p. 209, 24-29. Diehl a établi un parallèle presque littéral entre l’interprétation du commandement du sabbat par Calvin et celle du Sermon von den guten Werken de Luther (cf. Diehl, Calvins Auslegung [note 8], p. 158s.). Après deux éditions de la traduction latine du Sermon von den guten Werken publiée en 1521 à Wittenberg, une troisième fut imprimée en 1525 à Bâle par Thomas Wolff (cf. WA 6, p. 199s). Calvin devait le savoir.

61. Voir supra p. 74.

62. C’est ainsi que l’imprimeur bâlois Johannes Oporinus a qualifié l’œuvre de « catéchisme » dans une lettre du 25 mars 1537 (COR 6/I, p. 188,20). Voir, note 5, une preuve supplémentaire de la désignation de l’Institutio comme catéchisme.

63. Voir Calvin à Antoine Du Pinet, 1/10/1538, CO 10/II, p. 261 (« Catechismi nostri editio »).

64. Cf. Lang, « Die Quellen der Institutio von 1536 », p. 105 ; voir aussi la comparaison synoptique du texte : Ganoczy, Le jeune Calvin (note 5), p. 141. L’interprétation du Notre Père s’inspire principalement du Commentaire sur les Évangiles de Bucer de 1530, mais là encore, on trouve des échos de l’interprétation de Luther (cf. Ganoczy, loc. cit., p. 142).

65. OS 1, p. 21-36.

66. Cf. OS 1, p. 223.

67. Voir par exemple la comparaison synoptique de Diehl d’une section de la Traité de la liberté chrétienne avec l’Institutio de Calvin de 1536, dans laquelle Luther, et Calvin à sa suite, expliquent l’usus elenchticus legis comme usage principal de la loi (Diehl, Calvins Auslegung [note 8], p. 157, avec référence à : M. Luther, Von der Freiheit eines Christenmenschen, 1520, WA 7, p. 52,28-53,5 et Calvin, Institutio [1536], OS 1, p. 40). Cf. aussi OS 1, p. 61. Autres parallèles : Ganoczy, Le jeune Calvin (note 5), p. 145-147 ; van’t Spijker, « Influence » (note 5), p. 90s.

68. M. Luther, Von der Freiheit eines Christenmenschen [1520], WA 7, p. (12)20-38 ; édition latine : Epistola Lutheriana ad Leonem Decimum summum pontificem. Tractatus de libertate christiana [1520], WA 7, p. (39)42-73. Dans les Loci communes de Mélanchthon de 1521, les questions correspondantes ne sont pas traitées sous la rubrique « de libertate christiana », mais dans la section « de scandalo » (voir Mélanchthon, Loci communes [note 60], p. 370).

69. Voir surtout M. Luther, De libertate christiana, 1520, WA 7, p. 54,31-55,36. Volker Leppin a montré que Luther s’appuie sur l’héritage mystique avec son thème du « joyeux échange ». Déjà en 1516, à l’époque où il s’est intéressé à la mystique de Johannes Tauler, il a utilisé une image correspondante. Dans une lettre à un frère moine datée du 8 avril 1516, « sprach er davon, dass Christus in den Sündern Wohnung nehme, und beschrieb erstmals den ‚wunderbaren Wechsel‘ zwischen dem gekreuzigten Christus und dem Glaubenden: Christus werde für den Sünder zur Gerechtigkeit, dieser werde für Christus zur Sünde. » (Volker Leppin, Die fremde Reformation. Luthers mystische Wurzeln, München, 2016, p. 35). À propos de la théologie de Tauler, Luther juge qu’il n’a « weder in der lateinischen noch in unserer Sprache eine heilvollere und weitergehend mit dem Evangelium übereinstimmende Theologie gefunden » (M. Luther à Georg Spalatin, 14/12/1516, WA.Briefe 1, p. 79 [no 30,61-63], cité dans Leppin, op. cit., p. 38).

70. Voir Chr. Strohm, « Das Theologieverständnis bei Calvin und in der frühen Reformierten Orthodoxie », Zeitschrift für Theologie und Kirche 98 (2001), p. 310-343, ici : p. 322-326.

71. « Haec est commutatio, qua immensa sua bonitate nobiscum usus est : quod nostram in se paupertatem recipiens, suam ad nos opulentiam transtulerit ; quod suscepta nostra imbecillitate, sua virtute nos confirmaverit […] » (OS 1, p. 137,21-25). Voir Calvin, Institutio [1559] IV,17,2,29s., OS 5, p. 343 (« mirifica commutatio »).

72. Cf. OS 1, p. 11-21. En dehors du traité Von der Freiheit eines Christenmenschen, Luther a développé cette pensée dans le Sermon von dem hochwürdigen Sakrament des heiligen wahren Leichnams Christi de 1519 (voir note 77). Le traité parut en 1524 à Strasbourg dans une traduction latine et a dû être connu de Calvin (voir infra p. ### avec note 79).

73. Pour le contexte de la condamnation de la Sorbonne, voir Frans T. Bos, Luther in het oordeel van de Sorbonne. Een onderzoek naar ontstaan, inhoud en werking van de Determinatio (1521) en naar haar verhouding tot de vroegere veroordelingen van Luther, Amsterdam, Diss. theol. Vrije Universiteit te Amsterdam, 1974 ; cf. Schönau, Lefèvre d’Étaples (note 1), p. 155.

74. Wilhelm Niesel a fait référence au Sermon von dem Sakrament des Leibs und Bluts Christi, widder die Schwarmgeister (WA 19, p. 482-523), publié en 1527 en traduction latine. La lettre de Luther à l’imprimeur Herwagen (WA 19, p. 471-473), parue la même année, pouvait également être prise en considération (cf. Niesel, Abendmahl [note 9], p. 22s).

75. Ibid., p. 23 ; voir aussi Ganoczy, Le jeune Calvin (note 5), p. 143 s. ; van’t Spijker, « Influence » (note 5), p. 91s. ; Selderhuis, « Calvin et Luther » (note 15), p. 430s.

76. Cf. Niesel, Abendmahl [note 9], p. 23, en référence aux OS I, p. 136,42-137,4 ; p. 137,7-11 et WA 6, p. 513-515 ; OS I, p. 137,42-138,1 et WA 6, p. 517,34s. ; voir aussi OS I, p. 154,36-155,15 et WA 6, p. 514,1-10. Luther avait déjà développé l’idée que la messe n’était pas un sacrifice ou une bonne œuvre, mais le testament du Christ, au printemps 1520 dans le Sermon von den guten Werken (WA 6, p. [176]202-276, ici : p. 230,17-232,12). L’interprétation de la Cène comme testament est expliquée en détail dans le Sermon von dem Neuen Testament, das ist von der heiligen Messe de 1520 (WA 6, p. [349]353-378). Niesel a fait remarquer que Calvin, dans la version révisée de l’Institution de 1539 – entièrement dans le sens de Luther – se distingue expressément de l’interprétation de la Cène du Seigneur comme nourriture spirituelle selon Jean 6 (cf. Id., Abendmahl [note 9], p. 36s.], précisément l’interprétation de la Sainte Cène de Zwingli depuis 1525. Cependant, l’hypothèse de Niesel selon laquelle la compréhension de la Cène comme un repas de louange et d’action de grâces serait une conséquence de l’influence de Luther sur Calvin n’est pas convaincante (op. cit., 23, en référence à OS I, p. 145,11s. et WA 6, p. 515).

77. M. Luther, Ein Sermon von dem hochwürdigen Sakrament des heiligen wahren Leichnams Christi und von den Brüderschaften, 1519, WA 2, p. (738)742-758.

78. Cf. OS I, p. 145,33f. et WA 2, p. 748,9-11 ; cf. aussi OS I, p. 137,11-28 et WA 2, p. 743-745. 748 s. ; OS I, p. 145-147 et WA 2, p. 748, 6-26.

79. M. Luther, De sacramento eucharistiae contio dignissima. Item : De fraternitatibus aut sodalitiis, quatenus et quomodo iis utendum, Bâle : Thomas Wolff, 1524.

80. « Vestram libertatem erga Calvinum valde probo ; videtur enim nimium semper Lutherum et Bucerum defendere […] » (J. Haller à H. Bullinger, 28/12/1554, CO 15, p. 362).

81. Cf. J. Calvin, Ultima admonitio ad Westphalum, 1557, CO 9,238.

82. « quando nunc quoque, sicut hactenus, non dissimulanter testamur, eum nos habere pro insigni Christi apostolo, cuius maxime opera et ministerio restituta hoc tempore fuerit evangelii puritas » (J. Calvin, Traité du libre arbitre contre Pighius, 1543, CO 6,250). D’autres références dans Wendel, Calvin (note 9), p. 97-98 avec notes 70 et 71.