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Humanisme monacal et littérature de piété au début du xvie siècle

István MONOK

Universités de Szeged et de Eger

On pourrait remplir toute une bibliothèque avec des études consacrées à la question des causes de l’expansion rapide de la Réforme protestante. Il est hors de doute que les Églises nouvellement fondées – il ne s’agit nullement d’une nouvelle religion – sont devenues populaires en plusieurs régions européennes avec une rapidité étonnante. Au cours des siècles suivants, les Églises protestantes ont réussi d’abord à établir, puis à conserver un réseau institutionnel efficace. On se demande pourquoi les premières manifestations des idées nouvelles sont localisées au long de la rivière Elbe, puis en Europe centrale et septentrionale. Comment expliquer que les pays germaniques christianisés de l’Empire romain, les territoires français qui s’étaient trouvés à l’intérieur du limes et enfin l’Italie font moins bon accueil aux Églises protestantes ? Le livre de Pierre Chaunu, Le temps des Réformes. La crise de la chrétienté, l’éclatement (1250-1550) pose bien ces questions1. Il s’agit d’un manuel digne de la grande tradition francaise : parfois un peu imprécis sur les détails, mais très utile dans sa présentation des grandes tendances culturelles. Dès 1974, il avait synthétisé une quantité incroyable de travaux antérieurs. Ses études de cas présentent toute une série de mouvements religieux insistant sur la nécessité d’une piété personnelle et critiquant l’attitude purement institutionnelle et politique de l’Église. Dominique, Francois d’Assise et Claire ou les fraternités des siècles suivants (confraternitates) ont aperçu la distinction entre l’Église comme institution et l’ecclesia, c’est-à-dire la communauté des fidèles. Dans la suite, John Wyclif ou Jan Hus ont vu dans l’usage de la langue vernaculaire un instrument indispensable contribuant à la cohésion des communautés et à leur fidélité à l’Église. Le monde érudit a également contribué à la critique de l’Église institutionnelle. Les résultats de leurs activités philologiques étaient susceptibles de renforcer l’argumentation des confraternités religieuses et des seigneurs laïcs, engagés dans une lutte d’influence avec l’Église. Nombreux étaient ceux qui cherchaient à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Église la solution au problème de la tension souvent insoutenable qui caractérisait les rapports entre le pape et les communautés des fidèles. La devotio moderna, phénomène imprégné de l’esprit de l’humanisme et de piété individuelle, a connu une grande popularité auprès des fidèles.

Les monographies qui rendent compte de ces processus ne manquent jamais de mentionner les transformations qui surviennent dans la sphère du livre et de la communication avant l’avènement de la Réforme protestante. Elle les mentionnent, certes, mais ne les analysent pas en profondeur. On peut dire qu’un courant de recherche autonome y est consacré. Bien que la plupart des auteurs des ouvrages sur l’histoire de la Réforme protestante réussissent le plus souvent à synthétiser les trois phénomènes en question (les mouvements de piété, la pensée critique humaniste avec l’importance de la rhétorique antiquisante, et l’apparition du livre imprimé avec les transformations socio-économiques qu’elle implique), cette vue globale n’est pas devenue monnaie courante dans les interprétations que proposent les différentes écoles historiques.

Dans la recherche hongroise (ainsi qu’en Europe centrale et orientale), le livre de Pierre Chaunu n’a pas rencontré de large écho, ce qui n’est guère étonnant, vu le statut défavorable de la recherche consacrée à l’histoire de l’Église durant les quatre décennies d’après 1948. L’attention des chercheurs fut surtout dirigée vers le protestantisme que les marxistes ont volontiers qualifié de « pré-Lumieres », d’« agent de sécularisation », voire de « phénomène anti-féodal ». Par contre, les études historiques mettant en valeur les textes conçus à l’intérieur de l’Église et préparant la Réforme protestante sont restées relativement inconnus et peu cités en Hongrie. (Ajoutons entre parenthèses que la question du rôle que les Églises et les ecclésiastiques ont joué dans la préparation des Lumières a également été négligée – à l’exception de quelques publications récentes.) Les commémorations du 500e anniversaire de la Réforme ont produit quelques résultats intéressants et aussi une image peu convaincante de Luther. Selon quelques historiens francais, Luther aurait été « le premier à s’orienter vers une société entièrement laïque » ; tandis que plusieurs commentateurs allemands ont tenté de faire de lui le champion de « l’ouverture d’esprit, de la compréhension et de la tolérance ». Dans cette conception, à mon sens plus que discutable, les humanistes du tournant des xve-xvie siècles – surtout Érasme2 – sont présentés comme les pionniers d’une séparation radicale non seulement d’avec l’Église, mais aussi d’avec la foi chrétienne.

En revanche, à force de soumettre à l’analyse la production scientifique, les études de cas ayant vu le jour dans les dernières décennies dans le domaine de l’histoire du christianisme et de l’histoire du livre me semblent illustrer une réorientation favorable de la recherche : la possibilité d’une vue globale, synthétisant les mouvements de piété, l’humanisme et l’histoire des médias se dessine désormais sur l’horizon. Ainsi, je me propose de tirer des conclusions supplémentaires de quelques études de cas relevant de l’histoire du livre. Mes protagonistes sont des moines et des érudits humanistes, souvent des moines qui sont en même temps humanistes, puis des imprimeurs et quelques membres de la communauté des fidèles (l’ecclesia). Vu que la partie prépondérante de l’ecclesia était composée d’illettrés, comment aborder ceux qui appartenaient à ces quatre groupes de protagonistes ? Quelles étaient leurs thématiques et quel type de communication, donc quels genres littéraires, ont-ils choisis ? Soulignons en outre l’importance de se poser la question suivante : dans quelle mesure un moine peut-il devenir humaniste, et, de l’autre côté, un humaniste peut-il vraiment s’imprégner de piété personnelle ? On cite souvent la sage formulation de Philippe Mélanchthon sur l’importance de la lecture des tragédies de Sophocle afin de devenir pieux3. On connaît également la phrase programmatique de Johann Sturm, « Propositum a nobis est, sapientem atque eloquentem pietatem finem esse studiorum »4 – une véritable confession de foi – selon laquelle l’érudition et la rhétorique ne sont que des instruments pour permettre une expérience profonde et ­personnelle de la piété. Ces deux humanistes réformateurs ont transgressé certaines limites dans leur rapport avec l’Église. Les moines dont il va être ici question ne pouvaient ou ne voulaient pas les suivre dans cette voie.

Le travail scientifique fait partie de l’activité quotidienne des communautés monastiques. Quel que fût l’objectif précis de leur travail assidu (transmission des éléments du patrimoine écrit en préparant des copies manuscrites ou études théologiques), ces moines ont dû envisager les mêmes problemes philologiques que leurs confrères humanistes, laïcs ou appartenant au clergé séculier. Leur activité n’a pas manqué d’exercer une certaine influence sur le milieu extérieur que leur réseau a permis d’atteindre. Prenons comme exemple les maisons bénédictines et cisterciennes, qui s’étaient illustrées par leurs activités de transmission et de création depuis très longtemps (certaines depuis les vie-viie siècles)5. Si Subiaco a abrité le premier atelier d’imprimerie en Italie, ce n’est pas parce que deux imprimeurs allemands itinérants passaient là par hasard, mais parce que les moines de l’abbaye ont fourni en livres, depuis le xe siècle, les communautés monastiques et les évêchés des régions au sud de Rome. Au xve siècle, l’étude philologique des ouvrages de piété fondamentaux n’était pas étrangère à la spiritualité très particulière qui caractérisait Subiaco. Avec une intensité comparable à celle de Nicolas de Cues, ces moines ont travaillé en vue de la refondation sur de nouvelles bases de la chrétienté latine. Dans la dédicace de l’édition d’Apulée (parue à Rome en 1469), adressée au pape Paul II, Giovanni Andrea de Bussi évoque le rôle que le cardinal de Cues a joué dans la formation de la vie spirituelle de l’abbaye6. La création de l’atelier de Subiaco, son déménagement à Rome (1467), ainsi que l’expansion générale de l’imprimerie, ont provoqué des changements mineurs dans le rôle des maisons conventuelles de l’Italie centrale (la transformation majeure aura lieu après la Réforme). Les livres originaires de la maison conventuelle des cisterciens de Casamari sont par exemple repérés en Calabre7. Mais le déménagement de l’imprimerie de Subiaco est plutôt un effet qu’une cause. Au milieu du xve siècle, l’abbaye est devenue l’un des centres majeurs de l’humanisme monacal8, et son influence s’étendait non seulement sur les communautés de son voisinage (comme par exemple Farfa), mais aussi – grâce aux germanophones y vivant – sur les territoires que les italiens appellent ultramontanum9. On ne doit pas oublier non plus que les milieux humanistes des universités – dont les aspirations étaient parallèles à celles des mouvements de réforme monastique – ont exercé une influence plus directe que l’abbaye10. L’efficacité de l’humanisme monacal peut être le mieux saisie en étudiant la biographie de quelques personnages de grande importance, tel Johann von Staupitz (1460-1524), précurseur de la Réforme. Ce prieur augustinien de Tübingen, membre du corps professoral au moment de la fondation de l’université de Wittenberg, devint le confesseur de Luther, qui l’a d’ailleurs suivi à la chaire des études bibliques. Certes, il n’a jamais rejoint les rangs de la Réforme, mais il était sensible aux réponses que Luther a proposées aux problemes théologiques qui se posaient11.

L’un des épisodes – particulierement important de point de vue hongrois – de la réforme bénédictine du xve siècle a eu lieu en Rhénanie centrale (entre Bâle et Mayence/Bingen am Rhein), précisément dans la maison conventuelle de Murbach (en Alsace). Dans les années 1470, l’abbé, un certain Barthélemy d’Andlau a invité un personnage nommé Jacobus de Hungaria (qui, par la suite, rejoindra l’ordre des bénédictins) dans le but d’améliorer le niveau de l’enseignement de l’école abbatiale. Or, Jacobus a proposé à l’abbé de ne pas se contenter de créer une école consacrée aux « trois langues » – latin, grec et hébreu –, il voulait également introduire la langue « sarassine »12. Il convient de souligner que cette proposition a eu lieu à une date qui précède de loin la fondation des collèges trilingues de Rome, de Louvain ou de Paris.

L’importance de l’exemple de Murbach réside dans le fait qu’il s’agit d’une région connue au tournant des xve-xvie siècles pour la survivance des traditions mystiques médiévales, pour la piété individuelle et pour ­l’humanisme rhénan. Il s’agit des traditions représentées par quelques grands personnages archi-connus, tels sainte Hildegarde de Bingen ou Jean Gerson, Johann Gutenberg, Beatus Rhenanus ou Sebastian Brant. L’on peut également mentionner Martin Schongauer et, même si l’on peut considérer qu’il n’est pas de son école, le fameux « maître MS », dont la piété correspond à la spiritualité qui s’exprime dans les retables du Musée Unterlinden de Colmar. Son influence sur les territoires à l’extérieur du limes romain a été quasi directe par l’intermédiaire de Nuremberg et de l’université de Vienne. S’il faut mentionner l’université de Paris parmi les établissements de transmission (quelle étrange formulation !), c’est parce que l’affiliation des personnages comme l’humaniste tchèque Ulrichus Velenus (1495 ? -1531 ?)13 – un imprimeur hussite qui a publié en vernaculaire Érasme, Marsile Ficin, Lucien et Luther – indiquent que les franciscains figurent parmi ceux qui ne pouvaient se soustraire à l’influence de l’humanisme monacal. En réintérprétant de cette manière leur propre tradition, ils ont dans un sens préparé l’ecclesia à la Réforme protestante. L’esprit du Collège de Navarre parisien était à la fois humaniste et monacal, et disons pieux. Les érudits comme Boniface de Ceva (†1517) étaient étroitement associés aux grands humanistes de leur temps, tel Jacques Lefèvre d’Étaples. Pour la recherche hongroise, ses rapports avec János Gosztonyi (†1527), ami de Josse Clichtove, et avec Balázs Várdai (Blasius de Varda) sont d’une importance particulière14.

Retournons un instant en territoire alsacien, pour mettre en valeur la personne de Sebastian Brant : la popularité extraordinaire de son ouvrage principal, La Nef des fous, s’explique par le fait que la critique qu’il adresse à l’Église et à la société de son temps s’enracine dans l’humanisme pieux15. Sans la contribution de l’imprimerie rhénane, cet ouvrage serait également resté inconnu du grand public. Mais l’imprimerie en elle-même n’est pas tout. Il s’agit de la pression d’un nouveau groupe social, celui des imprimeurs. L’expansion du livre illustré et de l’édition en langue vernaculaire tient en grande partie aux intérêts de ce groupe. Il convient de ne pas oublier que la plupart des éditions publiées entre 1490 et 1517 sont en langue vernaculaire. Ce sont les imprimeurs qui ont enfin résolu le problème de la lisibilité des manuscrits médiévaux ou humanistes16. Ils ont conçu de nouveaux caractères, faciles à lire, puis ont introduit des paragraphes dans le texte, celui de la Bible étant divisé désormais en chapitres (subdivisés plus tard en versets). En même temps, il est symptomatique que La Nef des fous de Sebastian Brant – un ouvrage très populaire, plus lu que L’Éloge de la Folie d’Érasme – a exercé une influence nettement moins importante sur la pensée du xvie siècle qu’Érasme et sa philosophie chrétienne. Au cours des siècles suivants, les ouvrages où Érasme décrit la voie qui conduit à la piété individuelle et dans lesquels il exploite l’arsenal philologique de l’humaniste seront copieusement cités par ses confrères. Il est pourtant clair que, sans la contribution des imprimeurs, ni Érasme, ni Luther – dont les ouvrages ont été tirés, entre 1517 et 1520, à 300 000 exemplaires – n’auraient pu susciter un tel écho auprès du public.

Conformément à leurs intérêts matériels ainsi qu’à leurs convictions intellectuelles et éthiques, les imprimeurs ont mis en vedette quelques textes, surtout (mais pas seulement) en vernaculaire. Il s’agit de textes bien vendables dont l’édition n’exige pas d’investissement important. L’Imitatio Christi est un ouvrage plus répandu que la Bible même. Jusqu’en 1800, on lui connaît plus de 5 000 éditions et traductions dans toutes les langues européennes17. Sa popularité au tournant des xve-xvie siècles était telle qu’il y avait dans chaque ordre un moine auquel la paternité du texte pouvait être attribuée. On peut trouver presque 40 noms d’auteurs, appartenant aux ordres majeurs, sur les exemplaires manuscrits. Chacun sait que Thomas a Kempis et Jean Gerson sont les plus connus18, mais il n’est peut-être pas sans intérêt d’évoquer quelques autres attributions possibles : Jean Scot Érigène, le franciscain spirituel Ubertino da Casale, Geert Groote (Gerardus Magnus), l’un des pionniers de la devotio moderna, le dominicain Joannes Nider, le chartreux Ludolphus Saxonus, saint Bernard de Clairvaux, saint Bonaventure19.

Les nouvelles idées qui ont commencé à se répandre grâce à l’invention de l’imprimerie n’étaient pas si nouvelles – c’est la grande efficacité de leur expression et de leur diffusion qui fut sans précédent. Les sphères particulierement affectées furent celles où les communautés monacales et la hiérarchie de l’Église séculière ont tardé à réagir ou à se rapprocher de l’ecclesia des fidèles. Quelques transformations liturgiques importantes et l’adoption d’un nouveau vocabulaire étaient censés contribuer à la conservation de l’autorité institutionnelle de l’Église. Cela requérait l’action de quelques personnages crédibles, ouverts aux réformes, ayant déjà exprimé quelques doutes à l’égard de l’attitude traditionnelle caractérisant le catholicisme de leur temps, mais qui ne voulaient nullement rompre avec la structure institutionnelle de l’Église : bref, les humanistes érudits et pieux. En 2013, un colloque a été organisé à la Bibliothèque de Wolfenbüttel autour de la question : Wie fromm waren die Humanisten ? Les intervenants ont montré que la plupart des personnalités évoquées étaient certainement « fromm », c’est-à-dire pieuses, même si leurs formes de piété présentaient des variations importantes. L’humaniste érudit servait d’exemple aux moines également, puis ces derniers se posaient des questions auxquelles l’humaniste pouvait répondre avec quelque auctoritas.

Par un dernier exemple, je voudrais souligner la collaboration de ­l’humaniste érudit, du moine et de l’imprimeur – une collaboration susceptible d’assurer la fidélité de l’ecclesia à la tradition. L’exemple concret est l’activité éditoriale des chartreux de Cologne dans les 25 ans suivant ­l’entrée en scène de Martin Luther. Il faut admettre que, si le catholicisme de Cologne est ce qu’il est, ce n’est pas grâce aux savants dominicains de l’université locale, mais grâce aux chartreux qui, dans leurs éditions latines et vernaculaires, ont combiné l’humanisme avec leur propre tradition spirituelle. Si l’on examine attentivement les statistiques établies par Gérard Chaix sur la librairie de la ville20, on constate le déclin de la popularité de l’érudition dominicaine et le succès fracassant des éditions produites par les chartreux, de même que par les franciscains (entre 1517 et 1539, de 50 à 60 éditions par an). Il ne s’agit pas seulement d’ouvrages étroitement liés à la pratique quotidienne de la religion, mais aussi de textes dont les auteurs, sans s’engager dans une polémique acerbe avec les idées protestantes de plus en plus répandues, insistent néanmoins sur la fidélité à la tradition catholique. On trouve parmi les auteurs édités saint Augustin, saint Bonaventure, Maître Eckhart, Jan van Ruysbroeck, Denis le Chartreux, ainsi que quelques contemporains, tels que le prieur Johann Eren – qui a collaboré surtout avec l’imprimeur Eucharius Cervicornus – ou Laurentius Surius, le savant chartreux, qui a publié ses ouvrages chez Gerwin Calenius et les héritiers de Johann Quentel.

En guise de conclusion : partout où les prélats humanistes ne se sont pas dérobés aux transformations nécessaires – en consentant à faire quelques changements liturgiques et des modifications dans le droit canon, notamment pour un contrôle du clergé21 – le passage à la Réforme protestante n’a pas eu lieu (ou rarement). Le même phénomène peut s’observer là où certaines communautés, composés de moines humanistes, ont soigné, publié et diffusé les textes majeurs de la piété personnelle, souvent en langue vernaculaire et souvent en nombre très élevé d’exemplaires. Par rapport à ces activités, les innovations des protestants paraissaient moins innovantes ou audacieuses qu’ailleurs. Bien entendu, cela n’eût pas été possible sans ­l’engagement des intellectuels humanistes laïcs et sans les praticiens du nouvel art : les imprimeurs, qui ne perdaient jamais de vue leurs intérêts matériels. Là, où ces conditions n’étaient pas réunies (ou des contraintes de nature politique ont compliqué la situation), la Réforme protestante s’est répandue avec une rapidité étonnante, comme l’illustre l’histoire des territoires situées entre Eisleben et Wittenberg au tournant des xve-xvie siècles22.

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1. Voir la nouvelle édition de 1984 (Bruxelles : Éditions Complexe) : Le temps des Réformes. Histoire religieuse et système de la civilisation, en 2 volumes : 1. La crise de la chrétienté (1250-1550) ; 2. La Réforme protestante.

2. Pierer Monet, Dominique Borne, « Érasme », in René Herbouze (dir.), Les arpenteurs de l’Europe, Arles – Paris : Actes Sud, Culturesfrance, 2008, p. 70-73. – Une autre étude cite la lettre d’Érasme, adressée à Cornelius Aurelius (lettre non datée, mais écrite sans doute autour de 1491), dans laquelle le jeune savant promet de ne plus jamais écrire de poème qui aurait pour sujet autre chose que les sacrements et les saints (Nicolette Mout, « Die sacrae litterae bei den frühen niederländischen Humanisten, Von späten Devotio moderna bis zu Cornelius Aurelius », in Berndt Hamm, Thomas Kaufmann (éd.), Wie fromm waren die Humanisten?, Wiesbaden : Harrassowitz, 2016 (Wolfenbütteler Abhandlungen zur Renaissanceforschung, Bd. 33.), p. 141-157 (voir p. 148, n. 30). Cf. Jean-Claude Margolin, Érasme et la Devotio moderna, Bruxelles : Musée de la Maison d’Érasme, 2007. Une synthèse bien utile : Thomas Kaufmann, « Die gottlosen und die frommen Humanisten im Spiegel der Forschung, Zur Konstruktion ihrer “Religon” », in Wie fromm waren die Humanisten?, op. cit., p. 11-47.

3. « Utiliorem post sacrorum bibliorum lectionem esse nullum quam tragoediarum », cité par Ágnes Ritoók-Szalay, « Warum Melanchthon? Über die Wirkung Melanchthons im ehemaligen Ungarn », in Günter Frank, Martin Treu (éd.), Melanchthon und Europa, 1. Teilband : Skandinavien und Mitteleuropa, Stuttgart, 2001, p. 273-284 ; Ágnes Ritoók-Szalay, « Melanchthon Szophoklész-kollégiuma », Lelkipásztor, 7. szàm. (2004), 259-263.

4. Márta Fata, « Melanchthon oder Sturm? Konkurrierende Schulmodelle bei den Protestanten in Ungarn und Siebenbürgen im 16. Jahrhundert und in den ersten Jahrzehnten des 17. Jahrhunderts », Hungarian Studies, 26 (2012), 2. szàm, 205-231.

5. Voir par exemple Maria Antonietta Orlandi, Cultura e spiritualita a Subiaco nel Medioevo. La produzione libraria sublacense nei secoli X-XIII. Subiaco : Editrice Santa Scolastica, 2007.

6. Cf. Karsten Harries, Nicholas of Cusa On Learned Ignorance, Yale University, 2015, p. 5.

7. Antonio Maria Adorisio, Dinamiche librarie cisterciensi: da Casamari alla Calabria. Origine e dispersione della biblioteca manoscritta dell’abbazia di Casamari, Casamari : Editione Casamari, 1996.

8. Uwe Israel, « Monaci tra Subiaco e Germania : riforma benedittina e umanesimo monastico », in Mario Segatori (éd.), Subiaco la culla della stampa, Atti dei Convegni Abbazia di Santa Scolastica, 2006-2007, Subiaco : Iter Edizioni, 2010, p. 3-18.

9. Kaspar Elm (éd.), Reformbemühungen und Observanzbestrebungen im spätmittelalterlichen Ordenswesen, Berlin : Duncker und Humblot, 1989, (Berliner historische Studien, Bd. 14) ; Ulrich Faust, Franz Quarthal (éd.), Die Reformverbände und Kongregationen der Benediktiner im deutschen Sprachraum, St. Otilien : EOS-Verlag, 1999.

10. Comme par exemple l’influence de l’université de Vienne sur Melk et Kastl : Petrus Becker, « Benediktinische Reformbewegungen im Spätmittelalter : Ansätze, Entwicklungen, Auswirkungen », in Untersuchungenzu Kloster und Stift, éd. Max-Planck-Institut für Geschichte, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1980 (Veröffentlichungen des Max-Planck-Institut für Geschichte, Bd. 68. – Studien zur Germania Sacra, Bd. 14), p. 167-187.

11. Lothar Graf zu Dohna, « Von den Ordensreform zur Reformation: Johann von Staupitz », in Reformbemühungen, op. cit., p. 571-584.

12. István Monok, « Magyarország és a magyarok az elszászi könyvkiadásban, 1482‒1621 (Változások a kiadói politikában – változó országkép) », in Fehér Lovag. Tanulmányok Csernus Sándor 65. Születésnapjára, éd. Làszló Gàlffy, János Sàringer, Szeged : SZTE, 2015, p. 212-230 (spt p. 212-213).

13. Antonie Jan Lamping, Ulrichus Velenus and his treatise agains the papacy, Leiden: Brill, 1975, 19762 ; Bořek Neškudla, « Knihovny a čtenàřskà recepce v období raného humanismu v Čechàch. The Libraries and Reader’s Reception int he Early Humanism Period in Bohemia », Diss. PhD. Univerzita Karlova v Praze, 2014, p. 81-85.

14. János Gosztonyi (†1527) : ecclésiastique membre de la chancellerie royale, il fut le secrétaire de Anne de Foix (1484-1506), reine consort de Bohème ; en mission diplomatique à Paris en 1513-1514 ; à partir de 1524, évêque de Transylvanie. Balázs Várdai fut étudiant à l’Université de Paris de 1515 à 1527, où il édita les œuvres de Bonifacius de Ceva ; de retour en Hongrie, il devint prévôt de Győr (1527-1549).

15. Récemment : Frédéric Barbier, Histoire d’un livre : La Nef des fous (Das Narreschiff) de Sébastien Brant, Paris : Édition des Cendres, 2018.

16. Carla Bozzolo, Dominique Coq, Denis Muzerelle, Ezio Ornato, « Page savante, page vulgaire : Étude comparative de la mise en page des livre en latin et en français écrits ou imprimés en France au xve siècle », in Emmanuèle Baumgartner, Nicole Boulestreau (éd.), La présentation du livre. Actes du colloque de Paris X-Nanterre, 3-5 décembre 1985), Nanterre, 1987, p. 121-133 ; cf. Id., in : La face cachée du livre médiéval, L’histoire du livre vue par Ezio Ornato ses amis et ses collègues, Rome, 1997, Viella (I libri di Viella, 10), p. 509-517 ; Réjean Bergeron, Ezi Ornato, « La lisibilité dans les manuscrits et les imprimés préliminaires d’une recherche », Scrittura e civiltà, 14 (1990), p. 151-198 ; in : La face cachée du livre médiéval, op. cit., p. 521-554.

17. Martine Delaveau, Yann Sordet (éd.), Édition et diffusion de l’Imitation de Jésus-Christ (1470-1800). Études et catalogue collectif des fonds conservés à la bibliothèque Sainte-Geneviève, à la Bibliothèque nationale de France, à la bibliothèque Mazarine, et à la bibliothèque de la Sorbonne, Paris : Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque Mazarine, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 2011 ; Un succès de librairie européen : l’Imitatio Christi (1470-1850). Exposition organisée par la Bibliothèque Mazarine, en collaboration avec la Bibliothèque Sainte-Geneviève et la Bibliothèque nationale de France… 4 avril – 6 juillet 2012. Commissariat et catalogue de Martine Delaveau, Yann Sordet, Paris : Bibliothèque Mazarine – Éditions des Cendres, 2012.

18. Mario Ogliaro, « L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ : une longue controverse », in Édition et diffusion de l’Imitation de Jésus-Christ (1470-1800), op. cit., p. 21-34.

19. Yann Sordet, « Anonyme par défant ou par excès d’auteur ? », in Un succès de librairie européen : l’Imitatio Christi, op. cit., p. 13-18.

20. Gérard Chaix, « Communautés religieuses et production imprimée à Cologne au xvie siècle », in Pierre Aquilon, Henri-Jean Martin (éd.), Le livre dans l’Europe de la Renaissance, Actes du XXVIIIe Colloque international d’Études humanistes de Tours, Paris : Promodis, 1988, p. 93-105.

21. Une excellente étude des modifications infimes dans les livres de droit canon : Michel Reulos, « Les droits savants dans l’édition française du xvie siècle », in Le livre dans l’Europe de la Renaissance, op. cit., p. 323-339.

22. Voir l’exposition organisée en 2015 à Münchausen (Thuringe) : Enno Bünz, Hartmut Kühne (éd.), Alltag und Frömmigkeit am Vorabend der reformation in Mitteldeutschland, Leipzig: Leipziger Universitätsverlag, 2015 (Schriften zur sächsischen Geschichte und Volkskunde, Bd. 50.).